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© SIGEST, 2020

édition digitale
EAN 9782376040408

Valérie BUGAULT
LES RAISONS CACHÉES
DU DÉSORDRE MONDIAL

Analyses de géopolitique économique,


juridique et monétaire

SIGEST

Remerciements
à Le Saker francophone et à Boulevard Voltaire
pour les autorisations de reproduction des articles
parus sur leurs sites

à Jean Rémy
pour l’autorisation de reproduction
des articles cosignés avec Valérie Bugault

Jean Rémy (1950-2019) était un spécialiste des systèmes d’information


bancaire ; ancien banquier international, il avait créé il y a une trentaine
d’années la théorie structurale de la monnaie (publiée en septembre 2018
chez Sigest).

Sommaire
Préface

PANORAMA ÉCONOMIQUE

Géopolitique des paradis fiscaux

Géopolitique de l’optimisation fiscale

Le combat perdu d’avance de la lutte contre l’optimisation fiscale

L’entreprise bancaire, instrument juridique du désordre politique


global

Géopolitique de l’entreprise capitalistique 1/2

Géopolitique de l’entreprise capitalistique 2/2


Géopolitique du concept de propriété privée 1/2

Mises au point techniques sur l’économie

Que peut-on penser de l’appel chinois pour un renouveau du


système fiscal international ?

Géopolitique du libre-échange

Brexit : vraie ou fausse bonne nouvelle ?

Géopolitique du Brexit

LA QUESTION MONÉTAIRE

Géopolitique du système des banques centrales

La disparition des espèces ou la lutte des banquiers contre les


libertés publiques

Les banques internationales contre les États

L’État peut-il résister aux banques ?

La présence d’une banque centrale est-elle compatible avec la


souveraineté étatique ?

Comment et pourquoi le dollar va laisser la place aux DTS comme


monnaie mondiale

De la véritable nature de la monnaie

LA DÉGRADATION DU DROIT

Heurs et malheurs du concept de propriété privée

Géopolitique du concept de propriété privée

Quelques précisions sur les projets de réforme du Code civil


français
Les banques pourront ponctionner directement vos comptes
bancaires !

La France est-elle réellement un « État socialiste » ?

De la justice étatique à la justice des multinationales pour tous…

Les données dématérialisées

Les colonnes infernales de la défaite civilisationnelle

Le libéralisme et ses alternatives pour le XXIe siècle

La civilisation européenne : de la mesure…

LE RENOUVEAU INSTITUTIONNEL

De nouvelles institutions pour un nouveau départ 1/4

De nouvelles institutions pour un nouveau départ 2/4

De nouvelles institutions pour un nouveau départ 3/4

De nouvelles institutions pour un nouveau départ 4/4

Les pièges du débat sur les évolutions historiques de la Res Publica

Préface

Il n’est pas facile, pour un non initié, de comprendre le monde compliqué,


souvent opaque, de la finance, de la banque, de la monnaie, des marchés :
comprendre les règles qui s’appliquent à leur fonctionnement, définir les
interactions entre elles, les influences et les pressions qui s’exercent dans ce
grand jeu dont la finalité n’est autre que la domination d’une économie
mondialisée…

Il n’est pas non plus aisé d’identifier et de dénouer tous les liens qui peuvent
exister entre, d’une part, les politiques étrangères des grands pays de ce
monde et les conflits qui en découlent et d’autre part l’action et l’influence
des grands acteurs de la finance internationale souhaitant contrôler ces
politiques.

Il y a, bien sûr, les cours et discours d’économie ou de géopolitique


« classique », dispensés par des professeurs d’université ou des experts
soumis aux règles du « politiquement correct », qui visent à présenter les
choses sous un jour très technique, pour les faire paraître neutres, nettes,
acceptables par le plus grand nombre.

Valérie Bugault va bien au-delà dans le recueil d’articles présentés dans cet
ouvrage. Elle fait ce qu’une forte majorité de ses confrères n’ose pas faire.
Elle soulève les tapis et présente une vue des choses qu’on a beaucoup de
mal à trouver ailleurs. Elle le fait avec la compétence et les connaissances
que lui confèrent ses titres et son goût de la recherche universitaire, mais
aussi les nombreux échanges de terrain qu’elle entretient avec des experts de
différents pays.

Cet ouvrage devrait susciter l’intérêt des lecteurs pour au moins 5 raisons :
D’abord, son titre et son sous-titre définissent parfaitement le contenu de
l’ouvrage et devraient interpeller tous ceux qui sont passionnés de
géopolitique et d’économie : « Les raisons cachées du désordre mondial ‒
Analyses de géopolitique économique, juridique et monétaire. »

Ensuite, la thèse exposée peut initier et éclairer un débat intéressant, car elle
donne à « la City » de Londres, acteur majeur de la finance internationale, la
responsabilité la plus lourde dans l’organisation de ces manœuvres cachées
et des désordres créés qui, peu ou prou, servent ses intérêts.

En troisième lieu, Valérie Bugault ne se contente pas de dresser des constats


en abordant successivement le panorama économique, la question monétaire
et la dégradation du droit, mais elle va jusqu’à proposer les termes d’un
renouveau institutionnel. Que le lecteur approuve ou non les solutions
présentées, celles-ci peuvent au moins servir de support au débat et nourrir la
réflexion de ceux qui seront peut-être, demain, chargés d’élaborer une
nouvelle constitution.

En quatrième lieu, les conclusions que tire Valérie Bugault, avec une
approche économique, juridique et monétaire, sur la répartition des
responsabilités dans les désordres mondiaux, rejoignent, le plus souvent, les
conclusions obtenues, avec une approche très différente, par des experts du
renseignement non inféodés au « système ».

Enfin, ce livre est original dans sa structure. Il s’agit d’un recueil d’articles
qui peuvent très bien se lire indépendamment les uns des autres. Certes,
chacun de ces articles apporte une pierre à la grande explication des causes
cachées du désordre mondial, mais le lecteur peut choisir, dans le sommaire,
tel ou tel sujet qui l’intéresserait davantage et le lire avant d’autres articles. Il
peut aussi, s’il le souhaite, lire le 4e chapitre consacré au renouveau
institutionnel avant les trois premiers.

N’en doutons pas, les écrits de Valérie Bugault susciteront des réactions, qui
pourront être très agressives, voire violentes, de la part des tenants du
système qui tiennent à conserver les règles et modes de fonctionnement de la
finance internationale dont ils profitent. Le mot bien connu de
« complotisme », visant aujourd’hui à décrédibiliser et à faire taire tous ceux
qui ne partagent pas la vision politiquement correcte de l’oligarchie
dirigeante, pourrait même être utilisé pour qualifier les résultats des travaux
de recherche exposés dans ce livre. Ces réactions ne seront que des
arguments de plus, ajoutant à la crédibilité de Valérie Bugault en montrant
que ses thèses dérangent les partisans du statu quo.

Merci à Valérie Bugault d’avoir pris le risque de nous faire partager ses
convictions et de nous inciter à réagir. Bon courage pour la suite…

Général (2S) Dominique DELAWARDE,


ancien chef du bureau « Situation-Renseignement-Guerre électronique » à
l’état-major interarmées de planification opérationnelle.
PANORAMA ÉCONOMIQUE

Géopolitique des paradis fiscaux

La City de Londres, qui acquiert dès 1319 une autonomie politique, peut être
considérée comme étant historiquement le premier paradis fiscal des temps
modernes. Elle abrite les plus riches commerçants anglais qui ont obtenu
d’Édouard II – souverain faible et/ou corrompu – un statut dérogatoire au
droit public. La City est, depuis cette époque, une ville dans la ville, son
activité financière échappe à la magistrature de l’État britannique tout en
faisant bénéficier l’empire thalassocratique des largesses financières
nécessaires à son propre développement. La City a opéré comme une sorte
de poste de pilotage de l’Empire britannique conférant aux dirigeants
britanniques qui se sont succédé les moyens financiers de développer leur
autorité sur le reste du monde.

Introduction

Le terme de « paradis fiscal » a été évoqué à l’occasion d’un précédent


article consacré à la géopolitique de l’optimisation fiscale, ce qui n’a rien
d’étonnant, car l’existence même de ce concept est indéfectiblement liée au
commerce et aux bénéfices qu’il génère. Toutefois, outre que ce terme
n’avait alors pas été défini, le contexte historique et géopolitique dans lequel
s’inscrivent les paradis fiscaux mérite que l’on s’y attarde un moment.
L’objet du présent texte n’est pas de détailler les législations françaises,
européennes et autres, sur la lutte contre l’évasion fiscale mais de montrer le
rôle et l’évolution des paradis fiscaux dans l’architecture économique et
commerciale globale passée, actuelle et future.

La définition du paradis fiscal varie généralement en fonction des


organismes qui s’y intéressent1. Néanmoins, depuis le G20 de Londres en
2009, la définition donnée par l’OCDE en 20012 fait consensus au niveau
international. Cette définition se concentre sur les quatre critères suivants :
1° l’absence d’impôt, ou la présence d’impôts insignifiants, dans le cas des
paradis fiscaux, et une imposition effective faible ou nulle des revenus
considérés dans le cas des régimes préférentiels ; 2° l’absence d’échange
effectif de renseignements ; 3° le manque de transparence ; 4° l’absence
d’activités substantielles, dans le cas des paradis fiscaux, et les pratiques de
cantonnement dans le cas des régimes fiscaux préférentiels.

D’une façon générale3 les principaux éléments permettant d’identifier un


paradis fiscal sont : un secret bancaire opposable aux États, une fiscalité des
non-résidents particulièrement allégée, voire nulle, une législation
permissive quant à l’opacité des propriétaires des fonds déposés et une
absence d’échange de renseignements fiscaux avec les États tiers.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, les paradis fiscaux occidentaux traditionnels


existaient à la marge, de façon officieuse et n’étaient pas un rouage essentiel
de l’économie. Ce premier type de paradis fiscal était essentiellement
dominé par des États indépendants.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, les principaux banquiers occidentaux


ont mené, via les États-Unis4, leurs États satellites et les organismes
internationaux qu’ils ont institués, une guerre sans merci aux paradis fiscaux
reposant sur les comptes numérotés, permettant une immense concentration
d’argent disponible entre les mains des principaux banquiers de la planète
agissant dans des paradis organisés autour des trusts anonymes.

La différence entre l’avant et l’après-Seconde Guerre mondiale est de taille.


La domination américaine a changé en profondeur à la fois la quantité et la
qualité des paradis fiscaux. En quantité, le nombre d’États indépendants
paradis fiscaux a subi une phénoménale augmentation. En terme qualitatif,
les paradis fiscaux anglo-saxons ont acquis un statut social : ils deviennent
partie intégrante de l’organisation économico-politique globale voulue par
les plus grands capitalistes occidentaux qui contrôlent la Fed, les différentes
banques centrales, la BRI et les institutions financières internationales issues
des accords de Bretton Woods. Ce phénomène a accompagné la fusion des
anciens empires européens, tous peu ou prou ralliés à la méthode de
domination financière anglo-saxonne. Cette domination a permis une
transmutation de la notion même de l’impérialisme : de politique, celui-
ci est devenu financier.

Nous présenterons la genèse et l’historique des paradis fiscaux avant de


décrire leur rôle géopolitique.

I) Genèse et historique des paradis fiscaux

Si l’on remonte au Moyen-Âge, les paradis fiscaux trouvent leur origine


dans la notion de ville franche, qui étaient des villes exonérant les
commerçants de l’impôt seigneurial. Ces villes étaient souvent des villes
portuaires, des lieux de passage des marchandises qui rendaient nécessaire la
présence sur place des commerçants.

La City de Londres, qui acquiert dès 1319 une autonomie politique, peut être
considérée comme étant historiquement le premier paradis fiscal des temps
modernes. Elle abrite les plus riches commerçants anglais qui ont obtenu
d’Édouard II – souverain faible et/ou corrompu – un statut dérogatoire au
droit public. La City est, depuis cette époque, une ville dans la ville, son
activité financière échappe à la magistrature de l’État britannique tout en
faisant bénéficier l’empire thalassocratique des largesses financières
nécessaires à son propre développement. La City a opéré comme une sorte
de poste de pilotage de l’Empire britannique conférant aux dirigeants
britanniques qui se sont succédé les moyens financiers de développer leur
autorité sur le reste du monde.

Dans ce contexte, la relation entre l’État britannique officiel et la City était


apparemment d’ordre symbiotique, le développement de l’un conditionnant
celui de l’autre. Toutefois, dans la mesure où l’apport financier est le moteur
de ce type de développement, la symbiose tend à se transformer en
parasitisme : le pouvoir politique apparent est, en réalité, au service du
pouvoir financier caché, lequel décide ou non d’accorder au premier les
subsides requis. Le pouvoir financier vit et se développe in fine au détriment
du pouvoir politique apparent, distordant ce dernier dans le sens qui lui
convient.

Dans ce type de relation, il apparaît dès l’abord que le pouvoir politique


apparent est illusoire, une simple façade, permettant au pouvoir financier
anonyme de se développer en toute tranquillité. C’est justement cet
anonymat que l’on retrouve au cœur même de la notion de paradis fiscal et,
plus largement, dans l’organisation de l’entreprise de type capitalistique telle
qu’elle s’est développée depuis l’avènement de la révolution industrielle.

Au XXe siècle, l’Empire britannique a cédé la place à son successeur


l’empire américain. Ce dernier s’est développé sur le modèle du premier.
Dès 1913 – date de création de la Fed – les principaux banquiers ont asservi
le pouvoir politique au pouvoir financier ; on retrouve ici la marque de
fabrique de l’Empire britannique, dont le développement s’est fondé sur la
puissance financière de la City.

Dès la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, les plus
grosses entreprises américaines, qui ont dû leur développement aux
principaux banquiers privés européens, ont organisé un système de mise en
concurrence juridique et fiscale des différents États fédérés au moyen de la
liberté de circulation des capitaux et des biens à l’intérieur de l’État fédéral5.
C’est à cette époque que le Delaware et le New Jersey naissent en tant que
paradis fiscaux6 ; ces États ont collecté les capitaux qui échappaient à
l’impôt dû par les entreprises dans leur État d’origine.

Histoire du Delaware : de la ligue hanséatique au NOM

Parmi les nombreux paradis fiscaux, le Delaware sort du lot.

D’une part il est particulièrement important en termes quantitatifs. Le


Réseau pour la justice fiscale classe le Delaware au tout premier rang des
paradis fiscaux au regard de critères combinant le degré d’opacité et le poids
dans l’économie mondiale.

D’autre part, l’histoire du Delaware renvoie à celle de deux États qui ont été
des points d’ancrage de la finance et de la concentration des capitaux : les
Pays-Bas et l’Angleterre. L’État du Delaware a en effet été créé par des
colons néerlandais avant d’être cédé, après trois guerres, à l’Angleterre à la
fin du XVIIe siècle (en 1674).

Une petite digression historique permettra de donner un aperçu du rôle des


Pays-Bas et du Royaume-Uni dans l’évolution du système de l’impérialisme
financier. Au Moyen-Âge, les Pays-Bas sont au cœur de l’élite
commerçante, dite ligue hanséatique. Cette ligue, composée d’associations
de commerçants, a prévalu en Europe à l’époque précédant l’avènement de
l’Empire britannique7, soit du XIIe au XVIIe siècle. La croissance de la
ligue hanséatique a eu lieu dans un monde où colonisation et évangélisation
vont de pair ; elle est liée à la montée de l’ordre des Chevaliers Teutoniques
et au prosélytisme catholique servant de façade aux jeux de pouvoir
mondiaux.

Il est loisible de penser8 que l’élite financière à l’origine de la création et du


développement de la ligue hanséatique s’est, dès le XVIe siècle, peut-être à
la faveur de la politique impériale inaugurée par Oliver Cromwell, transférée
dans les avancées de ce qui deviendra l’Empire britannique, avant de migrer,
de façon institutionnelle à partir de 1913 – date de création de la Fed – dans
l’empire américain.

L’histoire du Delaware apparaît donc intimement liée à l’évolution


géographique des pôles financiers occidentaux. Cet État participe
aujourd’hui, en tant que paradis fiscal, à la centralisation des capitaux, qui
devrait permettre, si rien ne s’y oppose, l’avènement du Nouvel Ordre
Mondial tant attendu par l’élite financière anglo-saxonne9.

Les mouvements ayant affecté la tectonique des paradis fiscaux dans la


seconde moitié du XXe siècle

La généralisation au niveau mondial du concept juridique novateur


d’optimisation fiscale10 ne pouvait se révéler fructueuse pour les acteurs
économiques dominants qu’à trois conditions.

Il fallait premièrement que le principe de liberté de circulation des capitaux


soit préalablement instauré au niveau international : ce fut fait par la création
de l’UE en 1992, qui n’est autre que l’avènement politique de ce principe, et
par la création de l’OMC en 1994 (accords de Marrakech)11.

Il fallait ensuite que l’argent économisé puisse circuler librement de façon


effective ; cette contrainte a entraîné la généralisation de l’utilisation du
trust, qui est un vecteur juridique, pour la circulation des capitaux12. Cette
forme juridique issue du droit anglais a pour double avantage de permettre
une circulation des capitaux dans tous les pays ou places reconnaissant cette
forme juridique tout en offrant, comme le faisaient les comptes numérotés,
l’anonymat aux propriétaires desdits capitaux – les bénéficiaires anonymes
de trusts.

Il fallait enfin que l’argent drainé puisse être collecté et utilisé par les acteurs
économiques dominants : c’est à cet objectif que répondent la propagation et
la soudaine indépendance politique des paradis fiscaux anglo-saxons, qui
échappent à la domination formelle de la Couronne britannique pour devenir
vassaux directs – bien que cachés – des principaux capitalistes qui se sont
approprié les structures étatiques occidentales (USA, États occidentaux et
leurs anciennes colonies).

Les années 1960, 1970 et 1980 ont ainsi vu émerger sur la scène
internationale tout un tas de micro États – devenus subitement indépendants
– dont la souveraineté est aussi artificielle que l’est leur économie,
entièrement fondée sur l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent.

À titre d’illustration, citons par exemple les Îles Caïmans ou la Barbade qui a
acquis en 1966 son indépendance formelle en qualité de Royaume du
Commonwealth. Les Maldives acquièrent en 1965 leur indépendance,
quittant leur statut de protectorat britannique. En 1976, les Seychelles
forment un État indépendant membre du Commonwealth et de la
francophonie. Ancienne colonie britannique Antigua et Barbuda devint
indépendante en 1981 en tant que Royaume du Commonwealth et adhéra
dans la foulée à l’Organisation (régionale) des États de la Caraïbe orientale
(OECO).

Ajoutons Hong Kong et Singapour qui sont formellement indépendants mais


dont l’organisation financière interne reste anglo-saxonne.

La surface globale des paradis fiscaux ainsi augmentée, l’évasion fiscale


globale a pris une ampleur inédite et les répercussions effectives sur les
budgets des États n’ont pas manqué d’apparaître. Les critiques contre les
paradis fiscaux ont ainsi fait leur apparition sur la scène mondiale, ce qui a
rendu nécessaire une lutte contre les paradis fiscaux. Cette lutte, très
médiatisée, a pris une tournure particulière.
Au début du XXIe siècle, une lutte apparente contre les paradis fiscaux

Derrière l’apparent et très médiatisé mouvement de lutte contre les paradis


fiscaux se profile un insidieux mécanisme de domination géopolitique en
faveur des principaux acteurs financiers anglo-saxons.

La méthode de lutte contre les paradis fiscaux est un leurre.

L’OCDE a axé l’essentiel de sa lutte contre les paradis fiscaux sur la notion
d’échange d’informations, auquel les places opaques étaient, par principe,
opposées. L’OCDE a ainsi édicté des listes noires, puis grises, en fonction du
nombre de conventions fiscales d’échange de renseignements passées par les
territoires non coopératifs. Cet organisme faisant consensus international, ses
pays membres ont globalement aligné leur politique de lutte contre les
paradis fiscaux sur ses recommandations.

Les conventions d’assistance administrative mutuelles en matière fiscale –


selon le modèle de l’OCDE13 – sont donc l’arme juridique
internationalement utilisée, de façon préférentielle, pour lutter contre les
paradis fiscaux.

Or, ces conventions n’interdisent pas les formes juridiques autorisant


l’anonymat des propriétaires de capitaux, que les États restent libres
d’accepter sur leurs territoires. L’OCDE se retranche derrière la souveraineté
juridique des États pour s’interdire une quelconque intrusion dans
l’organisation de l’anonymat capitalistique. Ces conventions n’imposent pas
non plus de sanction internationale aux États qui permettent l’anonymat des
propriétaires de capitaux.

Par ailleurs, l’OCDE valide des échanges d’informations entre places


financières obscures ; il suffit donc aux paradis fiscaux de signer entre eux
des conventions d’échange d’informations pour respecter leur devoir
international de lutte contre les paradis fiscaux. Dans ces conditions, les
échanges de renseignements fiscaux (automatiques ou non automatiques)
sont et resteront une illusion de lutte contre les paradis fiscaux14.

Il résulte de la méthode utilisée – l’échange de renseignement fiscal – que la


lutte contre les paradis fiscaux est en réalité une lutte contre les paradis
fiscaux tenus par des établissements bancaires qui échappent au contrôle des
acteurs financiers dominants. Les paradis fiscaux dont l’intégrité restera
protégée sont toutes les places dominées par les établissements bancaires et
financiers liés à la Fed, aux différentes banques centrales occidentales et
affiliées et à la BRI ; ces paradis artificiels fonctionnent au moyen de trusts
anonymes, et non pas de comptes numérotés, et ont pour point commun
d’être contrôlés par les acteurs économiques dominants. Ces paradis sont
juridiquement organisés par les firmes d’audit anglo-saxonnes, les fameuses
« Big Four »15. Ces firmes, très influentes sur la scène internationale, sont
aussi très concentrées16 et fondées ab initio sur des conflits d’intérêts : elles
mélangent allègrement les fonctions d’audit financier et de conseil juridique
et fiscal – ce qui a pour conséquence de leur octroyer une vue d’ensemble du
fonctionnement des entreprises.

En conclusion, le parti pris international, piloté par l’OCDE, de lutter contre


les paradis fiscaux par la signature de conventions d’échange d’informations
fiscales peut être considéré comme une diversion juridico-politique17. Les
listes noires et grises de l’OCDE apparaissent comme une vaste plaisanterie,
pour ne pas dire une escroquerie politico-juridique de grande ampleur.

La lutte contre les paradis fiscaux est en réalité une lutte de l’oligarchie
financière anglo-saxonne contre les paradis sous le contrôle d’États
indépendants dans l’objectif de récupérer leurs avoirs.

Les acteurs financiers dominant l’économie mondiale cachés derrière les


paravents que sont les USA, le FMI, l’UE, la Banque centrale européenne,
l’OCDE et tous leurs pays satellites, ont déclaré une guerre sans merci à tous
les paradis fiscaux18 dont le contrôle leur échappait, au premier rang
desquels sont les paradis fiscaux locaux, fonctionnant avec le système de
comptes numérotés. Dans ce contexte, on comprend que Myret Zaki se soit
émue de ce que les juridictions anglo-saxonnes aient déclaré la guerre à la
Suisse19.

L’UE, le FMI et la banque centrale européenne, autant d’organismes


émanant de l’État profond occidental, c’est-à-dire des acteurs économiques
dominants, ont également déclaré la guerre à Chypre20, attaquant au passage
les avoirs légitimes et illégitimes russes, à l’Autriche21 et au Luxembourg,
pour les avoirs qui n’étaient pas sous leur contrôle22. De nouvelles attaques
ont eu lieu dans le cadre des fameuses révélations offshore leaks23.

Après avoir opposé une certaine résistance, la Suisse a finalement cédé au


principe de l’échange automatique de renseignements, au moins avec les
pays de l’UE24 ; l’Autriche et le Luxembourg n’ont pas même tenté de
résister.

Avant de renoncer – sous la pression internationale de l’échange de


renseignements fiscaux ‒ à ses comptes numérotés, la Suisse avait demandé
un délai permettant à ses acteurs bancaires de se former au système des
trusts. Aujourd’hui, c’est chose faite, les banquiers suisses ont abandonné les
comptes numérotés et se sont organisés, comme les Anglo-saxons, autour
des trusts ; ce qui leur a sans doute permis de sauvegarder une partie de leurs
avoirs financiers. Toutefois, la guerre des trusts sévit aujourd’hui et si les
trusts suisses ne peuvent pas être anonymes, les trusts américains peuvent
conserver l’anonymat du bénéficiaire final25.

La guerre faite aux paradis fiscaux fondés sur des comptes bancaires
numérotés a pour objet essentiel de drainer les capitaux qui y étaient cachés
vers des établissements bancaires tenus par les principaux acteurs
économiques occidentaux – La City, le Delaware, Singapour, Caïmans, etc.

Finalement, dans cette lutte ouverte contre les paradis fiscaux, il y a, comme
dans toute guerre, des perdants, les établissements financiers sous contrôle
d’États autonomes, et des gagnants, les établissements financiers gérés par
l’aristocratie financière anglo-saxonne.

Cette lutte proclamée contre les paradis fiscaux est une parfaite illustration
du stratagème numéro un du Livre des 36 stratagèmes de Sun Zi classé
parmi les stratagèmes des batailles déjà gagnées, qui stipule que « Le grand
jour est une cachette plus sûre que la pénombre. Tout montrer c’est
obscurcir tout ».

Ainsi, les grands déballages médiatiques autant que la proclamation


officielle d’une lutte sans merci contre les paradis fiscaux dissimulent en
réalité l’objectif des acteurs économiques dominants, qui est d’assurer le
financement de leur hégémonie en appauvrissant les États, jusqu’à la
complète disparition de ces derniers de la scène institutionnelle.

II) Le rôle géopolitique des paradis fiscaux : instrument


d’affaiblissement des États

Les paradis fiscaux opèrent un abaissement structurel du rôle politique des


États de deux façons. D’une part, ils permettent aux propriétaires
majoritaires des banques anglo-saxonnes de subvertir les États en
corrompant les hommes politiques. D’autre part, la notion même de paradis
fiscal indépendant est un détournement juridique de la notion d’État.

A – Les États sont des acteurs d’une pièce dont le scénario et les
bénéfices leur échappent

Les principaux actionnaires des banques les plus importantes présentes dans
les paradis fiscaux organisent et bénéficient de la collecte des fonds évadés
ou optimisés – qui vont se réfugier dans les paradis fiscaux. Ils peuvent
ensuite, comme bon leur semble, utiliser ces fonds pour corrompre les
hommes politiques et les organismes, subvertissant ainsi les États qui
auraient des velléités de s’opposer à leur conquête du pouvoir global. Dans
ce contexte, le rôle politique des États est nié, ces derniers sont soumis à la
loi des détenteurs de la finance anglo-saxonne.

La collecte des avoirs financiers par les paradis fiscaux

Les paradis fiscaux servent de refuge – tax heavens en anglais – à des


sommes d’argent considérables. Une partie des sommes collectées est issue
de l’optimisation fiscale – argent légalement soustrait aux États. Une autre
partie des sommes collectées est issue de tous les trafics – trafic de drogue,
trafic d’humains en tout genre – de la prostitution au trafic d’organes – trafic
d’armes…

Autrement dit, les clients des paradis fiscaux sont les grandes entreprises –
multinationales et très grosses PME –, certains particuliers fortunés mais
aussi toutes les mafias, lesquelles sont parfois – souvent ? – liées aux
services de renseignements (une partie d’entre eux) des États eux-mêmes26.
Si les trafics illégaux peuvent être le fait d’individus ou mafias isolés, ce cas
cohabite avec d’importants flux financiers liés aux trafics d’origine étatique,
trafic de drogue27, trafic d’organes28, etc. Il faut également garder à l’esprit
qu’une mafia, pour perdurer, s’appuie nécessairement sur des hommes
politiques influents29, ce qui rend les États au moins partiellement
complices de ces mafias privées.

L’organisation d’un dense maillage de paradis fiscaux permet aux quelques


banques et institutions financières qui y œuvrent de centraliser discrètement
la collecte mondiale des capitaux. Les énormes masses d’argent collectées
dans les paradis fiscaux pourront ensuite, à la faveur d’opérations pour
compte propre, être utilisées par les établissements financiers dépositaires30.

En ce sens, les institutions financières gestionnaires des comptes dans les


paradis fiscaux sont les réelles bénéficiaires des immenses quantités de
liquidités qui y sont déposées31. Ces institutions financières peuvent ensuite
librement – sans aucun contre-pouvoir ou contrôle ‒ utiliser ces fonds pour
corrompre les hommes politiques et les organisations susceptibles de freiner
leurs ardeurs conquérantes.

Par une ironie de l’histoire, les évadés fiscaux cachés dans les paradis
terrestres anglo-saxons jouent, à leur insu, le rôle de simples collecteurs de
capitaux au profit des principaux propriétaires financiers ! En affranchissant
leurs revenus des liens juridiques et fiscaux avec leurs États, ils préparent
leur asservissement à l’empire financier, autrement plus dominateur. Il peut
raisonnablement être anticipé que les évadés fiscaux usagers des paradis
anglo-saxons perdront la libre disposition de leurs capitaux à mesure que
croîtront les besoins de financement de leurs bienfaiteurs. Tel est pris qui
croyait prendre…

Le contrôle des flux financiers internationaux

L’homogénéisation des procédures de collecte des avoirs financiers, par le


biais de trusts, qui a cours dans les paradis fiscaux, facilite la fluidité de la
circulation des fonds. Les paradis fiscaux anglo-saxons sont ainsi des acteurs
prépondérants de la stratégie globale de contrôle des flux financiers
internationaux.
Toutefois, ce contrôle des flux financiers ne serait pas effectif sans la
présence d’organismes chargés de gérer les compensations financières entre
les différents établissements bancaires. Techniquement, ce contrôle des flux
financiers internationaux est assuré par les chambres de compensation32,
souvent situées dans des paradis fiscaux33.

Les flux financiers qui entrent et sortent des paradis fiscaux ne sont
contrôlables, partiellement, que par les opérations de compensation, dites de
clearing34. Malheureusement, ces opérations sont elles-mêmes aux mains de
chambres de compensation gérées par des établissements financiers.

L’État en tant qu’entité juridique de nature politique n’a aucun droit de


regard sur les flux transitant dans les paradis fiscaux, ces derniers sont aux
mains des acteurs économiques dominants réunis au sein d’une sorte de
consortium bancaire.

Dans le monde de la finance, tous les organismes de contrôle, ou présentés


comme tels, sont aux mains des organismes contrôlés ; les propriétaires
majoritaires des principaux établissements financiers, anglo-saxons, sont
ainsi de façon constitutionnelle à la fois juges et parties dans la vaste pièce
de théâtre qu’est la finance mondialisée.

Le paradis fiscal, instrument de subversion et d’affaiblissement des États aux


mains des principaux acteurs économiques et financiers, agit comme un
accélérateur de destruction des États-nations. Mais il y a plus, tous les
prétendus États indépendants vivant de la finance opaque sont, par leur
existence même, une négation juridique internationale du principe politique
qu’est l’État.

B – La notion de places financières autonomes est une nouvelle


atteinte au concept politique d’État

Sur le fond, une place financière, qui ne vit que par et pour la captation des
capitaux – évadés ou optimisés – n’a d’indépendante que l’apparence. Il
s’agit en réalité d’un État tout à fait dépendant des capitaux qui le font vivre.

Ce phénomène d’illusion d’indépendance est, d’une façon générale,


savamment entretenu par les acteurs économiques dominants ; nous l’avons
déjà rencontré à propos de l’indépendance des banques centrales35.

Les paradis fiscaux érigés en États indépendants n’ont ni la nature ni la


fonction de véritables États, nous assistons ici à un dévoiement ouvert de la
notion d’État, une sorte d’abus de droit public international à grande échelle.
Élever des places fortes financières au rang d’États indépendants est une
manipulation juridique de grande ampleur faite par les tenants de l’économie
mondiale36.

Le fait qu’une telle instrumentalisation de la notion d’État ait été possible est
le signe que les États en tant qu’entités politiques autonomes ont perdu la
partie dans le vaste jeu géopolitique mondial. Cette partie a été
incontestablement gagnée par les principaux détenteurs de capitaux
financiers.

Pour finir de convaincre les plus sceptiques que ces nouveaux États,
fantoches, sont voulus et protégés, il suffit de remarquer qu’alors même que
les USA n’hésitent pas à faire, ou à faire faire par l’OTAN ou autres milices
privées – contras –, des guerres (même illégales comme en Irak) à des États
tiers (sous le fallacieux prétexte de leur imposer la démocratie), personne n’a
jamais entendu parler d’une quelconque velléité des USA ou de l’OTAN
d’aller envahir et anéantir les États parasites tels que les îles Vierges
britanniques ou les Caïmans.

Sur la forme, alors que la politique de l’Empire britannique subordonnait ses


conquêtes territoriales de façon directe, la politique de domination
américaine a préféré accorder aux États conquis une apparente autonomie de
gestion tout en les tenant fermement en laisse par le contrôle de leurs flux
financiers. C’est ainsi que la domination américaine a élevé les paradis
fiscaux au rang d’États souverains.

Il faut ici se rappeler que la domination dite américaine, tout comme la


domination dite britannique, n’ont d’américain et de britannique que le
nom : il s’agit en réalité de la domination de la petite caste des acteurs
économiques dominants, lesquels se sont approprié les États en les mettant
sous dépendance monétaire et financière. Le géopolitologue canadien Peter
Scott Dale désigne ces acteurs économiques dominants et leur organisation
interne par le terme d’« État profond ».
Si l’on adopte une vision historique large, l’on constate que les plus grands
détenteurs du capital ont conquis des villes – du temps de la ligue
hanséatique – avant de conquérir des États et des continents ; ils finiront, si
les choses suivent leur pente naturelle, par conquérir le pouvoir politique du
monde entier. Chaque pas en avant de cette conquête politique se fait en
détruisant l’étape antérieure : ainsi, les villes dominées ont laissé la place à
des États dominés, lesquels ont à leur tour cédé la place à des empires
dominés qui finiront eux-mêmes – si personne n’intervient pour arrêter ce
processus – dévorés par le gouvernement mondial.

La méthode de conquête politique pratiquée par cette association de


marchands est de détruire à chaque pas en avant les constructions politiques
antérieures, en nous faisant croire aux avancées de la modernité.

Conclusion

D’un point de vue stratégique, le paradis fiscal est l’élément essentiel qui
solidifie l’édifice monétaro-économique global en permettant l’opacité totale
des propriétaires des capitaux et une sauvegarde de leurs avoirs financiers –
qui échappent à toute imposition. Ils facilitent d’autant le mécanisme de
concentration du capital qui, à son tour, rend possible la subversion des États
et des organisations internationales.

Au-delà des grandes déclarations publiques, l’existence des paradis fiscaux


fait en réalité l’objet d’une sorte de consensus géopolitique ; or ce dernier
paraît fondé sur une appréciation erronée de la situation par les différents
acteurs politiques. Car enfin, les États, qui peuvent d’une façon ou d’une
autre être des usagers des paradis fiscaux, ne contrôlent ni les sommes
globales qui reposent au paradis, ni les flux financiers qui transitent dans ces
places ; ils jouent le simple rôle d’acteurs, voués à disparaître, dans une
pièce de théâtre dont le scénario est écrit par les principaux détenteurs de
capitaux. Les États, qui croient tirer profit de l’existence des paradis fiscaux,
devraient se souvenir que in fine, la plupart des sommes déposées dans les
paradis fiscaux sont en réalité sous la domination d’établissements financiers
anglo-saxons.

Probablement en raison de ce faux consensus, aucun État n’a réellement


entrepris de se donner les moyens d’une lutte effective contre les paradis
artificiels que sont les paradis fiscaux. Les États deviennent de simples pions
dans les mains oligarchiques. Dans ce contexte, les nations sont destinées à
disparaître du champ politique pour laisser la place à des institutions
globales dévouées à l’oligarchie.

Pour terminer sur une note positive, les paradis fiscaux sont devenus, à leur
corps défendant, le talon d’Achille de la mondialisation. Ces paradis,
nouvellement constitués en réseau, ont pour caractéristique d’agir au moyen
de trusts anonymes. Il suffirait que des États dignes de ce nom suppriment la
validité des transactions juridiques avec les trusts anonymes – et, d’une
façon générale, avec tout type de structures juridiques permettant l’opacité
pour les propriétaires de capitaux – pour tarir une grande partie du drainage
des fonds vers les paradis fiscaux anglo-saxons.

Ceci porterait un coup – peut-être décisif – à l’oligarchie à la manœuvre, en


supprimant une partie de ses revenus disponibles. Dans le même temps, une
telle action permettrait aux États de récupérer une partie substantielle des
revenus qui leur échappent. Les États, retrouvant ainsi des marges de
manœuvre budgétaire de façon indolore pour leurs ressortissants, pourraient
même en profiter pour baisser leurs taux d’imposition ; ce qui permettrait
d’attirer naturellement de nouveaux capitaux et donnerait une nouvelle
ardeur à l’activité économique située sur leurs territoires.

21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-47-
geopolitique-des-paradis-fiscaux

Notes
1 Pour la France : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/5334-PGP.html
2 Cf. Le rapport de l’OCDE de février 2001 :
http://www.google.fr/url?sa=t&rc-
t=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0ahUKEwi0jMG767DLAhX-
HiRoKHQrJD4MQFggdMAA&url=http%3A%2F%2Fwww.oecd.org%2Ffr
%2Fctp%2Fdommageables%2F2664477.pdf&usg=AFQjCNEgHuKY-Cf-
d2PHYDGwZyJHDISrMLA&sig2=eumSKiUFMqN2a_qJX8G7nA
3 http://www.stopparadisfiscaux.fr/les-pfj-c-est-quoi/les-paradis-
fiscaux/article/definition-et-caracteristiques-des
4 L’emploi ci-dessous du terme États-Unis doit être précisé en ce que le
terme d’État est ici dénaturé, dans sa nature et sa fonction, depuis que –
1913, création de la Fed – les institutions dudit État sont abusivement
utilisées pour la défense d’intérêts privés ; l’utilisation du terme État relevant
dès lors d’une sorte d’abus de droit constitutionnel.
5 Lire à cet égard nos articles précédents « Géopolitique du libre-échange et
Géopolitique de l’optimisation fiscale ».
6 Voir : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1902.asp ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradis_fiscal
7 L’Empire britannique a été établi progressivement, de la fin du XVIe siècle
jusqu’à son apogée au début du XXe siècle :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_britannique
8 N’étant pas historienne, nous laissons aux historiens la tâche de démêler
l’historique du cheminement du grand capital durant le second millénaire
après Jésus Christ.
9 Cf. http://vigiinfos.canalblog.com/archives/2012/11/05/23247925.html
10 Voir « Géopolitique de l’optimisation fiscale », ci-dessous, p. 24
11 Voir notre article précédent sur la « Géopolitique du libre-échange », p.
117.
12 Voir ci-après « Géopolitique de l’entreprise, les caractères actuels de
l’entreprise ».
13 Cf. http://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-
fiscaux/36667338.pdf
14 Cf. http://www.stopparadisfiscaux.fr/qui-sommes-nous/plateformes-
regionales-43/article/identification-du-beneficiaire
15 Ernst & Young, KPMG, PricewaterhouseCoopers, Deloitte Touche
Tohmatsu.
16 La situation oligopolistique est une caractéristique de la concentration du
capital.
17 Sur la mise en perspective du rôle géopolitique délétère de l’OCDE,
« Géopolitique de l’optimisation fiscale », p.24.
18 Cf. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/05/11/97002-
20130511FILWWW00329-evasion-fiscale-vaste-enquete-ouverte.php
19 http://www.abroad-fiduciaire.com/fr/attualita/secret-bancaire/102-secret-
bancaire-les-anglos-saxons-contre-la-suisse
20 http://russeurope.hypotheses.org/1077
21 http://www.romandie.com/news/n/_Bruxelles_juge_inacceptable_que_l_
Autriche_s_accroche_a_son_secret_bancaire_RP_080420131554-18-
343649.asp
22 http://www.lematin.ch/economie/suisse-luxembourg-sacrifie-secret-
bancaire/story/23680527 ; et http://www.tdg.ch/economie/suisse-
luxembourg-sacrifie-secret-bancaire/contenu-2/secret-bancaire/s.html
23 Cf. http://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2013/04/04/offshore-
leaks-les-details-du-projet_3153470_4862750.html ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Offshore_Leaks
24 https://www.sif.admin.ch/sif/fr/home/themen/internationale-
steuerpolitik/automatischer-informationsaustausch.html
25 Cf. http://www.bilan.ch/argent-finances-plus-de-redaction/trusts-
americains-resteront-opaques
26 Voir à cet égard Les armées secrètes de l’OTAN, Daniele Ganser, éditions
Demi Lune, collection Résistances, 2012.
27 Voir en particulier Peter Scott Dale, La machine de guerre américaine,
éditions Demi Lune collection Résistances pour des applications précises,
Trafic de drogue et CIA :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Implication_de_la_CIA_dans_le_trafic_de_dro
gue ; en Afghanistan, implication de l’OTAN dans le trafic de drogue :
http://www.voltairenet.org/article167734.html
28 Voir l’exemple du Kosovo : http://www.lepoint.fr/monde/les-dirigeants-
du-kosovo-soupconnes-de-purification-ethnique-et-trafic-d-organes-29-07-
2014-1850053_24.php
29 Pour une illustration concernant la loge P2 :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Propaganda_Due
30 Sur la présence des banques dans les paradis fiscaux : cf.
http://lesmoutonsenrages.fr/2016/03/03/non-ce-nest-pas-une-veritable-crise-
mais-un-colossal-systeme-de-detournement-de-capitaux
31 Cf. http://www.voltairenet.org/mot266.html?lang=fr
32 http://www.senat.fr/rap/r13-087-2/r13-087-229.html ;
http://www.paradisfj.info/spip.php?rubrique24 ; voir aussi, pour un descriptif
de leur fonction http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/06/03/la-
chambre-de-compensation-la-cle-de-l-amendebnp_4430185_4355770.html
33 Voir par exemple Clearstream au Luxembourg.
34 Le clearing est un procédé permettant de centraliser et d’organiser les
opérations de compensation en vue de la liquidation des créances et des
dettes entre banques ou entre pays.
35 Voir notre article sur la géopolitique du système des banques centrales sur
geopolitica.ru
36 Pour une cartographie des paradis fiscaux, voir :
http://www.france24.com/static/infographies/carte-paradis-fiscaux/paradis-
fiscaux.html?keepThis=true&TB_iframe=-true&height=720&width=986

Géopolitique de l’optimisation fiscale

La technique dite d’optimisation fiscale est la conséquence juridique de la


généralisation du principe de libre-échange1. Le libre-échange peut se
définir en quatre mots : la suppression des frontières. L’optimisation fiscale
consiste, pour les entreprises, à localiser leur bénéfice dans les places les
moins fiscalisées. L’optimisation fait perdre aux États, légalement et
mécaniquement, une partie substantielle de leurs ressources budgétaires.

Le contexte dans lequel s’inscrit l’optimisation fiscale

Le rapport de force entre d’une part les États et d’autre part les entreprises
multinationales a été fondamentalement modifié par la généralisation du
principe de libre-échange et de l’optimisation fiscale qui lui fait cortège. Au
point de changer, de façon fondamentale, la conception du rôle de
l’administration fiscale : de père Fouettard, celle-ci est devenue2, à coup
d’instructions et autres recommandations en ce sens, un correspondant des
entreprises chargé de négocier dans le cadre des rescrits fiscaux3. Les
administrations fiscales deviennent des organismes consensuels cherchant
des arrangements acceptables avec les entreprises. Tantôt il s’agit de
négocier d’un commun accord avec les entreprises le schéma général de
leurs prix de transfert (facturation intra-groupe) – en conformité avec des
lignes directrices édictées au niveau européen dans le cadre des réunions
dites Ecofin, application du soft power cher aux Anglo-Saxons –, tantôt il
s’agit de négocier avec elles certains avantages en contrepartie de leur
implantation à tel ou tel endroit, etc.

Tout le monde a entendu parler du prétendu scandale des accords fiscaux de


M. Juncker4. Les citoyens européens se sont émus de l’importance
quantitative et qualitative des avantages octroyés par le Luxembourg aux
multinationales et de l’absence de transparence avec les autres États de
l’Union européenne. Ce que les gens savent moins c’est que la pratique des
accords fiscaux est une pratique générale au sein des pays de l’OCDE. En
particulier, tous les États européens, et la France ne fait évidemment pas
exception, pratiquent, à des degrés divers, ce genre de négociations fiscales
avec les multinationales et les grosses PME. Ce jeu s’impose aux États qui
veulent survivre à la concurrence mondiale organisée par le libre-échange
qui met État et multinationale sur un pied d’égalité institutionnel. Cette
pratique, perverse pour les budgets des États, démontre la faiblesse
constitutive de ces derniers face aux multinationales. Cette faiblesse est
organisée de telle sorte que ce sont les États eux-mêmes qui sont amenés à
gérer leur propre sabordement en entrant dans le jeu mondial de la moins-
disance fiscale.

Insistons sur le point suivant : les règles du jeu du processus conduisant au


sabordement des États ont été organisées et acceptées par les plus hautes
instances politiques étatiques. La responsabilité de l’apparition des règles du
libre-échange international incombe entièrement aux hommes politiques des
États qui ont accepté de signer les traités comme les accords du GATT, de
l’OMC, de l’OCDE, de l’Union Européenne… Ces traités une fois signés,
leurs règles – aussi autodestructrices soient-elles – se sont ensuite imposées
aux différents appareils d’État. Les fonctionnaires n’ont pas d’autre choix
que de mettre en œuvre, puis de faire appliquer sur le territoire de leur État,
les accords internationaux signés par les hommes politiques en charge.
Certains chefs d’État ont signé ces accords sans en comprendre réellement
les enjeux juridiques de nature géostratégique, d’autres ont pu les signer en
étant acquis à la cause oligarchique, d’autres encore sous la menace…
Dans ce contexte, s’agissant d’optimisation fiscale, un certain discours
public empreint de fatalisme économique fait donc face à une réalité qui
relève d’un rapport de force géopolitique. D’un côté nous avons les
jérémiades étatiques et les discours qui s’ingénient à prétendre possible une
lutte contre la perte de rentrées fiscales des États liées à la notion
d’optimisation ; discours étayés par certains redressements fiscaux
présumés5. De l’autre côté, il existe des raisons d’ordre international,
géostratégique et géopolitique, qui suppriment aux États occidentaux, mais
plus généralement aux pays de l’OCDE et bientôt au monde entier, la
possibilité de lutter de manière effective – et non seulement oratoire – contre
l’optimisation fiscale. Précisons que le terme optimisation ne vaut que du
point de vue de l’entreprise, car du point de vue des États, il s’agirait plutôt
d’évasion fiscale.

L’optimisation fiscale, émanation technique du libre-échange, est une pièce


majeure du nouvel agencement géopolitique international. Cette organisation
en cours d’élaboration tend à faire perdre aux États leur prééminence
politique afin de les mettre au service des acteurs économiques dominants. Il
s’agit d’une stratégie de prédation du fait politique par le fait économique
dans l’objectif d’une prise de pouvoir politique globale.

Nous analyserons l’historique de l’optimisation fiscale (I) avant de


considérer son fonctionnement (II) et le détournement de la notion d’État qui
en résulte (III).

I. CONTEXTE HISTORIQUE DE L’OPTIMISATION FISCALE

L’optimisation fiscale a été consciencieusement organisée par les grands


argentiers du monde occidental dès le début du XXe siècle. Elle s’est ensuite
généralisée au fur et à mesure que ces mêmes individus imposaient les règles
du commerce international au monde entier.

Ce sont les propriétaires des grandes entreprises américaines (dans les


domaines pétroliers, du rail, etc.) qui, au début du XXe siècle, et à la faveur
de l’organisation des USA en fédération, avaient pris l’habitude de localiser
les bénéfices de leurs lucratives activités dans les États qui étaient
fiscalement les moins exigeants. Les États fédérés étaient ainsi mis en
concurrence juridique et fiscale les uns avec les autres. Les collectivités
publiques s’étaient alors, en retour, organisées pour lutter en tentant
d’encadrer ces pratiques prédatrices, faisant naître les prix de transfert.

Il faut rappeler que les grands établissements financiers – Rothschild et


consorts – avaient favorisé l’émergence de ces firmes – de type
monopolistique – en finançant sans limites leurs activités, permettant ainsi
l’avènement d’un nombre réduit de grandes entreprises, devenues groupes
économiques, détenues par un nombre restreint d’individus, tels les
Rockefeller. Ces grands capitalistes ont parallèlement réussi à prendre le
contrôle monétaire, dès 1913 avec la création de la Réserve Fédérale6, puis
de la politique des États-Unis d’Amérique.

Les USA ayant été les grands vainqueurs financiers de la Seconde Guerre
mondiale, les capitalistes qui détenaient concrètement cet État ont alors
entrepris de généraliser au niveau mondial les recettes prédatrices qui leur
avaient si bien réussi en interne. C’est ainsi que sont nés, en 1947, les
accords du GATT et l’OECE issue du plan Marshall7 ; l’OECE fut
transformée et élargie en 1961, sa vocation devenant mondiale, en OCDE.

Les efforts de l’oligarchie occidentale ont été définitivement couronnés de


succès en 1994 par l’arrivée, sur la scène internationale, de l’OMC, qui
impose le libre-échange à tous ses membres. L’OMC a généré la signature de
multiples traités de libre-échange un peu partout dans le monde ; bien que
l’ALENA n’ait pas attendu la signature de l’OMC pour entrer en vigueur
quelques semaines plus tôt.

Les institutions de l’Union européenne organisées par des Traités successifs


(1957, 1992, 2007) dont le pilier fondateur est le libre-échange s’analysent
en une consolidation géopolitique de l’entreprise de domination des États par
les multinationales (sur ce sujet, lire mon article sur la géopolitique du libre-
échange). Forts de leur expérience américaine réussie et dans l’objectif de
renforcer leur position stratégique dans leur ambition de conquête du monde,
les grands argentiers ont créé l’UE comme bras armé régional de leurs
intérêts. L’Union européenne opère comme un mur de consolidation de
l’édifice international consistant à reléguer les États au rang de reliques.

En conclusion, l’optimisation fiscale est indissociable du libre-échange qui,


en organisant ses propres conditions d’existence, favorise en retour les
possibilités d’optimisation : le scandale Juncker en est la parfaite illustration.

II. FONCTIONNEMENT DE L’OPTIMISATION FISCALE

La conjonction du commerce intra-groupe et des principes de liberté de


circulation des capitaux, des biens et des personnes permet une localisation
judicieuse des activités au sein des groupes constitués de sociétés variées,
autant par leur nombre que par leur forme.

Concrètement, les actionnaires majoritaires d’un groupe économique


décident de localiser la société portant la valeur juridique et économique –
celle qui détient la marque ou le brevet par exemple – dans un État où la
fiscalité générale, ou seulement celle afférente aux marques et brevets, est
favorable ; cet État n’étant pas nécessairement un paradis fiscal au sens
strict. Par exemple, la législation française a longtemps été très favorable à
l’activité de recherche et de développement en permettant la déduction des
frais de recherches réalisés à l’étranger. De ce fait, la France, considérée
comme un paradis pour cette activité particulière, attirait volontiers la
localisation de centres de recherches des différents groupes.

Notons que dans un monde digital où les actifs sont de plus en plus
dématérialisés (marques, brevets, etc.), il devient de plus en plus aisé, pour
les propriétaires de groupes de sociétés, de localiser la valeur dans des
endroits fiscalement accueillants et d’organiser le groupe en entreprises
spécialisées par tâches. L’exemple d’Amazon est à cet égard très explicite.
Ce groupe centralise sur une société luxembourgeoise en commandite simple
la valeur de ses actifs technologiques (sites web, systèmes d’information,
etc.). L’activité de commercialisation (vente en ligne) des produits Amazon
est quant à elle centralisée sur une autre société, holding de type commercial
(SARL), luxembourgeoise. Toutes les autres sociétés européennes d’Amazon
sont des filiales qui fournissent à la SARL luxembourgeoise un service de
logistique et d’expédition (distribution). La SARL luxembourgeoise paie
d’une part les frais d’utilisation des actifs technologiques à la société en
commandite simple luxembourgeoise, et d’autre part les frais de distribution
aux différentes filiales européennes, vidant ainsi de sa substance la majeure
partie de son chiffre d’affaires.
Du point de vue des entreprises, la localisation judicieuse des activités est
considérée par les agents économiques comme réalisant une bonne gestion,
car elle leur permet de choisir la localisation d’une activité en fonction du
lieu qui offre le moins de pression juridique, sociale, réglementaire ou le
plus d’avantages fiscaux sur cette activité particulière. La localisation
judicieuse des activités permet aux entreprises d’un même groupe de réaliser
de substantielles économies d’impôts parce que celles-ci sont légalement
autorisées à commercer entre elles.

La pratique du commerce intra-groupe, qui fait d’une entité du groupe une


cliente d’une autre entité du même groupe, est une pratique décisive et
essentielle dans le concept d’optimisation fiscale. Cette liberté du commerce
intra-groupe, actée par les États, est cependant perçue par eux comme un
danger. C’est la raison pour laquelle ces derniers ont réagi en tentant de
contrôler ces flux internationaux intra-groupe par la pratique dite des prix de
transfert.

Les prix de transfert sont les prix de facturation – dite intra-groupe –


pratiqués entre elles à l’international par des entreprises appartenant à un
même groupe. Les administrations fiscales des États cherchent à contrôler la
juste évaluation de la tarification d’un service ou d’un bien fourni à
l’international entre sociétés d’un même groupe. La détermination de ces
prix est, par essence, particulièrement difficile et sujette à caution. D’une
part le pouvoir propre de négociation de chaque entité juridique d’un même
groupe n’existe que dans la mesure restreinte de l’intérêt des actionnaires
majoritaires du groupe. L’absence de réelle autonomie décisionnelle au
niveau économique de chaque entreprise va de ce fait directement à
l’encontre de son autonomie juridique apparente. D’autre part les prix
objectifs qui servent d’étalonnage aux prix de transfert, c’est-à-dire ceux
pratiqués en dehors du groupe par des entreprises indépendantes, sur le
marché en question – s’il existe – peuvent-être eux-mêmes faussés par
l’existence du groupe si ce dernier est, sur le marché en question, dans une
situation oligopolistique – ce qui n’est pas rare. La détermination du prix
intra-groupe est fondamentale, car c’est à travers lui que les bénéfices sont
transférés d’une société du groupe à une autre. Dans le cas d’Amazon,
l’évaluation de la redevance afférente aux services technologiques permet la
localisation de l’essentiel du bénéfice dans la société en commandite simple
qui porte les actifs technologiques, alors que l’essentiel de l’activité est
généré par les filiales de commercialisation situées dans chaque pays.

Du point de vue des États, la pratique de l’optimisation fiscale a un effet


immédiat : elle génère mécaniquement une course à la moins-disance fiscale.

Les États se voient contraints de proposer aux entreprises toutes sortes de


cadeaux juridiques et fiscaux afin de conserver ou d’accueillir sur leurs
territoires des entreprises qui feront entrer des prélèvements obligatoires –
dont le rôle est précisément de faire fonctionner ces États. Les États sont
ainsi mis en concurrence les uns avec les autres sur le montant des cadeaux
proposés. C’est ainsi que les États les moins exigeants en matière d’impôts
remportent la mise de l’installation des entreprises sur leurs territoires. Le
jeu fonctionne tant et si bien que les États se voient, de façon structurelle,
contraints de réduire leur propre possibilité de financement pour servir
l’intérêt des entreprises, c’est-à-dire l’intérêt privé des propriétaires
majoritaires de ces dernières.

La pratique de l’optimisation fiscale a également un effet secondaire : elle


pousse les États à se spécialiser dans certains types d’activité, pour laquelle
ils souhaitent être compétitifs. L’exercice effectif d’autres types d’activités
se trouve juridiquement et fiscalement découragé. Les États sont ainsi
poussés à se priver, volontairement, du savoir-faire et des actifs afférents aux
activités sacrifiées. Nous assistons ici à une sorte de fordisme appliqué aux
États. Si la motivation des États est la survie économique à court terme dans
un environnement ultra-concurrentiel, les effets de ce système sont
invariablement et mécaniquement, sur le moyen et long terme, un
appauvrissement général des États, tant en matière économique qu’en
matière de savoir-faire.

De l’optimisation fiscale aux paradis fiscaux

L’exposé du fonctionnement de l’optimisation fiscale rend nécessaire une


brève analyse des interactions entre optimisation et paradis fiscaux. Ces
derniers ne sont pas seulement des places qui imposent un bénéfice mais
aussi et surtout des places qui permettent de déplacer le bénéfice dans un
endroit où les propriétaires anonymes d’une entreprise ne seront pas
imposés. Pour reprendre l’exemple d’Amazon, la société qui récupère
l’essentiel du bénéfice du groupe en Europe ne paie pas d’impôt au
Luxembourg, car, particularité juridique de la société en commandite simple
luxembourgeoise, l’impôt est payé dans le pays de résidence des
commanditaires, en l’occurrence trois sociétés américaines immatriculées au
Delaware, paradis fiscal américain.

L’utilisation des paradis fiscaux opère comme un élément accélérateur de la


domination des multinationales sur les États en fluidifiant les flux financiers
et en procurant un refuge fiscal aux bénéfices générés par l’optimisation.

III. CONSÉQUENCE DE L’OPTIMISATION FISCALE : UN


DÉTOURNEMENT LÉGAL DE LA NOTION D’ÉTAT

Nous avons vu que le processus qui porte le nom d’optimisation fiscale est
une conséquence du principe de libre-échange, qui se matérialise
juridiquement par la liberté de circulation des capitaux, des biens et des
personnes.

L’avènement de ces principes au niveau mondial a permis l’émergence de


l’entreprise comme acteur institutionnel de droit international ; mettant État
et multinationale – c’est-à-dire groupe économique – en position d’égalité
statutaire.

L’optimisation fiscale intervient pour organiser et structurer juridiquement le


principe général de libre-échange. Elle place les États en position de devoir
attirer le chaland, c’est-à-dire en position d’infériorité économique par
rapport aux multinationales qui pratiquent une sorte de chantage à
l’installation. Concrètement, les États sont ravalés à la position de simples
agents économiques contraints de marchander leur pain quotidien auprès des
multinationales. Nous assistons ici à un détournement de la nature juridique
de l’État.

Un pas plus loin, l’État est, par le jeu combiné du libre-échange et de


l’optimisation fiscale, ravalé au rang de simple agent économique au service
exclusif des acteurs économiques dominants. En réduisant volontairement
leurs propres possibilités de fonctionnement – puisqu’il s’agit pour eux de
réduire d’abord leurs prétentions fiscales sur les entreprises ‒ les États sont
mis, de façon structurelle, dans la situation de devoir rendre service aux
principaux propriétaires des groupes économiques. L’optimisation fiscale
réalise ici un détournement de la fonction de l’État, qui n’est plus de rendre
service aux gens qui vivent sur son territoire, mais de favoriser les
propriétaires de capitaux des très grandes entreprises, générant du même
coup un tarissement spontané des moyens financiers étatiques. Plus de
cadeaux fiscaux aux entreprises signifie en effet, de façon mécanique, moins
de rentrées en termes de prélèvements obligatoires (impôts et charges
sociales). Ce qui a pour effet direct une disparition des moyens d’action de
l’État pour améliorer le bien commun, pour financer, par exemple, des
infrastructures utiles à tous, ou encore pour redistribuer une partie de la
richesse produite de façon à donner aux plus démunis, individus ou
collectivités publiques, la possibilité d’œuvrer également à l’amélioration du
bien commun.

L’ordre oligarchique international ainsi conçu tend à assurer la prééminence


statutaire des groupes économiques sur les États. L’OCDE joue, dans ce
nouvel ordre mondial, un rôle essentiel.

Le rôle prépondérant de l’OCDE dans l’hégémonie mondiale des


groupes économiques

Dans l’organisation internationale du libre-échange et de l’optimisation


fiscale qui en découle, le rôle de l’OCDE est primordial ; sous couvert
d’harmonisation, de promotion du développement économique et de
proposition de réglementations – en particulier par la mise à disposition des
États de modèles de conventions internationales – cet organisme, appliquant
le principe de soft law, met en réalité tout en œuvre pour permettre aux
entreprises d’asseoir leur position dominante face aux États.

Par exemple, sous prétexte de limiter et de supprimer les situations de


double imposition des entreprises, l’OCDE cristallise la possibilité légale
pour les entreprises à implantations multiples de faire échapper des pans
entiers d’activité à l’impôt dû dans un pays en les localisant dans des pays à
fiscalité moins contraignante – qui ne sont pas nécessairement des paradis
fiscaux.

Si l’OCDE prétend lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale, c’est


essentiellement pour ne pas indisposer à son égard des États de plus en plus
réticents face à la généralisation de l’évasion fiscale au moyen de
l’utilisation des paradis ; le tour de passe-passe, purement rhétorique,
consiste à prétendre vouloir agir pour permettre aux États de collecter
effectivement l’impôt dû. L’OCDE propose en définitive de limiter les cas
les plus extrêmes, c’est-à-dire les possibilités de société hybrides – double
nationalité dans un pays particulier et dans un paradis fiscal – ainsi que
l’utilisation de coquilles vides8 ; cet organisme se félicitant dans le même
temps des bas taux d’imposition, lesquels sont générés par la moins-disance
fiscale. L’OCDE ne propose évidemment pas de supprimer la liberté de
circulation des capitaux, des biens et des services, cause primaire de
l’existence de la technique d’optimisation fiscale.

Par l’harmonisation et le modèle de développement économique que


l’OCDE met à la disposition des entreprises et des États, cet organisme
impose en réalité la prédominance institutionnelle des entreprises sur les
États.

La pratique à l’échelle mondiale de l’optimisation fiscale réalise en réalité


un détournement juridique de la notion d’État, à la fois dans sa nature et
dans sa fonction juridique. Pour remettre les choses à leur bonne place, il
suffit de se souvenir que la fonction juridique d’un État n’est pas de nature
strictement économique, comme l’est celle d’une entreprise, mais de nature
politique : l’État est une entité issue de la collectivité de ses habitants,
chargée de réguler la vie en commun des habitants vivant sur son territoire.

Conclusion

L’appauvrissement financier des États qui résulte de l’optimisation fiscale


entraîne un appauvrissement moral de ces derniers. En effet, pour faire face
au financement de leur différents services publics traditionnels, les États sont
naturellement contraints d’augmenter la pression fiscale et sociale – en
termes d’assiette, de taux et de contrôle – sur les petits contribuables,
entreprises ou particuliers, qui ne peuvent pas délocaliser leurs revenus ; ce
qui génère, en retour, une augmentation légitime de la grogne sociale.

Les États perdent en conséquence non seulement des facultés de


financement, mais également, ce qui est sans doute encore plus grave, leur
légitimité populaire, c’est-à-dire leur droit moral d’exister.
Par le biais de ce dégât collatéral du libre-échange, les petits contribuables –
entreprises ou particuliers –, réelles victimes du système en place,
deviennent des auxiliaires objectifs des projets oligarchiques de destruction
du concept d’État.

Les groupes économiques qui maîtrisent, par la mise en place de différents


organismes internationaux, les règles du jeu institutionnelles, disposent des
États comme de pions sur l’échiquier des institutions internationales. Le
libre-échange et l’optimisation fiscale opèrent une réelle prise de pouvoir
politique des propriétaires majoritaires des multinationales – groupes
économiques – sur les États.

Étant donné le poids des USA et de leurs alliés-assujettis, les États


récalcitrants à entrer dans la nasse contractuelle multilatérale créée par
l’OMC, l’OCDE, l’UE, etc. se trouvent de facto mis au ban de l’évolution
ainsi organisée du commerce international. Il en résulte que ces États ne sont
pas en position de lutter contre cet ordre mondial économique.

21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-37-
geopolitique-de-loptimisation-fiscale

Notes
1 Voir à ce propos notre article précédent sur la géopolitique du libre-
échange.
2 Il s’agit, pour la France, d’une véritable révolution des mentalités qui a mis
du temps à se mettre en place.
3 Voir à ce propos http://www.cms-
bfl.com/NewsMedia/PublicationDetail/Pages/default.aspx?
PublicationGuid=e1818021-c0d1-4dab-89e6-88696cdef38b ;
http://www.impots.gouv.fr/portal/dgi/public/popup?
docOid=documentstandard_5738&espId=0&typePage=cpr02 ; sur le
problème de la transparence des grandes entreprises sur la pratique des
rescrits fiscaux, voir : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-
room/20150609IPR64206/Des-soci%C3%A9t%C3%A9s-incapables-de-
rencontrer-la-commission-des-rescrits-fiscaux ; sur la coordination
européenne en matière de rescrits fiscaux :
http://www.europarl.europa.eu/news/fr/top-
stories/20150318TST35503/Fiscalit%C3%A9-des-entreprises
4 Cf. http://www.politis.fr/articles/2014/11/juncker-au-centre-dun-scandale-
fiscal-impliquant-340-multinationales-28907/ ; et encore
http://www.huffingtonpost.fr/2014/11/06/luxembourg-juncker-luxleaks-
optimisation-fiscale-commission-europeenne_n_6112956.html
5 Par exemple le présumé redressement fiscal de Google France :
http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2016/02/24/32001-
20160224ARTFIG00266-google-risque-un-redressement-fiscal-d-16-
milliard-d-euros-en-france.php ; http://www.lefigaro.fr/secteur/high-
tech/2015/08/17/32001-20150817ARTFIG00039-google-a-baisse-de-35-ses-
impots-payes-en-france.php
6 Cf. La guerre des monnaies : la Chine et le nouvel ordre mondial, par
Hongbing Song, éditions Le Retour aux Sources, 2013.
7 Le plan Marshall était volontiers paré aux yeux du grand public de la cape
de la bienfaisance américaine pour la reconstruction européenne ; il a été en
réalité le moyen utilisé par les capitaux américains pour s’implanter
massivement et durablement en Europe occidentale.
8 http://www.lefigaro.fr/impots/2013/01/20/05003-20130120ARTFIG00136-
google-amazon-apple-l-ocde-lance-l-offensive.php

Le combat perdu d’avance


de la lutte contre l’optimisation fiscale

L’optimisation fiscale est consciencieusement organisée par les « grands


argentiers » issus du monde occidental depuis le début du XXe siècle. Ce
sont les propriétaires des grandes entreprises américaines qui, au début du
XXe siècle, et à la faveur de l’organisation des États-Unis en fédération,
avaient pris l’habitude de localiser les bénéfices de leurs lucratives activités
dans les États qui étaient fiscalement les moins exigeants.

L’intervention de Charles-Henri Gallois (UPR) sur Sputnik le 5 février


2016 concernant la position française sur les questions d’optimisation-
évasion fiscale appelle une réponse en forme de mise au point. Le
spécialiste des questions économiques de l’UPR s’appesantit très
lourdement sur les contraintes des traités européens qui s’imposent
effectivement à tous les États membres. Cette méthode ne permet pas de
comprendre les véritables raisons d’ordre international et géopolitique
interdisant à la grande majorité des États du monde la possibilité de
lutter de manière effective contre l’optimisation-évasion fiscale qui fait
perdre aux États une partie substantielle de leurs ressources
budgétaires.

L’optimisation fiscale est consciencieusement organisée par les « grands


argentiers » issus du monde occidental depuis le début du XXe siècle. Ce
sont les propriétaires des grandes entreprises américaines qui, au début du
XXe siècle, et à la faveur de l’organisation des États-Unis en fédération,
avaient pris l’habitude de localiser les bénéfices de leurs lucratives activités
dans les États qui étaient fiscalement les moins exigeants. La collectivité
s’était alors organisée pour lutter contre ces pratiques prédatrices, faisant
naître les « prix de transfert ».

Rappelons, incidemment, que les grands établissements financiers


Rothschild & Co ont favorisé l’émergence de ces majors en finançant sans
limites leurs activités, permettant l’avènement d’un nombre réduit de
grandes entreprises détenues par un nombre restreint d’individus, tels les
Rockefeller. Ces grands capitalistes ont réussi à prendre le contrôle
monétaire (Fed, 1913) puis politique des États-Unis d’Amérique.

À la faveur du fait que les vainqueurs financiers de la Seconde Guerre


mondiale ont été les USA, les grands capitalistes qui détenaient
concrètement cet État ont alors entrepris de généraliser au niveau mondial
les recettes prédatrices – liberté de circulation des capitaux – qui leur avaient
si bien réussi en interne. C’est ainsi que sont nés les accords du GATT et
l’OECE – transformée en 1961 en OCDE – avant l’arrivée de l’OMC qui
impose le libre-échange à tous ses signataires. Étant donné le poids des USA
et de leurs alliés-assujettis, les États récalcitrants à entrer dans la nasse
contractuelle multilatérale créée par l’OMC et l’OCDE se trouvent de facto
mis au ban de l’évolution organisée du commerce international.

Les institutions européennes ne sont qu’une manifestation de ce rapport de


force géopolitique. L’Union européenne, loin d’être la cause du problème
dénoncé par l’UPR, n’en est qu’une émanation. Les institutions européennes
sont, en réalité, le bras armé politique, local des intérêts oligarchiques
supérieurs. Les « grands argentiers » à la manœuvre, issus du continent
européen, sont, forts de leur expérience américaine, retournés dans leur fief
d’origine pour supprimer les acquis politiques des peuples qui avaient mis
plusieurs centaines d’années à s’instaurer (habeas corpus, autodétermination
des peuples, etc.).

La seule sortie de la France des institutions européennes (et de l’OTAN),


pour souhaitable qu’elle soit, n’aura aucun impact réel au regard de
l’emprise de cette mafia financière oligarchique dans l’organisation interne
des différents États (banques centrales, partis politiques).

12 février 2016

Source :
http://www.bvoltaire.fr/combat-perdu-davance-de-lutte-contre-loptimisation-
fiscale/

L’entreprise bancaire, instrument


juridique du désordre politique global

Les banques sont l’élément prépondérant du système de concentration des


capitaux et d’utilisation du capital concentré. Elles ont acquis la possibilité
de mettre en place des réglementations économiques très arrangeantes et des
systèmes de contrôle purement formels de leurs activités. L’organisation de
vastes transferts juridiques de capitaux au profit des propriétaires des
principales banques, qui détiennent également – grâce à l’anonymat de
certaines sociétés et trusts – de nombreuses autres entreprises, permet à son
tour une accélération de la concentration des capitaux dans tous les
domaines de l’économie (médias, agro-alimentaire, pharmaceutique,
chimique, transports, extraction minière, etc.) au moyen, notamment, des
fusions-acquisitions1 mais aussi des achats à effet de levier dits LBO, dont
les principaux acteurs sont les services juridiques des banques d’affaires.

Le système de sauvegarde des intérêts bancaires est parfaitement bien


déguisé sous un amoncellement de prétendus contrôles et de règles plus
techniques les unes que les autres. Ces différentes étapes ont à leur tour
permis la mise en œuvre de certains mécanismes de spoliation des masses,
lesquels ont tôt fait d’aboutir à une domination politique totale.

L’élite financière occidentale est aujourd’hui dans une position de


domination sociale qui n’a pas d’exemple historique pertinent. Jamais
l’aristocratie ou la monarchie n’ont à ce point concentré et contrôlé les
mécanismes de fonctionnement de la société. L’Ancien Régime partageait la
domination sociale entre les armes, tenues par les aristocrates – noblesse
d’épée bientôt mélangée aux hommes de loi, la noblesse dite de robe – et les
âmes, tenues par l’Église catholique romaine. S’il faut avouer que les mêmes
familles se partageaient la plupart des hauts postes de l’armée et du clergé,
les contre-pouvoirs, notamment commerciaux, existaient et le niveau de
développement technologique ne permettait pas le contrôle total auquel nous
assistons aujourd’hui.

Au XXIe siècle, une longue expérience de la domination et un raffinement


particulier des mécanismes juridiques de contrôle, le tout allié aux
développements technologiques récents, rendent la domination bancaire
mondiale particulièrement préoccupante pour les libertés humaines et
collectives, en particulier la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ;
concepts voués à disparaître au rythme, inculqué par les propriétaires des
principales banques, du glas qui sonne la fin de la notion d’État.

Nous analyserons dans un premier temps les mécanismes juridiques du


fonctionnement élémentaire de la banque et, dans un second temps, les
conséquences de l’enrichissement et de la concentration maximale des
capitaux par les banques.

I) Les mécanismes juridiques du fonctionnement élémentaire de la


banque

Les banques se sont donné les moyens juridiques pour être en mesure de
convaincre les hommes d’État, de tous horizons politiques et de tous pays,
d’édicter des lois en leur faveur.

Elles ont notamment obtenu que les législations imposent aux administrés
une limite aux montants payables en espèces (pour la France, voir l’article L
112-6 du Code monétaire et financier). Ainsi, en France, aucun paiement
excédant 1500 euros2 ne peut plus être effectué en espèces, ce qui oblige les
administrés à détenir un compte bancaire3. Dans la vie courante, le compte
en banque est ainsi devenu incontournable4.

Les choses sont, comme toujours, habilement présentées par des experts en
rhétorique. Ainsi, l’obligation de détenir un compte bancaire, instituée par
une loi bancaire de 2006, s’est habilement transformée en droit à un compte
bancaire5 édicté par l’article L 312-1 du Code monétaire et financier.

Au moyen de divers subterfuges rhétoriques, les banques ont, par


l’intermédiaire des États, obtenu le privilège de disposer de l’argent des
citoyens et des contribuables. Autrement dit, les États ont été complices – et
victimes – de l’opération visant à placer l’argent public sous la dépendance
d’organismes dominés non par l’intérêt commun mais par l’intérêt
strictement privé de leurs actionnaires majoritaires.

Les dépôts bancaires appartiennent de facto à la banque qui en est


gestionnaire

En observation liminaire, il faut indiquer que l’argent en dépôt sur un


compte bancaire n’est, juridiquement, pas la propriété du déposant – qui n’a
pas de droit réel sur ces sommes – ; le déposant devient un créancier de la
banque, qui a l’usage des sommes en question6.

S’agissant de l’utilisation des dépôts par les banques, l’absence de


distinction entre banques de dépôt et banques d’investissement rend les
dépôts bancaires particulièrement vulnérables aux spéculations hasardeuses,
et généralement lucratives, des banques.

Un petit retour en arrière permettra d’y voir plus clair. Dès le courant des
années 1970, le gouvernement américain a couvert les agissements bancaires
tendant à contourner le Glass-Steagall Act, qui imposait la séparation des
banques de dépôt et des banques d’investissement. Cette législation, qui
avait été introduite suite à la crise boursière de 1929 afin d’éviter de
nouveaux excès, a finalement été abrogée par le gouvernement Clinton en
1999.

En France et en Europe, la séparation entre banques de dépôt et activités


d’investissement était la règle jusqu’à ce que les lobbies bancaires
obtiennent la possibilité de faire travailler les dépôts7. Suite à la crise
financière de 2008, qui a généré une forte demande pour revenir à une
certaine orthodoxie financière des banques, il fut question d’instaurer dans
les pays européens une nouvelle réglementation bancaire prévoyant la
séparation entre activités de dépôt et d’investissement. Le gouverneur de la
banque centrale finlandaise Erkki Liikanen avait officiellement demandé une
séparation entre les activités de dépôt et les activités d’investissement des
banques8.

La loi allemande de 2013 a, comme de coutume en Europe, donné le LA de


la réglementation européenne9, la séparation entre les activités de dépôt et
les activités de spéculation ‒ très médiatisée10 – ne concernera pas
l’essentiel et, finalement, ne sera pas effective11. Il en va de même de la
réforme française du 26 juillet 2013, qui ne concerne que 1 % des activités
bancaires12 : il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une aimable plaisanterie
destinée à endormir un public qui ne comprend rien à toutes les énormités –
sur le fond – et subtilités – sur la forme – bancaires.

Au niveau européen, la réunion des ministres des Finances européens


(Ecofin) du 19 juin 2015 a donné son feu vert à une réforme bancaire dite de
séparation des activités de dépôt et des activités spéculatives, de laquelle
l’Angleterre – plus importante place financière du monde – est exemptée13.
Ainsi, de la même façon que ce qui se passe en matière de paradis fiscaux14,
les banques anglo-saxonnes, dont les propriétaires ont provoqué toutes les
déréglementations du système bancaire, sortiront gagnantes de la
réglementation visant à restreindre les possibilités pour les banques d’agir
comme bon leur semble. Ce semblant de réglementation se situe dans le
droit fil de la guerre sans merci menée, via la prétendue lutte contre les
paradis fiscaux, par les principaux établissements financiers anglo-saxons
contre les banques dont la domination leur échappait15. La prétendue
réforme européenne n’aura servi qu’à concentrer davantage le milieu
bancaire en procurant un tel handicap aux banques non anglo-saxonnes
qu’elles deviendront prochainement des proies aisées. Cette réforme aura
finalement servi de prétexte aux banques anglo-saxonnes pour obtenir un
avantage décisif dans la guerre qu’elles mènent contre les banques dont le
contrôle leur échappe.

Il ne sera en définitive opéré aucune séparation réelle entre les activités de


dépôt et d’investissement des principales banques. Le lobby bancaire, qui
édicte les lois et dirige les États, a, une fois de plus, gagné la partie contre les
ressortissants des États.

Voyons maintenant comment fonctionne une banque dans un cadre normal,


c’est-à-dire hors activité spéculative.

La réserve fractionnaire et la perception d’intérêts sur les prêts : des


prêts à découvert, juridiquement nuls, qui occasionnent un
enrichissement sans cause des banques

Le prêt à découvert érigé en système de fonctionnement normal

S’agissant du fonctionnement bancaire normal, les banques privées sont


autorisées, par les banques centrales, à fournir du crédit à découvert – c’est-
à-dire sans disposer, en réserve, du montant de crédits fournis – dans la seule
limite de respecter, pour l’ensemble de leurs activités (normales et
spéculatives), une réserve obligatoire. Ce système d’autorisation de crédit à
découvert porte le nom de système de réserve fractionnaire.

Le montant de la réserve obligatoire est généralement fixé par la banque


centrale du pays en question, appelée, pour l’occasion autorité monétaire.
Nous avons déjà vu, dans l’article intitulé « Géopolitique des banques
centrales » que la banque centrale est, par construction, une banque dominée
par des banquiers privés. Il faut préciser à cet égard que la modification
statutaire de la Banque de France – opérée par une loi du 24 juillet 1936 –
suivie de sa nationalisation en 1945 – loi du 2 décembre 1945 – ne doit pas
faire illusion : ces modifications de forme n’ont en aucune façon changé la
structure fondamentale du contrôle économique opéré sur le pouvoir
politique – c’est-à-dire sur les institutions françaises – par l’oligarchie
française devenue euro-atlantiste. Privatisée ou nationalisée, la Banque de
France reste un instrument de pouvoir du grand capital français.

En résumé, les banques centrales, aux mains des grands capitalistes


propriétaires des banques privées, autorisent les banques privées – contrôlées
par elles-mêmes, donc – à fournir au public ou aux États un crédit à
découvert. La seule limite, tant aux activités de fourniture de crédit qu’aux
activités dites pour compte propre – spéculatives – des banques, est le
respect d’une dérisoire réserve obligatoire. Depuis une décision du Conseil
des Gouverneurs de la Banque centrale européenne – BCE – du 8 décembre
2011, le taux de la réserve obligatoire pour les banques de la zone euro est
fixé à 1 % de leurs encours de dépôt16 ; elle n’était auparavant, et depuis
1999, que de 2 %.

En d’autres termes, les principaux actionnaires des banques privées


s’autorisent eux-mêmes, via le prétendu contrôle des banques centrales
indépendantes de tout organe politique, non seulement à spéculer avec
l’argent du public mais encore à fournir aux particuliers et aux États un
crédit sur des sommes d’argent dont elles ne disposent pas.

On est loin du principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs cher à


Montesquieu, que nos États modernes sont censés respecter – au moins dans
la forme.

La déliquescence du secteur bancaire : état des lieux et poids de la


sanction

Le montant très faible de la réserve obligatoire a rendu nécessaire un


nouveau mécanisme de contrôle, dit prudentiel, qui est réglé par les accords
internationaux de Bâle III. Ce nouveau système de prétendu contrôle est
édicté sous l’impulsion de la BRI17. Rappelons que la BRI, composée des
différentes banques centrales, est elle-même une émanation du milieu
bancaire18. Comme toujours, le milieu bancaire reste un entre-soi pour agir
et se contrôler, pas d’intrusion étrangère de contrôle dans ce petit milieu bien
verrouillé.

Dans le contexte actuel de difficultés bancaires – liées au mouvement de


dérégulation initié par ce milieu –, la BCE a fait passer aux principales
banques européennes des stress tests permettant – prétendument – de déceler
les banques susceptibles de devoir faire face à une faillite imminente. Sans
surprise, toutes les grandes banques européennes ont passé, haut la main, ces
stress tests19.

Lesdits stress tests, conçus par l’autorité bancaire européenne (EBA) basée à
Londres, ont une très faible valeur technique, car outre qu’ils ne prennent
pas en compte les opérations hors bilan des banques – ce qui est énorme –,
ils omettent également de prendre en compte l’hypothèse déflationniste
agissant en Europe de l’Ouest ainsi que les effets systémiques, c’est-à-dire
les effets domino dus à l’interconnexion des banques. La pertinence et la
valeur de ces prétendus tests ont été remises en cause de nombreuses fois20 ;
signalons à cet égard que le passage de stress tests n’avait pas, en son temps,
empêché la Lehman Brothers de faire faillite21. Il n’est pas étonnant que
certains esprits taquins fassent valoir que ces tests agissent davantage
comme une opération de propagande bancaire que comme un indicateur
économique fiable22.

Dans le contexte général de déliquescence bancaire, le lobby financier a


pourvu à toute éventualité en s’intéressant particulièrement aux victimes
d’éventuelles faillites bancaires. La solution au problème du renflouement de
banques en faillite aura finalement été trouvée, sans surprise, sur le dos des
usagers. C’est ainsi qu’une directive européenne du 15 mai 2014, transposée
en droit français par une ordonnance du 20 août 2015, permet une ponction
sur les comptes des clients23, ce qui se traduit techniquement par
l’introduction du bail-in. Plus précisément, si d’aventure les choses venaient
à mal tourner, c’est-à-dire si, de spéculation en spéculation, une banque
arrivait à un déséquilibre important de son bilan (les opérations hors bilan ne
sont pas prises en compte !), les petits actionnaires, les petits détenteurs
d’obligations et les déposants seront chargés de renflouer le passif. Les plus
importants actionnaires bancaires resteront, par trusts interposés, anonymes
et donc inatteignables par cette nouvelle réglementation. Nous avons là un
bel aperçu de l’impunité totale des tireurs de ficelles bancaires que sont les
principaux propriétaires anonymes des banques systémiques.

Les personnes qui verront leurs avoirs ponctionnés sont toutes celles qui
participent au schéma financier global en ayant confié leurs économies à des
établissements financiers privés. Au premier titre des victimes bancaires se
trouvent les personnes détenant, via des assurances vie ou autres fonds de
pension, des parts obligataires ou des actions bancaires. En roue de secours,
les petits déposants seront également ponctionnés.

En résumé, les petits et moyens déposants, ceux que les lois obligent à avoir
un compte bancaire, et tous les acteurs malgré eux du cirque financier global
– détenteurs, via des assurances vie ou autre placement rentable, de titres
obligataires ou d’actions bancaires – sont les dindons d’une farce concoctée
par les plus gros propriétaires des banques systémiques, lesquels ne
répondent jamais de leurs actions puisqu’ils ont pris le contrôle des circuits
législatifs des États occidentaux. Les établissements financiers peuvent donc
continuer de jouer en toute impunité et en toute liberté avec l’argent déposé
ou placé par le public, qui de facto sinon de jure leur appartient.

Une expression traditionnelle illustre parfaitement la situation des banques


face aux citoyens et aux États : « Face, je gagne, pile tu perds. » L’impunité
juridique et économique des plus gros propriétaires de capitaux bancaires,
lesquels ont leurs avoirs garantis par l’anonymat des sociétés-écrans et trusts
anonymes situés dans les paradis fiscaux24, a ainsi été juridiquement actée.

En conclusion, les banques ont été autorisées par les États à utiliser l’argent
des dépôts bancaires afin de spéculer pour leur compte propre. Ce mélange
des genres bancaires a occasionné une fragilisation générale des bilans des
banques dont les activités sont interconnectées. Suite à la crise de 2008,
l’inquiétude du public a évoqué la nécessité de séparer les activités bancaires
entre d’une part les activités de dépôt et d’autre part les activités
d’investissement – spéculatives.

Or, non seulement les activités de dépôt n’ont pas été réellement séparées
des activités de spéculation, mais, au surplus, l’irresponsabilité économique
des acteurs bancaires, qui spéculent pour leur propre compte, pourra
aujourd’hui, par la grâce de la trahison et de l’incompétence des législateurs
étatiques, être sanctionnée par la confiscation des comptes des déposants et
par la spoliation des petits et moyens porteurs d’actions ou d’obligations
bancaires.

Le paysage bancaire globalement esquissé, entrons dans l’analyse juridique


du fonctionnement bancaire quotidien selon le principe ci-dessus décrit du
prêt à découvert.

L’analyse juridique du prêt à découvert révèle que nous avons quitté le


système juridique de droit commun issu du Code civil de 1804

Le contrat de prêt s’analyse en droit français en un contrat synallagmatique


ou bilatéral dans lequel la banque s’engage à fournir une somme d’argent et
le client s’engage à rémunérer ce service de fourniture de capital en payant
des intérêts sur le capital prêté.

L’article 1108 du Code civil et la doctrine juridique française soumettent la


validité d’un tel contrat à quatre conditions, dont un consentement non vicié,
une cause licite et un objet (du contrat) certain.

En cas de contrat synallagmatique, ce qui est le cas du prêt, la cause de


l’obligation de l’une des parties est l’objet de l’obligation de l’autre partie au
contrat. La fourniture d’une somme d’argent – un capital – est donc la cause
juridique du contrat souscrit par l’emprunteur tandis qu’elle est l’objet du
contrat souscrit par la banque. Un bien – qu’il soit ou non une somme
d’argent – ne peut être prêté que s’il existe. Fournir un crédit fondé sur une
somme d’argent inexistante revient à tromper l’emprunteur en lui imposant
de conclure un contrat non causé. En termes juridiques, un crédit à découvert
s’analyse en toute logique, puisque la somme d’argent proposée n’existe pas,
en un contrat non causé et dépourvu d’objet.

Qui plus est, et parce que la somme d’argent prêtée n’existe pas, seule la
banque tire un réel bénéfice d’un contrat de prêt fondé sur un tel système. En
effet, l’emprunteur devra fournir des intérêts sur une somme qui n’a pas pu
être valablement prêtée, car inexistante. Un contrat de prêt fondé sur un
système de prêt à découvert est donc par construction léonin.
Le contrat de prêt tel qu’actuellement pratiqué par les banques est fondé, ab
initio, sur un vice du consentement de l’emprunteur qui commet une erreur
en croyant que la somme prêtée existe. Dans la mesure où les prêts fondés
sur une somme d’argent inexistante sont faits de façon normale et habituelle,
on pourrait dire qu’il existe, vis-à-vis des prêts bancaires, une présomption
irréfragable de vice du consentement des emprunteurs.

Par ailleurs, s’agissant de prêt aux particuliers, le contrat synallagmatique est


déséquilibré au profit de l’établissement bancaire qui impose ses conditions
générales au cocontractant, lequel ne peut négocier qu’à la marge, dans la
limite des taux dits de marché – déterminés par les banques elles-mêmes – le
montant des taux qui lui seront appliqués. Nous sommes ici dans un contrat
d’adhésion. La législation concernant ce nouveau type de contrat est, sans
surprise – si l’on considère que la généralisation du lobbying a transformé le
législateur en défenseur des intérêts oligarchiques –, dérogatoire au droit
commun de l’article 1108 du Code civil.

Du côté de la banque, le résultat du cumul de la réserve fractionnaire avec la


perception d’intérêts occasionne un enrichissement sans cause. Le système
légal consistant, pour les banques, à prêter de l’argent qui n’existe pas, a
pour conséquence directe l’encaissement par les banques d’intérêts non
causés en termes juridiques, c’est-à-dire d’intérêts auxquels elles
n’auraient pas eu droit dans le cadre juridique issu du droit civil
napoléonien. Le système en place procure aux banques, de plein droit, un
enrichissement sans cause qui est à la mesure de l’appauvrissement sans
cause des emprunteurs – qui doivent payer des intérêts.

Il convient de comprendre que le cumul du principe de réserve fractionnaire


avec celle du paiement d’intérêts est une façon aimable, pour les banquiers,
de contourner les législations interdisant le taux d’usure. Au lieu de se payer
directement par des taux élevés, les banquiers se paient en étant légalement
autorisés à prêter des sommes d’argent dont ils ne disposent pas. Pour faire
un parallèle, il s’agit de la même différence que celle qui existe entre assiette
et taux concernant les impôts. Les banquiers, en quelque sorte, élargissent
leur assiette d’enrichissement, ce qui les dispense – pas toujours si l’on en
croit les taux qu’ont pu atteindre certains prêts à la consommation – de
recourir à des taux d’intérêt ouvertement abusifs.
Dans ce contexte, les hommes politiques qui appellent à un développement
du crédit comme moyen de financement – des particuliers et des États –
répondent en réalité à la volonté, cachée mais réelle, de concentrer les
capitaux dans les mains de banquiers déjà plus que bien dotés25 ; ces
hommes politiques participent activement à la réalisation d’un accaparement
généralisé au profit des propriétaires des banques. Rappelons qu’il fut un
temps ou l’accaparement était un crime capital.

Pour résumer, la pratique bancaire couramment admise consistant pour les


banques à fournir des prêts à découvert – selon le système de réserve
fractionnaire – revient, pour les emprunteurs, à souscrire des contrats sans
cause, léonins, fondés sur un vice de leur consentement (l’erreur) et
procurant à leur cocontractant (la banque) un enrichissement sans cause.

Cette analyse, de stricte orthodoxie juridique civiliste, devrait permettre


d’annuler la majeure partie des intérêts dus aux banques par les emprunteurs.
Selon cette analyse, les banques devraient en outre être condamnées à payer
des dommages et intérêts à la totalité des populations endettées –
directement ou par État interposé.

L’ampleur de la redistribution financière qui résulterait de l’application


d’une telle analyse amène au constat suivant : le jour où le point de vue
juridique, qui fait prévaloir l’intérêt de tous, primera sur le point de vue
économique, dominé par les intérêts bancaires, n’est pas près d’arriver.

En d’autres termes, le pouvoir des banquiers est tel qu’il a réussi à


contourner et à pervertir le droit civil de façon à rendre légal un processus
par essence juridiquement invalide – car systématiquement non causé, léonin
et fondé sur un vice du consentement des cocontractants, en l’espèce les
emprunteurs. Le droit civil est battu en brèche par les tenants de l’État qui ne
sont autres que les plus importants capitalistes propriétaires des banques
dites systémiques.

Les mécanismes propres au fonctionnement bancaire et à ses interactions


avec les tiers, personnes publiques ou personnes privées, sont tellement
quantitativement et qualitativement dérogatoires au droit commun, que
l’existence même d’un droit commun est mise en cause.
On peut ainsi considérer que le système juridique issu des codifications
napoléoniennes est mort et enterré. Nous sommes aujourd’hui
collectivement entrés dans une nouvelle ère, celle du droit du plus fort qui
est, en réalité, un droit de caste, variable – non seulement dans son
application mais dans son principe même – en fonction de la position sociale
des personnes à qui il s’applique. Dans ce contexte, il ne faut pas s’étonner
de l’apparition sur le territoire français du projet juridique scélérat de
propriété économique, qui n’est autre que la légalisation du principe
d’accaparement26.

S’agissant des crédits accordés aux États, le système révèle la


disparition du concept politique d’État

Depuis une loi française de 1973 (dite Pompidou-Giscard-Rothschild)


reprise, systématisée et aggravée par l’article 123 du TFUE (Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne), l’État français et les États
européens ne peuvent plus se financer sans intérêts auprès de leurs banques
centrales mais doivent obligatoirement faire appel au marché.

La traduction théorique claire de ce système est que les États ne peuvent


assurer leurs dépenses d’investissement – les dépenses de fonctionnement
devraient, en bonne gestion, être intégralement auto-financées par l’impôt –
qu’en s’appauvrissant durablement du montant exact de l’enrichissement
corrélatif d’entreprises privées.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’auto-financement par l’État – par l’impôt –


de ses dépenses de fonctionnement ; le clientélisme politique est un élément
essentiel empêchant cet autofinancement de se réaliser. Mais là n’est pas le
propos du présent article, nous n’entrerons pas dans les discours oiseux de
l’intégrité financière des décisions d’hommes issus de partis politiques
électoralistes, puisqu’il est entendu que cette intégrité est dès l’abord sujette
à caution : le système hiérarchique des partis politiques, qui fonctionne
autour des consignes de vote combiné au principe du lobbying, interdit tout
contre-pouvoir de nature à rendre effective l’intégrité en question. Les
principaux propriétaires des banques ont pris le contrôle politique des États
qu’ils ont dévoyés pour les amener à agir dans le sens de la défense de leurs
propres intérêts particuliers.
Quoiqu’il en soit de la distinction entre dépenses de fonctionnement et
d’investissement, le nouveau mécanisme à l’œuvre en Europe – gravé dans
le marbre des traités – revient à imposer le financement étatique par le
paiement d’intérêts à des entreprises financières ou autres groupements
privés.

En Europe, la situation de la Grèce, aux prises avec les prédateurs financiers


du FMI et de l’UE, est absolument édifiante ; la prétendue banqueroute de ce
pays souverain se traduit, en réalité, par une vaste opération de transfert
massif de capitaux des citoyens grecs et, plus largement, européens, vers les
poches des propriétaires des principaux établissements financiers prêteurs27.
Rappelons ici que la crise grecque, à l’origine de la prétendue banqueroute, a
été déclenchée volontairement par l’attaque coordonnée de cinq fonds
spéculatifs – Hedge Funds – américains28. Nous assistons donc à une
planification sciemment organisée visant à opérer un vaste transfert d’actifs
financiers des poches des citoyens vers celles des propriétaires bancaires.

Lorsque des acteurs financiers sont à la fois juges et parties, il arrive qu’il
n’y ait plus de contre-pouvoir à leur volonté. En l’espèce, l’esprit de rapine
l’a emporté sur toute autre considération publique. Les individus seront,
comme les États, spoliés, c’est-à-dire illégalement et illégitimement
appauvris, par le fait du prince bancaire.

En conclusion, les États, dits souverains, assistent impuissants à la vaste


organisation juridique de spoliation qui les atteint de plein fouet. Leur
impuissance révèle, en réalité, leur disparition du paysage juridique
international.

Conclusion

Les contrats de prêts devraient être massivement annulés par des juridictions
dignes de ce nom comme contrats non causés, fondés sur une clause léonine,
sur un vice du consentement des emprunteurs au contrat (en tout cas pour ce
qui concerne les particuliers, l’État ne pouvant pas se prévaloir de sa propre
turpitude en invoquant son ignorance d’un processus qu’il a lui-même
autorisé) et aboutissant à un enrichissement sans cause de l’une des parties,
la banque.
Le mixage de la réserve fractionnaire avec la perception d’intérêts liés au
crédit, formule juridiquement invalide, opère en réalité un transfert massif de
capitaux du public dans les mains des principaux propriétaires de capitaux.
Ce transfert s’effectue, quelle que soit par ailleurs la qualité de personne
privée ou personne publique du cocontractant puisque les personnes
publiques se financent quoiqu’il arrive par l’augmentation des prélèvements
obligatoires qui pèsent, en fin de parcours, sur les résidents ou les usagers
personnes privées.

Nous assistons ici à la mise en place d’une spoliation systématique et


légalisée, organisée par les banques, des biens publics à leur propre profit.
L’analyse juridique qui devrait prévaloir est battue en brèche et
volontairement ignorée. Ce qui révèle non seulement la disparition de la
notion de droit commun mais également du concept politique d’État.

II) Les conséquences de l’enrichissement et de la concentration


systématique des capitaux par les banques

La combinaison du système de réserve fractionnaire et du crédit à intérêt a


pour fonction et pour effet de produire, mécaniquement, une concentration
des richesses au profit des propriétaires des banques, que l’on peut dès lors
qualifier d’oligarchie.

La concentration des richesses permise par le vaste transfert de capitaux ci-


dessus décrit autorise, à terme, le rachat et la mainmise des acteurs financiers
sur une part de plus en plus importante des biens, matériels et immatériels,
matières premières et produits manufacturés de cette terre. Système
aboutissant in fine à une concentration toujours plus forte de ces mêmes
biens au sein de quelques entreprises multinationales, véritables
conglomérats économiques. Par ailleurs, le poids économique acquis par les
banques et les multinationales – détenues par les mêmes personnes – a
rapidement permis à ces dernières d’agir de façon efficace et concertée sur
tous les types de marchés, actions et obligations, faussant dès lors de façon
structurelle la notion de prix de marché.

Description du contexte juridico-économique


La dérégulation bancaire, cause de l’accélération de la concentration
des capitaux

Le contrôle politique opéré par les banques a produit, outre la mise en place
de contrôles beaucoup plus formels que réels de leurs activités (notamment
par la création de prétendues banques centrales), le vaste mouvement de
dérégulation bancaire que l’on a connu au XXe siècle. Ce mouvement de
dérégulation bancaire – d’origine anglo-saxonne, est intimement lié à
l’ouverture de l’économie et de la finance à la théorie des jeux – dont
l’importance dans l’analyse économique s’est considérablement accrue
depuis l’attribution, en 1994, par la Banque de Suède, du prix Nobel
d’économie à John Nash.

Ce mouvement de dérégulation a été de pair avec l’avènement de la


créativité bancaire débridée, élevée au rang de vertu ultime. C’est ainsi que
nous avons vu les mouvements de titrisation29 au moyen de special purpose
vehicle, le rapide développement du High Frequency Trading, l’émergence
des Credit Default Swaps – dits CDS ‒30 parmi d’autres nouveautés
bancaires réjouissantes…

Nous détaillerons ci-dessous quelques manifestations de la concentration des


capitaux financiers permises par le vaste mouvement de dérégulation
bancaire.

Quelques manifestations de la concentration des capitaux financiers

Manipulation des taux interbancaires

L’une des manifestations de la puissance des banques systémiques – les plus


importantes banques – est leur contrôle des taux d’intérêts interbancaires31.
Les taux interbancaires sont utilisés par les banques comme références pour
la fixation des taux d’intérêt aux particuliers et aux entreprises32. En
agissant sur les taux d’intérêt interbancaires, les plus grosses banques
agissent en conséquence sur le degré de concentration des capitaux entre
leurs mains.

La concentration des opérateurs de marché est un autre indice de la


puissance acquise par les acteurs économiques dominants.
Concentration des opérateurs de marché

La vaste organisation de concentration des capitaux au profit des banques


autorise in fine la prise de contrôle des opérateurs de marché.

La fusion de l’opérateur NYSE, contrôlé par une société située dans l’État
du Delaware33 avec Euronext, contrôlée par une société néerlandaise, est
une parfaite illustration du processus de concentration des opérateurs
boursiers en cours. Les opérateurs financiers sont aux mains – anonymes
comme toujours – des propriétaires des plus grandes banques. Le
12 novembre 2013, le groupe NYSE Euronext est passé sous le contrôle
d’Intercontinental Exchange Group Inc., dit ICE, entreprise créée en 2000
par un certain Jeffrey Sprecher, qui a commencé sa carrière en travaillant
avec un ponte de la dérégulation.

La projet de fusion NYSE euronext et Deutsche Börse34, un temps envisagé,


n’aura finalement pas lieu, le commissaire européen en charge du dossier s’y
opposant35, décision confirmée par le tribunal de l’Union européenne36.
Cette non-fusion ne doit pas faire illusion, nous sommes là, comme en
matière de paradis fiscaux, dans une guerre entre grandes puissances
bancaires, les unes ne voulant pas donner la prééminence aux autres.
L’argument de concentration mis en avant comme critère de rejet de cette
fusion est une justification étatique de façade à un conflit entre les entités
financières américaines et allemandes, les unes ne voulant pas perdre leur
hégémonie au profit des autres.

Cette tentative de rapprochement ayant échoué, Deutsche Börse fusionnera


finalement avec le London Stock Exchange (LSE) britannique37. Ce
nouveau groupe ne tardera pas à aiguiser l’appétit d’ICE.

La domination financière précède la domination institutionnelle et


militaire

La concentration massive des capitaux ci-dessus décrite alimente le


clientélisme qui génère des systèmes politiques dans lesquels les prétendus
dirigeants politiques, élus du peuple ou non, sont en réalité les émissaires de
l’oligarchie qui finance leurs campagnes politiques ou leur accession à des
postes en vue et/ou bien rémunérés et leur demande l’hommage-lige en
contrepartie de ce statut économique et social privilégié. L’hommage-lige
consiste en l’espèce à voter ou faire voter (ce qui est facilité par la discipline
de parti) des lois et autres réglementations favorables à l’oligarchie.

Deux exemples récents étayent parfaitement cette situation : la nomination,


en Europe, de deux Mario : Mario Draghi à la tête de la BCE et Mario
Monti, président du Conseil italien de novembre 2011 à décembre 2012. Ces
deux super Mario sont des anciens de la banque d’affaires Goldman Sachs.
Ajoutons que le réseau d’influence de Goldman Sachs s’étend à l’ancien
premier ministre et banquier central grec Lucas Papademos, sous le mandat
duquel les comptes de la Grèce ont été truqués afin de faire entrer ce pays
dans la zone euro,38 ainsi qu’à l’actuel président de la banque centrale
d’Angleterre, Mark Carney.

L’État et les institutions sont contrôlés par ceux qui les financent, c’est-à-
dire, en l’occurrence, l’oligarchie bancaire. C’est en vertu de ce dernier
principe – immuable – que les collaborateurs vichystes de l’Allemagne nazie
ont tôt fait de se transformer en collaborateurs de l’empire dominant
américain, ce qui leur a permis de conserver leur rang social et leurs
prérogatives économiques.

À la faveur de ce processus de corruption de grande ampleur, le projet


d’union européenne, né au XIXe siècle dans les cercles oligarchiques, a pu
prospérer dans un premier temps sous la domination du continent européen
par l’Allemagne nazie39 et, dans un second temps, sous la domination de ce
même continent par les USA et l’OTAN40.

La concentration des capitaux dans les mains des banques a à son tour
permis à ces dernières de développer et d’amplifier leur poids politique, en
contrôlant de mieux en mieux la législation des États. C’est ainsi que le
lobbying a été présenté aux populations comme étant un moyen normal de
légiférer ; l’emprunt bancaire non causé est devenu un moyen normal de
financement en vertu de ce même système.

À la faveur de cette concentration inédite des capitaux dans les mains


bancaires, les États deviennent des agents à la solde du pouvoir
oligarchique ; ils ont perdu leur nature et leur fonction initiale, laquelle
justifiait et légitimait leur existence juridique. Les États ne sont plus les
initiateurs des grands bouleversements juridiques sur la scène internationale,
ils ne font que suivre la voie ouverte par leur maître, le milieu bancaire et
toutes ses ramifications.

La concentration des places financières annonce la mise en place du


Grand marché transatlantique

Le contrôle des places de marchés, des opérateurs boursiers et des indices


boursiers se resserre à mesure que les projets de gouvernement mondial se
mettent en œuvre.

Ainsi, le groupe Continental Exchange Inc., dit ICE, créé en 2000 par Jeffrey
Sprecher, a, dès 2001, racheté le principal marché européen de l’énergie,
lequel s’occupe depuis 2005 de la cotation des permis de gaz à effet de serre.
La commercialisation des permis de polluer participe activement à la
financiarisation de l’économie mondiale au profit des principaux acteurs
financiers de la planète41.

Ce même ICE a, en 2013, pris le contrôle de NYSE Euronext42.

Le 16 mars 2016, est annoncée la fusion du London Stock Exchange (LES)


britannique avec la place de marché allemand Börse43. L’ICE, qui avait déjà
annoncé son intention de lancer une offre sur la Bourse de Londres44 risque
d’être d’autant plus intéressé à racheter le conglomérat germano-britannique.

Par anticipation du développement juridique officiel du Grand marché


transatlantique, nous assistons donc à la fusion des places de marchés
américaine et européenne. Le nom même d’Échange intercontinental –
Intercontinental Exchange –, entreprise créée en 2000, évoque le futur
marché transatlantique, dont le grand public n’entendra parler qu’à la fin de
la décennie, mais dont cette société est à la fois le marchepied et le
précurseur. Ce sont les mêmes cercles de penseurs à la solde des plus
importants propriétaires de capitaux qui ont lancé l’idée du grand marché
transatlantique et celle de la réunion des bourses euro-atlantiques dans une
entité commune.

Le monde financier, à la manœuvre dans la conclusion du Grand marché


transatlantique (dont le destin est de fusionner à terme avec le Grand marché
transpacifique), prend naturellement les devants de cette future structure
juridique en fusionnant les places de marché américaines et européennes.

La méthode des petits pas qui a prévalu dans la construction européenne – et


qui a donc fait ses preuves – prévaut également dans la construction du futur
Grand marché transatlantique dont la signature officielle des TAFTA, AECG
et autre TISA45 n’est que la partie officielle.

C’est également cette méthode, très efficace, des petits pas qui amènera
l’oligarchie financière à réaliser son projet d’institutions mondiales
aujourd’hui appelé Nouvel Ordre Mondial. Les peuples et les États
indépendants, telles des grenouilles bouillant à petit feu dans une marmite,
sont sidérés et ne réagissent pas à la mesure du danger de disparition qui les
guette ; il en aurait été différemment si l’oligarchie avait brutalement imposé
des ruptures institutionnelles ou d’agenda international : elle aurait alors, très
probablement, dû faire face à une opposition frontale qui aurait mis ses
projets en échec.

Dans cette guerre économico-financiaro-politique, il y a des perdants et des


gagnants. Les perdants sont l’ensemble des peuples et des nations, et les
gagnants sont les tenants de l’économie mondiale, c’est-à-dire les acteurs
économiques dominants.

La concentration financière précède la domination militaire

L’exemple suisse

Il n’est pas étonnant de constater qu’une fois la puissance financière de la


Suisse, paradis fiscal jusqu’alors indépendant des banques anglo-
saxonnes46, mise à bas, ce pays financièrement vaincu se soumet à la
puissance militaire de l’OTAN47.

L’exemple français

Dans le même sens, et bien que plus espacé dans le temps, le long
cheminement de la disparition de la place financière de Paris (Palais
Brongniart)48 commencé en septembre 200049 par la création d’Euronext,
bientôt fusionnée en NYSE Euronext, elle-même aujourd’hui contrôlée par
ICE, a précédé et accompagné le retour de la France dans le commandement
intégré de l’OTAN.

Depuis la décision de De Gaulle de 1966 de quitter le commandement


intégré de l’OTAN50, la domination militaire française par les forces de
l’oligarchie était larvée, elle passait de façon officieuse par l’existence, sur le
territoire, des seules armées secrètes de l’OTAN51. En 2009, sous l’égide du
très euro-atlantiste président Sarkozy, les forces de l’oligarchie, après avoir
pris le contrôle de la puissance financière française, reprennent directement
le contrôle militaire de la France, qui réintègre le haut commandement
intégré de cette organisation militaire52.

Si les armes ne sont jamais loin de la finance et de la géopolitique, elles sont


actuellement au service d’une géopolitique entièrement dominée par l’argent
collecté par l’oligarchie occidentale.

La disparition du concept politique d’État

L’incroyable enrichissement des propriétaires des capitaux bancaires rend


possible un contrôle total du fait politique par le fait économique qui, à son
tour, génère une augmentation de l’enrichissement des propriétaires
économiques dominants. On est ici au cœur d’un cercle vertueux pour les
grands capitalistes, et vicieux pour le reste du monde, car ce système
d’enrichissement-contrôle s’auto-génère à l’infini ; l’objectif recherché par
cette oligarchie étant, au-delà de l’accaparement – qui est un moyen et non
une fin –, l’avènement institutionnel du Nouvel Ordre Mondial.

Au cours de ce processus, l’État passe du statut d’entité politique de nature


publique, à celui d’organe juridique privé au service des principaux
propriétaires de capitaux. L’ampleur internationale de ce phénomène permet
de dresser l’esquisse du plan oligarchique de création du Nouvel Ordre
Mondial : une structure mondiale autoritaire et dictatoriale dans laquelle les
populations n’auront pas leur mot à dire.

Le phénomène de privatisation de l’État n’est pas nouveau, il date, grosso


modo, de la création de banques centrales privées. Ainsi, la politique
étrangère, mais aussi et dans une très large mesure, interne, de la France, a
été durant tout le XXe siècle aux mains de la synarchie, laquelle n’est autre
que l’oligarchie française. L’historienne Annie Lacroix-Riz a parfaitement
documenté ce qu’il faut considérer comme un état de fait ; nous renvoyons
les lecteurs qui croient en la liberté du vote populaire sous l’égide de partis
politiques, à l’intégralité des ouvrages et conférences d’Annie Lacroix-Riz,
en particulier celui traitant du Choix de la défaite53. C’est cette oligarchie
qui s’est, dès les années 1920, ralliée au choix de la domination financière
proposé par les Anglo-Saxons et qui a accepté en 1930 la liquidation des
réparations de guerre et la création de la BRI par le plan Young54.

La constance de la mainmise oligarchique sur la politique française, quels


que soient par ailleurs les aléas politiques contextuels, est ce qui explique le
départ de De Gaulle – résolument hostile aux partis politiques55 –, du
gouvernement après la fin de la Seconde Guerre mondiale : il ne voulait, ou
ne pouvait, pas cautionner le retour aux affaires d’une grande partie des
collaborateurs vichystes. On ne saurait trop insister sur le fait que les
oligarques français du XXe siècle, impérialistes déclinants, se sont
transformés sans états d’âme, de collaborateurs vichystes de l’Allemagne
nazie, en collaborateurs de l’empire dominant américain, afin de pouvoir
conserver leur rang social et leurs prérogatives économiques.

C’est précisément cet enchaînement des choses qui a permis au projet


européen – par essence fédéraliste et oligarchiste – de prospérer. Projet qui
porte en lui la destruction des États-nations comme le nuage porte en lui la
pluie. La substance oligarchique de l’actuelle Union Européenne n’est
malheureusement plus à démontrer : une direction technocratique non élue et
désignée par les cercles oligarchiques transatlantiques, un parlement
fantoche ‒ dont aucun membre ne parle la même langue – qui n’a d’autre
pouvoir que celui de faire appliquer des traités soumis aux intérêts
oligarchiques, le tout soumis au contrôle vigilant d’un système fédéral
oligarchique de banques centrales. Tous les ingrédients de l’ordre
oligarchique y sont à leur bonne place.

Si la notion même d’État, en tant qu’entité politique, impose juridiquement,


de façon structurelle, le devoir de protéger le bien commun, les banques qui
subvertissent les États agissent de façon à dénaturer la notion même
d’État, en le mettant au service d’intérêts bancaires privés.
Il en résulte une perte de légitimité politique de l’État, coquille vide
instrumentalisée. Dès lors, parler d’État revient à faire un abus de droit
public constitutionnel. Les gouvernements d’États ainsi dénaturés
s’analysent, au-delà de la démocratie de façade, en une ploutocratie. L’action
des plus gros capitalistes, devenus propriétaires de banques, a anéanti la
notion juridique d’État.

Sur la scène internationale, l’État coquille vide est naturellement ravalé au


rang de simple acteur économique soumis à la prédation des principaux
tenants du pouvoir économique. Ces derniers ont réussi à imposer,
légalement, une inversion des valeurs politiques et économiques : le principe
économique a absorbé le principe politique.

Conclusion

La domination financière des banques, débutée par la concentration du


capital, s’est prolongée par le contrôle des monnaies dévolu à la notion de
banque centrale56 ; les principaux propriétaires bancaires ont ainsi pris le
contrôle de la masse monétaire en circulation. Cette domination s’est
poursuivie par une domination politique qui a entraîné un accroissement
légal toujours plus important du capital concentré. La domination militaire
est la conséquence logique du processus de domination des États par
l’oligarchie financière. Ainsi, la concentration maximale des capitaux opérée
par la création de monnaie (ancienne planche à billets et actuel Quantitative
Easing) par les banques centrales et par l’octroi de prêts à découvert par les
banques privées, génère un processus de captation du capital et des biens de
très grande ampleur qui apporte à l’oligarchie les moyens de financer des
guerres légales et illégales, licites (menées par des armées régulières) et
illicites (conduites au moyen de mercenaires dûment rétribués, contras au
Nicaragua, djihadistes en Syrie, etc.).

De politique, la domination financière devient géopolitique, l’oligarchie


ayant la prétention d’organiser l’ordre et les institutions du monde à sa
manière. Cette énorme concentration de capitaux a historiquement permis la
création d’ennemis qui se retournent, immanquablement, contre les
populations appauvries par l’accaparement érigé en système. Nous avons
ainsi connu différents grands ennemis dûment financés : le bolchevisme57,
le nazisme58, aujourd’hui l’islamisme intégriste constitué en État. Notons à
cet égard que l’État islamique se finance, notamment, en spéculant sur les
monnaies59 dans le plus parfait silence du système de virement interbancaire
Swift, lequel a pourtant su exclure les transactions avec l’Iran et a menacé
celles avec la Russie60 ; n’oublions pas les autres moyens de financement de
l’EI que sont le blanchiment d’argent, le trafic d’œuvres d’art et la vente de
pétrole61. Bizarrement les comptes bancaires de l’État islamique ne sont pas
rendus indisponibles, pas plus que ses transactions interbancaires ne sont
empêchées par les organismes financiers gestionnaires qui les contrôlent.

Ce cercle, vicieux pour les peuples et les nations, et vertueux pour les
tenants de l’oligarchie, dure déjà depuis plusieurs siècles. Les peuples du
monde – au premier titre desquels le peuple français bercé de l’illusion
révolutionnaire – devraient s’organiser en dehors de tout système de parti
politique pour s’approprier leur destin collectif ; une telle action est seule de
nature à permettre le rejet par les populations de la prédation économique,
laquelle se transforme immanquablement en prédation politique et
géopolitique.

21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-57-
entreprise-bancaire-linstrument-juridique-du-desordre-politique-global

Notes
1 L’activité de fusion-acquisition (fusac), très lucrative pour tous les
intervenants, est devenue, au-delà d’un effet de mode, un des fleurons de
l’activité des avocats d’affaires des trente dernières années.
2 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT000000682043&fastPos=1&-
fastReqId=1157335271&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte
3 http://rue89.nouvelobs.com/rue89-eco/2008/12/12/puis-je-demander-
toucher-mon-salaire-en-especes-68837
4 http://rue89.nouvelobs.com/2010/08/01/peut-on-vivre-en-france-sans-
compte-en-banque-160478
5 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2417 ;
https://www.banque-france.fr/la-banque-de-france/missions/protection-du-
consommateur/droit-au-compte/informations-sur-le-droit-au-compte.html
6 http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2013/5/15/Ltrange-nature-du-dpt-bancaire
7 http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021156849159-
pourquoi-il-faut-separer-les-banques-1131842.php
8 Cf. http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/02/06/l-allemagne-
adopte-le-principe-de-separation-des-activites-
bancaires_1827864_3234.html
9 http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/la-reforme-
bancaire-en-europe-sera-aussi-une-coquille-vide-472289.html
10 Cf. http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/l-allemagne-adopte-sa-
propre-reforme-bancaire_1435418.html
11 Cf. http://www.atlantico.fr/pepites/projet-reforme-bancaire-en-europe-
devrait-fortement-ressembler-loi-allemande-2119629.html ;
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/02/06/l-allemagne-adopte-le-
principe-de-separation-des-activites-bancaires_1827864_3234.html
12 http://www.finance-watch.org/informer/blog/1070-bsr-blog-france?
lang=fr
13 http://www.latribune.fr/entreprises-finance/reforme-bancaire-pourquoi-
les-banques-francaises-s-insurgent-contre-le-projet-europeen-485687.html ;
et aussi http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/projet-europeen-
de-reforme-bancaire-les-banques-francaises-denoncent-un-scandale-18-06-
2015-
4873589.php#xtref=http%3A%2F%2Fwww.google.fr%2Furl%3Fsa%3Dt%
24rct%3Dj%24q%3D%24esrc%3Ds%‒
24source%3Dweb%24cd%3D7%24ved%3D0ahUKEwj766v227_LAhUEX
RQKHavPDl4QFghDMAY%24url%3Dhttp%253A%252F%252Fwww.lepar
isien.fr%252Fflash-actualite-economie%252Fprojet-europeen-de-reforme-
bancaire-les-banques-francaises-denoncent-un-scandale-18-06-2015-
4873589.php%24usg%-3DAFQjCNH8WmFCGvIHLqCQKzIddd9GNysUd
Q%24sig2%3DDgkALo9ef1NpE-J5719fz9Q ; encore
http://www.agefi.fr/banque-
assurance/actualites/quotidien/20160126/deputes-francais-s-inquietent-
reforme-bancaire-167323
14 Voir « Géopolitique des paradis fiscaux », p.12.
15 Voir « Géopolitique des paradis fiscaux » ; cit.
16 Dans la zone euro, il s’agit des dépôts et des titres de créance et
instruments du marché monétaire dont les échéances sont inférieures à deux
ans.
17 http://www.google.fr/url?
sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&ved=0ahUKEwi-
ny7Tx0MDLAhXFORoKHfveCyIQFggoMAI&url=http%3A%2F%2Fwww.
bis.org%2Fpubl%2Fbcbs189_fr.pdf&usg=AFQjCNERhhxbR84wkYorwyjU
CDyyTX0e-7Q&sig2=ennCM_3tkX8kRtGbMEZnnQ ; https://acpr.banque-
france.fr/international/les-grands-enjeux/les-accords-de-bale/bale-iii.html
18 Sur le rôle fondamental joué par la BRI, voir :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-17-
geopolitique-du-systeme-banques-centrales
19 http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/10/26/20002-
20141026ARTFIG00149-stress-tests-toutes-les-grandes-banques-
reussissent-l-examen.php
20 https://www.les-crises.fr/la-vaste-blague-des-stress-tests-de-la-bce/ ;
http://www.paris-match.com/Actu/Politique/Interview-de-Philippe-
Lamberts-stress-tests-et-regulation-des-banques-642426
21 Rappelons que les stress tests américains n’avaient décelé aucune
anomalie sur la Lehman Brothers qui a pourtant fait faillite peu de temps
après : https://books.google.fr/books?id=UdqPnz-
q1pcC&pg=PA685&lpg=PA685&dq=leh‒
man+brothers+passe+ses+stress+tests&source=bl&ots=mSmDo2fC9g&‒
sig=Sq9DJFDdY9HnZMDWvwTkMB7UzIs&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEw
jOwr-Lh-
8LLAhWIrxoKHeo_BBUQ6AEISDAG#v=onepage&q=lehman%20brother
s%20passe%20ses%20stress%20tests&f=false
22 Cf. http://www.egaliteetreconciliation.fr/Stress-tests-de-la-BCE-
propagande-au-service-du-cartel-bancaire-francais-28797.html
23 https://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2015/12/23/directive-brrd-
ponction-comptes-bancaires-grands-medias-commencent-a-s-interesser-
philippe-herlin/ et aussi https://www.goldbroker.fr/actualites/alerte-directive-
brrd-ponction-comptes-bancaires-desormais-legale-france-869
24 Voir à cet égard « Géopolitique des paradis fiscaux », cit.
25 Voirparexemple, pourlaFrance :
http://www.20minutes.fr/economie/596786-20100914-economie-nicolas-
sarkozy-veut-aider-les-francais-a-devenir-proprietaires ; voir encore :
http://www.liberation.fr/france/2008/10/15/sarkozy-etait-il-partisan-des-
subprimes-a-la-francaise_111027
26 Ce projet sera analysé plus loin dans l’article « Géopolitique de
l’entreprise capitalistique ».
27 https://www.youtube.com/watch?v=a4ZcsRgC5ak
28 https://www.youtube.com/watch?v=TLjq25_ayWM
29 La titrisation permet le séquençage et la parcellisation de produits
financiers toxiques – comme l’étaient les subprimes – qui peuvent ensuite
être partiellement mélangés à d’autres produits financiers, via des véhicules
juridiques appelés special purpose vehicles, et revendus incognito à des
clients ; l’ensemble du processus a pour objet de permettre aux acteurs
bancaires ayant créé des créances irrécouvrables, de se délester
juridiquement de ces dernières de façon discrète. Ce procédé a pour effet
collatéral de contaminer très largement tous les acquéreurs de ces produits
synthétiques, qui disposeront ainsi dans leurs bilans de créances douteuses
ou irrécouvrables. C’est aussi, pour les établissements financiers, un moyen
efficace de se débarrasser de concurrents encombrants.
30 Le Credit Default Swap est une sorte d’assurance contre le non-
remboursement d’une dette d’un État ou d’une société. Toutefois, à la
différence d’une assurance, le montant en capital dû en cas de réalisation de
l’événement n’est pas garanti par une quelconque couverture financière ;
cette assurance a, au surplus, pu être proposée à nu, c’est-à-dire que les
établissements financiers pouvaient proposer des CDS sur des titres de
créances, notamment sur des dettes d’États souverains, qu’ils ne possédaient
pas.
31 Voir la manipulation du libor et de l’euribor.
32 http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/04/23/20002-
20150423ARTFIG00186-libor-comprendre-ce-scandale-qui-fait-trembler-
les-banques.php ; https://deontofi.com/fraude-sur-lindice-des-taux-euribor-
point-detape-dun-scandale-statistique-mondial/
33 Concernant le Delaware, voir « Géopolitique des paradis fiscaux », cit.
34 http://www.lefigaro.fr/marches/2011/02/09/04003-
20110209ARTFIG00584-nyse-euronext-et-deutsche-borse-pourraient-
fusionner.php
35 http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-94_fr.htm?locale=FR
36 http://www.zonebourse.com/DEUTSCHE-BOERSE-AG-
449617/actualite/Deutsche-Boerse-Projet-de-fusion-Deutsche-Borse-NYSE-
Euronext-le-Tribunal-europeen-valide-son-re-19995347/
37 Cf. http://www.lemonde.fr/bourse/article/2016/03/16/les-operateurs-
boursiers-allemand-deutsche-borse-et-britannique-lse-vont-
fusionner_4883716_1764778.html
38 Voir http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/11/14/goldman-sachs-le-
trait-d-union-entre-mario-draghi-mario-monti-et-lucas-
papademos_1603675_3214.html
39 Voir le rôle de la BRI dans le financement de l’Allemagne nazie, détaillé
dans notre précédent article « Géopolitique du système de banques
centrales ».
40 Cf. Annie Lacroix-Riz Aux origines du carcan européen (1900-1960) ; la
France sous influence allemande et américaine, coédition Le Temps des
Cerises et Delga ; voir aussi : https://vimeo.com/18006526
41 http://www.voltairenet.org/article164792.html
42 Voir http://www.challenges.fr/entreprise/20121220.CHA4583/mais-qui-
est-le-nouveau-proprietaire-de-la-bourse-de-paris.html et aussi
http://www.challenges.fr/entreprise/20121220. CHA4582/l-americain-ice-
rachete-nyse-euronext-pour-8-2-milliards-de-dollars.html
43 Cf. http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/03/17/les-defis-de-la-
fusion-lse-deutsche-borse_4884754_3234.html ;
http://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/021770839800-
accord-pour-la-fusion-entre-la-bourse-de-londres-et-deutsche-borse-
1207533.php
44 http://www.capital.fr/bourse/actualites/deutsche-boerse-et-lse-devoilent-
leur-projet-de-fusion-1109604
45 Voir « Géopolitique du libre-échange ».
46 Voir à ce propos « Géopolitique des paradis fiscaux », cit.
47 http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=4877
48 Pour une histoire de la Bourse de Paris : voir
http://www.institutdelabourse.fr/?section=presentation&page=histoire-de-la-
bourse
49 Voir http://www.slate.fr/story/25769/paris-petite-place-financiere-
province-NYSE-LSE ; http://www.slate.fr/story/34213/bourse-defaite-nyse ;
et https://fr.wikipedia.org/wiki/Bourse_de_Paris
50 Cf. https://www.monde-diplomatique.fr/2008/04/VIDAL/15800
51 Cf. Les armées secrètes de l’OTAN de Daniele Ganser, aux éditions Demi
Lune, collection Résistances.
52 https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9int%C3%A9gration_de_la_Franc
e_dans_le_commandement_int%C3%A9gr%C3%A9_de_l%27OTAN ;
http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-
defense/reintegration-france-otan/
53 2e édition, éd. Armand Colin, 2017.
54 Voir « Géopolitique du système de banques centrales », p.148.
55 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Gaulle
56 Voir « Géopolitique du système des banques centrales »
57 Cf. Antony Sutton, Wall Street et la Révolution bolchevique, cit ; voir
également https://fr.wikipedia.org/wiki/Antony_Cyril_Sutton
58 Voir notre article « Géopolitique des banques centrales pour le
financement du nazisme par la BRI » ; concernant le financement du
nazisme par les multinationales : https://www.youtube.com/watch?
v=GGciVseWyhs ; concernant le financement du nazisme par Wall Street :
Antony Sutton, Wall Street et l’ascension de Hitler, cit. ; voir aussi
https://www.youtube.com/watch?v=aq7so0vk2uQ
59 Cf. http://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/quand-l-etat-islamique-s-
enrichit-en-speculant-sur-le-trading-de-devises-957765.html
60 Cf. https://www.les-crises.fr/deconnexion-swift-russie
61 Cf. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/11/19/esclavage-
rancons-petrole-pillage-comment-se-finance-l-etat-
islamique_4812961_4355770.html ;
http://www.lesechos.fr/17/11/2015/lesechos.fr/021484782326_attentats‒
comment-se-finance-l-etat-islamique.htm ; voir aussi cette interview du
président syrien Bachar el-Assad : https://www.youtube.com/watch?
v=foKf_4lLXjY

Géopolitique de l’entreprise capitalistique


1/2

Ni communiste ni ultra-libérale, la troisième voie politique réside dans


l’apaisement des relations sociales, politiques et géopolitiques que rendra
possible un renouveau juridique global du concept d’entreprise. Lorsque
nous parlerons d’entreprise dans le présent exposé, il faudra comprendre
l’actuel modèle d’entreprise de type capitalistique qui s’est imposé au
niveau mondial. Les variations juridiques, d’un modèle étatique à l’autre,
s’arrêtent devant le mur de leurs points communs que sont la soumission aux
intérêts des actionnaires majoritaires et la possibilité de devenir des
conglomérats aux mains de ces mêmes actionnaires cachés derrière de
multiples structures juridiques.

L’entreprise sous sa forme actuelle, obligeamment tournée vers la prédation


économique, est un acteur essentiel du jeu de pouvoir anglo-saxon, lequel
développe sa domination par le contrôle monétaire et par le libre-échange.
Ce système global de domination, fortement intégré, est aujourd’hui en
phase d’expansion rapide.

Or le principe politique, qui a pour fonction de régir la vie en société, devrait


régir le commerce et l’économie et n’être pas régi par eux. Commerce et
politique sont deux termes différents qui ne peuvent pas être assimilés.
Aujourd’hui, le rôle de l’État est considérablement abaissé et amoindri par le
fait du modèle d’entreprise de type capitalistique ; les États n’ont plus les
moyens d’assumer leur rôle politique qui est, avant tout, d’assurer et de
garantir la paix sociale.

Face aux excès dus à la confiscation du pouvoir par une élite financière, il
est globalement souhaitable de réformer l’entreprise qui sert d’appui à leur
expansionnisme juridique et politique mondial. La théorie juridique exposée
en seconde partie de cet article, qui s’inscrit dans une ligne de rupture,
répond au besoin – aujourd’hui impérieux – de rendre au fait politique un
contrôle sur le fait économique, en d’autres termes, de rendre à la notion
d’État ses lettres de noblesse.

Ces propositions juridiques s’inscrivent dans la lignée de la conception


gaulliste de l’entreprise1, étant précisé que nous proposons une
réorganisation structurelle du concept même d’entreprise et non un
aménagement de ce concept. L’établissement d’un contrôle juridique de
l’entreprise par l’État et la matérialisation juridique d’un équilibre des
pouvoirs au sein de cette institution seraient de nature à redonner aux États
des marges de manœuvre économiques et politiques.

Cette théorie juridique de l’entreprise, si elle était acceptée par une majorité
d’États, serait indiscutablement de nature à changer la géopolitique mondiale
en mettant un terme à la prédation politico-économique en cours
d’achèvement.

Toutefois, un renouveau du concept juridique d’entreprise ne pourra, de


toute évidence, être réalisé que par des instances politiques qui ne soient pas
de simples émissaires des forces économiques en place. L’Occident n’a
malheureusement plus à sa disposition d’instances politiques qui s’occupent
réellement du bien commun. Les appareils des partis politiques ainsi qu’une
partie très substantielle – pour ne pas dire l’intégralité – des appareils d’État
ont été phagocytés par les principaux détenteurs de capitaux. On peut
aujourd’hui considérer que les États occidentaux sont, d’une façon générale,
soumis au despotisme de ce que certains géopoliticiens – tel Peter Scott Dale
– désignent du terme d’État profond et qui n’est en réalité que le dévoiement
total ou partiel des institutions publiques par et pour les intérêts privés des
principaux détenteurs de capitaux.

Nous analyserons, dans une première partie, les aspects juridiques


problématiques de l’actuel modèle d’entreprise capitalistique. Dans une
seconde partie, nous proposerons un nouveau modèle juridique d’entreprise
de nature à transformer cette dernière en un instrument de politique
économique au service des peuples. Cette théorie ne pourra être validée qu’à
partir du moment où des chefs d’État courageux et honnêtes auront l’audace
d’imposer un tel renouveau juridique de l’entreprise dans leur législation.

1ère sous-partie : les aspects juridiques problématiques de l’actuel


modèle d’entreprise capitalistique

La conception économique anglo-saxonne du monde, qui s’est installée en


Occident depuis l’avènement des grandes révolutions s’est, durant le
XXe siècle, considérablement renforcée – au point d’y être devenue
prépondérante. Cette appréciation commercialiste de la vie en société s’est,
durant la même période, imposée au reste du monde via le développement
d’instruments juridiques dédiés – principalement les organisations
internationales et les grandes firmes juridiques et d’audit anglo-saxonnes (les
très concentrées, Fat Four). L’appréhension de la vie en commun sous le seul
prisme du principe économique s’est, d’une façon générale, imposée au
niveau global par le biais de la domination juridique du droit anglo-saxon
qui a, peu à peu, anéanti la conception occidentale continentale du droit.

Dans une perspective de philosophie juridique, deux visions occidentales de


l’entreprise, l’une anglo-saxonne et l’autre continentale, s’affrontent au
travers de l’entreprise. Dans la vision anglo-saxonne, l’entreprise domine la
politique alors que dans la vision continentale, la politique domine
l’entreprise. À la faveur du droit de l’Union européenne, la vision anglo-
saxonne l’a finalement emporté, en Europe, sur la vision continentale. Les
dérives politiques et sociétales globales que nous connaissons aujourd’hui
font cortège à cette conception monolithique du monde.

Une observation attentive de la vie économique, juridique et politique


actuelle montre que la domination du fait économique est entièrement
construite autour de la notion d’entreprise capitalistique. En assurant la
circulation des flux monétaires et financiers dans le monde, l’entreprise joue
un rôle prépondérant dans l’organisation économique globale. Compagnon
inséparable des paradis fiscaux, l’entreprise est à la fois le moteur et le
talon d’Achille du système actuellement en place ; système qui verra son
achèvement dans l’avènement du Nouvel Ordre Mondial tant attendu par la
ploutocratie. Ce Nouvel Ordre Mondial est aujourd’hui sur le point, avec la
signature du traité transpacifique – bientôt suivie par celle du traité
transatlantique –, de franchir un nouveau et considérable bond en avant dans
l’asservissement mondial généralisé des individus et des nations.

Nous commencerons par faire une rapide description du contexte politico-


juridique dans lequel l’actuel modèle d’entreprise s’inscrit. Nous
considérerons ensuite les raisons qui font de l’actuel modèle d’entreprise un
instrument de prédation sociale, politique et géopolitique.

I) Rapide description du contexte politico-juridique dans lequel


l’actuel modèle d’entreprise capitalistique s’inscrit
D’une façon générale, l’entreprise est le moyen légal pour ses principaux
propriétaires de se doter d’une sorte de passe-droit juridique et fiscal
permettant d’échapper à l’impôt, ce qui génère une accumulation indue de
capitaux, lesquels seront utilisés par les entreprises pour mieux avaler la
concurrence et pour financer au moyen de la corruption et du lobbying –
corruption légale – les décideurs politiques qui feront voter des lois toujours
plus favorables aux grandes entreprises et à leurs propriétaires. La
concentration des capitaux, consubstantielle à l’actuelle entreprise de type
capitalistique, transforme cette dernière en instrument de prédation politique
et géopolitique.

C’est ainsi qu’ont pu être votées toutes les lois de déréglementation et de


créativité bancaire ‒ titrisation au moyen de Special Purpose Vehicule,
CDS2, hedge funds3, opérations pour compte propre, etc. ; c’est ainsi que la
théorie des jeux a pu être appliquée à l’économie comme une sorte de dogme
irréfragable. C’est ainsi qu’ont pu être autorisées les opérations de LBO4,
pure prédation économique consistant à acquérir une entreprise en faisant
payer le coût d’acquisition par la victime de la prédation, etc.

Historiquement, l’action des principaux détenteurs de capitaux en Occident


n’a cessé de se renforcer au fil des siècles5 pour finalement aboutir à une
prise de contrôle officieuse, plus ou moins achevée selon les cas, des
institutions étatiques et internationales. L’entreprise a été utilisée par ce
groupe d’individus comme un instrument puissant pour accroître son
pouvoir au sein des institutions publiques.

Il en a résulté l’émergence de ce que certains politologues et géopoliticiens


désignent du terme d’État profond. Les apparentes démocraties6
occidentales, qui ont souvent la forme de Républiques, ne sont en réalité que
le paravent de régimes politiques ploutocratiques7, dans lequel les détenteurs
réels du pouvoir ne s’identifient aucunement aux détenteurs apparents du
pouvoir que sont les présidents des Républiques et autres premiers ministres.
En Occident, les réels détenteurs du pouvoir sont les principaux capitalistes
réunis au sein de ce que l’on peut désigner du terme de consortium bancaire.

Nous allons voir comment, par son mode de fonctionnement, l’entreprise est
un outil de prédation économique, politique et géopolitique aux mains de ces
réels détenteurs du pouvoir.
II) Le modèle d’entreprise de type capitalistique actuellement en
vigueur est un instrument de prédation sociale, politique et
géopolitique

Le modèle d’entreprise capitalistique est le facteur principal de


déstabilisation sociale, d’une part en raison de ses caractéristiques
intrinsèques (A) et d’autre part en raison de l’abandon, par l’État, de son rôle
législatif (B).

Il faut immédiatement ajouter que la distinction entre les caractéristiques


propres de l’entreprise et la démission de l’État est un peu factice dans la
mesure où l’État devrait, s’il n’avait pas démissionné de son rôle, assujettir
les caractéristiques propres de l’entreprise à l’intérêt commun, ce qui n’est
évidemment pas le cas ; les caractéristiques propres de l’entreprise sont donc
également une forme, profonde, de démission de l’État.

A) L’ACTUEL MODÈLE D’ENTREPRISE CAPITALISTIQUE


EST UN INSTRUMENT DE PRÉDATION SOCIALE AU
PROFIT DE SES PROPRIÉTAIRES MAJORITAIRES

Selon le modèle actuel, l’entreprise capitalistique est une organisation


hiérarchique aux mains de ses propriétaires majoritaires ce qui permet
d’assurer leur anonymat.

La prééminence des propriétaires majoritaires sur tous les autres


acteurs de l’entreprise

La politique généralisée du profit à court terne qui prévaut actuellement dans


le monde économique est rendue possible par la prééminence d’un groupe
d’acteurs de l’entreprise sur les autres éléments constitutifs de cette
dernière : celui des apporteurs de capitaux, et parmi eux, essentiellement les
apporteurs majoritaires qui décident réellement de la politique suivie par
l’entreprise. En effet, les dirigeants d’entreprise, nommés par les
actionnaires majoritaires, ont pour fonction structurelle de mettre en œuvre
l’intérêt financier et matériel de ces derniers (dont ils dépendent).

Ce phénomène permet un détournement de la fonction de l’entreprise


considérée comme personnalité juridique. En effet, contrairement aux
exigences légales, l’entreprise ainsi conçue ne peut pas, de façon
structurelle, avoir réellement pour rôle d’agir dans son intérêt propre, ce qui
est pourtant une contrainte légale liée à l’acquisition de la personnalité
juridique. L’intérêt des actionnaires majoritaires prime, dans les faits, sur
toute autre considération puisque cet intérêt oriente, par construction, les
actions des dirigeants. En définitive, l’intérêt de l’entreprise se confond, de
façon structurelle, avec l’intérêt des actionnaires majoritaires.

En conséquence, la politique suivie par l’entreprise sera essentiellement le


reflet des seuls intérêts de ses apporteurs majoritaires de capitaux alors
même, concernant les grandes entreprises cotées en bourse, que le groupe
majoritaire peut être utilement constitué – en valeur absolue – par une infime
minorité d’actionnaires.

La prééminence absolue, dans l’entreprise, des apporteurs de capitaux a pour


effet structurel la privatisation du rôle et de la notion d’entreprise, celle-ci
devenant non pas un acteur dans et pour la société – pris au sens politique du
terme – mais un moyen détourné, pour un groupe d’individus, de prendre le
pouvoir économique, lequel permettra ensuite une captation du pouvoir
politique.

La concentration du capital générée par l’entreprise conçue comme


prédateur économique a ainsi permis à ses bénéficiaires, les très gros
capitalistes, d’imposer juridiquement, au niveau mondial, le principe de
libre-échange, c’est-à-dire la liberté de circulation des capitaux, des
marchandises et des humains. Cette pente fatale mène inéluctablement à ce
que l’entreprise devienne un instrument de domination non seulement
politique mais aussi géopolitique dans les mains d’un petit nombre
d’individus dont l’identité sera par ailleurs difficile à distinguer.

Nous verrons, dans la seconde partie de cet article, qu’une appréciation


objective de la réalité de ce qu’est une entreprise rend évidente l’observation
selon laquelle cette dernière ne peut fonctionner que s’il existe,
indépendamment des actionnaires, des personnes qui travaillent pour mettre
en œuvre l’objet social (qui est la raison d’être de l’entreprise en tant que
personnalité morale). Il s’agit des employés que nous désignerons du terme
d’apporteurs de travail, peu importe la nature juridique du lien qui les relie à
l’entreprise (contrat de travail, sous-traitance…). Ce groupe d’individus
n’est pas reconnu aujourd’hui par le droit dans la mesure de son apport au
fonctionnement de l’entreprise ; il n’est considéré que de façon secondaire
alors que son rôle est tout à fait primordial dans la mise en œuvre de l’objet
social, qui est la raison d’être fondamentale de l’existence juridique de
l’entreprise.

L’entreprise permet l’anonymat des principaux propriétaires de


capitaux

Dans l’actuel modèle d’entreprise capitalistique, les apporteurs de capitaux


sont non seulement prépondérants mais ils peuvent également, dans une très
large mesure, se rendre juridiquement anonymes ; ce qui a pour effet de
faciliter leur prise de pouvoir par une concentration discrète – qui n’attire
l’attention de personne – des capitaux.

L’anonymat des principaux propriétaires de capitaux joue à un double


niveau.

À un premier niveau, les actionnaires majoritaires utilisent le paravent de la


personnalité morale (personnalité fictive juridiquement accordée à une
société) pour anonymiser leur appropriation des biens matériels et
immatériels ; ces biens sont officiellement détenus par les entreprises et
officieusement sous l’emprise indirecte mais réelle des majoritaires. Cette
méthode judicieuse d’appropriation empêche le public de s’émouvoir d’un
accaparement qu’il ignore. Au stade de l’entreprise en tant qu’entité
juridique, il reste néanmoins relativement simple – sauf en cas de trust
anonyme – de découvrir qui sont ses propriétaires, ce qui n’est pas le cas en
présence de groupes d’entreprises.

A un second niveau, l’anonymat résulte de l’émergence de groupes


économiques, constitués d’une superposition complexe de structures
juridiques. Les trusts anonymes et la localisation dans des paradis fiscaux ne
sont évidemment pas absents de l’organigramme de ces conglomérats
internationaux. D’une façon générale, l’existence de groupes économiques
aux ramifications internationales rend très difficile, voire impossible, la
connaissance des propriétaires qui tirent les ficelles de l’ensemble
économique. Les banques, à l’avant-poste des groupes multinationaux, ont
de cette façon pris, discrètement et très efficacement, le contrôle du pouvoir
politique dans la plupart des pays du monde.

Le trust, qui est un élément essentiel des groupes internationaux, mérite


quelques développements.

Le cas du trust

Le trust est une honorable et très ancienne institution d’origine anglaise. Le


trust anglais n’est pas d’essence commerciale mais civile. Il permet la
gestion des transferts de propriété et il est soumis non pas au régime de droit
de la common law mais à celui de l’equity.

Cette organisation juridique, d’origine anglaise, a été détournée de sa


fonction initiale par les grands capitalistes qui se sont développés aux États-
Unis d’Amérique à la fin du XIXe siècle – notamment avec la famille
Rockefeller – afin de contourner le droit américain des sociétés. Au vu du
succès de la Standard Oil Trust fondée par la famille Rockefeller en 1882, le
trust s’est ainsi mis à prospérer en droit des affaires anglo-saxon.
L’hégémonie économique prise par les USA durant le XXe siècle a permis
tout à la fois d’imposer le trust comme instrument de gestion des paradis
fiscaux8 et d’imposer cette institution dans la pratique du commerce
international.

Dans ce contexte, le trust est devenu le vecteur juridique privilégié de la


liberté de circulation des capitaux. Cette institution a deux avantages, elle
permet d’une part l’opacité quant aux propriétaires. Elle permet d’autre part,
parce qu’elle est un véhicule juridique, la circulation des capitaux partout
dans le monde.

Toutefois, afin que la libre circulation des capitaux par trusts interposés
puisse se réaliser pleinement, il fallait que le véhicule juridique trust soit
juridiquement reconnu dans les différentes parties du monde. Il a donc été
nécessaire soit d’imposer purement et simplement cette institution dans des
systèmes juridiques étrangers – opérant ainsi un apport juridique étranger
directement au sein des législations concernées –, soit d’adapter les systèmes
juridiques étrangers au concept de trust de façon à rendre cette institution
juridiquement valable.
C’est à cette dernière préoccupation que répond l’intégration, en droit
français, de la fiducie. En effet, le trust anglo-saxon, qui n’entre dans aucune
des qualifications traditionnelles du droit français, y fait figure d’ovni
juridique.

Le droit français connaît de multiples formes et régimes permettant de


transférer la propriété en toute clarté – la donation, la donation-partage, le
legs, etc. La clarté ne remplissant pas les conditions nécessaires à
l’accaparement discret, on comprend que ce modèle de transmission du
patrimoine ne se soit pas imposé dans l’ordre économique mondial.

S’agissant de la gestion des biens professionnels, le droit français connaît


également un grand nombre de structures juridiques permettant très
largement de se passer du trust anglais : les Codes civil et de commerce
connaissent déjà la fondation, l’association, la société anonyme, la société en
commandite (simple et par actions), la SARL, la société civile, les holdings,
la société unipersonnelle sous différentes formes, le GIE, le GAEC, et
encore bien d’autres…

De la même manière en matière de droit des sûretés, la loi française connaît


de nombreux mécanismes ayant fait la preuve de leur efficacité : sûretés
réelles (hypothèque, gage) ou personnelles (caution).

Il n’y avait donc aucune nécessité impérieuse d’ordre patrimonial,


commercial ou professionnel d’introduire le trust en droit français ; la seule
nécessité provenait de l’ouverture des frontières et du sacro-saint principe
politique de liberté de circulation des capitaux. Pour les raisons décrites ci-
dessus, cette introduction ne fut pas simple, les premières tentatives étant
restées infructueuses ; mais elle le fut finalement, grâce aux bons soins du
sénateur Philippe Marini, avec l’avènement de la fiducie9.

Aux yeux des acteurs du monde des affaires à l’origine de l’introduction de


ce concept en droit français10, la fiducie française n’est toutefois qu’une
pâle et insuffisante imitation du trust anglo-saxon. Cet ersatz est néanmoins
suffisant pour déstructurer en profondeur un système de droit intégré et
cohérent, fondé sur l’unicité du patrimoine, tel que l’était celui du Code
civil11.
Outre les caractéristiques intrinsèques – d’outil de pouvoir et d’anonymat –
de la conception actuelle de l’entreprise capitalistique, l’abandon par les
États de leur rôle de législateurs facilite l’utilisation de l’entreprise comme
instrument de prédation économico-politique par ses principaux
propriétaires.

B) L’ACTUEL MODÈLE D’ENTREPRISE CAPITALISTIQUE


EST UN INSTRUMENT DE PRÉDATION SOCIALE EN
RAISON DE L’ABANDON PAR L’ÉTAT DE SON RÔLE
LÉGISLATIF

Il faut immédiatement préciser le sens de abandon par l’État de son rôle


législatif. Cette démission concerne les principes politiques de l’organisation
sociale. Car l’État démissionnaire est, dans le même temps et par
contrecoup, atteint d’une sorte de frénésie normative. Ce déchaînement
réglementaire ne porte bien évidemment pas sur la reprise en main des
grandes orientations politiques à donner à la société, mais a pour objet de
mettre en application les intérêts des principaux capitalistes. Ces
débordements normatifs, qui noient les administrés sous des quantités de
textes, sont un moyen judicieux d’imposer discrètement des principes
politiques dans l’intérêt des seuls acteurs économiques dominants.

D’une façon générale, la frénésie normative est la conséquence directe de la


disparition de l’État en tant qu’entité politique ; elle est le fait d’un État
dénaturé, qui a perdu sa souveraineté et qui s’est mis au service du grand
capital. En France, l’actuel projet de loi – dite travail –, à l’occasion duquel
le patronat gagne la possibilité de déroger contractuellement aux dispositions
du Code du Travail, est une illustration édifiante de ce processus12.

L’État en tant qu’entité politique légitime n’existe plus dans les pays
occidentaux ; c’est la raison principale pour laquelle il a démissionné de son
rôle d’impulsion des grandes orientations politiques. La souveraineté ne peut
pas se conjuguer au principe d’allégeance, elle est ou elle n’est pas. Un État
qui fait allégeance à des intérêts privés n’est en aucun cas un État souverain.

Nous verrons que l’État français et tous les États du monde ont renoncé à
déterminer et encadrer de façon stricte le rôle social – manifesté par l’objet
social – de l’entreprise.
Par ailleurs, en France, la nature juridique du concept d’entreprise oscille
entre une approche contractuelle, de plus en plus envahissante, et une
approche institutionnelle, en régression, le tout engendrant une insécurité
juridique pour les petits entrepreneurs. Dans le même ordre d’idées, le
législateur étatique français et européen autorise une multitude de formes et
de régimes juridiques et fiscaux qui pénalisent les petits entrepreneurs et
avantagent les groupes économiques disposant d’une forte assise financière.

Enfin et surtout, les législateurs étatiques des différents pays du monde ont
renoncé à édicter les normes comptables des entreprises multinationales,
prérogatives qui appartiennent aujourd’hui, de plein droit, aux acteurs
économiques dominants. Il n’y a, semble-t-il, malheureusement pas le
moindre début de contestation, par les États, de ce phénomène…

Une indétermination juridique du rôle social, c’est-à-dire de l’objet


social de l’entreprise

Aujourd’hui, l’objet social de l’entreprise, qui doit obligatoirement être


précisé dans ses statuts, n’a aucune obligation d’être clairement circonscrit à
une activité précisément identifiée.

À l’échelle de l’entité juridique, l’objet social est le plus souvent désigné de


façon suffisamment large et floue pour permettre un très large éventail
d’activités, éventail susceptible de s’ouvrir et de se fermer en fonction des
événements conjecturaux.

Si certaines marges de manœuvre sont en effet nécessaires à l’entreprise


pour évoluer en fonction des aléas du marché, une indétermination excessive
de son objet social permet une évolution structurelle de l’entreprise dans des
voies radicalement différentes de sa raison d’être initiale ; l’entreprise est
alors véritablement transformée et n’a plus rien à voir avec l’objectif pour
lequel elle avait été créée ; de cette façon, l’entreprise échappe au législateur
interne.

Mais il y a pire : le contrôle étatique sur le rôle social rempli par l’entreprise
disparaît totalement en présence d’un groupe d’entreprises.
À la faveur de l’émergence de la notion de groupe d’entreprises – plus ou
moins formellement pris en compte par le droit, mais d’ores et déjà une
réalité fiscale en France – l’objet social réel du groupe est tout à fait
colossal, il est susceptible de prendre en compte à peu près l’intégralité des
activités humaines.

En présence d’un groupe de sociétés, le formalisme légal exigeant pour


chaque société la détermination – dans les statuts – d’un objet social est vidé
de toute substance, par les propriétaires de l’ensemble économique formé
par le groupe. À l’échelle du groupe d’entreprises, les législateurs nationaux
n’ont aucune prise sur l’activité réellement exercée par les détenteurs
majoritaires des capitaux professionnels. On assiste ici à une subversion du
pouvoir politique normatif – le pouvoir d’édicter des règles – en
l’occurrence l’obligation d’indiquer un objet social – par les principaux
détenteurs de capitaux qui ne supportent aucun contre-pouvoir dans la
délimitation de leurs activités.

Pour résumer : une entité juridique informelle – le groupe d’entreprises –,


reliée par ses actionnaires majoritaires et dotée d’un pouvoir économique
réel, s’arroge le droit d’agir, sur toute la surface de la Terre, en toute
indépendance par rapport aux États.

Une fois de plus, les États sont considérés par les principaux détenteurs du
pouvoir économique comme quantités négligeables. La négation du
principe législatif par le pouvoir économique est en réalité la négation
du concept d’État ; derrière ce phénomène se cache une prise du pouvoir
politique par les principaux acteurs économiques.

Outre son objet social indéterminé, la nature même de l’entreprise est


juridiquement incertaine en droit français.

Une indétermination de la nature juridique de l’entreprise en droit


français

En France, l’indétermination de la nature juridique – contrat ou institution –


de l’entreprise peut avoir des effets juridiques et fiscaux considérables à
l’occasion d’événements importants dans la vie de l’entreprise. Par exemple,
une modification régulière des statuts sera considérée comme comportant la
disparition de l’entreprise si celle-ci est une institution, tandis qu’elle ne le
sera pas si celle-ci a la nature d’un contrat.

Les tenants de la liberté totale – et plus – du commerce, qui ont actuellement


pris le pouvoir politique dans les pays occidentaux, sont naturellement
partisans d’une conception contractuelle de l’entreprise qui leur laisse
beaucoup plus de marge de manœuvre vis-à-vis des instances publiques.

En revanche, les partisans d’un État fort, qui veulent restaurer la force de la
loi considérée comme devant préserver l’intérêt général, devront
naturellement considérer l’entreprise comme une institution. Une fois
l’entreprise créée, il n’appartient plus aux propriétaires ‒ y compris les
majoritaires – d’en changer totalement la substance. S’ils veulent le faire, ils
devront dissoudre l’entreprise existante pour éventuellement en créer une
nouvelle. La contrainte juridique change de camp.

L’actuelle indétermination de la nature juridique de l’entreprise a pour


conséquence une insécurité juridique préjudiciable au bon fonctionnement
de l’activité économique générale. En effet, les choix politiques du chef
d’entreprise en matière juridique et fiscale sont susceptibles d’être remis en
cause tant par les administrations publiques que par les juges, alors même
que ces choix avaient été faits de bonne foi. Ce qui, concrètement, engendre
de légitimes aigreurs de la part des entrepreneurs.

Il faut noter que, comme toujours, seules les petites et moyennes entreprises
(PME) sont susceptibles de réellement souffrir de cette insécurité juridique,
les multinationales ayant l’assise financière leur permettant d’amortir ce
genre d’inconvénients. Ce qui peut être fatal à une petite entreprise ne
s’avère être qu’un inconvénient mineur pour une multinationale.

Au-delà de l’indétermination de la nature juridique de l’entreprise, la


multitude de formes et de régimes juridiques et fiscaux disponibles est une
liberté pour les grandes entreprises et un esclavage pour les PME.

La multiplicité des formes et des régimes juridiques et fiscaux est une


liberté pour les uns et un esclavage pour les autres
Pour comprendre la problématique liée à la multitude des formes juridiques,
il faut revenir à l’essentiel, c’est-à-dire aux contraintes fondamentales de
l’activité humaine. Pour l’essentiel, l’activité humaine exercée de façon
régulière – à titre professionnel, donc – peut concerner des domaines très
variés allant de la recherche de bénéfices au simple exercice à titre gratuit.
Toutefois, qu’un bénéfice soit ou non recherché à titre principal par le ou les
exploitants d’une activité professionnelle, cette activité a besoin, à un
moment ou à un autre, d’être financée. Par ailleurs, cette activité concerne
toujours un ou des individus, qui travaillent directement ou indirectement,
pour la mettre en œuvre.

Ainsi, si l’on s’en tient aux fondamentaux de l’activité humaine, la


différence entre associations, fondations, GIE (groupement d’intérêt
économique), GEIE (groupement européen d’intérêt économique), GAEC,
société de personnes, sociétés de capitaux – nationales ou européennes,
unipersonnelles ou collectives – sociétés de fait et autres trusts s’avère en
définitive source de complexité inutile.

La seule légitimité de cette complexité réside dans le poids de l’histoire et


l’avantage éventuel qu’en tirent les gros propriétaires de capitaux, qui
utilisent successivement et/ou simultanément l’une et l’autre des structures à
leur disposition en fonction de leur intérêt financier. En effet, la multiplicité
des structures juridiques disponibles favorise les grandes entreprises – et les
propriétaires qui sont derrière – qui peuvent financer de coûteux conseils
juridiques, comptables et fiscaux. Ces entreprises bénéficient ainsi d’un
grand choix de formes et de régimes juridiques et fiscaux qui leur permettent
d’éviter la plupart des inconvénients de l’une ou l’autre des options, générant
par ricochet de nombreuses économies.

Les petits et moyens exploitants sont, de leur côté, souvent embarrassés par
les choix qui s’offrent à eux : mal informés sur les avantages et les
inconvénients – par ailleurs extrêmement fluctuants – des différentes
structures et régimes, ils finissent inéluctablement par prendre une mauvaise
option, pas toujours aisée à corriger. Dans le meilleur des cas, cette erreur
réduira la marge bénéficiaire de leur activité. Dans le pire des cas, leur faible
assise financière ne leur permettra pas d’amortir le coût de cette erreur et ils
seront contraints de liquider leur activité professionnelle. Cette situation
nuit, quoiqu’il en soit, aux États, en réduisant d’autant leurs rentrées fiscales.
D’une façon générale, la complexité, bien que s’appliquant théoriquement de
façon indistincte à toutes les entreprises, ne pénalise concrètement que les
seules entreprises ayant peu d’assises financières et dont les dirigeants ont
eux-mêmes peu de connaissances comptables, juridiques et fiscales –
connaissances pointues qu’il faut par ailleurs et remettre sans cesse à jour, en
raison des incessants changements législatifs et réglementaires.

En plus de bénéficier de façon structurelle des carences étatiques, les


conglomérats se sont en outre directement arrogé, en toute impunité et sans
réaction étatique notoire, le droit d’édicter, au niveau mondial, les normes
comptables qui leur sont applicables.

L’édiction par l’oligarchie financière des règles comptables applicables


aux sociétés par actions inscrites en bourse est le symptôme de
l’effacement du rôle et de la fonction de l’État

Les propriétaires majoritaires des grands conglomérats contrôlent, au niveau


international, les règles comptables des entreprises cotées en bourse.

Les normes IFRS sont édictées par les tenants du pouvoir économique
global

La comptabilité des entreprises cotées en bourse est très majoritairement


réglée aujourd’hui au niveau mondial par les règles comptables dites IFRS.

Ces règles sont issues d’un organisme privé, l’IASB (acronyme de


International Accounting Standard Board, le bureau des standards
comptables internationaux), dont le siège est – sans surprise13 – situé à
Londres.

L’IASB est sous la tutelle de l’IASCF14, structure à but non lucratif qui
œuvre pour le bien commun de ses membres – les plus gros détenteurs de
capitaux du globe. L’IASCF, créée en 2001 dans l’État du Delaware – l’un
des tout premiers paradis fiscaux de la planète15 – est composée de 22
administrateurs (trustees16) qui assurent la direction de l’IASB et des entités
associées17.

En résumé, l’IASB, organisme privé, ne rend des comptes qu’aux fondations


privées qui le financent, au premier titre desquelles on retrouve les plus
grands établissements financiers et les principaux cabinets d’audit de la
planète. On comprend donc que cet organisme a structurellement à cœur de
défendre les intérêts des principaux détenteurs de capitaux.

Les grandes tendances des normes IFRS

Ces règles comptables, par construction arrangeantes pour les


multinationales, permettent une appréciation de plus en plus individualisée et
subjective et de moins en moins générique et objective de la valeur des actifs
du bilan des grandes entreprises. Ce qui a pour effet direct de réduire la
sécurité juridique – et donc la confiance – dans les transactions
commerciales, tant nationales qu’internationales. À titre d’illustration, cette
réglementation permet l’évaluation comptable dite à la juste valeur (fair
value en anglais IFRS), extrêmement sujette à manipulation, en lieu et place
de la valorisation au coût historique – anciennement en vigueur en France –
qui était incontestable et non susceptible de manipulation.

D’une façon générale, dans l’ordre politico-économique qui sévit


aujourd’hui, il faut prendre l’habitude de comprendre la terminologie utilisée
comme désignant le contresens exact de ce qu’elle prétend désigner. Ainsi,
la juste valeur ne comprend pas le terme juste au sens de la justice globale
pérenne dans le temps mais au sens de l’intérêt, à un moment donné, de
l’entreprise qui utilise et valorise le bien en question. Chaque fois que les
adjectifs juste, libre, etc. apparaissent sur le terrain réglementaire, il faut
comprendre qu’ils signifient la mise en place d’un processus partial, injuste
et de type carcéral pour les petits, tandis qu’il sera en effet juste et libre pour
les puissants.

De la même façon, tous les hommes qui prétendent libérer la croissance, les
énergies, l’économie parlent au nom des plus gros propriétaires de capitaux
et ne se soucient aucunement de libérer les énergies productives des PME ou
des citoyens.

Nous avons une nouvelle manifestation de la justice de caste –


sournoisement en cours de rapide développement en Occident – déjà décrite
dans un précédent article18.

Les normes IFRS tendent à s’imposer partout dans le monde


Au niveau européen, les normes IFRS s’imposent depuis l’édiction d’un
« règlement européen » – directement applicable sur le territoire des États
membres de l’UE, à la différence d’une directive qui doit être transposée –
du 19 juillet 200219.

Les normes IFRS se sont ainsi imposées en France par le biais du droit de
l’Union européenne. Cela ne doit point surprendre, car nous avons déjà vu20
que l’Union européenne était un mur institutionnel de consolidation du
système général de prédation économique mis en place par les grands
capitalistes.

Outre les pays occidentaux, ces normes IFRS tendent à s’imposer au niveau
mondial. Elles sont actuellement appliquées par cent vingt-trois pays répartis
sur tous les continents. Ainsi, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Hong Kong,
l’Afrique du Sud ont adopté ces règles en 2003. Le Canada, le Mexique, la
Chine, le Japon, l’Inde et la Russie (pour les institutions bancaires et certains
émetteurs de titres) appliquent aujourd’hui également les normes IFRS.

La normalisation comptable mondiale est un préambule à la réalisation


du gouvernement mondial oligarchique (Nouvel Ordre Mondial)

Le contrôle des règles comptables est un élément important du processus


général de contrôle économique global mis en œuvre par les détenteurs du
pouvoir économique.

Sans surprise, ces normes IFRS ont été édictées afin de faire converger les
modèles américain (US GAAP) et européen21. Il s’agit ni plus ni moins
d’un processus de convergence normative annonciatrice du grand marché
transatlantique et, un pas plus loin, du gouvernement mondial – ou Nouvel
Ordre Mondial – voulu par l’oligarchie bancaire.

Les États, une fois de plus, apparaissent comme de simples entités juridiques
chargées de faire respecter, sur leur territoire, les intérêts privés des
principaux propriétaires de capitaux ; intérêts érigés en loi internationale
fondamentale.

Ce qui se passe au niveau des normes comptables applicables aux entreprises


est un symptôme : celui de l’avancée considérable, dans les faits, du
processus de désintégration des États, processus qui ne demande plus qu’à
être juridiquement acté.

Conclusion de la 1ère sous-partie

La position hégémonique que les principaux propriétaires de capitaux ont


acquise dans la structure de l’entreprise de type capitalistique leur a permis
ensuite d’acquérir cette même position dans les institutions étatiques,
laquelle leur a permis à son tour de renforcer leur hégémonie internationale.
D’économique, l’hégémonie est ainsi devenue – la subversion étatique
aidante – géopolitique.

La notion d’entreprise a été détournée de sa fonction naturelle d’organisation


sociale par les acteurs économiques dominants. Elle est actuellement une
réelle source de pouvoir, phénomène dont les États n’ont pas pris la juste
mesure.

L’abandon par les États de leur rôle législatif a pour effet direct immédiat de
creuser la différence de traitement juridique et fiscal entre multinationales et
PME22 ; aggravant d’autant la concentration des capitaux. Ce phénomène a
pour effet d’alimenter le cercle vicieux du contrôle global par les acteurs
économiques dominants.

La démission étatique a également un effet secondaire, encore plus grave


que le premier : celui de délégitimer son rôle et sa fonction, lui faisant perdre
sa raison d’être. En se mettant au service d’intérêts privés, les États signent
non seulement leur aveu d’impuissance, mais aussi, et surtout, leur
prochaine disparition.

Dans ce contexte, une définition juridique précise des contours de


l’entreprise serait un précieux et puissant outil – à effet de levier – dans la
reconquête politique, par les États, de leur liberté ; lesquels mériteraient
alors le qualificatif de souverains. La définition juridique de l’entreprise
exposée dans la deuxième partie de cet article répond à cette préoccupation ;
elle est de nature à permettre la réintégration du fait économique au sein du
fait politique, et à engendrer une pacification des échanges – nationaux et
internationaux – et de la vie en société.
21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-67-
geopolitique-entreprise-capitalistique-12

Notes
1 cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_r%C3%A9forme_de_l%27entreprise ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Management_participatif
2 Acronyme de Credit Default Swap, sorte d’assurance contre le risque de
non-remboursement d’une dette par un État ou une entreprise ; mais cette
assurance n’en est formellement pas une, car elle ne bénéficie pas de la
couverture financière légale nécessaire à toute assurance ; encore plus loin,
les CDS ont pu être proposés à nu, c’est-à-dire sur des titres de dettes d’État
que le souscripteur de CDS ne détenait pas. De la sorte, c’est un peu comme
si votre assureur vous assurait, sans garantie de pouvoir le faire, sur la
maison de votre voisin, vous procurant ainsi un intérêt à voir celle-ci partir
en fumée pour espérer (!) toucher une assurance pour laquelle vous auriez
versé des primes – le moins de primes versées serait le mieux pour vous. Un
véritable délire de créativité bancaire…
3 Fonds d’investissements non cotés, qui échappent donc à la réglementation
de marché, à vocation spéculative. Leurs performances sont en conséquence
structurellement déconnectées des performances des marchés d’actions et
obligataires
4 Acronyme de Leveraged buy-out – en français « achat à effet de levier » –
qui correspond à l’achat d’une entreprise au moyen d’un emprunt qui sera
remboursé par la société acquise (la cible en terminologie guerrière du droit
des affaires).
5 Depuis les Grandes Découvertes, en passant par la Renaissance et les
Lumières, dont a, plus ou moins directement, résulté la révolution
industrielle.
6 La démocratie est une forme de gouvernement dans lequel la souveraineté
émane du peuple.
7 La ploutocratie est un système de gouvernement dans lequel le pouvoir
politique est dévolu aux détenteurs de la richesse.
8 Lire notre article précédent « Géopolitique des paradis fiscaux ».
9 cf. http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl04-178.html ; et encore
http://www.lepetitjuriste.fr/droit-des-affaires/droit-bancaire-et-financier/la-
france-enfin-a-lheure-de-la-finance-islamique ; et http://cnriut09.univ-
lille1.fr/articles/Articles/Fulltext/75a.pdf
10 http://www.lexisnexis.fr/droit-document/article/droit-societes/07-
2007/009_PS_RDS_RDS0707ET00009.htm ; et
http://books.google.fr/books?id=qmftD9rW4Mc-
C&pg=PA205&lpg=PA205&dq=fiducie+inachevée&source=bl&ots=p74Fa
9epSy&-sig=8gCla1xA_kbGGas6jXEmf-
Mm9kc&hl=fr&sa=X&ei=nwJ1UZH1DO6f7gbe6o-
DIAw&ved=0CEkQ6AEwBTgK#v=onepage&q=fiducie%20inachevée&f=f
alse
11 Cf. http://www.lepetitjuriste.fr/droit-international/droit-international-
prive/la-fiducie-face-au-trust/
12 Cf. http://www.entreprise.news/?p=976
13 Voir notre précédent article « Géopolitique des paradis fiscaux », cit.
14 Acronyme de International Accounting Standards Committee Foundation
15 Voir à cet égard notre précédent article « Géopolitique des paradis
fiscaux », cit.
16 Cf. http://www.google.fr/url?
sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&ve-
d=0ahUKEwivy5O2j9LLAhVGcBoKHQZLAuIQFggrMAI&url=http%3A
%2F%2Fwww.etudes-fiscales-
internationales.com%2Fmedia%2F02%2F00%2F1133111840.doc&us-
g=AFQjCNG9yZyX75ecLOu3u17Icp1adBjTMw&sig2=zfcb4Hx-
yPNjaDo6gqfg7g
17 Cf. http://www.focusifrs.com/content/view/full/774
18 Cf. L’entreprise bancaire, instrument juridique du désordre économique
global.
19 Cf. http://www.pansard-associes.com/publications/audit-
comptabilite/normes-ias-ifrs/normes-ifrs-divergences-normes-
francaises.htm ; https://www.over-
blog.com/Le_point_sur_les_norme_Ifrs_descriptions_champs_dapplication_
conseils-1095203869-art206691.html
20 Voir notre article précédent intitulé « Géopolitique du libre-échange ».
21 http://www.google.fr/url?
sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=2&ve‒
d=0ahUKEwjf5PyitNTLAhUDVhoKHTNhByIQFggjMAE&url=http%3A%
2F%2Fwww.focusifrs.com%2Fcontent%2Fdownload%2F6619%2F34641%
2Fversion%2F1%2F-file%2F450-41-
43.pdf&usg=AFQjCNHE8fPGHRdPe00DxFB-f9zPEMJBww&-
sig2=IGRqSQR50RUOwKfeogkUCA
22 Pour une application récente de l’édiction de normes qui, sous couvert
d’aider les entreprises, opèrent en réalité une différence fondamentale de
traitement entre les PME et les grandes entreprises, voir par exemple
http://www.eric-verhaeghe.fr/bruno-leroux-sacharne-contre-entreprises-
francaises/

Géopolitique de l’entreprise capitalistique


2/2

Nous verrons, dans cette seconde partie, les changements juridiques à


apporter à l’entreprise capitalistique pour transformer celle-ci en facteur
d’organisation et de paix sociale.

LE RENOUVEAU DU MODÈLE D’ENTREPRISE


CAPITALISTIQUE : UN INSTRUMENT DE POLITIQUE
ÉCONOMIQUE AU SERVICE DES PEUPLES

L’entreprise de type capitalistique est aujourd’hui l’acteur juridique qui


détient le rôle prééminent sur la scène mondiale.

Afin de remettre l’entreprise à sa bonne place, les États doivent reprendre le


contrôle juridique de l’entreprise de type capitalistique. Pour ce faire, il est
absolument indispensable de rendre juridiquement impossible la constitution
de conglomérats, véritables empires économiques. En effet, la constitution
de groupes de sociétés serait utilisée comme moyen par les principaux
propriétaires de capitaux pour échapper aux contraintes juridiques de la
notion d’entreprise conçue comme étant au service du bien commun. La
nouvelle définition de l’entreprise doit acter que la notion de groupe de
sociétés est l’ennemie des États et rendre impossible la constitution de ces
groupes.

Dans ces conditions, donner une définition juridique précise du concept


d’entreprise permettrait de remettre cette dernière sous le contrôle politique
des États. Cela aurait pour effet de réintégrer l’entreprise dans la fonction
d’organisation sociale qu’elle aurait toujours dû avoir. Le fait économique
reprendrait dès lors sa juste place au sein de la collectivité humaine : celle de
faciliter les échanges et de participer à la recherche d’un mieux-être collectif.
Le fait économique redeviendrait soumis au fait politique.

Nous exposerons ci-dessous les conditions nécessaires, non suffisantes mais


indispensables, qui permettraient au concept d’entreprise d’intégrer sa juste
place dans l’organisation sociale et politique.

Il faut tout d’abord identifier clairement la forme et le rôle de l’entreprise (I).


Il faut ensuite équilibrer les pouvoirs et responsabilités des différents acteurs
de l’entreprise (II). Il faut enfin permettre à tous les acteurs de l’entreprise de
participer à son capital et de bénéficier de ses fruits (III).

I) Une identification de la forme juridique et du rôle de l’entreprise

La détermination de la nature juridique de l’entreprise, l’identification


précise de son rôle professionnel et des différents acteurs qui la composent
permettra à l’entreprise de devenir un instrument de création de valeur
collective ; à l’opposé de l’instrument d’enrichissement de ses seuls
propriétaires qu’elle est aujourd’hui.

A) LA FORME ET LA NATURE JURIDIQUE DE L’ENTREPRISE

L’entreprise est une structure juridique dotée d’une personnalité


professionnelle. Sa nature juridique est celle d’une institution.

1° Une structure juridique dotée de la personnalité professionnelle

L’entreprise n’est caractérisée ni par un bénéfice ni par une clientèle


L’entreprise peut concerner n’importe quel type d’activité humaine déployée
dans le temps moyennant un financement et des moyens pour mettre en
œuvre l’objectif professionnel. Peu importe que l’activité soit ou non à but
lucratif, car ni la notion de bénéfices ni celle de clientèle ne caractérisent
l’entreprise. Bénéfices et clientèles ne sont, au mieux, que des indicateurs ou
des moyens d’évaluation sur la compétence de la direction.

Il existe en effet des cas, notamment en matière de recherche et de


développement (start-up dans les hautes technologies) où l’entreprise ne peut
pas faire, temporairement ou durablement, de bénéfices. Dans d’autres cas,
l’objectif professionnel recherché – matérialisé par l’objet social – n’est pas
de faire des bénéfices mais de faire des économies.

Quant à la clientèle, elle est fugace, variable dans le temps et l’espace.


Contrairement aux solutions juridiques françaises actuelles, la clientèle ne
saurait valablement faire l’objet d’une valorisation, d’une appropriation ou
d’une transmission. La clientèle peut correspondre à une localisation
géographique de l’entreprise plus ou moins favorable, ou à une aptitude
particulière de l’exploitant de l’entreprise, ou encore à un heureux concours
de circonstances ; les trois cas de figure pouvant se combiner. La localisation
géographique favorable est, par essence, fluctuante ; favorable un jour, elle
peut s’avérer défavorable le lendemain en raison d’une modification du
contexte économique, environnemental, etc., qui ne dépend pas du chef
d’entreprise. Par ailleurs, si des techniques de fabrication ou de vente
peuvent être valorisées et transmises, le talent pour les mettre en œuvre, de
nature très personnelle, ne saurait en aucun cas faire l’objet d’une
quelconque valorisation et transmission ; en décider autrement signifierait
accepter de donner une valeur financière à l’être humain ; cette pente –
actuellement prise – nous semble être, à terme, fort périlleuse.

Une clientèle est, par essence, un phénomène fluctuant qui échappe pour une
très large part à la seule volonté du chef d’entreprise ; sa matérialité est trop
imprécise et incertaine pour pouvoir faire l’objet d’une valorisation honnête,
à des fins d’appropriation et de transmission. De la même façon qu’il ne
saurait être sérieusement question d’approprier l’intensité de l’air que nous
respirons même si, de fait, cet air a une valeur vitale intrinsèque évidente. La
valeur vitale de notre environnement est hors de portée de l’individu, elle se
différencie par nature de la valeur marchande, laquelle ne doit se fonder que
sur des éléments tangibles et pérennes qui dépendent entièrement de
l’individu.

En résumé, la valorisation d’une clientèle est trop dépendante de facteurs sur


lesquels le chef d’entreprise n’a pas de prise pour faire sérieusement l’objet
d’une appropriation ou d’une transmission. Accepter le principe d’une
valorisation financière de la clientèle est en réalité la première étape de la
financiarisation de l’économie, laquelle a malheureusement pris aujourd’hui
une ampleur incommensurable.

Une entreprise est composée d’un animus et d’un corpus reliés par un
objectif professionnel

Fondamentalement, l’entreprise est une structure juridique composée d’un


animus et d’un corpus professionnels, lesquels sont réunis dans l’objectif de
mettre en œuvre une activité particulière. En conséquence, cette structure est
dotée de la personnalité juridique dans la limite des besoins et nécessités
professionnelles.

L’animus professionnel

La notion juridique d’animus se caractérise par une intention de mettre en


œuvre une activité professionnelle.

L’animus est composé d’un élément économique – les propriétaires – et


d’un élément juridique – l’équipe dirigeante. Cet animus est matérialisé
par la création de la structure professionnelle – individuelle ou collective ;
laquelle est créée dans l’unique objectif de mettre en œuvre une activité
déterminée.

Les apporteurs de capitaux : élément économique de l’animus

L’élément économique de l’animus professionnel correspond au groupe de


gens qui détiennent l’entreprise, les apporteurs de capitaux. Cet élément
économique se décompose en un élément actif, les propriétaires majoritaires,
et en un élément passif, les propriétaires minoritaires.

Alors que les propriétaires majoritaires agissent de façon précise et


permanente sur la façon dont la structure va fonctionner, les propriétaires
minoritaires se comportent comme de simples investisseurs sans réel droit de
regard sur la structure de l’entreprise. La seule possibilité pour des
minoritaires d’agir sur la structure professionnelle est de se retirer de celle-ci
en récupérant ou en cédant les capitaux qu’ils y avaient investi.

Les dirigeants : élément juridique de l’animus

L’autre partie de l’animus professionnel, son élément juridique, est l’équipe


dirigeante.

Le ou les dirigeants de l’entreprise sont l’interface de l’entreprise vis-à-vis,


d’une part des tiers et, d’autre part des différents groupes de personnes
composant l’entreprise. On dit que les dirigeants de l’entreprise représentent
celle-ci, au sens juridique du terme.

Les dirigeants sont chargés de mettre concrètement en œuvre l’objet social,


ce qui suppose, en particulier, de choisir les moyens qui permettront à
l’entreprise de fonctionner. Autrement dit, les dirigeants ont la charge de
choisir et d’organiser le corpus de l’entreprise.

Le corpus professionnel

Le corpus professionnel est l’élément matériel de l’entreprise, celui qui va


concrètement permettre la mise en œuvre de l’objectif professionnel.

Le corpus professionnel est composé à la fois de moyens humains – les


apporteurs de travail – et d’investissements, qui sont tous les biens matériels
ou immatériels, corporels ou incorporels, nécessaires à l’accomplissement de
l’objet social.

Les apporteurs de travail : élément humain du corpus

Les apporteurs de travail correspondent au groupe de personnes qui, par leur


travail régulier, vont permettre la réalisation concrète de l’objet social.

Ce groupe, composé du personnel de l’entreprise, est beaucoup plus large


que les seuls salariés de l’entreprise, c’est-à-dire les seuls titulaires d’un
contrat de travail. Le groupe des apporteurs de travail correspond à toutes les
personnes qui agissent régulièrement sur une certaine durée pour la mise en
œuvre de l’objet social d’une entreprise. À contrario, ce groupe ne comprend
pas les individus qui, de façon ponctuelle, peuvent être amenés à participer à
la mise en œuvre de l’objet social.

Selon les cas – c’est-à-dire en fonction de la définition de l’objet social – les


apporteurs de travail peuvent inclure les sous-traitants, les
commissionnaires, et plus globalement toute personne formellement
indépendante – tel un prestataire de service – qui agit de façon récurrente
pendant une durée certaine pour la mise en œuvre de l’objet social d’une
entreprise. La notion d’apporteur de travail est donc indépendante du cadre
légal actuel qui lie une personne à une entreprise.

Cette notion nouvelle d’apporteur de travail opère une forme de révolution


dans l’actuelle conception française, de type maquisarde, des relations de
travail. Le terme de maquis juridique des relations de travail doit être
compris ici, par analogie avec le sens propre du terme maquis, comme
l’émergence d’une multitude de statuts professionnels (contrat à durée
déterminée, contrat de travail temporaire, contrat de travail à temps partiel)
ou pré-professionnels (formation professionnelle en alternance, stagiaire,
VIE1, VIA2 et VSI3 – CSNE, ancien service national à l’étranger dit coopé
– indépendant, sous-traitant, contrat de travail à durée déterminée,
commissionnaire, indépendants, etc.) résultant de la dégradation du statut
professionnel pérenne qu’était le contrat de travail à durée indéterminée,
CDI.

Cette dégradation est consécutive à l’action des principaux propriétaires de


capitaux, qui ont, suivant leurs intérêts financiers, à la fois externalisé la
période de formation du personnel, précarisé le statut de salarié et externalisé
certains services ou parties de l’entreprise (multipliant les petites et
moyennes entreprises de sous-traitance un peu partout dans le monde),
faisant dès lors peser le risque afférent à ladite activité sur des petites et
moyennes entreprises juridiquement indépendantes mais économiquement
dépendantes – ce qui les fragilise d’autant.

D’une façon générale, l’action des principaux propriétaires de capitaux va,


lorsqu’elle n’a plus de contre-pouvoirs, de façon naturelle dans le sens d’une
précarisation de l’ensemble de la vie économique – qui est le corollaire de la
concentration maximale du capital. La prise en compte juridique, dans la
définition de l’entreprise, de la notion d’apporteur de travail est de nature à
faire échec à cette stratégie des principaux détenteurs de capitaux.

Les investissements : les biens matériels et immatériels nécessaires à la


réalisation de l’objet social

Les investissements sont composés de tous les biens matériels et


immatériels, corporels ou incorporels qui sont nécessaires à la réalisation de
l’objet social de l’entreprise.

Ces biens matériels ou immatériels ne font partie du corpus de l’entreprise


que s’ils sont utiles à la réalisation de l’objet social et qu’ils restent utiles
pendant une certaine durée. Les investissements réalisés à des fins
spéculatives ne peuvent, par construction, pas faire partie de l’élément
matériel du corpus professionnel.

Conformément à la définition comptable actuelle des investissements,


l’élément matériel ‒ par opposition à l’élément humain que sont les
apporteurs de travail – du corpus professionnel s’entend donc de
l’acquisition – ou de la création – par une entreprise d’un bien durable
destiné à rester au moins un an sous la même forme. La valeur de ce bien
doit être au moins égale à 500 euros. Ces biens peuvent être corporels –
terrain, bâtiment, usine, machine-outil, etc. –, incorporels – brevet, licence,
etc. – ou financiers mais limités dans ce cas aux seules obligations.

À la différence des investissements comptables actuels, l’élément matériel


du corpus professionnel ne saurait comprendre, en matière d’investissements
financiers, que les obligations, à l’exclusion des actions.

En effet, la détention d’actions d’entreprises tierces signifie la prise de


participation, autrement dit l’appropriation d’une partie d’une ou de
plusieurs entreprises tierces. Elle a donc pour effet mécanique de créer des
groupes de sociétés, ce que notre présente analyse veut précisément éviter et
interdire.

A contrario, la détention d’obligations d’entreprises tierces s’analyse comme


de simples prêts octroyés dont les remboursements se font moyennant un
taux d’intérêt préétabli qui ne dépend pas des résultats de l’entreprise tierce
bénéficiaire du prêt. La détention d’obligations ne réalise aucune
participation dans une entreprise tierce, elle n’accroît pas le pouvoir des
actionnaires de la société qui investit ; elle n’est pour l’entreprise qui octroie
le prêt qu’un investissement financier, plus ou moins risqué selon les cas.

Actuellement, la constitution de groupes de sociétés est le moyen qui permet


aux grands capitalistes d’échapper au contrôle politique minimum que les
États exercent sur la société commerciale de type capitalistique. L’entreprise
en tant que partie d’un groupe économique a pris le pouvoir économique,
politique puis géopolitique. Or, derrière les groupes économiques se cachent
les principaux détenteurs de capitaux de la planète.

Notre proposition de modèle d’entreprise a précisément pour objet de rendre


impossible toute nouvelle tentative de domination au moyen d’empires
économiques.

Un objectif professionnel : l’objet social

L’animus et le corpus professionnels sont réunis au sein d’une structure


professionnelle dans le seul but de mettre en œuvre un objectif professionnel
– qui se traduit juridiquement par la notion d’objet social.

Autrement dit, l’objectif professionnel, c’est-à-dire l’objet social, est le lien


entre l’animus et le corpus qui permet à l’entreprise d’exister juridiquement,
c’est-à-dire d’avoir une personnalité professionnelle.

Cet objectif professionnel a deux faces. La première face est qu’il est
formellement et juridiquement déterminé par l’objet social de l’entreprise.
La seconde face est l’existence d’un intérêt propre de l’entreprise – l’intérêt
social –, distinct de l’intérêt des différentes composantes de l’entreprise.

Ce sont les dirigeants de l’entreprise – élément juridique de l’animus


professionnel – qui sont les garants du respect de l’objet social et de l’intérêt
social dans la conduite et la direction de l’entreprise.

En d’autres termes, les dirigeants sont responsables devant les associés


(propriétaires majoritaires), devant les apporteurs de travail et devant les
tiers – y compris administrations publiques – du respect de ces deux aspects
de l’objectif professionnel. Les personnes intéressées – au sens juridique du
terme – peuvent attraire les dirigeants devant le juge en cas de non-respect
potentiel de l’objectif professionnel.

Conclusion : l’entreprise a une personnalité juridique de nature


professionnelle

Sur le fond, l’entreprise est composée d’un animus et d’un corpus


professionnel reliés par la réalisation d’un objectif professionnel.

Sur la forme, l’entreprise est formalisée par une structure professionnelle


dotée d’un intérêt propre, indépendant de celui de ses membres, qui justifie
l’octroi d’une personnalité juridique à vocation professionnelle.

Selon notre théorie, l’existence de la personnalité juridique est liée à


l’existence des trois conditions de l’entreprise (animus, corpus, objet social)
et ne dépend pas d’un quelconque acte déclaratif. Ainsi, dès que les critères
de fond des entreprises sont remplis, celle-ci dispose de plein droit de la
personnalité juridique.

Selon le juriste français Léon Michoud, les deux conditions nécessaires à


l’octroi de la personnalité morale sont d’une part l’existence d’un intérêt
distinct de l’intérêt individuel de ses membres et d’autre part une volonté.

L’animus professionnel réalise parfaitement l’élément volontariste de la


personnalité morale, et l’intérêt social est garanti par les dirigeants. La
personnalité juridique doit donc être accordée à l’entreprise ainsi définie.

Toutefois, la personnalité juridique de l’entreprise est une personnalité à


seule vocation professionnelle. Dans ce contexte, il est souhaitable
d’abandonner le terme de personnalité morale – jusqu’alors utilisé. Le terme
moral, qui devait se comprendre par opposition au terme physique, est
ambigu et n’a pas de sens précis. La personnalité professionnelle ne
s’oppose pas à la personnalité physique, elle la complète en quelque sorte.
Cela permet d’affirmer qu’il existe, à côté des personnes physiques et des
personnes de droit public (États, etc.), une catégorie nouvelle – l’entreprise –
dotée de la plénitude des pouvoirs juridiques dans la seule limite de la
réalisation d’un objectif professionnel précis.

2° L’entreprise a la nature juridique d’une institution


L’entreprise est un animus et un corpus reliés par un objectif professionnel,
le tout formalisé par une structure dotée d’un intérêt propre indépendant de
celui de ses membres.

Si l’on s’en tient à la définition juridique de l’institution donnée par le juriste


Maurice Hauriou4, l’entreprise ainsi conçue a sans aucun doute possible, la
nature juridique d’une institution.

L’incertitude juridique actuelle qui règne en droit français sur la nature de


l’entreprise – contrat ou institution – n’a plus aucune raison d’être. Cette
incertitude était au surplus, comme évoqué dans la première partie de cet
article, un nid d’insécurité juridique et fiscale ; les choix juridiques et
fiscaux faits par le ou les dirigeants dans la conduite de l’entreprise étaient à
tout moment menacés d’être contestés par les diverses administrations
publiques.

B) L’ENTREPRISE EST IDENTIFIÉE PAR SON OBJET SOCIAL ET


SA NATIONALITÉ

L’entreprise telle qu’ici conçue a un rôle d’organisation sociale qui sera un


facteur de restauration tout à la fois de la paix sociale et de la nature
politique du concept d’État.

Afin de remplir son nouveau rôle, l’entreprise doit avoir un objet social
parfaitement clair et délimité, elle doit aussi être attachée de façon
permanente à un État.

1° L’objet social doit être précisément identifié

La fonction de l’entreprise se traduit techniquement en droit par la notion


d’objet social. Pour devenir un acteur reconnu par le corps social,
l’entreprise doit avoir un objectif professionnel, c’est-à-dire un objet social
précisément défini, identifié et non extensible. Cette affirmation, qui semble
simple, ne l’est pas tant que ça.

D’une part, nous avons vu, dans la première partie de cet article,
qu’actuellement l’objet social des entreprises est le plus souvent rédigé de
manière suffisamment large pour permettre à l’entreprise, au gré des
changements de conjoncture et de propriétaires, d’englober la plupart des
activités. La nécessaire souplesse de l’objet social ne doit cependant pas
dépasser une limite, celle qui rendrait l’objet si vague qu’il permettrait toutes
sortes d’activités.

D’autre part, il faut également considérer l’existence des groupes de sociétés


qui tendent à devenir, plus ou moins formellement, en particulier en droit
fiscal, des entités juridiques à part entière ; ces groupes détenant par ailleurs
une véritable force économique. Au travers du groupe, l’exigence légale
d’un objet social est dévoyée dans la mesure où cette notion devient
plurielle, déclinée en autant d’entités qu’il y a d’entreprises dans le groupe.
Du point de vue du groupe, les objets sociaux peuvent-être tellement variés
qu’ils peuvent en réalité recouvrir la quasi-totalité des activités disponibles
aux humains. La nécessité d’identification précise et circonscrite de l’objet
social interdit, par construction, la constitution de groupe de sociétés.

La disparition de la possibilité de groupe de sociétés sera très profitable au


corps social dans son ensemble, elle fera disparaître définitivement du même
coup deux outils de prédation économique : la concentration des activités en
quelques mains et l’anonymat de ces mains.

Afin de rendre à l’État un contrôle plénier sur le concept d’entreprise, il faut


nécessairement que cette dernière soit, au moment de sa création, attachée à
un État qui aura la charge à la fois de la contrôler et de la défendre pendant
toute la durée de sa vie.

2° La nationalité fixe, au moment de sa constitution, l’appartenance


pérenne de l’entreprise à un État

Le siège social est un élément constitutif fondamental de l’entreprise qui


conditionne sa nationalité, c’est-à-dire la législation qui lui sera applicable,
le lieu où elle devra payer ses impôts, l’application des conditions juridiques
et financières de la rémunération des apporteurs de travail et des apporteurs
de capitaux, la teneur précise des règles régissant les relations entre les
différents groupes composant l’entreprise, etc.

Afin de conserver un droit de regard sur l’activité de l’entreprise, le


législateur doit imposer la fixité statutaire du siège social. Par ailleurs,
aucune distorsion entre siège social statutaire et siège social réel ne doit
exister. Le siège social réel doit être identique au siège social statutaire, ce
qui aura pour avantage d’éviter de multiples complications juridiques et
jurisprudentielles. Toute distorsion entre siège social réel et siège social
statutaire devra être sanctionnée par la disparition de la société.

Il faut préciser que la fixité du siège social n’interdit pas, par nature,
l’implantation multiple des entreprises – sous forme de succursales ou
d’établissements –, cette dernière devant néanmoins être limitée à deux ou
trois. Les implantations multiples doivent même pouvoir être faites sur des
territoires étrangers, sous réserve que les États intéressés en aient accepté le
principe. À cet égard, il serait de bonne politique pour les États d’exclure la
possibilité d’implantation dans un paradis fiscal.

La détermination ab initio d’un siège social fixe est de nature à assurer un


complet contrôle de l’État sur l’entreprise mais aussi à procurer à cette
dernière une protection d’ordre économique et diplomatique contre des tiers,
entreprises ou États. L’État est garant de l’intégrité des entreprises situées
sur son territoire, lesquelles lui procurent, en contrepartie, des rentrées
fiscales qui contribuent à son fonctionnement : un échange de bons procédés.

C) PRÉCISIONS SUR LES DIFFÉRENTS GROUPES COMPOSANT


L’ENTREPRISE

Nous avons vu que l’entreprise est principalement composée de trois


groupes de personnes : les apporteurs de capitaux, les dirigeants et les
apporteurs de travail. Ces trois groupes ne sont pas homogènes, car parmi les
apporteurs de capitaux, le sous-groupe des majoritaires se distingue
radicalement de celui des minoritaires. Seul le groupe de apporteurs
majoritaires détient un réel droit de regard sur l’entreprise. De la même
façon, les apporteurs de travail ne sont pas juridiquement liés à l’entreprise
de façon identique, certains sont salariés, d’autres encore sous-traitants ou
indépendants.

Mais il n’en demeure pas moins que ces trois catégories, les propriétaires
majoritaires, les dirigeants et les apporteurs de travail – agents économiques
de l’entreprise –, sont absolument nécessaires au fonctionnement concret de
l’entreprise.
Nous allons analyser les caractéristiques propres à chacun de ces trois
groupes.

1° Des propriétaires majoritaires identifiables

L’identification claire des différents participants à l’entreprise suppose que


les apporteurs de capitaux soient nommément identifiés et non anonymes.

Actuellement, l’anonymat des apporteurs de capitaux – au premier rang


desquels figurent les majoritaires – est organisé selon plusieurs modalités.

Il peut se faire que la forme sociale elle-même, telle que les trusts anonymes,
organise l’opacité juridique des propriétaires. Ces structures sont
particulièrement présentes dans les paradis fiscaux.

Il peut aussi se faire que l’anonymat découle d’une organisation en groupe


de sociétés, les participations croisées et les formes que revêtent le groupe
rendant finalement extrêmement difficile l’identification précise des
principaux actionnaires cachés derrière ; ce phénomène sera d’autant plus
accentué que le groupe est implanté sur le territoire de différents États,
paradis fiscaux y compris.

L’anonymisation des détenteurs de capitaux facilite les marges de manœuvre


de ces derniers et favorise la concentration des capitaux ; phénomène qui
engendre, par voie de conséquence, une très forte pression sur les États. Le
rétablissement du contrôle juridique des États sur les entreprises doit donc
nécessairement entraîner la suppression de toute possibilité d’anonymisation
des propriétaires de capitaux.

D’une part, les structures sociales opaques que sont les trusts anonymes ne
doivent pas avoir de reconnaissance légale. D’autre part, la notion de groupe
de sociétés doit disparaître du vocabulaire économique, juridique et
politique ; comme doit disparaître la réalité des groupes économiques. Les
entreprises ne doivent plus pouvoir s’organiser en groupes, toute
participation les unes dans les autres étant dorénavant interdite.

Un État digne de ce nom ne doit autoriser et reconnaître sur son territoire


l’existence ni de structures juridiques opaques, ni de groupes de sociétés, qui
ne font qu’une seule chose : lui faire concurrence.
2° Les apporteurs de travail élevés au même rang statutaire que les
propriétaires majoritaires

L’aspect de la présente théorie qui s’inscrit le plus dans une ligne de rupture
par rapport au concept actuel de société capitalistique est sans aucun doute la
reconnaissance statutaire, au même niveau que les propriétaires majoritaires,
des apporteurs de travail – c’est-à-dire des gens qui, par leur travail régulier,
participent à la réalisation de l’objet social de l’entreprise.

La légitimité d’une telle reconnaissance statutaire est simple : elle provient


du constat que la mise en œuvre de l’objet social repose essentiellement sur
les personnes qui travaillent à cet objectif : fabriquer ou transformer des
marchandises, réaliser un ou des services, etc.

Au surplus, si l’on pousse la logique à son terme, l’entreprise pourrait se


passer de ses principaux actionnaires tandis qu’elle ne pourrait pas se passer
des gens qui agissent concrètement pour mettre en œuvre son objet social.
Les gens qui travaillent à réaliser l’objet social de l’entreprise – peu importe
par ailleurs la nature juridique du lien qui les lie à l’entreprise ‒ sont
absolument indispensables au concept d’entreprise qui, sans eux, n’aurait
aucun sens.

Il est donc doublement logique de considérer que l’actuelle prédominance


politique et juridique des principaux apporteurs de capitaux constitue, de
façon fondamentale, une dérive de ce qu’est réellement l’entreprise.

Par voie de conséquence, la théorie juridique de l’entreprise que nous


proposons suppose la reconnaissance juridique nouvelle en tant qu’entité
autonome et prépondérante des apporteurs de travail – agents économiques –
de l’entreprise.

De cette façon, la définition et la mise en œuvre de l’objet social, lesquelles


passent notamment par la désignation des dirigeants, ne dépendront plus des
seuls actionnaires majoritaires mais seront librement déterminés par des
groupes ayant des intérêts particuliers différents. Il s’agit, ni plus ni moins,
d’établir au niveau de l’entreprise le programme de séparation et d’équilibre
des pouvoirs théorisé par Montesquieu et matérialisé dans la Constitution
des USA sous le nom de checks and balances.
Le rééquilibrage des forces au sein de l’entreprise aura pour conséquence un
rééquilibrage des forces au sein de la société politique.

3° Une co-désignation des dirigeants

Nous avons vu que l’ensemble du personnel de l’entreprise qui participe par


son travail régulier à la réalisation de l’objet social doit dorénavant être doté,
au même titre que les propriétaires majoritaires, d’un statut juridique
autonome.

Les directives de mise en œuvre de l’objet social de l’entreprise reposent


concrètement sur les dirigeants. Il est donc logique de considérer que la
reconnaissance statutaire des apporteurs de travail, agents économiques de
l’entreprise, ait pour corollaire la possibilité de désignation des dirigeants de
l’entreprise, à égalité avec les propriétaires majoritaires. La désignation de
l’équipe dirigeante de l’entreprise doit appartenir conjointement aux
propriétaires majoritaires et aux apporteurs de travail.

Concrètement, les dirigeants seront désignés, en alternance, par l’un ou


l’autre des deux groupes, avec un droit de veto, dont la mise en œuvre devra
être limitée à des cas particuliers et relevant d’une certaine gravité, pour le
groupe non désignant.

Il résultera de l’avènement juridique statutaire des apporteurs de travail que


la façon et les moyens de mettre en œuvre l’objet social par les dirigeants –
tels que nouvellement désignés – seront déterminés par la confrontation des
vues et intérêts des deux groupes distincts que sont d’une part les
propriétaires majoritaires, et d’autre part les apporteurs de travail – agents
économiques de l’entreprise. Dès lors, les propriétaires majoritaires ne
seront plus les seuls concernés par le fonctionnement de l’entreprise qui
prendra enfin sa véritable dimension collective, a contrario de la dimension
strictement privée qu’elle revêt aujourd’hui.

Rappelons que les actionnaires majoritaires sont aujourd’hui tout puissants


pour désigner les dirigeants de l’entreprise, lesquels deviennent de facto des
agents – sous influence – chargés de veiller à l’intérêt du groupe –
actionnaires majoritaires – qui les met en place.
Cette conception de l’entreprise fait l’impasse sur le fait que l’entreprise, de
par la reconnaissance juridique que le droit lui accorde, est un acteur de la
société – entendu au sens politique du terme – à part entière ; l’entreprise
remplit donc de facto un rôle social qui est supérieur à l’intérêt strictement
privé des seuls actionnaires, fussent-ils majoritaires. La personnalité
juridique de l’entreprise, conçue comme courroie de transmission ou une
simple interface des intérêts des principaux détenteurs de l’entreprise, est
détournée de sa fonction officielle : alors que le rôle des dirigeants doit être
d’agir pour mettre en œuvre l’objet social dans l’intérêt exclusif de la
personne morale, ce rôle est détourné au profit des principaux apporteurs de
capitaux. Il s’agit là, très objectivement, d’un abus systématique et
généralisé de personne morale. La co-désignation des dirigeants par les
actionnaires majoritaires et par les apporteurs de travail est le remède à cette
dérive.

II) Équilibrage entre pouvoir et responsabilité des différents acteurs de


l’entreprise

La mise en perspective des rapports de force qui régissent les entreprises est
fondamentale pour comprendre la nécessité politique pour les États – pour
ceux d’entre eux qui veulent récupérer des marges de manœuvre
économiques et politiques et retrouver ainsi le statut politique qui leur
appartient de droit –, de remettre de l’ordre et des contre-pouvoirs dans le
concept d’entreprise.

Le concept juridique nouveau d’entreprise ici décrit propose une


détermination claire des pouvoirs et responsabilités de chacune des entités
composants l’entreprise. Il propose également un certain type d’organisation
des relations entre ces différentes entités.

A) DÉTERMINATION DES POUVOIRS ET RESPONSABILITÉS DE


CHAQUE GROUPE PARTICIPANT À L’ENTREPRISE

Une fois les acteurs de l’entreprise identifiés, chaque groupe doit être doté
de façon permanente et officielle de pouvoirs et de responsabilités
corrélatives. La paix sociale suppose qu’il ne peut y avoir de pouvoir sans
responsabilité ni, à l’inverse, de responsabilité sans pouvoir.
1° Pouvoir et responsabilité des dirigeants

Les dirigeants ont, dans la mise en œuvre de leur mission, une liberté totale
d’action qui est néanmoins limitée par des sanctions en cas d’outre-
passement ou de non-respect de leur mission.

Nous allons voir en quoi consiste précisément leur mission avant de


considérer les sanctions susceptibles d’intervenir.

Pouvoir des dirigeants dans la mise en œuvre de l’objet social

Les dirigeants ont deux missions principales, la première concerne la


détermination de la politique de l’entreprise et la seconde concerne
l’organisation interne du travail dans l’entreprise, aussi appelé du terme
anglophone de management.

Détermination de la politique de l’entreprise

Les dirigeants, alternativement nommés par les propriétaires majoritaires et


par les apporteurs de travail, doivent pouvoir en toute liberté et
indépendance décider de la politique professionnelle suivie par l’entreprise.

La seule limite à la liberté d’action des dirigeants tient au respect de leur


mission, qui est également la raison d’être de l’octroi de la personnalité
juridique à l’entreprise. Ils doivent en conséquence respecter l’objet social et
l’intérêt propre de l’entreprise, qu’ils ont la charge de respectivement mettre
en œuvre et garantir.

Organisation des relations internes de travail : la cogestion de l’entreprise


libérée

Dans la mise en œuvre des relations internes de travail, qui concernent en


premier lieu le groupe des apporteurs de travail, les dirigeants doivent
respecter le principe de la cogestion. En d’autres termes, la liberté de
manœuvre des dirigeants n’est pas complète, elle ne s’opère qu’à l’intérieur
du cadre de la codécision.

Concrètement, l’équipe dirigeante doit par principe intégrer les gens qui
travaillent dans l’entreprise aux décisions concernant l’organisation de ce
travail et les interactions entre les individus participant à la réalisation de
l’objet social. Cette méthode, mise en œuvre par les partisans de l’entreprise
libérée a d’ores et déjà largement fait ses preuves en termes d’efficacité. Des
gens comme Jean-François Zobrist ont ainsi, en France, rendu ses lettres de
noblesse à la notion d’entreprise grâce précisément à cette méthode de
management5.

Une fois l’organisation du travail ainsi établie en interne, il appartient au


(aux) dirigeant(s) de faire respecter cette organisation.

Intégrer le principe de cogestion en matière d’organisation du travail est une


autre grande nouveauté de la théorie juridique de l’entreprise. Elle s’inscrit
dans une ligne de rupture avec la conception ancienne de l’entreprise où le
dirigeant – émanation directe des principaux propriétaires – était le chef
militaire hiérarchique tout puissant et indiscuté.

La conception ancienne de l’entreprise s’appuyait sur une organisation


pyramidale des rapports sociaux, avec les propriétaires majoritaires en haut
de la pyramide. Cette conception reposait sur le postulat implicite que les
hommes et leur travail n’étaient que des moyens de réaliser les intérêts des
propriétaires majoritaires.

La conception nouvelle de l’entreprise s’inscrit au contraire dans une


organisation largement horizontale des rapports sociaux. Elle repose sur le
postulat que les hommes qui travaillent dans l’entreprise sont au cœur
nucléaire du système. En d’autres termes, le postulat est que l’efficacité de la
mise en œuvre de l’objet social repose en premier lieu sur le bien-être et la
considération apportée aux gens qui travaillent à cette mise en œuvre. Établir
le principe de cogestion dans l’organisation du travail au sein de l’entreprise
rétablit l’équilibre dans la mise en œuvre de l’objet social puisque les
apporteurs de travail – sur qui repose concrètement la réalisation de l’objet
social – seront enfin intéressés à la bonne marche de l’entreprise.

Ainsi, selon la conception nouvelle de l’entreprise, l’humain est réintégré au


cœur du processus économique, alors que selon la conception ancienne il
n’était qu’une variable d’ajustement dans la mise en œuvre des intérêts
économiques des propriétaires majoritaires de l’entreprise. Il s’agit, ici
encore, de mettre en œuvre au niveau de l’entreprise les principes de la
séparation et de l’équilibre des pouvoirs.

Limites au pouvoir des dirigeants

Le rôle des dirigeants peut être contesté au niveau de la détermination de la


ligne de conduite politique de l’entreprise, ou au niveau de l’organisation
interne du travail.

Non-respect de l’intérêt social par la direction

En cas de contestation – par les actionnaires majoritaires ou par les


apporteurs de travail – de la mise en œuvre de la ligne politique de
l’entreprise décidée par la direction, le juge sera chargé de trancher le
différend. Dans ce cas, le juge sera amené à vérifier le respect par les
dirigeants de l’intérêt social propre de l’entreprise.

Dans les grandes lignes, de telles contestations peuvent provenir des constats
que les dirigeants confondent l’intérêt de l’entreprise avec l’intérêt
particulier d’un groupe constituant l’entreprise ; qu’ils opèrent des choix de
financement manifestement excessifs ou inadaptés à un développement de
long terme – tel par exemple le recours excessif à l’endettement, en
particulier de court terme – ; qu’ils prennent des décisions incohérentes dans
le temps ou dans l’espace, etc. Le juge pourra également être amené à
décider si le ou les dirigeants sont en situation d’incapacité manifeste de
remplir leur mission.

Il appartiendra à la jurisprudence de pourvoir au détail d’une part de ce que


recouvre le respect de l’intérêt social de l’entreprise et d’autre part de la
notion d’incapacité manifeste à diriger l’entreprise.

L’intérêt juridique à agir, c’est-à-dire la possibilité de saisine du juge,


appartient aux deux groupes que sont les propriétaires majoritaires et les
apporteurs de travail.

Non-respect du principe de cogestion

Les apporteurs de travail ont un droit légal à la cogestion dans la mise en


œuvre des relations de travail ; relations de groupes ou relations
interindividuelles.

Les dirigeants sont gardiens du respect des relations de travail établies sur le
principe de la cogestion.

Le juge sera le cas échéant amené à se prononcer sur le respect ou non par le
dirigeant de ce principe de cogestion.

Toute personne appartenant aux apporteurs de travail pourra saisir le juge à


des fins de vérification du respect du principe de cogestion.

2° Pouvoir et responsabilité des apporteurs de travail

Les apporteurs de travail sont, au premier chef, intéressés à la mise en œuvre


de l’objet social.

Ils participent à ce titre au processus de désignation de l’équipe dirigeante, et


à l’organisation interne du travail dans l’entreprise.

Prérogatives

Pouvoir de désignation des dirigeants

Rappelons que l’entreprise est une structure à vocation professionnelle qui


bénéficie à ce titre de la personnalité juridique. La structure juridique qu’est
l’entreprise est composée, principalement, de trois éléments essentiels : les
propriétaires majoritaires qui sont des apporteurs de capitaux, les apporteurs
de travail et les dirigeants. La troisième composante est désignée par les
deux premières. Ainsi, en tant que composante essentielle de l’entreprise, le
groupe des apporteurs de travail participe, de la même façon que les
propriétaires majoritaires, à la désignation des dirigeants de l’entreprise,
lesquels sont chargés de mettre en œuvre l’objet social.

Les apporteurs de travail sont d’autant plus légitimes à désigner le dirigeant


qui leur convient que le rôle de ce dernier consiste, outre la prise des
décisions politiques stratégiques, également à organiser, dans le respect du
principe de cogestion, les relations professionnelles internes à l’entreprise –
c’est-à-dire les relations entre les différents apporteurs de travail de
l’entreprise.
Participation à la cogestion

Le groupe des apporteurs de travail participe, en partenariat avec l’équipe


dirigeante, à la mise en place et à l’évolution de l’organisation du travail et
des relations d’équipes et interindividuelles au sein de l’entreprise.

Limites de ces prérogatives

Limite à la participation à la cogestion

Une fois l’organisation du travail établie dans le respect du principe de


cogestion par les apporteurs de travail et les dirigeants, ces derniers ont la
charge de faire respecter cette organisation.

Dans ce cadre, chaque apporteur de travail doit participer loyalement à la


réalisation de l’objet social. C’est-à-dire qu’il doit accepter les conditions de
l’organisation du travail telles que co-définies par l’équipe dirigeante et par
le groupe des apporteurs de travail. Chacun d’eux doit aussi respecter la
ligne politique de l’entreprise telle que définie par les dirigeants.

Tout écart vis-à-vis du principe de loyauté dans la réalisation de l’objet


social doit être sanctionné par l’équipe dirigeante ; la sanction doit être
proportionnée à la faute commise, elle est plus lourde en cas de faute
intentionnelle qu’en cas de faute non intentionnelle. En cas de contestation
par l’apporteur de travail de la sanction imposée par le ou les dirigeants, le
juge sera chargé de trancher le litige.

Toute action judiciaire abusive de la part d’un apporteur de travail sera


sanctionnée par l’octroi de dommages-intérêts au profit de l’entreprise ; c’est
en effet l’entreprise elle-même qui serait la première victime d’une mauvaise
qualité des relations internes dues à une action en justice intempestive.

Limite au pouvoir de désignation des dirigeants

Au moment de la désignation de l’équipe dirigeante par le groupe des


apporteurs de travail, les propriétaires majoritaires conservent un droit de
veto, applicable dans les cas graves où les dirigeants ainsi désignés seraient
manifestement inaptes à remplir ces fonctions. Cette inaptitude pourrait
découler de l’existence de condamnations civiles (privation des droits
civiques) ou pénales antérieures, d’incapacité juridique ou de tout autre cas
particulièrement grave.

Le juge aura à déterminer au cas par cas le contenu de cette inaptitude


manifeste du dirigeant à exercer ses fonctions.

Si les dirigeants en place, désignés par le groupe des apporteurs de travail,


étaient en cours d’exercice relevés de leur mission par le juge, alors le
groupe des apporteurs de travail perdrait, à titre de sanction, son tour dans la
prochaine désignation des dirigeants.

3° Les propriétaires majoritaires

Comme tout élément composant l’entreprise, les propriétaires majoritaires


ont des prérogatives qui sont limitées par le respect de l’intérêt social propre
de l’entreprise.

Prérogatives

Les propriétaires de l’entreprise, qui participent à la désignation des


dirigeants et subséquemment à la détermination de l’objet social, sont aussi
des sortes d’agents financiers de cette dernière.

Désignation des dirigeants et détermination de l’objet social

En tant que composante statutaire essentielle de l’entreprise, le groupe formé


par les propriétaires majoritaires participe à la désignation de l’équipe
dirigeante. Cette désignation se fait à tour de rôle avec les apporteurs de
travail.

Si l’on veut bien se souvenir que le respect de l’objet social par l’entreprise
relève d’une prérogative des dirigeants, alors il résulte de leur nouveau
processus de désignation que ces derniers ne sont mécaniquement plus les
seuls commanditaires des propriétaires majoritaires.

En d’autres termes, la détermination de l’objet social relève dorénavant d’un


compromis entre le groupe des propriétaires majoritaires et celui des
apporteurs de travail. Compromis garanti par les dirigeants dans l’exercice
de leurs fonctions.

Prérogatives financières

En participant activement au financement des entreprises, les propriétaires


majoritaires sont aussi des sortes d’agents financiers de l’entreprise.

Un peu comme des banquiers externes, ils investissent de l’argent afin de


permettre la mise en œuvre, par les dirigeants, de l’objet social. Mais à la
différence de banquiers externes, les propriétaires majoritaires de l’entreprise
sont copropriétaires d’une partie de celle-ci ; ils sont en conséquence
rémunérés en fonction des résultats de l’entreprise par les bénéfices
distribués par les dirigeants. Les propriétaires majoritaires sont ainsi, de
façon structurelle, intéressés à la bonne marche de l’entreprise.

Les dirigeants sont seuls habilités à déterminer le montant des bénéfices qui
seront distribués aux actionnaires majoritaires. Toutefois, les propriétaires
majoritaires peuvent contester devant le juge la décision – dans son principe
et dans son montant – prise par les dirigeants de distribuer ou non des
bénéfices.

Une contestation de ce montant ne pourra se faire que dans le cadre de la


contestation du respect de l’intérêt social par le dirigeant lors de l’affectation
des fonds disponibles – c’est-à-dire du bénéfice de l’entreprise.

Limites aux prérogatives

Le rôle consistant, pour les propriétaires majoritaires, à désigner les


dirigeants est partagé avec les apporteurs de travail. Ces derniers agissent à
la façon d’un contre-pouvoir, empêchant de façon structurelle la confusion
entre l’intérêt social et l’intérêt propre du groupe des propriétaires
majoritaires.

En tant qu’agents financiers, les propriétaires majoritaires sont également


tenus de respecter l’intérêt social tel que défini par les dirigeants.

Limite au pouvoir de désignation des dirigeants


Afin de pallier le risque – ce risque est dans le contexte actuel une réalité
juridique et non un risque – de confusion entre intérêt des propriétaires
majoritaires et intérêt propre de l’entreprise, le concept nouveau d’entreprise
impose le partage de la désignation des dirigeants avec le groupe des
apporteurs de travail.

Au moment de la désignation de l’équipe dirigeante par le groupe des


propriétaires majoritaires, les apporteurs de travail conservent un droit de
veto, applicable dans les cas graves où les dirigeants ainsi désignés seraient
manifestement inaptes à remplir ces fonctions. Cette inaptitude pourrait
découler de l’existence de condamnations civiles (privation des droits
civiques) ou pénales antérieures, d’incapacité juridique ou de tout autre cas
particulièrement grave.

Le juge aura à déterminer au cas par cas le contenu de cette inaptitude


manifeste du dirigeant à exercer ses fonctions.

Si les dirigeants mis en place par les actionnaires majoritaires étaient, en


cours d’exercice, relevés de leur fonction par le juge, alors les propriétaires
majoritaires perdraient, à titre de sanction, leur tour dans la prochaine
désignation des dirigeants.

Limites aux prérogatives financières

Toute contestation par les propriétaires majoritaires du bénéfice distribué


alloué par les dirigeants qui serait jugée abusive ou intempestive donnera
lieu au paiement de dommages et intérêts à l’entreprise. En effet, l’entreprise
serait la principale victime d’une contestation du rôle de ses dirigeants :
contestation qui aurait pour effet d’instaurer, pendant au moins toute la durée
de la procédure, une suspicion sur les dirigeants préjudiciable au bon
fonctionnement quotidien des relations de travail.

4° Les propriétaires minoritaires, simples investisseurs

Les propriétaires minoritaires ont un simple rôle d’apporteurs de capitaux,


ils ne participent pas directement à la réalisation de l’objet social.

Prérogatives
Les propriétaires minoritaires de l’entreprise sont l’élément économique
passif de l’animus professionnel. Ils ont, dans l’entreprise, un rôle de simple
investisseur. Un peu comme une banque externe qui octroie un prêt, ils
investissent de l’argent dans l’entreprise. Mais, à la différence des banquiers,
ils détiennent, de la même façon que les propriétaires majoritaires, une partie
de l’entreprise.

À la différence des banquiers, les propriétaires minoritaires ne sont pas


rémunérés par un intérêt mais par un bénéfice distribué par le chef
d’entreprise.

Limites aux prérogatives

Contrairement aux propriétaires majoritaires, les propriétaires minoritaires


ne sont, par essence, pas impliqués dans les conditions de réalisation de
l’objet social. En conséquence, il ne leur appartient pas de choisir les
dirigeants chargés de mettre en œuvre cet objet social.

N’ayant pas la prérogative de nommer les dirigeants, ils ne peuvent, par un


parallélisme des formes, pas avoir celle de les démettre de leurs fonctions.

Par ailleurs, en tant que simples apporteurs de capitaux, ils ne sont pas
habilités à contester en justice les décisions d’affectation des bénéfices de
l’entreprise prise par les dirigeants.

En cas de mécontentement concernant la politique de distribution des


bénéfices, la seule chose que puissent faire les propriétaires minoritaires est
de retirer leurs apports financiers de l’entreprise et d’aller investir leur argent
ailleurs. Ce qui, ne le cachons pas, reste un moyen de pression financier
éventuellement très important. Il s’agit d’un moyen d’action indirect qui
oblige, d’une façon ou d’une autre, les dirigeants à prendre en compte
l’intérêt des propriétaires minoritaires dans la mise en œuvre de l’objet
social.

B) ORGANISATION DES RELATIONS ENTRE LES DIFFÉRENTS


ACTEURS DE L’ENTREPRISE

Les relations entre les divers groupes qui composent l’entreprise doivent être
analysées et encadrées de façon permanente par le droit. A défaut, le risque
serait l’installation de sempiternels conflits, plus ou moins latents, qui
empêcheraient le fonctionnement correct de l’entreprise. Aucune théorie
juridique de l’entreprise ne résisterait à l’instauration à titre permanent de
tels nids de chicanes.

1° Relations bilatérales entre propriétaires majoritaires et apporteurs de


travail

Depuis l’œuvre de Montesquieu, ce n’est un secret pour personne


qu’organiser un équilibre entre les forces en présence est le seul moyen
d’éviter une prise de contrôle des unes sur les autres. Décliné en matière
d’entreprise, ce principe suppose un équilibre des forces entre les apporteurs
de capitaux et les apporteurs de travail.

Toutefois, cet équilibre ne doit pas aboutir à l’immobilisme, écueil résultant


de la confrontation de deux pouvoirs identiques. L’équilibre des forces doit
donc être aménagé, les relations entre les différents pouvoirs entretenues et
organisées, afin de ne pas aboutir à des conflits ineptes et sans issue. Le rôle
du droit est de pacifier les relations, pas de les rendre conflictuelles. D’où la
nécessité pour le législateur de gérer les relations entre les deux types
d’apporteurs qui participent à l’entreprise de façon prépondérante.

Dans ce contexte, une réponse juridique équilibrée consiste à donner le


pouvoir de nomination des dirigeants alternativement aux apporteurs de
capitaux et aux apporteurs de travail, sauf à sanctionner un groupe qui aurait
failli à la désignation du précédent dirigeant en lui retirant temporairement
son droit de nomination.

Il serait également judicieux de donner aux apporteurs non concernés par la


nomination du dirigeant un droit de veto. Ce dernier devant toutefois être
limité au cas extrême où le dirigeant proposé serait manifestement inapte à
exercer ses fonctions : pour des causes judiciaires (condamnation civique ou
pénale antérieure), en raison d’échecs précédents répétés à ce type de
fonction, ou pour toute autre raison impossibles à détailler in abstracto. La
jurisprudence pourvoira au détail de ce qui rend un dirigeant manifestement
inapte à exercer ses fonctions.

2° Relations bilatérales entre propriétaires majoritaires et minoritaires


L’élément économique de l’animus professionnel se décompose en un
élément actif dans la réalisation de l’objet social – les propriétaires
majoritaires – et un élément passif dans la réalisation de l’objet social – les
propriétaires minoritaires.

Ces deux groupes ont pour fonction d’apporter des capitaux à l’entreprise
afin de pourvoir à un moment donné, totalement ou partiellement, au
financement de ses activités. Mais ces deux groupes n’entretiennent pas de
réel rapport l’un avec l’autre.

Les dirigeants décident du montant des bénéfices éventuels qu’il convient de


distribuer. L’enveloppe du bénéfice qui sera distribué est répartie par parts
égales entre d’un côté les apporteurs de capitaux – majoritaires et
minoritaires confondus – et de l’autre les apporteurs de travail.

Les bénéfices distribués affectés au groupe des apporteurs de capitaux seront


répartis entre eux au prorata de la participation respective de chacun d’eux
au financement de l’entreprise.

Les propriétaires majoritaires sont habilités à contester en justice le bénéfice


distribué au titre du non-respect de l’intérêt social par le dirigeant.

A contrario, les minoritaires n’ont pas la possibilité de contester en justice la


part de bénéfices distribués qui leur est attribuée par les dirigeants. Ils
conservent néanmoins un moyen de pression essentiel : celui de retirer leurs
avoirs de l’entreprise, obligeant les dirigeants à trouver des capitaux de
remplacement.

3° Relations bilatérales entre minoritaires et dirigeants

Comme indiqué ci-dessus, les dirigeants de l’entreprise – élément juridique


de l’animus professionnel – décident librement de la partie du bénéfice
réalisé par l’entreprise qu’il conviendra de distribuer.

Ce bénéfice distribué est ensuite réparti à parts égales entre d’un côté
l’élément économique de l’animus professionnel – composé des apporteurs
majoritaires et minoritaires de capitaux – et de l’autre côté l’élément humain
du corpus professionnel – les apporteurs de travail.
Une fois cette première répartition établie, la partie des bénéfices distribuée
réservée aux apporteurs de capitaux sera divisée entre les majoritaires et les
minoritaires au prorata de la participation de chacun de ces deux groupes
dans le financement de l’entreprise – participation actée au passif du bilan de
l’entreprise.

Les propriétaires minoritaires n’ont pas d’action directe contre les décisions
du dirigeant. Ils conservent néanmoins un moyen de pression, qui est une
sorte d’action indirecte sur eux, car ils peuvent à tout moment retirer leurs
apports de l’entreprise, imposant à cette dernière – c’est-à-dire à ses
dirigeants – de trouver une source de financement de remplacement.

4° Relations trilatérales entre majoritaires, apporteurs de travail et


dirigeants

Les interactions entre les dirigeants, les propriétaires majoritaires et les


apporteurs de travail sont de deux ordres. Elles relèvent d’une part de la
désignation et de la révocation des dirigeants par les apporteurs de travail et
les majoritaires, et d’autre part du rôle d’arbitre des dirigeants entre les
intérêts des apporteurs de travail et ceux des propriétaires majoritaires dans
la conduite de l’intérêt social.

Désignation et révocation du dirigeant

Les propriétaires majoritaires participent à égalité avec les apporteurs de


travail à la désignation de l’équipe chargée de diriger l’entreprise.

La désignation du dirigeant doit se faire, alternativement par l’un ou l’autre


de ces deux groupes. S’il arrivait que le dirigeant désigné par l’un des deux
groupes soit reconnu inapte à ce rôle par les juges, alors le groupe qui aurait
procédé à la désignation perdrait son tour lors de la prochaine désignation ;
le droit de désignation des dirigeants lui serait temporairement retiré à titre
de sanction.

Les apporteurs – de capitaux ou de travail – qui n’ont pas procédé à la


désignation du dirigeant conservent un droit de veto sur ladite désignation.
Toutefois ce droit de veto ne s’appliquera que dans des cas extrêmes où la
compétence, la loyauté, l’intégrité ou la capacité personnelle du dirigeant
pourront être mises en cause de façon manifeste. Il s’agit des cas où le
dirigeant serait manifestement inapte à exercer les fonctions de direction. La
liste des cas dans lesquels le dirigeant serait considéré comme
manifestement inapte à exercer ses fonctions doit être laissée à l’appréciation
du juge au moyen d’une estimation au cas par cas.

Par ce que l’on nomme en droit le parallélisme des formes, le ou les


dirigeants peuvent être révoqués, à tout moment pour justes et/ou graves
motifs, à la fois par les apporteurs de travail et par les propriétaires
majoritaires. Une telle révocation sera bien sûr susceptible d’être contestée
en justice par une personne justifiant d’un intérêt pour agir.

Toute action en révocation jugée abusive doit donner lieu à des dommages et
intérêts au profit de l’entreprise.

De cette façon le juge étatique apparaît être, en dernier recours, l’arbitre


ultime des intérêts particuliers au sein de l’entreprise.

Le dirigeant arbitre entre les intérêts des apporteurs de travail ou ceux des
propriétaires majoritaires dans la conduite de l’entreprise et la détermination
de l’intérêt social

De son côté, le ou les dirigeants de l’entreprise agissent comme un élément


modérateur, un médiateur, entre les intérêts des propriétaires majoritaires et
ceux des apporteurs de travail.

Autrement dit, les dirigeants apprécient la façon dont l’objet social doit être
mis en œuvre en tenant compte du point de vue de ces deux groupes – les
propriétaires majoritaires et les apporteurs de travail.

La liberté d’appréciation du dirigeant dans la conduite de l’entreprise est


donc encadrée par les intérêts, éventuellement antagonistes, des apporteurs
de travail et des propriétaires majoritaires. De telle sorte que l’appréciation
de l’objet social résulte de la confrontation du point de vue de ces deux
groupes.

Cette méthode entraîne, mécaniquement, l’existence d’un intérêt social


propre et indépendant de celui des différents groupes constituant l’entreprise.
Le dirigeant est garant de l’intérêt social

Le dirigeant est le garant du respect de l’intérêt social de l’entreprise, tel que


ci-dessus défini.

Il devra, éventuellement, rendre compte de son impartialité dans la


détermination de l’intérêt social devant des tribunaux. Les propriétaires
majoritaires et les apporteurs de travail peuvent en effet attraire en justice le
dirigeant s’ils estiment que l’intérêt social reflète plus l’intérêt particulier de
l’un des deux groupes, voire d’un tiers, que l’intérêt propre de l’entreprise.

III) Tous les acteurs de l’entreprise doivent pouvoir participer à son


capital et bénéficier de ses fruits

Une bonne politique, celle qui est source de paix, doit organiser la fluidité
des relations sociales et ne pas cristalliser les rôles des uns et des autres ad
vitam aeternam. Il s’agit donc de prévoir et d’organiser ce que l’on appelle,
en langage courant, un ascenseur social.

Appliquée à l’entreprise, cette maxime suppose que les groupes des


apporteurs de capitaux et des apporteurs de travail ne soient pas figés de
façon immuable. En d’autres termes, ces derniers doivent pouvoir devenir
apporteurs de capitaux. Il n’est en effet pas logique que les apporteurs de
travail, qui participent au premier chef par leur travail régulier et récurrent à
la réalisation du bénéfice de l’entreprise, ne puissent pas devenir également
apporteurs de capitaux. Permettre juridiquement aux apporteurs de travail de
devenir à leur tour apporteurs de capitaux représente une juste émulation
sociale, par la récompense des efforts qu’ils ont fournis.

La participation au capital de leur entreprise n’est pas nécessairement


possible a priori pour tous les apporteurs de travail, celle-ci doit donc être
facilitée par la possibilité juridique de participer aux bénéfices distribués par
l’entreprise – qui sont, juridiquement, les fruits de l’entreprise.

Nous évoquerons dans un premier temps l’attribution de parts de l’entreprise


au titre de récompense en nature aux dirigeants et aux apporteurs de travail.
Nous évoquerons dans un second temps la participation des actionnaires et
des apporteurs de travail aux bénéfices distribués. Nous mentionnerons enfin
le droit prioritaire de rachat de l’entreprise qui doit être donné aux
apporteurs de travail en cas de difficulté de celle-ci.

A) ATTRIBUTION DE PARTS DE L’ENTREPRISE AUX


DIRIGEANTS ET AUX APPORTEURS DE TRAVAIL

Les dirigeants et les apporteurs de travail sont dans une situation très
similaire : les uns et les autres passent la plus grande partie de leur temps à
mettre en œuvre l’objet social de l’entreprise. Ils doivent donc logiquement
pouvoir être ponctuellement récompensés en nature de la même manière par
l’octroi de parts sociales (actions) de l’entreprise.

1° Fonctionnement du nouveau système de récompense en nature par


l’attribution de parts de l’entreprise

Le montant total des parts de l’entreprise qui seront distribuées ainsi que leur
répartition entre les bénéficiaires relève d’une décision de la direction de
l’entreprise. Ces parts devront s’accompagner d’une augmentation
corrélative de capital, ce qui rend par nécessité l’opération assez
exceptionnelle.

Les montants distribués ne doivent pas être différenciés en fonction du statut


professionnel des bénéficiaires mais doivent être attribués en fonction du
mérite propre de chacun d’eux, c’est-à-dire en fonction de leur participation
effective, dont l’appréciation peut être annuelle ou pluriannuelle, à la
réalisation de l’objet social.

Le cas échéant, tout apporteur de travail et tout propriétaire majoritaire peut


demander au juge de vérifier que l’augmentation de capital et la répartition
des parts sociales ont été faites par les dirigeants dans le strict respect de
l’intérêt propre de l’entreprise. En cas de contestation de l’opération,
l’attribution contestée des parts de l’entreprise est gelée jusqu’à
l’intervention de la décision du juge.

Toute contestation jugée abusive donnera lieu à des dommages et intérêts à


l’entreprise. Cette mesure de distribution de parts de l’entreprise aux
apporteurs de travail et aux dirigeants, qui s’analyse juridiquement en une
récompense en nature, est dictée par l’équité, source de paix sociale.
Elle est corrélativement un gage d’efficacité du fonctionnement de
l’entreprise dans la mesure où la réalisation de l’objet social aura d’autant
plus de chances d’être accomplie dans les meilleures conditions que les
personnes qui y travaillent seront justement et équitablement récompensées
de leurs efforts. Elle répond ainsi parfaitement à l’intérêt bien compris de
l’entreprise.

2° Différence du nouveau régime juridique d’attribution de parts de


l’entreprise avec l’actuel régime des stock-options

Fondamentalement, la différence entre le nouveau système proposé et celui


dit des stock-options est de taille, elle s’inscrit dans la différence
fondamentale de contexte qui existe entre la société de type capitalistique
actuelle et le modèle d’entreprise que nous proposons.

Selon le régime actuel, les stock-options sont une option d’achat à terme sur
des parts de l’entreprise à un prix fixé à l’avance. Ce régime est supposé
inciter les bénéficiaires – c’est-à-dire les dirigeants – à faire monter, à terme,
le cours des actions de l’entreprise. Il s’agit en quelque sorte d’une
spéculation sur le travail d’autrui. Si le cours des actions augmente, certes
les détenteurs de stock-options seront favorisés – ce qui sera une juste
récompense des efforts fournis à l’occasion de leur travail – mais tous les
actionnaires, en particulier les majoritaires, le seront également. Le régime
dit des stock-options est une incitation faite par les principaux propriétaires
de l’entreprise à leurs dirigeants pour motiver ces derniers à continuer de
travailler à l’accroissement de la valeur de la société dont les majoritaires
profiteront au premier chef.

Les stock-options telles qu’actuellement conçues s’avèrent au final être un


moyen juridique utilisé comme subterfuge par les principaux détenteurs de
capitaux pour augmenter leurs revenus en spéculant sur le travail d’autrui.

Le régime de l’attribution de parts de l’entreprise que nous préconisons dans


la présente théorie ne prétend pas, contrairement au régime dit des stock-
options, spéculer sur le travail des hommes mais au contraire récompenser
un travail déjà effectué par l’attribution, à titre exceptionnel, et nominatif,
d’une partie de l’entreprise.
B) PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES DISTRIBUÉS DES
ACTIONNAIRES ET DES APPORTEURS DE TRAVAIL

La rémunération de l’élément économique de l’animus professionnel est


fonction des résultats de l’entreprise ; ce qui est logique, car les actionnaires,
copropriétaires de l’entreprise, ne sont pas extérieurs à cette dernière. A
contrario, les banques, qui peuvent également participer au financement de
l’entreprise, sont extérieurs à celle-ci ; elles perçoivent des intérêts en
contrepartie des prêts qu’elles peuvent fournir. Le taux d’intérêt,
préalablement négocié par le dirigeant, n’est pas dépendant du résultat de
l’entreprise, il réduit, en amont, le résultat de l’entreprise. Si une banque
extérieure à l’entreprise intervenait, au titre de son apport de financement,
dans les choix des dirigeants de l’entreprise, elle pourrait être condamnée
pour immixtion dans la gestion.

Il n’existe actuellement aucune participation automatique et généralisée des


apporteurs de travail aux bénéfices de l’entreprise. Toutefois, ce type de
rémunération existe, en France, dans les entreprises de plus de 100 salariés.
Il convient donc d’automatiser et de généraliser ce processus afin de faciliter
juridiquement le passage des apporteurs de travail en apporteurs de capitaux.

Nous proposons ainsi de donner aux apporteurs de travail un droit effectif


permanent à la répartition des fruits de l’entreprise. Cette mesure facilitera la
possibilité, pour les apporteurs de travail, d’acheter par la suite d’autres
droits dans le capital de leur entreprise.

Cette analyse, simple et logique, n’est pas dénuée de danger politique.

1° La légitimité de la participation des apporteurs de travail aux fruits


de l’entreprise (bénéfice distribué)

Une fois les bénéfices réalisés – si bénéfices il y a – se pose alors au


dirigeant la question de la détermination de la part qui doit être mise en
réserve et de celle qui peut être distribuée.

Une partie des bénéfices doit obligatoirement être mise en réserve afin de
permettre à l’entreprise d’assurer, au moins en partie, le financement de ses
investissements et de son développement à venir.
Le surplus de bénéfices doit pouvoir être distribué aux personnes ayant
participé, financièrement ou par leur travail, à la réalisation desdits
bénéfices. Il est contre-productif d’exclure de la part du bénéfice distribuable
les apporteurs de travail, alors que ce sont principalement eux qui ont
positivement agi pour permettre la réalisation dudit bénéfice. C’est la raison
pour laquelle la présente théorie se prononce pour une première répartition
des bénéfices distribués à part égale entre d’un côté le groupe des apporteurs
de travail et de l’autre celui des apporteurs de capitaux.

C’est à cet objectif d’équité que répondait, de façon partielle, la démarche de


Charles De Gaulle lorsqu’il a, en 1959, institué la participation des salariés
aux résultats de l’entreprise ‒ principe généralisé en 1967 à toutes les
entreprises de plus de 100 salariés.

Ce principe, qui n’a structurellement pas de quoi rebuter les apporteurs de


capitaux6 a néanmoins posé un problème d’ordre politique au Général De
Gaulle.

2° Le danger politique de la participation : l’exemple gaulliste

Pour bien comprendre les tenants et aboutissants de cette question, il faut


remettre le principe de la participation dans son contexte historique.

D’une part les événements, d’ordre révolutionnaire, de Mai 1968 ont suivi
de très près la généralisation du principe de participation des salariés (1967).
D’autre part et surtout, le Général de Gaulle a été tenu en échec en 1969 lors
d’un référendum, ce qui a entraîné son départ7.

Il serait sans doute aventureux de faire un lien direct exclusif entre Mai 68 et
le seul avènement du principe de la participation tant les décisions politiques
prises par le Général de Gaulle dans la décennie des années 1960
s’inscrivaient globalement dans une opposition frontale aux intérêts états-
uniens ; lesquels intérêts ne faisaient – déjà depuis bien longtemps ‒ que
refléter les intérêts des principaux propriétaires capitalistiques occidentaux,
en particulier ceux de l’oligarchie française. Il n’est qu’à songer à la décision
du président français de transformer en or une partie des avoirs français
détenus en dollar américain8. Il faut également penser à la décision prise en
1966 par Charles de Gaulle de sortir du commandement intégré de
l’OTAN9, ce qui a eu pour effet de faire récupérer à la France,
temporairement jusqu’à la décision de Nicolas Sarkozy prise en 2007 et
validée en 200910, son autonomie militaire.

Toutefois, le lien entre le départ de De Gaulle et l’extension du principe de la


participation a été expressément fait par l’historien Henri Guillemin. Ce
dernier avait en effet publiquement et clairement exprimé l’idée selon
laquelle le rejet du référendum ayant abouti au départ de Charles de Gaulle
était dû au fait que ce chef d’État commençait, avec son projet de
participation, à inquiéter les banques11. L’entreprise participative n’avait pas
été bien acceptée par l’oligarchie française qui a toujours, en sous-main,
commandé l’État.

Outre la participation aux fruits de l’entreprise, les apporteurs de travail


doivent avoir un droit prioritaire de rachat de leur entreprise en cas de
difficulté économique de celle-ci.

C) DROIT PRIORITAIRE DE RACHAT DES APPORTEURS DE


TRAVAIL EN CAS DE DIFFICULTÉ ÉCONOMIQUE DE
L’ENTREPRISE

Pour comprendre la raison profonde qui justifie l’établissement juridique


d’un droit préférentiel de rachat des apporteurs de travail sur leur entreprise
en cas de défaut de paiement par celle-ci, il importe de s’attarder un instant
sur les raisons d’être des difficultés de l’entreprise.

Celles-ci peuvent être conjoncturelles et imparables, comme un brutal


retournement de marché (lié par exemple à la découverte d’une nouvelle
technologie), un adage populaire dirait « la faute à pas de chance ».

Mais la déconfiture de l’entreprise peut aussi être la conséquence de


mauvaises décisions de politique commerciale ou de gestion, prises par le ou
les dirigeants de l’entreprise. Dans ce cas de figure, le groupe des apporteurs
de travail est la victime directe et immédiate de ses dirigeants, sur lesquels
ils n’ont au surplus, en l’état actuel de la législation, que très peu – pour ne
pas dire « pas » – de contrôle.
Dans ce contexte, les gens qui participent, par leur travail, à la réalisation de
l’objet social doivent avoir en cas de difficulté de l’entreprise, un droit
préférentiel, légalement réservé, de rachat de l’entreprise au prix officiel
déprécié – ce prix pouvant être égal à zéro, ou au « franc symbolique – qui
est le sien dans le contexte donné.

L’entreprise ainsi rachetée devient la propriété exclusive de ses apporteurs


de travail, qui auront la charge effective de la faire redémarrer ou de la
réanimer ; ils auront, quoiqu’il en soit, un contrôle direct sur leur outil de
travail.

Conclusion

L’entreprise sous sa forme actuelle – obligeamment tournée vers la prédation


économique – est un acteur essentiel du jeu de pouvoir anglo-saxon, lequel
développe sa domination par le contrôle monétaire et par le libre-échange.
Ce système global de domination, fortement intégré, est aujourd’hui en
phase d’expansion rapide. Ce simple constat, d’évidence si l’on sait regarder
au bon endroit, est en réalité assez difficile à faire en raison de la profusion
médiatiquement organisée d’informations plus ou moins – plutôt moins que
plus – pertinentes. La remarque de Portalis lors du discours préliminaire au
Code Civil de 1804 selon laquelle « Il est des temps où l’on est condamné à
l’ignorance parce qu’on manque de livres ; il en est d’autres où il est difficile
de s’instruire parce qu’on en a trop » s’avère être ici d’une particulière
actualité.

Alors que la domination politique s’était jusqu’à présent faite par les armes,
ces dernières ne sont devenues que l’ultime recours pour forcer la mise en
place de la domination par la finance et le capital (concentration du capital).
La nouvelle arme de soumission des peuples est l’entreprise, au premier titre
de laquelle figure la banque. L’entreprise est à la prédation politique ce que
les fonds spéculatifs – hedge funds – sont à la prédation financière : une
sorte de cavalerie d’élite chargée de montrer la voie à l’infanterie ;
l’infanterie étant représentée en matière financière par les investisseurs et en
matière politique par les États – notamment les élus chargés de légiférer et
réglementer.
En quelques siècles, les piliers juridiques de la domination sont ainsi
devenus, à la faveur de l’activité des entreprises, le contrôle de la création
monétaire, le libre-échange et la liberté de circulation des capitaux.

L’entreprise telle qu’actuellement conçue est au cœur du processus


d’asservissement des États et des peuples ; elle est l’ennemie directe de
toutes les nations du monde. Le processus méthodique, qui dessine, via
l’entreprise, le chemin de l’avenir, aussi avancé soit-il, n’est pas inéluctable.
Ce qui est n’a pas toujours été et n’a pas vocation à être toujours. Il faut
changer le paradigme juridique de l’entreprise si l’on veut que les
civilisations humaines puissent reprendre leur cours normal. Alors seulement
les sociétés humaines pourront mettre en musique la préconisation d’Albert
Einstein selon laquelle « il est grand temps de remplacer l’idéal du succès
par celui du service ».

La conception nouvelle de l’exploitant que nous proposons interdit par


construction la notion de groupe de sociétés, qui est le moyen pour les
propriétaires de capitaux de fonder des empires capitalistiques, lesquels
permettront, à leur tour, une appropriation politique des États.

La constitution de ces groupes a généré le fait que l’entreprise ait été élevée
dans l’ordre juridique au niveau de l’État12, rabaissant de facto ce dernier à
un simple rôle d’agent économique, annihilant ce faisant sa fonction
politique. Inverser la tendance nécessite la suppression de la possibilité de
formation de groupes de sociétés, véritables empires économiques. Si les
États veulent récupérer leur légitimité politique, ils doivent nécessairement
interdire les groupes de sociétés. Car, en abdiquant, au profit des groupes de
sociétés le contrôle du fait économique, les États se sont eux-mêmes
condamnés à terme à perdre celui du fait politique et donc leur légitimité.

D’une façon générale, s’il veut avoir une chance de reprendre le pouvoir
politique qu’il a jusqu’à présent complaisamment abandonné aux seuls
détenteurs du pouvoir économique ‒ assumant dès lors de se transformer
mécaniquement en porte-parole de leurs intérêts particuliers – le législateur
étatique, en tant que représentant du bien commun, doit impérativement
prendre le contrôle de la définition précise du concept d’entreprise.
Ainsi, la théorie juridique de l’entreprise brièvement présentée dans le
présent chapitre s’inscrit en totale opposition au conservatisme politico-
économique actuel. Cette théorie aura donc nécessairement comme ennemie
déclarée une bonne partie de l’oligarchie actuellement aux commandes ; elle
sera en revanche une aide juridique et politique précieuse, voire même
décisive, pour tout homme politique qui ambitionne de récupérer un pouvoir
que les tenants du tout économique ont fait en sorte de lui retirer.

Faire échec à la prédation économique ultime requiert des hommes d’État


courageux ayant la volonté et les moyens politiques d’imposer une
modification et/ou une clarification juridique de quelques éléments
primordiaux du concept d’entreprise. Ces modifications auront un double
effet. Premièrement, elles donneront à l’entreprise le rôle d’organisation
sociale qui est son rôle naturel que le droit aurait dû transcrire en règle dès le
départ. Deuxièmement, elles rétabliront la notion politique d’État, qui a
aujourd’hui perdu la plus grande partie de sa valeur, l’État étant – sans jeu de
mot – démonétisé par le jeu mondial de l’entreprise. La théorie juridique de
l’entreprise va de pair avec un retour des fonctions régaliennes de l’État.

21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-67-
geopolitique-entreprise-capitalistique-22

Notes
1 Volontariat international en entreprise.
2 Volontariat international en administration.
3 Volontariat de solidarité internationale ; les VSI participent, au sein d’une
ONG agréée, à une action de solidarité internationale, aide au
développement ou urgence humanitaire.
4 Maurice Hauriou a décrit l’institution comme étant « une idée d’œuvre ou
d’entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social ; pour
la réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise, qui lui procure des
organes ; d’autre part, entre les membres du groupe social intéressé à la
réalisation de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées
par les organes du pouvoir et réglées par des procédures ».
5 Cf. https://www.youtube.com/watch?v=N_4DzvRn-Qg
6 À titre d’exemple, Marcel Dassault avait été moteur dans l’établissement
de ce sain principe de gestion : http://www.laurent-dassault.com/la-famille-
dassault-_r_5.html
7 Cf. http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=248 ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Gaulle
8 Lire par exemple : http://www.les-crises.fr/de-gaulle-smi-1/
9 Cf. http://www.charles-de-gaulle.org/pages/revue-espoir/articles-comptes-
rendus-et-chroniques/le-7-mars-1966-de-gaulle-sort-de-l-otan-par-raphael-
dargent.php
10 Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9int%C3%A9gration_de_la_France_
dans_le_commandement_int%C3%A9gr%C3%A9_de_l%27OTAN
11 Cf. https://www.youtube.com/watch?v=0vRRFxIxSW0
12 Voir notre article « Géopolitique du libre-échange ».

Géopolitique du concept de propriété privée


1/2

En France, et plus généralement en Occident, la propriété privée telle


qu’issue du Code civil disparaît à mesure que les grands propriétaires
accapareurs s’enrichissent de l’appauvrissement des masses.

Voyons maintenant un phénomène qui est d’autant plus accentué que les
monnaies fiduciaires vont, à la faveur de crises monétaires et financières
savamment organisées par les tenants du pouvoir économique mondial1,
bientôt perdre une partie substantielle de leur valeur artificielle. Devant le
danger de disparition – organisée – de la richesse monétaire, les temps sont
venus pour les détenteurs de grandes fortunes de disposer juridiquement de
tous les biens matériels disponibles.
Nous voici donc collectivement entrés dans une nouvelle ère d’accaparement
des richesses matérielles (biens matériels tangibles tant mobiliers
qu’immobiliers) et immatérielles (brevets, marques) par un petit nombre
d’individus. En termes de philosophie politique, l’époque contemporaine
ressemble de plus en plus au Moyen Âge dans lequel les seigneurs et le
clergé se partageaient les terres que les paysans avaient le droit de cultiver
contre paiement d’impôts en nature et en argent. Mais, à la différence du
Moyen Âge, les seigneurs actuels ne doivent rien à leurs vassaux, ni
protection ni secours. La route juridique, politique et économique que l’on
voit prendre est, bien au-delà d’un retour à la féodalité, une véritable
impasse civilisationnelle dans laquelle l’individu n’aura comme seule valeur
que celle du niveau d’accaparement atteint par ses richesses ; il s’agit ni plus
ni moins de la négation de l’individu et des conceptions naturelles de la vie
sur terre. La perspective pour la très grande majorité des humains est celle
du servage pur et simple, dans lequel ils finiront, tôt ou tard, par être des
pièces de rechange corporelles pour la classe dominante des marchands
devenus financiers.

Selon une analyse plus prosaïque, l’ultralibéralisme, nom donné aux théories
développées par et pour les plus gros détenteurs de capitaux, instaure et
utilise l’appropriation du fait politique par le fait économique pour assurer la
domination de ses intérêts. Cet ultralibéralisme agit en quelque sorte comme
un communisme inversé. Si la mise en œuvre du communisme a assuré, en
même temps que l’appropriation collective par la désappropriation
individuelle2, la mainmise de quelques apparatchiks sur le pouvoir3,
l’ultralibéralisme réalise à l’instar du communisme, mais en prenant le
chemin inverse de la désappropriation des biens publics récupérés par
quelques individus, la mainmise de quelques personnes sur le pouvoir.

L’argent aura été, pour cette classe de commerçants, le moyen matériel


tandis que le droit de propriété aura été le moyen juridique pour s’emparer
du pouvoir. L’évolution de la domination politique de la classe commerçante
a pour corollaire l’évolution des instruments qu’elle a utilisés pour s’emparer
du pouvoir : devenu inutile, leur destin est de disparaître. Dans ce contexte,
il ne faut pas s’étonner que le droit de propriété, un temps mis socialement
en valeur, tende à disparaître au fur et à mesure qu’il devient inutile à la
classe dominante qui a, aujourd’hui, acquis un pouvoir économique et
politique mondial quasi absolu. Il en va de même de l’argent artificiellement
accru, qui, une fois sa fonction de domination matérielle réalisée, devient
inutile à cette classe victorieuse et peut alors disparaître. Les méthodes dites
de Quantitative Easing auront par exemple servi aux grands propriétaires de
capitaux à concentrer davantage leurs richesses mondiales par des rachats
faciles d’entreprises, d’immobiliers et autres biens matériels (matières
premières, etc.). On ne s’étonnera donc pas de l’ampleur de la crise
financière et monétaire actuelle4 ; une fois son rôle rempli, l’argent fictif va
pouvoir disparaître.

En France, l’actuel droit de propriété, qui conserve une existence formelle –


sinon réelle – dans les textes en vigueur, suit la pente, fatale aux classes
moyennes et inférieures, d’une transformation en propriété économique, qui
signera prochainement sa disparition légale.

Nous analyserons la naissance du concept juridique de propriété privée (A)


avant de décrire les atteintes actuelles à ce concept (B)

A) AVÈNEMENT JURIDIQUE DU CONCEPT DE PROPRIÉTÉ


PRIVÉE

Un bref aperçu du contexte historique de l’avènement du droit de propriété


(1°) permettra de comprendre ses modalités juridiques techniques (2°).

1° Contexte historique de l’avènement du droit de propriété sous sa


forme actuelle

Le concept d’appropriation est vieux comme le monde, il remonte sans


aucun doute bien avant Rome. Mais ce concept a pris, au cours du temps,
des formes très différentes de la propriété privée que nous connaissons
aujourd’hui.

Si certains font remonter au XIVe siècle les prémices de ce qui deviendra le


droit naturel à la propriété privée que nous connaissons5, nous nous
satisferons de remonter à la Révolution française, qui signe la naissance
juridique de l’actuel droit de propriété. Il faut immédiatement ajouter que ce
droit de propriété n’est pas apparu brutalement, par hasard, au détour d’un
chemin : il a suivi, durant l’Ancien Régime, une longue évolution. La
Révolution française n’a fait que matérialiser juridiquement cette notion
conceptuelle préexistante.

La bourgeoisie commerçante est à l’origine, par le biais du développement


de clubs de réflexion – que nous appelons aujourd’hui think tanks –, de
l’agitation populaire qui a débouché sur la Révolution française et la fin de
l’Ancien Régime. Cette bourgeoisie est née du commerce international des
matières rares et précieuses issu des grandes navigations et découvertes des
XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Suffisamment développée pour s’imposer
politiquement à la fin du XVIIIe siècle, cette bourgeoisie commerçante
verra, par la suite, son pouvoir confirmé par la Révolution industrielle.

À la fin du XVIIIe siècle, la création juridique de la propriété privée a été


une étape indispensable permettant à cette bourgeoisie commerçante, alors
en plein essor, de contester le principe d’accaparement seigneurial et
ecclésiastique, qui caractérisait l’Ordre politique de l’Ancien Régime. La
création de l’actuelle notion de propriété était en effet perçue, par cette
bourgeoisie très présente dans la noblesse dite de robe – c’est-à-dire dans les
parlements d’Ancien Régime –, comme le meilleur moyen juridique pour
s’imposer politiquement.

Parallèlement à la contestation par la bourgeoisie commerçante, l’ordre


féodal était également contesté, de l’intérieur, par certains défenseurs du
pouvoir royal, en particulier par l’école des physiocrates ; favorables à un
despotisme éclairé, ils préconisaient le rachat des droits féodaux par la
Royauté6. Ces derniers n’ont jamais eu gain de cause, car l’Ancien Régime,
en tant que système, n’aurait pas supporté la disparition du principe féodal :
une telle mutation interne aurait structurellement mis fin à la cohérence
d’ensemble de l’ordre établi. Dépourvues d’organisation sociale de
remplacement, les propositions des physiocrates sont restées lettre morte,
laissant la place libre au nouvel ordre social et politique prévu par la
bourgeoisie commerçante.

À leur corps défendant, les physiocrates ont été des alliés objectifs de la
destruction de l’ordre politique de l’Ancien Régime. Contesté de l’extérieur
par la bourgeoisie commerçante et de l’intérieur, notamment, par l’école des
physiocrates, l’ordre féodal, support de l’Ancien Régime, était condamné
sans appel possible. La nature ayant horreur du vide, l’ordre commerçant l’a
finalement emporté, remplaçant les institutions de l’Ancien Régime par les
siennes propres fondées sur la notion de propriété privée. C’est dans ce
contexte politique précis que le principe juridique de propriété privée a
finalement été imposé par la bourgeoisie commerçante.

2° Modalités juridiques techniques de l’actuel droit de propriété

En France, la proclamation de la plénitude et de l’absolutisme du droit de


propriété vient de la Révolution française, il s’agit donc, en ce sens, d’un
acquis révolutionnaire7. La propriété privée est véritablement établie en
principe politique par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen – DDHC – de 1789.

L’article 2 de la DDHC érige la propriété privée en un droit naturel, en


disposant que « Le but de toute association politique est la conservation des
droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la
propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. » L’article 17 de la DDHC
sacralise le droit de propriété en disposant que « La propriété étant un droit
inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition
d’une juste et préalable indemnité. »

C’est dans cet environnement politique qu’est apparu l’absolutisme du droit


de propriété de l’article 544 du Code civil de 1804. Resté formellement
inchangé jusqu’à ce jour, cet article dispose que « la propriété est le droit de
jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on
n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
L’adjectif absolue est aussitôt limité par le membre de phrase « pourvu
qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ». Ainsi, l’apparente
radicalité de la notion de propriété privée se trouve ab initio limitée par le
pouvoir législatif, représentant la force de l’État, organisé autour de
parlementaires élus qui votent les lois du peuple, conçues comme garantes
du bien commun – lequel est structurellement compris selon la conception
de l’ordre bourgeois commerçant.

Le Code civil de 1804 est, dans son intégralité, une œuvre de compromis
chargée de confirmer, après des années particulièrement sanglantes, la paix
civile fraîchement retrouvée et chèrement payée par la population française.
S’agissant du droit de propriété, le Code civil avait pour objectif de solder la
période révolutionnaire, de confirmer les droits des acquéreurs des biens
nationaux – c’est-à-dire essentiellement la bourgeoisie commerçante –, et
finalement, d’acter juridiquement le fait sociologique et économique de
l’avènement politique de la bourgeoisie d’argent.

Dans ce contexte, le droit de propriété issu du Code civil a pour fondement


non seulement le libéralisme révolutionnaire, inscrit dans la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, mais aussi le fait
politique révolutionnaire lui-même. Ni les rédacteurs du Code civil ni le
premier consul Bonaparte (qui assistait et participait aux débats sur les
articles du Code devant le Conseil d’État) n’ont voulu revenir sur le droit de
propriété des acquéreurs des biens nationaux. L’absolutisme de ce droit de
propriété était un gage de paix sociale. Il s’agissait d’abord et avant tout de
préserver la propriété des multiples – gros moyens et petits – acquéreurs des
biens du clergé et de la noblesse confisqués au moment de la Révolution.
Ces biens confisqués appartenaient au départ à des ordres politiques (clergé
et noblesse) qui avaient eux-mêmes, en quelque sorte8, initialement accaparé
la propriété de tous les biens immobiliers disponibles sur le territoire. La
Révolution a, à son tour et par un retour des choses dont l’Histoire a le
secret, confisqué ces biens pour les répartir assez largement parmi le peuple.

Il faut préciser que la vente des biens nationaux s’est opérée selon des
modalités qui ont oscillé entre le fait de privilégier les petits acquéreurs, en
acceptant des coalitions de petits paysans peu fortunés, en morcelant les lots
et en acceptant leur financement sur le long terme (par des rentes), et le fait –
beaucoup plus fréquent – de privilégier une caste bourgeoise, enrichie par le
commerce, capable d’acquérir des lots importants et de racheter les rentes,
c’est-à-dire de payer comptant ces lots initialement destinés à être financés
sur de nombreuses années9. Toutefois, même en tenant compte de la faveur
clairement concédée aux bourgeois commerçants10, la répartition dans la
population des biens du clergé et de la noblesse était réelle : l’appropriation
bourgeoise n’était alors comparable ni à l’accaparement de tous les biens
immobiliers par les castes de l’Ancien Régime ni à l’accaparement par les
tenants du pouvoir économique que nous connaissons aujourd’hui.

S’il y a effectivement eu, en France, une brève période de redistribution –


partielle, mais réelle – des richesses, ces temps sont révolus et nous sommes
à nouveau entrés, au cours des XIXe, XXe et XXIe siècles, dans une
situation d’accaparement, mondiale et non plus simplement occidentale, des
richesses par cette classe commerçante, devenue classe financière
victorieuse.

En France – comme ailleurs –, cette évolution se matérialise par l’existence


d’atteintes, toujours plus nombreuses, au principe du droit de propriété
individuelle.

B) LES MULTIPLES ET GRAVES ATTEINTES ACTUELLES AU


DROIT DE PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE

L’évolution du droit de propriété depuis les Temps modernes prend la forme


d’une courbe de Gauss : sa variation est fonction du niveau de
développement de la bourgeoisie commerçante qui a inventé ce droit. Timide
à la naissance de la bourgeoisie commerçante, aux Temps modernes, la
propriété privée s’affirme officiellement au moment de l’avènement
politique de la bourgeoisie commerçante qu’est la Révolution française, pour
finalement décliner à mesure qu’elle devient inutile à cette bourgeoisie,
devenue aristocratie financière qui a pris le contrôle absolu des institutions
politiques de l’Époque contemporaine. Actuellement, le droit de propriété
tend, en Occident, à n’être plus qu’une coquille vide, c’est-à-dire une forme
juridique vidée de toute substance réelle par le pouvoir économique qui a
pris le contrôle du pouvoir politique ; il est devenu tout à fait inutile à ses
concepteurs. Ainsi, l’environnement politico-économique actuel est, d’une
façon générale, hostile au principe de propriété privée individuelle.

La banque est un facteur essentiel de disparition du principe de propriété


privée.

L’environnement institutionnel, dominé par les détenteurs du pouvoir


économique, en raison de la disparition du principe de l’État-nation et du
droit à l’autodétermination des peuples, est une autre source d’attaque de la
propriété privée. Les États, devenus des courroies de transmission des
intérêts oligarchiques, mettent en œuvre d’une part une fiscalité de type
confiscatoire sur les biens et avoirs des classes sociales moyennes et
inférieures (qui ne peuvent pas s’échapper dans les paradis fiscaux) et
d’autre part des politiques qui sont des obstacles rédhibitoires à l’exercice
effectif du droit de propriété par les particuliers.

En raison de la prééminence politique absolue – c’est-à-dire sans contre-


pouvoirs – des intérêts oligarchiques, les normes actuelles portent, d’une
façon générale, les germes d’atteintes multiples et variées au principe de
propriété privée.

1° Le droit de propriété est directement attaqué par la banque

La disparition du droit de propriété, compris comme un droit réel, sur les


sommes que les usagers des banques déposent sur leurs comptes est
l’exemple le plus explicite de la disparition du droit de propriété des
citoyens. Le caractère fongible de la monnaie impose simplement aux
banques de rendre au déposant l’équivalent en valeur des sommes déposées.
Ainsi, le droit réel du déposant se transforme en un simple droit personnel,
c’est-à-dire un droit de créance contre la banque, qui conserve le libre usage
des sommes ainsi mises à sa disposition11.

À cela s’ajoute l’immensité du transfert indu de capital lié à la généralisation


du crédit comme source de financement. Les banques autorisées – par les
banques centrales, qui sont des émanations d’elles-mêmes12 –, au moyen du
principe dit de réserve fractionnaire13, à prêter de l’argent dont elles ne
disposent pas collectent en réalité de façon arbitraire les sommes d’argent
versées par les emprunteurs au titre des intérêts14. Ce transfert de capital
vers les banques, d’une ampleur inédite, opère à un double niveau, au niveau
individuel, mais également au niveau étatique.

Ainsi, les États, placés sous la double loi d’airain de leur financement par
l’emprunt et de la disparition structurelle, dans les paradis fiscaux, d’une
grosse partie de leur source de financement15 sont d’une manière générale
contraints, pour assurer leur train de vie, de resserrer l’étreinte fiscale sur les
citoyens appartenant aux catégories sociales moyennes et inférieures.

2° Le droit de propriété est directement attaqué par les États

Les États, devenus courroies de transmission des empires financiers, ont de


plus en plus recours à une fiscalité de type confiscatoire (a) dans le même
temps qu’ils édictent des politiques de nature à empêcher l’exercice effectif,
par les particuliers, du droit à la propriété privée (b).

2.a) Les États-vassaux des empires financiers édictent une fiscalité


confiscatoire

C’est devenu, en France, un lieu commun que de constater les innombrables


et désormais permanentes augmentations, aussi bien quantitatives que
qualitatives, des prélèvements obligatoires. Cette augmentation constitue une
atteinte indirecte à la propriété privée en ce qu’elle induit une baisse
subséquente des avoirs disponibles des particuliers et les empêche, de facto,
d’exercer leur droit de propriété – par manque de moyens financiers. Cette
augmentation se situe tous azimuts à tous les niveaux : au niveau national16
et local17, au niveau fiscal et social. Nous assistons ainsi, en raison de
l’incurie de l’État devenu dépendant, à une augmentation incessante des
prélèvements sociaux. Les causes de fond objectives, connues de tous depuis
toujours – dont par exemple l’arrivée à la retraite de la génération du baby-
boom et l’inversion de la courbe des naissances18 – n’ont pas été
techniquement anticipées par des États moribonds qui n’ont aucunement
cherché à prémunir leurs ressortissants des effets catastrophiques, sur leurs
patrimoines, de ces phénomènes. Il est très probable que ces effets, qui
entraînent, de façon mécanique, l’appauvrissement des particuliers et la mise
en cause de la légitimité de l’État – et donc, à terme, sa disparition – étaient
ceux effectivement recherchés par les tenants du pouvoir économique qui
sont les véritables propriétaires des États.

En matière fiscale, il existe également des exemples particulièrement


flagrants d’atteinte directe à la plénitude du droit de propriété par l’impôt. À
titre d’illustration, citons le récent projet de faire payer aux propriétaires
occupant leur résidence principale un impôt assis sur le loyer fictif
correspondant à l’économie de loyer dont ces derniers bénéficieraient19.
Autre exemple, la mairie de Paris a récemment voté le principe d’une
augmentation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et
demandé à ce que ce principe soit généralisé dans l’ensemble des zones
tendues du pays20. Citons encore la taxe sur les logements vacants situés
dans des zones tendues21. Dans le même sens, une loi anglaise prétendrait
également taxer les pièces vacantes des logements occupés.
La cause de ces innombrables atteintes, par la fiscalité étatique, au principe
du droit de propriété des particuliers est à rechercher dans l’organisation
institutionnelle, notamment par les institutions de l’Union Européenne, de la
liberté de circulation des capitaux, qui vident les États de leur substance et
les détournent de leur fonction. L’institutionnalisation de la libre circulation
des capitaux – qui prend le doux nom de libre-échange – est une source
essentielle, à égalité avec le caractère obligatoire du financement de l’État
par le paiement d’intérêts à des organismes privés22 –, bien que dissimulée,
de l’augmentation des prélèvements obligatoires. En effet, la liberté de
circulation des capitaux a pour corollaire direct l’optimisation fiscale23 et
l’évasion des capitaux dans les paradis fiscaux24. Or, l’évasion fiscale, qui
fait mécaniquement perdre aux États une partie substantielle de leurs sources
de financement, impose à ces derniers, afin d’assurer leur fonctionnement,
d’augmenter sérieusement à la fois quantitativement et qualitativement
(contrôle fiscal et surveillance généralisée des flux monétaires) la pression
fiscale sur les classes sociales moyennes et inférieures.

De plus, la mise en œuvre de ce principe de liberté de circulation des


capitaux suppose le désengagement, par les États, des organismes
fournissant des services publics. C’est ainsi que, de plus en plus souvent, les
usagers se voient contraints de payer, en plus de leurs impôts, des taxes
directement à des entreprises privées. Citons par exemple les droits de péage
sur autoroutes – et bientôt les simples routes – que les usagers payent aux
concessionnaires privés. Nous pourrions également citer la nouvelle taxe
d’aéroport que les entreprises de transport répercutent aussitôt sur les
usagers et d’autres encore… Toutes ces taxes nouvelles ne sont jamais
corrélées par la diminution des prélèvements obligatoires alors pourtant que
l’objectif initial de ces derniers était précisément, notamment, le
financement et l’entretien des infrastructures publiques.

En l’état actuel de la situation, la logique voudrait que les hommes issus des
partis politiques proposent le vote d’une loi, ou d’un règlement européen (le
champ géographique d’application étant nettement plus vaste et son
application aux États étant directe, c’est-à-dire ne nécessitant –
contrairement aux directives – aucun acte positif de transposition), imposant
au public le paiement des prélèvements obligatoires aux principales banques,
ou plutôt à la banque centrale de leur pays – ce qui revient au même25 –
comme contrepartie du droit d’occuper un logement, de se déplacer sur le
territoire, d’utiliser des services dits publics, etc. Une telle évolution s’inscrit
de façon naturelle dans le contexte où l’État n’a plus aujourd’hui pour seule
et dernière mission que la mise en œuvre des intérêts oligarchiques. L’impôt
ainsi perçu serait directement mis à la disposition de ses véritables
bénéficiaires, sans passer par l’intermédiaire d’un État qui, de fait, n’existe
plus.

Toutefois, les populations ne semblent pas encore suffisamment


conditionnées pour accepter une telle évolution ; aussi, il reste encore
préférable pour les principaux propriétaires de capitaux de maintenir la
fiction juridique de l’État et, pour les gouvernants, de continuer à dissimuler
les véritables bénéficiaires des prélèvements obligatoires – c’est-à-dire les
principaux propriétaires de capitaux, qui sont propriétaires des banques dites
systémiques, lesquels contrôlent les banques centrales – derrière le rideau de
fumée qu’est devenu l’État (État détourné de sa fonction d’organisation
sociale et vidé de sa substance politique).

2.b) Les atteintes, par les politiques étatiques, à l’exercice effectif par les
particuliers du droit de propriété

À côté des atteintes fiscales au principe de propriété privée, il existe une


foule d’atteintes indirectes et sournoises opérées par l’État fantôme – c’est-à-
dire l’État désincarné de sa fonction politique autonome – au droit de
propriété.

Ainsi, le déremboursement permanent des soins et de la plupart des


médicaments oblige les usagers à piocher dans leurs économies pour se
soigner, ce qui a pour effet direct de réduire d’autant leurs avoirs et
d’entamer subséquemment leur capacité à acquérir des biens en pleine
propriété. Plus largement, la diminution générale de toutes les prestations
familiales26 et sociales27, associée à des hausses des cotisations corrélatives
pour les particuliers, s’analyse en une ponction dans les économies des
particuliers, ces derniers devenant de moins en moins capables d’acquérir
par ailleurs la propriété d’un bien immobilier ou foncier.

D’une façon générale, l’augmentation permanente des charges annexes qui


pèsent sur les particuliers sans diminution corrélative des prélèvements
obligatoires est une manière radicale d’empêcher ces derniers d’accéder à la
propriété ; cela les contraint même bien souvent à se séparer de leurs
propriétés immobilières afin de pouvoir assumer les contraintes financières
d’origine étatique ou bancaire – la charge de la dette d’État pesant en réalité
sur les ressortissants dudit État – en permanente augmentation.

D’un point de vue de philosophie politique, une fausse solution serait


d’imposer l’appropriation étatique des biens comme remède à
l’ultralibéralisme. Dans le contexte où l’État n’est plus qu’un instrument au
service des principaux propriétaires de capitaux, une telle proposition serait
tout simplement une escroquerie juridique. Gardons-nous de mettre en avant
les méfaits incontestables de l’ultralibéralisme pour justifier la disparition de
la propriété privée du Code civil de 1804. Une telle solution aurait pour effet
direct d’offrir sur un plateau une grande victoire à ceux contre qui l’on
entend lutter, lesquels (faut-il le préciser) sont des accapareurs ayant
bénéficié au plus haut point du processus de mondialisation qu’ils avaient
eux-mêmes lancé et promu à des fins de strict enrichissement personnel
d’une part et pour faire avancer leur agenda politique mondial d’autre part.

En d’autres termes, sous prétexte de lutter contre les grands maux de


l’ultralibéralisme, le peuple doit prendre garde à ne pas se laisser abuser en
laissant l’État supprimer une institution, la propriété privée, qui avait
justement pour raison d’être initiale, de conforter le pouvoir et la liberté des
petits citoyens contribuables contre celle des accapareurs non-citoyens non-
contribuables.

3° Le droit de propriété est, d’une façon générale, attaqué à l’échelle


nationale et internationale, par tous les nouveaux principes normatifs

Le droit de propriété fait ainsi l’objet d’atteintes d’ordre institutionnel (a) et


d’atteintes juridiques directes (b).

3.a) Les atteintes institutionnelles au principe de la propriété privée

En toile de fond, la nouvelle organisation juridique qui se lève à l’échelle


mondiale est indirectement, mais très efficacement, hostile au principe de la
propriété privée et favorable à la concentration du capital dans les seules
mains des détenteurs du pouvoir économique.
Ainsi, l’avènement de l’Union Européenne, formalisation institutionnelle du
principe commercial de libre-échange28, qui organise à ce titre la disparition
formelle des principes d’État-nation, de séparation des pouvoirs29, d’État de
droit30 et de recours au vote des peuples31, est un incontestable grand pas
en avant vers la suppression du droit de propriété pour tous. Ces institutions,
de type ploutocratique, permettent à l’oligarchie la mise en œuvre juridique,
sans aucun contre-pouvoir, de son intérêt vital à concentrer les capitaux. Par
voie de conséquence, les tenants du pouvoir économique aux commandes
sont en train d’organiser – selon la méthode habituelle des petits pas – la
disparition de la notion même de propriété privée – sous-entendu pour tous
–, celle-ci laissant peu à peu la place à l’accaparement de tous les biens par
les grands capitalistes devenus banquiers. C’est la raison pour laquelle, dans
les pays d’Europe occidentale, le phénomène d’accaparement a été
démultiplié par l’arrivée des réglementations européennes, incluant à la fois
les Traités, le droit dérivé et toutes les recommandations, en particulier celles
issues du Conseil ECOFIN. Le sacrifice du bien commun et du bien public
font partie des dommages collatéraux de cette grande avancée juridique et
humaine qui nous est proposée et qui verra son aboutissement avec
l’avènement d’institutions mondiales.

À titre d’illustration, l’Union européenne32 impose d’une façon générale


aux États la cession à des acquéreurs privés des patrimoines des organismes
fournissant des services publics33. Sur le fond, ces patrimoines
appartenaient pourtant non pas à l’État, dont la propriété était seulement
formelle, mais aux contribuables français, qui les avaient financés pendant
plusieurs décennies.

Nous assistons à un véritable raz de marée de dépossession du public au


profit d’une petite minorité de grands capitalistes ; ce mouvement de fond
s’analyse en réalité comme un véritable coup d’État institutionnel.

Il faut ajouter que ce grand mouvement de dépossession du public,


institutionnellement organisé par la liberté de circulation des capitaux et le
libre-échange, a été largement facilité par l’arrivée massive d’argent fictif dû
au mécanisme de la nouvelle planche à billets appelé Quantitative Easing –
qui est, massivement, arrivé à point nommé dans les années 2010 suite à la
crise de 2008 engendrée (ou plutôt organisée) par les subprimes, après avoir
été testé au Japon dans les années 1990 –, argent dont seuls les grands
capitalistes ont profité. Une fois rempli son rôle consistant à concentrer au
maximum le capital, cet argent fictif est amené à disparaître ; les particuliers
ne doivent dès lors pas s’étonner de la crise actuelle.

3.b) Les atteintes juridiques directes au principe de la propriété privée

Au titre des atteintes juridiques directes au droit de propriété, nous pourrions


citer, en droit dit des affaires, l’actuelle prééminence de la très américaine
théorie de l’agence.

L’avènement comptable des normes IFRS, la dérégulation bancaire associée


à une créativité de grande ampleur34, l’avènement de la théorie des jeux
appliquée à l’économie, la spéculation débridée sont d’autres illustrations de
la marche oligarchique vers la suppression de la propriété privée pour tous.

Le projet d’avènement légal de la propriété économique, d’ores et déjà


annoncé, sera l’ultime atteinte au principe de propriété privée. Ce projet, qui
sera étudié en détail dans la seconde partie du présent chapitre35, sera le
dernier clou au cercueil de la propriété privée, son atteinte finale la plus
radicale et la plus symbolique. Il fermera définitivement la parenthèse de
l’illusion démocratique.

Conclusion

L’avènement de la propriété individuelle était indispensable au


couronnement politique de la classe des marchands-banquiers bourgeois.
Elle a joué, au moment de la Révolution française, son rôle et s’est
facilement imposée sous le prétexte de l’intérêt collectif. Par un effet
collatéral, cet intérêt collectif qui a pris la forme juridique de la propriété
privée s’est avéré être, au moins partiellement, une réalité qui a permis,
temporairement, l’apparition en Occident d’une importante classe moyenne,
gage de vigueur civilisationnelle.

Les choses ont aujourd’hui évolué. Volant de succès en succès, la


bourgeoisie commerçante a peu à peu, au fil des siècles, réussi à capter le
pouvoir politique, au moyen de l’argent amassé, pour finir par devenir à son
tour l’aristocratie financière que nous connaissons aujourd’hui. Dans ce
contexte, la propriété a suivi de façon logique l’évolution de ses initiateurs :
le principe de la propriété se transforme peu à peu en principe
d’accaparement par la classe des bourgeois commerçants devenue
aristocratie financière toute-puissante.

Aujourd’hui, à grand renfort de discours lénifiants à peine parés


d’humanisme, l’acquis révolutionnaire de la redistribution des richesses est
peu à peu en train de disparaître totalement du paysage juridique. Il disparaît
à mesure que l’oligarchie issue de la bourgeoisie commerçante ‒ devenue
bancaire et financière – prend le contrôle des institutions politiques locales et
internationales. Le Nouvel Ordre Mondial annoncé est en réalité l’Ancien
Ordre Mondial, celui de la toute-puissance politique institutionnelle de la
caste des commerçants devenus financiers.

Le recul du temps laisse apparaître un agenda soigneusement organisé


d’interactions juridiques, institutionnelles, monétaires et financières ; en
Occident, le développement institutionnel des privatisations (conséquence
naturelle du libre-échange) s’est ainsi accompagné du développement de
l’argent fictif disponible via le mécanisme dit de Quantitative Easing. La
future réalisation des grands marchés transatlantique et transpacifique ainsi
que l’avènement des institutions mondiales – qui se profilent déjà à l’horizon
– vont dans le même sens de l’accaparement généralisé des biens. Ce qui est
logique puisque c’est toujours la même caste des marchands-banquiers qui a
initié ces mouvements institutionnels.

Le droit de propriété aura finalement été un moyen, comme l’est l’argent,


servant à la prise de pouvoir politique et institutionnel des marchands-
banquiers. Les peuples auront, dans toute cette histoire, servi de prétexte :
l’intérêt populaire souvent claironné était, en réalité, utilisé comme variable
d’ajustement dans la marche vers le pouvoir de la caste dominante. Pour
terminer sur une note positive, nous pronostiquons que la bourgeoisie
commerçante financière est actuellement dans l’exacte position de la
Royauté à la fin de l’Ancien Régime : arrivée au bout des ressources de son
mode de fonctionnement, elle n’a aucune proposition de rechange lui
permettant de durer en tant qu’Ordre politique établi. L’actuel régime
politique de type capitalistique nous semble en effet incapable de supporter
la suppression des concepts de banque centrale et de banque systémique, tout
comme l’Ancien Régime n’aurait pas supporté la suppression de la féodalité.
Par ailleurs, l’actuelle évolution des communications, que certains font
entrer dans la troisième révolution industrielle, engendre en réalité une perte
du contrôle de l’information par les détenteurs du pouvoir économique. Bien
qu’initiée par la classe économique dominante, cette révolution des
communications, par l’accessibilité très large des connaissances qu’elle
suppose, est de nature à permettre un changement de paradigme social. En
effet, le pouvoir de la caste des commerçants banquiers a, depuis le début,
été construit sur l’asymétrie des informations : les tenants du pouvoir
économique (bancaire) disposent, seuls, des informations essentielles
pertinentes tandis qu’ils retiennent ou qu’ils diffusent – selon les cas – une
profusion d’informations non pertinentes (la profusion a pour objectif de
noyer les informations essentielles dans un flux très important
d’informations non pertinentes superflues et/ou secondaires36). Dans cette
organisation sociale, les services de renseignement ont toujours eu un rôle
particulièrement actif et important pour préserver le caractère asymétrique
de l’information. La révolution internet, de nature à mettre un terme au
principe de l’asymétrie informationnelle, est une épée de Damoclès
permanente pour l’oligarchie financière. La dernière illustration en date est
l’information selon laquelle le fameux consortium de journalistes
prétendument indépendants – ICIJ – situé à Washington (sic), et qui travaille
en partenariat avec tous les grands journaux occidentaux (Süddeutsche
Zeitung, Le Monde, El Pais, etc.), est tout à fait dépendant d’un organisme
appelé OCCRP, Centre pour l’étude de la corruption et du crime organisé.
L’ICIJ est, depuis quelque temps, très impliqué dans la diffusion très
sélective d’informations fiscales confidentielles en provenance des paradis
fiscaux ; or il devient accessible à tous que son organisme de rattachement,
l’OCCRP, est financé directement par le gouvernement américain, via
l’USAID, par l’Open Society de George Soros, la Fondation Ford et d’autres
fondations charitables de ce style37.

Peu à peu, la place est en train de se libérer pour l’instauration d’un nouveau
paradigme sociétal et politique.

Les actuels détenteurs du pouvoir économique ont néanmoins un agenda


politique international. Ainsi, si l’on n’y prend garde, le Nouvel Ordre
Mondial, mis en place par les tenants de l’ancien ordre mondial, pourrait
revêtir les habits de la religion kabbalistique38.
Il ne tient qu’aux particuliers et aux gouvernements éveillés d’imposer leur
propre changement de paradigme, en lieu et place de celui que l’ordre
bancaire oligarchique a prévu pour l’humanité. La fenêtre d’action politique
est réduite ; une telle opportunité de changement pourrait en effet ne pas se
représenter avant de très nombreuses années, voire centaines d’années.

Ce paradigme nouveau – que seuls des hommes politiques indépendants,


courageux, combatifs et volontaires pourront mettre en œuvre – pourrait
s’inspirer des droits naturels, sur lesquels reposait le mouvement des
physiocrates, pour construire une nouvelle ère politique. Mais les droits
naturels doivent eux-mêmes être dépoussiérés et clairement exprimés.

Ainsi, par droits naturels, il faut entendre, à notre sens, deux choses : d’une
part les règles issues du fonctionnement inné des êtres vivants, et d’autre
part les principes historiques de fonctionnement des sociétés.

Parmi les règles issues du fonctionnement inné du vivant, nous trouvons par
exemple l’accouplement d’un homme et d’une femme pour engendrer un
enfant et ainsi permettre à la race humaine de perdurer. Un autre exemple de
règle issue du fonctionnement inné du vivant est celle de l’intégrité de
l’humain : le corps et l’esprit sont un tout indissociable, à plus forte raison,
le corps humain est-il lui-même indissociable. La diversité du vivant est une
autre règle naturelle, comme l’est l’intégrité des sources de vie que sont la
qualité de l’air, des sols et des eaux qui doivent, sous peine de disparition du
vivant, rester non pollués. Ces règles, très brièvement évoquées ici, se
déclinent concrètement en une multitude d’applications politiques.

Parmi les principes historiques du fonctionnement des sociétés humaines se


trouve le fait selon lequel un pouvoir sans contre-pouvoir conduit
directement à l’abus. L’accaparement est un abus, comme l’est la
confiscation de tous les pouvoirs par un corps constitué aux intérêts
homogènes. La diversité doit exister dans les sociétés humaines de la même
manière qu’elle existe dans la nature (biologique, géologique, climatique,
etc.). Ces principes sont le fruit des leçons de l’histoire. Tirer des leçons des
erreurs civilisationnelles du passé est la seule manière, pour la race humaine,
de survivre aux dérives que nous connaissons aujourd’hui.
Actuellement, aucun des droits naturels ainsi identifiés n’est respecté ; il
n’est pas étonnant de constater que le plus grand ennemi juridique des
mondialistes – la caste des marchands devenus financiers – est justement le
droit naturel.

21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-77-
geopolitique-du-concept-de-propriete-privee-12

Notes
1 Voir La dérégulation bancaire mondiale a été mise en œuvre par le Trésor
américain et les directions des principales banques systémiques anglo-
saxonnes : http://rue89.nouvelobs.com/2013/08/23/tresor-americain-accuse-
davoir-vendu-monde-banquiers-245152 ; sur le déclenchement de la crise
grecque par cinq fonds spéculatifs réunis à New York, voir
https://www.youtube.com/watch?v=TLjq25_ayWM (Myret Zaki et Etienne
Chouard) – en particulier autour de la 3e minute.
2 Une question pertinente pourrait être : peut-on réellement parler de
propriété collective alors que la propriété individuelle n’existe pas ? Autre
façon de dire les choses : la collectivité peut-elle exister sans la prise en
compte des individus qui la composent ?
3 Réalisant ce faisant le despotisme d’une intelligentsia, condamné par
certains communistes eux-mêmes, telle Rosa Luxembourg.
4 Cf. http://www.24hgold.com/francais/actualite-or-argent-les-
consequences-d-une-reevaluation-de-l-or.aspx?
article=8160260494H11690&redirect=false&contributor=Hugo+Salinas+Pri
ce.&mk=2
5 Cf.
http://www.librairal.org/wiki/Henri_Lepage:Pourquoi_la_propri%C3%A9t%
C3%A9_-_2
6 Cf. http://www.cours-de-droit.net/cours-d-histoire-du-droit-des-biens-
c27647304
7 Voir par exemple : http://www.cours-de-droit.net/cours-d-histoire-du-droit-
des-biens-c27647304 ; et aussi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_priv%C3%A9e
8 Une telle présentation des choses est sans aucun doute inédite – réductrice
qui plus est – mais elle nous semble indispensable à la bonne compréhension
des choses.
9 Sur ce sujet, voir : https://rives.revues.org/100
10 Cf. : http://www.larousse.fr/archives/histoire_de_france/page/116 ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bien_national ;
http://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1999_num_315_1_2219
11 Pour plus de précisions, voir notre article « L’entreprise bancaire,
instrument juridique du désordre politique global ».
12 Voir notre article intitulé « Géopolitique du système des banques
centrales ».
13 Voir notre article supra : « L’entreprise bancaire, instrument juridique du
désordre politique global ».
14 id.
15 Voir supra « Géopolitique de l’optimisation fiscale » et « Géopolitique
des paradis fiscaux ».
16 Cf. Citons par exemple la création de deux nouveaux prélèvements
obligatoires que sont la CSG en 1991 et la CRDS en 1996.
17 Voir la récente, parfois considérable, augmentation de la taxe foncière sur
les terrains non bâtis constructibles : http://blog.mon-credit-
immobilier.info/2014/10/actualite/majoration-de-la-taxe-fonciere-sur-les-
terrains-constructibles-4360.html
18 Cf. http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/le-journal-de-7h-inversion-
de-la-courbe-des-naissances-en-france-7780365228
19 Cf. : http://votreargent.lexpress.fr/impots/fiscalite-les-proprietaires-
occupant-leur-residence-principale-bientot-taxes_1580082.html
20 Cf. : http://edito.seloger.com/actualites/villes/residence-secondaire-paris-
vote-le-principe-d-une-hausse-de-la-taxe-d-habitation-article-7777.html ;
http://www.lefigaro.fr/impots/2014/11/03/05003-20141103ARTFIG00419-
les-proprietaires-bientot-surtaxes-pour-leurs-residences-secondaires.php
21 Cf. http://immobilier.lefigaro.fr/article/etes-vous-concerne-par-la-taxe-
sur-les-logements-vacants-_5e2f6502-9f16-11e5-a596-804c2384c61f
22 Voir supra : « L’entreprise bancaire, instrument juridique du désordre
politique global ».
23 Voir supra : « Géopolitique de l’optimisation fiscale ».
24 Voir supra : « Géopolitique des paradis fiscaux ».
25 Voir plus bas : « Géopolitique du système des banques centrales ».
26 Cf.
http://www.lesechos.fr/04/08/2015/lesechos.fr/021245217030_politique-
familiale‒les-prestations-diminuent‒le-deficit-subsiste.htm ; http://calcul-
impots.eu/pagesinfos/fiscalite/quotient-familial.php ;
http://impotsurlerevenu.org/fonctionnement-de-l-impot/210-plafonnement-
du-quotient-familial.php
27 Cf. http://lesmoutonsenrages.fr/2016/01/14/assurance-chomage-vers-une-
baisse-des-allocations-cela-fera-suite-a-la-coupe-des-aides-sociales-de-
lessonne/ ; http://www.metronews.fr/conso/caf-les-aides-au-logement-apl-
vont-baisser-ce-qui-va-changer/moiD!T-MMcgNzbQQcc/
28 Voir supra : « Géopolitique du libre-échange »
29 La Commission dispose du monopole de l’initiative législative dans le
même temps qu’elle est le pouvoir exécutif en Union européenne
30 Cf. https://www.youtube.com/watch?v=H8qpT9DASUY –
Fonctionnement institutionnel de l’UE : Analyse juridique et politique. Par
Valérie Bugault ; https://www.youtube.com/watch?
v=zJB5TqWAeNQ&index=89&list=PLSZZt8YP2_sDodffjjdw9hX8Md7y3s
P29– « Les grandes orientations des traités européens », par Valérie Bugault.
31 Pour un exemple français, voir le viol de la volonté populaire par Nicolas
Sarkozy, alors président de la République française, qui a fait voter le Traité
de Lisbonne par les représentants du peuple réunis en Congrès, alors que les
Français avaient rejeté ce même projet – alors appelé Constitution
européenne – par référendum en 2005 :
http://www.france24.com/fr/20080208-france-adopte-le-traite-europeen-
lisbonne-union-europeenne ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum_fran%C3%A7ai
s_sur_le_trait%C3%A9_%C3%A9tablissant_une_constitution_pour_l%27E
urope
32 Pour plus de précisions, voir la conférence suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=zJB5TqWAeNQ – « Les grandes
orientations des traités européens », par Valérie Bugault, en particulier la
minute 32’.
33 Cf. les cessions de parts dans toutes les grandes entreprises publiques :
http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20130506.OBS8351/entreprises-
publiques-ou-l-etat-peut-il-reduire-ses-participations.html ;
http://www.liberation.fr/futurs/2015/04/02/entreprises-trente-ans-de-
desengagement-de-l-etat_1233131 ;
http://www.zdnet.fr/actualites/desengagement-de-l-etat-la-cession-partielle-
de-france-telecom-pour-financer-un-plan-dinvestissements-39790166.htm ;
Voir aussi les récentes cessions des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_a%C3%A9roportuair
e ; http://www.lefigaro.fr/societes/2014/12/11/20005-
20141211ARTFIG00061-apres-toulouse-l-etat-va-vendre-une-partie-de-l-
aeroport-de-lyon.php ; http://www.lemonde.fr/economie-
francaise/article/2016/03/10/coup-d-envoi-a-la-privatisation-des-aeroports-
de-nice-et-lyon_4880716_1656968.html
34 Voir sur l’avènement des Credit Default Swap – CDS –, titrisation de
créances douteuses, High-Frequency Trading –
https://fr.wikipedia.org/wiki/Transactions_%C3%A0_haute_fr%C3%A9que
nce, etc. ; voir notre article « L’entreprise bancaire, instrument juridique du
désordre politique global ».
35 Cf. Sous-partie II :… à la fin de la propriété privée et à l’avènement de la
propriété économique
36 Voir à cet égard La guerre des monnaies de Hong-Bing Song, Editions le
Retour aux Sources, qui décrit pages 24 et 25 le réseau d’espionnage mis en
place par la Banque Rothschild au moment de la bataille de Waterloo.
37 Cf. http://www.moonofalabama.org/2016/04/selected-leak-of-the-
panamapapers-creates-huge-blackmail-potential.html ;
https://fr.sputniknews.com/international/201604061023988250-wikileaks-
panama-papers-usa-poutine/
38 Voir Occident et Islam ; sources et genèse messianiques du sionisme de
l’Europe médiévale au choc des civilisations, par Youssef Hindi, éditions
Sigest ; lire en particulier page 239, citant Gershom Scholem (et le) projet…
kabbalistique, qui entend étendre son imperium théocratique, par « la
transformation de la Torah afin de faire de la loi du peuple d’Israël la loi
secrète propre à l’univers et par suite donner au juif mystique un rôle vital
dans le monde ». Ceci par le biais d’une gouvernance mondiale en gestation,
celle de l’hyper-classe que prône en France par exemple, le messianiste
Jacques Attali ancien directeur de la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (BERD) ; voir aussi La guerre des
monnaies de Hong-Bing Song, cit., en particulier page 35 : « Mayer avait un
adage : Les familles qui prient ensemble seront réunies. Plus tard, beaucoup
de gens se sont demandés quelle force habitait les Rothschild pour qu’ils
soient aussi obsédés par la conquête du pouvoir. »

Mises au point techniques sur l’économie

Les médias de masse, aucun n’étant indépendant au sens financier du terme,


relaient très consciencieusement une inquiétude afin de bien faire monter la
température du bouillon dans lequel la grenouille collective est plongée. Et
puis tout à coup, on commence timidement à entrevoir que l’élite financière
a une solution à nous proposer. Cette solution est présentée comme une
alternative, la seule alternative possible.

Le rôle des « économistes » : gardiens du temple financier

Cela fait déjà un moment que j’ai remarqué le petit jeu d’économistes ou de
financiers, tous formés à l’école de « l’économie », qui alertent
publiquement, car les médias leurs sont souvent grands ouverts, le commun
des mortels sur les dangers de la continuation telle quelle du mouvement
économique global. Et puis tout à coup, on nous dévoile qu’une monnaie
mondiale est en préparation, appelée DTS, formellement encore une simple
« unité de compte »… Quelques « économistes-financiers » arrivent pour
clamer la bonne nouvelle. La vérité, pour ceux qui ont compris le rôle des
élites financières cachées à la City, Wall Street n’étant qu’une émanation de
la première, est extrêmement simple à comprendre.

Les économistes (Olivier Delamarche, Charles Sannat, Olivier Berruyer,


mais beaucoup d’autres encore) plus ou moins consciemment – car beaucoup
sont littéralement empêchés de raisonner par les dogmes infligés lors de leur
« formation » qui s’apparente plutôt à un « formatage » – sont là pour
ameuter, inquiéter un public médusé par son ignorance des causes et des
effets d’un système duquel ils ont été soigneusement gardés à bonne
distance. Les « économistes » de bonne volonté, qui sont au courant des
mécanismes en jeu, décrivent ces derniers pour expliquer à tout le monde
que l’on va dans le mur, pas d’échappatoire possible.

Ainsi, monte, inexorablement, dans le public ignorant, la vague de


l’angoisse, de la peur de tout perdre, laquelle vague est soigneusement
alimentée par la montée du chômage de masse ; chômage découlant lui-
même de l’organisation au niveau mondial de la liberté de circulation des
capitaux (mais CHUT, il ne faut surtout pas le dire !). Tout comme les
prétendus problèmes financiers du monde ont été créés de toutes pièces par
la centralisation des questions monétaires entre les mains de banques
centrales indépendantes ‒ du pouvoir politique mais pas du pouvoir
financier – et par le choix délibéré de la dérégulation financière. Là encore,
silence radio total, personne ne doit pouvoir faire ces liens intéressants entre
tous…

Les médias de masse, aucun n’étant indépendant au sens financier du terme,


relaient très consciencieusement cette inquiétude afin de bien faire monter la
température du bouillon dans lequel la grenouille collective est plongée. Et
puis tout à coup, on commence timidement à entrevoir que l’élite financière
a une solution à nous proposer. Cette solution est présentée comme une
alternative, la seule alternative possible, à l’effondrement généralisé de la
finance mondiale qui aurait pour conséquence de faire basculer l’intégralité
de la civilisation à l’ère d’un Mad Max planétaire (étant entendu que les
esprits sont parfaitement conditionnés, depuis plusieurs décennies, par les
films américains, à une débâcle généralisée de la civilisation).

Cette solution est apportée, à pas de velours, par certains économistes


financiers très au fait des « tractations internationales » et surtout du
problème collectif tel que décrit ci-dessus. Nous pouvons donner l’exemple
de JC Collins, qui est un cas d’école.

Ainsi, se fait jour dans un public soulagé, l’idée selon laquelle nous
pourrions collectivement échapper au grand reset financier. Il suffisait d’y
penser…

Et la solution vient du FMI, un organe financier international créé par les


accords de Bretton Woods dans l’objectif de mettre en œuvre l’ordre
financiarisé, c’est-à-dire la domination des élites financières au niveau
mondial, auquel nous sommes arrivés. Mais il y a plus, le FMI seul ne suffit
pas à la tâche, il a besoin de l’aide de la banque des règlements
internationaux (BRI en français, BIS en anglais) comme soutien de son
projet. Comme je l’ai déjà expliqué dans ma série de décryptage du système
économique global, la BRI, créée en 1930, est la première institution
financière du monde à avoir obtenu, sans qu’aucun État n’y voie à redire, le
statut juridique d’un État, à la réserve près que cette banque ne supporte en
aucune façon la charge collective d’avoir à organiser les relations sociales ;
non, cet État nouvelle norme ne répond qu’à une unique préoccupation :
mettre en œuvre les intérêts bancaires supérieurs. Cela devrait évoquer à
chacun d’autres modèles d’État dans l’État, souverains dans la gestion des
intérêts financiers de leurs membres, j’ai cité la City, le Vatican ainsi que
tous les États-paradis fiscaux du monde. Mais non, là encore, il ne faut
surtout pas que qui que ce soit fasse ce genre de relation de cause à effet. Les
États ne doivent pas savoir qu’ils sont d’ores et déjà instrumentalisés, jusque
dans leur légitimité juridique et surtout politique.

Ainsi, des organismes – FMI, BRI – traditionnellement grands pourvoyeurs


de bien commun se réunissent pour sortir le monde de la catastrophe
bruyamment annoncée. Ils vont engendrer un panier de monnaie, qui sera
une unité de mesure, permettant de sortir les échanges internationaux de la
suprématie du désormais uniformément détesté dollar américain.

Ce qui devrait faire réfléchir le commun des mortels est évidemment que les
intérêts qui avaient propulsé le dollar comme monnaie d’échange
internationale en remplacement de la livre sterling sont précisément les
mêmes que ceux qui nous proposent aujourd’hui les droits de tirages
spéciaux (DTS). Cela ne demande qu’un tout petit effort de compréhension
des mécanismes en cause et surtout des personnes et de leurs intérêts
financiers bien réels qui se cachent derrière les institutions financières
nationales et internationales. Cet effort hors de portée des « économistes »
est en revanche à la portée de n’importe quel juriste qui se donnerait un tant
soit peu la peine d’analyser sérieusement les institutions dans lesquelles on
vit. C’est justement ce que j’ai fait.

La réalité intentionnellement cachée derrière les DTS


Les élites financières sont en train de concocter une nouvelle avancée dans
leur ordre mondial proclamé Nouvel Ordre Mondial. Il s’agit, et les
institutions de l’Union européenne auront été à cet égard un « galop
d’essai » grandeur nature, de créer une cryptomonnaie mondiale, que le
magasine The Economist a appelé dès 1987, le Phénix, en lui prédisant une
entrée en jeu dès avant 2018. La suite logique sera l’avènement d’institutions
politiques mondiales, de type fédéraliste, et là encore, les institutions
européennes auront été un « galop d’essai » grandeur nature, avec à la clef
une réduction drastique de la population mondiale, ici encore annoncée à
grand fracas.

Mais pourquoi, me direz-vous, pourquoi tant de haine à l’égard des humains


qui, finalement, n’ont eu de tort que de laisser s’enrichir au-delà de toute
espérance cette race de rapaces, de prédateurs, d’apatrides que sont les
financiers internationaux ?

La réponse est simple, elle se trouve ici ; elle se trouve dans le phénomène
parfaitement expliqué par ce brillant sujet qu’est Mikhail Khazine. Depuis la
révolution industrielle et les découvertes juridiques et sociales faites
notamment (mais pas seulement) par Karl Marx, le monde entier ne tourne
conceptuellement qu’autour d’un unique sujet de préoccupation : le gain de
parts de marché, gain impossible à réaliser à terme. Dès lors, deux modèles
ont, au cours du XXe siècle, vu le jour : un modèle d’économie fermée, mis
en œuvre par l’Union soviétique, et un modèle d’économie ouverte mis en
œuvre par l’Occident, qui prospère aujourd’hui au-delà de toute espérance
pour ses promoteurs.

Malheureusement, aucun de ces deux modèles n’est viable sur le moyen, et


encore moins sur le long terme.

Mais aucun des cerveaux en charge de l’organisation des relations


collectives, c’est-à-dire aucun homme politique et aucun conseiller,
enfermés qu’ils sont dans leur prison conceptuelle, n’a la capacité cognitive
de distinguer la troisième voie de développement humain. Cette troisième
voie est pourtant évidente pour n’importe qui doté d’un minimum de jugeote
et de capacité cognitive et conceptuelle.
La troisième voie de développement, la seule qui soit viable sur du long
terme

Cette voie de développement, ni communiste ni ultralibérale, fait appel à la


conscience humaine, à l’instinct de chaque être humain qui, sans réfléchir
outre mesure, sait que s’il fait du mal à son voisin au petit déjeuner, il
s’expose à recevoir la même ration au dîner : l’épée de Damoclès évite à elle
seule presque toutes les dérives comportementales. Seules des élites depuis
trop longtemps à l’abri de tout voisinage sont hors de capacité de
comprendre ce phénomène pourtant d’une grande simplicité qui peut se
décrire comme « l’instinct de survie en groupe ».

Une fois que l’on a compris cela, et que l’on a perçu comment fonctionne le
monde actuel, la troisième voie de développement apparaît de façon
naturelle et lumineuse, ou plutôt elle s’impose. Je vais vous la décrire dans
les très grandes lignes.

Cette voie consiste à ce que la population de chaque pays, tous secteurs


d’activité ou de non-activité confondus (secteurs marchands et non
marchands) reprenne aux banquiers le contrôle de la monnaie que ces
derniers lui ont volée. La monnaie doit être diffusée gratuitement en nombre
suffisant pour couvrir les besoins humains raisonnables, que ce soit en
termes de survie (se nourrir, se loger, se soigner, s’instruire, etc.) ou en
termes d’imagination, de créativité et de développement économique. Il
serait ici superfétatoire de rappeler le nombre d’inventions qui ont été
sabotées par l’ordre établi afin que ces dernières n’arrivent jamais aux yeux
et aux oreilles du grand public. Ces inventions avaient, dans leur grande
majorité, pour intérêt, bien commun celui-là, de réduire la dépendance
civilisationnelle aux hydrocarbures par nature en présence limitée sur cette
terre ; et, par voie de conséquence, de réduire la dépendance de la population
aux quelques tenanciers financiers du modèle de développement économique
en vigueur.

Doivent être organisés des comités civiques chargés de réguler, dans chaque
pays, la masse monétaire en circulation. J’insiste lourdement sur le fait que
cette masse monétaire ne doit pas brider les idées quelquefois géniales que
nombre de gens ingénieux et créatifs peuvent avoir pour sortir le monde de
la dépendance oligarchique aux hydrocarbures et autres matières finies. Cela
ne se fera pas en un mois, mais les « hommes politiques » doivent faire
confiance à leur population… Les institutions économiques et financières
mondiales doivent être dénoncées, sans aucune exception, et supprimées.
Les échanges internationaux se feront simplement en mettant en œuvre la
théorie de la monnaie structurale qui est une technique permettant la mise en
œuvre des échanges internationaux par la voie de la régulation des monnaies
libérées du joug bancaire. Cette théorie a été développée par un banquier de
formation comptable, non-apatride de cœur et d’esprit.

Les États doivent reprendre le contrôle politique de la manière de faire du


commerce international en bannissant définitivement les modèles de
l’OCDE et de l’OMC qui ne sont là que pour une seule chose : affirmer et
confirmer la prééminence des multinationales sur les États.

La possibilité juridique de l’anonymat des capitaux doit être définitivement


et mondialement éradiquée, car elle ne sert qu’un seul maître : les détenteurs
du pouvoir économique et financier. Cette possibilité a, à elle seule, permis
le déploiement mondial d’une élite apatride qui s’est hissée, de siècle en
siècle, via l’amoncellement de personnalités morales fictives permettant le
plus complet anonymat et la plus complète opacité, au rang des États. J’ai
personnellement développé une théorie juridique de l’entreprise permettant
de pourvoir à l’objectif de rendre au « fait politique » le contrôle effectif du
« fait économique ».

Chacun doit absolument comprendre que le concept d’« État » fait


aujourd’hui, en raison de l’ordre économique et financier en vigueur, l’objet
d’un abus de droit, abus de langage, le tout révélant un abus moral et
politique (l’accaparement élevé au rang légal et internationalement accepté)
incompatible avec le concept même de civilisation.

27 septembre 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-27-
geopolitique-du-libreechange
Que peut-on penser de l’appel chinois
pour un renouveau du système fiscal
international ?

La lutte efficace contre l’injustice fiscale et l’évasion fiscale passe par la


disparition des actuels concepts de libre-échange et de banque centrale, ce
qui suppose la disparition de l’OMC, de la Banque des règlements
internationaux (BRI/BIS), du FMI, de la Banque mondiale et de toutes les
autres instances financières dites de développement et de coopération.

La Chine a, en juillet 2016, fait l’annonce de sa volonté d’œuvrer à


l’édification d’un système fiscal mondial juste et transparent ; que peut-on
en penser ?

Pour éclaircir le débat, il faut rappeler que cette annonce s’appuie


officiellement sur la volonté de lutter contre l’évasion fiscale, dont les
Panama Papers sont l’un des derniers avatars. L’évasion fiscale est donc
au cœur de la volonté chinoise… Le gouvernement de la Chine se pose
ici en défenseur de la justice fiscale internationale.

Le moyen privilégié, lancé par l’OCDE (OECD en anglais), aujourd’hui


communément admis par les différents pays du monde pour lutter contre
cette évasion fiscale, est l’échange automatique de renseignements fiscaux.
Or, aucune convention fiscale, qu’elle soit bi ou multilatérale, d’échange
d’informations ne viendra à bout de l’évasion fiscale organisée autour de
paradis fiscaux - qui sont des juridictions fiscales dominées par le droit et les
firmes anglo-saxonnes – tant que l’anonymat des détenteurs d’actifs
persistera à être internationalement accepté. Cet anonymat est
principalement assuré par le fait que les juridictions paradisiaques sont
régentées par les firmes d’audit anglo-saxonnes dites les Fat four et que les
trusts anonymes, les montages et l’amoncellement de personnalités morales
(ou plutôt amorales au sens privatif du terme moral) y font rage.

N’oublions pas non plus que les paradis fiscaux sont alimentés en grande
partie par les revenus tirés de l’optimisation fiscale par les firmes
multinationales, c’est-à-dire, techniquement, par les groupes d’entreprises
apatrides dument contrôlés par des personnes très concentrées. Or
l’optimisation fiscale est la fille légitime directe du vaste mouvement de
libre-échange – tiré par celui, fondamental, de la liberté de circulation des
capitaux – lancé et organisé dès la fin de la seconde guerre mondiale par le
GATT, puis l’OMC, et dont les institutions de l’Union européenne
représentent la version politique la plus achevée.

Il est tout à fait illusoire de prétendre lutter contre l’évasion et l’injustice


fiscale en laissant intacts tous les fondamentaux de l’actuelle organisation
internationale permettant et favorisant cette évasion et les injustices de tous
ordres.

Par ailleurs, un appel à la lutte contre l’injustice fiscale et l’évasion


internationale des capitaux n’est pas cohérent avec l’instauration imminente,
par le biais des DTS, d’une monnaie mondiale hors sol qui favorisera au
contraire encore davantage la circulation desdits capitaux. Rappelons au
passage que la Chine est une fois encore à la manœuvre pour ce qui est du
remplacement du dollar par les CDS dans les échanges internationaux.

Or, l’observateur attentif ne peut que constater la similitude qui existe entre
les DTS et l’ancien ECU européen, fils direct du « serpent » (sic) monétaire
européen, lequel a donné naissance à la monnaie scélérate qu’est l’euro.
Nous avons, en Europe, d’ores et déjà le recul nécessaire à l’appréciation
juste de ce que sera une monnaie mondiale et des intérêts elle servira.

En conclusion, aussi louable soit l’intention portée par le gouvernement


chinois de lutter contre l’injustice fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et
les paradis fiscaux ne peut, en l’état actuel de la situation, en aucune façon
passer par l’instauration d’un système fiscal international centralisé et d’une
monnaie internationale prétendument commune mais réellement aux mains
des principaux banquiers internationaux de la planète – puisque cette
monnaie sera gérée par la banque des règlements internationaux et par le
FMI.

La lutte ultime et véritable contre l’injustice et l’évasion fiscale passe


nécessairement, tout au contraire, par la déconstruction systématique et
consciencieuse du système économique (libre-échange), financier (BRI,
FMI, Banque mondiale) et fiscal international (optimisation fiscale et paradis
fiscaux), mis en place au XXe siècle par les tenants du libéralisme anglo-
saxon, au premier rang desquels se trouvent les propriétaires des principales
banques internationales, qui sont également – par un heureux hasard de
circonstances ou par la mise en œuvre d’un plan économique global, chacun
appréciera à sa façon – les principaux propriétaires-gérants des différentes
banques centrales du monde.

Autrement dit, la lutte efficace contre l’injustice fiscale et l’évasion fiscale


passe par la disparition des actuels concepts de libre-échange et de banque
centrale, ce qui suppose la disparition de l’OMC, de la Banque des
règlements internationaux (BRI/BIS), du FMI, de la Banque mondiale, nous
l’avons dit, mais aussi de toutes les autres instances financières dites de
développement et de coopération.

La lutte effective ne passe certainement pas par le fait de remettre les clefs
du coffre financier et monétaire aux actuels gérants des superstructures de
contrôle bancaire et financier. Il y a en jeu ici rien de moins que la pérennité
des Nations et des États ainsi que le droit à l’autodétermination des peuples.

31 août 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/que-peut-on-penser-de-lappel-chinois-pour-un-
renouveau-du-systeme-fiscal-international

Géopolitique du libre-échange

Le libre-échange est la déclinaison du principe plus vaste de liberté du


commerce. Il s’agit donc d’un concept commercial mis en pratique par des
entreprises de type capitalistique.

Le long cheminement du nouvel ordre mondial


Sous couvert de liberté du commerce, le libre-échange a pour conséquence la
mise en concurrence, au niveau international, de toutes les entreprises du
monde. Il en résulte, de façon inéluctable, la disparition des petites et
moyennes entreprises au profit des multinationales économiquement plus
performantes, en raison non pas de leur efficacité de fonctionnement, mais
de leur poids sur les différents marchés. En d’autres termes, le libre-échange
favorise concrètement sur toute la planète la prédation économique des
agents les plus faibles par les plus gros d’entre eux, c’est-à-dire la
concentration des capitaux. En raison de l’extrême prévisibilité de cette
conséquence du libre-échange, on peut en déduire qu’elle est, en réalité,
l’objectif inavoué du principe en question.

Ainsi, la liberté du commerce via le libre-échange n’a pas pour vocation de


servir mais au contraire d’asservir – la concurrence faussée et débridée
aidant – les petits commerçants. La liberté du commerce au moyen du libre-
échange n’a pas non plus pour vocation de servir les intérêts du citoyen en
occasionnant une baisse générale des prix puisque la concentration des
capitaux, qui lui est consubstantielle, s’y oppose fondamentalement. La
liberté du commerce par le libre-échange ne sert finalement les intérêts que
d’un seul maître : la petite caste qui détient les principaux capitaux du
monde. Caste qui a consciencieusement organisé, à la faveur de sa mainmise
sur l’organisation bancaire – permettant l’organisation et l’entretien de crises
bancaires et financières1 –, l’accaparement de la majeure partie des biens
matériels de cette planète.

Nous analyserons l’historique du mouvement de libre-échange (I) avant


d’examiner en quoi il s’analyse en une négation du concept d’État (II) et
quelle méthodologie il suit (III).

I) Historique du libre-échange

Au niveau français :

Le pilier fondateur du libre-échange, qui est aussi le premier acte de son


avènement mondial, se situe formellement en 1791 en France, année qui a vu
naître à la fois le décret d’Allarde (des 2 et 17 mars 1791) et la loi Le
Chapelier (14 juin 1791).
Le décret d’Allarde, officiellement paré des vertus de la liberté, a supprimé
les corporations, qui n’étaient rien d’autre que des associations réglementant
dans chaque ville les personnes exerçant le même métier. Il s’agissait déjà de
la suppression des barrières non tarifaires, c’est-à-dire réglementaires, mais à
l’intérieur du territoire français.

La loi Le Chapelier, elle aussi parée des merveilleuses vertus de la liberté, a


interdit les organisations ouvrières, notamment les corporations de métiers
mais aussi les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le
compagnonnage ; elle ne visait en revanche ni les clubs patronaux, ni les
trusts et ententes monopolistiques qui ne furent jamais inquiétés.

Les deux nouveautés législatives que sont le décret d’Allarde et la loi Le


Chapelier, au tout premier plan des avancées révolutionnaires, sont en réalité
le premier pas vers ce que nous appelons aujourd’hui le libre-échange.

Au niveau européen :

S’agissant des institutions européennes, l’idéologie du libre-échange se


déploie selon la chronologie suivante :

Le traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la CEE : la libre circulation


des capitaux, formellement inscrite, n’est pas encore effective.

La directive du Conseil européen dite Delors-Lamy de 1988 prévoit la


libéralisation complète du marché des capitaux pour 1990.

Le Traité de Maastricht (1992) puis les articles 32, 45, 49 à 55 et 63 du


TFUE2 (liberté de circulation des marchandises, des travailleurs, liberté
d’établissement et liberté de circulation des capitaux), issus du traité de
Lisbonne – ratifié par la France moyennant une forfaiture politique –
terminent au niveau européen le travail commencé en France en 1791 en
imposant la liberté totale pour les groupes étrangers de s’installer sans limite
sur des territoires européens qui ne protègent plus leurs ressortissants.

Il faut ici remarquer que l’institution européenne, qui a historiquement


débuté en 1952 par la création d’un vaste marché du charbon et de l’acier
(CECA), se termine par l’avènement d’institutions (Union européenne) à la
solde des multinationales et par la disparition corrélative de la notion d’État
en tant qu’entité politique – en raison de la disparition de toute souveraineté
étatique ; l’État est remplacé par des institutions supra-nationales
fondamentalement indépendantes des peuples.

Au niveau international :

Au niveau international, l’année 1947 constitue le second acte, le second


pilier fondateur, de la progression technique du libre-échange. Les accords
internationaux du GATT mettent en place dès 1947 la matrice d’un
commerce international fondé sur le libre-échange. Il aura néanmoins fallu
attendre les accords de Marrakech de 1994 pour voir arriver l’OMC, qui
instaure véritablement un ordre du libre-échange au niveau international. Il
faut noter que la création de ce nouvel ordre international arrive presque en
catimini car il résulte d’une simple annexe à l’acte final du Cycle de
l’Uruguay.

La mise en œuvre de l’organisation économique mondiale autour du libre-


échange avait été initialement prévue pour être intégrée aux accords de
Bretton Woods3. Cependant, des désaccords ayant engendré un contre-
temps, ce projet commercial de grande ampleur ne vit réellement le jour qu’à
l’occasion de la création de l’OMC.

Une fois l’organisation mondiale du commerce (OMC) en place, les accords


de libre-échange se sont mis à fleurir un peu partout sur la planète.

Les grands marchés transpacifique et transatlantique :

La réalisation et l’unification des grands marchés transatlantique – dont les


négociations vont bon train – et trans-pacifique – signé le 4 février 20164 –
constituera l’ultime étape de l’avènement du commerce comme ordre
sociétal supérieur mondial.

Le grand marché transatlantique est matérialisé par divers accords de libre-


échange (TTIP/ TAFTA, CETA/AECG, TISA) qui, ajoutés au grand marché
trans-pacifique, seront, si la méthode appliquée à la création de l’Union
européenne est suivie – ce qui est plus que probable compte tenu du succès
rencontré –, le marchepied à l’avènement d’un traité plus vaste instaurant
des institutions chargées de réguler le monde.
Du point de vue de la méthode, l’oligarchie prédatrice aura alors, pas à pas,
amené les différents pays du monde au Nouvel Ordre Mondial (NOM) tant
attendu. La technique utilisée par les partisans et auteurs du mondialisme est
toujours la même : faire en sorte que la marche suivante soit rendue
nécessaire par celle qui la précède. Il semble superfétatoire de préciser que le
NOM est attendu, non pas par les peuples, mais bien par l’oligarchie
transnationale d’origine anglo-saxonne5, oligarchie qui a pris le pouvoir
politique en Occident en utilisant méthodiquement la monnaie et le
commerce6, dont le libre échange est la composante essentielle, comme
armes de domination politique. L’ordre militaire étatique, les milices privées
et les guerres restent soit des moyens de secours, lorsque la domination
politique par l’économie a échoué, soit des moyens pour imposer la
domination économique à des dirigeants politiques récalcitrants.

Le contexte politique du marché transatlantique : les pouvoirs exécutifs


européens contre leurs citoyens

Le Congrès américain avait voté, en juin 2015, des pouvoirs accrus au


président Obama afin de lui permettre de conclure rapidement des accords
commerciaux avec la région Asie-Pacifique et l’Union européenne ; mission
aujourd’hui pleinement accomplie par ce président docile, pour ce qui
concerne l’Asie-Pacifique.

Concernant le marché transatlantique, les dirigeants français7 et allemand8


se déclarent très pressés de mettre un terme aux négociations en cours qui
n’ont, de leur point de vue, que trop retardé la signature de ce marché. Les
dirigeants occidentaux – gouvernements et commission européenne9 –
s’avèrent en effet extrêmement motivés pour arriver le plus tôt possible à
l’étape de la signature ; leur objectif ultime10 étant d’arriver à faire entrer en
vigueur ce grand marché sans passer par l’accord des parlements, nationaux
et européen, considérés comme trop lents et peu fiables. Signalons en effet
qu’en raison d’une mobilisation citoyenne sans précédent, le Parlement
européen a déjà reporté son vote sur ce sujet. Jamais la signature d’accords
internationaux n’aura autant mobilisé un public très majoritairement hostile
à ces traités11.

II) Le libre-échange est une négation du concept d’État


Attardons-nous un instant sur le contenu modèle des traités de libre-échange
instituant ces grands marchés.

Les barrières tarifaires – c’est-à-dire les droits de douane – et non tarifaires –


c’est-à-dire toutes les réglementations protectrices des consommateurs et des
citoyens – devront céder face à la sacro-sainte loi de l’investissement et des
marchés.

Sous l’empire du libre-échange, aucune législation de juste prévention ou de


simple précaution ne pourra plus voir le jour car elle constituera un obstacle
aux investissements – plus ou moins audacieux – des grands cartels de
l’agro-alimentaire et de l’industrie pharmaco-chimique. Concrètement, place
doit être au faite au tout transgénique, aux élevages inhumains et intensifs
d’animaux mal nourris et gavés d’antibiotiques (farines animales à des
ruminants etc.), aux conditions de conservation douteuse des viandes et
poissons (poulets chlorés), aux terres agricoles asphyxiées par les engrais et
autres pesticides (dont le fameux round-up descendant direct du défoliant
agent orange abondamment répandu au Vietnam par les Américains), à
l’utilisation d’huiles impropres à la consommation dans la restauration et
l’alimentation humaine etc.

Le libre-échange conduit à faire renoncer les États à une partie substantielle


de leurs ressources fiscales – et donc de leur capacité budgétaire – ainsi qu’à
leur prérogative régalienne d’édicter des règles générales – puisqu’il leur
devient interdit d’édicter toute réglementation protectrice de leurs
ressortissants. Ce programme est réalisé par les États dans l’objectif de
favoriser, sur leurs territoires, l’implantation de multinationales détenues par
quelques personnes.

Dans ce contexte, le libre-échange organise le sabordement, par l’État lui-


même, du principe politique étatique. L’objectif du libre-échange est, ni plus
ni moins, de voir les États supprimer eux-mêmes leur utilité publique ;
ultime raffinement de l’oligarchie qui organise le suicide des États par
l’anéantissement de leurs prérogatives régaliennes. En effet, une fois acquise
la disparition de la fonction protectrice de l’État, son rôle et sa fonction en
viennent tout naturellement à pouvoir être mis en cause – en premier lieu par
ceux-là même qui ont organisé son affaiblissement. Une expression française
reflète parfaitement cette stratégie politique : « Qui veut tuer son chien dit
qu’il a la rage. »

Par ailleurs et pour s’assurer du respect des principes proclamés, le modèle


des traités de libre-échange organise une clause, dite de règlement des
différends, qui sanctionne la non-application par les États desdits principes.

La clause de règlement des différends incluse dans le modèle des traités de


libre-échange donne aux multinationales le droit d’attaquer en justice les
États qui auront eu l’audace d’édicter des réglementations protectrices dont
l’effet secondaire serait de réduire ou d’annuler l’espoir de gain résultant
d’un investissement fait par des multinationales.

A propos de cette clause particulière incluse dans le TTIP : pour faire bonne
figure devant la levée de boucliers populaires, Cecilia Malmström, la
négociatrice pour l’Union Européenne – commissaire européenne en charge
du commerce –, envisage de transformer la cour d’arbitrage initialement
prévue pour le règlement des différends en tribunal public. Un tribunal
public permanent, payé par les con-tribuables européens, serait donc chargé
de punir les États qui auront adopté des réglementations protectrices de leurs
ressortissants, dont l’effet aura été de réduire l’espoir de gain suscité par un
investissement. Voilà l’avancée démocratique proposée par l’UE : remplacer
une Cour d’arbitrage rémunérée par les parties en cause – entreprise et État –
par un « tribunal d’investissement public » intégralement payé sur
financement public – c’est-à-dire intégralement payé par les con-tribuables –
pour protéger les investissements privés des multinationales. Belle
rhétorique des mondialistes !

Le libre-échange est synonyme de « point de droit autre que celui de faire


commerce illimité et sans condition de tout et partout » – produits et organes
du corps humain inclus – permettant de facto, en raison de la disparition des
contre-pouvoirs, l’empoisonnement de l’air, des sols et des aliments par les
pesticides et autres productions du très puissant conglomérat pharmaco-
chimique.

Le commerce et le libre-échange ne peuvent exister que débarrassés des


barrières chargées de réguler le commerce et d’éviter l’accaparement. Dans
ce contexte, les nations et leurs institutions apparaissent comme de potentiels
freins à l’expansion du commerce tout azimut. Les États et leurs institutions,
derniers remparts des peuples, ont – par la loi du libre-échange – vocation à
disparaître du paysage politique qui deviendra vierge de tout corps constitué
autre que par et pour servir l’oligarchie, laquelle est déjà officieusement au
pouvoir.

La finalité du libre-échange est d’être fatal à la démocratie, à la liberté des


peuples à disposer d’eux-mêmes, à la liberté individuelle et à la propriété
privée pour tous. C’est l’oligarchie à la manœuvre qui profitera, à la faveur
de l’illusion, savamment entretenue, de la liberté du commerce pour tous –
les mondialistes sont d’incontestables maîtres en rhétorique – de la
disparition des contre-pouvoirs étatiques.

Le libre-échange suppose conceptuellement une prise de pouvoir définitive


des corps économiques constitués sur les institutions politiques contrôlées
par les citoyens. Il est, en réalité, la mise en œuvre, par les élites
capitalistiques, d’un objectif géopolitique de domination politique globale.
Autrement dit, le libre-échange, élevé au rang de religion, est utilisé par
l’oligarchie comme une arme, redoutablement efficace, de destruction des
États, des nations, des peuples et des individus. Il sert en réalité les intérêts
de la caste des acteurs dominant l’économie mondiale, dont l’ambition
ouverte est d’instaurer une ploutocratie mondiale.

Le pouvoir sans contre-pouvoir, c’est-à-dire le pouvoir absolu, est l’essence


même du libre-échange, c’est aussi la définition de la dictature12. Il en
résulte que l’avènement du Nouvel Ordre Mondial (NOM) ne sera rien
d’autre que la résurgence au niveau mondial du système féodal : un nouveau
système de dépendance et d’asservissement fondé sur la domination
monétaire et commerciale, c’est-à-dire le contrôle du monde par les quelques
acteurs qui dominent l’économie mondiale.

La liberté révolutionnaire du commerce, faussement proclamée pour tous, a


été, est et sera en définitive le plus sûr moyen de tuer la liberté politique,
civile et patrimoniale du plus grand nombre.

Une fois la finalité du libre-échange clairement précisée, intéressons-nous à


la raison qui a permis l’émergence d’un principe aussi ouvertement scélérat.
III) L’opacité et la corruption comme méthodologie du libre-échange

Le libre-échange est indéfectiblement lié à une utilisation massive, voire


institutionnelle de la corruption ; il s’accompagne de la suppression des
débats publics et d’une corruption de grande ampleur des décideurs
politiques.

Un exemple canadien, bien qu’ancien, est à cet égard parfaitement instructif.


Il laisse apparaître sans aucun doute possible que le libre-échange
s’accompagne en coulisse, derrière les beaux et lénifiants discours officiels
sur la liberté, d’une volonté puissante de domination et d’une corruption
généralisée des élites politiques.

L’anecdote particulièrement significative sur les objectifs réels du libre-


échange, a été rapportée par David Orchard dans son ouvrage Hors des
griffes de l’aigle. Quatre siècles de résistance canadienne à
l’expansionnisme américain, concernant les visées américaines sur l’État
canadien.

Dans cet ouvrage, l’auteur cite le rapport au département d’État américain


fait le 13 mai 1854 par un certain Isaac Andrews, agent secret des États-Unis
d’Amérique :

« Dans le but d’aider les mouvements partisans de l’annexion et du libre-


échange au Canada, j’ai versé 5 000 dollars à un rédacteur de journal, 5 000
dollars à un procureur général, 5 000 dollars à un inspecteur général et 15
000 dollars à un député de l’assemblée du Nouveau-Brunswick. J’ai pris par
conséquent les mesures qu’exigeait la situation au Nouveau-Brunswick afin
de modérer l’opposition et de tranquilliser l’opinion publique. J’ai réussi à
me rendre à […] avant la fin de la session de l’assemblée législative du
Nouveau-Brunswick et ainsi éviter tout débat sur la proposition de traité de
libre-échange à l’étude ou sur toute autre mesure législative néfaste. J’ai
déversé plus de 100 000 dollars pour convaincre d’éminentes personnalités
d’appuyer l’annexion du Canada par les États-Unis ou, sinon, le libre-
échange avec les États-Unis. Mais cette somme n’est rien en comparaison
des privilèges qui vont être obtenus de façon permanente et du pouvoir et de
l’influence que cela donnera à jamais à notre Confédération. »
Le fonctionnement de l’Union européenne, institution fondée par et pour le
libre-échange, est une autre illustration de l’utilisation massive,
institutionnellement admise, de la corruption des décideurs publics par les
firmes multinationales ; cette corruption porte le doux nom anglais de
lobbying. En Union européenne, le pouvoir législatif est entre les mains de
décideurs non élus, les commissaires européens, adoubés par les pouvoirs
exécutifs européens et d’autres institutions comme le CFR – qui promeut la
consolidation économique du monde en blocs régionaux. La Commission
européenne est, par construction, toute acquise à la cause oligarchique.

Plus récemment, les conditions de secret qui entourent la gestation du grand


marché transatlantique est une autre manifestation de la vaste entreprise
d’opacité, visant à court-circuiter les institutions politiques des États, qui
accompagne de façon structurelle le libre-échange. Les élus d’Europe n’ont
qu’un accès tardif et réduit aux négociations du grand marché
transatlantique, qui ne supportent aucun réel débat public. L’accès aux
documents de travail des élus n’est possible que dans des conditions
extrêmement surveillées13. Les parlementaires allemands ayant, sans
surprise, davantage accès auxdits documents que les parlementaires des
autres États, tout en ayant une interdiction formelle de les photocopier14.

Conclusion : de la liberté du commerce à la disparition de la civilisation

Le libre-échange organise au niveau mondial un pur schéma de prédation


économique qui a tôt fait de se transformer en prédation politique,
géopolitique et civilisationnelle. Cette prédation ultime est une conséquence
mécanique de la prédation économique qui génère spontanément une énorme
concentration de capitaux. Les très grandes entreprises, dirigées par leurs
actionnaires majoritaires, prennent le contrôle institutionnel des États au
moyen du libre-échange.

Le champ d’action de la liberté totale du commerce, compris comme la


domination géopolitique de la caste des grands capitalistes, n’est plus,
aujourd’hui, limitée que par les seules connaissances techniques et
scientifiques ; elle se développe et progresse à mesure que progressent ces
dernières. Ainsi, alors que la société commerciale permet de faire commerce
de tout type de biens, licites ou illicites, elle permet aujourd’hui d’intégrer au
commerce non seulement le corps humain mais aussi et surtout les produits
et parties de celui-ci, remettant fondamentalement en cause la notion
d’intégrité du corps humain. L’objectif à peine inavoué des principaux
capitalistes à l’œuvre paraît bien être la possession de l’éternité, qui justifie
les énormes capitaux investis – notamment par une entreprise comme
Google – dans le projet transhumaniste.

Au-delà de la destruction des États, la liberté totale du commerce a pour


conséquence sociologique d’engendrer une déstructuration profonde des
sociétés humaines traditionnellement fondées sur un ancrage géographique
et sur l’affection filiale et intergénérationnelle. Elle a également pour effet –
à moins que ce ne soit un objectif ? – de détruire l’intégrité du corps
humains, ravalant l’Homme au rang de bien matériel. Le libre-échange
préfigure un monde dans lequel les classes financièrement inférieures seront
reléguées au rang de fournisseur de pièces de rechange corporelles pour les
plus riches.

Au bout du chemin du libre-échange il y a non seulement la disparition des


États nations mais encore, et surtout, l’asservissement généralisé, voire
même, un pas plus loin – si l’on en croit les indications du Georgia
Guidestones – la disparition d’une bonne partie des populations vivant sur
terre.

Cette voie, toute tracée pour nous par l’oligarchie à la manœuvre, n’est pas
inéluctable. Nous verrons plus tard que ce projet de domination planétaire,
entièrement fondé sur la notion d’entreprise, peut être stoppé au moyen
d’une simple appropriation juridique par les États du concept d’entreprise.
En d’autres termes, la survie – de la liberté et de l’humanité – suppose que
l’entreprise de type capitalistique réintègre le corps social, dont elle a –
grosso modo depuis la Révolution française – émergé comme une tumeur
cancéreuse sur un organe sain. Un tel retournement des choses aurait pour
effet de remettre le fait économique dans le giron du fait politique et de
rendre à la notion d’État ses lettres de noblesses. Quel État, quel chef d’État,
en sera capable ?

21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-27-
geopolitique-du-libre-echange

Notes
1 Voir à cet égard « Géopolitique du système des banques centrales ».
2 Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.
3 http://lewebpedagogique.com/grunen/accords-de-bretton-woods-22-juillet-
1944/; http://abc.economie.free.fr/gratuit/brettonwoods.html
4 http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/05/partenariat-
transpacifique-un-accord-entre-les-etats-unis-et-onze-
pays_4782836_3234.html ; http://www.lefigaro.fr/flash-
eco/2016/02/04/97002-20160204FILWWW00001-l-accord-de-partenariat-
transpacifique-signe.php
5 Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine, par Carroll Quigley,
publié aux États-Unis en 1981 et traduit en français en 2016, avec une
préface de Pierre Hillard, aux éditions Le Retour aux Sources.
6 Voir plus loin les chapitres concernant la géopolitique des banques
centrales et le fonctionnement des entreprises et des banques.
7 http://www.euractiv.fr/section/commerce-industrie/news/francois-
hollande-veut-accelerer-les-negociations-commerciales-avec-les-etats-unis/ ;
http://reporterre.net/La-mobilisation-contre-le-Traite
8 http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-
europeenne/20150305triba7dc96c4a/ttip-merkel-veut-signer-avec-les-etats-
unis-en-2015.html
9 http://www.latribune.fr/opinions/blogs/vu-de-bruxelles/cecilia-malmstrom-
une-infirmiere-au-chevet-du-ttip-475734.html
10 Voir par exemple : https://stoptafta.wordpress.com
11 http://fr.novopress.info/191459/25-millions-signatures-contre-tafta-
poubelle/ ; http://www.marianne.net/susan-george-32-millions-signatures-
contre-tafta-c-est-premiere-europe-100237158.html ;
http://www.upr.fr/actualite/monde/tafta-l-upr-lance-une-grande-petition-
pour-demander-a-francois-hollande-l-organisation-d-un-referendum ;
http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/europe-etats-unis-
pourquoi-le-traite-tafta-neverra-pas-le-jour-en-2015_1643110.html
12 La dictature est, selon le dictionnaire Larousse, un « régime politique
dans lequel le pouvoir est détenu par une personne ou par un groupe de
personnes qui l’exercent sans contrôle, de façon autoritaire ».
13 https://stoptafta.wordpress.com/2016/01/07/acces-des-eurodeputes-aux-
documents-de-negociation-sur-le-tafta-ttip/ ; pour l’accès limité aux
parlementaires français : http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-
economique/arret-des-negociations-du-tafta-le-double-jeu-de-la-
france_1720112.html
14 http://danielleauroi.fr/?p=10599 ;
http://fr.sputniknews.com/opinion/20160127/1021251518/tafta-allemagne-
documents-secrets.html

Brexit : vraie ou fausse bonne nouvelle ?

La politique telle qu’actuellement comprise en Occident – et telle qu’elle


tend à se propager partout sur la planète – a été tout à fait dénaturée de sa
fonction originelle pour devenir intégralement incluse dans les concepts
économiques. Or, contrairement aux sous-jacents civilisationnels
actuellement en vigueur en Occident, très largement entretenus par les
économistes – toutes écoles confondues – et les financiers, la politique ne
saurait se réduire au seul fait économique.

À propos du Brexit : un brouhaha politico-médiatique soigneusement


alimenté

Suite au vote anglais pour sortir des institutions européennes (Brexit),


l’essentiel du discours ambiant consiste à affirmer que le peuple aurait gagné
une grande victoire démocratique sur la finance internationale.
L’emblématique allocution de Nigel Farage en est l’exemple le plus parfait.
Or, il se trouve que Nigel Farage, charismatique et déjà ancien leader du
parti britannique UKIP, est lui-même une émanation de la City1. Un
émissaire de la City prétend donc que le peuple a gagné une grande victoire
sur la finance internationale ; il y a de quoi, pour le moins, sourire…
Une autre facette de la narrative politico-médiatique est l’effet boule-de-
neige attendu de cette première sortie par un pays des institutions
européennes2. Le Brexit sonnerait donc le départ de la reconquête de la
liberté pour tous les pays de l’Union européenne, dont la perte
d’indépendance serait exclusivement imputable aux actuelles institutions
européennes. Cet effet boule-de-neige serait le plus grand danger pour
l’oligarchie à la tête de l’Union européenne et le début d’une grande victoire
générale des peuples européens sur leurs élites. Un large consensus politico-
médiatique invite ainsi une large partie des opinions publiques à considérer
que l’oligarchie était et est encore irrémédiablement hostile à une sortie de
l’Angleterre des institutions européennes.

Une telle présentation des choses est erronée à plus d’un titre.

Cet article est la version écrite, détaillée et étayée, d’une interview de


l’auteure publiée initialement par le site Médias-Presse-Info et repris par le
Saker francophone.

D’une part elle part du postulat que l’oligarchie occidentale est


intégralement fusionnée dans un parti-pris américain, ce qui est tout à fait
faux. Seuls les Américains et la faction pro-américaine de l’oligarchie
occidentale ont réellement quelque chose à perdre de la dislocation des
actuelles institutions européennes – John Kerry lui-même est intervenu
auprès des élites européennes suite à l’inquiétant Brexit. Il ne faut pas sous-
estimer la frange des élites qui doit son ascension sociale, politique et/ou
économique au développement de l’empire américain ; cette faction de
l’oligarchie est composée d’individus qui ont misé l’intégralité de leur destin
sur la suprématie américaine. Il est évident que cette partie de la population,
auto-proclamée élite politique, dont les éléments sont encore – pour une
large partie – au pouvoir sur le continent européen (pour la plupart
sélectionnés par les Young leaders), ne voit pas d’un bon œil
l’affranchissement de la Grande-Bretagne des institutions européennes ; avec
au surplus un risque de contagion à d’autres pays. Les partisans de la
domination planétaire américaine ne peuvent de toute évidence pas se réjouir
de la disparition de cette domination. Toutefois, s’il ne faut pas sous-estimer
cette catégorie d’élite qui a encore beaucoup de leviers du pouvoir politique
en Occident, il ne faut pas non plus surévaluer le contrôle de la situation
mondiale par cette partie de l’élite. La faction pro-américaine, bien
qu’incessamment mise sur le devant de la scène, ne fait, très
vraisemblablement, pas partie du petit cercle des véritables élites bancaires
internationales qui ont le contrôle effectif du pouvoir monétaire mondial. Ce
petit cercle de décideurs, composé d’individus dont les avoirs ne sont
localisés nulle part et partout, n’a pas réellement de patrie ; il agit, par le
biais des banques et des institutions monétaires internationales, en tout point
de la planète comme s’il était chez lui.

D’autre part la prochaine dislocation des institutions européennes, annoncée


comme imminente par les médias dominants est, dans les faits, loin d’être
certaine et surtout loin d’être immédiate ; elle suppose un renouvellement
intégral du personnel politique des pays (jusqu’alors très pro-américain, et
soigneusement sélectionné comme tel) soumis à la domination des instances
technocratiques unionesques.

Il convient en outre de faire la juste part des choses dans le double discours
de certaines élites qui abondent dans un sens et agissent dans un autre ; ce
qui a très précisément fait le succès des élites bancaires depuis qu’elles ont
entrepris de conquérir le pouvoir3. Il est loisible de soupçonner Peter
Sutherland4, mais aussi Christine Lagarde du FMI5 de ce type de discours à
double entrée. S’agissant de Peter Sutherland, il est également loisible
d’estimer qu’en fervent partisan de l’empire américain, ce dernier est
réellement inquiet pour son avenir – chacun se fera sa propre opinion sur
l’honnêteté du discours de cet individu.

D’autres membres de l’oligarchie financière, sûrs d’eux-mêmes et confiants


en l’étendue de leur pouvoir, ont clairement affirmé ce que nous suggérons
également dans le présent article : à savoir que le Brexit pourrait, au
contraire, renforcer l’Union européenne6 ; de tels individus allant même
jusqu’à édicter des conditions pour le renforcement de ladite union.

Les élites bancaires et financières mondiales, qui se sont appuyées pour un


temps (assez long) sur la frange des partisans de la domination américaine,
n’ont et n’auront jamais aucun scrupule à abandonner leurs affidés partisans
de la domination américaine afin d’avancer plus sûrement vers leur objectif
de monnaie internationale et de gouvernement mondial. Il faut en effet, pour
s’en convaincre, conserver à l’esprit le sort qui fut réservé à l’empire anglais,
lequel fut littéralement absorbé par l’empire américain. Les élites bancaires
qui ont pris le pouvoir en Occident n’ont jamais hésité à opérer une
quelconque trahison – revirement tactique – afin de poursuivre leur stratégie
sur le long terme.

Le contexte politico-médiatique désormais éclairci, il convient d’analyser


concrètement la réalité institutionnelle, à la fois en Grande-Bretagne et dans
les autres pays de l’Union européenne, après le retrait anglais.

La réalité institutionnelle « européenne » post-Brexit

Nous analyserons successivement le cas anglais et celui des autres pays


membres de l’Union européenne.

LE CAS ANGLAIS

La Grande-Bretagne n’était, quoiqu’il en soit, pas concernée par les


principaux méfaits des institutions européennes puisqu’elle bénéficiait d’un
nombre considérable de dérogations aux traités ; elle était par exemple à la
fois hors de la convention de Schengen et hors de la zone euro. D’une
certaine façon, elle appartenait plus formellement que réellement à la réalité
civile issue des traités européens successifs.

S’agissant des accointances de l’État anglais avec l’OTAN, il est à peine


nécessaire de préciser que la sortie de ce pays de l’Union européenne ne
changera absolument rien à la quasi-fusion Angleterre-USA du point de vue
tant militaire7, que paramilitaire s’agissant des armées secrètes de l’OTAN
décrites par Daniele Ganser – précisons au passage que ce phénomène du
Gladio existe en France dans les mêmes proportions qu’il existe en
Angleterre –, ni même du point de vue de l’alliance de renseignements dite
des cinq yeux8.

S’agissant du domaine financier, si le Brexit a quelque peu endommagé,


dans un premier temps (très court au demeurant), les finances – bourse et
livre sterling – britanniques, celles-ci ont tôt fait de reprendre du poil de la
bête. Les bienheureux propriétaires de la City pourront d’ailleurs, en guise
de récompense de leurs efforts, bientôt compter sur leur nouveau statut de
refuge off-shore des actifs financiers chinois.
La seule réelle conséquence financière quelque peu durable du Brexit
consiste en une baisse des prix de l’immobilier britannique. Ce qui, étant
donné le niveau atteint par lesdits prix (bulle spéculative), est sans aucun
doute, objectivement, une bonne nouvelle pour les Britanniques dans leur
ensemble9 – à l’exception notable des récents acquéreurs de biens
immobiliers coûteux… mais ce sont les risques du jeu.

Les grandes fortunes présentes à la City – composées d’actifs financiers


réfugiés dans les paradis fiscaux sous domination anglo-saxonne et de biens,
matériels ou immatériels, répartis partout sur la planète – ne seront pas
réellement frappées par une baisse durable de l’immobilier britannique.

Ainsi, il résulte d’une analyse précise des faits que la sortie de la Grande-
Bretagne des institutions européennes ne change, concrètement, pas grand-
chose à la situation géopolitique de ce pays et, surtout, ne change strictement
rien à la situation financière et géopolitique des détenteurs d’actifs présents à
la City. Tout au plus le Brexit rendra la vie plus difficile aux étudiants
bénéficiant du programme Erasmus. Rien de bien méchant pour les
détenteurs de grands capitaux prospérant à la City et à Wall Street.

LES AUTRES PAYS MEMBRES DE L’UE – DONT LA FRANCE :


VERS DAVANTAGE D’INTÉGRATION EUROPÉENNE ET DE
DÉSINTÉGRATION DES ÉTATS-NATIONS ?

Pour comprendre l’UE, il faut faire un peu d’histoire et se rappeler qu’elle


fut d’abord allemande avant d’être américaine (ce qu’elle est encore
aujourd’hui). Nous ne reviendrons pas sur la longue – centenaire – histoire
des institutions européennes, cette dernière ayant déjà été abondamment
documentée par l’historienne Annie-Lacroix-Riz10, le sociologue Pierre
Hillard11, ou encore le politicien François Asselineau12.

Peu importe donc la domination opérée par et sur la superstructure


européenne, la seule domination qui compte réellement est la domination
capitalistique, laquelle s’appuie un jour sur un pays, le lendemain sur un
autre et le surlendemain sur un troisième (la nouvelle domination pourrait, si
l’on en croit certains indicateurs matériels, être la Chine ; nous ne pouvons
néanmoins pas encore être, à ce stade, certains de la validité d’une telle
interprétation des choses). D’une façon générale, le soutien d’un État
dominant n’est utile à l’oligarchie financière que tant que celle-ci a besoin
d’adosser sa domination (des masses populaires) sur des armées d’hommes.

Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que les institutions de l’UE sont, en
quelque sorte et pour la première fois dans l’Histoire, la mise en forme
institutionnelle du principe de libre-échange. Dans ce contexte, la signature
des traités de libre-échange qui finaliseront l’avènement du grand marché
transatlantique est le continuum logique de ces institutions. Or, aux dernières
nouvelles, il n’est pas réellement question pour les instances germano-
européennes de renoncer à ces grandes avancées mondialistes ; la signature
de ces traités est, et reste, une priorité institutionnelle de l’Union
européenne13.

Il résulte de cette analyse que le Brexit, qui signe probablement le début de


la fin de l’Union européenne sous domination américaine, ne signifie pas en
revanche la fin de l’intégration européenne et le cortège de désintégration
des États-nations qu’elle suppose. Plus vraisemblablement, la domination
américaine sur les instances européennes va s’atténuer – voire même
disparaître – sans que la domination financière du grand capital qui est
derrière ne soit atteinte. Nous pourrions en effet assister à une réorientation,
encore plus financière, des instances européennes au détriment de la
domination géopolitique des USA. Ce phénomène est d’autant plus probable
que les élites dirigeantes des pays européens sont, pour la grande majorité
d’entre elles, dominées par les élites oligarchiques locales (lire à cet égard
les différents ouvrages d’Annie Lacroix-Riz), lesquelles ont la mainmise sur
leur banque centrale respective et sont donc, a minima, en relation étroite
avec l’oligarchie financière mondiale (que l’on retrouve à la City).

La chute du dollar en tant que monnaie internationale, comme d’ailleurs la


chute des différents États occidentaux – anciens empires – par le biais des
monnaies, des dettes et du libre-échange, a été savamment organisée par les
tireurs de ficelles au niveau mondial. Dans ce contexte, les acteurs financiers
dominants n’ont aucun intérêt à conserver l’Union européenne en tant que
colonie de l’empire américain dont elles ont par ailleurs décidé le
sabordement. En conséquence, les institutions unionesques sont amenées à
évoluer. Et, justement, le Brexit pourrait bien sonner le gong d’un nouveau
départ européen vers davantage d’intégration.
Concrètement en effet, l’un des premiers effets – quasi immédiat – du Brexit
a été la publication d’une planification franco-allemande vers de nouvelles
institutions européennes encore plus intégrées14. La souveraineté de la
France et des autres pays agglomérés sera ainsi définitivement reléguée aux
oubliettes de l’histoire juridico-géopolitique. Notons au passage que la
France, ou ce qu’il en reste, a encore quelques belles cartes stratégiques à
perdre dans cette ultime bataille pour sa survie : son siège au Conseil de
sécurité de l’ONU, sa dissuasion nucléaire, etc.

Ce qui in fine restera des institutions européennes telles que nous les
connaissons actuellement est leur valeur expérimentale pour l’oligarchie
financière ; sur la durée, ces institutions pourraient ne représenter rien
d’autre qu’une expérience institutionnelle faite à un moment donné.

CE QUE RÉVÈLE LE BREXIT : UNE PERMANENCE DE LA


STRATÉGIE ET UN CHANGEMENT DE TACTIQUE

Comme toujours, pour avoir une vue d’ensemble – sur la durée – des
processus de modifications juridiques en cours au niveau international, il
apparaît utile de faire un bref tour d’horizon – nécessairement incomplet –
sous forme de rappel historique des principales avancées institutionnelles en
matière monétaire, financière et économique au cours des derniers siècles ;
lesquelles avancées ont subi une considérable accélération à compter de la
seconde moitié du XXe siècle :

•Création en Europe du concept de banque centrale (1609, 1694, 1800)


présentée comme publique – appartenant à l’État – tandis que leurs
capitaux sont dans des mains privées ;

•Création de la Fed (1913), système fédéral de banque centrale aux


USA ;

•Création de la BRI (1930), pour la première fois une banque accède au


même statut juridico-politique qu’un État avec en plus la garantie de
n’avoir jamais à assumer personnellement de guerre ou d’intrusion
quelconque dans ses affaires et dossiers de la part d’un quelconque
État ;
•Création des institutions financières de Bretton Woods (1944 : FMI,
banque mondiale, banques de développement régionales…) ;

•Création du GATT (1947) puis de l’OMC (1995) ;

•Traité de Maastricht (1992) puis de Lisbonne (2007) qui officialisent le


libre-échange en droit international public ; l’UE devenant la
manifestation politique du principe du libre-échange ;

•Création du système européen des banques centrales et de l’eurozone


(1999) au sein des institutions de l’Union Européenne ;

Actuelles négociations des grands marchés transpacifique – que la Thaïlande


a refusé de signer – et transatlantique, comportant la signature de multiples
traités multilatéraux.

Dans ce contexte (aussi durable que général), il est tout à fait improbable que
le Brexit opère une quelconque modification en profondeur de la stratégie,
ci-dessus décrite, qui tend vers la disparition des États indépendants et vers
la création d’une monnaie unique à usage mondial. La stratégie oligarchique
aux mains des financiers globalisés reste la même : la marche forcée vers
une monnaie mondiale, préalable à l’organisation d’un gouvernement
mondial.

Le Brexit révèle en revanche une modification de la tactique utilisée par les


tenants de la globalisation. La finance, dont les intérêts sont concentrés à la
City, mais aussi sur d’autres places de marchés (dont Wall Street) et dans de
multiples paradis fiscaux, se désintéresse apparemment et temporairement de
l’Union européenne – et surtout de l’empire américain qui est derrière – afin
de mieux rebondir dans la création d’une monnaie mondiale. Ce qui change
– et ce changement est révélé par le Brexit – est la tactique utilisée par
l’oligarchie mondialiste pour parvenir à ses fins.

Il faut remarquer que ce changement apparent de stratégie – qui n’est qu’un


changement de tactique – respecte strictement la méthodologie utilisée (dont
le succès n’a jamais été démenti) qui consiste, pour l’oligarchie mondialiste,
à suivre la voie de moindre résistance dans la poursuite de ses objectifs de
long terme : moindre résistance sociale, politique et économique des peuples
dominés. L’Union Européenne fait face à une levée de boucliers : qu’à cela
ne tienne, on va faire semblant d’abandonner, partiellement et pour un
temps, cette stratégie pour se concentrer sur la suite qui est la constitution
d’une monnaie internationale. Ce faisant, les mondialistes gagnent sur deux
tableaux à la fois : ils accélèrent la chute de l’empire américain15 tout en
progressant vers leurs objectifs mondiaux. De ce point de vue, la
désintégration de la domination américaine sur l’Europe, dont la première
pierre est le Brexit, s’avérerait, finalement, être une étape nécessaire et
indispensable.

Dans la perspective d’une vision à long terme, on ne peut que s’étonner de la


permanence des méthodes de domination employées par la petite caste des
dominants, représentée par les principaux propriétaires des banques
internationales.

En effet, si l’on veut bien se donner la peine d’observer le phénomène du


développement et de la concentration des richesses sur plus d’un siècle, on
ne peut manquer de comparer l’avènement des grandes richesses aux USA
avec le même phénomène, un siècle plus tard, en Chine. Dans les deux cas
de figure, un pacte oligarchique a permis le développement soudain de
fortunes colossales en relativement peu de temps. La fin du XIXe siècle et le
début du XXe siècle aux USA ressemblent à s’y méprendre à la fin du
XXe siècle et au début du XXIe siècle en Chine, pays devenu, entre temps et
par la grâce du libre-échange, l’usine du monde16. Souvenons-nous en effet
que les principales élites américaines, au premier titre desquelles figure la
famille Rockefeller, ont dû leur incroyable ascension financière et sociale à
la bienveillance des banques occidentales – qui ont financé leurs plans de
développement industriel – combinée au principe du libre-échange rendu
possible par le système politique fédéral en vigueur aux USA.

La comparaison avec la Chine est frappante : la Chine doit également sa


fulgurante ascension économique dans le dernier tiers du XXe siècle aux
principes combinés d’une aide financière des banques – et autres
investisseurs extérieurs – et de la généralisation au niveau international cette
fois-ci du libre-échange. Dans les deux cas de figure, nous retrouvons la
combinaison d’une facilité d’accès aux capitaux avec le libre-échange, étant
précisé que l’expérience américaine était locale tandis que l’expérience
chinoise est faite à l’échelle mondiale. Rappelons à cet égard que l’actuelle
liberté de circulation des capitaux est rendue possible par la combinaison de
la généralisation du principe de libre-échange avec l’opacité et le contrôle
financier soigneusement entretenus dans et par les paradis fiscaux17.

Les institutions européennes : un laboratoire in vivo

Si l’on se place du point de vue de la nouvelle méthode tactique employée


par l’oligarchie financière (pratiquée dans le cadre de la permanence de la
stratégie de planification mondiale), il est tentant de considérer les
institutions européennes comme ayant été un laboratoire in vivo.

D’une part, au niveau monétaire, la nouvelle méthode des droits de tirage


spéciaux (dits DTS) fait inéluctablement penser à ce que fut le serpent
monétaire européen – notons au passage la curiosité terminologique :
pourquoi serpent et non ruban ou autre chose encore… – bientôt transformé
en système monétaire européen, lequel a précédé le système européen des
banques centrales et l’avènement d’une monnaie dite commune de
l’eurozone.

Un pas plus loin, les institutions européennes furent une expérience unique
de monnaie dite commune sans gouvernement économique commun.
Comme chacun a pu constater l’échec patent d’une telle stratégie,
l’oligarchie à la manœuvre aura beau jeu, à l’avenir, de montrer du doigt cet
échec pour justifier que la même chose ne saurait être renouvelée sous peine
de n’être pas viable. Il est loisible d’estimer que cet échec sera mis en avant
par ceux-là mêmes qui l’ont organisé – à marche forcée – pour justifier une
prochaine centralisation économique locale – au niveau d’un bloc
continental – ou mondiale. Et, de fil en aiguille, la centralisation économique
justifiera la création d’une centralisation politique ; ce à quoi répondra
parfaitement un gouvernement mondial.

D’autre part, au niveau juridico-politique, la création ex nihilo d’un


gouvernement de bloc géographique dont les frontières s’effacent au niveau
de la circulation des capitaux et des personnes est une expérience inédite
dont on peut tirer des conclusions. En effet, à la différence de ce que fut la
défunte URSS, la création des institutions européennes est contextualisée par
la liberté de circulation des capitaux ; cette particularité fait que l’Union
européenne pourrait bien préfigurer la structuration d’un futur gouvernement
mondial superposé à des structures juridiques de type fédéral composées de
blocs géographiques18 dépourvus de frontières capitalistiques : des blocs
dont la seule raison d’être politique serait d’être des courroies de
transmission pour un gouvernement central, l’ensemble du système
permettant un contrôle effectif des populations.

Enfin, les institutions européennes représentent une expérience de


centralisation du pouvoir politique obtenu grâce à la centralisation du
pouvoir monétaire. Cette centralisation facilite la création de chocs
économiques et monétaires à répétition, lesquels ont, in fine, pour mission de
faire accepter aux peuples leur asservissement volontaire ainsi que
l’inéluctabilité du gouvernement mondial pour s’en sortir, lequel passe par la
création d’une monnaie commune mondiale.

Enfin, il est impossible d’analyser l’avenir de l’Union européenne tout en


ignorant l’avenir de l’OTAN alors que cette alliance est le pendant militaire
des institutions européennes (à usage civil et financier).

L’OTAN : rôle et perspective d’évolution

L’OTAN, actuellement sous commandement américain, remplit deux rôles


essentiels.

Premièrement celui d’assurer la domination américaine sur la planète en


partageant les frais financiers et humains avec les pays membres de
l’alliance19 ; en réalité il s’agit, de plus en plus, pour les USA de faire
financer leur domination militaire par les États soumis eux-mêmes.
Deuxièmement, l’installation de bases de l’OTAN sur des territoires non
américains est un moyen simple et efficace pour les USA de s’assurer de la
loyauté interne des États membres de l’alliance. Autrement dit l’installation
de bases de l’OTAN sur le territoire des États membres est un moyen
efficace pour les USA de s’assurer que les États soumis n’auront aucune
velléité d’indépendance. Dans cette perspective l’OTAN permet aux USA de
liquider le problème européen20.

Dans la mesure où l’OTAN est actuellement le bras armé des États-Unis


d’Amérique et que ce pays est financièrement et économiquement condamné
par les élites bancaires internationales, il devient intéressant de se poser la
question de l’avenir de cette alliance militaire à moyen et long terme. À cette
fin, il importe, comme toujours, de mettre les choses dans une perspective
temporelle.

D’une façon générale, tant que les élites au pouvoir auront besoin d’hommes
de confiance dévoués pour assurer leur pouvoir effectif sur les masses – elles
en ont actuellement et pour quelque temps encore besoin – les concepts
d’États, d’Empire et d’armées humaines ont et continueront d’avoir une
place centrale dans le développement du phénomène d’asservissement. Le
destin des concepts d’État, de frontière, de nation et d’armée est intimement
lié à l’avenir technologique (et cet avenir ne se présente pas de façon
favorable pour les populations… tant, du moins, que l’élite bancaire
dirigeante restera aux commandes du monde).

Qu’en est-il concrètement aujourd’hui, et surtout demain ? Actuellement, on


constate que le besoin de main-d’œuvre se raréfie pour toutes les tâches de
fabrication en conséquence des considérables avancées technologiques et
robotiques ; la même tendance se dessine en matière militaire où les drones
tendent d’ores et déjà à remplacer, pour certaines missions, les avions.

Dans une perspective à court terme – qui est notre actualité – on suppose que
la notion d’armée composée d’hommes est et restera quelques temps encore,
d’actualité. L’OTAN conserve dans ce cas toute son utilité pour le maintien
de l’ordre. Il est vraisemblable que l’OTAN continue et continuera de
permettre la mise au pas de tout État qui voudrait prendre ou affirmer son
indépendance21, non plus de la domination américaine vouée à disparaître,
mais de la domination financière, au contraire promise à un bel avenir.

Sur le long terme, s’esquisse d’ores et déjà un monde dans lequel la


domination pourra être assurée non plus par des hommes, dont la loyauté est
toujours susceptible de manquer de fiabilité, mais par des machines, des
robots guerriers ou des hommes améliorés, selon le concept actuellement en
vogue de transhumanisme. Dans un tel monde, on peut aisément
pronostiquer que les élites financières globales n’auront plus besoin d’États
ni d’armées pour assurer leur contrôle sur les masses : elles commanderont à
des armées mécaniques qui exécuteront toujours fidèlement leurs ordres.
L’alliance militaire qu’est l’OTAN disparaîtra vraisemblablement le jour où
les armées composées d’humains seront reléguées dans les brocantes de
l’histoire.

Les institutions européennes, tout comme l’OTAN, sont des organisations à


la solde temporaire d’une élite pro-américaine mais à la solde permanente –
bien que cachée – d’une élite financière internationale sans réelle attache
géographique.

Un principe intangible : celui qui tient la monnaie tient les économies et


les politiques

On ne saurait trop insister sur le fait que pour percevoir et comprendre les
mouvements géopolitiques, de nature tectonique, auxquels nous assistons au
niveau mondial, il importe d’avoir à l’esprit le principe, très simple, selon
lequel celui qui tient la monnaie tient les rênes de l’économie et, par voie de
conséquence, celles de la politique.

Pour ceux qui l’auraient oublié, cette vérité a été directement précisée par
l’un des fondateurs de l’oligarchie financière22 : « Donnez-moi le contrôle
de la monnaie d’une nation et je n’aurai pas à m’occuper de ceux qui font les
lois »23.

L’actualité nous donne tous les jours de nouvelles preuves de cet axiome
général. À cet égard (contrairement à ce que les médias laissent entendre) la
nomination de l’ancien président de la Commission européenne dans une
grande banque multinationale24 – notons au passage que ledit Barroso est
passé d’un maoïsme passionné25 à Goldman Sachs sans état d’âme – n’a
strictement rien d’anormal, n’est pas une dérive, mais se situe au contraire
dans la pure et absolue logique des choses ; une sorte de corruption
structurelle et non conjoncturelle comme les médias tentent d’en persuader
les gens. Des exemples du passage de la haute fonction publique ou de la
direction de banques centrales – officiellement, mais à tort présentées
comme des banques d’État – à la banque privée ou vice versa, prolifèrent
dans tous les pays européens. Pour ne citer que quelques exemples, nous
avons, récemment, les deux Mario (Draghi, nommé gouverneur de la BCE et
Monti, un temps propulsé à la tête du gouvernement italien), Mark Carney
actuel gouverneur de la Banque centrale d’Angleterre après avoir été celui
de la Banque centrale du Canada, ou encore en France Emmanuel Macron et
son nouveau parti politique En Marche. Il faut par ailleurs souligner que ce
phénomène ne date pas d’hier, souvenons-nous, pour un exemple français,
de l’ancien président de la République Georges Pompidou.

La voie conceptuelle d’une sortie effective de la mondialisation


oligarchique

La seule solution conceptuelle qui permettrait de sortir les peuples de l’étau


de domination dans lequel ils sont enserrés consiste à sortir des postulats
sociétaux actuels et à réinvestir structurellement les fondamentaux qui
régissent la vie en société et le concept de pouvoir.

La politique telle qu’actuellement comprise en Occident – et telle qu’elle


tend à se propager partout sur la planète – a été tout à fait dénaturée de sa
fonction originelle pour devenir intégralement incluse dans les concepts
économiques. Or, contrairement aux sous-jacents axiomes civilisationnels
actuellement en vigueur en Occident, très largement entretenus par les
économistes – toutes écoles confondues – et les financiers, la politique ne
saurait se réduire au seul fait économique.

Il faut au contraire réaffirmer avec force le principe, dicté par le bon sens, le
droit et l’équité, selon lequel l’économie est une partie du fait politique et
non l’inverse. Si l’on veut bien considérer que le fait politique est
l’organisation des rapports régissant la vie en commun, le fait économique
s’avère être l’une des composantes du fait politique, lequel ne se réduit pas à
cette seule donnée. Autrement dit, faire dépendre le fait politique du fait
économique est une très étrange inversion des valeurs. C’est en cela que les
brillantes analyses de Karl Marx nous entraînent collectivement – peut-être
d’ailleurs à son corps défendant – dans une impasse conceptuelle et
idéologique. Il faut impérativement sortir du conditionnement idéologique
qui veut que le fait politique soit intégralement soumis au fait économique.
C’est à la condition de cette prise de conscience collective que la politique
retrouvera ses lettres de noblesse et les humains leur droit de cité dans le
gouvernement des hommes.

La méthode pour parvenir à rendre au fait politique ses lettres de noblesse


passe par une analyse précise des moyens qui ont été utilisés pour
l’asservissement contemporain : la monnaie et l’organisation de l’anonymat
des détenteurs de capitaux. Une telle analyse est la condition sine qua non
qui permettra ensuite à une éventuelle volonté politique d’inverser le
processus.

Ainsi, si l’on retourne aux fondamentaux, il apparaît en effet que la monnaie


– et son pendant qu’est la dette ‒26 conjuguée au principe de l’entreprise
anonyme qu’elle a juridiquement autorisée à se mettre en place27 sont les
armes du servage d’aujourd’hui au même titre que l’épée et la lance étaient
celles du servage d’hier.

Tant que le destin des monnaies restera l’apanage des banquiers mondialisés,
et continuera en conséquence à échapper aux peuples qu’elles contraignent,
nous assisterons à la continuation de la mise sous tutelle financière,
économique, juridique et politique de ces derniers.

À moyen terme, la suite logique sera une sorte d’internationalisation du


phénomène de la crise grecque28 et de disparition des concepts même d’État
et de nation.

Sur un plus long terme, la loi d’airain de l’esclavagisme (perte d’autonomie


et de contrôle des individus sur leurs propres vies) et la disparition de la
dignité humaine continueront à prospérer jusqu’à la complète disparition de
toute résistance organisée.

17 juillet 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/brexit-vraie-ou-fausse-bonne-nouvelle

Notes
1 Cf. https://www.morningstaronline.co.uk/a-b842-Former-trader-Nigel-
Farage-backs-rich-City-mates#.V4OY849OKgk ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nigel_Farage ; marié à une ancienne trader
d’origine allemande : http://www.msn.com/fr-fr/actualite/other/ukip-lépouse-
de-nigel-farage-dresse-un-portrait-décapant-de-son-mari/ar-AA158qx
2 Voir par exemple :
https://www.facebook.com/upr.francoisasselineau/photos/a.393974702611.1
73278.367713397611/10154331862237612/?type=3&theater
3 Cf. par exemple le coup de Nathan Rothschild qui a consisté à répandre la
fausse rumeur de la victoire française lors de la défaite française à la bataille
de Waterloo : http://www.alterinfo.net/Les-Rothschild-et-les-crises-
mondiales_a32261.html
4 Cf. http://lesobservateurs.ch/2016/06/26/brexit-peter-sutherland-president-
de-goldman-sachs-resultat-etre-annule/ ;
https://twitter.com/PDSutherlandUN/status/746687362902728704
5 Cf. https://www.24bourse.fr/actualites/economie/brexit-le-fmi-revoit-a-la-
baisse-la-croissance-de-la-france-pour-2017/
6 Cf. Georges Soros : http://www.msn.com/fr-be/actualite/other/soros-le-
brexit-peut-renforcer-l%e2%80%99ue/vi-AAhOr1c
7 Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_du_trait%C3%A9_de_l%27Atlant
ique_nord ; de l’aveu même du secrétaire général de l’OTAN :
https://euobserver.com/uk-referendum/134192
8 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Five_Eyes ;
http://www.rfi.fr/ameriques/20131102-etats-unis-nsa-alliance-five-eyes/
9 Cf. http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-vie-immo-brexit-
quelles-consequences-sur-le-marche-immobilier-londonien-2406-
837843.html ; http://immobilier.lefigaro.fr/article/alerte-sur-les-fonds-
immobiliers-britanniques_6b-b01a1a-42b7-11e6-be92-6642240b8ece/?
pagination=4
10 Voir sous forme de vidéos : https://www.youtube.com/watch?v=EyzcW-
bpsp0 ; https://www.youtube.com/watch?v=aTqMfnu_AMs; sous forme de
livre : https://www.amazon.fr/Aux-origines-carcan-europ%C3%A9en-1900-
1960/dp/2370710012
11 Voir La marche irrésistible du nouvel ordre mondial : http://nouvel-
equinoxe.over-blog.com/pages/La_marche_irresistible_par_Pierre_Hillard-
424323.html
12 Voir les conférences disponibles sur les liens suivantes :
https://www.upr.fr/conferences/les-origines-cachees-de-la-construction-
europeenne-2 ; https://www.youtube.com/watch?v=Qj5utZJm1dA
13 Cf. http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/07/11/traite-
transatlantique-les-europeens-esperent-encore-avancer-malgre-le-
brexit_4967374_3234.html ; https://francais.rt.com/economie/23024-traite-
ue-canada‒juncker
14 Cf. http://static.presspublica.pl/red/rp/pdf/DokumentUE.pdf ;
https://philippehua.com/2016/06/29/la-france-et-lallemagne-ont-prepare-un-
projet-pour-lue-apres-le-brexit/
15 Voir en ce sens http://www.voltairenet.org/article192655.html : Tous les
éléments étaient posés pour faire de la City le cheval de Troie chinois dans
l’Union européenne au détriment de la suprématie états-unienne
16 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-27-geopolitique-du-libre-echange ; ainsi que
http://lesakerfrancophone.fr/heurs-et-malheurs-du-concept-de-propriete-
privee
17 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-47-geopolitique-des-paradis-fiscaux, mais aussi
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-37-
geopolitique-de-loptimisation-fiscale et encore
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-27-
geopolitique-du-libre-echange
18 Voir en ce sens Pierre Hillard :
http://www.voltairenet.org/article164176.html
19 Voir en ce sens l’amiral Debray : https://francais.rt.com/entretiens/22811-
entretien-amiral-debray
20 Voir Xavier Moreau : http://www.polemia.com/le-mur-de-bruxelles-
tentative-de-lotan-de-separer-la-russie-de-leurope/
21 Voir pour un exemple d’actualité : http://reseauinternational.net/lorsque-
poutine-se-retire-dans-le-silence/
22 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mayer_Amschel_Rothschild
23 Cité par exemple ici :
https://www.cercledesvolontaires.fr/2015/01/12/livre-la-guerre-des-
monnaies-la-chine-et-le-nouvel-ordre-mondial-de-hongbing-song/
24 Cf. http://www.challenges.fr/europe/20160708.CHA1646/jose-manuel-
barroso-se-recycle-a-goldman-sachs.html ;
http://www.leparisien.fr/international/europe-la-nomination-de-barroso-
chez-goldman-sachs-fait-polemique-09-07-2016-5955039.php
25 Cf. https://www.youtube.com/watch?v=wAHv3UnXvmM
26 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-57-entreprise-bancaire-linstrument-juridique-du-desordre-politique-
global ; http://lesaker-francophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-17-geopolitique-du-systeme-banques-centrales
27 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-67-geopolitique-entreprise-capitalistique-12
28 Cf. https://www.youtube.com/watch?v=a4ZcsRgC5ak ; écouter Myret
Zaki : https://www.youtube.com/watch?v=aovjo2zILYQ

Géopolitique du Brexit

Le Brexit, c’est-à-dire le retrait de la Grande-Bretagne des institutions


européennes, est un mouvement qui est né dans les cercles de pouvoir de la
City de Londres. Son promoteur, le très médiatique Nigel Farage, avait lui-
même, comme d’ailleurs sa seconde épouse, fait toute sa carrière à la City et
dans la haute finance. Ce mouvement a, d’autre part, été soutenu par des
membres éminents de l’oligarchie apatride ayant son quartier général à la
City.

Cet article fait suite à l’interview de l’auteur par le journal du matin de


RT le mercredi 16 janvier 2019, et la complète.
Interview version intégrale : https://youtu.be/upzTvY-hlLE
Interview version condensée : https://youtu.be/c-aKNZN21F8

Afin de comprendre les véritables enjeux géopolitiques, en termes de


pouvoir, de la question du Brexit, il faut s’échapper de la technicité mise, à
de très rares exceptions près, en avant par tous les médias, « mainstream » et
« alternatifs », et considérer les choses sous leur angle non pas politicien
mais réellement politique, c’est-à-dire sous celui de la réalité des forces en
présence.

Le Brexit, c’est-à-dire le retrait de la Grande-Bretagne des institutions


européennes, est un mouvement qui est né dans les cercles de pouvoir de la
City de Londres. Son promoteur, le très médiatique Nigel Farage1, avait lui-
même, comme d’ailleurs sa seconde épouse, fait toute sa carrière à la City et
dans la haute finance. Ce mouvement a, d’autre part, été soutenu par des
membres éminents de l’oligarchie apatride ayant son quartier général à la
City2.

Dans ce contexte, et quoiqu’il advienne, c’est-à-dire avec ou sans accords


communs négociés en partenariat avec les instances européennes, la Grande-
Bretagne sortira de l’Union Européenne. Car telle est la volonté des
puissances d’argent qui œuvrent, depuis la City of London, pour la
réalisation du gouvernement mondial ; gouvernement mondial qui passe, en
premier lieu, par la réalisation d’une monnaie mondiale, sous forme de
panier de monnaies, dont les acteurs siégeant à la City seront les dirigeants
de droit.

I) Le contexte britannique

Avant tout développement, il faut commencer par rappeler que l’Angleterre


n’était ni dans l’euro, ni partie prenante dans les accords de Schengen. Ce
pays n’a donc, en conséquence, pas eu autant à souffrir des institutions
européennes que la plupart des autres pays – dont en particulier la France –
beaucoup plus concernés par les contraintes européennes.

Ensuite, il faut constater que les médias et les hommes politiques, tous bords
confondus, laissent entendre que les intérêts britanniques, banques,
entreprises et populations, sont inexorablement mêlés et homogènes au
regard du retrait britannique des instances européennes. Rien n’est plus faux,
cette présentation s’apparente à une manœuvre d’ordre psychologique afin
de faire disparaître toute velléité d’analyse sérieuse de cette question dite du
« Brexit ». En réalité, il faut, afin d’établir les responsabilités des uns et des
autres, distinguer clairement les causes des effets ainsi que les centres
d’intérêt de chaque groupe en présence de ce qui s’apparente à un vaste « jeu
de dupes ».

Il y a, d’une part, le premier cercle de pouvoir, celui des institutions et des


personnes qui résident à la City, auquel peuvent être adjointes certaines (la
plupart des ?) multinationales, quelle que soit par ailleurs leur bannière,
c’est-à-dire le pays dont elles sont fictivement ressortissantes. Il va de soi
que ce groupe des multinationales apatrides ne comprend pas les
multinationales dont la détention majoritaire appartient à un État. Ce groupe,
historiquement installé à la City, est en réalité apatride ; il n’a que faire des
instances européennes, à part pour les contrôler. Les entités, identifiées ou
anonymes, appartenant à ce groupe sont les réels initiateurs du Brexit ; non
seulement elles n’en souffriront pas3 mais seraient au contraire pénalisées de
rester dans le carcan monétaire européen. La City sera en réalité la « grande
gagnante » du Brexit4.

Il y a, en second lieu, les entreprises, petites et moyennes, qui tissent ce que


l’on a coutume de nommer l’économique d’un pays, britannique, en
l’occurrence. Ces entreprises n’ont à l’évidence pas les mêmes intérêts que
leurs congénères apatrides et sont beaucoup plus liées à leur marché national
ainsi qu’au marché européen ; marché européen qui risque, en effet, de
devenir légèrement plus difficile d’accès pour eux. Toutefois, il faut garder à
l’esprit que ces entreprises n’ont pas le monopole du commerce avec l’UE et
que leurs débouchés naturels se trouvent également dans les anciennes
dépendances britanniques, les pays du Commonwealth. En réalité, il n’y a
guère que les sociétés de services qui risquent de souffrir effectivement du
Brexit, ce qui réduit quand même assez drastiquement le champ des
« victimes » de la sortie de l’Angleterre des instances européennes.

Il y a, en troisième lieu, le peuple anglais dans son ensemble. Sans être


parfaitement homogène, on peut néanmoins considérer que le peuple anglais
a des attentes relativement cohérentes. Il veut, comme tous les peuples, un
niveau de vie convenable, un prix des logements et de la vie en général
modérés et, surtout en corrélation avec le niveau des revenus. Il est attentif
au niveau du chômage, à celui de l’endettement ainsi qu’à celui des taux
d’imposition. Le peuple est globalement démuni par rapport à la satisfaction
de ses besoins primordiaux. Rien de ce qui lui importe ne dépend de lui, tout
dépend du gouvernement et/ou des instances supranationales auxquelles son
gouvernement adhère. L’Angleterre étant restée hors du champ de l’euro, le
Brexit n’impactera que de façon subsidiaire, par effet secondaire, la valeur
de la livre. S’agissant du taux de chômage, le Brexit ne devrait pas non plus
avoir d’effet à long terme dans la mesure où l’Angleterre bénéficie d’ores et
déjà d’un certain nombre de traités commerciaux bilatéraux avec d’autres
pays du monde. Son secteur bancaire, réduit en Europe, se développera avec
d’autres pays, en particulier en Asie… Le « taux de chômage » est une
« donnée »5 qui est et restera gérée par le ministère en partenariat avec la
banque centrale anglaise, laquelle est connectée, via la BRI6, avec la très
grande majorité des banques centrales du monde. Ici encore, le Brexit ne
devrait pas avoir d’impact essentiel et vital.

Les plus malmenés par la sortie des instances européennes paraissent


finalement être les étudiants qui se verront probablement, en cas d’absence
d’accords de sortie avec l’UE, privés du programme Erasmus7. Notons au
passage que ce ne seront pas les seuls étudiants britanniques qui « subiront »
cet effet négatif. En effet, les étudiants des 27 autres pays de l’Union
Européenne8, se verront également interdire, ou rendre plus difficile, l’accès
aux universités britanniques.

Apparaît ici un effet pervers, car à défaut d’accord avec les instances
européennes, les globalistes de la City seront, au moins temporairement,
privés d’un « soft power » très important et efficace : celui consistant à
former et déformer les jeunes esprits afin de leur faire endosser leurs propres
intérêts catégoriels. Il en va notamment, bien que pas uniquement, ainsi de la
fameuse London School of Economics9, mais aussi des universités, comme
Cambridge et Oxford, qui enseignent le droit à la mode anglo-saxonne. Le
Brexit fera donc – au passage – du point du vue du « soft power », des
dommages collatéraux imprévus pour les globalistes de la City.

Deux précisions importantes doivent néanmoins être apportées. En réalité,


au vu de l’importance du « soft power » anglais pour la réalisation du nouvel
ordre mondial, unifié dans un futur gouvernement mondial, il est
extrêmement douteux que cette « arme contre les peuples » soit abandonnée
par les élites oligarchiques au pouvoir. En réalité, le droit anglais tout
comme les principes économiques et sociaux issus de la London School of
Economics dispose maintenant, dans la totalité des pays de l’Union
Européenne, de relais de dispersion au sein même des universités et des
systèmes éducatifs nationaux – qu’il faudra bientôt, c’est-à-dire lorsque le
gouvernement mondial sera formalisé, désigner du terme de « locaux ». Il ne
faut donc pas surévaluer la problématique éducative en tant que « sujet » à
part entière du Brexit.

II) Le contexte européen


Les institutions européennes, construites sur une longue durée et maintenant
sur le point de devenir fédéralistes – faisant au passage disparaître toute
entité politique nationale –, sont d’une importance stratégique pour le futur
gouvernement mondial. Ce gouvernement mondial ne pourra opérer qu’avec
des relais locaux de pouvoir, sur le modèle des actuelles préfectures
françaises pour l’État français. Les institutions européennes joueront,
précisément, ce rôle primordial de relai de pouvoir pour le gouvernement
mondial ; il est donc de première importance, pour les élites oligarchiques
apatrides, que ces institutions ne se dissolvent pas. Or, de ce point de vue, le
Brexit pourrait être considéré par certains Etats européens, en particulier par
la France des « gilets jaunes », comme un « modèle à suivre ». Le grand
risque pour les véritables dirigeants qui siègent à la City est que la France
sorte à son tour des institutions européennes, faisant au passage éclater cette
construction artificielle. Il est impératif, pour les objectifs globalistes,
d’éviter toute évasion du carcan européen. Ce dernier, quoique sous
domination américaine, a été et reste l’une des plus belles réalisations du
futur gouvernement mondial. Il ne faut plus en réalité que parfaire
l’intégration fédéraliste et la disparition corrélative des entités étatiques pour
que les instances européennes fonctionnent comme le premier pilier de relai
géographique du futur gouvernement mondial.

C’est précisément la raison pour laquelle le Brexit est présenté, par tous les
médias (dominants et alternatifs), comme une véritable catastrophe
économique et sociale de nature planétaire. La conservation et la
pérennisation de cette narration officielle sont de la plus haute importance
pour les instances dirigeantes à l’origine même du Brexit.

La seconde manipulation médiatico-politique autour du Brexit consiste à


mettre, artificiellement, au centre des débats le questionnement, réellement
accessoire, selon lequel les Anglais sortiront de l’Union Européenne avec ou
sans accord (le « no-deal » en langage globaliste). Ainsi, au lieu de débattre
du fait de savoir si le Brexit doit ou non avoir lieu, les débats deviennent
« l’Angleterre sortira-t-elle des instances européennes avec ou sans accord
mutuel ». La manipulation est grossière mais néanmoins efficace !

Notons que le gouvernement « par l’erreur, pour l’erreur, et par la terreur »


est la méthode privilégiée, de tout temps, par les banquiers-commerçants
dans leur volonté de domination mondiale.
III) Le contexte français

Du point de vue des oligarques mondiaux apatrides siégeant à la City, le


Brexit ne doit surtout pas générer la sortie de la France des institutions
européennes ; la France devra donc disparaître, de façon à lui interdire
définitivement toute velléité d’indépendance. Il s’agit ici du dernier acte de
la pièce de théâtre, sous forme de jeu de rôle, qui a débuté avec la signature
du Traité de Rome et de la CECA.

C’est dans le contexte de la nécessité globaliste du resserrement de


l’intégration européenne fédéraliste et, plus précisément, pour empêcher la
France de sortir de la construction européenne, que s’inscrit le futur traité dit
« d’Aix-la-Chapelle » que s’apprêtent à signer, dans la salle du
couronnement10, le 22 janvier prochain, Emmanuel Macron et Angela
Merkel. Notons que ces deux dirigeants se permettent de signer un traité
d’importance constitutionnelle, sans en référer à leurs peuples respectifs et
alors même qu’ils sont, tous les deux, en sérieuse perte de légitimité
politique. La vérité est que ces prétendus dirigeants ne dirigent rien : ils sont
de simples courroies de transmission des véritables dirigeants anonymes, les
banquiers-commerçants qui siègent à la City de Londres. Ainsi, ce traité ne
sera ni français ni allemand ; il sera la manifestation juridique de la
domination politique, dans ces deux ex-pays, des banquiers-commerçants.

Les signataires dudit traité étant dépourvus de toute légitimité politique,


ce Traité n’a, de facto, aucune existence réelle, aussi bien en droit
national qu’en droit international.

Techniquement, ce traité scélérat institue de nombreuses modifications


institutionnelles, qui vont toutes dans le sens de la disparition politique de la
France :

1) la transformation des régions de l’Est de la France en « euro régions »


franco-germanique, avec bilinguisme obligatoire ;

2) la création d’un gouvernement bipartite franco-allemand ;

3) l’abandon par la France de son siège permanent au Conseil de Sécurité de


l’ONU, lequel sera de facto sous contrôle allemand ;
4) la mise à disposition des forces de l’ordre allemandes pour régler des
conflits intérieurs français ;

5) l’unification législative du « droit des affaires » entre la France et


l’Allemagne, avec la précision que ce fameux « droit des affaires » n’est
pas fait sur le modèle du droit continental, traditionnel à ces deux pays, mais
sur le modèle anglais, lequel sert beaucoup mieux les intérêts dominants
de la City.

Chacun doit en outre se souvenir qu’Aix-la-Chapelle était le centre du


pouvoir de l’empire carolingien de Charlemagne11. Cet empire du Moyen-
Âge servira de tremplin symbolique vers l’empire ultime, celui de la
domination politique mondiale de la caste des banquiers-commerçants.

IV) Le contexte américain

Les personnalités américaines qui ont fait leur fortune – en pactisant au


départ (à la fin du XIXe et au début XXe siècle) avec les banques de la City
– sur le développement de l’empire américain sont elles-mêmes divisées.

D’un côté, il y a les plus riches et les plus connus d’entre eux, telle la famille
Rockefeller, qui ont pris définitivement parti pour les banques de la City,
contre l’intérêt bien compris de leur propre pays. Ces gens-là se rangent du
côté du Brexit, de l’abandon du dollar comme monnaie mondiale, de
l’abandon de l’empire américain, et de l’avènement du futur gouvernement
mondial.

D’un autre côté, il y a les patriotes américains, qui ont sincèrement cru à la
« destinée manifeste » des États-Unis, et qui sont, et restent, collectivement
attachés à l’intérêt bien compris de l’Empire américain.

L’essentiel des avantages compétitifs des États-Unis provient de sa prébende


en tant que titulaire et émetteur de la monnaie mondiale. Il est donc de la
première importance, pour la préservation de l’empire américain, que le
dollar reste la monnaie de référence mondiale. Cette partie de l’élite
américaine est une fervente combattante du Brexit ; elle combat également
l’évolution des institutions européennes qui fera perdre aux États-Unis leur
prééminence dans la gestion de cette entité politique artificielle. Les armes
anglaises de cette « oligarchie patriote américaine » sont la partie des élites
politiques britanniques en place qui restent sous leur joug, essentiellement
pour des raisons de corruption ; ils peuvent également utiliser à leur
avantage, pour mettre en avant les avantages du Brexit vis-à-vis des autres
pays européens, une certaine élite britannique qui se dit indépendante (jouant
en réalité le rôle d’idiots utiles de la City) qui croit pouvoir tirer son épingle
du jeu en sortant de l’UE tout en restant sous le joug d’airain de la City.

Cette « oligarchie américaine patriote » est sans aucun doute possible « prête
à tout » pour faire exploser les institutions européennes – pourtant leur
propre créature – plutôt que d’en laisser les avantages institutionnels aux
dirigeants de la City. Cette élite américaine patriote, celle qui reste attachée
aux effets de l’empire américain, dispose encore – pour des raisons de
corruption physique, financière ou morale – de très sérieux relais d’influence
politique et militaire en Europe ; elle fera tout pour s’opposer à ce que
l’Europe se fédéralise davantage au profit de leurs ennemis de la City.

Ces deux clans oligarchiques américains se livrent actuellement, sur le dos


des institutions européennes et du Brexit, une guerre à mort, laquelle a de
multiples répercussions dans le monde entier. Cette guerre sournoise entre
deux clans américains, explique, en partie, les mesures et contre-mesures
annoncées et non tenues ou non annoncées et tenues par le gouvernement
américain. Ainsi en est-il de l’annulation du traité avec l’Iran, du retrait des
troupes américaines de Syrie…

Remarquons au passage qu’en hâtant l’effondrement de l’empire américain,


le président Trump agit comme un allié objectif des intérêts globalistes de la
City dont le seul objectif est l’avènement d’un gouvernement mondial12.
Car précisément, le gouvernement mondial ne pourra voir le jour que sous
les décombres des États, aussi impériaux soient-ils.

D’un point de vue géopolitique, tant stratégique que tactique, le clan


américain qui fait corps avec la volonté de la City est objectivement plus à
même de l’emporter que le camp des « patriotes ». Essentiellement pour la
raison que, conformément à leur habitude multiséculaire, les banquiers
agissent de façon sournoise en laissant croire aux ennemis de leur ennemi
conjoncturel (l’actuel empire américain) qu’ils sont dans le même camp du
« bien », contre toute volonté impérialiste propre. La plupart des pays du
monde sont aujourd’hui ralliés à la cause, présentée comme « non
impérialiste », de la disparition du dollar en tant que monnaie mondiale et de
la disparition de la prééminence militaire et civilisationnelle des États-Unis.

Cette présentation des choses est fallacieuse et fausse, car la véritable


volonté impérialiste émane historiquement, depuis l’époque des grandes
découvertes, de la seule City. La seule réelle volonté impérialiste, celle qui a
créé les pires impérialismes modernes, est celle des entités qui dirigent la
City of London. Si l’empire américain est actuellement dans leur ligne de
mire, cet ennemi n’est qu’un ennemi conjoncturel, désigné par les
circonstances : leurs véritables ennemis sont toutes les entités politiques
autonomes (c’est-à-dire les Êtas indépendants, quelle que soit leur taille), qui
devront toutes, les unes après les autres, disparaître pour laisser la place au
gouvernement mondial qu’ils ambitionnent d’instaurer.

V) Le contexte international : la lutte de la City contre l’empire


américain et pour le pouvoir mondial

En réalité, ce qui se joue actuellement dans les coulisses du Brexit est une
lutte à mort des banques de la City contre ce qui reste de l’empire américain.
Car, les institutions européennes et leur succédané qu’est l’OTAN13 ne sont,
par construction et depuis le début, qu’un dominion de l’empire américain,
une colonie non avouée mais très dévouée à la cause de son maître.

Ainsi, outre sa valeur symbolique, s’extraire des instances européennes


signifie, pour l’Angleterre, en particulier pour la City, sortir de la domination
monétaire américaine afin de retrouver sa plénitude de compétence
monétaire et financière.

C’est d’ailleurs dans ce cadre précis que s’inscrivit, en son temps, la


déchéance de Dominique Strauss Kahn, ancien dirigeant du FMI. Ce dernier
tentait d’imposer les Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI14 comme
monnaie mondiale en remplacement du dollar. Pour cela, il avait manœuvré
pour faire entrer, via l’or, les avoirs et les relations de l’ancien dirigeant
libyen Mouammar Kadhafi15, autrement dit une partie du continent africain,
dans des liens monétaires semblables à ceux de l’euro – le fameux « dinar-or
africain » ; la nouvelle monnaie en préparation ayant vocation à intégrer le
panier de monnaies que sont les DTS du FMI16. Or, les dirigeants
« patriotes » américains avaient compris que cette stratégie était directement
opposée à la pérennité de la devise américaine en tant que monnaie
mondiale. Ils se sont donc opposés à cette stratégie en éliminant
politiquement la personnalité du FMI (DSK) qui l’incarnait.

VI) Conclusion : l’épée de Damoclès de la City ; les États indépendants


en danger de mort

D’un point de vue géopolitique, les dirigeants de tous les pays du monde,
autant ceux de la Russie que ceux de la Chine, doivent être mis en garde : le
gouvernement mondial en cours d’élaboration et tel qu’initié par les
banquiers n’a réellement que faire des États, lesquels sont en réalité ses pires
ennemis. L’Empire américain n’est, pour eux, qu’un ennemi conjoncturel, en
aucun cas leur véritable ennemi, qui, répétons-le est « tous les États
indépendants du monde ». Le gouvernement mondial sous domination des
banquiers de la City ne pourra se construire que sur les décombres des
entités politiques autonomes : États, États-nations ou empires.

Les États qui continueront à être dupes des banquiers sont d’ores et déjà
leurs futures victimes désignées. Les victimes impériales des banquiers de la
City sont déjà innombrables ‒ Empire napoléonien, empire d’Europe
centrale, empire britannique –, il reste à y ajouter l’empire américain, dont le
déclin est maintenant inéluctable, et tous ses potentiels candidats
successeurs, en particulier les actuelles Russie et surtout Chine.

Autrement dit, tant que les banquiers siégeant à la City de Londres


continueront à organiser les règles du jeu mondial, ils resteront les seuls
bénéficiaires des mouvements géopolitiques de tectonique des plaques
politiques.

16 janvier 2019

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/geopolitique-du-brexit

Notes
1 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Nigel_Farage
2 Voir par exemple : https://www.cnews.fr/monde/2018-08-13/un-
milliardaire-britannique-pro-brexit-sexpatrie-monaco-et-cree-lindignation-
791139 ; https://pureactu.com/ces-milliardaires-pro-brexit-qui-tournent-le-
dos-au-royaume-uni/
3 Cf. https://pureactu.com/ces-milliardaires-pro-brexit-qui-tournent-le-dos-
au-royaume-uni/
4 Cf. https://www.lesechos.fr/19/09/2018/lesechos.fr/0302266153301_marc-
roche-----le-brexit-va-permettre-au-royaume-uni-de-decupler-ses-atouts--
htm
5 Voir à ce propos le NAIRU : cf.
https://www.lesechos.fr/19/09/2018/lesechos.fr/0302266153301_marcroche-
----le-brexit-va-permettre-au-royaume-uni-de-decupler-ses-atouts--htm
6 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_des_règlements_internationaux
7 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Erasmus
8 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_européenne
9 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/London_School_of_Economics
10 Cf. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/08/signature-
nouveau-traite-franco-allemand-aix-la-chapelle ; https://www.les-
crises.fr/urgent-texte-integral-et-analyse-du-traite-franco-allemand-daix-la-
chapelle-qui-sera-signe-le-22-janvier/
11 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Aix-la-Chapelle
12 Sur cette question : lire, notamment, le dernier article de l’américain
Brandon Smith : http://lesakerfrancophone.fr/trump-joue-de-la-flute-
enchantee-pour-lagenda-du-nouvel-ordre-mondial
13 Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_du_traité_de_l%27Atlantique_nor
d
14 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Droits_de_tirage_spéciaux
15 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouammar_Kadhafi
16 Cf. http://www.ebengostone.com/sacrifice-de-dsk-et-kadhafi/
LA QUESTION MONÉTAIRE

Géopolitique du système
des banques centrales

L’existence d’une banque centralisée aux mains d’acteurs financiers privés,


qui régit la monnaie dite d’État et qui réglemente plus ou moins directement
le secteur des banques privées est le cœur nucléaire de la question monétaire.
Les banques centrales sont le centre névralgique de l’organisation du
système financier actuel.

GENÈSE DE L’ORDRE BANCAIRE OLIGARCHIQUE : DU


SYSTÈME DES BANQUES CENTRALES AUX INSTITUTIONS
FINANCIÈRES INTERNATIONALES

Mayer Amschel Bauer, fondateur de la dynastie Rothschild : « Donnez-


moi le contrôle de la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à m’occuper
de ceux qui font les lois. »

La notion de banque centrale suppose une centralisation des questions


monétaires entre les mains de banquiers centraux contrôlés par des
banquiers privés. Le règlement des questions monétaires est donc, par
construction, dévoué à la satisfaction des intérêts bien compris des
propriétaires majoritaires des principales banques privées1.

L’existence d’une banque centralisée aux mains d’acteurs financiers privés,


qui régit la monnaie dite d’État et qui réglemente plus ou moins directement
le secteur des banques privées, est le cœur nucléaire de la question
monétaire. Les banques centrales2 sont le centre névralgique de
l’organisation du système financier actuel.
Ce concept dit de banque centrale s’est volontiers paré des vertus de
l’orthodoxie financière pour s’imposer de façon définitive aux yeux du
public. Ainsi s’est répandue l’idée générale selon laquelle le concept de
banque centrale indépendante est justifié par la nécessité de lutter contre un
excès d’utilisation, par les hommes politiques, de ce qu’il est convenu
d’appeler la planche à billets. Deux constats factuels s’opposent de façon
rédhibitoire à l’adoption d’une telle justification.

Le premier constat est que le concept même de banque centrale véhicule une
illusion d’indépendance développée et entretenue par des acteurs bancaires.
Les banques centrales ont en effet toujours été indépendantes des élus
politiques, mais elles n’ont jamais été indépendantes des banquiers qui les
contrôlent. Dit autrement, le système actuel des banques centrales est, par
construction, indépendant de tout contrôle populaire de type politique, mais
au contraire sous la totale dépendance du contrôle capitalistique initial. D’un
point de vue conceptuel logique, la recherche d’une orthodoxie financière de
l’État peut passer par bien d’autres moyens que celui de remettre les clefs du
coffre à un groupe homogène de personnes.

La recherche de l’orthodoxie budgétaire serait, par exemple, bien mieux


menée par l’organisation de contre-pouvoirs assortie d’une indépendance
statutaire réelle des contrôleurs. Les gardiens du coffre public, qui manient
l’argent du public, devraient ainsi rendre régulièrement des comptes de
l’impact de leur politique sur la masse des individus constituant l’État. Cet
organisme de contrôle pourrait être composé de représentants de la société
civile, hors banquiers. Cet organisme aurait les pouvoirs juridiques et
politiques pour sanctionner les gardiens du coffre lorsque les effets des
politiques monétaires suivies seraient durablement et/ou diamétralement
contraires aux intérêts économiques des individus auxquels elles s’imposent
et à la fluidité du commerce bien compris – c’est-à-dire dans le sens où le
commerce profite à tous les acteurs, et non aux seuls propriétaires des plus
grands cartels.

Le second constat sur lequel il convient de s’attarder est que les hommes
politiques, élus du peuple, qu’ils appartiennent au pouvoir exécutif ou au
pouvoir législatif, sont, dans leur très grande majorité, ignorants des
questions monétaires. Ils n’étaient pas meilleurs connaisseurs de ces
questions hier qu’ils ne le sont aujourd’hui. Les décisions monétaires, y
compris celle consistant à recourir à la planche à billets leur étaient soufflées
par des hommes de l’art issus du milieu bancaire. Il faut d’ailleurs convenir
que, d’un point de vue strictement conceptuel, la différence entre l’ancienne
planche à billets, et l’actuel quantitative easing (QE) est assez ténue. Il est à
la vérité très tentant de considérer que le quantitative easing (QE)
actuellement en cours est une version sophistiquée, améliorée, de l’ancienne
planche à billets ; ces deux techniques permettant in fine d’orienter la masse
monétaire en circulation dans un sens ou dans un autre. Ces mouvements de
masse monétaire sont aujourd’hui opérés de façon coordonnée dans la plus
grande indépendance des intérêts du public bien compris ; ils répondent à
l’intérêt financier supérieur, pris à un moment donné, de la petite population
des grands banquiers – non pas apatrides, car ils ne sont pas dépourvus de
patrie, mais transnationaux, car tous les États, via les banques, sont leur
patrie.

En réalité, la justification selon laquelle l’indépendance des banques


centrales est liée à la nécessité du contrôle d’hommes politiques trop enclins
à faire marcher la planche à billets est le prétexte cachant une prise du
pouvoir politique par les acteurs économiques dominants – les propriétaires
des plus grandes banques. Avec l’avènement des banques centrales, l’État en
tant qu’entité politique perd le contrôle de sa monnaie, qui est l’une de ses
prérogatives régaliennes, au profit des intérêts particuliers du groupe
économique dominant. Cette amputation porte atteinte à l’intégrité de la
nature politique de la notion d’État. Rappelons à cet égard la prophétie
autoréalisatrice de Mayer Amschel Bauer, fondateur de la dynastie
Rothschild, qui dès le XVIIIe siècle affirmait : « Donnez-moi le contrôle de
la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à m’occuper de ceux qui font les
lois ».

Cet article propose de revenir sur la genèse de l’ordre oligarchique bancaire


actuellement en vigueur en précisant les différentes étapes de l’avènement
du système des banques centrales.

I) La création de banques centrales unitaires

La très puissante Banque d’Amsterdam, créée en 1609, est la première


institution financière des temps modernes, car elle a inauguré le concept de
monnaie de banque comme instrument de paiement. La banque
d’Amsterdam n’émettait pas, à strictement parler, de billets, mais ses
récépissés circulaient dans le commerce comme une monnaie fictive. Par le
contrôle qu’elle avait de la monnaie papier-fiduciaire, la banque
d’Amsterdam fut l’instigatrice de ce qui deviendra la banque centrale.

Toutefois, la véritable naissance de ce qui deviendra le système des banques


centrales remonte, dans une forme archaïque, unicellulaire, à la création de
la Banque d’Angleterre (27 juillet 1694) suivie, un siècle plus tard, de celle
de la Banque de France par Napoléon (18 janvier 1800).

Suite à ces créations, de type expérimental, les grands argentiers européens –


principaux détenteurs de capitaux – ont, dès la fin du XIXe siècle et au début
du XXe, entrepris de développer à une échelle bien supérieure le système dit
de banque centrale en créant la Federal Reserve américaine.

II) La création d’un système de banque centrale : le système Fed

Une fois acquis – sur le territoire européen – le concept de banque centrale


aux mains d’acteurs bancaires privés, la longue marche pour la prise du
pouvoir monétaire et financier a conduit en 1913 à l’apparition du système
Fed sur le territoire américain3. Ce système, de type fédéral, est composé de
douze banques centrales régionales qui sont dirigées par la plus importante
d’entre elles, la banque centrale de New York4.

Il s’agit d’une organisation bancaire privée, de type hiérarchique et


pyramidal, qui contrôle et gère en toute liberté les flux monétaires et
financiers à l’intérieur du système politique étatique, mais en toute
indépendance vis-à-vis de ce dernier. Notons que les initiateurs de la Fed
auront dû pratiquer, après sa création technique en 1910, trois longues
années d’intense lobbying politique pour imposer la Fed – titan financier –
au pouvoir politique américain, lequel fit, à cette occasion, la démonstration
de sa faiblesse.

Prétendument nationale, la Federal Reserve américaine n’a de national que


le nom, elle a en réalité été créée par quelques banquiers privés européens,
soutenus par quelques nouveaux capitalistes américains à l’ambition bien
affirmée5. Quant à son fédéralisme, il existe mais de façon autonome par
rapport au fédéralisme politique auquel il se superpose. La création politique
de la Fed en 1913 a inauguré aux USA l’avènement d’une ère nouvelle dans
laquelle l’État fédéral a perdu sa justification politique pour désormais se
vouer essentiellement à la défense des intérêts du groupe économique
dominant.

Après la Federal Reserve et toujours au XXe siècle, la création de la Banque


des règlements internationaux en 1930 correspond à une nouvelle avancée
substantielle de ce qui deviendra l’ordre mondial bancaire oligarchique.

III) La création de la BRI

L’année 1930 a vu, à l’occasion du plan Young, la création du joyau de la


couronne du système bancaire international : la Banque des règlements
internationaux (BRI en français, BIS en anglais).

Son siège est situé à Bâle, en Suisse. Cette institution particulière bénéficie
de tous les privilèges d’immunité possibles et détient la capacité
diplomatique, ce qui en fait un État dans l’État. Aujourd’hui, la BRI/BIS agit
comme la banque centrale des banques centrales, elle fédère les différents
banquiers centraux – occidentaux et des pays affiliés – au moyen de réunions
régulières ; elle organise et supervise les politiques monétaires qui seront
mises en œuvre par les différentes banques centrales.

La BRI est la pierre angulaire de la domination bancaire

Cette institution financière, très peu connue du public, est au cœur du


miracle économique nazi de l’entre-deux-guerres puisqu’elle a permis une
bonne partie du financement de la reconstruction ainsi que de la
remilitarisation allemande (alors sous domination nazie). Historiquement, les
banquiers anglo-saxons ont été invités aux festivités par le grand argentier
allemand Hjalmar Schacht6 à l’occasion du plan Dawes, bientôt remplacé
par le plan Young qui a institué la BRI.

Très concrètement, ce sont, notamment, les prêts octroyés par la BRI qui ont
permis à Hitler (qui en a remboursé les intérêts jusque fin 1944) de mettre en
œuvre ses préparatifs de guerre tout en faisant peser l’effort de financement
– qui assurait dans le même temps l’enrichissement des créanciers – dans un
premier temps sur le citoyen allemand et dans un second temps sur les
habitants des pays conquis.

La BRI a eu pour objectif premier, comme cela a été parfaitement décrit par
l’historienne Annie Lacroix-Riz, de liquider les réparations de guerre dues à
la France par l’Allemagne au moyen d’un tour de passe-passe. La
ploutocratie française, à la manœuvre lors de la négociation du traité de
Versailles, a accepté, dès le début des années 1920, de se plier aux vues
anglo-saxonnes et de renoncer à ses réparations de guerre au profit des
intérêts qu’elle tirerait avec d’autres acteurs financiers oligarques – en
particulier anglo-saxons ‒ des prêts que la BRI accorderait à l’Allemagne. Il
faut comprendre que les citoyens allemands ont été les premiers grands
perdants – tant sur les plans politique qu’économique – de ces petits
arrangements entre les élites oligarchiques aux commandes des différents
pays.

Aujourd’hui, loin d’avoir disparu – et bien que sa disparition eût été un


temps réclamée – la BRI remplit le rôle de banque centrale des banques
centrales. Elle réalise une coordination informelle mais réelle des politiques
monétaires des pays occidentaux – et affiliés – actuellement sous domination
oligarchique. Cette coordination donne un poids considérable au système
bancaire occidental, lui permettant dès lors de peser de façon géopolitique
sur tous les États du monde, y compris et surtout sur ceux qui ne sont pas
affiliés à l’ordre oligarchique occidental.

En résumé, la BRI est la pierre angulaire du dispositif actuel de domination


monétaire à l’anglo-saxonne : à savoir l’enrichissement des oligarchies par
les intérêts financiers et non plus directement, comme ce fut le cas
auparavant sur le continent européen, par la mise sous tutelle directe des
biens et matières premières.

La BRI, État dans l’État, œuvre au rabaissement du concept d’État

La BRI/BIS bénéficie de tous les privilèges d’immunité possibles et détient


la capacité diplomatique.

D’un point de vue juridique, donner à une institution bancaire tous les
privilèges et immunités possibles signifie que cette institution est
structurellement élevée au même rang qu’un État.

La fonction essentielle d’un État est d’être un organisme politique qui


s’occupe de réguler la vie en société sur un territoire donné. Un organisme
bancaire dont le rôle, purement économique, se limite à imposer les intérêts
particuliers de ses principaux propriétaires ne répond à aucun intérêt public
entendu au sens politique et organisationnel du terme, il ne répond qu’à
l’intérêt de groupe – collectivement homogène – de ses principaux
propriétaires. La mise sur un pied d’égalité, au moyen d’un statut
international, d’un État et d’un organisme financier réalise en conséquence
l’abaissement structurel du rôle de l’État, dont la dimension politique est
purement et simplement niée.

Avec la BRI, c’est la première fois dans l’histoire du monde qu’une


institution financière internationale acquiert un statut politique similaire à
celui d’un État. Cette expérience, réussie, a eu une suite : l’avènement du
système monétaire européen (SME). Ce dernier s’inscrit dans le cadre de la
construction monétaire européenne passant, en premier lieu, par la création
du système européen de banques centrales (SEBC).

IV) La centralisation européenne des banques centrales : le SEBC et le


SME

L’expérience américaine de la Fed s’étant avérée un grand succès – et selon


le principe de bonne politique qui impose de pérenniser une méthode qui a
fait ses preuves –, les grands argentiers occidentaux ont décidé de dupliquer
ce modèle pour l’imposer au niveau européen.

C’est ainsi que le système dit des banques centrales a eu de récents


rebondissements dans l’ordre juridique international par le biais de l’Union
européenne, avec la création du fameux système européen de banques
centrales, chapeauté par la BCE (Banque centrale européenne), suivi et
complété par le mécanisme européen de stabilité.

La création politique d’une Europe unifiée – grâce au pays dominant7 que


sont les USA ‒ par le mariage de la carpe et du lapin, a vu apparaître, à côté
d’institutions politiques dévouées aux intérêts privés des multinationales8,
l’avènement d’un système de banques centrales indépendant du pouvoir
politique calqué sur le modèle de la Réserve fédérale américaine.

Toutefois le change avait été donné aux populations en conservant une


pseudo organisation démocratique9. Cette organisation démocratique
purement formelle, de type parlementaire, était néanmoins susceptible de
gêner ou de retarder la mise en place des intérêts du groupe économique
dominant. C’est pourquoi, à titre de garantie, ce groupe a estimé préférable
de maintenir un contrôle direct sur le fonctionnement de l’organigramme
juridique en organisant le système des banques centrales sur le modèle de la
Réserve fédérale américaine.

Ce SEBC, voulu structurellement indépendant des gouvernements politiques


des États10, obéit néanmoins au contrôle capitalistique bancaire.
Officieusement, le SEBC est dominé par la Buba, banque centrale
allemande, elle-même représentant, dans une large mesure, les mêmes
intérêts que ceux de la Fed. Dans le système SEBC, la Buba sert
d’intermédiaire aux volontés oligarchiques en matière financière au même
titre que le gouvernement allemand sert, en Union européenne, de courroie
de transmission pour les directives oligarchiques lorsque celles-ci nécessitent
la mise en œuvre d’un processus législatif.

Le rôle fondamental joué par l’Allemagne dans le processus oligarchique


s’explique par le poids de l’histoire et les imbrications capitalistiques
germano-anglo-saxonnes du début du XXe siècle. Ce rôle fondamental de
l’Allemagne s’explique également – depuis et après la Seconde Guerre
mondiale – tant par la récupération des élites militaires nazies par le système
financiaro-politique américain (CIA, NASA, etc.)11, que par la domination
militaire du territoire allemand par les armées américaines.

Pour avoir une vue européenne d’ensemble – et exhaustive – du tableau de la


domination bancaire par la monnaie, il faut rappeler que les statuts de la BRI
ont servi de modèle à la création du Mécanisme européen de stabilité
(MES) apparu en 2012. Le MES, en tant que nouvelle institution financière,
est l’héritier direct de la BRI dans son rôle de négation de l’aspect politique
et organisationnel du rôle de l’État.
La suprématie oligarchique en matière monétaire a été consolidée au niveau
mondial par les accords de Bretton Woods qui ont accordé à l’oligarchie de
type américano-anglaise la suprématie définitive sur les oligarchies
classiques de type occidental12.

V) Les institutions financières issues des accords de Bretton Woods

À l’occasion des accords de Bretton Woods, la ploutocratie occidentale a


imposé au monde entier, par l’intermédiaire du gouvernement des États-
Unis, vainqueur financier de deux guerres mondiales, les institutions
financières internationales majeures dites régulatrices que sont le FMI et la
Banque mondiale. Ce faisant, Bretton Woods a mis au point l’ordre
monétaro-financier à l’anglo-saxonne sous le joug duquel nous vivons
actuellement.

Le FMI

Le FMI, grand ennemi des peuples, pratique un peu à la façon de la BRI. Il


octroie, moyennant intérêts, des prêts à des États en grandes difficultés
financières – difficultés souvent pilotées par des établissements financiers
spéculatifs du type hedge funds13.

La nouveauté par rapport à la BRI est que ces prêts sont octroyés moyennant
une double contrepartie : d’une part un taux d’intérêt et d’autre part
l’exigence de cessions d’actifs étatiques ou publics à des multinationales afin
de permettre le désendettement. Derrière les grandes et belles prétendues
volontés ouvertement affichées, la structure même du FMI laisse entrevoir
que ses objectifs réels sont à l’opposé de ceux qui sont proclamés : il s’agit
tout simplement d’organiser, au moyen d’un pas de danse rhétorique
consistant à imposer un endettement tout en exigeant d’en sortir,
l’appauvrissement à la fois des États et des populations.

Ce vice de construction est tout à fait délibéré, il s’agit tout simplement de la


mise en œuvre légale et internationale d’une pure prédation du système
politique par les tenants du système économique au moyen de
l’affaiblissement structurel de l’assise économique et financière des États.
Une fois de plus, on assiste à un dévoiement de la nature politique des États,
lesquels sont rabaissés, par une institution internationale, au rang de simples
organisations de type privé, faisant fi des intérêts collectifs qui sous-tendent
la notion même d’État.

La Banque mondiale

La Banque mondiale fournit, comme son nom l’indique, la première pierre


au futur édifice du gouvernement mondial. La Banque mondiale est au cœur
du système de protection des investissements des entreprises multinationales
que nous retrouverons à l’occasion de l’étude sur le libre-échange. Cet
organisme, qui prétend officiellement éradiquer la pauvreté dans le monde,
est officieusement, mais aussi structurellement, notamment par sa prise de
position en faveur des investissements, responsable de son aggravation.

Début 2015, un consortium de journalistes a révélé que la Banque mondiale


finançait des projets non seulement inefficaces mais encore en totale
contradiction avec ses missions officielles, forçant des millions de personnes
à quitter leurs terres ou leurs logements.

La Banque mondiale, dominée par la finance anglo-saxonne, a notamment


été dirigée par un proche de la famille Bush, Paul Wolfowitz ; ce dernier,
baigné à la fois dans le trotskisme et le néoconservatisme de l’école de
Chicago, fut également très impliqué dans les affaires du Pentagone. Paul
Wolfowitz a dû démissionner de ses fonctions suite à un scandale sur fond de
népotisme. Début 2015, un nouveau scandale surgit alors que la Banque
mondiale prétend retourner à l’équilibre financier en diminuant ses coûts et
augmentant ses ressources par le renchérissement du coût de ses prêts et par
l’augmentation de ses placements sur les marchés. Outre que le
renchérissement du coût de ses prêts est en totale opposition avec l’objectif
officiel d’éradication de la pauvreté affiché par la Banque mondiale, une
recherche d’économie ne s’accorde en effet logiquement pas avec la
distribution de primes et de bonus à certains de ses hauts dirigeants.

Les organisations financières internationales issues des accords de Bretton


Woods apparaissent en réalité comme des paravents chargés de légitimer
l’affaiblissement des ressources financières des États.

Avec la création de ces institutions, nous assistons à l’avènement mondial du


fait économique en lieu et place du fait politique. Mais tandis que la
conception politique du monde, par essence variée en fonction des histoires
propres à chaque nation, avait pour mission de régir tous les intérêts en
présence sur un territoire donné, la conception strictement économique et
financière du monde ne remplit que la satisfaction des intérêts bien compris
d’un tout petit groupe d’individus qui domine la vie économique ; la notion
de territoire n’étant dès lors plus pertinente.

La domination financière des États s’accompagne en outre d’une


homogénéisation préoccupante des intérêts des différents gouvernants du
monde ; elle ouvre la voie à l’organisation d’un gouvernement mondial de
type oligarchique, le fameux Nouvel Ordre Mondial.

Conclusion

Le contrôle des flux financiers du monde par un groupe économiquement


dominant nécessite un contrôle des monnaies. Ce contrôle est réalisé au
moyen de l’organisation d’un système sophistiqué de banques centrales. Le
contrôle des monnaies est un instrument privilégié, pour les grands
détenteurs de capitaux occidentaux, afin d’agir politiquement sur l’économie
de tous les pays du monde.

La finance internationale dominée par les propriétaires des grandes banques


privées fonctionne, via l’organisation des banques centrales, en système
fermé, dans le sens des intérêts d’un très petit nombre d’individus qui ont
accaparé les fonctions monétaires et, par voie de conséquence, économiques
et politiques des États-nations voués à disparaître. Cette domination
mondiale par la finance a été parachevée par l’avènement des institutions
financières internationales telles que la BRI/BIS ainsi que par les institutions
financières issues des accords de Bretton Woods.

La domination politique actuelle par les acteurs financiers est


irrémédiablement liée à la disparition des États-nations. Le type de
domination occidentale classique – celle de l’Ancien Régime – fondé sur la
propriété foncière représentait une conception politique et juridique
continentale du monde qui tournait autour du concept d’État-nation. Cette
conception a, depuis la Révolution française et avec une nette accélération
au XXe siècle, définitivement cédé la place à une domination financière
fondée sur une conception du monde de type anglo-saxon entièrement
tournée vers le fait économique. Nous assistons aujourd’hui aux dernières
scènes d’une vaste entreprise de dépréciation de la notion politique d’État au
bénéfice de l’intérêt privé d’un petit nombre de personnes qui se sont
rendues maîtresses du système monétaire mondial. En Occident, le fait
politique a cédé la place au fait économique.

Ce n’est pas un hasard si la méthode de domination ultra-marine fondée sur


l’argent et la finance l’a finalement emporté sur la méthode traditionnelle de
domination continentale fondée sur l’accaparement de la propriété foncière.
Cette évolution est largement due au fait qu’une appropriation ouverte et
directe des biens est moins efficace – car elle soulève bien plus d’hostilité et
de résistance – qu’une appropriation sournoise liée à l’anonymat des
propriétaires de cartels d’entreprises. L’anonymat permis par le modèle
d’entreprise capitalistique joue un rôle essentiel dans l’entreprise de
domination mondiale actuelle par les élites financières.

21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-17-
geopolitique-du-systeme-banques-centrales

Notes
1 Sur les bénéficiaires de la politique suivie par les banques centrales, voir
par exemple l’article suivant : http://www.eric-verhaeghe.fr/leurope-est-elle-
sous-la-tutelle-de-ses-banques
2 Voir à ce propos plusieurs vidéos de Martin Armstrong
3 Cf. La guerre des monnaies de Hongbing Song, cit.
4 Sur l’organisation américaine du système banque centrale, voir
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9serve_f%C3%A9d%C3%A9rale_de
s_%C3%89tats-Unis
5 Cf. Eustace Mullins, Les secrets de la Réserve fédérale, Le Retour aux
Sources (paru en français en octobre 2010) ; voir également Antony C.
Sutton Le complot de la Réserve fédérale, aux éditions Nouvelle Terre (paru
en France en 2009)
6 Voir également la thèse de Frédéric Clavert, Hjalmar Schacht, financier et
diplomate (1930-1950), HAL archives ouvertes.fr ; en particulier p. 49 et 50
7 A ce propos, voir Annie Lacroix-Riz, L’intégration européenne de la
France ; la tutelle de l’Allemagne et des États-Unis, éd. Temps des Cerises
8 Sur l’intérêt structurellement dominant des multinationales en UE, voir par
exemple : https://www.youtube.com/watch?v=0LJdUtJIM
9 Sur les limites institutionnelles de la démocratie européenne, voir par
exemple : https://www.youtube.com/watch?v=H8qpT9DASUY
10 Voir les articles 127 et s. du TFUE, en particulier l’article 130 : « Dans
l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des
devoirs qui leur ont été conférés par les traités et les statuts du SEBC et de la
BCE, ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni
un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni
accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l’Union,
des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les
institutions, organes ou organismes de l’Union ainsi que les gouvernements
des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à
influencer les membres des organes de décision de la Banque centrale
européenne ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de
leurs missions. »
11 Sur l’opération Paperclip : http://www.voltairenet.org/article14657.html ;
également http://rr0.org/org/us/dod/Paperclip.html ; les réseaux d’exfiltration
nazis passaient par le Vatican :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Réseaux_d’exfiltration_nazis
12 Voir sur ce sujet Annie Lacroix-Riz : https://vimeo.com/18006526 ;
également : L’intégration européenne de la France ; la tutelle de
l’Allemagne et des États-Unis, cit.
13 Sur le rôle des hedge funds dans le déclenchement de la crise grecque, cf.
Myret Zaki : https://www.youtube.com/watch?v=TLjq25_ayWM

La disparition des espèces ou la lutte


des banquiers contre les libertés publiques
Par Valérie Bugault et Jean Rémy
La France est parmi les pays d’Europe et du monde les plus impliqués dans
les réglementations bancaires coercitives, mais rappelons qu’en Europe, au-
delà de l’échelon national, se trouvent les institutions de l’Union
Européenne. Il faut ici rappeler ce qui est trop peu souvent expliqué au
public : à savoir que les institutions européennes organisent, via les Traités
européens (TUE et TFUE issus du Traité de Lisbonne, version à peine
édulcorée de la Constitution européenne rejetée par le peuple français), la
souveraineté commerciale des multinationales ; au travers de cette
souveraineté commerciale, il s’agit en réalité de la souveraineté des
principaux détenteurs de capitaux, au premier rang desquels se trouvent
justement les principaux propriétaires des grandes banques systémiques.

1. La lutte contre le terrorisme, argument fallacieux pour faire


disparaître les espèces

Un récent document de la Commission européenne propose d’unifier au


niveau européen la législation tendant à réduire, puis à supprimer les
possibilités de paiement en espèces. Cette proposition émanant de la
Commission européenne est parée des bonnes intentions de la lutte contre le
blanchiment d’argent et, par voie de conséquence, contre le financement du
terrorisme. Nous allons voir que la justification annoncée est parfaitement
fallacieuse et cache d’autres intentions, beaucoup moins avouables, des
principaux propriétaires de capitaux. Cette analyse fait écho à celle, plus
générale, que nous avions faites des entreprises bancaires.

2. Contexte dans lequel la proposition de la Commission européenne


s’inscrit

Ce texte est une copie quasi conforme des réglementations coercitives issues
du Patriot Act de Georges Bush, qui ont donné le signal d’une importante
réduction des libertés publiques, plus précisément des libertés
fondamentales, pour les citoyens américains. La déclinaison européenne du
Patriot Act s’est faite progressivement depuis le 11 septembre 2001. Les
banques américaines et européennes ont ainsi été amenées à recruter des
cohortes de nouveaux employés dotés de pouvoirs exorbitants : ils sont
chargés, au sein de nouveaux départements appelés « contrôle permanent »
et « conformité » de profiler les clients et leurs opérations afin de les
contrôler au moyen de systèmes informatiques experts. Ce nouveau type de
personnel, improductif (« bullshit job » dénoncé par Jean-François Zobrist,
précurseur de « l’entreprise libérée »), a été chargé de missions de délation et
de contrôle des personnes ; il s’élève, rien qu’en France, à plusieurs dizaines
de milliers de personnes, soit environ un tiers des effectifs de la gendarmerie
nationale !

Pour couronner le tout, la « fonction conformité » (Compliance functions) a


été instituée en France en 2012. Son rôle est de veiller à réduire au
maximum les risques de non-conformité, c’est-à-dire les risques de sanctions
encourues pour non-respect de dispositions propres aux activités financières
et bancaires, en matière législative ou réglementaire (fiscalité incluse). Il
s’agit notamment de mettre la pression pour que le contrôle permanent des
personnes soit irréprochable et efficace dans tous les établissements.

La France est parmi les pays d’Europe et du monde les plus impliqués dans
les réglementations bancaires coercitives, mais rappelons qu’en Europe, au-
delà de l’échelon national, se trouvent les institutions de l’Union
Européenne. Il faut ici rappeler ce qui est trop peu souvent expliqué au
public : à savoir que les institutions européennes organisent, via les Traités
européens (TUE et TFUE issus du Traité de Lisbonne, version à peine
édulcorée de la Constitution européenne rejetée par le peuple français), la
souveraineté commerciale des multinationales ; au travers de cette
souveraineté commerciale, il s’agit en réalité de la souveraineté des
principaux détenteurs de capitaux, au premier rang desquels se trouvent
justement les principaux propriétaires des grandes banques systémiques. Les
Traités européens, bâtis autour de la question du commerce, utilisent le
terme de « Parlement » de façon fallacieuse, pour laisser entendre aux
ressortissants européens que ces institutions sont, comme les anciennes
institutions nationales, organisées autour du principe de démocratie
représentative. Or, il n’en est rien. D’une part, le prétendu Parlement
européen n’a aucune légitimité politique, puisqu’il ne représente aucun
peuple homogène doté d’une même histoire politique, d’une même culture
sociale, d’une même langue et, plus généralement d’un même mode de vie.
D’autre part, ce Parlement ne dispose pas de l’initiative des lois, qui
appartient exclusivement à la Commission. Par ailleurs, les institutions qui
ont le plus de poids dans la création des « lois » européennes (droit dérivé)
sont incontestablement les lobbies, avec une moyenne de trente lobbyistes
par « décideur » (parlementaires, commissaires) ; chaque immeuble, dans un
rayon d’un kilomètre autour de la Commission, du Conseil et du Parlement
européen est occupé par les « grands noms du monde des affaires ».

3. L’argument de la distorsion de compétitivité développé par le texte va


dans le sens d’un renforcement du fédéralisme et donc dans celui de la
disparition du concept d’État

La proposition de la Commission argue du fait qu’une législation restrictive


des paiements en espèces existe d’ores et déjà dans certains États membres
et que son absence dans d’autres États induit une distorsion de concurrence
sur le marché intérieur ; il est ainsi implicitement suggéré que cette situation
génère, à l’intérieur de l’Union européenne, un espace de non-droit dans
lequel vont s’engouffrer les individus cherchant à blanchir de l’argent,
notamment à des fins de financement de terrorisme.

Le document précise que les législations existantes restrictives des


paiements en espèces sont compatibles avec la loi de l’Union. Une telle
précision relève de la tautologie, si l’on veut bien considérer que de telles
législations ont pour rôle et fonction essentiels de renforcer le pouvoir des
banques… Il serait plus juste de dire et d’écrire que ces législations sont
éminemment souhaitées par les instances européennes, lesquelles sont sous
le contrôle des principaux propriétaires de capitaux.

Il faut ici rappeler plusieurs choses. La première est que la liberté de


circulation des capitaux est organisée et protégée par l’article 63 du TFUE
(Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), non seulement à
l’intérieur des frontières de l’Union, c’est-à-dire dans les pays membres,
mais encore dans le monde entier. La seconde précision à apporter est que
seules les multinationales et les organisations implantées sur différents États
peuvent jouer de ces différentes législations. Les simples particuliers ne sont
pas concernés par cette course à la moins-disance juridique et réglementaire,
comprise comme « une distorsion de concurrence » par la Commission
européenne (laquelle révèle par là même où sont ses centres de
préoccupations) ; ce sont pourtant eux qui supporteront le poids de la
suppression des espèces et de la disparition corrélative de leur autonomie
juridique et sociale. Le particulier lambda sera le seul réel perdant de cette
législation harmonisée tendant à la suppression des espèces, car il deviendra,
pour le déroulement de sa vie quotidienne, totalement dépendant des
banques.

Ainsi, peu à peu, conformément à la politique des petits pas suivie depuis
toujours dans la construction européenne, les banques tendent à se substituer
aux États. Les particuliers ne dépendront plus, dans leur vie quotidienne, de
la législation de leur État mais du bon vouloir de leur banque. Inutile de
préciser toutes les garanties, en termes de justice et liberté (foin de
l’organisation politique, foin de la séparation des pouvoirs, foin de la
reconnaissance juridique et sociale des ressortissants des anciens États), qui
seront perdues par les particuliers ; la liberté devient le dommage collatéral
essentiel de la translation du pouvoir de l’État vers les banques.

En conclusion, les organisations et individus qui protègent juridiquement la


liberté mondiale des capitaux (article 63 du TFUE, OMC, OCDE…) et qui
organisent les paradis fiscaux et l’évasion fiscale sont également ceux qui
apportent une solution « sur mesure », dans l’intérêt des principaux
propriétaires de capitaux, au problème induit de la multiplication des
possibilités de blanchiment d’argent.

L’argument des distorsions de compétitivité – induit par l’hétérogénéité des


législations des États membres sur les restrictions aux paiements en espèces
– sur le marché européen, c’est-à-dire parmi les États membres (cf. p. 2 du
document) est en réalité un simple prétexte pour renforcer le fédéralisme
européen et diminuer les libertés publiques. Étant précisé que le fédéralisme
européen n’est pas au service des peuples, mais au service des initiateurs de
la construction européenne, c’est-à-dire, depuis toujours, au service des plus
grands propriétaires de capitaux.

4. Les institutions européennes, au premier rang desquelles se trouve la


Commission européenne, sont une simple courroie de transmission des
intérêts bancaires supérieurs

La suppression des espèces revient à privatiser la totalité de la monnaie et à


supprimer les derniers vestiges d’une monnaie entendue comme institution
d’État, c’est-à-dire comme un service rendu par l’État à ses ressortissants ;
alors même que la raison d’être de la monnaie est fondamentalement un
service rendu par l’État afin de faciliter les échanges. Autrement dit, alors
que la monnaie est, de façon fondamentale, un service public de l’État, ce
service a été aujourd’hui quasi totalement privatisé par quelques personnes,
qui se sont arrogé le droit de battre monnaie envers et contre les États et
leurs ressortissants.

Réduire et interdire l’usage des espèces est en réalité l’ultime étape de


l’accaparement de l’institution monétaire par des intérêts privés. Cet
accaparement se cache, comme toujours, derrière les arguments fallacieux de
sécurité publique et de justice fiscale. Justice fiscale, dont la disparition est
délibérément et savamment orchestrée par ces mêmes intérêts, via
l’organisation et la gestion non seulement de la liberté mondiale de
circulation des capitaux, mais aussi, et surtout des paradis fiscaux, qui sont
le corollaire institutionnel indispensable à la liberté mondiale de circulation
des capitaux.

Via le contrôle total des monnaies en circulation, les principales banques de


la planète organisent l’accaparement des biens matériels tangibles mais
s’arrogent également, via tout un tas d’institutions – nationales (banques
centrales), internationales (OMC, FMI, Banque mondiale, BRI, OCDE…) et
supranationales (Banque centrale européenne, Union européenne…) –
l’intégralité du pouvoir politique.

Au bout de cette logique d’asservissement, les individus ne seront plus


justiciables d’États, entendus au sens politique du terme, c’est-à-dire dans
son acception d’organisation de la vie en société dans un objectif de
pacification, mais des banques qui se seront arrogé de façon institutionnelle
le droit de vie et mort, tant au niveau social qu’au niveau biologique, sur les
individus. Une façon simple de mesurer ce phénomène est de considérer le
succès des systèmes de substitution pour des services minimums de
paiements prépayés, comme le compte Nickel, qui peut être ouvert dans
certains bureaux de tabac en cinq minutes.

5. L’entretien volontaire d’une confusion entre l’anonymat du paiement


en espèces et l’anonymat des détenteurs de capitaux

D’un point de vue technique, la transparence revendiquée (cf. p. 3 du


document) dans l’interdiction du paiement des espèces est en réalité la
transparence totale des particuliers vis-à-vis de leur banque, elle n’est pas
celle des paradis fiscaux dans lesquels transitent les véritables financements
d’activités terroristes.

Dans le contexte actuel, il est en effet logique et facile de ne considérer que


la seule apparence, selon laquelle les paiements en espèces pour des
montants exagérés sont des moyens faciles de blanchiment d’argent sale.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue l’essentiel : de tels blanchiments ne
peuvent exister que parce qu’existent, en amont, la liberté de circulation des
capitaux et son corollaire que sont les paradis fiscaux, refuges inaltérables
des profits résultants de tous les trafics illicites. Or, ces paradis fiscaux
n’existent que par la volonté des principaux détenteurs de capitaux, via les
grandes banques systémiques et les grands cabinets d’audit ; ce sont les
principaux détenteurs de capitaux qui organisent et gèrent les paradis
fiscaux.

Il faut ici rappeler que la lutte contre les paradis fiscaux n’est pas réellement
menée par les « pouvoirs publics ».

La prétendue lutte contre le blanchiment d’argent par les paiements en


espèces est en réalité une figure de style rhétorique, destinée à faire passer
des vessies pour des lanternes : il s’agit ici d’assimiler délibérément le
financement du terrorisme avec l’anonymat du paiement en espèces par les
particuliers. En réalité, le paiement en espèces, aussi important soit-il, n’est
un problème que parce qu’existent en amont les paradis fiscaux qui
reçoivent en toute indépendance les profits résultant des pires trafics. En
résumé, la nécessité de blanchir l’argent dans de grandes proportions
n’existe que parce que les paradis fiscaux accueillent l’argent de tous les
trafics illicites, que les banques qui y sont installées permettent de retirer
partout dans le monde. Il n’y aurait aucune nécessité de blanchiment en
l’absence de revenus tirés des trafics illicites, lesquels sont entretenus par
l’existence des paradis fiscaux.

En d’autres termes : le blanchiment n’existe que parce que l’argent sale


existe, aujourd’hui dans des proportions tout à fait extravagantes, grâce à
l’organisation mondiale de la liberté de circulation des capitaux et des
paradis fiscaux.
Le terrorisme financier trouve en réalité essentiellement sa source dans
l’opacité des paradis fiscaux et des chambres de compensation, lesquels sont
sous le contrôle capitalistique des principaux propriétaires de capitaux, et
non pas dans l’anonymat des paiements en espèces.

En réalité, la lutte contre le terrorisme et l’évasion fiscale permet de


justifier :

1.le resserrement de l’emprise des banques sur les individus, faisant


échapper ces derniers à la juridiction de l’État, lui-même en voie de
disparition rapide,

2.la progression de l’idée fédérale en Europe, laquelle progression


aboutira de façon mécanique à la disparition de la souveraineté étatique
et à la disparition du concept même d’État.

La véritable lutte contre le blanchiment d’argent ne passe pas par la


suppression de l’argent liquide (qui serait illico remplacé par des espèces
étrangères, des dollars par exemple, qui ont une parité plus ou moins proche
de l’euro) mais par la suppression juridique de l’anonymat des capitaux et
par la disparition de la liberté de circulation des capitaux (acté, au niveau
mondial, par l’article 63 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union
européenne), que l’OMC est chargée de mettre en œuvre dans tous les pays
du monde. Ces deux mesures sont, à elles seules, de nature à rendre obsolète
le concept de paradis fiscal qui ne serait dès lors plus un refuge pour trafics
illicites. L’assèchement de l’argent sale générant automatiquement
l’assèchement d’argent à blanchir.

Dans le contexte décrit, on peut aller plus loin et affirmer que la lutte contre
le financement du terrorisme serait seule efficacement réalisée par un
pouvoir politique rénové, qui reprendrait le contrôle du fait monétaire. Un
pouvoir politique rénové s’entend d’une rupture conceptuelle de
l’organisation sociale, dont le contrôle devrait être fait par les ressortissants
d’un État et non par les principaux propriétaires de capitaux.

17 mars 2017

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/la-disparition-des-especes-ou-la-lutte-des-
banquiers-contre-les-libertes-publiques

Les banques internationales


contre les États

Aujourd’hui, la distinction institutionnelle fallacieuse entre gestion


monétaire et gestion politique est entrée dans l’inconscient collectif comme
une « normalité » ; tout le monde estime normal que les banques centrales
soient « indépendantes » du pouvoir politique. Personne ne se pose plus la
question de savoir « indépendantes » vis-à-vis de qui, et surtout pourquoi ?

Une analyse de la question monétaire permet d’atteindre très


rapidement la question, essentielle, de la souveraineté, elle-même liée à
la notion d’État. La privatisation de la monnaie est la cause première de
la perte de souveraineté de l’État, car celui qui finance est toujours en
position de force par rapport à celui qui a besoin d’être financé. Cause
première de la dégradation politique, cette privatisation n’est
néanmoins pas la seule cause de la déchéance étatique, laquelle répond à
une chaîne de causalité de nature institutionnelle.

Nous allons distinguer les deux étapes essentielles de la privatisation de


la monnaie (I) avant de considérer pourquoi (II) et comment (III) cette
privatisation a pris le contrôle du phénomène politique.

Privatisation de la monnaie

Si l’État a peu à peu perdu toute consistance politique, c’est essentiellement


dû à l’accaparement par les orfèvres, à la fois banquiers et commerçants, des
richesses au niveau national, puis au niveau international. Cet accaparement
s’est fait à la faveur de deux phénomènes : l’installation progressive d’une
confusion dans la compréhension du phénomène monétaire et l’instauration
du concept de « banque centrale » qui a permis un contrôle, par les
banquiers, des masses monétaires en circulation.

La distorsion dans la compréhension du phénomène monétaire est due à la


confusion, sinon créée du moins entretenue par les banquiers commerçants,
entre l’institution monétaire et le vecteur - matériel ou non - de la monnaie.
Alors que la monnaie a été conçue comme une institution politique chargée
de favoriser la circulation des biens et services, sa conception a peu à peu
dérivé en une conception purement matérialiste consistant à assimiler la
fonction monétaire à son vecteur matériel. Cette confusion a été réalisée à la
faveur de la conjonction de la pratique quotidienne des orfèvres – qui sont à
la fois banquiers et commerçants – et de l’intervention de la papauté laquelle
s’est historiquement prononcée contre le droit de seigneuriage des princes et
pour une assimilation de la valeur de la monnaie à son poids de métal
précieux. Il s’agissait alors de faire passer l’idée selon laquelle la monnaie
était, par nature, indépendante du pouvoir politique temporel.

La seconde atteinte au pouvoir politique par les banquiers commerçants a été


introduite par l’apparition du phénomène nouveau appelé « banque
centrale ». Ces institutions sont nées sous le signe de l’imposture :
présentées comme des banques d’État, elles disposaient à ce titre de la
garantie de l’État - c’est-à-dire des contribuables de l’État - alors que ses
capitaux restaient dans des mains privées. L’appropriation par des intérêts
privés est le vice initial du concept de banques centrales. C’est ainsi que la
banque d’Angleterre (1694), la Banque de France (1800), la Fed (1913), la
Banque des règlements internationaux (BRI/ BIS 1930), le système européen
de banques centrales (dit SEBC, décidé par le Traité de Maastricht en 1992
et entré en vigueur en 1999) reflètent, toutes, un désengagement des
instances politiques de l’État dans la gestion centralisée des masses
monétaires en circulation.

Aujourd’hui, la distinction institutionnelle fallacieuse entre gestion


monétaire et gestion politique est entrée dans l’inconscient collectif comme
une « normalité » ; tout le monde estime normal que les banques centrales
soient « indépendantes » du pouvoir politique. Personne ne se pose plus la
question de savoir « indépendantes » vis-à-vis de qui, et surtout pourquoi ?
Dès que vous évoquez le problème politique généré par l’indépendance de la
banque centrale vis-à-vis du gouvernement, les âmes qui se croient éclairées
vous répondent immanquablement : souvenez-vous de Weimar ! Mais à la
vérité, l’épisode de Weimar est une mauvaise réponse, car l’hyper inflation
de cette époque a été le résultat d’une politique elle-même sous domination
capitalistique.

Certains rétorqueront que la banque de France a été « nationalisée » mais là


encore, il faut s’entendre sur les termes : que signifie réellement une banque
« nationalisée » par un État lui-même entièrement sous dépendance des
principaux propriétaires de capitaux… ?

Monnaie, apanage de la souveraineté

Pour avoir les moyens d’exercer sa mission, un gouvernement doit disposer


intégralement des moyens monétaires. Ainsi, Napoléon lui-même
reconnaissait que « la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit ».

Lorsque la gestion monétaire échappe au gouvernement, celui-ci est soumis,


par construction, à la volonté de ceux qui détiennent la monnaie, ces derniers
pouvant lui imposer des contreparties personnelles ou collectives en échange
de son soutien monétaire.

Mais, plus grave, l’histoire nous apprend que ceux qui contrôlent la monnaie
prennent aussi le contrôle des institutions étatiques, essentiellement au
moyen de la corruption, qu’il est aujourd’hui de bon ton d’appeler
« lobbying » et qui domine toute activité législative.

Il est intéressant de constater que l’accroissement du pouvoir des banquiers


commerçants est allé historiquement de pair avec la perte de substance du
concept politique et la captation du pouvoir qui l’accompagne par des
intérêts privés.

La séparation des pouvoirs et le parlementarisme ont été les éléments


institutionnels permettant la future domination du fait économique sur le fait
politique

Par souveraineté étatique, il faut entendre la capacité plénière, pour un État,


matérialisé par un gouvernement, de rendre justice, ce qui suppose la
maîtrise des lois qui s’appliquent sur son territoire et la capacité d’assurer la
sécurité intérieure et extérieure du groupe formé par ses ressortissants. Il faut
comprendre qu’un État est, par hypothèse, une émanation institutionnelle de
ses ressortissants, une sorte de mandataire chargé de mettre en œuvre, le
mieux possible, l’intérêt commun à tous ses habitants.

Ainsi conçu, les représentants de l’État sont « responsables » c’est-à-dire


qu’ils peuvent être sanctionnés s’ils sont pris en grave défaut, c’est-à-dire
essentiellement s’il est avéré qu’ils n’ont pas mis en œuvre « l’intérêt
commun » des ressortissants en privilégiant certains intérêts particuliers au
détriment de l’intérêt commun.

Or, depuis l’instauration de la séparation des pouvoirs, assortie du système


parlementaire, la situation politique se présente de la manière suivante : le
gouvernement est formellement dépourvu de toute autorité politique, car le
principe de séparation des pouvoirs lui a officiellement retiré les attributs
législatif et judiciaire. Il est par ailleurs dépourvu de toute capacité
décisionnelle sur le long terme car elle appartient structurellement aux partis
politiques et aux hauts fonctionnaires inamovibles.

Le problème politique généré par le principe de « séparation des


pouvoirs »

La « séparation des pouvoirs » est, à tort, présentée comme une limitation du


pouvoir alors qu’elle est réellement une dissolution du pouvoir politique.

Car le pouvoir politique consiste, par essence, à organiser « la vie de la


Cité » ; il ne peut s’entendre que d’un pouvoir capable de rendre la justice
(ce qui suppose la maîtrise entière des règles qui s’appliquent sur son
territoire) et d’assurer la sécurité de ses ressortissants. Ainsi compris, le
pouvoir politique a pour fonction essentielle de gérer les intérêts
antagonistes qui peuvent exister dans une société déterminée, dans le sens
bien compris de l’intérêt commun à tous ses membres.

La séparation des pouvoirs, en imposant un séquençage du pouvoir entre


différents organismes prétendument indépendants – législatif, exécutif et
judiciaire - a opéré une véritable dissolution du pouvoir politique, car ce
dernier perdait, de facto, les moyens concrets d’exercer le pouvoir
souverainement c’est-à-dire en pleine capacité et en pleine responsabilité.
Ainsi dissout, le pouvoir devient un ersatz de pouvoir, il est une entité
apparente qui a perdu les attributs du véritable pouvoir ; l’État a perdu dans
les faits toute autorité sur ses décisions.

Puisque le pouvoir réel n’est plus conforme au pouvoir apparent, il n’y a


donc plus moyen, pour les populations vivant sous son joug, de l’atteindre
réellement et de le sanctionner. La séparation des pouvoirs a ainsi été le
principal artisan de la disparition du lien juridique entre « pouvoir » et
« responsabilité ».

Nous retrouvons ici la méthodologie de l’asymétrie, utilisée de tout temps


par les banquiers pour atteindre leur résultat qui est la prise de pouvoir total.
C’est précisément par l’organisation de l’asymétrie dans la détention
d’informations que les principaux banquiers ont fait leur richesse, c’est
également par la mise en place de l’asymétrie entre pouvoir et responsabilité,
autrement dit par la mise en place d’une dichotomie entre pouvoir apparent
et pouvoir réel, qu’ils ont assuré leur impunité politique.

La nature ayant horreur du vide, la dissolution institutionnellement


programmée du pouvoir politique réel s’est accompagnée de l’émergence,
dans l’ombre, d’un autre pouvoir c’est-à-dire d’un autre acteur ayant la
capacité de décider pour tous : le pouvoir économique, celui dont disposent
les principaux détenteurs de capitaux.

Le problème politique généré par le régime représentatif (régime


parlementaire)

L’institution du régime parlementaire a pour conséquence directe que le


gouvernement, devenu « pouvoir exécutif » ainsi que le pouvoir dit
« législatif » sont en réalité dépendants des partis politiques. Or les partis
politiques ne sont réellement responsables que devant les instances qui les
financent : les apporteurs de capitaux qui feront fonctionner la machine à
élections. Au surplus, l’alternance permanente des partis politiques au
pouvoir, liée au système dit représentatif, est par essence incompatible avec
la pérennité du pouvoir politique nécessité par des prises de décisions de
long, voire très long, terme. Ces dernières sont donc captées par les hauts
fonctionnaires inamovibles et formatés dans des écoles « de pouvoir ».
S’agissant du « pouvoir de faire des lois » il faut comprendre que la mise en
œuvre concrète du pouvoir législatif par un organisme dédié, le parlement,
est, à plus d’un titre, une imposture.

D’une part, un État n’a nul besoin d’un organisme dont la seule fonction est
de créer des lois. L’existence même d’une telle institution est le gage, sur le
long terme, d’une profusion de textes qui, fatalement, générera une
insécurité juridique endémique nuisible aux ressortissants dudit État.

D’autre part, la démocratie dite « représentative » mise en œuvre par


l’intermédiaire d’un parlement est l’antithèse exacte du principe
démocratique. En effet, les « élus » du peuple se voient accorder, à chaque
élection, un blanc-seing total leur permettant de voter sur tout type de sujet,
de n’importe quelle façon. Aucun contrôle populaire n’existe a posteriori à
l’exception du « tout ou rien » consistant à ne pas reconduire l’élu à la
prochaine élection.

Or, justement, apparaît ici une deuxième supercherie : celle consistant à


laisser croire que le peuple vote pour l’élu de son choix. Rien n’est plus
faux : les élus sont proposés à l’élection par des partis politiques et les
électeurs n’ont d’autres choix, au niveau national, que de voter pour des
candidats présélectionnés. C’est justement à cette occasion qu’apparaît le
véritable pouvoir, celui que les partis politiques respectent : le pouvoir de
l’argent permettant auxdits partis, qui sont des armes de conquête du pouvoir
politique formel, de financer les perpétuelles élections qui les maintiendront
au pouvoir.

Par le blanc-seing général donné à des « représentants » sans aucun contrôle


politique a priori et sans aucun contrôle technique a posteriori, le
parlementarisme d’origine anglaise n’est structurellement pas de nature à
assurer que la prise de décision politique sera conforme au « bien commun »
c’est-à-dire à l’intérêt commun (plus petit dénominateur commun) des
ressortissants de l’État.

En revanche, le parlementarisme dit représentatif est parfaitement adapté à la


captation du pouvoir politique par la caste des dominants économiques…
Le régime parlementaire de type représentatif a, via l’institution des partis
politiques, pour effet direct de faire prévaloir l’intérêt privé sur l’intérêt
commun. Autrement dit, contrairement à la définition politique de l’État, le
parlementarisme a pour effet de confier la gestion politique d’un territoire au
pouvoir économique ; lequel a pour seul objectif d’assurer la prééminence
des intérêts économiques de la caste des principaux propriétaires de
capitaux.

L’État, capté par des intérêts privés, est substantiellement inapte à mettre en
œuvre le principe d’autodétermination interne des peuples, alors pourtant
que ce principe1 a été proclamé par les instances internationales sur
l’initiative des pays occidentaux, autoproclamés démocratiques. Il faut ici se
rappeler que les États ayant introduit ce principe avaient eux-mêmes perdu
toute consistance politique réelle.

Ce principe d’autodétermination des peuples, qui suppose une


autodétermination interne et externe, est reconnu comme un principe
fondamental du droit international2. Ce principe, qui a la nature juridique
d’une proclamation, déclaration d’intention à valeur dite universelle, a eu
pour objectif officiel d’accompagner ce qu’il est convenu d’appeler la
décolonisation. Mais en réalité, la décolonisation dont il est question a été
largement fictive : car la colonisation politique s’est en réalité transformée
en colonisation financière qui met les peuples sous la dépendance non pas
d’autres peuples mais bien des grands propriétaires de capitaux (naissance
par exemple du franc CFA et du franc CFP en 1945). Ici encore, nous
sommes en pleine hypocrisie et cela prend la forme d’une imposture
institutionnelle. L’imposture institutionnelle nationale propre aux pays
occidentaux a eu tôt fait de s’étendre en imposture institutionnelle au niveau
international.

En conclusion : les actuelles « démocraties occidentales » sont en réalité des


impostures institutionnelles fondées sur l’irresponsabilité des décideurs
réels, garantissant une impunité totale aux tireurs de ficelles, les tenanciers
du pouvoir économique.

En conclusion, le régime parlementaire, allié au principe de séparation des


pouvoirs, tel que nous le connaissons depuis la Révolution de 1789, est
structurellement inapte à mettre en œuvre le principe d’autodétermination
des peuples ! Ajoutons, à des fins d’exhaustivité, qu’une « constitution »
n’est en aucune façon une garantie démocratique ; tout au contraire, en ce
qu’elle est l’apanage incontournable de la séparation des pouvoirs, la
présence d’une constitution est au contraire le signe de la dépendance du
pouvoir politique apparent par rapport au pouvoir économique caché mais
réel.

Pour bien comprendre l’imposture universelle sous laquelle nous vivons, il


faut absolument, impérativement, revenir aux fondamentaux de
l’organisation sociale. Nous ne comprenons aujourd’hui l’État et l’institution
politique que comme des rouages indépendants, organisés autour de la
fameuse « séparation des pouvoirs » et reliés entre eux par « une
Constitution ». La Constitution est ainsi l’indispensable compagnon de la
séparation des pouvoirs ; de la même façon que les partis politiques sont les
inséparables compagnons du principe parlementaire, lui-même issu de la
séparation des pouvoirs. Or, cette présentation du phénomène politique,
unanimement décrit comme « démocratique » est tout à fait fallacieuse ;
ainsi compris, le pouvoir politique échoit désormais, en catimini, aux
tenanciers du pouvoir économique. Alors que le pouvoir politique apparent
ne rend réellement de comptes qu’à ses créanciers, il devient en réalité
politiquement irresponsable devant ses ressortissants. Au surplus, les
mauvaises décisions politiques de long terme, prises à un moment donné, ne
peuvent plus être sanctionnées puisque les instances apparentes qui les ont
prises ont depuis longtemps été remplacées.

La vacance de la responsabilité politique n’a pas été comblée par une


responsabilité des détenteurs du fait économique puisque ce pouvoir, bien
réel, reste néanmoins caché, inapparent ; les détenteurs du pouvoir
économique, qui sont l’autorité politique réelle, n’endossent aucune
responsabilité politique.

Nous assistons donc à une augmentation du pouvoir dévolu à des instances


cachées ainsi qu’à une disparition de la responsabilité politique afférente au
pouvoir. Voilà précisément où se situe le niveau de démocratie de nos
régimes politiques ! L’imposture politique sert de paravent à la concentration
des pouvoirs et à l’irresponsabilité politique érigée en principe de
gouvernement !
Aujourd’hui, en raison du fait que les tenants du système économique, c’est-
à-dire les principaux propriétaires de capitaux, ont pris le contrôle des
institutions étatiques autant que des institutions internationales, on assiste à
une complète subversion de l’État, lequel est devenu le mandataire du « fait
économique » c’est-à-dire des intérêts privés des principaux propriétaires de
capitaux. Aussi, il faut bien comprendre que l’État tel qu’il est devenu n’est
plus un État souverain et que la forme apparente d’État n’est pas sous-tendue
par une quelconque réalité politique. En matière d’État, nous sommes dans
un ordre sémantique purement formel, c’est-à-dire dépourvu de tout sens et
dans l’organisation d’images ne correspondant pas à la réalité. Une telle
organisation politique est, au contraire, à l’exact opposé de la mise en œuvre
du principe démocratique et du droit à l’autodétermination des peuples.

Par extension, les institutions politiques de tous les pays ayant suivi le même
processus institutionnel (séparation des pouvoirs et régime parlementaire) ne
sont structurellement pas aptes à respecter le « droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes » qui est pourtant l’essence du « principe démocratique ».

Le retour d’un véritable pouvoir politique s’accompagne d’une


réorganisation institutionnelle de l’État et ne nécessite pas de
« constitution » puisqu’il n’y a pas d’utilité à organiser les relations entre des
entités politiques distinctes, celles-ci étant à nouveau réunies dans un
« pouvoir politique réel ».

Le « pouvoir politique » s’entend d’un pouvoir responsable de son mandat


consistant à protéger l’intérêt commun à tous ses membres. L’État a,
historiquement et conceptuellement, une seule fonction politique : celle de
faire respecter le plus petit dénominateur commun de ses membres. Ce
respect de l’intérêt commun ramène l’État à sa juste valeur : celle de faire
respecter un ordre naturel.

L’instauration d’une véritable démocratie passe, de façon mécanique et


systémique, par la réinitialisation de l’organisation politique. La réalité du
principe proclamé de l’autodétermination (interne) des peuples ne pourra
effectivement être mise en œuvre qu’à la faveur de l’abandon de la
séparation des pouvoirs et du régime parlementaire. Des institutions
réellement démocratiques devront prendre la forme du mandat impératif,
lequel ne pourra être effectivement mis en œuvre que par un retour à une
organisation sociale de nature thématique, sous la forme de « corps
intermédiaires ». Cette nouvelle organisation sociale rétablira le principe
juridique de la responsabilité politique des décideurs catégoriels et permettra
le retour du pouvoir politique, qui est celui de faire respecter un équilibre
entre les positions antagonistes des uns et des autres, en un mot, de rendre la
« justice ».

Le système politique des corps intermédiaires est, d’un point de vue


fonctionnel, de nature à instaurer de façon pérenne et viable le principe
« démocratique » compris comme étant la capacité d’un peuple à disposer de
lui-même.

Conclusion

Pour récapituler, la confiscation du pouvoir monétaire par les banquiers a eu


pour conséquence une érosion progressive du pouvoir politique. Cette
érosion s’est faite par strates successives, les premières d’entre elles ayant
été l’organisation politique des États autour des concepts frauduleux de
séparation des pouvoirs et de régime parlementaire. Ces modifications
institutionnelles une fois actées, la voie a été libérée pour le « lobbying »
c’est-à-dire la confiscation du pouvoir législatif par les principaux détenteurs
de capitaux. Les banquiers ont ainsi été à l’origine du développement du
système des capitaux autour de l’organisation de leur anonymat qui a lui-
même permis l’accaparement des biens tangibles.

Il faut bien comprendre que l’anonymat des capitaux a été le moyen


institutionnel utilisé par leurs principaux détenteurs, pour accaparer en toute
discrétion les biens matériels tangibles. Un tel niveau de concentration des
richesses a été à la fois la cause et la conséquence de l’accentuation de la
dégradation du concept politique d’État, c’est-à-dire de la perte de substance
de ce dernier.

Avril 2018

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/les-banques-internationales-contre-les-etats

Notes
1 Voir l’article 1er du Pacte international des droits civils et politiques
adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966
2 Cf. https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1997-v53-n2-ltp2158/401080ar.pdf

L’État peut-il résister aux banques ?

Aujourd’hui, la distinction institutionnelle fallacieuse entre gestion


monétaire et gestion politique est entrée dans l’inconscient collectif comme
une « normalité » ; tout le monde estime normal que les banques centrales
soient « indépendantes » du pouvoir politique. Personne ne se pose plus la
question de savoir pourquoi doivent-elles, impérativement, être
« indépendantes ».

Une guerre sans merci est actuellement en cours. Grosso modo, cette
guerre oppose les « Wasp américains » – qui se sont enrichis par le
système de Bretton Woods, lequel a instauré le dollar américain comme
monnaie mondiale – aux banquiers qui tiennent la City. Ces derniers
sont en train d’instituer ce que Keynes voulait instituer dès 1944 : le
Bancor, qui est un panier de monnaies, en tant que monnaie mondiale
aujourd’hui appelé Droits de Tirage Spéciaux (DTS). Les enjeux de
cette guerre monétaire invisible sont considérables, ils expliquent à eux
seuls tous les troubles géopolitiques actuels.

Première partie : qu’est-ce que l’État ?

S’interroger sur les forces respectives de l’État et des banques nécessite, au


préalable, de s’intéresser à la signification profonde du pouvoir au sens
politique du terme. Que signifie le pouvoir politique, que représente-t-il et
quelle est sa justification ? Ce sont des questions qui sous-tendent toute
l’architecture juridico-politique, c’est-à-dire toute l’organisation socio-
politique de l’État. Pour avoir une juste appréciation du concept d’État, il
faut donc avoir une juste compréhension du concept de pouvoir politique.
Donner un sens au concept de « pouvoir politique » (I) permettra de donner
un sens à celui « d’État » (II) ; par une chaine de causalité, il sera ensuite
possible de déterminer clairement ce qu’est la souveraineté et à qui elle doit
fonctionnellement échoir afin de respecter les concepts ci-dessus énoncés
(III).

Qu’est-ce que le pouvoir politique ?

Le mot « politique » vient du grec « polis » qui signifie « Cité » ; la politique


recouvre donc l’idée du « vivre ensemble », d’organiser la « vie en
commun ».

Au sens propre, la politique consiste donc à organiser la vie en commun à


l’intérieur d’un espace géographiquement délimité.

Organiser la vie en commun suppose l’identification, la délimitation, d’un


intérêt commun à tous les membres du groupe géographiquement déterminé
par la « Cité ».

Cet intérêt commun, propre à la « politique », suppose lui-même que la


« politique » ne consiste pas à affirmer et à imposer un intérêt catégoriel, ou
d’ordre privé, mais au contraire consiste à identifier et à faire prévaloir
l’intérêt commun sur la somme des intérêts particuliers qui émanent de ladite
Cité, et qui sont consubstantiels à son existence. En effet, aucune Cité
n’existe dans un parfait concordat : la vie en commun suppose la
confrontation incessante d’une multitude d’intérêts privés ou catégoriels.

Afin de rendre cette vie en commun supportable, il faut donc instituer une
sorte « d’arbitre » dont le rôle va consister à trancher entre les différents
intérêts contradictoires de façon à instituer un statu quo de nature à apaiser
les conflits. Pour être supportable, et donc suivi, ce statu quo doit être perçu
comme « juste », ou du moins perçu comme le « plus juste possible en l’état
actuel de la situation ».

La politique consiste donc, si les mots en un sens, à arbitrer entre des conflits
de façon à rendre possible la vie en commun sur un espace
géographiquement délimité.
Élément fondamental de l’organisation sociale, le terme « politique » est
donc synonyme d’arbitrage, de justice. À partir de là, il devient possible de
discerner le sens primitif du « pouvoir politique ».

En effet, sémantiquement, « pouvoir » signifie « avoir la capacité », c’est-à-


dire les moyens concrets, de faire, de réaliser quelque chose. Appliqué au
concept politique, le pouvoir signifie donc la capacité d’imposer l’intérêt
commun aux différents intérêts privés ou catégoriels. En d’autres termes, si
la politique consiste à déterminer un intérêt commun en opérant des
arbitrages perçus comme justes, le pouvoir politique sera le pouvoir de faire
matériellement appliquer ces arbitrages, au besoin par la contrainte.

Qu’est-ce que l’État ?

Dans l’ordre interne : une entité juridique incarnant l’intérêt commun.

Pour que des arbitrages de nature sociologique et politique soient


effectivement mis en œuvre, y compris, si nécessaire, par la force, il faut que
le « pouvoir politique » soit incarné par une institution juridique dotée d’une
réalité politique, ce à quoi répond précisément, en interne, la notion juridique
« d’État ».

La justification de l’État est également sa raison d’être, c’est-à-dire son


signifiant : elle est entièrement comprise dans la notion d’intérêt commun,
d’équilibre des forces en présence sur un territoire donné et d’arbitrage dans
le sens de la « justice ».

Car il faut bien considérer que les arbitrages qui seront rendus ne seront, à
terme, respectés par les justiciables dudit État que s’ils apparaissent
globalement justes. Autrement dit, le rôle de l’État ne sera accepté par tous
que s’il remplit la fonction qui justifie son existence, celle pour laquelle il
existe : garantir le respect d’un équilibre des forces en présence sur le
territoire sur lequel il a juridiction.

On peut également élargir la perspective et aller chercher le rôle et la


fonction de l’entité dénommée « État » dans un ordre juridique externe.

Dans l’ordre international européen, l’État est, depuis les traités de


Westphalie du 24 octobre 1648, la recherche d’un équilibre géopolitique des
forces.

À titre préliminaire, il faut définir le cadre dans lequel s’inscrit le débat.

Si le concept d’État tel que décrit ci-dessus s’est développé dans le monde
entier, à mesure que s’imposait l’ordre juridique et politique occidental au
reste du monde, il n’en reste pas moins que ce concept est profondément de
nature européenne, c’est-à-dire que son signifiant est entièrement compris
dans la culture gréco-latine propre à ce que fut l’Europe. Il est donc
indispensable, afin de conserver une cohérence au signifiant (le concept
d’État), d’en apprécier la réalité externe dans le contexte culturel européen.

Les traités dits de Westphalie (pourparlers de Münster d’un côté et


d’Osnabrück de l’autre), signés le 24 octobre 1648, et auxquels ont participé
toutes les puissances occidentales à l’exception notoire du tsar russe, du roi
d’Angleterre et du sultan ottoman, ont déterminé les principes des États
européens.

Le fondement principal de ces traités internationaux a été la recherche d’un


équilibre des puissances politiques qui s’exerçaient en Europe à cette
époque : aucun État ne devait être plus puissant que tous les autres réunis.

Jusqu’à la disparition, en 1806, du Saint Empire romain germanique, les


traités de Westphalie ont géré l’équilibre des forces géopolitiques en Europe.
L’Empire a été morcelé en trois cent cinquante petits États, sonnant le glas
de la puissance des Habsbourg. Les grands gagnants de ce traité avaient été
la Suède, les Pays-Bas et la France.

Contrairement à ce qu’en ont dit certains, le concept de l’État westphalien


n’est pas mort au XXe siècle. Ou plutôt : s’il est mort en apparence, son
signifiant a survécu, car la paix qui s’est installée en Europe au sortir de la
Seconde Guerre mondiale doit tout au concept d’équilibre des forces mis en
œuvre par les traités de Westphalie. C’est en effet sur ce principe de
l’équilibre des forces que fut fondée la paix qui a suivi la seconde guerre
mondiale, due à l’équilibre de la terreur nucléaire qui existait entre les blocs
de l’Ouest dirigé par les États-Unis et de l’Est communiste dirigé par
l’Union soviétique. Ce ne sont bien entendu pas les instances européennes,
pas encore nées ou balbutiantes, qui ont généré la paix en Europe depuis
1945, mais bien l’équilibre de la terreur ; équilibre des forces qui avait déjà
prévalu lors des traités de Westphalie. La forme change, mais le signifiant
perdure.

Au sens géopolitique européen du terme, l’État doit donc être une entité
disposant d’une autonomie suffisante pour garantir la sécurité de ses
ressortissants ; cette entité doit, selon les principes westphaliens, être capable
de se mesurer, seule ou avec ses alliés, à des voisins plus puissants.

Notons qu’aujourd’hui, la taille géographique ne semble plus être le critère


déterminant qu’il fut à l’origine. Les capacités techniques ont pris de telles
proportions dans tous les domaines, militaire, mais aussi énergétique,
biologique, que les États seront davantage ceux capables de développer des
idées techniques et technologiques créatrices que ceux détenant des matières
premières ; même s’il est évident que la détention de matières premières
reste un avantage comparatif très important. Mais cet avantage n’est plus
discriminant, il peut aujourd’hui être compensé par des échanges, de type
« bien contre service », entre États.

La capacité créatrice et l’ingéniosité des ressortissants d’un État peuvent à


elles seules garantir que l’État en question sera en mesure d’assurer la
sécurité intérieure et extérieure dudit État.

Qu’est-ce que la souveraineté, et à qui échoit-elle ?

Si l’on part des présupposés de l’État décrits ci-dessus, la souveraineté ne


peut appartenir, formellement, qu’à l’État. Le vocabulaire juridique décrit en
effet la souveraineté comme étant le caractère suprême d’une puissance qui
n’est soumise à aucune autre.

Toutefois, cette analyse est insuffisante, car il faut encore déterminer


comment la souveraineté est exercée et comment sera garanti le fait que la
souveraineté sera échue à un État représentant effectivement l’intérêt
commun de ses membres. Autrement dit, une fois établi que l’État est l’objet
de la souveraineté, il faut encore analyser le sujet de cette souveraineté.

« L’État » décrit ci-dessus est composé d’individus vivant sur un territoire


délimité et qui acceptent de se doter d’institutions chargées d’organiser leur
vie en commun. Dans ce sens, le « sujet » de la souveraineté est la
population vivant sur le territoire en question. Nous retrouvons ici l’idée
politique de « peuple souverain » qui a émergé à la Révolution française,
mais n’a, en pratique, jamais été mise en œuvre jusqu’à ce jour.

En interne, c’est-à-dire du point de vue intérieur à l’État, la souveraineté est


« le caractère d’un organe qui n’est soumis au contrôle d’aucun autre et se
trouve investi des compétences les plus élevées » (cf. Vocabulaire juridique
par Gérard Cornu). Mettre en œuvre l’idée selon laquelle le peuple est le
sujet de la souveraineté suppose de transcrire dans les institutions une
exigence de mandat impératif, qui s’oppose radicalement à l’idée de mandat
représentatif que nous connaissons actuellement et depuis 1789. Il faut
également considérer que le système parlementaire hérité de la Révolution
de 1789 a été directement importé d’Angleterre. Ce système établit un
organe constitutionnel immuable dont le seul rôle, la seule fonction, est de
créer des « lois ». Or tous les gens ayant travaillé sur les « organisations »
savent que ces dernières, une fois créées, n’ont de cesse que de faire du zèle
pour justifier leur existence. Il en résulte fatalement que l’établissement
constitutionnel d’un « Parlement » à la façon anglaise génèrera à terme une
surabondance de textes. Cette inflation législative nuit à la sécurité juridique
et matérielle des ressortissants de l’État. Le parlement à l’anglo-saxonne est
en lui-même une institution qui est antinomique avec la notion politique
« d’État ».

Voter, à intervalle régulier, pour des « élus » censés les représenter au sein
d’un parlement, ne permet aucunement aux électeurs de maîtriser ou de
canaliser, qualitativement autant que quantitativement, les lois qui seront
votées par lesdits « élus » lors de leur mandat. Le vote pour les prétendus
« représentants du peuple » n’est pas « libre », mais encadré par la
cooptation préalable des « élus » par les partis politiques. Les électeurs ne
maîtrisent pas réellement les gens pour qui ils sont sommés de voter, car ces
derniers sont présélectionnés, en amont et selon nombre de tractations
opaques, par des partis politiques. Cette présélection des élus garantira, de
façon fonctionnelle, beaucoup plus la loyauté des élus envers le parti duquel
ils sont issus, et qui se chargera de financer leur élection, qu’envers des
électeurs anonymes.
Le régime parlementaire à la mode britannique et le mandat représentatif
qu’il soustend ne permettent aucunement de mettre en œuvre la souveraineté
populaire. Ce type d’institution est totalement disqualifié pour asseoir le
principe de l’autodétermination des peuples, car la souveraineté ainsi
comprise est captée par des organismes intermédiaires, les partis politiques.
Or ces partis politiques ne dépendent pas tant des électeurs que des
créanciers qui leur permettent de financer les incessantes élections leur
permettant de conserver le pouvoir politique formel ; formel, car ce pouvoir
politique apparent est dénué de sens politique réel, puisque capté par les
détenteurs de capitaux, il est devenu, par là même, une coquille vide de tout
signifiant politique réel.

Il faut donc revenir – car en la matière tout à déjà été inventé – à des
institutions permettant de mettre effectivement, institutionnellement en
œuvre, les différents intérêts des différents membres et catégories
socioprofessionnelles d’une population installée sur un territoire déterminé.

Nous évoquons ici deux principes essentiels. Le premier principe est celui de
l’instauration de « corps intermédiaires » pour chaque catégorie sociale, de
nature économique, mais aussi non économique, comme le sont toutes les
activités visant à créer du lien social, de l’instruction, des soins, etc. Le
second principe est que les représentants de chacun de ces « corps
intermédiaires » devront être régis par un mandat impératif, qui garantira la
loyauté et la transparence du représentant vis-à-vis de ses mandataires (qui
sont également ceux qui l’auront élevé à sa charge de représentation).

Une fois que seront dûment représentés tous les intérêts sociaux des
différentes catégories sociales, les instances étatiques, représentées par un
« gouvernement » dirigé par un chef, pourront effectivement remplir le rôle
qui leur est imparti : à savoir trancher entre les intérêts divergents issus de la
population qu’ils ont à régir ; en d’autres termes, assurer la viabilité et la
pérennité de la « vie en commun » sur un territoire déterminé.

Aujourd’hui, ce rôle ne peut fonctionnellement pas être rempli par les


pouvoirs exécutifs qui sont des émanations du pouvoir économique caché.
Les intérêts privés des grands capitalistes qui prévalent actuellement sans
partage emportent définitivement le concept d’État dans les oubliettes de
l’histoire.
En conclusion, il faut retenir que « la séparation des pouvoirs » conjuguée
avec « le principe parlementaire britannique », qui éclate les responsabilités
et donne le pouvoir aux partis politiques, est une organisation politique
structurellement inapte à mettre en œuvre le principe de l’autodétermination
des peuples.

Deuxième partie : qu’est-ce que « les banques » ?

Techniquement, une banque est une « entreprise privée » qui prend


différentes formes en fonction de l’État dans lequel elle est implantée. Les
grandes banques à implantation internationale sont économiquement
contrôlées par des personnes physiques dont le grand public ignore, la
plupart du temps, le nom.

Au fil du temps, le système bancaire s’est intégré à différents niveaux :


d’une part, il s’est internationalisé et d’autre part il s’est consolidé au niveau
de chaque État. Historiquement, sur le territoire de chaque État, les
propriétaires de certaines banques privées se sont associés pour créer une
« banque centrale ». Cette banque centrale a été vendue aux autorités
politiques en mettant en avant les immenses services qui seront ainsi rendus
à l’État en question. Ces banques centrales ont été présentées au public sous
la forme de banques d’État alors que la détention capitalistique desdites
banques restait dans des mains privées. Dès lors, les entités juridiques, de
droit public, dénommées États se sont portées garantes des capitaux privés
investis dans ces « banques centrales ».

La banque est une entreprise privée de nature internationale

Il en découle que la banque est une organisation détenue par des personnes
privées qui restent, le plus souvent, anonymes.

L’organisation des banques en groupes d’entreprises bancaires et financières,


qui forment un nuage capitalistique, est un moyen essentiel, « capital », pour
rendre anonymes les véritables détenteurs de capitaux de ces entités
tentaculaires. En effet, il est parfois très difficile, même pour des services
d’État, de remonter aux associés décisionnaires des groupes d’entreprises en
raison du nombre de sociétés, de leur imbrication dans de multiples États et
de la multiplicité des formes sociales juridiquement disponibles. Il faut
évidemment ajouter à cela que certains États, vivant sous la coupe du droit
anglo-saxon, organisent eux-mêmes l’anonymat des détenteurs de capitaux
de certaines structures juridiques utilisées à des fins professionnelles, tels les
trusts anonymes.

Cette pratique des groupes d’entreprises permet aux détenteurs actifs des
capitaux de prendre, au niveau mondial, un poids économique et politique de
plus en plus important tout en restant dans l’ombre, c’est-à-dire à l’abri de
toute responsabilité politique.

Troisième partie : réponse à la question « l’État peut-il résister aux


banques »

Un constat : l’État actuel est entièrement dominé par le système bancaire

De façon fonctionnelle, l’État n’a, sans les banques, aucun moyen financier
propre pour atteindre les objectifs étatiques qu’il se fixe. En abandonnant
dans des mains privées sa fonction régalienne de battre monnaie, l’État s’est
volontairement placé dans une position d’infériorité par rapport aux
détenteurs du « fait économique ».

Or, les banquiers ne recherchent pas l’intérêt commun aux citoyens, ce qui
est le rôle de l’État en tant qu’entité politique, ils recherchent le
développement de leur intérêt privé, qui est donc de nature catégorielle ; cet
intérêt privé consiste aujourd’hui à asseoir leur domination politique par
l’élaboration d’un gouvernement mondial qu’ils contrôleraient
définitivement. L’abandon volontaire, par l’État, de la gestion monétaire a
pour conséquence directe de priver l’État de toute substance politique. L’État
est devenu un simple outil de pouvoir aux mains des banquiers anonymes.

Cette appropriation du phénomène politique par les principaux propriétaires


d’organismes bancaires s’est produite par le biais du contrôle intégral du
phénomène économique par lesdits « banquiers » (propriétaires des grandes
banques). Ce contrôle s’est réalisé par deux moyens principaux, le contrôle
des monnaies et l’anonymat des capitaux. L’anonymat a permis aux
banquiers d’organiser un accaparement discret des biens tangibles de cette
terre, sans soulever la juste indignation des masses populaires que n’aurait
pas manqué de provoquer une appropriation officielle par quelques
personnes, aussi violente eût-elle été.

Le contrôle des masses monétaires en circulation a permis le contrôle, par


corruption, du phénomène politique et le développement des moyens légaux
d’appropriation discrète des biens. C’est ainsi que l’État a lui-même organisé
l’anonymat des capitaux qui permet aux propriétaires contrôlant les grandes
banques de rester anonymes, ce qui favorise et rend possible le phénomène
d’accaparement généralisé des biens, par une combinaison de moyens légaux
(optimisation fiscale) et de moyens détournés, faisant l’objet d’un consensus
international, tel que l’organisation des Paradis fiscaux.

Une lueur d’espoir pour l’avenir : la domination des États par les
banques n’est pas inéluctable : « Ce que la main de l’homme a fait,
l’homme peut le défaire »

« Ce que la main de l’homme a fait, l’homme peut le défaire », mais il y a


des conditions à cela : une condition de forme et des conditions de fond.

La première condition de forme est une condition sine qua non : elle est que
les ressortissants des États prennent conscience de leur entière dépossession
du phénomène politique. Ce qui signifie qu’ils devront politiquement
s’organiser de façon à se donner les moyens concrets de reprendre le
contrôle de leur destin collectif.

La seconde condition est en réalité plurielle, elle est liée à la validité et à la


viabilité sur la durée de la reprise en main du phénomène politique par les
ressortissants des États. Il faudra, impérativement sous peine d’ineffectivité
de la reprise en main politique, réhabiliter le concept même de « droit » de
façon à rendre ce dernier compatible avec l’existence d’une civilisation.
Techniquement parlant, il faudra revenir aux concepts juridiques issus du
droit continental et, corrélativement, abandonner le droit du plus fort qui
prend la forme de la réglementation à la façon anglo-saxonne.

Nous sommes, sur le continent européen, en cours d’abandon définitif de


notre droit continental traditionnel issu du droit romain, lui-même modelé et
repris au fil des siècles par des préceptes de droit canon, au profit de ce droit
anglais, dont l’essor date des « Lumières », dominé par le principe de la loi
du plus fort.

La common law anglaise est un système juridique dont les règles sont
principalement édictées par les tribunaux au fur et à mesure des décisions
individuelles. Si l’on parle du droit anglais, il faut aussi parler du système de
« l’Equity » selon lequel le « prince », c’est-à-dire au début le roi puis le
chancelier, se sont accordé le droit de juger en fonction de préceptes moraux
les cas qui n’étaient pas abordés par la common law. Les principes de
« l’Equity » ainsi conçus ne méconnaissent pas la common law, ils s’y
adaptent. Tout cet arsenal juridique anglo-saxon a pris une ampleur
considérable en même temps que se développait le commerce maritime,
lequel commerce a toujours été contrôlé par les banquiers commerçants qui
ont leur quartier général à la City de Londres.

À l’opposé, le droit continental traditionnel était un droit de régulation fait


pour organiser la « vie de la Cité » ; alors que le droit anglais était un droit
édicté par et pour les tenanciers du commerce international. Ce droit
continental répondait à des règles strictes conçues autour du respect de la
personne humaine comprise comme une partie d’un tout formé par la
collectivité. Le « droit des gens » lui-même, qui était (assez grossièrement)
la partie du droit romain qui organisait les peuples vaincus, était conçu
autour des idées centrales de la personne et de l’organisation de la vie en
commun.

La supériorité du droit continental sur le droit anglo-saxon provient non


seulement de son expérience historique, mais aussi et surtout de sa vocation :
il est globalement, contrairement au droit anglo-saxon, mis au service de la
collectivité et non à celui de quelques élites autoproclamées.

Juin 2018

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/letat-peut-il-resister-aux-banques
La présence d’une banque centrale est-elle
compatible avec la souveraineté étatique ?

La banque est une organisation détenue par des personnes privées qui
restent, le plus souvent, anonymes. Dire que la banque est une entreprise
privée signifie que la banque a pour mission de mettre en œuvre les intérêts
privés de ses propriétaires. De façon structurelle, la banque, en tant
qu’entreprise privée, n’a jamais eu pour mission de remplir une fonction, de
nature politique, concernant l’intérêt commun. Les choses doivent être, à cet
égard, parfaitement claires.

Ce discours a été prononcé lors d’un colloque intitulé « Réémergence de la


Russie au XXIe siècle » organisé au Centre culturel russe de Paris, le
15 octobre 2018 par l’Académie de Géopolitique de Paris.

Bien qu’étant éminemment de nature géopolitique, la question des


banques centrales est un sujet trop peu souvent abordé eu égard à ses
enjeux ; car cette question est à l’origine d’un nombre considérable de
désordres politiques, économiques, sociaux et militaires.

Analyse du concept de « banque centrale »

Caroll Quigley a justement présenté les choses de la façon suivante :


« Les puissances du capitalisme financier (1850-1932) avaient un plan
de grande envergure, rien de moins que de créer un système mondial de
contrôle financier dans les mains du secteur privé capable de dominer
le système politique de chaque pays et l’économie mondiale d’un seul
tenant. » (tiré du livre Tragedy and Hope).

Je voudrais préciser que Caroll Quigley, titulaire d’un doctorat d’histoire à


l’université d’Harvard, était professeur à l’université de Georgetown,
membre de la Walsch School of Foreign Service, ainsi que consultant au
département de la Défense des USA, à la Smith-sonian Institution et au très
sélect Commitee on Astronomics and Space Exploration. Il avait été le
professeur du président Clinton.
La banque est à l’origine de la création des « banques centrales » qui ont
pour fonction de centraliser la gestion des monnaies

Nous verrons qu’à l’origine de la création du concept de « banque centrale »,


se trouve une coalition de banquiers privés qui ont suggéré, plus ou moins
ouvertement et loyalement, cette « innovation technique » aux différents
pouvoirs politiques en place.

Techniquement, une banque est une « entreprise privée » qui prend


différentes formes juridiques en fonction de l’État dans lequel elle est
implantée. Les grandes banques à implantation internationale sont
économiquement contrôlées par des personnes physiques dont le grand
public ignore, la plupart du temps, le nom.

Au fil du temps, le système bancaire s’est intégré à différents niveaux.

D’une part, il s’est internationalisé et concentré, chaque grande banque


d’affaires opérant par le biais des marchés ou de missions ou étant
directement implantée sur le territoire de différents États (HSBC, UBS,
Groupe privé de gestion d’actifs Edmond de Rothschild, banque d’affaires
Rothschild & Co, BNP Paribas présent sur tous les continents, J-P. Morgan,
Deutsche Bank présente dans plus de 75 pays, Goldman Sachs etc.).

D’autre part, il s’est consolidé par zone géographique au moyen des banques
centrales.

LA BANQUE EST UNE ENTREPRISE PRIVÉE DE NATURE


INTERNATIONALE

La banque est une organisation détenue par des personnes privées qui
restent, le plus souvent, anonymes. Dire que la banque est une entreprise
privée signifie que la banque a pour mission de mettre en œuvre les intérêts
privés de ses propriétaires. De façon structurelle, la banque, en tant
qu’entreprise privée, n’a jamais eu pour mission de remplir une fonction, de
nature politique, concernant l’intérêt commun. Les choses doivent être, à cet
égard, parfaitement claires.

Aujourd’hui, les banques sont organisées en groupes d’entreprises, bancaires


et financières, qui forment un nuage capitalistique ; les plus importantes
d’entre elles sont implantées ou travaillent dans la plupart des pays du
monde.

L’organisation des multinationales sous forme de groupes, autrement dit de


constellations capitalistiques, est un moyen essentiel, « capital », pour rendre
anonymes les véritables détenteurs de capitaux de ces entités tentaculaires. Il
est parfois très difficile, même pour des services d’État, de remonter aux
associés décisionnaires des groupes d’entreprises en raison du nombre de
sociétés, de leur imbrication dans de multiples États et de la multiplicité des
formes sociales juridiquement disponibles. Il faut évidemment ajouter à cela
que certains États, sous la coupe du droit anglo-saxon, organisent eux-
mêmes l’anonymat des détenteurs de capitaux de certaines structures
juridiques utilisées à des fins professionnelles, tels les trusts anonymes.

La pratique des groupes d’entreprises permet aux détenteurs actifs des


capitaux de prendre, au niveau mondial, un poids économique et politique de
plus en plus important tout en restant dans l’ombre, c’est-à-dire à l’abri de
toute responsabilité politique.

S’agissant du poids respectif des banques par rapport à celui des États, nous
pourrions citer l’exemple de BNP-Paribas dont le bilan officiel (non compris
le « hors bilan ») s’élève, pour 2017, à 1960 milliards d’euros, à comparer
avec le PIB de la France pour la même période qui s’élève à 2163 milliards
d’euros.

Néanmoins, les chiffres officiels présentés par les banques concernant leurs
revenus d’exploitation ne sont pas significatifs, car ils font l’objet de trop
nombreuses manipulations liées à l’existence d’une opacité juridique et
comptable internationale d’ordre systémique :

•La présence de trop nombreuses filiales dans les paradis fiscaux qui ne
font pas apparaître les donneurs d’ordre (sur le modèle des trusts
anonymes) ;

•L’organisation en groupes d’entreprises permettant, via le commerce


intragroupe, l’optimisation fiscale ;
•Les manipulations consistant à faire passer une partie des actifs en
« hors bilan » ;

•La quasi-liberté d’évaluation comptable des actifs (le « fair value »,


autrement dit « juste prix ») imposée par la comptabilité IFRS qui sévit
au niveau international, ces conditions ont pour conséquence que les
résultats financiers de ces groupes présentés au public n’ont aucune
valeur réelle et ne permettent pas de se faire une idée correcte de la
véritable puissance capitalistique des conglomérats bancaires.

En outre, il faut garder à l’esprit que le rapport de forces entre les banques et
les États ne se situe pas seulement au niveau capitalistique, il passe
également par :

•la participation de certaines banques, par le biais de leur donneur


d’ordre effectif, à la détermination des normes comptables (IFRS) et
bancaires internationales,

•les liens économiques, juridiques et parfois humains qui existent entre


les propriétaires de certaines banques et les groupes industriels
exploités sous forme de cartel (de façon officielle ou officieuse).

Il faut aussi préciser que ce sont les grandes banques, prioritairement celles
opérant à la City, qui ont organisé le réseau des paradis fiscaux fondé sur les
trusts anonymes. Ce réseau est juridiquement supervisé par les grandes
firmes anglo-saxonnes d’audit et de droit, les fameuses « Big Four ».

Ainsi, les capitaux cachés dans les paradis fiscaux sont sous l’entier contrôle
des grandes banques d’affaires internationales. Non seulement ces réseaux
opaques servent à collecter tout type d’argent (évasion, optimisation et
argent sale), mais surtout ils permettent aux banques qui y siègent d’utiliser
cet argent comme bon leur semble, aucune règlementation ne venant
entraver leurs « activités ».

LA BANQUE S’EST CONSOLIDÉE PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE


DANS UN SYSTÈME DE « BANQUES CENTRALES » AFIN DE
CENTRALISER LA GESTION DES MONNAIES
Le système établi par les banquiers s’est consolidé au niveau de chaque État,
ainsi que par zone géographique, au moyen des banques centrales.
Historiquement, sur le territoire de chaque État, les propriétaires des banques
privées les plus importantes se sont associés pour créer une « banque
centrale ». Il en a résulté que l’affectation des ressources monétaires est
devenue un monopole des banquiers privés coalisés au sein d’un système de
« banque centrale ».

Les « banques centrales » sont nées sous le signe de l’imposture : présentées


comme des banques d’État, elles disposaient à ce titre de la garantie de l’État
– c’est-à-dire des contribuables de l’État – alors que ses capitaux restaient
dans des mains privées. Les banques centrales ont le monopole de
l’affectation des ressources monétaires. Dans la mesure où ce monopole est
détenu par des intérêts privés, la monnaie ne peut, structurellement, plus
remplir son rôle de facilitation des échanges, rôle qui est pourtant à l’origine
même de sa création.

L’appropriation par des intérêts privés est le vice initial du concept de


banque centrale. C’est ainsi que la banque d’Angleterre (1694), la Banque de
France (1800), la Fed (1913), la Banque des Règlements Internationaux
(BRI/BIS 1930), le système européen de banques centrales (dit SEBC,
décidé par le Traité de Maastricht en 1992 et entré en vigueur en 1999), la
banque centrale de la Fédération de Russie (1990) reflètent toutes un
désengagement des instances politiques de l’État dans la gestion centralisée
des masses monétaires en circulation.

Par ailleurs, les banquiers eux-mêmes ont été assez créatifs pour remplacer
la méchante « planche à billets » par le « Quantitative Easing », qui entraîne
une stagflation, dont les résultats sont bien plus satisfaisants pour les
banquiers que l’inflation, leur permettant même d’accroître encore leur
accaparement.

Quoi qu’il en soit, inflation ou stagflation entraînent toujours, d’une façon


ou d’une autre, une augmentation des prix, augmentation que les banquiers
centraux s’estimeront en « droit », car c’est l’une de leurs missions
essentielles, de juguler en instaurant un assèchement de monnaie en
circulation par une augmentation des taux directeurs. Ainsi, après avoir
organisé l’inflation, les banquiers centraux génèrent eux-mêmes l’éclatement
des bulles spéculatives et la venue de « crises » monétaires, financières,
économiques et sociales.

Certains rétorqueront que la banque de France a été « nationalisée », mais là


encore, il faut s’entendre sur les termes : que signifie réellement une banque
« nationalisée » par un État dont les moyens d’action dépendent entièrement
du bon vouloir des banques et des marchés, c’est-à-dire des principaux
propriétaires de capitaux… ?

Au vu de l’évolution du rapport de forces entre banques et États, la véritable


question qui doit aujourd’hui être posée et publiquement débattue est la
suivante : les États sont-ils encore des entités juridiques indépendantes de
leurs banques ?

BANQUE DE FRANCE : GENÈSE

Mensongèrement présentée comme « intimement liée à l’histoire de la


nation », la Banque de France a été conçue, comme toutes les « banques
centrales », comme une entreprise capitalistique détenue par des personnes
privées. L’idée de sa création a été susurrée au premier consul Bonaparte,
lui-même alors principal actionnaire, par un banquier, Jean-Frédéric
Perrégaux lui-même nommé régent de cette banque. La fiche Wikipédia du
banquier Perrégaux fait référence à ses liens avec d’autres banquiers de
l’époque dans les termes suivants : « Jean Frédéric Perrégaux,… né en 1716,
… a fait l’apprentissage du commerce et de la finance à Mulhouse où il
apprend l’allemand, à Amsterdam et à Londres, puis il s’installe à Paris en
1765 où il travaille pour Jacques Necker et fréquente le salon de l’hôtel
Thellusson (tenu par la veuve du banquier genevois Georges-Tobie de
Thellusson [1728-1776], actionnaire de la Banque Girardot). En 1781, avec
l’aide de son compatriote Isaac Panchaud (banquier financier britannique
d’origine suisse), il fonde sa propre banque en s’associant au banquier Jean-
Albert Gumpelzhaimer, ancien correspondant à Paris de plusieurs banquiers
européens ».

FEDERAL RESERVE : GENÈSE

La Federal Reserve américaine (Fed) est née sous les mêmes auspices
fallacieux d’une banque privée présentée comme une banque publique, à
l’initiative de banquiers.

Créée à l’occasion d’une petite coterie composée de banquiers influents et


d’hommes politiques à leur solde, on y retrouve, à l’initiative de la Fed (sur
l’île de Jekyll Island) : le sénateur Aldrich (qui entretenait des relations
d’affaires avec J-P Morgan, lequel était le beau-père de John D. Rockefeller
fils), Abraham Piat Andrews (secrétaire assistant du Trésor américain,
homme politique qui fut tout au long de sa carrière très influent dans les
milieux bancaires), Frank Vanderlip (président de la National Bank of New-
York, plus puissante banque américaine qui représentait les intérêts
financiers de William Rockefeller et de la société d’investissement
internationale Kuhn & Loeb and Company), Henry Davison (principal
associé de J-P Morgan Company), Charles Norton (président de la First
National Bank of New-York), Benjamin Strong (directeur général de la J. P.
Morgan’s Bankers Trust Company, qui en devint PDG trois ans plus tard), et
enfin Paul Warburg (allemand naturalisé américain, partenaire de la Kuhn &
Loeb Company, il représentait également la dynastie bancaire Rothschild en
Angleterre et en France).

L’idée d’une banque centrale a été vendue par les banquiers aux « autorités
politiques » et surtout au public en mettant en avant les immenses services
qui seraient rendus à l’État par cette « centralisation monétaire », mise en
œuvre par les banquiers. Ces banques centrales ont été présentées au public
sous la forme de banque d’État alors que la détention capitalistique desdites
banques restait dans des mains privées, les banquiers privés contrôlant
désormais officiellement les émissions monétaires. Dès lors, les entités
juridiques, de droit public, dénommées États se sont portées garantes des
capitaux privés investis dans ces « banques centrales ».

BANQUE CENTRALE DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE : GENÈSE

Nous avons, en Occident, peu d’informations disponibles sur la première


banque centrale russe (Banque d’État de l’Empire russe), créée le 31 mai
1860 par Ukase du tsar Alexandre II, et dont la mission semblait être
d’accorder des prêts à court terme aux entreprises russes. Nous avons
également assez peu d’informations sur la Banque d’État de l’URSS.
En revanche, nous disposons de davantage d’informations sur la Banque
Centrale de la Fédération de Russie, fondée le 13 juillet 1990 à partir de la
Banque de la République de Russie, émanation de la Banque d’État d’URSS.
Cette banque fonctionne sur le modèle des banques centrales occidentales :

•c’est le « régulateur du système bancaire russe » ;

•elle octroie des licences aux opérateurs bancaires ;

•elle définit les principes de gestion et les normes comptables


applicables au secteur bancaire russe ;

•elle est prêteur en dernier recours des établissements financiers russes ;

•elle est responsable de la politique monétaire russe, notamment par la


fixation des taux d’intérêts interbancaires, sous la sérieuse réserve
qu’elle est

•membre à part entière de la BRI, chargée d’élaborer les politiques


monétaires qui seront suivies par ses membres.

Rappelons que la BRI est une entité privée dont le capital est composé
d’actions appartenant, depuis le dernier élargissement de 2011, à 60 banques
centrales. Ce capital est divisé en 600 000 actions, dont la moitié
appartiennent aux banques centrales d’Allemagne, d’Angleterre, de
Belgique, de France, d’Italie et des États-Unis d’Amérique, ou à tout autre
établissement financier de ce dernier État. Ce sont les gouverneurs de ces six
banques centrales qui se partagent la direction de la BRI, avec les
gouverneurs des banques centrales du Brésil, du Canada, de Chine, de
l’Inde, du Japon, du Mexique, des Pays-Bas, de Suède et de Suisse, et le
président de la Banque centrale européenne (BCE). Son capital, libellé en
DTS, s’établissait, au 31 mars 2017, à 242,2 milliards de DTS/SDR (Droits
de Tirage Spéciaux ou Special Drawing Rights).

Rappelons au passage que les DTS sont, en tant que panier de monnaies,
destinés à devenir la prochaine monnaie mondiale, lorsque le dollar US aura
cédé sa place centrale. On ne saurait trop insister sur le fait que les DTS ne
sont rien d’autre que la résurgence du Bancor que Keynes, en tant que porte-
parole des banquiers de la City de Londres, voulait imposer au monde au
moment des Accords de Bretton Woods.

La Banque centrale de la Fédération de Russie semble, depuis sa création,


suivre une politique monétaire relativement constante consistant à limiter,
pour ne pas dire à raréfier, l’offre de monnaie disponible. Cette politique
monétaire a pour conséquence mécanique le fait que la Russie ne dispose pas
d’une économie réellement indépendante, c’est-à-dire indépendante à la fois
vis-à-vis de l’étranger et vis-à-vis de ses matières premières. Le 14
septembre 2018, la Banque Centrale vient une fois de plus de relever son
taux directeur d’un quart de point pour le fixer à 7,5 % (Relèvement
intempestif du taux directeur). Cette politique monétaire restrictive est la
raison précise pour laquelle la Russie n’arrive pas à devenir un réel acteur
économique de poids à l’échelle mondiale.

Rappelons en effet que la Chine n’est devenue la puissance économique que


nous constatons aujourd’hui qu’en raison du fait que les conglomérats
financiers anglo-saxons lui avaient procuré les capacités de financement
nécessaires en investissant massivement sur son territoire. Aujourd’hui, les
capacités économiques acquises par la Chine lui permettent d’envisager de
devenir son propre acteur économique et financier.

Je profite de cette petite digression pour signaler que la situation en Occident


est exactement inverse à celle que connaît la Russie. La stratégie occidentale
des banquiers consiste à fournir une profusion de liquidités aux systèmes
bancaire et financier, ce qui a pour effet direct la création d’énormes bulles
sur les actifs ; bulles destinées à éclater en appauvrissant les classes
moyennes, ce qui augmente par voie de conséquence la concentration des
richesses dans les mains de ceux qui ont organisé lesdites bulles. Pour
préciser un peu le système : l’accroissement de l’offre de monnaie par prêts
interposés a pour effet direct de faire monter artificiellement les prix des
actifs par une multiplication artificielle des flux de transactions (due à la
profusion de prêts disponibles). Après avoir organisé une profusion de
liquidités sous forme de dettes et ainsi créé des « bulles spéculatives », les
banquiers centraux estiment généralement nécessaire de réduire, de façon
plus ou moins brutale, l’offre de liquidités, par une remontée des taux
directeurs ; il en résulte une explosion des « bulles spéculatives », une baisse
brutale des prix générant un appauvrissement généralisé, mais permettant un
rachat à vil prix des actifs dépréciés par les plus grands capitalistes. Ainsi la
création de crises monétaires permet un accaparement des actifs dans les
mains de ceux qui ont généré ces crises.

La politique monétaire appliquée par différentes banques centrales membres


de la BRI s’inscrit dans le cadre du changement de paradigme monétaire
international : c’est-à-dire du passage du dollar au DTS en tant que monnaie
mondiale. L’appauvrissement économique des uns (Occident mené par les
USA), la stagnation économique des autres (Russie) et l’enrichissement
économique du troisième (Chine) a pour objectif de faire piloter et contrôler
par les banquiers à la manœuvre le pourcentage de DTS qui sera in fine
détenu par les différentes régions du monde.

À ce propos, permettez-moi d’ajouter que la guerre économique menée


actuellement par le président Trump s’inscrit parfaitement dans la démarche
stratégique des banquiers centraux consistant à rééquilibrer les différentes
zones géographiques. Il s’agit d’abattre ou de réduire la puissance
économique américaine de façon à réduire son poids dans les futurs DTS, et
dans le gouvernement mondial des banquiers qui suivra immanquablement
l’arrivée de la monnaie mondiale. Outre que cette guerre commerciale arrive
à point pour cacher aux Américains l’origine de leur perte de puissance
économique, cette guerre est surtout utile pour organiser la diminution de la
puissance économique américaine afin de limiter ses futurs droits dans les
DTS.

La détermination de la politique monétaire mondiale par les banquiers


centraux est, de façon mécanique, destinée à satisfaire l’insatiable appétit des
personnes qui se cachent derrière les énormes et opaques conglomérats
bancaires. Elle n’est destinée ni à rendre aux États et aux nations leur
souveraineté politique ni à remplir le rôle pour lequel le concept monétaire a
été créé : celui de faciliter et de fluidifier les échanges économiques.

BRI/BIS : GENÈSE

Il est également intéressant de connaître les conditions dans lesquelles est


née la BRI/BIS, officialisée à l’occasion du plan Young de 1930.
La BRI est la traduction institutionnelle d’un plan élaboré par un
conglomérat d’intérêts bancaires et financiers : en 1920, John Foster Dulles
(1888 – 1959) qui deviendra secrétaire d’État, représentant les intérêts de la
Banque d’Angleterre et de J-P Morgan dans l’Europe d’après-guerre,
rencontre Hjalmar Schacht (1877-1970) alors fonctionnaire subalterne
auprès de l’autorité bancaire allemande créée par les Alliés.

En mars 1922, Schacht fait part à John Foster Dulles d’un nouveau système
financier international afin de financer l’Allemagne, prétendument pour les
réparations de guerre, mais réellement pour la remilitarisation. Citons
Schacht :

« Mon idée est que ce ne soit pas un emprunt d’État, mais un emprunt
de compagnies privées. Je veux former, disons, quatre compagnies
privées allemandes, et à chacune d’entre elles, le gouvernement
allemand devra accorder le monopole des exportations en gros de
produits tels que le charbon, la potasse, le sucre et le ciment. Chacune
de ces compagnies contrôlera l’exportation d’un de ces produits. Le
monopole devra être accordé pour 20 ans. Les producteurs nationaux
devront leur remettre leur production. (…) Ces sociétés émettront des
emprunts d’un montant total de 5 milliards de marks-or. (…) Comme le
total des exportations des quatre peut être estimé à 500 millions de
marks-or, le montant de l’emprunt sera remboursé en 10 ans. (…)
L’emprunt que je propose (…) n’est basé sur aucun traité politique. (…)
Le remboursement sera sous le contrôle, tout d’abord, d’industriels et
d’hommes d’affaires appartenant aux rangs les plus élevés. »

Dulles fait suivre la lettre à Thomas W. Lamont, un associé de J.P. Morgan,


et au cours des années qui suivent, l’essentiel de ce plan Schacht-Dulles-
Morgan sera mis en œuvre. Voilà l’origine des cartels internationaux basés
en Allemagne et dirigés par les Britanniques, qui furent créés dans les
années 20.

Schacht lui-même sera nommé Commissaire à la monnaie nationale


allemande en novembre 1923, et un mois plus tard, président de la
Reichsbank.
Depuis 1919, John Foster Dulles était l’avocat de Richard Merton, fondateur
du plus important de ces cartels, l’Interessen Gemeinschaft Farben (IG
Farben). En 1924, il est choisi par J.P. Morgan pour mettre en œuvre le plan
Dawes prévoyant la réorganisation, dans le cadre de négociations avec
Schacht, du versement des réparations de guerre. En 1926, il deviendra
directeur exécutif de Sullivan and Cromwell, le cabinet d’avocats de tous les
cartels. De 1926 à 1929, le plan Schacht-Dulles-Morgan débouche sur une
série d’arrangements impliquant nombre des plus grandes sociétés
britanniques, américaines et allemandes. Les deux principaux cartels sont le
trust chimique IG Farben et le Cartel international de l’Acier, dont la
création est redevable aux prêts étrangers d’un montant de 800 millions de
dollars accordés dans le cadre du plan Dawes, en vue de cartelliser la chimie
et la sidérurgie allemandes. Ces prêts sont gérés aux trois-quarts par trois
firmes de Wall Street : Dillon, Read & Co ; Harris, Forbes & Co et National
City.

L’EXTRÊME IMBRICATION DES BANQUES DANS LA


COMPOSITION ET LA STRUCTURATION DES CARTELS,
VÉRITABLES CONGLOMÉRATS ÉCONOMIQUES

La genèse tant des grandes firmes américaines du début du XXe siècle


(pétrole, rail…) que de la BRI, laisse apparaître l’extrême imbrication des
grandes banques d’affaires dans la création de cartels ; cette création a
favorisé la discrète, mais très efficace prise du pouvoir politique par le « fait
économique ». Ce phénomène de prise de contrôle politique par les
détenteurs du « fait économique » n’a pu se réaliser qu’à la faveur de
l’anonymat des capitaux, lequel a permis la rupture entre pouvoir et
responsabilité politique.

Je voudrais ajouter un élément ontologique fondamental : alors que le « fait


politique » est historiquement issu de sociétés sédentaires, le « fait
économique », et l’anonymat des capitaux qui le véhicule relèvent
fondamentalement du fonctionnement de sociétés nomades.

La lutte actuelle entre « fait politique » et « fait économique » est, de façon


structurelle, un conflit entre « Société sédentaire » et « Société nomade ».

CARTEL IG FARBEN : HISTORIQUE


L’histoire du cartel IG Farben est très intéressante, on y trouve une très
étroite imbrication des intérêts allemands et anglo-saxons. Ce cartel est
également associé à « l’ordre économique nouveau », ancêtre du « Nouvel
Ordre Mondial », recherché par l’Allemagne nazie.

En 1925, IG Farben regroupe six des plus gros producteurs chimiques


allemands. En août 1927, Standard Oil conclura avec lui un programme
conjoint de recherche et de développement sur l’hydrogénation (production
d’essence à partir du charbon), procédé découvert par un chercheur allemand
en 1909. En 1928, Henry Ford fusionnera ses actifs allemands avec ceux
d’IG Farben. Le 9 novembre 1929, un cartel pétrochimique international sera
créé suite au mariage d’IG Farben avec les Britanniques ICI et Shell Oil, et
les Américains Standard Oil et Dupont.

C’est l’accord entre Standard Oil et IG Farben qui constitue le pilier du


cartel.

Premièrement, Standard Oil se voit accorder la moitié de tous les droits


concernant le procédé d’hydrogénation pour tous pays sauf l’Allemagne.
Deuxièmement, Standard Oil et IG Farben se mettent d’accord pour « ne
jamais se concurrencer l’un l’autre dans les secteurs de la production
chimique et de la production pétrolière. Désormais, si Standard Oil
souhaitait entrer dans le domaine des produits chimiques industriels ou des
médicaments, ce ne serait possible qu’en partenariat avec Farben. En
retour, Farben s’engageait à ne jamais pénétrer le secteur du pétrole sauf en
association avec Standard ».

Lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale, IG Farben a passé des accords


de cartel avec 2000 sociétés dans le monde, dont Ford Motor Co., Alcoa,
General Motors, Texaco et Procter et Gamble, pour n’en citer que quelques-
unes.

IG Farben a été dissout par décret en 1950 et démantelée en12 entités dont
les principales sont : Bayer, BASF, Agfa, Hoechst et Dynamit Nobel…

Notons que BASF, Bayer et Agfa composaient, à la fin de la 1re Guerre


mondiale, la « petite IG » qui avait fusionné avec Hoechst et 2 autres
sociétés pour faciliter et accélérer le retour d’IG Farben sur la scène
mondiale. Avant et après les guerres, on retrouve finalement toujours les
mêmes… IG Farben a donc été démantelé au profit des entités qui s’étaient
alliées pour sa création… Une sorte de « démantèlement pour rire », un
simili démantèlement destiné à calmer le public et les quelques personnes
opposées aux cartels.

Bayer et IG Farben étaient des sociétés étroitement impliquées du point de


vue capitalistique (Bayer étant une filiale d’IG Farben). Or, Bayer a
notamment pour « faits d’armes », d’avoir utilisé des cobayes humains
trouvés dans les camps de concentration pour faire in vivo des expériences
médicales : « Sous le régime nazi, Bayer, filiale du consortium chimique IG
Farben, procéda en effet à des expériences médicales sur des déportés,
qu’elle se procurait dans les camps de concentration en particulier. » Les
camps de concentration eux-mêmes étaient des sites industriels appartenant
aux géants pharmaco-chimiques de l’époque.

Il n’a échappé à personne que la même Bayer a, en 2016, racheté Monsanto


pour la modique somme de 66 milliards de dollars (59 milliards d’euros),
Monsanto qui a, notamment commercialisé, entre autres vilénies, l’agent
orange (avec 6 autres entreprises productrices, dont Dow Chemical), dont
l’herbicide commercialisé sous la marque « Roundup » est un dérivé.

L’agent orange est à l’origine du concept de tératologie utilisé comme arme


de guerre : le génome humain est irrémédiablement corrompu par les effets
de l’agent orange sans que l’être vivant en résultant devienne pour autant
stérile.

Aujourd’hui, Monsanto et les autres firmes pharmaco-chimiques sont très


investies dans la commercialisation des produits OGM. Pour contourner et
anticiper les futures règlementations en la matière, ces firmes se mobilisent
aujourd’hui sur les recherches concernant les ARN messagers, qui sont des
copies transitoires d’une portion de l’ADN correspondant à un ou plusieurs
gènes. Il s’agira de diffuser non plus des OGM, mais des ARN messagers
permettant de modifier la substance vitale des plantes ; cette diffusion
massive se fera au moyen de la vaporisation généralisée d’ARN messagers
sur les champs.
Ces entreprises ne sont jamais à court ni d’argent ni d’idées pour
expérimenter de nouveaux procédés toxiques en grandeur nature sans aucun
garde-fou. Aucune règlementation ne peut être opposée à ces conglomérats
par des États structurellement mis en position d’inféodation économique et
juridique par des organismes supranationaux tels que les instances
européennes, l’OMC, l’OCDE…

CARTEL DE L’ACIER : À L’ORIGINE DU PROJET ÉTATS-UNIS


D’EUROPE ET DE CE QUI DEVIENDRA LES INSTITUTIONS DE
L’ACTUELLE UNION EUROPÉENNE

En 1926, le Cartel international de l’Acier ouvre ses bureaux au


Luxembourg. Il servira de véritable « gendarme privé » du commerce
mondial de l’acier de 1926 à 1939. Sa composante allemande, qui regroupe
les quatre plus gros producteurs d’acier nationaux, s’appelle Vereinigte
Stahlwerke. Ce groupe recevra 100 millions de dollars de la part
d’investisseurs privés aux États-Unis. Dillon, Read & Co., la société de
placement new-yorkaise de Clarence Dillon, James V. Forrestal et William
H. Draper, Jr., s’est occupée de l’émission des obligations.

Lors de la signature du premier accord international, le 30 septembre 1926,


tous les sponsors du cartel se vantent de ce que le premier pas vers la
formation « des États-Unis économiques de l’Europe » vient d’être franchi.
Douze ans plus tard, près de 90 % du fer et de l’acier commercialisé au
niveau international sont sous le contrôle du Cartel de l’Acier. Outre
l’Allemagne qui le dirige, l’Autriche, la Pologne, la Tchécoslovaquie, le
Royaume-Uni et les États-Unis en font partie, même s’il est interdit aux
compagnies américaines, U.S. Steel, Bethlehem et Republic, de signer les
accords formels, sous peine de violer les lois antitrust américaines.

En 1919, trois producteurs allemands de lampes électriques, Siemens &


Halske, AEG et Auergesellschaft, avaient formé une nouvelle société
dénommée Osram, pour tenter de regagner les biens et les marchés perdus à
l’étranger. AEG était en grande partie contrôlé par General Electric et des
liens similaires existaient entre toutes les autres entreprises du même genre
en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis. En 1924, afin de prévenir
toute concurrence extérieure, Osram propose la création en Suisse d’une
société dénommée Phœbus, qui appartiendrait à toutes les compagnies du
cartel et serait dirigée conjointement par elles. En juillet 1929, Osram et la
filiale de General Electric pour l’étranger, International General Electric,
créent un « partenariat pour tout temps ». À partir de 1929, les relations entre
Osram et International General Electric se développeront suivant le même
modèle que celles existant entre IG Farben et ses partenaires étrangers.
Pendant les années 20, les quatre cinquièmes de l’industrie allemande étaient
encore regroupés dans des cartels.

Le cartel de la métallurgie étant à l’origine des institutions européennes (qui


ont en effet débuté avec la CECA), il ne faut pas s’étonner que les instances
bureaucratiques de l’Union dite Européenne cherchent à sauver les
institutions jumelles de l’OMC qui œuvrent à imposer et à pérenniser le
libre-échange au niveau mondial.

Tous ces cartels, financés par les conglomérats bancaires, plongent la


civilisation entière, et tout ce qui vit sur terre, dans un espace inconnu de
monstruosité humaine et inhumaine (voir aussi à ce sujet les récents
développements sur ce que fut la guerre américaine en Corée : un vaste
champ expérimental pour des expériences chimiques et biologiques de
grande envergure).

Étant donné l’énorme explosion, aussi bien quantitative que qualitative, des
découvertes actuelles, la question qui se pose est de savoir s’il faut vraiment
laisser aux banquiers et aux conglomérats économiques qu’ils ont créés, le
monopole de ces découvertes, alors que ces derniers ont largement fait leurs
preuves en matière de nuisance sociale et civilisationnelle (pour ceux qui en
douteraient, je les invite à visionner certaines conférences du Dr Rath).

L’État tel qu’actuellement conçu est entièrement dominé par le système


bancaire, or « la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit »
(Napoléon)

De façon fonctionnelle, l’État n’a, sans les banques, aucun moyen financier
propre pour atteindre les objectifs étatiques qu’il se fixe. En abandonnant
dans des mains privées sa fonction régalienne de battre monnaie, l’État s’est
volontairement placé dans une position d’infériorité par rapport aux
détenteurs du « fait économique ».
Or, les banquiers ne recherchent pas l’intérêt commun aux citoyens, ce qui
est le rôle de l’État en tant qu’entité politique, ils recherchent le
développement de leur intérêt privé, qui est de nature catégorielle ; cet
intérêt privé consiste aujourd’hui à asseoir leur domination politique par
l’élaboration d’un gouvernement mondial qu’ils contrôleraient
définitivement.

L’abandon volontaire, par l’État, de la gestion monétaire a pour conséquence


directe de priver l’État de toute substance politique. L’État est devenu un
simple outil de pouvoir aux mains des banquiers anonymes. Le système
financier mondial est piloté par les principaux banquiers qui œuvrent à la
City, qui contrôlent la grande majorité des banques centrales et des paradis
fiscaux de la planète.

Entre les mains des banquiers, la monnaie est devenue un bien matériel
qu’ils ont accaparé. En effet, la monnaie aujourd’hui, largement considérée
comme un simple « actif », a perdu sa valeur comptable neutre « d’actif-
passif ». En falsifiant le concept juridique et comptable de monnaie, les
banquiers ont pu corrompre les systèmes politiques, et les hommes qui les
incarnent, de façon à dominer le « fait politique ».

L’existence des banques centrales a pour effet mécanique de rendre obsolète


la notion de « politique ». Les hommes politiques et les États deviennent, par
le fait des banques centrales, une simple émanation des intérêts catégoriels
des grands banquiers qui règnent sans partage et sans contrepouvoirs sur le
monde.

Il serait temps que les populations et les hommes politiques prennent


conscience de cet énorme pouvoir que les banquiers se sont octroyé et y
mettent un terme. Il n’existe de pouvoir politique que monétairement
souverain, la présence des banques centrales est un empêchement dirimant
pour l’exercice du « pouvoir » par des hommes « politiques ».

La domination des États par les banques n’est pas inéluctable

« Ce que la main de l’homme a fait, l’homme peut le défaire », mais il y a


des conditions à cela : une condition de forme et des conditions de fond.
LA PREMIÈRE CONDITION : RÉALISER UNE PRISE DE
CONSCIENCE DE LA DISPARITION DU PHÉNOMÈNE
POLITIQUE

La première condition, de forme, est une condition sine qua non : elle est
que les ressortissants des États prennent conscience de leur entière
dépossession du phénomène politique. Ce qui signifie qu’ils devront
politiquement s’organiser de façon à se donner les moyens concrets de
reprendre le contrôle de leur destin collectif.

Le seul remède à la disparition du concept politique est de rendre à César ce


qui appartient à César : c’est-à-dire d’en finir avec la rupture de symétrie,
organisée par les banquiers, entre pouvoir et responsabilité. Cela nécessite
d’abandonner l’organisation étatique autour des deux principes que sont 1°)
la séparation des pouvoirs et 2°) le parlementarisme à l’anglaise, qui suppose
un mandat représentatif des élus.

LA SECONDE CONDITION : RÉHABILITER LE CONCEPT DE


« DROIT » ET ABANDONNER CORRÉLATIVEMENT LES
PRINCIPES JURIDIQUES ANGLO-SAXONS

La seconde condition est liée à la validité et à la viabilité sur la durée de la


reprise en main du phénomène politique par les ressortissants des États. Il
faudra, impérativement à peine d’ineffectivité de la reprise en main
politique, réhabiliter le concept même de « droit » de façon à rendre ce
dernier compatible avec l’existence d’une civilisation. Techniquement
parlant, il faudra revenir aux concepts juridiques issus du droit continental
et, corrélativement, abandonner le droit du plus fort qui prend la forme de la
réglementation à la façon anglo-saxonne.

Nous sommes, sur le continent européen, en cours d’abandon définitif de


notre droit continental traditionnel issu du droit romain, lui-même modelé et
repris au fil des siècles par des préceptes de droit canon, au profit du droit
anglais dominé par le principe de la loi du plus fort.

La « common law » anglaise est un système juridique dont les règles sont
principalement édictées par les tribunaux au fur et à mesure des décisions
individuelles ; ces décisions ne concernaient, à l’origine, que les seigneurs,
c’est-à-dire la caste dominante. Si l’on parle du droit anglais, il faut aussi
parler du système de « l’Equity » selon lequel le « prince », c’est-à-dire au
début le roi puis le chancelier, se sont accordés le droit de juger en fonction
de préceptes moraux les cas qui n’étaient pas abordés par la « common
law ». Les principes de « l’Equity » ainsi conçus ne méconnaissent pas la
« common law », ils s’y adaptent.

Tout cet arsenal juridique anglo-saxon a pris une ampleur considérable en


même temps que se développait le commerce maritime, lequel commerce a
toujours été contrôlé par les banquiers commerçants qui ont leur quartier
général à la City de Londres.

Ce qui est resté constant est que le système juridique anglais est
essentiellement conçu par et pour la caste dominante : les tenanciers du
système économique, essentiellement les banquiers ont, à partir de la période
des Grandes Découvertes, succédé aux seigneurs qui régnaient par les armes.

Alors que le droit anglais est un droit édicté par et pour les tenanciers du
commerce international, le droit continental traditionnel est un droit de
régulation fait pour organiser la « vie de la Cité ». Ce droit continental,
actuellement en voie d’extinction, répondait à des règles strictes conçues
autour de la personne humaine comprise comme une partie d’un tout formé
par la collectivité. Le droit des gens lui-même, qui était (assez
grossièrement) la partie du droit romain qui organisait les peuples vaincus,
était conçu autour des idées centrales de la personne et de l’organisation de
la vie en commun.

La supériorité du droit continental sur le droit anglo-saxon provient non


seulement de son expérience historique, mais aussi et surtout de sa vocation :
il est globalement, contrairement au droit anglo-saxon, mis au service de la
collectivité et non à celui de quelques élites autoproclamées, qui ont usurpé
leur pouvoir par des moyens déloyaux en organisant leur anonymat.

La question de l’extraterritorialité du droit anglo-saxon

Revenons un instant sur la question, très sensible actuellement, de


l’extraterritorialité du droit anglo-saxon.
Cette extraterritorialité se décline de deux façons différentes et successives,
c’est-à-dire qu’elle prend deux formes bien distinctes. D’une part, la
généralisation de l’implantation du système juridique anglais sur tous les
continents et, d’autre part, le recours par le pouvoir américain à des
sanctions pécuniaires contre les entreprises.

De ces deux formes, seule la seconde, qui se traduit par des sanctions
financières en provenance des États-Unis, apparaît dans les radars
médiatiques et juridiques alors que la première forme est, de loin, la plus
dangereuse pour les libertés publiques et pour le concept même de
civilisation.

L’EXPORTATION ABUSIVE DU SYSTÈME JURIDIQUE ANGLAIS


SUR TOUS LES CONTINENTS

La première occurrence de l’extraterritorialité du droit anglais se décline de


deux façons. Elle relève, pour les banquiers de la City :

•de leur volonté hégémonique : ils veulent conserver à leur strict


avantage le contrôle de l’argent circulant dans tous les paradis fiscaux.
Concrètement, il s’agit d’imposer le trust comme forme unique
d’anonymat afin de supprimer tous les paradis fiscaux fondés sur les
comptes numérotés qui échappaient aux banquiers de la City ; d’où la
guerre sans merci lancée à la fin des années 2000 contre les « paradis
fiscaux », qui n’a été qu’une guerre de la City contre les sites d’évasion
fiscale qu’ils ne contrôlaient pas, en premier lieu la Suisse ;

•de la « nécessité », pour les grandes banques opérant à la City,


d’adapter les systèmes juridiques étrangers de sorte que ces derniers
puissent adopter les nouveaux produits issus de la finance dérégulée.
L’objectif est de permettre la circulation des produits financiers dérivés
ou synthétiques, économiquement toxiques, au niveau mondial.

Cette forme d’extraterritorialité se matérialise par la nécessité d’adapter les


systèmes de droit afin de les rendre compatibles avec le « droit anglais ».

Dans cette première occurrence de l’extraterritorialité du droit anglais, il


s’agit, par exemple, d’importer des concepts comme le trust – partiellement
traduit en « fiducie » par le droit français – comme la « propriété
économique », comme la « titrisation » via les fonds communs de créances
(special purpose vehicle).

Signalons au passage qu’à l’occasion de cette transformation du droit


continental, les créances deviennent sujettes à appropriation, elles passent
donc du statut juridique de « droit personnel » à celui de « droit réel » ! Ce
glissement n’est pas anodin, car il suppose une réification des relations
humaines ; on se rapproche ainsi insidieusement et dangereusement d’un
système légal d’esclavagisme, dans lequel l’individu est considéré comme
un « bien » pour les juristes, une « marchandise » dans le langage des
économistes.

C’est également cette transformation du droit continental qui a, via


l’intrusion discrète du concept de « propriété économique », rendu possible
la transformation monétaire : de « neutre » (la neutralité étant matérialisée
par sa nature comptable « d’actif-passif ») la monnaie est peu à peu devenue
un simple « actif » comptable.

Il s’agit également d’uniformiser les normes comptables internationales sur


le modèle anglo-saxon des IFRS ; lesquelles normes sont édictées par des
organismes pilotés par les grandes multinationales cachées derrière des
organismes qui siègent dans des paradis fiscaux. C’est ainsi que
disparaissent les règles de l’ancienne comptabilité nationale au profit des
principes anglo-saxons.

Cette première forme d’extraterritorialité consiste à éliminer,


progressivement, les systèmes de droits qui ne sont pas compatibles avec le
droit anglais. C’est ainsi que peu à peu, disparaît le droit commun français
issu du Code civil pour être remplacé par les principes commerciaux qui sont
le fondement même du « droit » anglo-saxon.

LE RECOURS, PAR LES INSTANCES AMÉRICAINES, À DES


SANCTIONS PÉCUNIAIRES CONTRE LES ENTREPRISES

La seconde occurrence de l’extraterritorialité du droit anglo-saxon est


davantage connue et surtout davantage dénoncée à grand renfort de médias.
Il s’agit des sanctions financières imposées par les instances politiques et
juridiques américaines à toute entreprise utilisant soit le dollar soit un
quelconque composant d’origine américaine dans leur processus de
fabrication ou dans leur fonctionnement.

Cette forme d’extraterritorialité sanctionne essentiellement les


multinationales, bancaires ou non, étrangères aux États-Unis. Les
multinationales, ainsi prises à partie, ont très rapidement mobilisé les
pouvoirs publics et les médias pour dénoncer ces pratiques prédatrices du
pouvoir américain, réussissant à mobiliser un large public contre la
puissance économique déclinante de l’Amérique. En conséquence,
l’extraterritorialité du droit formalisée par les sanctions économiques est la
seule forme d’extraterritorialité dénoncée par les médias et donc connue du
public.

Or, il faut comprendre que, fondamentalement, cette seconde forme


d’extraterritorialité n’est ni la plus grave, ni la plus définitive et qu’elle ne
concerne, globalement que les bilans des multinationales, à l’inverse de la
première forme d’extraterritorialité qui suppose une véritable révolution
d’ordre tectonique dans l’organisation des peuples. C’est la première forme
d’extraterritorialité qui attaque en profondeur le mode de vie et la sécurité
juridique des ressortissants d’un État ; elle tend, par exemple en France à
faire disparaître le principe même de la propriété privée et à transformer la
monnaie en propriété bancaire. La première forme de l’extraterritorialité
met, fondamentalement, en danger l’organisation sociale issue du mode de
vie sédentaire au profit du nomadisme.

Par ricochet, l’extraterritorialité qui prend la forme de sanction financière


des multinationales vient renforcer la première forme d’extraterritorialité
depuis que les États sont devenus de simples émanations des
multinationales. Les ponctions sur les budgets étatiques pour renflouer les
bilans déficitaires des conglomérats financiers ont pour corolaire de
substantielles augmentations d’impôts et diminutions de services publics ; il
en résulte un appauvrissement des ressortissants des États qui va jusqu’à
porter atteinte à la capacité des individus de devenir propriétaires
(notamment de leur logement).
En ce sens, les deux occurrences de l’extraterritorialité du droit anglo-saxon
se renforcent l’une l’autre pour aboutir à la perte totale et définitive de
contrôle des individus sur les éléments essentiels de leur vie, pour réinstaurer
le principe de l’esclavage au niveau légal.

Conclusion

Les techniques de contrôle monétaire sont parfaitement rodées et mises en


application par les grands banquiers au moyen des banques centrales qui ont
elles-mêmes organisé, au niveau mondial, leur anonymat et le secret de leurs
affaires.

En contrôlant l’affectation des ressources monétaires, les banquiers décident


réellement qui sera « riche » et qui sera « pauvre », aussi bien au niveau des
individus et des entreprises (microéconomie), que des groupes socio-
économiques, des États et même, plus largement, des zones géographiques
(macroéconomie).

Dans ce contexte, la création de richesses devient artificielle, elle est pilotée


par les banquiers et ne remplit qu’un seul objectif : satisfaire leur insatiable
soif de pouvoir et mener le monde vers un « gouvernement mondial » qu’ils
contrôleront définitivement de façon absolue et officielle, ce qui leur
manquait jusqu’ici. Le modèle sédentaire cèdera alors définitivement la
place au modèle nomade.

Octobre 2018

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/la-presence-dune-banque-centrale-est-elle-
compatible-avec-la-souverainete-etatique

Comment et pourquoi le dollar


va laisser la place aux DTS
comme monnaie mondiale

L’année 1971 voit arriver la fin de la convertibilité or du dollar. N’ayant plus


suffisamment d’or pour garantir l’intégralité des dollars en circulation, le
gouvernement de Nixon se voit contraint, consécutivement à la pression de
De Gaulle qui avait exigé la transformation d’une grande partie des avoirs
américains détenus par la France en or, d’abandonner le principe de
convertibilité dollar-or.

DÉCRYPTAGE JURIDICO-ÉCONOMICO-POLITIQUE

1. Histoire de la monnaie mondiale : retour sur la séquence historique


ayant débuté en 1944

En 1944, lors de la négociation de ce qui sera désormais mondialement


connu comme les accords de Bretton Woods, les États-Unis d’Amérique, via
leur émissaire Harry Dexter White, l’assistant du secrétaire au Trésor des
États-Unis, gagne la lutte pour la monnaie mondiale contre le Bancor
soutenu par John Meynard Keynes et ses puissants maîtres de la City. Le
dollar devient donc la monnaie mondiale de référence.

À partir de juillet 1944, le dollar américain a donc une double casquette, à la


fois monnaie nationale et monnaie mondiale.

À l’opposé, les puissants banquiers de la City avaient soutenu, via leur porte-
voix Keynes, une autre option : celle d’une monnaie mondiale conçue
comme un panier de monnaies. Panier de monnaies que nous allons
retrouver en ce début de XXIe siècle, sous la forme des Droits de Tirage
Spéciaux (DTS).

1.a Les fondamentaux

Pour bien comprendre les enjeux économiques et financiers de la monnaie


mondiale, il faut rappeler les fondamentaux sur lesquels repose la viabilité
d’une monnaie.

Pour être durablement viable, une monnaie doit être :


1.adossée à des richesses réelles, tangibles. C’est la raison pour laquelle
une monnaie est irrémédiablement liée à une « économie » ;

2.emise en quantité suffisante pour pouvoir être utilisée dans tous les
échanges, soit à l’échelle nationale, soit à l’échelle internationale.

Il faut également rappeler que les fondamentaux économiques d’une


monnaie nationale et internationale saine sont antagonistes. Alors qu’une
monnaie nationale saine préconise que les exportations soient supérieures
aux importations, une monnaie mondiale doit être émise en quantité
suffisante pour abreuver le monde entier, elle suppose donc, dans
l’hypothèse où elle est une monnaie nationale, que les importations soient
supérieures aux exportations, seule façon d’assurer une juste diffusion
internationale de la devise.

1.b La suite historique des événements

L’année 1971 voit arriver la fin de la convertibilité or du dollar. N’ayant plus


suffisamment d’or pour garantir l’intégralité des dollars en circulation, le
gouvernement de Nixon se voit contraint, consécutivement à la pression de
De Gaulle qui avait exigé1 la transformation d’une grande partie des avoirs
américains détenus par la France en or, d’abandonner le principe de
convertibilité dollar-or.

À partir de 1971, le dollar américain en tant que monnaie mondiale est


concrètement adossé :

1.au pétrole (notamment en vertu du Pacte du Quincy signé en 1945)


et

2.à la seule force de l’économie américaine ; car le dollar, en tant que


monnaie nationale, est garanti par le dynamisme intérieur de
l’économie américaine.

Concrètement, la valeur du dollar repose maintenant essentiellement sur la


force brute des USA, leur capacité à faire militairement et monétairement
respecter leur hégémonie dans les pays tiers. Il en résulte que cette période a
vu la disparition de la notion d’« ordre juridique », à la fois interne et
international, pour revenir à la situation primaire de la loi du plus fort.
Entre 1970 et 2000, le considérable développement des échanges
internationaux réclame toujours plus de dollars en circulation. La « politique
monétaire mondiale du dollar » nécessite toujours plus d’importations,
lesquelles sont nécessairement financées, car les capacités économiques des
ménages sont largement dépassées, par toujours plus de dettes publiques et
privées. Mécaniquement, la situation intérieure de l’économie américaine se
dégrade corrélativement.

C’est ainsi que, dès le début des années 1970, nous assistons, aux USA au
début du « principe général » de dérégulation financière, qui deviendra de
plus en plus massive avec le temps. La régulation issue du Glass Steagall
Act commence à ne plus être appliquée, afin de :

1.« fabriquer artificiellement des actifs » (subprimes, actifs synthétiques


(CDO, CDS…), politique qui, on le verra, sera suivie de celui de la
titrisation et,

2.capter les réserves monétaires des pays tiers, véritables colonies


financières (les pays dits « alliés », membres de l’Union européenne…).

Cette captation abusive était rendue nécessaire afin de garantir la viabilité


économique du dollar comme monnaie nationale, lui-même garant de la
fonction mondiale de cette monnaie2.

Très concrètement, la dérégulation financière a permis d’augmenter


artificiellement la capacité d’endettement des contribuables américains et de
soutenir la politique monétaire expansionniste du dollar, ce qui a eu pour
effet d’augmenter artificiellement les « actifs bancaires » en circulation. Au
point que les « actifs », qui circulent aujourd’hui internationalement, sont
largement devenus eux-mêmes « fictifs ».

Pour que ce système fonctionne, il fallait pouvoir assurer la circulation


internationale de ces nouveaux « actifs financiers ». C’est précisément ce à
quoi ont répondu :

1.la titrisation, qui a permis de faire circuler dans le monde entier les
« actifs douteux » et,
2.l’internationalisation de la normativité anglo-saxonne (colonisation
du droit continental traditionnel par les préceptes réglementaires anglo-
saxons : trust, propriété économique, etc.).

Dans un troisième et dernier temps (le temps du désespoir des partisans du


dollar en tant que monnaie mondiale) l’extraterritorialité du « droit » (qui
n’en est pas un) anglo-saxon s’est développée de façon anarchique et
monstrueuse par la généralisation des sanctions économiques appliquées aux
entreprises et dirigeants de pays étrangers qui ne voulaient plus jouer le jeu
du dollar comme monnaie mondiale.

À compter des années 1990, les besoins en dollars s’intensifient


considérablement en raison du développement inédit des échanges
économiques mondiaux en même temps que celui de la concentration des
capitaux (mise en place massive du libre-échange par l’OMC, de
l’optimisation fiscale favorisée par l’OCDE notamment par la généralisation
de la lutte contre les « prix de transfert », qui a surtout été le moyen de
banaliser et de généraliser la pratique de l’optimisation des flux financiers
intragroupes au niveau international et d’imposer aux États le principe d’une
« normativité extra-territoriale », etc.), lesquels ont été accélérés par la chute
de l’URSS. Corrélativement, l’économie américaine (intérieure) faiblit en
raison de la politique économique forcenée d’« importation » indispensable à
la fonctionnalité mondiale du dollar.

Dans la mesure où la solution de la planche à billets est exclue, les banquiers


ne voulant à aucun prix d’une monnaie mondiale créée ex nihilo (qui a pour
effet direct et quasi immédiat une dépréciation de la monnaie et,
consécutivement, des actifs), s’est faite jour « la nécessité de l’innovation
financière » qu’est le « quantitative easing » (QE). Ainsi, la création
monétaire est désormais adossée à des rachats d’actifs, de plus en plus
pourris en raison de la dérégulation financière, et non formellement sur du
néant comme avec la « planche à billets » traditionnelle.

En conséquence de cette « course à l’échalote », le circuit financier


international est devenu « non viable » ; la preuve a ainsi été historiquement
et empiriquement apportée que Keynes avait raison et que le dollar en tant
que monnaie mondiale n’était pas une solution monétaire viable.
Ceci avait largement été anticipé par ce que Brandon Smith3 appelle, à juste
titre, les « globalistes », qui sont en réalité les descendants des banquiers-
commerçants (changeurs) du Moyen-Âge qui ont pris, essentiellement au
moyen de la corruption, le pouvoir politique au fil des siècles.

C’est ainsi que le magazine The Economist avait, dès 1988, prévenu le
public du fait que le Bancor, panier de monnaies, allait, tel le phénix, renaître
de ses cendres autour des années 2018 sous la forme d’un Phoenix.

Mais il fallait tout de même imposer définitivement l’idée qu’une « monnaie


mondiale » était indispensable pour développer les échanges internationaux.
Ce développement aurait deux effets recherchés :

1.apporter la preuve de l’incapacité du dollar américain en tant que


monnaie mondiale ;

2.et faire avancer l’agenda globaliste du « gouvernement mondial »


(connu en français sous l’acronyme NOM, et en anglais sous celui du
NWO) car à une économie mondiale doit, mécaniquement, répondre
une monnaie mondiale !

2. La situation monétaro-économique actuelle : une totale domination


politique par les « banquiers-commerçants »

Nous assistons actuellement à de grandes manœuvres géopolitiques


consistant en la démolition contrôlée du dollar. La force de ce dollar repose,
rappelons-le, sur les sous-jacents économiques et politiques des États-Unis
d’Amérique, ce qui nécessite de démonter, partiellement, cette force
dominatrice. D’où les tentatives, plus ou moins adroites, de mise en cause de
la suprématie américaine sur les échanges internationaux.3

La Chine et la Russie sont parties prenantes de cette stratégie, ce qui


explique ce genre d’article. La Chine en tant que moteur principal des DTS
tandis que la Russie a raccroché les wagons du train de la monnaie mondiale,
croyant, malheureusement (comme Napoléon l’avait lui-même cru) à un
contrat « gagnant-gagnant » pour son propre développement économique.

Si la chute du dollar en tant que monnaie mondiale est extrêmement


souhaitable pour les peuples, il n’en va pas de même de l’avènement des
DTS (droits de tirage spéciaux) gérés par les banquiers. Car ce sont
précisément les banquiers qui contrôlent d’ores et déjà la grande majorité
des monnaies du monde, qui sont à l’origine de l’idée d’une « monnaie
mondiale » centralisée dans leurs mains, et qui sont les metteurs en scène de
la nécessité d’un futur gouvernement mondial oligarchique.

À terme, et quels que soient les maux actuels issus du dollar compris comme
monnaie mondiale, les DTS, c’est-à-dire la version renommée du Bancor de
Keynes, vont entraîner des maux bien plus grands pour l’humanité, laquelle
se verra littéralement assiégée et mise en esclavage, sans plus aucune
« poche de résistance » politique et institutionnelle possible.

L’avènement de cette monnaie mondiale DTS-Bancor, a été préparé,


confidentiellement, par les principaux propriétaires des banques et leurs
affidés, les banquiers centraux, lesquels se réunissent au sein de la BRI sise à
Bâle. Tout comme avait été préparé, en son temps, l’avènement de la Federal
Reserve (Fed) américaine.

L’avènement de cette « monnaie mondiale » sera le premier pas


institutionnel vers le gouvernement mondial oligarchique. Or les oligarques
à la manœuvre sont précisément ceux qui ont organisé et profité de toutes les
formes que l’esclavagisme a pris ces 400 dernières années. Ils ont
aujourd’hui conquis les pouvoirs politiques de la quasi-intégralité des pays
du monde par le contrôle qu’ils ont pris sur les monnaies et sur le système
économique mondial. Ce contrôle a pris la forme de la corruption élevée au
rang légal par les Anglo-saxons (qui prend le doux nom de lobbying).

Nous assistons aujourd’hui et pour l’avenir à une « lutte à mort » des


banquiers-commerçants contre tous les peuples du monde. Toutes les armes
utilisées, monnaies, entreprise, parlementarisme à l’anglo-saxonne, ne sont
que des outils utilisés par les banquiers pour prendre le pouvoir. Ces armes
de domination utilisées par les dominants seront bien entendu abandonnées
le moment venu, c’est-à-dire lorsque la prise effective et officielle du
pouvoir politique à l’échelle mondiale surviendra. Ce jour approche à
grands-pas…

3. L’avenir politique des peuples : l’option entre le droit, politique, à


disposer de soi-même et l’esclavagisme, entre la « civilisation » et le
néant civilisationnel

Deux voies se profilent à l’horizon, la première emporte la disparition totale


de toute idée de civilisation, la seconde, si elle était entrouverte, pourrait
donner naissance à un renouveau civilisationnel historique.

La première voie est celle de l’avènement et de la pérennité des DTS gérés


par les banquiers.

Pour parfaire et simplifier le processus de domination monétaire, les


banquiers commerçants ont prévu de gérer les échanges internationaux de
DTS sous forme exclusivement dématérialisée. Il faut comprendre ici que
l’avènement récent des « crypto-monnaies » répond précisément à ce besoin
bancaire.

Le lancement des cryptomonnaies privées a pour objectif de faire tester in


vivo et en grandeur nature le fonctionnement de telles monnaies, de façon à
les perfectionner et à les rendre parfaitement fonctionnelles dans le cadre de
l’utilisation de cette technologie pour l’échange de DTS. Ce type de monnaie
dématérialisée aura également un second avantage : celui de contrôler
parfaitement et définitivement la vie privée de tous les utilisateurs, alors
même que personne ne pourra échapper à cette dématérialisation monétaire
pour les échanges nécessités par la vie courante.

Cette marche, consistant en l’avènement des DTS en tant que monnaie


mondiale, permettra de mettre en place la suivante, celle d’institutions
politiques mondiales gérées par les banquiers, le fameux « Nouvel Ordre
Mondial ». Cet ordre politique, qui n’est pas nouveau, mais représente
l’aboutissement d’un long cheminement, sera porté par un groupe
d’individus qui préconise également l’avènement d’une « religion
mondiale » (lire à cet égard les travaux de Youssef Hindi et de Pierre
Hillard).

Dans cette perspective, les États disparaîtront du jeu en tant qu’entités


politiques (ce qu’ils ne sont, dans une large mesure, déjà plus dans les pays
d’Europe de l’Ouest ainsi que dans beaucoup d’autres pays, tous continents
confondus), pour devenir de simples courroies de transmission du
« gouvernement » central aux mains des banquiers (comprendre les
principaux propriétaires de capitaux de la planète). Ce gouvernement
mondial aura la même structure que les empires l’ayant précédé au détail
près qu’il ne pourra régenter qu’un nombre réduit d’individus, d’où tous les
fléaux qui s’abattent déjà et continueront à s’abattre sur l’humanité comme
annoncé par les Georgia Guidestones.

La seconde voie, qui pourrait être entrouverte par des dirigeants courageux,
consisterait à reprendre, en sous-main, l’entier contrôle politique de leur
monnaie4 tout en faisant mine de jouer le jeu des DTS. Il s’agirait de retirer
aux banquiers le contrôle du système monétaire intérieur des pays et
d’engager avec des pays tiers des « conventions fondatrices d’échanges de
monnaie ». Ces conventions poseraient les critères, politiques, d’une juste
appréciation de la valeur respective de chacune des monnaies, au regard de
la qualité et de la viabilité socio-économique du pays en question. Nous
retrouverions, ici, une conception réellement politique de la monnaie.

D’un point de vue technique, le système dit « monnaie structurale », élaboré


par Jean Rémy, permettrait d’élaborer des chambres de compensation, de
nature politique, gérées par des instances politiques et diplomatiques de
chaque État engagé dans l’échange.

Septembre 2018

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/comment-et-pourquoi-le-dollar-va-laisser-la-
place-aux-dts-comme-monnaie-mondiale

Notes
1 https://www.loretlargent.info/dossiers/charles-de-gaulle-et-sa-vision-sur-
la-place-de-lor-dans-le-systeme-monetaire-mondial-12 et
https://www.loretlargent.info/dossiers/charles-de-gaulle-et-sa-vision-sur-la-
place-de-lor-dans-le-systeme-monetaire-mondial-22, lire également
http://archives.investir.fr/2007/jdf/20071117ARTHBD00267-la-france-du-
president-de-gaulle-prefere-l-or-au-dollar.php
2 https://www.monde-diplomatique.fr/2010/05/LORDON/19137 ; dans cet
article Frédéric Lordon explique, autour de la note 2, la cause de la
dérégulation financière : « … en effet, les États-Unis se trouvent confrontés
à la question suivante : comment financer des déficits (extérieur et
budgétaire) quand on n’a plus d’épargne nationale (2) ? Tout simplement en
faisant venir l’épargne des pays qui en ont. Soit, à l’époque (comme
d’ailleurs aujourd’hui), le Japon et l’Allemagne, et désormais la Chine. La
déréglementation financière est donc la réponse stratégique qui consiste à
installer les structures de la circulation internationale des capitaux pour
dispenser l’économie américaine d’avoir à boucler le circuit épargne-
investissement sur son espace national. »
3 Lire, à cet égard, Brandon Smith : http://lesakerfrancophone.fr/la-guerre-
commerciale-fournit-une-couverture-parfaite-pour-la-reinitialisation-
financiere-globale et http://lesakerfrancophone.fr/la-chine-se-prepare-a-une-
guerre-commerciale-depuis-plus-dune-decennie
4 Voir Du nouvel esprit des lois et de la monnaie par Valérie Bugault et Jean
Rémy, Ed. Sigest, 2017.

De la véritable nature de la monnaie


Par Valérie Bugault et Jean Remy

La conception d’une monnaie-marchandise est, de façon structurelle, un


empêchement rédhibitoire pour que la monnaie joue pleinement le rôle pour
lequel elle a été créée : celui de faciliter les échanges. En effet, une monnaie-
marchandise a pour principale caractéristique d’être accaparée ; il en résulte,
de façon mécanique, le fait que la gestion monétaire devient, à terme,
réalisée par des intérêts privés, exactement contraires à l’objectif d’intérêt
général auquel le concept de monnaie répond.

Alors que les économistes, formés pour être les gardiens du temple
financier actuel, sont unanimes pour dire que la monnaie est,
notamment, mais essentiellement, un instrument de stockage de la
valeur, Jean Remy et moi-même avons démontré dans notre ouvrage
intitulé Du nouvel esprit des lois et de la monnaie (publié en juin 2017
aux éditions Sigest) que la monnaie est, de façon bien plus
fondamentale, un service rendu à la collectivité par une puissance
publique légitime. La monnaie n’est en aucun cas une marchandise
dotée d’une valeur intrinsèque, et n’est donc pas non plus,
contrairement à ce que d’aucuns affirment, un instrument de stockage
de la valeur. En décider autrement revient à justifier tout l’édifice
financiariste et dogmatique actuel, c’est-à-dire, in fine, à justifier le
contrôle des monnaies par quelques banquiers anonymes, par le biais du
jeu séculaire des banques centrales et des marchés subséquents de taux
de change et d’intérêt.

La conception d’une monnaie-marchandise est, de façon structurelle, un


empêchement rédhibitoire pour que la monnaie joue pleinement le rôle pour
lequel elle a été créée : celui de faciliter les échanges. En effet, une monnaie-
marchandise a pour principale caractéristique d’être accaparée ; il en résulte,
de façon mécanique, le fait que la gestion monétaire devient, à terme,
réalisée par des intérêts privés, exactement contraires à l’objectif d’intérêt
général auquel le concept de monnaie répond. Un pas plus loin, nous avons
démontré dans notre ouvrage que pour être pleinement efficace, une monnaie
doit être émise par des instances politiques légitimes, c’est-à-dire des
instances politiques dont le rôle est effectivement de garantir l’intérêt
général.

Pour comprendre ce qu’est la monnaie, il faut se référer aux temps les plus
anciens qui ont vu sa naissance et ses premiers développements, c’est-à-dire
s’ouvrir aux découvertes de l’archéologie. Il faut également se référer à la
sémantique et à la nature réelle des choses, et non pas rester dans la
scolastique. Les apparences actuelles de la monnaie, en tant qu’instrument
de réserve de valeur (autrement dit une « monnaie-marchandise »), reposent
sur des analyses qui ont été entièrement élaborées et renouvelées depuis
quatre siècles par des individus intéressés à faire croire que la monnaie était
foncièrement un bien, c’est-à-dire une réserve de valeur, de façon à justifier
la conservation du contrôle de cette dernière par des banquiers tout-
puissants.

Dans ce contexte, il est tout à fait essentiel de comprendre que les


cryptomonnaies qui émergent actuellement et reposent sur la technologie des
blockchains (le bitcoin étant la plus connue), dont tout un chacun parle
beaucoup sans les connaître vraiment, ne diffèrent aucunement de la
monnaie-marchandise telle qu’actuellement, généralement et
frauduleusement, conçue. Ces cryptomonnaies sont en effet structurellement
tout à la fois un instrument de circulation des biens et une réserve de valeur.
Techniquement, la valeur de ces monnaies dématérialisées est entre les
mains des « mineurs » qui réalisent de facto et dans le même temps une
communauté d’utilisateurs. Quelle que soit la dénomination de la
cryptomonnaie (bitcoin ou autres) ces « mineurs » peuvent ou non se
connaître et peuvent ou non réaliser une collusion d’intérêts. Dans
l’hypothèse où ces « mineurs » se connaîtraient préalablement, ils
réaliseraient une société de fait dont chacun d’eux détiendrait une part du
capital. Dans tous les cas, les émetteurs des premières quantités d’une
cryptomonnaie sont obligatoirement des « mineurs » de leur propre monnaie.
La façon dont ils conçoivent la comptabilisation de cette monnaie ainsi créée
est d’ailleurs très révélatrice : elle rentre dans leur capital ; ils pourront ainsi
profiter d’une façon continue de l’accroissement de sa valorisation. S’il
semble excessif a priori d’estimer que d’une façon générale en matière de
blockchain tous les « mineurs » d’une cryptomonnaie particulière réalisent et
génèrent une collusion d’intérêt dans l’objectif de contrôler ladite monnaie,
il est en revanche des points obscurs du concept de blockchain que l’on ne
peut pas, sous prétexte de naïveté, passer sous silence.

Premièrement, ce concept de monnaie dématérialisée (cryptomonnaie) est


apparu fort opportunément en 2009 à la suite de la crise financière de 2007
elle-même organisée par les plus hautes instances bancaires en partenariat
étroit avec les instances politiques américaines qui ont organisé et géré la
dérégulation financière au niveau mondial. Il semble inutile ici de revenir sur
toute la construction de l’édifice monétaire et financier que nous avons
décrit par ailleurs.

Deuxièmement, l’actuelle demande pour les bitcoins a été considérablement


accrue par le fait d’actes de piratages informatiques, les rançons réclamées
par lesdits pirates devant être libellées en bitcoins.

Troisièmement, l’existence de ces cryptomonnaies réalise la création de


circuits financiers parallèles, que l’on pourrait appeler « de l’ombre », en
complète infraction avec toutes les règles péniblement édictées afin de
réguler un tant soit peu la circulation des monnaies officielles.
Pour résumer, en tant que « monnaies-marchandises », toutes les
cryptomonnaies issues de la technologie blockchain sont, de façon
structurelle, susceptibles d’accaparement ; elles sont même précisément
« une invitation à l’accaparement », tout comme l’or l’a été en son temps.
Par ailleurs, toutes ces nouvelles cryptomonnaies échappent, de façon
fonctionnelle et structurelle, au contrôle public et citoyen.

La caractéristique de monnaie-marchandise rend, de fait, extrêmement


suspectes les cryptomonnaies, tout comme le sont les monnaies classiques
actuelles. L’histoire nous apprend que de l’accaparement des monnaies-
marchandises a résulté la domination économique et politique par une petite
minorité d’individus qui se sont rendus maîtres « du fait monétaire ». Il
résulte de l’application de ce schéma une disparition du sens de ce qu’est la
politique par une domination intégrale du « fait politique » par le « fait
économique ».

Ne rééditons pas avec des cryptomonnaies l’erreur historique ayant consisté


à considérer la monnaie comme une marchandise ; peu importe le support,
matériel ou dématérialisé de la monnaie, seule compte sa raison d’être qui
est, de façon conceptuelle, un service rendu à la collectivité, celui de
fluidifier les échanges. Nous vivons actuellement une ère d’imposture
universelle et la seule façon d’en sortir est d’analyser sans concession les
fondamentaux historiques de toutes les constructions humaines, dont la
monnaie ainsi que le « fait politique » font essentiellement partie.

11 juillet 2017

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/de-la-veritable-nature-de-la-monnaie

LA DÉGRADATION DU DROIT
Heurs et malheurs
du concept de propriété privée

Nous vivons aujourd’hui dans un monde qui valorise le mensonge, la


duplicité, l’apparence et tout ce qui ne sert à rien en termes de survie de
l’humanité, voire qui accélère la destruction de tout le tissu contextuel
nécessaire à la vie. Par opposition, on peut aisément percevoir que ce qui
devrait être valorisé est tout ce qui est nécessaire à la vie, mais il s’agit d’une
vision globale qui nécessitera d’être testée et affinée. Comme transition entre
l’actuelle organisation juridique et institutionnelle et celle de demain, le
concept de droit naturel nous paraît être, d’un point de vue à la fois
juridique, politique et spirituel, le bon vecteur de cette indispensable
évolution.

Description du contexte politique relatif à la notion de « propriété


privée »

Aujourd’hui le système économique global sous l’empire duquel nous


vivons a été détourné de sa fonction primordiale, qui est l’échange, par
une petite minorité de personnes qui a pour objectif ultime
l’accaparement global (sur toute la terre), général (qui concerne tous les
biens), légal et institutionnel.

Le long chemin vers l’accaparement généralisé a été ponctué d’étapes


aussi décisives que discrètes.

La première étape est celle de l’infiltration, puis de la domination des


institutions politiques des États par les détenteurs du pouvoir économique.
Dans les États concernés (la plupart des États du monde), le système
institutionnel étatique a été infiltré ‒ souvent au moyen du contrôle bancaire
– par les détenteurs du pouvoir économique, et détourné de sa fonction
politique générale, qui est de réguler la vie en société, pour devenir un
instrument de captation des richesses ; c’est ce que nous connaissons
actuellement sous le vocable d’État profond. Dans la plupart des pays du
monde, l’État actuel est l’État profond, c’est-à-dire une réelle ploutocratie
cachée derrière une démocratie coquille vide. Cette étape, qui a souvent pris
le chemin indirect et sournois du contrôle bancaire, utilise parfois, lorsque
c’est nécessaire, des méthodes plus musclées. C’est ainsi que la prise du
contrôle étatique par l’oligarchie n’a, historiquement, fait l’économie (sans
jeu de mots) d’aucun coup d’État, permanent ou non1, et ceci est toujours en
vigueur dans certains pays d’Amérique latine ; mentionnons par exemple les
événements en cours (effondrement économique organisé) au Venezuela, la
récente organisation d’une procédure de destitution contre Dilma Rousseff
comme présidente du Brésil2, ou encore la destitution du président ukrainien
Viktor Ianoukovitch. La France n’a pas échappé à ce type d’expérience, qui
fut rondement menée par l’oligarchie française contre Charles de Gaulle en
19693, sans même parler du soutien actif des USA dans le putsch d’Alger
par l’OAS, putsch dit des généraux, contre ce même De Gaulle en 19614.
Toutes les révolutions de couleur, de fleurs5 ou autre nom jovial, sont une
émanation de cette première tactique consistant, pour les oligarchies –
locales ou coalisées –, à s’emparer des institutions étatiques des différents
pays du monde.

La seconde étape est celle de la collaboration des élites économiques des


différents pays occidentaux. En France, cette étape s’est manifestée dès le
début des années 1920, lorsque l’oligarchie locale a sciemment décidé
d’abandonner le principe des réparations de guerre, pour adhérer à un
système financier plus vaste, plus lucratif et plus discret, qui sera mis en
forme en 1930 par la BRI (Banque des règlements internationaux) issue du
plan Young. Ce montage financier intéressant visait à capter les richesses
publiques au moyen de la perception d’intérêts sur des prêts octroyés à
l’Allemagne par un conglomérat de banquiers privés ; conglomérat bancaire
dans lequel l’oligarchie française était partie prenante. Parmi les principaux
artisans de ce montage financier promis à un bel avenir se trouvent le
banquier allemand Hjalmar Schacht et le banquier anglais Norman
Montagu6. Les prêts accordés par la BRI ont permis le miracle économique
de l’Allemagne nazie, ainsi que le réarmement de ce pays vaincu. Ainsi, le
premier quart du XXe siècle a vu naître la fusion des oligarchies
occidentales. Depuis lors, avec une nette accélération depuis la mise en
œuvre des institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale, etc.), la
domination par la concentration des richesses financières n’a fait que croître
et embellir partout sur la planète.
La troisième étape est celle de la collaboration des élites des pays non
européens – et non affiliés d’office par des guerres (comme le furent, par
exemple, le Japon ou la Corée du Sud) –, tels la Chine, les pays du Golfe
persique, du Moyen-Orient, etc. C’est la collaboration des élites américaines
et chinoises – sous le gouvernement de Mao Zedong – qui explique par
exemple la naissance, dans les années 1970, du concept de Chine-usine du
monde. Nous pourrions également illustrer cette étape par le pacte faustien
dit de Quincy du 14 février 1945, entre Franklin Roosevelt et Ibn Saoud.

La quatrième étape est celle de la création institutionnelle de blocs


continentaux supranationaux. L’Union Européenne, qui est
l’institutionnalisation et donc l’avènement politique du principe du libre-
échange, en est la manifestation la plus réussie7. Cette étape suppose la
disparition institutionnelle du concept d’État, au sens où celui-ci est doté
d’un gouvernement indépendant. L’Union européenne est prévue pour
évoluer en grand marché transatlantique8 ; avant que celui-ci ne fasse sa
jonction économique, juridique et institutionnelle avec son homologue, le
grand marché transpacifique.

La cinquième et dernière étape sera la matérialisation institutionnelle de cet


accaparement généralisé, par l’avènement d’institutions mondiales, connues
sous le nom de Nouvel Ordre mondial. Les institutions financières issues des
accords de Bretton Woods, la BRI, l’OMC (Organisation mondiale du
commerce) et certaines institutions de l’ONU, sont les éléments précurseurs
de ces futures institutions mondiales. Les institutions mondiales auxquelles
aspirent les tenants du pouvoir économique global – qui répondent au seul
qualificatif d’accapareurs – seront, par construction, totalement dénuées de
contre-pouvoirs et organisées autour de la domination totale des accapareurs.

Dans ce schéma d’ensemble, la propriété privée a été, comme beaucoup


d’autres concepts juridiques – libre-échange, entreprise capitalistique,
banque selon son actuelle conception fondée sur l’enrichissement sans cause,
banques centrales, etc. –, utilisée par les accapareurs comme un leurre à
destination des masses, permettant à l’oligarchie de prendre discrètement le
pouvoir. Ce qui signifie très exactement que la propriété privée n’est pas en
soi mauvaise pour les peuples. Le concept de propriété privée n’a pu être
efficacement utilisé comme instrument que parce qu’il était utile et efficace
en termes d’organisation sociale ; la propriété privée, officiellement
proclamée pour tous, a, dès son apparition légale, largement fait l’objet d’un
consensus social. Le problème a commencé à se poser dès qu’il a fallu
mettre en pratique la théorie proclamée universelle de la propriété privée.
Ainsi, historiquement en France, cette propriété officiellement proclamée par
la Révolution française n’a concrètement pas été destinée de façon uniforme
à tous les particuliers : elle a essentiellement été mise en œuvre au profit de
riches commerçants, lesquels ont évolué au fil du temps en oligarchie9. Le
grand principe universellement proclamé s’est finalement concrètement
conclu par une captation des richesses économiques anciennement détenues
par la petite noblesse et le clergé, au profit des commerçants/banquiers,
souvent alliés à la grande noblesse. Rappelons au passage que les grands
féodaux ont, historiquement, toujours été de grands ennemis de la couronne
de France, c’est-à-dire du Roi de France. Le Royaume de France a été
vaincu par une coalition interne des grands féodaux avec les banquiers/
commerçants. De la même façon, c’est la coalition de grands banquiers
(oligarques) et de grands féodaux républicains (ceux qui détenaient les
postes clefs dans les gouvernements républicains) qui a vaincu l’actuel État
français en le livrant, pieds et poings liés, à la gouvernance (car le concept
de gouvernement indépendant n’existe pas en Union européenne) ‒
structurellement oligarchique – européenne.

Le problème actuel de la propriété privée n’est pas sa mise en œuvre


excessive, mais tout au contraire le fait qu’elle est en voie de disparition
totale. Ce qui se comprend parfaitement si l’on veut bien remettre l’histoire
de la propriété privée dans son contexte socio-historique : créée par les
accapareurs pour favoriser leur prise de pouvoir, elle disparaît, maintenant
que ladite prise de pouvoir politique est effective. En conclusion, ce n’est
pas le concept de propriété qui est en cause, mais son instrumentalisation et
surtout sa disparition.

Les services rendus, en termes d’organisation sociale, par le concept de


propriété privée

Sans vouloir à tout prix nous ériger en défenseurs de la propriété privée, il


convient de bien mesurer les avantages politiques et sociaux du concept. Ces
avantages sont au nombre de trois : la propriété privée répond, en termes
d’organisation sociale, au besoin essentiel d’ascenseur social. La propriété
privée est une réponse efficace au besoin essentiel de sécurité. Enfin, la
propriété privée est une réponse efficace au besoin de transmission, lequel
correspond à la nécessité, pour l’humain, de transcender sa condition
éphémère.

Un ascenseur social efficace

La propriété privée répond à la nécessité politique de l’existence d’un


ascenseur social dans une société. Cet ascenseur social empêche la
fossilisation des situations acquises et permet une juste émulation sociale,
dont les résultats profitent à tout le groupe. La notion d’ascenseur social
permet un brassage des talents et l’émergence de compétences nouvelles
utiles au groupe. L’existence d’un ascenseur social est un gage de vigueur
civilisationnelle. Elle existe et a historiquement existé dans toutes les
sociétés dynamiques fondatrices de civilisations.

Supprimer la propriété privée rend nécessaire de repenser intégralement le


mode de fonctionnement de la société politique, pour créer un autre type
d’ascenseur social fondé sur autre chose : valeur intellectuelle, capacité
créative des individus ou des groupes d’individus, etc. Encore faudrait-il
organiser les possibilités institutionnelles du réel brassage social permettant
l’émergence de nouveaux talents parmi la population. En l’état actuel de la
situation politique et institutionnelle, en France et plus largement en
Occident, une telle évolution est tout simplement impossible.

Par ailleurs et de façon plus générale, les conditions permettant une remise à
plat des valeurs sociales ne sont pas réunies, car nous sommes actuellement
dans un monde en transition ; aucune transition n’est favorable à une remise
à zéro de l’intégralité de l’organisation sociale. En d’autres termes, si un
nouveau type d’organisation sociale commence dès à présent à émerger,
celui-ci n’en est encore qu’à ses balbutiements, il n’est pas suffisamment
mature pour pouvoir donner naissance à une nouvelle organisation juridique
de la vie en société, car ses atouts et ses dangers n’ont pas encore clairement
émergé.

Nous vivons aujourd’hui dans un monde qui valorise le mensonge, la


duplicité, l’apparence et tout ce qui ne sert à rien en termes de survie de
l’humanité, voire qui accélère la destruction de tout le tissu contextuel
nécessaire à la vie. Par opposition, on peut aisément percevoir que ce qui
devrait être valorisé est tout ce qui est nécessaire à la vie, mais il s’agit d’une
vision globale qui nécessitera d’être testée et affinée. Comme transition entre
l’actuelle organisation juridique et institutionnelle et celle de demain, le
concept de droit naturel nous paraît être, d’un point de vue à la fois
juridique, politique et spirituel, le bon vecteur de cette indispensable
évolution. La notion d’ascenseur social ayant émergé comme point
d’ancrage de l’histoire des sociétés humaines performantes, il en résulte
qu’il est un principe de droit naturel de l’organisation sociale. La propriété
privée, en ce qu’elle permet de mettre en œuvre cet ascenseur social, pourrait
ainsi, par un effet d’attractivité, être considérée comme une émanation des
principes de droit naturel dans l’organisation sociale.

Une réponse efficace à la sécurité nécessaire à chaque individu

Le besoin pour les individus de maîtriser leur environnement immédiat et


d’assurer une sécurité matérielle minimale aux leurs est correctement rempli
par le concept de propriété privée. Si l’on veut bien considérer que la
capacité d’avoir un toit protecteur contre toute intrusion adverse (aussi bien
privée qu’étatique ou autre…) est un besoin élémentaire de l’homme, le
concept de propriété privée est un élément fondamental de la sécurité
humaine. Rappelons au passage que la sécurité est la mère de la liberté :
aucun individu ou groupe d’individu ne peut être libre de penser, de
s’exprimer et de s’épanouir socialement, si sa sécurité matérielle n’est pas
garantie.

La recherche de sécurité peut aisément être considérée comme le fondement


du besoin de possession – actuellement traduit juridiquement par la notion
de propriété privée. Dans ce sens, la propriété s’entend comme la capacité de
l’individu à agir sur les éléments essentiels à sa survie et à celle de son
groupe familial. Le besoin de pouvoir construire et détenir son cadre de vie
est également lié à la capacité de projection de l’espèce dans l’avenir, c’est-
à-dire au besoin ci-dessous analysé de transmission.

Aujourd’hui, ce n’est pas la propriété privée qui empêche la réalisation de la


sécurité matérielle des individus, mais bien sa disparition et son
remplacement par le principe d’accaparement, élevé au rang de valeur
sociale ultime.
Une réponse efficace au besoin primordial de l’homme de transmettre

Enfin, le besoin de possession, qui prend actuellement la forme juridique de


la propriété privée, répond à la nécessité, pour l’individu, de laisser quelque
chose à sa descendance ou à la postérité. Le besoin de transmission est, avec
celui de sécurité, un élément primordial qu’aucun système de valeur
fondateur de société ne peut ignorer.

Dans une société politique – civilisation – digne de ce nom, le besoin de


possession, entendu comme vecteur de sécurité et de transmission, doit ainsi
être reconnu et encadré. Ce besoin doit en particulier faire l’objet de la mise
en place de garde-fous légaux, afin empêcher sa dérive en accaparement.
L’accaparement est au droit de propriété ce que le cercueil est à l’homme : la
fin. Toutes les civilisations dignes de ce nom ont fait de la lutte contre
l’accaparement une priorité. Nous retrouvons des signes de lutte contre
l’accaparement dans la politique du grain de l’Égypte antique.

En France, sous la monarchie, la lutte contre l’accaparement était une


prérogative que s’était assignée le Roi, en lutte permanente contre d’une
part, les grands féodaux et d’autre part, la caste naissante des
commerçants/banquiers. Le Roi de France était, par construction, le
défenseur du peuple. Les grands féodaux alliés aux commerçants banquiers
ont réussi à renverser le système monarchique et à s’imposer comme
détenteurs légitimes du pouvoir. Depuis lors, aucun garde-fou juridique de
principe n’existe plus en France contre l’accaparement. Cet accaparement a,
pour plus d’efficacité, été réalisé sous le couvert de l’anonymat : ce sont des
sociétés de capitaux et des trusts anonymes qui ont été les acteurs de
l’accaparement et non plus, comme auparavant, des individus nommément
désignés.

Au fil du temps, et du renforcement du pouvoir central dédié aux volontés


prédatrices de la caste économique dominante, l’accaparement est devenu un
phénomène dont l’existence, loin d’être contestée et/ou légitimement mise
en cause, est au contraire socialement valorisée. En effet, d’une part,
l’anonymat des possédants rend sinon impossible, du moins très difficile le
constat de l’accaparement10. D’autre part cet accaparement a été légalisé, de
sorte que sa contestation est devenue impossible : tout le fonctionnement du
système bancaire actuel est fondé sur l’enrichissement sans cause des
banques, de la même façon que le système dit de banques centrales,
structurellement aux mains de banquiers privés (oligarques), réalise une
concentration du capital dans quelques mains11.

Aujourd’hui, le principe d’accaparement, devenu légal, tient, dans nos


sociétés ultra-médiatiques, lieu de principe de propriété : nous assistons à un
renversement intégral du sens des mots et des concepts. La confusion
technique, linguistique et mentale du public est savamment entretenue par
les tenants de l’ordre économique, afin que les masses d’individus ne soient
jamais un frein à leurs ambitions de pouvoir absolu.

Conclusion

Aucune civilisation ne s’est construite sur l’accaparement, qui est l’anti-


civilisation ; en d’autres termes, aucune civilisation ne peut voir le jour dans
la dépossession permanente et définitive des individus qui la composent.
L’accaparement est le plus sûr moyen de destruction des civilisations. La
solution à la dépossession généralisée des particuliers par l’avènement d’un
nouveau principe légal d’accaparement ne se trouve évidemment pas dans la
disparition théorique de la propriété privée. On ne résout pas un problème en
aggravant ses causes. La nécessité d’organiser des contre-pouvoirs à la caste
économique dominante est une urgence et une nécessité vitale ; la mise en
œuvre juridique et institutionnelle effective du principe de propriété fait
justement partie de ces contre-pouvoirs, en ce qu’elle permet de contrer le
principe d’accaparement sous le joug duquel nous vivons, collectivement,
aujourd’hui. Supprimer le concept de propriété privée aurait l’effet
exactement opposé à celui recherché.

Afin de ne pas agir comme des alliés objectifs de l’oligarchie qui asservit les
peuples, prenons collectivement garde à ne pas jeter le bébé avec l’eau du
bain et à ne pas faire disparaître les concepts de propriété privée ou d’État,
sous le seul prétexte que ces principes ne sont plus mis en œuvre. Les
institutions occidentales actuelles sont devenues des coquilles vides en
raison de leur instrumentalisation par la petite caste des
commerçants/banquiers actuellement au pouvoir. Les principes politiques de
séparation des pouvoirs, de commerce, de propriété, d’entreprise, d’État, etc.
n’existent tout simplement plus aujourd’hui.
5 Mai 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/heurs-et-malheurs-du-concept-de-propriete-
privee

Notes
1 Pour un panorama des interventions américaines dans le monde, voir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Interventions_militaires_des_%C3%89tats-
Unis_dans_le_monde ; aujourd’hui encore, les interventions dans les affaires
d’États étrangers via des ONG et autres lobbies sont fréquentes :
http://lesakerfrancophone.fr/ingerence-des-groupes-de-pression-americains-
en-thailande-source-dinquietude-pour-toute-lasie ;
http://lesakerfrancophone.fr/latroisieme-guerre-mondiale-a-commence
2 Certains estiment, de façon très convaincante, qu’il s’agit en réalité de
l’organisation d’un coup d’État oligarchique contre la présidente en
exercice : http://www.les-crises.fr/watch-interview-exclusive-de-lancien-
president-du-bresil-lula-da-silva-par-glenn-greenwald
3 Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum_sur_la_r%C3%
A9forme_du_S%C3%A9nat_et_la_r%C3%A9gionalisation;
https://www.youtube.com/watch?v=lA9BwSJJY6Q
4 Cf. http://www.echomagazine.ch/?
option=com_content&view=article&id=68&Itemid=2; http://www.lepoint.fr/
monde/les-États-unis-auraient-apporte-leur-soutien-a-l-oas-en-1962-18-03-
2012-1442450_24.php ; http://www.atlantico.fr/pepites/1962-soutien-États-
unis-oas-fln-312439.html
5 Cf. Révolution des tulipes par exemple : http://www.lemonde.fr/asie-
pacifique/article_interactif/2005/03/22/la-revolution-des-tulipes-de-
2005_630240_3216.html ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_des_Tulipes
6 Lire par exemple : http://www.voltairenet.org/article187537.html
7 Sur la naissance institutionnelle de l’actuelle Union européenne, voir par
exemple : http://www.relay-of-life.org/fr/pdf-files/rol_fr_chap02.pdf?
hc_location=ufi
8 Cf. http://www.dedefensa.org/article/obama-en-solde-pour-ttip-a-tout-prix
9 Cf. supra « Géopolitique du libre-échange », « Géopolitique du concept de
propriété privée : de la propriété privée… » et « Géopolitique du droit de
propriété… » à la fin de la propriété privée
10 Voir supra « Géopolitique de l’optimisation fiscale », « Géopolitique des
paradis fiscaux », Géopolitique de l’entreprise : les caractères actuels de
l’entreprise capitalistique » et plus loin « Géopolitique de l’entreprise : le
renouveau de l’entreprise capitalistique ».
11 Voir à cet égard les chapitres « Géopolitique du système des banques
centrales » et « L’entreprise bancaire, instrument juridique du désordre
politique global » ; pour savoir qui détient actuellement la Réserve fédérale
américaine (Fed), lire par exemple : http://reseauinternational.net/voyage-
circummonetaire-a-la-recherche-du-roi-dollar-et-decouverte-de-la-caverne-
dali-baba/

Géopolitique du concept de propriété privée


2/2

La notion de propriété économique, jusqu’alors inconnue du droit français


est en revanche très prégnante dans le droit anglo-saxon, lequel droit est
essentiellement axé autour du commerce. En droit anglo-américain moderne,
la conception du droit est toute entière incluse dans l’économie ; le capital
domine et dirige le facteur humain.

Ce chapitre traite d’un sujet d’apparence anodine – il ne semble pas


concerner directement le quotidien de tout un chacun –, qui est en
réalité un sujet capital en termes d’organisation sociale et de symbolique
politique : le concept nouveau de propriété économique. Cette notion
nouvelle de propriété économique est de nature à mettre un terme à 250
ans d’illusion démocratique entretenue par l’ascenseur social qu’a été le
droit de propriété.
Sous partie II : … à la fin de la propriété privée et à l’avènement de la
propriété économique

Ce droit de propriété, dont l’avènement a été explicité dans le chapitre


précédent1, a été le moteur essentiel des régimes politiques qui ont existé
depuis la fin du XVIIIe siècle, c’est-à-dire, grosso modo depuis l’époque
contemporaine, en ce qu’il a permis au peuple français de croire en
l’effectivité de l’absence de castes sociales préétablies et inaliénables.
L’illusion, aujourd’hui en voie d’effacement, laisse la place libre à une
nouvelle conception de la vie sociale autour de castes inamovibles,
conception symboliquement matérialisée par le nouveau concept de
propriété économique.

Nous analyserons ce que recouvre la propriété économique (I), avant de


considérer l’origine sociologique de ce concept nouveau (II) et de constater
pourquoi cette notion est en passe de devenir du droit positif (III).

I) Ce que recouvre le concept de propriété économique

La propriété économique, aujourd’hui inconnue du droit français, mais dans


les cartons d’éventuelles futures réformes législatives, mérite une analyse
précise de la réalité juridique qui se cache derrière cette terminologie
banalisée.

Nous allons, pour ce faire, opérer d’une part au moyen d’une analyse du
contexte politique dans lequel cette notion intervient (A) et d’autre part en
établissant un bref comparatif de certaines implications juridiques de la
propriété économique par rapport aux effets du droit de propriété classique
(B).

A) ANALYSE DU CONTEXTE POLITIQUE DANS LEQUEL


INTERVIENT LA NOTION DE PROPRIÉTÉ ÉCONOMIQUE : LA
MISE EN FORME JURIDIQUE DE LA LOI DU PLUS FORT

Alors que la notion classique de propriété octroie des droits à des acteurs
juridiques sur la seule considération de la volonté de l’auteur de l’acte, selon
le principe dit de propriété économique, le titulaire des droits principaux sur
un bien mobilier ou immobilier, matériel ou immatériel, est soit celui qui
fournit le capital nécessaire à son acquisition, au premier rang desquels se
trouvent les établissements financiers, soit celui qui traite ou exploite le bien.

Les défenseurs de la propriété économique s’appuient sur le postulat selon


lequel le droit doit, ou devrait, être mis en conformité avec le fait – un
nécessaire réalisme juridique, donc – pour valider la réalité des droits des
fournisseurs de crédits. Le problème avec ce réalisme est qu’il vient en
renfort pour aider à la traduction juridique et institutionnelle de la prise de
pouvoir politique – réelle, mais officieuse – des tenants du pouvoir
économique. Autrement dit, le réalisme est ici appelé pour traduire
juridiquement la prise de pouvoir politique par une infime minorité agissante
– les propriétaires des principales banques dites systémiques – détentrice du
pouvoir économique au détriment de la très grande majorité des particuliers.

Dans ce contexte, le réalisme juridique est en réalité l’illustration parfaite de


la loi du plus fort : de factuelle, la domination devient juridique et
institutionnelle.

Le fait devient le vecteur de la domination politique par les puissances


économiques. Le droit est détourné de son objectif d’organisation sociale
pour ne servir que les intérêts d’un petit nombre d’individus.

La notion de profit prend le pas sur toutes les valeurs politiques et morales
qui ont, jusqu’à preuve du contraire, rendu possible l’émergence de
civilisations. Si la civilisation est la mise en avant de procédures de
polissage, au moyen de l’organisation sociale et politique, des instincts
humains primaires, la domination économique est, à l’opposé, l’ouverture
des procédures juridiques, politiques et sociologiques aux pires instincts de
prédation ; ces derniers n’étant pas considérés au regard d’une quelconque
nécessité vitale, mais au contraire dans un objectif de domination absolue.

L’accaparement des biens par les banquiers et grands capitalistes, qui est
aujourd’hui un fait économique incontestable, ne doit en aucun cas être
validé par le droit, sous peine de retour à la féodalité. Autrement dit : entre le
fait économique, qui relève d’un rapport de forces d’ores et déjà perdu par
les peuples, et la matérialité juridique du phénomène, doit s’interposer la
volonté des particuliers et la mise en œuvre du bien commun. À défaut de
relever ce défi, les citoyens valideraient eux-mêmes le grand retour de
l’esclavagisme légal, qui ne tardera pas à se manifester par l’avènement
politique d’un régime fondé sur l’accaparement par une ou plusieurs castes.

B) COMPARATIF DES IMPLICATIONS JURIDIQUES DE LA


PROPRIÉTÉ ÉCONOMIQUE PAR RAPPORT AUX EFFETS DU
DROIT DE PROPRIÉTÉ CLASSIQUE

L’analyse économique de la propriété2 véhiculée par le concept de propriété


économique est susceptible d’avoir des implications dans l’ensemble des
branches du droit.

Ce concept est par exemple déclinable en droit bancaire et immobilier. Ce


concept de propriété économique explique pourquoi en droit immobilier
américain, l’acquéreur ne devient propriétaire de son bien qu’une fois son
emprunt totalement remboursé. Ainsi, en cas de défaut de l’emprunteur, les
banques peuvent expulser manu militari, sans formalité légale, les
acquéreurs (non juridiquement propriétaires) de biens immobiliers ; jetant
par la même occasion des milliers de gens dans la rue au moment de la crise
dite des subprimes. Il n’y a pas, alors, de vérification publique du bien-fondé
de la démarche ; certains emprunteurs peuvent être mis à la rue alors même
qu’ils ont déjà remboursé une grande part, voire la plus grosse part, de leur
dette : le premier défaut emporte expulsion. On ne parle alors plus de
réalisme juridique, car ce dernier imposerait que les emprunteurs ayant
remboursé l’essentiel de leur emprunt soient, dans ces conditions, les
propriétaires effectifs de leur logement. Cette crise des subprimes a été
déclenchée par la voracité d’établissements financiers désireux d’imposer
des remboursements d’emprunts (qui s’apparentent à des rançons légales) à
des gens, par hypothèse, insolvables. L’essentiel, pour ces financiers peu
scrupuleux étant que l’intérêt et/ou le capital leur restent en définitive acquis.
Cela n’a été rendu possible que par le vaste mouvement de dérégulation
bancaire organisé par les tenants du pouvoir économique3.

La propriété économique peut également se décliner en matière de


transmissions informatiques. S’agissant des biens immatériels, le concept dit
de propriété économique peut expliquer qu’en droit anglo-saxon le
propriétaire des données personnelles, biens immatériels collectés de façon
directe ou indirecte par des moyens informatiques, est l’entreprise qui traite
et exploite ces données et non, comme c’est encore le cas en France, les
personnes concernées par ces données ou dont ces données sont issues4.
Alors que le droit dit continental, en opposition au droit anglo-saxon, reste –
ou du moins restait jusqu’à une date récente – protecteur des données
personnelles, cela pourrait changer du tout au tout si cette notion dite de
propriété économique venait à voir le jour.

En matière de droit de l’entreprise, le basculement de la conception juridique


à une conception économique de la propriété a déjà commencé. Il a permis
l’avènement de la théorie de l’agence, qui a légitimé l’introduction des
stock-options en droit français. Les stock-options relèvent de la volonté de
rapprocher les intérêts financiers des propriétaires de l’entreprise de ceux des
dirigeants, en vue de maximaliser les profits capitalistiques futurs5. Ils sont
la carotte qui permet un rendement maximum pour les détenteurs du capital
de l’entreprise6.

C’est précisément contre cette dérive que voulait lutter le général De Gaulle,
en instituant le principe de l’entreprise participative, qui avait pour objectif
de rendre à la société de type capitalistique le rôle d’organisation sociale que
les théories économiques, qui empiétaient déjà sérieusement sur le droit,
menaçaient sérieusement de lui retirer définitivement. L’historien Henri
Guillemin a avancé que De Gaulle a été renversé par les banques en raison
justement de son projet d’entreprise participative7. Depuis lors, la
conception économique de la notion d’entreprise n’a fait que croître et
embellir dans les pays continentaux, dits de droit écrit.

D’une façon plus générale, la propriété économique induirait une


modification profonde des relations entre les banques avec les entreprises :
de créancières, les banques jusqu’alors simples partenaires, deviendraient les
véritables décisionnaires de l’entreprise. L’immixtion dans la gestion,
aujourd’hui interdite, deviendrait la règle dans le monde des affaires !
Signalons au passage que les cas de disparition de PME en raison d’une
immixtion dans la gestion des banques créancières sont légion, et ceci en
dépit même de l’existence d’une législation protectrice ; ce constat
déplorable provient du double fait que l’immixtion dans la gestion est
difficile à établir, et qu’en cas de litige judiciaire, les PME, comme les
particuliers, ne pèsent guère face aux conglomérats bancaires. On perçoit ici
encore que l’avènement du concept de propriété économique aurait pour
conséquence la transformation d’une domination de fait du système bancaire
sur l’économie en une domination de droit.

La conception rénovée du droit de propriété laisse également entrevoir


d’« intéressantes conséquences » – du point de vue des possibilités de
concentration du capital – en matière de transmission d’entreprises, en
particulier dans le cadre des fameux LBO (Leveraged Buy-Out)8. Dans un
premier temps, les principaux propriétaires de capitaux – banquiers ‒
pourraient être tentés d’utiliser des holdings de façade pour acheter des
entreprises en nom propre. Une banque pourrait ainsi acheter au moyen de la
technique du LBO une entreprise cible dont elle deviendrait, de fait,
propriétaire, à la place de la holding acquéreuse apparente, tant que le prêt
ne serait pas remboursé par la cible-victime. Dans un second temps et au
titre du réalisme, les banquiers pourraient revendiquer juridiquement le droit
de se passer de l’intermédiation d’une holding de reprise pour acheter
directement des entreprises par LBO. Ce qu’il est convenu d’appeler l’effet
de levier, c’est-à-dire la remontée des dividendes de la société cible (en
réalité la société victime dont le rachat est envisagé) vers l’acquéreuse,
permettrait dès lors à la banque de racheter n’importe qu’elle société, tout en
faisant rémunérer son effort de prédation par sa victime ! En cas
d’avènement juridique de la propriété économique, les sociétés cibles ne
seraient plus achetées, mais bel et bien vendues par les politiques aux
financiers.

Comme on peut le constater, l’avènement du concept dit de propriété


économique aura des conséquences sur l’intégralité de l’organisation sociale.
Un tel concept agirait inéluctablement dans le sens de l’accroissement de la
concentration des capitaux.

II) Les origines anglo-saxonnes du concept

La notion de propriété économique, jusqu’alors inconnue du droit français


est, en revanche, très prégnante dans le droit anglo-saxon, lequel droit est
essentiellement axé autour du commerce. En droit anglo-américain moderne,
la conception du droit est toute entière incluse dans l’économie, le capital
domine et dirige le facteur humain.
Au contraire, pour le droit continental classique le fait politique, au sens
d’organisation des rapports humains, prime – enfin primait – le fait
économique. L’économie n’est pas absente du droit continental classique,
mais, loin d’en être la source exclusive, elle n’est au contraire qu’un élément
parmi d’autres que le droit prend en considération. La conception
continentale du droit considère en priorité le facteur organisationnel du
groupe humain, tandis que la philosophie du droit anglo-saxon, toute de
réalisme économique vêtue, recherche en priorité la valorisation financière.

Considérer l’organisation d’un groupe humain par le seul prisme mercantile


et financier est éminemment réducteur si l’on veut bien prendre en compte
que l’humain n’est pas réductible à une seule valeur marchande.
L’organisation sociétale axée autour du commerce a ainsi pu dévier vers une
organisation qui finit par opérer la réification de la personne humaine,
laquelle se retrouve dans le commerce, comme n’importe quel bien.

Par ailleurs, la recherche du profit institué comme modalité normale de


fonctionnement d’une société humaine – au sens politique – réalise, par
construction, la concentration des capitaux ; en fin de parcours, il ne reste
que les plus gros détenteurs de capitaux, peu importent les moyens employés
pour l’acquisition desdits capitaux9.

Techniquement, le concept nouveau de propriété économique est la


traduction juridique de l’analyse économique de la notion de propriété10. Il
est lié à ce qu’il est convenu d’appeler la théorie de l’agence et a pour
objectif de faire entrer la sphère politique dans la sphère économique.
Accepter le concept de propriété économique revient à accepter
définitivement et irrémédiablement de ne considérer le droit et le fait
politique, que par le prisme réducteur de l’économie.

Inclure la sphère politique dans la sphère économique représente, pour des


défenseurs du droit continental, une inversion exacte des valeurs. En droit
continental, il ne saurait y avoir d’analyse économique de la notion de
propriété, car cette dernière est avant tout un moyen primordial
d’organisation sociale permettant de pacifier et de réguler la vie en commun,
une valeur d’ordre moral et politique, qui a certes des incidences
économiques, mais qui ne sont que des conséquences du principe politique
initial et en aucun cas le fait générateur de la règle. Le droit continental ne
nie pas les conséquences économiques générées par le droit de propriété,
mais il récuse en revanche, ou plutôt il récusait jusqu’à il y a peu, le fait de
ne considérer le droit de propriété qu’au seul regard de ses conséquences
économiques, ce qui est précisément l’objectif recherché par les tenants du
concept de propriété économique.

La propriété, au sens classique du terme, permet une dynamique sociale, un


ascenseur social. La propriété est, à ce titre, facteur d’efficience en termes
d’organisation sociale.

Un pas plus loin, la propriété est également, lorsqu’elle peut être mise en
œuvre, le moyen d’assurer la sécurité des particuliers ; en ce sens, la
propriété a été le principal moyen de la liberté des peuples. Car il ne saurait
y avoir de liberté sans sécurité : la sécurité individuelle est la condition
nécessaire et indispensable (sine qua non), bien que pas toujours suffisante,
de la liberté.

Reléguer le droit de propriété à la seule composante économique signifie en


réalité transformer la philosophie sous-jacente du droit. On passe d’un droit
dont l’objectif est l’organisation sociale, à un droit dont l’objectif est le seul
rendement financier. Accepter une telle radicale domination du fait
économique revient, ni plus ni moins, à passer du libéralisme au
financiarisme, aussi appelé ultralibéralisme. Cela revient à nier le rôle social
d’institutions aussi essentielles que la propriété (pour tous) et l’entreprise
(comme institution collective), et à renoncer à une certaine conception du
droit comme facteur de régulation sociale. Nous avons ici affaire à une
philosophie purement matérialiste et dogmatique.

Le constat selon lequel la notion de propriété économique serait d’ores et


déjà, du point de vue économique, un fait pour tous les acquéreurs de biens à
crédit, est fortement mis en avant pour imposer la traduction en droit positif
du concept de propriété économique. Or, s’il est vrai que l’acquéreur à crédit
est, d’un point de vue économique, essentiellement propriétaire de dettes
(qu’il cumule avec les charges du propriétaire), il n’en reste pas moins vrai
que, d’un point de vue juridique, la banque qui veut récupérer le bien en cas
de non-remboursement des échéances, n’a actuellement pas le droit de
chasser manu militari l’emprunteur propriétaire de son domicile. La banque
ne détient pas de droit réel sur le bien acquis à crédit, qui appartient à
l’acquéreur. La banque ne détient qu’un droit personnel contre l’acquéreur :
le droit de se faire rembourser une somme due en vertu d’un contrat. Nous
avons déjà expliqué par ailleurs que le paiement d’intérêts sur le
remboursement d’un capital était en réalité, d’un point de vue strictement
juridique, non causé et source d’enrichissement sans cause pour la banque
créancière11.

En l’état actuel du droit positif, la banque qui veut se faire payer sa créance
contre l’emprunteur devra engager une action en justice pour faire
reconnaître son droit contre l’emprunteur créancier ; il est vrai que la banque
pourra également se faire payer en actionnant les cautions ou en mettant en
œuvre son hypothèque si l’emprunt était garanti par une hypothèque.

Acter juridiquement la notion de propriété économique reviendrait à inverser


l’ordre des choses : le droit réel, c’est-à-dire le pouvoir réel sur le bien,
appartiendrait directement à la banque créancière, tandis que l’acquéreur
individuel ne disposerait que d’un droit personnel contre la banque : celui de
se faire délivrer la chose (le bien) pour laquelle il a déjà payé des intérêts
indus. En conséquence, la banque créancière aurait le pouvoir juridique de
chasser l’occupant qui ne rembourse plus ses échéances (ou qui ne les
rembourse pas assez vite), sans aucune sorte d’intervention étatique ou
juridique. La totale absence de contrôle public sur la légitimité de l’action –
l’occupant pourrait même avoir payé ses échéances et être chassé par erreur
ou par malveillance – a pour conséquence directe d’apparenter l’ensemble
du processus à une captation légale pure et simple de biens par les
créanciers, au premier chef desquels se trouvent les banquiers.

En conclusion, la propriété économique placera l’acquéreur d’un bien qui


utilise un emprunt dans la situation suivante : il devra payer des intérêts
indus pour un bien qui ne lui appartiendra qu’à l’échéance de tous les
remboursements, et encore, dans des conditions

‒ sans doute judiciaires – qui resteront à déterminer. Le fait du prince


banquier en guise de droit : convenez du progrès !

III) Le futur avènement de la propriété économique en droit positif


Après avoir fait un aperçu des origines de la notion de propriété
économique, nous détaillerons ici pourquoi cette notion risque, dans un
avenir prochain, de devenir une partie intégrante du droit positif.

Il n’est aujourd’hui plus possible de compter sur la réticence conceptuelle


définitive et rédhibitoire du droit continental à l’égard du concept de
propriété économique, pour deux raisons essentielles.

La première raison, particulière à la France, provient de l’actualité : le droit


interne de ces vingt à trente dernières années, toutes branches confondues,
est riche en revirements aussi inattendus qu’impensables il y a encore
quelques décennies.

La transposition partielle en droit français du trust anglo-saxon (la fiducie)


est un pas en avant dans l’acceptation du concept de propriété économique
par le droit français12. Nous pourrions également citer l’arrivée en France
des stock-options, des LBO (Leveraged Buy Out) et bientôt de la protection
du secret des affaires, comme action conjointe – comme toujours – des
forces internes13 et européennes14.

Cette évolution du droit français est portée par des personnalités actives et
influentes, qui ont acquis des positions sociales dominantes leur permettant
de faire passer l’idée que cette évolution s’impose, qu’elle est, somme toute,
naturelle et que l’histoire de la propriété économique appartient à l’avenir.

En raison de l’esprit de cour, version à peine édulcorée de l’esprit de


collaboration – fortement présente depuis le début du XXe siècle chez les
élites françaises15 – le concept de propriété économique, poussé à pas de
loup par un petit groupe d’activistes influents, savamment soutenus par les
lobbies bancaires, sera à coup sûr développé et amplifié par la grande
majorité des juristes universitaires – éblouis par tant d’audace créative – et
des praticiens, subjugués tant par la faconde des activistes susmentionnés,
que par leur propre ignorance du droit civil.

Les promoteurs de la financiarisation de la vie en société utiliseront, comme


toujours, la grande masse des collaborateurs universitaires, praticiens et
politiques, pour concrétiser une adhésion massive au concept de propriété
économique. Il n’est qu’à constater les projets de thèses en cours sur la
propriété économique en 201316, les livres17 et autres études18 d’ores et
déjà consacrés au sujet.

Il semble que l’analyse économique de la propriété soit également depuis


2009 à l’ordre du jour du parti socialiste19.

On ne peut que faire le triste constat que le fait économique est, en France,
en passe de prendre définitivement le pas sur le fait politique, opérant ainsi
un reniement de toute la philosophie de notre construction juridique
démocratique. Personne ne dira que cette prétendue évolution juridique
cache en réalité une révolution juridique.

La seconde raison est que, si la France tentait de résister (ce qui est fort peu
probable pour les raisons exposées ci-dessus), l’Union européenne pourrait
être là, au moment opportun, pour rappeler à l’ordre ultralibéral et
financiariste tout État qui traînerait les pieds à intégrer le principe de
propriété économique. Dans le contexte du monopole ‒ et du mépris ouvert
du principe de séparation des pouvoirs – de la Commission européenne en
matière d’initiative législative20, aucun obstacle théorique n’empêcherait
cette institution d’imposer un jour, soit par directive21, soit par règlement
directement applicable dans les États membres, une conception renouvelée
de la propriété entièrement tournée vers le concept de propriété économique.
Ceci pourrait très bien voir le jour sous couvert de la compétence exclusive
de l’UE concernant l’établissement des règles de concurrence nécessaires au
fonctionnement du marché intérieur22.

Pour étayer le fait que le droit interne est de plus en plus souvent issu du
droit européen, citons l’avènement en droit français, par le biais d’un
règlement communautaire, des normes IFRS23, qui réalisent une
harmonisation mondiale des règles comptables applicables aux sociétés.
Rappelons que les normes IFRS sont édictées par un organisme privé24 pour
mieux répondre aux besoins mondiaux du grand capital libre et décomplexé.

On a ici la clef de compréhension de ce qu’il faut entendre, lorsque


Wikipedia explique qu’« on considère que la Commission dispose du droit
d’initiative en vue de jouer pleinement son rôle de gardienne des traités et de
l’intérêt général » ; il s’agit de l’intérêt général du grand capital, et non de
l’intérêt général des particuliers ou des petites entreprises. S’agissant de
l’introduction en droit français des normes IFRS, par règlement interposé,
écoutons ce qu’en disent certains professeurs de droit fiscal : « Bien que leur
origine privée ait suscité d’importantes réticences, spécialement en France,
les normes IFRS se sont imposées par le biais du droit de l’Union
européenne qui, par un règlement communautaire du 19 juillet 2002, les a
rendues obligatoires pour l’élaboration des comptes consolidés des sociétés
cotées sur un marché réglementé d’un État membre. En France, depuis le
1er janvier 2005, les normes IFRS s’appliquent obligatoirement aux comptes
consolidés des sociétés cotées et, sur option, aux comptes consolidés des
sociétés non cotées (Ord. N° 2004-1382, 20 déc. 2004). Les comptes annuels
restent soumis aux seules règles du droit français. Mais le législateur français
a réformé en 2005 le droit comptable en s’inspirant des normes IFRS, avec
toutefois des aménagements. La façon de penser et de s’exprimer s’en trouve
affectée, un peu comme lorsqu’en cas d’invasion une langue étrangère
s’impose sur un territoire nouvellement conquis. Les comptables et les
fiscalistes sont désormais priés de s’exprimer dans la nouvelle langue IFRS,
qui très souvent s’éloigne de l’ancien langage comptable. »25.

En conclusion, il ne fait guère de doute que lorsque le concept de propriété


économique sera arrivé à maturité dans les cercles français autorisés, le droit
européen viendra, si besoin est, en renfort des forces internes pour imposer
en droit positif ce concept de propriété économique. C’est la façon,
maintenant classique, dont s’articulent les forces politiques internes avec les
forces européennes en matière économique. Par exemple, certaines
préconisations du rapport Attali de 2008 ont été reprises par les « GOPE » de
1995 pour devenir des recommandations du Conseil de juillet de la même
année.

Conclusion : la « propriété économique, pire ennemie des libertés et de la


démocratie »

La propriété économique est le pire ennemi de la propriété, et une des


briques du chemin menant à la concentration ultime du capital et des
pouvoirs. Le concept de propriété économique est aussi, en raison de la
philosophie politique qui le porte, le pire ennemi de la démocratie. Laisser
les principaux détenteurs de capitaux et leurs stipendiés acter l’accaparement
des biens par le biais de l’avènement juridique de la propriété économique
équivaudrait, pour les populations, à un suicide symbolique à la fois étatique
et civilisationnel consenti26.

Concrètement, pour les populations civiles, le seul élément susceptible de


faire la différence entre un futur esclavagiste et un futur libre est la prise de
conscience, douloureuse, mais indispensable, que l’impérialisme financier
aujourd’hui aux commandes est animé, sous des apparences légalistes et
réglementaires anodines, des intentions les plus sombres. Prise de
conscience enfin, que ce nouvel impérialisme a déjà gagné la bataille des
faits et que le réalisme aujourd’hui consiste, pour les peuples, à ne pas acter
juridiquement ce phénomène, sous peine d’abdication de toute liberté et de
retour consenti à l’esclavage.

Fondamentalement, la conception anglo-saxonne du droit, dont la propriété


économique est une émanation toxique, est une conception financiariste de
la vie en société, laquelle ne peut et ne doit être organisée que par et pour le
plus grand bien de quelques élus capitalistes. Cette conception est par
ailleurs peu regardante quant à l’honnêteté de l’acquisition du capital en
question : l’existence finale de ce dernier est considérée comme une preuve
de l’élection de son détenteur au rang sociétal supérieur. Cette conception
idéologique de la vie en société s’accorde parfaitement avec la spiritualité
protestante. Le problème dans cette conception du monde est que
l’apparence prévaut en tout état de cause sur la réalité et que l’appropriation
violente et/ou vicieuse prévaut sur l’honnêteté et la compétence.
Objectivement, il s’agit, ni plus ni moins, d’une déviation du cours normal
des sociétés humaines.

Il nous semble que ce combat de la civilisation contre l’hégémonie


économique a commencé à être entrepris par les dirigeants russes, qui ont
mis fin au règne de l’ultralibéralisme, lequel avait succédé à des décennies
de communisme. La question reste de savoir si, en Russie, le combat sera
temporairement ou définitivement victorieux.

Dans les pays occidentaux, la lutte reste entièrement à mener, et elle sera
rude tant l’imaginaire collectif a perdu, contrevenu par des centaines
d’années d’instrumentalisation oligarchique, le sens des réalités objectives.
L’avenir libre dépendra de la seule prise de conscience collective objective –
c’est-à-dire dépourvu de postulat idéologique – des peuples.
21 février 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-77-
geopolitique-du-concept-de-propriete-privee-22

Notes
1 Cf. article 7/1 intitulé De la propriété privée…
2 Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_%C3%A9conomique_des_dro
its_de_propri%C3%A9t%C3%A9
3 Cf. http://rue89.nouvelobs.com/2013/08/23/tresor-americain-accuse-
davoir-vendu-monde-banquiers-245152
4 Cf. https://www.youtube.com/watch?
v=Fn_dcljvPuY&feature=youtube_gdata_player, écouter en particulier
autour de 6 min 50 s
5 Cf. les deux parties du chapitre intitulé « Géopolitique de l’entreprise
capitalistique », supra, et http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-
systeme-economique-global-67-geopolitique-entreprise-capitalistique-12 et
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-67-
geopolitique-entreprise-capitalistique-22
6 Sur ce sujet, lire par exemple La naissance du PDG actionnaire, Olivier
Berruyer, Stop ! Tirons les leçons de la crise, Yves Michel, collection
économie, p.26 et s.
7 Sur ce sujet, lire également : http://reseauinternational.net/le-mai-1968-
dont-les-medias-nont-pas-voulu-parler/
8 La technique du LBO permet à une entreprise d’acheter une autre
entreprise, sa cible, en faisant financer ledit rachat par la cible victime,
laquelle est in fine obligée de rembourser les échéances de l’emprunt
contracté par la prédatrice ; voir
https://fr.wikipedia.org/wiki/Achat_%C3%A0_effet_de_levier ;
http://lentreprise.lexpress.fr/gestion-fiscalite/budget-
financement/description-du-montage_1532299.html
9 Concernant la concentration des capitaux par les multinationales, voir
l’étude suisse suivante :
http://arxiv.org/PS_cache/arxiv/pdf/1107/1107.5728v1.pdf ; pour une
présentation en français de cette étude :
http://www.pauljorion.com/blog/2011/09/08/le-reseau-de-controle-global-
par-les-grandes-entreprises-par-stefania-vitali-james-b-glattfelder-et-stefano-
battiston/
10 Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_%C3%A9conomique_des_dro
its_de_propri%C3%A9t%C3%A9
11 Cf. « L’ntreprise bancaire, instrument juridique du désordre politique
global », supra.
12 Pour une illustration, voir par exemple l’intégration, partielle, en droit
français du trust anglo-saxon par le biais de l’avènement de la fiducie :
http://www.upr.fr/actualite/france/larbre-marini-qui-cache-la-foret-du-lobby-
de-la-financiarisation-de-leconomie
13 Cf. http://www.liberation.fr/france/2016/01/29/secret-des-affaires-la-
fuite-en-avant_1429925 ;
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20150213.OBS2460/loi-macron-
le-secret-des-affaires-enterre-a-l-assemblee.html
14 Le parlement européen a adopté, le 14 avril 2016, la directive dite
« secret des affaires » :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/04/14/le-parlement-europeen-
adopte-la-directive-sur-le-secret-des-affaires_4902340_3234.html ;
http://www.kon-bini.com/fr/tendances-2/secret-des-affaires-vote-directive-
europeenne/
15 Lire à cet égard Le choix de la défaite par Annie Lacroix-Riz, 2e édition,
Armand Colin, 2017.
16 Voir par exemple la thèse d’Elodie Pommier, soutenue à Clermont-
Ferrand 1, sous la direction de Jean-François Riffard :
http://www.theses.fr/s83065
17 Voir par exemple Propriété économique, dépendance et responsabilité par
Catherine Del Cont, L’Harmattan : https://books.google.fr/books?
id=XZ1j8Q5nY-
UC&pg=PA24&lpg=PA24&dq=propri%C3%A9t%C3%A9+%C3%A-
9conomique&source=bl&ots=QqVjlAQkLe&sig=rgRnS7il0xX0ffPZfOsJXl
-N1c2g&hl=fr&sa=X&ei=-jt6Uo6ND-
Sh0QWi64HAAw#v=onepage&q=pro-
pri%C3%A9t%C3%A9%20%C3%A9conomique&f=false
18 Voir par exemple :
http://www.crdp.umontreal.ca/_ancien_site/fr/publications/ouvrages/Bergel.
pdf
19 Cf. http://engagements-socialistes.fr/2009/12/une-approche-economique-
de-la-propriete/
20 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Monopole_de_l%27initiative
21 Les amendes pour non transposition dans le délai requis des directives se
chargent de sanctionner tout État résistant ; comme le font, dans un autre
contexte, les amendes infligées aux États jugés excessivement
protectionnistes dans le cadre des Aides d’État.
22 Sur le partage des compétences, voir :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_europ%C3%A9enne#Comp.C3.A9tence
s_propres_et_partag.C3.A9es
23 Concernant l’origine des normes IFRS, lire par exemple
http://www.argusdelassurance.com/institutions/origines-principes-et-enjeux-
des-normes-ias-ifrs.30656 ; voir également la première partie de notre article
intitulé « Géopolitique de l’entreprise capitalistique », supra.
24 Les normes litigieuses proviennent en effet de l’International Accounting
Standarts Commitee Foundation qui, comme son nom le laisse supposer, est
une fondation de droit britannique regroupant des organismes professionnels
de différents pays (notamment les grands cabinets anglo-saxons) et
structurée en différents conseils, dont un comité exécutif (IASB) chargé
d’élaborer un référentiel commun nécessaire à la libre circulation des biens
et des capitaux ; cf. Précis de fiscalité des entreprises 2011/2012,
35e édition, par Maurice Cozian et Florence Deboissy, Lexisnexis, n° 102
p.48
25 Pour une application des normes IFRS aux comptes annuels, voir :
https://www.netpme.fr/info-conseil-1/gestion-entreprise/comptabilite/fiche-
conseil/40811-ifrs-nouvelles-regles-comptables-financieres
26 En ce sens, voir par exemple Paul Craig Roberts,
http://www.paulcraigroberts.org/2013/10/28/pcr-column-wake-destroyed/
Quelques précisions sur les projets
de réforme du Code civil français

La complexité est la mère du complot en ce qu’elle permet d’agir


discrètement mais ouvertement, mettant en œuvre de manière éclatante le
premier des stratagèmes chinois de l’art de la guerre : « le grand jour est une
cachette plus sûre que la pénombre ». Cette méthode du renvoi systématique
à d’autres textes est devenue un leitmotiv de toutes les réformes législatives
actuelles.

Il ne sera pas question ici d’analyser de façon exhaustive toutes les


dispositions des actuels projets de réforme du Code civil ; néanmoins, le
sujet étant tellement grave, il nous a semblé indispensable de mettre en
perspective historique, sociologique et politique certains aspects
essentiels de ces réformes.

À propos du projet de réforme par l’association Capitant du droit des


obligations issu de 1804

Lorsque les rédacteurs du Code civil de 1804 distinguaient les biens des
obligations, ils analysaient une situation et agissaient dans le sens de la
taxinomie, conformément à la méthodologie répandue au XVIIIe siècle. La
logique suivie est claire et le résultat compréhensible, c’est-à-dire que la
raison logique de chacun est capable de l’appréhender sans recours à aucun
artifice.

Ainsi, l’actuel article 516, dont la rédaction est celle de 1804, indique-t-il
que « tous les biens sont meubles ou immeubles ».

Dans le même ordre d’idée, le Code de 1804 distingue entre les biens et les
obligations, cette dernière catégorie se justifie en ce qu’elle permet
d’acquérir la propriété de biens. Ainsi, les obligations sont localisées dans le
livre III du Code civil intitulé Des différentes manières dont on acquiert la
propriété, dont un titre III est intitulé Des contrats ou des obligations
conventionnelles en général.
Il en va tout autrement dans le projet de réforme du Code civil tel que
présenté par l’Association Henri Capitant.

Ainsi, ce projet est présenté, comme il est devenu habituel, comme une
nécessaire modernisation du droit français ; laquelle modernisation doit être
rapidement mise en œuvre en catimini par le gouvernement par voie
d’ordonnance, afin de ne pas risquer d’éventuels - bien que peu probables -
houleux débats parlementaires.

À ce stade de l’analyse et une fois pour toutes, il importe d’aborder là une


question méthodologique essentielle. Tous les textes dits de modernisation
du droit français sont issus d’une idéologie anglo-saxonne et sont tournés
vers la prédation économique du grand capital. Ces textes étaient, en France,
habituellement imposés par le bien commode droit européen, c’est-à-dire par
les services de la Commission européenne. Or, nous avons déjà expliqué que
les institutions européennes sont un relais des intérêts du grand capital qui a,
depuis la Révolution française, pris en interne le contrôle des rênes du
pouvoir ; aussi la Commission européenne est-elle bien souvent utilisée par
les partisans internes de la réforme (c’est-à-dire les hommes politiques et
ceux qui détiennent le pouvoir institutionnel) - qui est en réalité une
révolution ‒ pour se dispenser d’avoir à présenter eux-mêmes des
explications et des justifications aux citoyens et contribuables français qui
les élisent, leur accordant par là leur confiance dans le même temps qu’ils
leur ouvrent leurs porte-monnaie.

Cet aparté établi, revenons au projet de réforme du Code civil, présenté


comme une nécessaire modernisation du droit français.

Ainsi, il se trouve que le droit des biens et celui des obligations se verraient,
l’air de rien, très profondément modifiés à la fois d’un point de vue
méthodologique et d’un point de vue symbolique.

Ainsi, le nouvel article 520 du Code disposerait que « sont des biens, au sens
de l’article précédent, les choses corporelles ou incorporelles faisant l’objet
d’une appropriation, AINSI que les droits réels ou personnels tels que définis
aux articles 522 et 523 ».
D’un point de vue formel, plusieurs remarques s’imposent. Cet article ne se
suffit pas à lui-même, il n’est pas compréhensible à sa seule lecture. En effet,
pour comprendre le nouvel article 520, pas moins de trois renvois à d’autres
articles sont indispensables. À elle seule, cette remarque permet de
comprendre que les choses énoncées ne sont pas si claires et qu’elles se
cachent derrière une complexité qui n’augure rien de bon. La complexité est
la mère du complot en ce qu’elle permet d’agir discrètement, mais
ouvertement, mettant en œuvre de manière éclatante le premier des
stratagèmes chinois de l’art de la guerre : « le grand jour est une cachette
plus sûre que la pénombre ». Cette méthode du renvoi systématique à
d’autres textes est devenue un leitmotiv de toutes les réformes législatives
actuelles.

Par ailleurs, cet article laisse penser, par son « ainsi que » qu’il existe des
biens qui ne sont ni des biens corporels ni des biens incorporels faisant
l’objet d’une appropriation. À côté des classiques biens corporels et
incorporels, susceptibles d’appropriation, il existerait donc une catégorie
nouvelle de choses susceptibles d’être appropriées… Cette catégorie
nouvelle est en réalité la catégorie ancienne, c’est-à-dire connue des
rédacteurs de 1804 comme étant celle des obligations. Ainsi, les obligations
deviennent, avec ce projet de réforme, susceptibles d’appropriation.

Nous y voilà : l’actuel projet de réforme du Code civil aurait précisément


pour raison d’être de rendre juridiquement possible le bail-in bancaire autant
que de préparer l’avènement du projet scélérat de propriété économique, qui
scellera la fin du concept de propriété privée et l’avènement nouveau de
l’accaparement légal.

Il faut se souvenir que les sommes déposées par toute personne sur un
compte en banque sont fongibles, en raison du fait que la monnaie est le seul
« bien » ayant pour caractère juridique une fongibilité absolue. Il découle de
cette caractéristique juridique de la monnaie que les particuliers ne sont pas à
proprement parler propriétaires - au sens où ils disposeraient sur elle d’un
droit réel - des sommes qu’ils ont sur un compte en banque, mais qu’ils sont
détenteurs, sur la banque, d’une créance : la banque ayant pris l’engagement
tacite au moment de l’ouverture du compte, de rendre au titulaire la même
somme que celle qui y est déposée. Ainsi, et cela change tout, les détenteurs
de comptes bancaires ne sont pas propriétaires de l’argent qu’ils déposent en
banque, mais créanciers de ladite banque. Vous comprenez pourquoi le
fameux bail-in qui prévoit la capture d’une partie de l’argent des déposants a
pu être juridiquement prévu en cas de faillite bancaire.

Ainsi, le projet de réforme du Code dit civil prévoit expressément la


possibilité juridique légale du bail-in puisque la banque faillie pourra
s’approprier une partie de l’argent des déposants, la créance qu’elle détient
contre eux étant transformée en biens. La raison pour laquelle le Code civil a
besoin d’être modernisé devient ainsi lisible et compréhensible : il s’agit de
prévoir l’accaparement des actifs bancaires des particuliers par les
conglomérats bancaires délibérément faillis.

Par ailleurs, le projet de propriété économique suppose, en cas de prêts


bancaires, un renversement du propriétaire jusqu’au remboursement intégral
du prêt. Ainsi, lorsqu’un particulier fait un prêt pour acquérir une maison ou
une voiture, ce dernier est, encore actuellement, mais plus pour très
longtemps, propriétaire nominal du bien acquis à crédit, la banque étant la
créancière contre l’emprunteur, c’est-à-dire qu’elle détient contre
l’emprunteur un droit (dit personnel) de se faire rembourser les sommes
prêtées, ce qui s’analyse juridiquement en une obligation. Après l’avènement
de la propriété économique, c’est l’apporteur de capitaux, souvent la banque,
qui sera propriétaire des biens acquis par l’emprunteur jusqu’à ce que ce
dernier ait remboursé l’intégralité du prêt. Il faut ici impérativement se
souvenir qu’en raison du principe intangible dit de la réserve fractionnaire, la
banque prête des sommes dont elle ne dispose pas et s’octroie de cette façon
un enrichissement sans cause en prélevant des intérêts sur ce prêt.

Ainsi, grâce à la réforme du Code civil qui transforme les créances (droits
personnels) en biens susceptibles d’appropriation, la réforme du droit de
propriété économique passera beaucoup mieux : il suffira de dire que la
propriété économique ne fait qu’entériner une réalité juridique préexistante
puisque les apporteurs de capitaux sont d’ores et déjà propriétaires des
créances qu’ils ont sur les tiers.

Ainsi, la réforme prévue du Code civil est tout sauf une réforme
démocratique du droit, elle est le premier pas vers la disparition du principe
même de propriété privée et la préparation de l’accaparement érigé en règle
de droit. Les seuls intérêts que protègent le projet de réforme sont les intérêts
du grand capital. Avec des amis de la culture juridique française tels que les
membres de l’association Henri Capitant à l’origine dudit projet, nous
n’avons plus besoin d’ennemis de la culture juridique française…

À propos de la Réforme du droit des obligations et de la suppression de


la « cause »

De la même manière, il semble y avoir un sérieux projet de réforme du droit


des obligations visant à supprimer l’exigence ad validitatem (à peine de
nullité du contrat) d’une « cause » licite au contrat - article 1108 du Code
civil de 1804. Les lecteurs voudront bien se souvenir que l’existence d’une
cause au contrat est justement ce qui permettrait d’annuler des quantités de
prêts bancaires - et, par voie de conséquence, leurs obligations pour
l’emprunteur - pour tous les prêts fondés sur l’existence du principe de la
réserve fractionnaire.

Il faut insister sur le fait que toutes ces réformes s’appuient de façon
constante sur la nécessité de modernisation du droit français dans la
« perspective probable », et surtout ardemment souhaitée, d’une unification
du droit au sein de l’Union européenne. Il suffit seulement de rappeler que le
droit dominant de l’Union européenne n’a rien à voir avec le droit
continental classique, dont le Code civil de 1804 est le plus parfait
représentant, et tout à voir avec le droit anglo-saxon - dominé par le
commerce et bras armé des intérêts du grand capital - pour comprendre dans
quel sens iront les réformes envisagées.

Ainsi, certains aspects essentiels des réformes envisagées du Code civil ne le


sont que dans le strict intérêt des banques ; sous couvert de modernisme, le
Code civil nouveau sera la main armée du grand capital pour resserrer bien à
fond l’asservissement des gens ordinaires.

8 août 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/quelques-precisions-sur-les-projets-de-reformes-
du-code-civil-francais
Les banques pourront ponctionner
directement vos comptes bancaires !

Dans le nouveau contexte bancaire, dit « bail-in », applicable en France dès


janvier 2016, les banques auront la possibilité de ponctionner directement,
bien qu’en troisième recours, les comptes bancaires des déposants.

Ce contexte financier inédit résulte de la récente directive BRRD intégrée


avec autant de célérité que de discrétion dans le corpus juridique français par
la grâce d’une ordonnance du 20 août 2015. Le gouvernement avait une fois
de plus estimé que le recours législatif était une perte de temps… cette
« désormais habitude » n’ayant plus l’air de choquer quiconque.

A PARTIR DE JANVIER 2016, LES BANQUES POURRONT


PONCTIONNER DIRECTEMENT VOS COMPTES BANCAIRES !

Dans le nouveau contexte bancaire, dit « bail-in », applicable en France dès


janvier 2016, les banques auront la possibilité de ponctionner directement,
bien qu’en troisième recours, les comptes bancaires des déposants.

Ce contexte financier inédit résulte de la récente directive BRRD intégrée


avec autant de célérité que de discrétion dans le corpus juridique français par
la grâce d’une ordonnance du 20 août 2015. Le gouvernement avait une fois
de plus estimé que le recours législatif était une perte de temps… cette
« désormais habitude » n’ayant plus l’air de choquer quiconque.

Sur le fond, il ne faut pas surévaluer la distinction entre bail-out et bail-in.


Dans les deux cas, il s’agit pour les banques de faire main basse sur l’argent
public ; par l’intermédiaire des États en cas de bailout, directement en cas de
bail-in. Lorsque l’une des méthodes est usée, on passe à l’autre.

Le bail-out contraignait les États à venir au secours des banques en


perdition, augmentant, sans contrepartie de la part des banques, leur
endettement à la fois en capital et par les intérêts de la dette. Or qui dit
augmentation de l’endettement des États dit augmentation des impôts et
diminution des services rendus aux usagers, contraignant ainsi les citoyens à
s’endetter pour assurer le maintien de leur niveau de vie. Le contribuable est
un déposant qui s’ignore. En conclusion, bail-in ou bail-out : c’est bonnet
blanc et blanc bonnet. Les États sont de simples courroies de transmission
des intérêts bancaires auprès du public.

Avec le « bail-in », les citoyens sauront directement où part leur argent. On


imagine la réaction des futurs épargnants spoliés par l’application de ce bail-
in.

Or il se trouve que, malgré tous les artifices comptables à leur disposition,


les banques, notamment françaises, sont dans une situation financière
préoccupante ; et encore, les opérations hors bilan ne sont pas prises en
compte. Si par hasard l’une des grandes banques se trouvait en 2016 en
situation de devoir recourir au fameux bail-in, le gouvernement se trouverait
fort opportunément, grâce à la modification en cours, face à une version
modernisée constitutionnelle de l’État d’urgence (l’article 36-1 qui devait
amender la Constitution française pour constitutionnaliser l’état d’urgence
n’a, début 2019, pas encore vu le jour), les manifestations publiques
d’épargnants dépouillés pouvant dès lors être interdites ou durement
réprimées.

Finalement, pour les pouvoirs publics, « tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes » ; la philosophie du docteur Pangloss résonne dans
l’éternité du XXIe siècle.

Une telle synchronisation entre des évènements malheureux d’ordre bancaire


et terroriste a de quoi bouleverser les âmes les plus indifférentes ; cette
relation symbiotique entre banque et terreur ouvrant dès lors un abîme de
perplexité chez les esprits les moins aguerris.

2 décembre 2015

Source :
http://www.bvoltaire.fr/janvier-2016-banques-pourront-ponctionner-
directement-vos-comptes-bancaires/
La France est-elle réellement
un « État socialiste » ?

En matière économique et sociale on ne peut que constater que la France a,


très largement et à plus d’un titre, perdu, en tant qu’entité politique, toute
capacité décisionnelle effective. Son intégration dans la construction
européenne (eurozone, Traité de Lisbonne, et les traités annexes tel
Schengen) à vocation fédéraliste lui a fait perdre, de façon fonctionnelle et
organique, l’essentiel de son autonomie en matière de politique économique
et sociale ainsi qu’en matière monétaire.

Valérie Bugault nous propose une série de deux articles en écho à


l’interview de Xavier Moreau publiée récemment sur le site des Non
Alignés. Dans ce premier article, elle reprend les mots de l’interviewé
qui parle d’État socialiste pour qualifier la France. Dans un second
article à venir, elle commentera l’analyse que Xavier Moreau fait du
Bitcoin et développera la sienne.

Cela permet aussi de montrer que sur des sujets aussi complexes, on
peut avoir des analyses différentes. En 5000 mots, Valérie Bugault prend
le temps d’aller au fond des choses alors qu’en quelques minutes, au
pied levé comme le fait Xavier Moreau, et en articulant en plus le sujet
avec la situation en Russie, on reste dans le commentaire de surface.

Avant de vérifier la réalité de l’aspect politique de cette assertion, il faut


s’assurer, au préalable, que la France est encore effectivement un « État ».

1 – La France est-elle un État ?

Un État se définit essentiellement par une autonomie de gestion politique sur


un territoire déterminé. Par gestion il faut entendre la capacité à prendre des
décisions fondamentales en toute autonomie. Cette autonomie, qui suppose
une autonomie en matière législative et juridictionnelle, doit s’appliquer aux
domaines économique et social mais aussi au domaine de la défense, à la
fois du territoire de l’État et de ses ressortissants.
1.a Qu’en est-il de l’autonomie décisionnelle de la France en
matière économique et sociale ?

En ce domaine, on ne peut que constater que la France a, très largement et à


plus d’un titre, perdu, en tant qu’entité politique, toute capacité décisionnelle
effective. Son intégration dans la construction européenne (eurozone, Traité
de Lisbonne, et les traités annexes tel Schengen) à vocation fédéraliste lui a
fait perdre, de façon fonctionnelle et organique, l’essentiel de son autonomie
en matière de politique économique et sociale ainsi qu’en matière monétaire.

Concernant ces questions, il faut toutefois préciser le contexte : ce sont bien


effectivement les instances dirigeantes de la France qui à un moment donné
et en toute « souveraineté politique » ont fait délibérément le choix de la
perte de leur souveraineté pour l’avenir. Il faut d’ailleurs insister sur le fait
que ce choix a été largement fait, initialement, à l’insu du peuple français, et
finalement contre son consentement – souvenez-vous à cet égard du NON
des Français au référendum concernant la prétendue « Constitution
européenne » aussitôt contourné par les « représentants politiques du
peuple » qui ont validé le Traité de Lisbonne.

Il faut encore préciser que le transfert de la gestion monétaire à la BCE n’a


pas fondamentalement changé la problématique monétaire, car la Banque de
France a toujours, comme toutes les banques centrales peu ou prou, avec des
variations d’intensité en fonction de la qualité des chefs politiques avec
lesquels elle cohabitait, été contrôlée par la caste financière dominante.

1.b Qu’en est-il de l’autonomie politique de la France en matière


législative et juridictionnelle ?

À titre préliminaire, précisons que les fonctions législative et juridictionnelle


ont été ici délibérément associées, car elles sont politiquement liées.

En effet, la fonction étatique consistant à assurer la « justice » consiste à


faire appliquer les lois en vigueur. Cette fonction est donc intégralement
dépendante des lois en question : si les lois qu’il s’agit de faire appliquer
sont d’origine étatique, la fonction juridictionnelle sera également, de façon
fonctionnelle, d’ordre étatique. En revanche, si les lois qu’il s’agit de faire
appliquer sont d’origine non étatique ou supranationale (supra-étatique),
dans ce cas, la fonction consistant à faire appliquer lesdites lois ne sera plus,
fondamentalement, de nature étatique. Dans ce dernier cas de figure, si la
gestion technique de la fonction juridictionnelle (« la justice ») peut
conserver, au moins partiellement, une nature étatique, sa finalité échappe en
revanche de façon définitive à l’État en question, puisque les lois qu’il s’agit
de faire respecter ne sont pas à strictement parler des lois décidées par l’État.

Or, avec la construction européenne, la France se trouve, précisément, dans


cette dernière hypothèse. Les lois relayées sur le territoire français sont, dans
leur très grande majorité, des exigences relevant de la mise en application
des traités européens au moyen tant du droit dérivé que des grandes
directives de politiques économiques (les fameuses GOPE), annuellement
déterminées par les ministres des Finances et de l’Économie (réunis dans
Ecofin) des différents pays de l’Union.

La compétence étatique, stricto sensu, étant ainsi en grande partie éliminée


de la fonction législative, la fonction juridictionnelle, liée à la première,
échappe également, par voie de conséquence, à l’État. Les traités européens
organisent d’ailleurs précisément un système juridictionnel qui chapeaute les
juridictions étatiques afin de garantir la bonne mise en œuvre par les États
des traités européens.

Il faut noter que le système consistant à rendre les lois et leurs applications
indépendantes des entités politiques étatiques n’est pas propre à la
construction européenne. On le retrouve au sein de l’Organisation mondiale
du commerce. Une fois ratifiés par les États (le plus souvent dans la plus
grande opacité vis-à-vis des populations), les traités commerciaux
multilatéraux qui sont négociés par des « autorités compétentes » (lesquelles
ne sont jamais des personnalités désignées par mandat populaire ad hoc,
insistons là-dessus), s’imposent à toutes les entreprises des États, parties
prenantes de l’accord. Par voie de conséquence, ces Traités se trouvent
régenter la vie économique des populations situées sur le territoire des États
parties du dit Traité. Ce mécanisme de traités multilatéraux s’accompagne de
façon systématique d’un mécanisme dit « de règlement des différends » qui
se traduit concrètement par une justice arbitrale, payée par les parties au
litige, et qui n’a rien à voir avec une quelconque justice étatique.
La structure de la construction européenne se trouve suivre exactement la
même voie que celle initiée postérieurement, au niveau mondial, par l’OMC.

Pour en revenir à la construction européenne, une arme puissante, à côté du


droit dérivé, au service de la Commission (organe exécutif de cette
construction supranationale) pour imposer et garantir l’application par les
États1 des exigences supranationales incluses dans les traités européens est
une arme de nature juridico-financière appelée « Aide d’État ». Les États qui
favoriseraient leurs entreprises publiques nationales aux dépens d’entreprises
plus ou moins formellement rattachées à d’autres États membres2 se voient
infliger des amendes suffisamment dissuasives pour que ces États
récalcitrants renoncent à leur préférence nationale en matière économique3.

En matière législative, il faut garder à l’esprit que le modèle civilisationnel


promu par la Construction européenne est le modèle anglo-saxon, de nature
fondamentalement commerciale. Ainsi, contrairement aux anciennes
préconisations du droit continental (qui était, jusqu’à récemment, le modèle
de droit français), le commerce constitue l’alpha et l’oméga du « droit »
désormais applicable dans tous les États membres de l’Union Européenne.
Ici encore, il faut préciser afin d’éviter tout contresens : par « commerce » il
faut entendre « défense des intérêts des multinationales et de leurs
propriétaires »4.

En conclusion, le modèle de droit anciennement applicable aux pays


européens continentaux, directement issu du droit romain, a aujourd’hui
quasiment disparu au profit du droit anglo-saxon promu tant par les
institutions européennes que par les institutions internationales (OMC). En
perdant le contrôle de son modèle de « droit » la France a également perdu le
contrôle de sa « justice ».

Aussi, en matière législative et juridictionnelle, il ne saurait plus être


question, en France, de « souveraineté nationale ». L’organisation sociale
sous forme étatique tend à laisser la place à une organisation sociale de type
commercial gérée par et pour les intérêts privés des multinationales, au
premier titre desquelles se trouvent les conglomérats financiers et bancaires.

1.c Qu’en est-il de l’autonomie politique de la France en matière de


défense de son territoire et de ses ressortissants ?
1c.1 L’autonomie politique dans la gestion des armées est un autre
aspect de la souveraineté étatique. Or, en ce domaine également, la
souveraineté est fortement mise en question. En matière militaire, les
autorités politiques françaises ont délibérément fait le choix (opéré par
l’ancien Président Nicolas Sarkozy et jamais démenti par ses
successeurs) de resserrer les liens organiques vis-à-vis de l’OTAN,
laquelle institution est fonctionnellement sous commandement
étasunien.

1.c.2 Il faut par ailleurs garder à l’esprit que la défense du territoire


suppose l’existence d’un territoire justement défini. Or en
l’occurrence, le territoire français tend, dans une très large mesure, à se
brouiller. Les frontières extérieures se brouillent en raison du fait que
les traités européens stipulent la disparition des frontières étatiques en
matière de circulation des capitaux et des personnes. En interne,
l’organisation territoriale de l’État se brouille en raison du postulat
« fédératif » de la même construction européenne : de déconcentration
en décentralisation, l’objectif de la construction européenne contraint
l’État à organiser sa propre disparition en tant qu’entité politique, au
profit de la constitution de vastes régions dépendantes, pour leur
défense, de la maison mère « unionesque ».

1.c.3 Concernant la sécurité des ressortissants français, alors que


celle-ci devrait être garantie par les services de renseignement étatiques,
la presse a relayé le fait que lesdits services (au moins certains d’entre
eux) ont délégué des fonctions essentielles d’analyse à leurs
homologues américains5. Là encore, la tendance est à la disparition de
la souveraineté étatique.

Ajoutons que si la lutte contre le terrorisme reste formellement de la


compétence des autorités étatiques, en pratique, cette lutte passe par une
coordination renforcée desdites autorités avec celles des autres États de
l’Union6.

Par ailleurs, les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont eu un


impact sur un nombre considérable de pays alliés, dont la France (et tous les
pays de l’Union européenne), qui se sont vus espionnés à leur tour et
éventuellement sommés de resserrer l’intégration de leurs propres services
de renseignements avec leurs homologues américains7.

Il résulte de ces constats que l’autonomie décisionnelle des autorités


étatiques françaises est aujourd’hui, en matière de défense du territoire
(lequel territoire devient de plus en plus difficile à identifier), autant qu’en
matière de défense de ses ressortissants, dans une large mesure, tronquée ; de
telle sorte que l’on peut, dans ces domaines également, se poser la question
de l’existence d’une réelle souveraineté nationale.

1.d Conclusion : la France n’est, stricto sensu, plus un « État »

Pour toutes les raisons analysées plus haut, et pour beaucoup d’autres allant
dans le même sens, la France ne peut plus, fonctionnellement et
organiquement, être qualifiée d’« État » en tant qu’entité politique à part
entière : les fonctions, dites régaliennes, ont désormais déserté le
rattachement étatique français. Une observation attentive des faits et des
institutions révèle, de façon tout à fait objective, que la France n’est plus un
État.

L’apparence étatique n’est en réalité qu’une coquille vide dépourvue de


réalité politique et institutionnelle. Cette apparence ne sert qu’à tromper
l’électorat qui croit encore voter pour des hommes en charge des affaires
publiques.

Insistons sur le fait que nous ne prenons pas, à l’occasion de cet article, parti
sur la question de la légitimité de la disparition de la France en tant qu’entité
politique ; cette question, essentielle, relève d’un autre débat, un débat de
nature politique qui excède largement le cadre d’un modeste article
d’information. Le présent article a pour seul objet de faire une analyse
fonctionnelle, organique et technique, de l’« État » français.

2 – La France est-elle socialiste ?

Nous avons démontré, dans la première partie du présent article, que la


France ne peut, en aucun cas être qualifiée d’État. La France peut-elle
néanmoins être qualifiée de « socialiste » ?
Il faut ici garder à l’esprit deux problèmes de nature différente. Le premier
problème résulte du fait que, n’étant plus une entité politique autonome,
qualifier la politique suivie par la France de « socialiste » ou « libérale » ou
encore « ultra-libérale » n’est fondamentalement pas pertinent.

Le second problème relève de la question idéologique. Les termes


« socialiste » ; « libéral » ou encore « ultra-libéral » sont très fortement
connotés de façon idéologique. Or, afin de bien percevoir les tenants et
aboutissants de la situation politique actuelle, il importe de faire la juste part
des choses entre 1° les « faits » bruts et incontestables qui relèvent d’une
observation neutre, 2° la terminologie employée et 3° la charge idéologique
éventuellement portée par les termes utilisés.

Afin de dépassionner le débat nous proposons une approche dés-idéologisée


du terme « socialiste ». Ainsi conçu, le terme « socialiste » ferait référence à
l’existence d’une politique essentiellement, voire exclusivement, tournée
vers la défense des membres les plus faibles de la collectivité en question.

Par membres les plus faibles, il faut entendre d’une part les personnes qui
sont devenues économiquement faibles suite à un choc, que ce dernier soit
de nature personnelle (accident, maladie, choc psychologique ou affectif) ou
de nature collective, lié par exemple à une politique étatique de
délocalisation ou d’orientation ou de réorientation globale des activités de
l’État dans une direction différente de celle pour laquelle ses ressortissants
étaient préparés par formation ou formatage. Par « membres les plus
faibles », il faut aussi entendre ceux qui, par naissance, sont dépourvus des
capacités motrices ou cérébrales leur permettant de s’insérer de façon
harmonieuse ou facile dans la vie collective.

Ainsi comprise, une politique socialiste s’entendrait d’une entité politique


qui prendrait des positions tendant à protéger les membres de la collectivité
ayant des difficultés, conjoncturelles ou structurelles, à s’insérer dans un
ordre social établi.

Ce postulat établi, deux évidences doivent être soulignées. La première est


que, comme indiqué plus haut, le qualificatif « socialiste » ne peut
s’appliquer qu’à une « entité politique autonome » ce que la France n’est
pas. La deuxième évidence est que le terme « socialiste » ne peut en aucun
cas être appliqué en présence d’une entité politique qui elle-même, par ses
propres décisions ou par le relais qu’elle ferait de décisions prises ailleurs,
organiserait de façon systématique et permanente l’apparition de difficultés
conjoncturelles empêchant ses ressortissants de s’insérer harmonieusement
dans une « vie collective ». A fortiori, et de façon logique, une entité
politique qui s’acharnerait à faire disparaître la possibilité de « vie
collective » qui suppose une certaine cohésion sociale sur son territoire est,
de facto, une entité politique qui ne saurait être qualifiée de « socialiste ».

2.a La France est-elle, en matière fiscale et sociale, le relais d’une


politique de défense du plus faible ?

La réponse est OUI si l’on regarde, de façon très superficielle, l’existence de


schémas redistributifs, à savoir l’existence d’allocation chômage, de retraites
par répartition et de participation collective aux soins. Toutefois, ces constats
sont des héritages mis en place le 15 mars 1944 par le CNR, ils relèvent
donc de l’histoire de France et non de décisions actuelles des dirigeants
politiques. Rappelons d’ailleurs que les instances politiques ont clairement,
en 2007, pris officiellement position contre les acquis sociaux de cette
époque8. Prise de position que les gouvernements successifs se sont tous
affairés à mettre consciencieusement, souvent sous le prétexte des
obligations européennes, en œuvre.

L’organisation de la fiscalité actuelle, à y regarder de très loin, pourrait


également laisser l’impression que le système français est redistributif, et
donc « socialiste » en raison, essentiellement, de l’existence d’un impôt sur
la fortune, d’une progressivité de l’impôt sur le revenu, et de la TVA qui ne
taxe que la création de richesse par le biais (le relais) de la consommation.
Toutefois seule une analyse extrêmement superficielle peut laisser croire que
la France a une politique fiscale en faveur de ses membres les plus fragiles.
Et il faut au surplus y mettre une bonne dose de mauvaise foi.

2.a.1 Premièrement, cette analyse fait une totale abstraction du fait,


essentiel, principal, selon lequel les grandes fortunes (et les
multinationales) échappent aujourd’hui, quasi intégralement, à la
fiscalité nationale en allant mettre leurs avoirs à l’abri dans les paradis
fiscaux artificiels, qui sont des entités territoriales entièrement gérées
par des institutions financières.
Il faut ici préciser que les personnes moyennement fortunées ou les petites et
moyennes entreprises qui tentent leur chance du côté des paradis fiscaux
sont les premières rattrapées par le fisc de leur pays d’origine ;
économiquement plus fragiles, elles n’ont pas l’assise financière leur
permettant de s’entourer des bons conseils. L’accès aux paradis artificiels
financiers est, de facto, réservé aux plus fortunés.

2.a.2 Deuxièmement, les impôts dits sur la fortune que la France


perçoit sont des impôts qui sont assis sur de la matière non
délocalisable, c’est-à-dire, exclusivement à partir de 20189, les biens
immobiliers bâtis puisque les valeurs mobilières, les œuvres d’art et les
forêts échappent à ce type d’impôt.

Or, seuls les contribuables très moyennement fortunés ont leurs avoirs placés
en immobiliers bâtis, les autres ayant les moyens de diversifier leurs
patrimoines de façon à échapper à l’assiette de cette imposition. Ces biens
immobiliers font par ailleurs l’objet de double taxation, car ils ont été acquis
avec des revenus déjà taxés au titre de l’impôt sur le revenu. Ces biens, y
compris les malheureux abris de jardin10, font en outre l’objet de multiples
impositions locales.

Il faut encore ajouter que les seuils d’imposition sur la fortune immobilière
ne doivent pas faire illusion, car le spectaculaire et récent enrichissement des
classes financières a engendré une très conséquente inflation des prix de
l’immobilier dans la plupart des grandes villes, générant au passage une
surexposition des modestes propriétaires à l’impôt immobilier français. Il est
au surplus fortement question aujourd’hui de taxer la détention de biens
immobiliers au titre de l’économie d’impôts que feraient leurs propriétaires
par rapport à des non-propriétaires qui doivent louer leur local d’habitation.

Il faut aussi se rappeler que l’impôt immobilier, devenu « enfer fiscal » pour
les Français est en revanche un « paradis fiscal » pour certains ressortissants
étrangers, comme les Qataris, qui bénéficient par la grâce de l’ancien
président Sarkozy d’une exonération totale11. Ainsi, même en matière de
taxation immobilière, la préférence nationale n’est pas, en France, à l’ordre
du jour. Il faut au contraire constater que la France pratique la préférence
étrangère, y compris en matière de taxation des biens immobiliers.
En bref, la surimposition de la propriété foncière bâtie n’est en aucune façon
un signe évident de protection des plus faibles. Au contraire, ce type
d’impôt, sur des biens non liquides, irait plutôt dans le sens de la
paupérisation des classes moyennes pendant que les États et surtout les
entités supranationales telles que l’OCDE et l’OMC organisent l’impunité
des très riches par le biais de la liberté mondiale de circulation des capitaux.

2.a.3 Troisièmement, s’agissant de l’imposition des sociétés françaises,


si l’on cumule le nombre considérable de taxes et d’impôts (y compris
leurs exigences déclaratives) avec d’une part le taux élevé de l’impôt
sur les sociétés et d’autre part l’inénarrable complexité et la fluctuation
annuelle, voire pluriannuelle, du système, on ne peut absolument pas en
déduire que le système fiscal bénéficie aux petites et moyennes
entreprises.

2.a.4 Quatrièmement, l’efficacité en termes de justice sociale de la


taxe sur la création de richesse qu’est la TVA, est extrêmement
pondérée pour ne pas dire limitée, par le fait que cet impôt se cumule
avec tous les autres qui sont beaucoup plus discutables du point de vue
de la justice sociale.

2.a.5 Cinquièmement, tout progressif qu’il soit, l’impôt sur le revenu


(assiette étroite, taux relativement élevé), ne frappe que moins de la
moitié des ressortissants de l’État français ; ce dernier se cumule par
ailleurs avec la CSG et la CRDS (assiette large, taux relativement –
bien que de moins en moins – bas). Alors que la CSG et le CRDS
étaient initialement conçues pour remplacer l’impôt sur le revenu,
devenu socialement injuste, la réalité est que ces trois taxations se
cumulent.

2.a.6 En conclusion, le seul constat que l’on puisse faire est que les
ressortissants français (personne physique ou personne morale de petite
ou moyenne taille) font, d’une façon générale, l’objet d’un matraquage
fiscal. D’une façon générale, le nombre délirant d’impôts et de taxes en
tout genre, qui s’appliquent, à un titre ou à un autre, aux Français12
n’est pas un gage de cohésion sociale mais au contraire le signe d’une
volonté de paupérisation de la classe moyenne qui engendrera, à son
tour, des carences dans la cohésion sociale, y compris la cohésion
intergénérationnelle. Dit autrement : le matraquage fiscal systématique
des Français – à l’occasion allié au principe de « préférence étrangère »
– non seulement ne bénéficie en aucun cas aux plus fragiles mais a
surtout pour effet une nette paupérisation des classes moyennes. Nous
assistons d’ailleurs très concrètement ces dernières décennies à une
importante recrudescence de « Sans Domicile Fixe » et des personnes
en difficulté alimentaire, toutes pourvues de la nationalité française.
Dans le même temps, les personnes âgées sont de moins en moins bien
prises en charge par la collectivité. Il ne faut donc pas s’étonner du fait
que nous assistions actuellement à une baisse de la natalité française.13.

En revanche, il est parfaitement justifié de déduire de l’observation du


système économique global que les multinationales, qui par leur intense
lobbying, devenu légal par la grâce de l’Union Européenne, autant que par
leur puissance économique relayée au niveau politique, tirent la couverture à
elles au point que nous vivons non pas sous la domination du « fait
politique » mais bien sous la domination du « fait économique ». En d’autres
termes, l’intérêt particulier des multinationales a subrepticement remplacé
l’intérêt commun dans la détermination de la politique fiscale qui s’applique
sur le territoire français.

2.b La France relaie-t-elle la disparition du concept de cohésion


sociale sur son territoire ?

2.b.1) Du point de vue de l’organisation sociale

En matière de salubrité publique, il faut, d’abord et avant tout, constater la


tolérance étatique de longue date vis-à-vis du trafic de drogue, au nom de
l’existence d’une économie locale à laquelle il ne faudrait pas porter atteinte
sous peine de déstabiliser la vie économique des portions de territoires
concernées. Grâce à la persévérance de cette ligne politique suivie par l’État,
nous sommes, bon an mal an, passés d’une « économie locale » de la drogue,
à une véritable « économie nationale » au point qu’il devient nécessaire
d’inclure le trafic de drogue dans le PIB ; cette inclusion aura pour autre
« avantage » de nous accorder au reste de l’Union européenne, ou plutôt,
devrions-nous dire, au reste des pays occidentaux14.
En matière de traitement des jeunes générations, il faut considérer la
disparition de tout un tas d’allocations pour étudiants, pour le logement, du
resserrement des conditions d’accueil des étudiants à l’université (toutes
sections confondues et via la récente réforme « Parcour-sup »), de la hausse
constante des frais d’inscription aux universités, du coût sans cesse croissant
des études supérieures, depuis en particulier que tout un tas d’écoles privées
ont vu le jour. Dans le même temps et en parallèle, on assiste à
l’organisation, au niveau étatique, de places « gratuitement » réservées aux
migrants dans les cursus éducatifs publics, même les plus sélectifs15.

Dans le même ordre d’idées, le numerus clausus imposé aux médecins rend
quasiment impossible l’accès des études de médecines aux étudiants français
(le niveau de sélectivité du concours dépassant celui des grandes écoles
d’ingénieurs), y compris parmi les bons élèves se sentant une véritable
vocation à soigner les autres. Or le numérus clausus médical cohabite
allègrement et depuis déjà un certain temps avec une augmentation
exponentielle des besoins en matière d’offre globale de soins. L’une des
conséquences de cette intéressante politique de « gestion des ressources
humaines françaises » par l’État français, est que le territoire devient de plus
en plus souvent un désert médical, contraignant les cliniques et hôpitaux à
embaucher du personnel formé à l’étranger, ce qui permet au passage de
diminuer les salaires et conditions d’embauche, sans pour autant faire
disparaître la réelle pénurie d’offres de soins. Notons au passage que ces
embauches de personnels hospitaliers étrangers ne permettent pas toujours
une vérification réellement sérieuse des compétences alléguées par les
postulants.

Ainsi donc, pendant que l’État français s’ingénie à fabriquer des générations
de désespérés – qui finiront tôt ou tard par se réfugier dans la drogue ou dans
l’alcool, participant ainsi à l’accroissement du PIB (!) – en rendant
impossible la réalisation des études de leurs choix aux étudiants, ce même
État impose au reste de la population française (toutes catégories d’âge
confondues, étant entendu que certaines typologies de nécessiteux ou de
malades souffrent plus que d’autres : les personnes âgées, les drogués devant
être sevrés…) des restrictions aussi constantes qu’importantes en matière
d’offre de soins. Les restrictions budgétaires constantes pratiquées dans les
hôpitaux ont par ailleurs pour effet soit la fermeture de services hospitaliers
soit d’imposer à ces services des conditions de fonctionnement
incompatibles avec une qualité de soins minimale.

En matière de soins, il faut également constater la réduction annuelle, et


désormais permanente et continuelle, des remboursements de médicaments
par la Sécurité sociale française et la montée en puissance des mutuelles
payantes pour les ressortissants français. Parallèlement, s’est mise en place
une organisation étatique massive en faveur d’une aide sociale aux étrangers,
immigrés (illégaux ou clandestins inclus) ou individus de passage (pour une
durée indéterminée, notamment liée à la durée des soins nécessités) sur le
territoire, au moyen de la prise en charge « gratuite » des soins médicaux
pour tous (la fameuse Couverture maladie universelle).

En matière de coût de la vie, il faut constater une inflation, aussi constante


que cachée par les chiffres officiels, en particulier depuis le passage à l’euro,
qui a pour effet direct de réduire les capacités financières des ménages.
Inflation notamment générée (en France et plus largement en Occident) par
l’immense accès aux liquidités laissé par les banques centrales aux
institutions financières, par le moyen du « quantitative easing » couplé à la
dérégulation des marchés financiers. Cette hausse des liquidités à usage
sélectif a permis un enrichissement considérable de certaines catégories
sociales (en particulier des traders et dirigeants de multinationales) et le
développement de la spéculation financière dans des conditions tout à fait
extravagantes. L’immense enrichissement de certaines classes sociales, non
exclusivement françaises, a également eu pour conséquence de générer un
regain de spéculation sur tous les marchés, notamment de l’immobilier (en
particulier des grandes villes) mais aussi des actions, et une phénoménale
hausse des prix de certains actifs essentiels (appartements, maisons) au point
d’exclure les classes moyennes desdits actifs.

Ces constats révèlent que les autorités politiques françaises participent au


mouvement de désagrégation de la vie collective et de la cohésion sociale
sur le territoire national.

La France anticipe d’ailleurs sur les exigences/contraintes de l’Union


européenne en termes de disparition de la préférence nationale pour
organiser, à grande échelle, la désespérance des jeunes générations par des
conditions de vie et d’études de plus en plus difficiles, par l’absence de
perspectives professionnelles satisfaisantes ou même simplement
acceptables sur le territoire, mais aussi par le développement, devenu
exponentiel, du trafic de drogue (qui concerne maintenant les enfants de
l’école primaire), par la paupérisation des classes moyennes françaises et
l’abandon des plus faibles…

2.b.2 Du point de vue des entreprises et de leurs employés

S’agissant des conditions de vie économiques des entreprises et de leurs


salariés, le constat n’est pas plus encourageant que dans le domaine général
de l’organisation sociale.

D’un côté, les petites et moyennes entreprises françaises (dont le siège social
est implanté sur le territoire français) font l’objet :

•d’une persécution paperassière et financière16 qui a pour conséquence


qu’elles doivent sans arrêt se justifier auprès des différents services de
l’État et,

•d’une étude extrêmement attentive par les services fiscaux


(organisation de contrôles aussi méthodiques que régulièrement
organisés), pendant que, de leur côté, les multinationales négocient avec
les autorités des conditions fiscales et sociales extrêmement
compétitives. Car les multinationales, étrangères ou non, sont
désormais en état de faire du « chantage fiscal » à l’implantation afin de
forcer les États à « négocier ». L’État n’est, aujourd’hui, plus à même
d’imposer ses principes de vie aux multinationales.

Dans le même sens, préférence étrangère oblige (il s’agit, techniquement, de


la liberté d’établissement imposée par les Traités européens), la disparition
du concept d’entreprise publique paternaliste sur le territoire ne bénéficie
certainement pas, en termes de qualité de vie, aux ressortissants français qui
deviennent des « ressources consommables » pour des entreprises étrangères
qui ne ressentent en contrepartie aucune responsabilité particulière vis-à-vis
des populations qu’elles vont « exploiter ». Nous retrouvons ici l’asymétrie
volontairement organisée17, par et pour les « puissances capitalistiques »
entre « pouvoir » et « responsabilité ».
Du point de vue des salariés, l’organisation au niveau communautaire de la
libre circulation des travailleurs (notamment relayée par le concept,
désormais fameux, de « travailleurs détachés ») génère simultanément du
chômage chez les « travailleurs français » et un appauvrissement de la vie
familiale, affective et culturelle des « travailleurs détachés », qui sont
contraints de passer de longs mois loin de leurs familles et de leurs proches,
faisant d’eux des nomades sans attaches affectives. Une des conséquences de
cette intéressante politique « des ressources humaines » est une
déresponsabilisation des travailleurs – devenus nomades – vis-à-vis d’un
environnement avec lequel ils n’ont plus aucune attache affective. Ici encore,
le bonheur des « puissances capitalistiques » a pour contrepartie
l’organisation systématique du malheur des individus isolés et des groupes
dont la survie dépend entièrement et sans limites du bon vouloir des
premiers.

Il faut noter que l’organisation, à très grande échelle, du nomadisme


professionnel (causé par les libertés de circulation des capitaux, des
entreprises et des personnes) est calquée sur le nomadisme financier des plus
grands capitalistes de la planète, lesquels se sont affranchis de toute attache
étatique en organisant les paradis artificiels qui servent de refuge à leur
accaparement capitalistique. Ainsi, le nomadisme financier désiré par les
« puissants » se transforme en nomadisme imposé pour les individus isolés.
Ce vaste mouvement de nomadisme mondial a d’ailleurs été
consciencieusement accompagné par certaines multinationales. Nous
pensons, par exemple, au concept novateur de « meubles jetables » lancé par
l’entreprise suédoise IKEA ; ce nouveau concept du mobilier jetable est
l’indispensable compagnon du nomadisme imposé à tous.

En guise de cohésion sociale, nous avons, en réalité, affaire à l’imposition


massive d’un nomadisme forcé. Ce nomadisme est imposé à la grande masse
des gens par des individus qui ont conquis leur place dominante à l’aide de
ce que l’on appelait encore il y a peu en France (c’est-à-dire avant que le
lobbying ne devienne légal et que le droit commercial d’origine anglo-
saxonne ne remplace le droit continental) la « concussion », la corruption
d’agents publics et, plus généralement, à l’aide de l’organisation, à grande
échelle, d’un principe d’asymétrie entre « pouvoir » et « responsabilité »
ainsi qu’entre « information reçue » et « information diffusée ».
Sans prétendre (tant s’en faut) à l’exhaustivité, ce panorama est toutefois
suffisant pour observer que les autorités politiques françaises organisent
(parfois) ou relaient (le plus souvent) aussi discrètement qu’efficacement
(car les discours politiques publics ne parlent jamais des faits qui fâchent
mais s’analysent en déclarations d’intentions dans lesquelles l’accent est mis
sur les petits avantages corrélatifs et subsidiaires, gonflés à dessein) la
disparition de toute cohésion sociale au profit de la satisfaction matérielle
des intérêts privés des multinationales et de leurs propriétaires. La France
n’est certes pas le seul pays à partager ce sort peu enviable qui concerne
d’une façon générale, bien qu’à des degrés divers, l’intégralité des pays du
monde.

Nous sommes ici à l’opposé exact, c’est-à-dire très précisément à 180°, de


ce que serait une politique « socialiste » telle que décrite plus haut. La
cohésion du groupe a cédé la place à l’avidité juridiquement établie, voire à
l’accaparement du vivant pour le profit des plus gros propriétaires de
capitaux.

3 – En conclusion

L’assertion répétée de Xavier Moreau, selon laquelle la France serait un


« État socialiste » s’analyse en un « lieu commun » qui s’explique par la
conception idéologique, devenue traditionnelle, que l’on a généralement du
terme « socialiste ». D’une part la France n’est plus un État, et d’autre part,
la politique qui s’impose sur le territoire français n’est pas « socialiste ».

Dans l’objectif de hâter sa prochaine disparition volontaire, les autorités


politiques en charge de la France relaient avec zèle, voire même anticipent,
l’agenda mondialiste consistant à appauvrir matériellement, physiquement et
moralement la plus grande masse des gens peuplant la planète au profit de
quelques usurpateurs, véritables escrocs économiques qui ont, aujourd’hui,
pris l’ascendant sur les pouvoirs politiques des États. La politique
généreusement appliquée sur le territoire français est « globaliste » ; elle fait,
à ce titre, fort peu de cas des petites gens et des petites et moyennes
entreprises pour, au contraire, laisser la part du lion aux multinationales et à
leurs propriétaires anonymes.
En conclusion, « la France qui n’a aucune politique – et encore moins de
politique ‘socialiste’ dans le sens ‘social’ du terme – est en revanche l’un des
principaux fers de lance de l’agenda globaliste, lequel prospère sur le
développement de la misère humaine. ».

Le relais des intérêts commerciaux globalistes est mis en œuvre, en France,


au moyen de la dissimulation à ses ressortissants des véritables enjeux
politiques par le biais de beaux discours faits par des marionnettes
politiques, véritables agents du système économique dominant ; discours, le
plus souvent vides de sens mais parfois à double entrée (par exemple par
« libérer les énergies » il faut comprendre « libérer les énergies des
multinationales »), abondamment relayé par des médias dont les
propriétaires appartiennent à la caste économique dominante.

2 février 2018

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/la-france-est-elle-reellement-un-etat-socialiste

Notes
1 C’est-à-dire, concrètement pour éviter que certains services étatiques ne
rechignent à mettre en œuvre les Traités européens de nature commerciale :
à cet égard, voir Du nouvel esprit des lois et de la monnaie, cit.
2 Le rattachement des entreprises à un pays de l’Union est parfois purement
formel, par le biais de l’implantation de filiales dont le siège social est
localisé dans un état membre de l’Union, pendant que les propriétaires
contrôlant ladite entreprise ne sont aucunement liés à un quelconque pays
européen
3 Voir par exemple :
http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2015/07/09/la-france-condamnee-
pour-des-aides-illegales-a-la-sncm_4676893_1656994.html ; ou encore
http://www.clubic.com/pro/entreprises/orange-france-telecom/actualite-
463942-aides-etat-justice-condamnation-orange.html qui a contraint la
France à modifier sa législation nationale
4 Pour de plus amples détails, les lecteurs curieux sont renvoyés à la lecture
de notre ouvrage Du nouvel esprit des lois et de la monnaie, cit.
5 Cf. https://lecolonel.net/la-cia-appelee-au-secours-par-lantiterrorisme-
francais ; ou encore
https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20131102trib0007
93649/espionnage-l-etroite-collaboration-des-services-francais-et-
anglais.html
6 Cf. https://www.touteleurope.eu/actualite/comment-l-union-europeenne-
lutte-t-elle-contre-le-terrorisme.html
7 Voir par exemple :
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/10/21/comment-la-nsa-
espionne-la-france_3499758_651865.html ;
http://www.bfmtv.com/international/espionnage-france-nsa-faut-il-
comprendre-revelations-monde-628374.html
8 Cf. https://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article322
9 Cf. https://www.legifiscal.fr/actualites-fiscales/1620-la-reforme-de-lisf-et-
limpot-sur-la-fortune-immobiliere.html
10 Cf. http://droit-finances.commentcamarche.net/faq/5659-abris-de-jardin-
et-taxe-d-amenagement
11 Voir la convention fiscale bilatérale franco-qatarie signée en 2009 à
l’initiative du Président Sarkozy : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1727-
PGP?datePubl=16%2F11%2F2012
12 Cf.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_imp%C3%B4ts_et_taxes_fran%C3%
A7ais ; ou encore, pour les taxes et impôts applicables aux entreprises :
https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/ces-taxes-ubuesques-qui-
pesent-sur-les-entreprises_1341648.html
13 Cf. http://www.lemonde.fr/famille-vie-
privee/article/2017/01/17/demographie-la-baisse-de-la-natalite-se-poursuit-
en-france_5064027_1654468.html
14 Cf. http://www.businessinsider.fr/insee-trafic-de-drogues-pib-comment-
mesurer
15 Pour l’exemple de Science Po :
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/migrants-sciences-po-
ouvre-ses-portes-aux-refugies-desireux-de-poursuivre-leurs-
etudes_1353813.html ; pour l’exonération des frais d’inscription
universitaire pour les migrants : http://www.leparisien.fr/nanterre-92000/l-
universite-de-nanterre-se-prepare-a-accueillir-des-etudiants-migrants-16-09-
2015-5098077.php ; ou encore https://www.polemia.com/luniversite-de-
nantes-instaure-la-preference-etrangere
16 Voir l’exemple du scandale du RSI, organisme dit social organisé et géré
par « l’État » et qui fréquente abondamment les paradis fiscaux :
http://www.sauvonsnosentreprises.fr/index.php?id=519 ; http://www.l-union-
fait-la-force.info/modules/newbb/viewtopic.php?post_id=17772
17 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/les-donnees-dematerialisees

De la justice étatique à la justice


des multinationales pour tous…

Alors que le droit continental traditionnel véhiculait des concepts juridiques


à vocation civile et politique (au sens de l’organisation de la possibilité de
« vie en commun » des ressortissants), le droit anglo-saxon, privilégié par
Bruxelles, véhicule tout au contraire des concepts tous acquis à la « cause
commerçante », telsque « la propriété économique », le « trust anonyme » et
autres techniques avant-gardistes d’organisation de la concurrence, c’est-à-
dire de la lutte de tous contre tous, à des fins de captation et d’accaparement
des actifs…

ou l’inaltérable progression des intérêts globalistes

Revenons un instant sur une partie des projets du gouvernement


français concernant la Réforme de la « Justice ». Au début de l’année
2018, la ministre de la « Justice » française annonce la fusion des
Tribunaux d’Instance (dits TI) avec les Tribunaux de Grande Instance
(dits TGI). Il est tout à fait indispensable de mettre cette évolution de la
« Justice » française en parallèle avec les évolutions globales du concept
de justice liées au projet mondialiste. Ces deux évolutions, en sens
opposé, sont en réalité complémentaires, elles sont inextricablement
liées.
Signification politique de la fusion des TI et des TGI

La justice de proximité a toujours été un des piliers essentiels de la France


démocratique. En effet, soubassement de l’État de droit, la justice dite de
proximité est aussi la légitimation politique du concept d’État. Car la seule
réelle fonction politique de l’État est d’assurer la cohésion sociale du groupe,
de permettre le « vivre-ensemble » en assurant la justice et la sécurité à ses
ressortissants.

Que sont les TI et que représentent-ils politiquement ?

Replaçons la fusion des TI et des TGI dans son contexte : depuis juillet
2017, le juge de proximité, qui jugeait les litiges d’un montant inférieur ou
égal à 4 000 euros, a disparu1 ; ces litiges relèvent désormais tous de la
compétence des TI.

Les TI sont donc devenus, de facto depuis juillet 2017, les héritiers de la
justice de proximité, traditionnelle en France. Ces Tribunaux (TI) sont
dédiés aux litiges dont les montants peuvent aller jusqu’à 10 000 euros, ce
qui n’est pas rien.

Les justiciables peuvent saisir les TI sans passer obligatoirement par


l’intermédiation d’un avocat ; ces tribunaux, dits de proximité, sont donc
aisés à saisir ; ils rendent des jugements sans délai d’attente ni coûts
excessifs : une justice pour les justiciables en quelque sorte !

À notre époque (caractérisée par une consommation de masse et par la


concentration des entreprises qui fabriquent et revendent les objets) les
tribunaux d’instance (TI) sont les recours essentiels des personnes physiques
en cas de litiges liés à la société de consommation. Les TI traitent une grosse
partie des problèmes liés à la défense des consommateurs face aux grosses
entreprises. Ces litiges, très nombreux et peu médiatiques, surviennent
régulièrement dans la vie quotidienne des gens ordinaires : qui n’a pas, un
jour eu à sa plaindre d’un appareil électroménager déficient par vice caché,
qui n’a pas, un jour, eu à se plaindre d’une commande passée, payée et
jamais arrivée ou d’un objet reçu à la place d’un autre ?
Pour résumer, la justice de proximité stricto sensu a récemment, mi-2017,
laissé la place à une justice plus lourde formalisée par les TI qui, eux-
mêmes, vont laisser la place à une « justice » beaucoup plus contraignante
formalisée par les TGI.

Que sont les TGI et que représentent-ils politiquement ?

Les Tribunaux de Grande Instance, dits TGI, sont la forme la plus basique de
la justice dite du premier degré. Ces tribunaux de droit commun sont, de
notoriété publique et de longue date, extrêmement engorgés2, ce qui a pour
conséquence d’allonger drastiquement le délai de rendu des jugements.

Les TGI nécessitaient, traditionnellement, la présence d’un avocat. Leur


saisine, compliquée par la présence obligatoire de la médiation d’un avocat,
suivait aussi des règles procédurales contraignantes.

La réforme de la « justice » dans le cadre de laquelle s’inscrit la fusion des


TI et des TGI, est annoncée comme devant remédier à cet engorgement de la
« justice »3.

Il est néanmoins loisible de douter de la véracité de cette annonce.

D’une part, il apparaît évident que la justice de proximité, supprimée à la mi-


2017, était justement le remède « naturel » à ce type de problème.

D’autre part, l’État français, tel qu’institutionnellement conçu, est, en


premier lieu, responsable de la multiplication des litiges. Il a en effet lui-
même organisé la profusion de textes, véritable logorrhée écrite informe, et
la disparition corrélative de l’ordre juridique civil, de droit commun, issu du
Code Napoléon.

La hiérarchie des normes ont été particulièrement mise à mal, pour ne pas
dire ouvertement bafouée, par l’adhésion de la France à l’ordre
commercialiste issu des institutions européennes, lesquelles privilégient les
concepts commerciaux du droit anglo-saxon au détriment des concepts civils
traditionnels du droit continental.

Enfin, ce n’est pas seulement la hiérarchie des normes qui a, ces dernières
décennies, sous l’égide de l’État français, été consciencieusement bafouée
mais également, et prioritairement, la vocation fondamentale du « droit » :
de civil, le droit commun devient « commercial ». Au point de rendre « le
secret des affaires » priorité nationale ; ce secret devient aussi par la force du
mouvement globaliste une priorité européenne et internationale. La France a,
sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres de la même veine, devancé les
injonctions de l’Union Européenne pour intégrer en « droit positif » cette
« priorité commerciale nationale ».

Ainsi, la réduction du nombre des juridictions civiles de droit commun est –


le hasard fait bien les choses ! – corrélée par la disparition progressive du
droit civil, encore formellement appelé « droit commun », au profit de
l’expansion pathologique des concepts issus du droit commercial !

Alors que le droit continental traditionnel véhiculait des concepts juridiques


à vocation civile et politique (au sens de l’organisation de la possibilité de
« vie en commun » pour les ressortissants), le droit anglo-saxon, privilégié
par Bruxelles, véhicule tout au contraire des concepts tous acquis à la
« cause commerçante », tels que « la propriété économique », le « trust
anonyme » et autres techniques avant-gardistes d’organisation de la
concurrence, c’est-à-dire de la lutte de tous contre tous, à des fins de
captation et d’accaparement des actifs…

Il résulte, de façon « naturelle » – par une juste application du principe de


causalité (les causes produisent immanquablement des effets) – des aptitudes
et potentialités du droit anglo-saxon, que ce dernier a été privilégié pour le
développement international du mouvement globaliste. Les concepts
véhiculés par le droit anglo-saxon sont parfaitement adaptés au
développement de l’anonymat capitalistique nécessaire au projet globaliste,
lequel passe par une captation discrète et complète des richesses du monde
par les tenanciers du « fait économique ».

Les principes reconnus par les différentes organisations internationales – à


l’exception notable (et peut-être plus pour longtemps) de l’Organisation
Internationale du Travail (OIT) ‒ sont donc, sans surprise, conformes aux
valeurs du droit anglo-saxon. Ces « principes » sont composés non pas
exclusivement de « droit dur » organisé de façon hiérarchique au profit des
justiciables, personnes physiques, mais sont très fortement empreints de
« directives », « modèles de conventions » et autres « lignes de conduite »,
appelés « soft law ». Ce type de « droit », tout de principes commerciaux
vêtu, n’a de « soft » que l’apparence ; il a, en revanche, l’immense avantage
pour ses partisans de permettre de s’affranchir du carcan juridique civiliste,
encore en vigueur jusqu’à il y a peu, sur le continent européen.

Le vrai sens politique de la fusion des TI et des TGI : suppression du


concept de justice étatique

La fusion des TI et des TGI s’inscrit donc dans le cadre de cette pente fatale
consistant, pour les dirigeants français – tout et tous acquis à la « cause »
commerçante mondialiste-globalisante – à faire disparaître le concept
politique de « justice » et donc, en réalité, à faire disparaître la légitimité
politique de l’État ; laquelle disparition justifiera, aux yeux d’un public
médusé, la prochaine étape : la disparition de l’État lui-même. Car il ne
saurait exister d’État sans service public de « justice ».

Lorsqu’on parle de « justice », il devient désormais – contraints que nous


sommes par la pente glissante du globalisme – malheureusement nécessaire
de préciser qu’il s’agit d’une justice rendue aux justiciables ordinaires, c’est-
à-dire aux individus personnes privées vivant sur le territoire de l’État, pour
les besoins de leur vie quotidienne. Par le biais rhétorique consistant à
prendre le contenant pour le contenu, le concept même de « justice » vient à
être vidé de toute substance sémantique et philosophique, par les tenanciers
du mouvement globaliste. Ces derniers déplacent, de façon systématique et
systémique, le repère orthonormé de la « politique » formé par « l’intérêt
commun d’une collectivité d’individus vivant sur un territoire » vers celui,
nouveau et « a-politique », formé par « l’intérêt commercial commun des
multinationales ».

En modifiant de cette sorte le repère qui sert de référence au langage, les


globalistes peuvent aisément rendre l’esprit des gens confus jusqu’au point
de les faire adhérer malgré eux – un peu comme des « majeurs incapables »
seraient manipulés – aux intérêts des multinationales. Les ressortissants des
États deviennent, en quelque sorte, victimes d’eux-mêmes c’est-à-dire de
leur propre confusion mentale, car ils n’ont pas compris qu’ils ont été
victimes de manipulation rhétorique. La nécessité de ce maintien forcé des
populations dans l’ignorance est d’ailleurs la raison principale pour laquelle
les « dirigeants » français s’acharnent, depuis si longtemps, contre
l’enseignement du français et de la rhétorique.

Est-il besoin d’ajouter que le vaste mouvement de disparition du concept de


« justice » étatique est alimenté et légitimé par le non moins vaste
mouvement de mise en esclavage de ces mêmes États, et de leurs
ressortissants, par la dette. Dette dont les bénéficiaires sont les mêmes
personnes que celles qui organisent la disparition du concept de justice ! La
technique utilisée pour justifier la disparition de la « justice » est la même
que celle utilisée pour justifier la disparition de « l’État ». Premièrement, il
faut organiser la désorganisation. Ensuite vient le temps de la délégitimation,
avant de passer à la disparition pure et simple.

S’agissant de l’aspect juridictionnel, nous obtenons donc :

•des restrictions constantes de budget, sur plusieurs années ou


décennies, limitant les capacités de la « justice » étatique.

•un contrôle de plus en plus apparent sur les juges (et enquêteurs) et une
délégitimation de ces derniers par mise en place ou en lumière de
personnes corrompues.

•la dénonciation, via les principaux médias, des inadmissibles « dérives


de la justice » ; dérives justement organisées par ceux-là mêmes qui
sont à l’origine de leur dénonciation !

Appliqués à l’État, nous retrouvons les mêmes processus :

•endettement constant et progressif de l’État et, par voie de


conséquence, amoindrissement constant des possibilités d’action
étatique par restrictions budgétaires forcées.

•mise en place de personnel administratif et politique corrompu et/ou


incompétent, par purges successives plus ou moins « soft » (purges
économiques d’abord, élimination physique si nécessaire).

•dénonciation, via les médias, des incohérences, inepties et inaptitudes


de l’État induisant une délégitimation de ce dernier aux yeux du public,
en passant sous silence le fait, essentiel, que ceux qui sont à l’origine
des dérives étatiques sont aussi ceux qui bénéficieront, en premier lieu,
de la disparition dudit État.

Le sens global de ce type de réforme de la « justice »

Mise en parallèle des évolutions juridictionnelles françaises et


internationales

Pendant que la justice de proximité et, disons-le, la « justice » tout court,


disparaît en France, on assiste, depuis de nombreuses décennies, à un
mouvement international, de progression inversement proportionnelle, au
bénéfice de la justice privée commerciale : ce mouvement consiste à assurer
le service de la justice au profit exclusif des multinationales.

Dans l’ordre chronologique, nous avons assisté à la montée en puissance de


la « justice commerciale », dédiée à l’épanouissement des multinationales au
détriment des États et de leurs ressortissants :

•en Union Européenne, avec l’avènement de la toute-puissante justice


de l’Union. Cette dernière, formalisée par le Tribunal de l’Union
Européenne (TUE) et par la Cour de Justice de l’Union Européenne
(CJUE), est chargée d’une seule mission : garantir la bonne application
des Traités européens. Or, ces traités sont, depuis le commencement4,
des Traités commerciaux. Il en résulte que la prétendue « justice
européenne » est en réalité une justice dédiée à faire respecter les règles
facilitant le commerce, celui-ci étant, in fine, incarné par les
multinationales. Nous avons donc une institution juridictionnelle, payée
par les contribuables, personnes physiques ressortissantes des États
membres, dont la vocation « fonctionnelle » est de garantir le respect
des règles permettant le développement serein et permanent des
« multinationales ».

•dans le monde entier, dans le cadre de la banque mondiale et du Centre


International pour le Règlement des Différends Relatifs aux
Investissements, dit CIRDI5. Le CIRDI a pour vocation de développer
le concept de cour arbitrale dans l’objectif, inavoué mais néanmoins
clair, de faire prévaloir les investissements des multinationales sur toute
autre considération.
•dans le monde entier encore, dans le cadre de l’Organisation Mondiale
du Commerce (OMC). Cette organisation met à disposition des modèles
de traités intégrant une « clause de règlement des différends » et des
procédures institutionnelles de règlement des litiges au profit des
investissements des multinationales et au détriment des États et de leurs
ressortissants.

Toutes ces procédures et tous ces organismes ont pour seule vocation de
permettre, de façon structurelle et institutionnelle, la primauté des
investissements des multinationales sur le « bien commun », c’est-à-dire sur
l’intérêt, y compris vital, des ressortissants (personnes physiques) des États.
C’est ainsi que les investissements des multinationales dans le domaine
agroalimentaire ou pharmaco-chimique doivent, fonctionnellement,
prévaloir sur la santé et l’équilibre vital des populations. Nous assistons ici à
une forme nouvelle, de nature institutionnelle et fonctionnelle, d’eugénisme
à l’échelle de la planète. Les multinationales agrochimiques contrôlent ainsi,
de facto, la population mondiale. On ne peut que remarquer la similitude
avec le système des banques centrales – lui aussi organisé à l’échelle
mondiale, qui permet aux tenanciers des multinationales de l’argent
(dépossédant au passage les États de ce pouvoir) de contrôler l’affectation
des richesses sur tous les territoires du globe.

Pour résumer : parallèlement et corrélativement à la disparition du concept


de « justice » étatique, civile par nature, les peuples (en premier lieu les
Français) assistent, dans un état quasi hypnotique, au développement et à la
pérennisation, à l’échelle mondiale, d’un nouveau concept de « justice des
multinationales », commerciale par nature. Cette nouvelle « justice » des
multinationales a la primauté sur les intérêts nationaux étatiques en ce qu’ils
avaient de politique, c’est-à-dire dans leur rôle essentiel de défense de leurs
justiciables, qui sont également leurs ressortissants.

La France est ainsi devenue – à son corps social défendant – la tête de pont
du projet globaliste à visée mondiale. Tous les pays du monde doivent le
comprendre afin de se protéger eux-mêmes de ces funestes, autant que
radicales, évolutions d’ordre civilisationnel. Évolutions qui passent par le
contrôle des masses monétaires et la disparition du concept de « justice »,
avant de justifier la disparition effective de « l’État » lui-même.
Novembre 2018

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/de-la-justice-etatique-a-la-justice-des-
multinationales-pour-tous

Notes
1 Cf. https://www.litige.fr/articles/suppression-juge-de-proximite-tribunal-
saisie-procedure-recours-sans-avocat ;
https://www.litige.fr/articles/suppression-juge-de-proximite-tribunal-saisie-
procedure-recours-sans-avocat
2 Pour quelques manifestations de ce problème, voir par exemple :
https://blogavocat.fr/space/albert.caston/content/les-delais-de-jugement-des-
cours-et-tribunaux_84D05889-044B-462E-8902-5BFF0F9ACA56 ;
https://blogavocat.fr/space/bogucki/content/retards-et-delais-de-nos-
tribunaux_743abe68-4e6b-4891-9ca6-ef-8cb956181c
3 Cf. https://blogavocat.fr/space/bogucki/content/retards-et-delais-de-nos-
tribunaux_743abe68-4e6b-4891-9ca6-ef8cb956181c ; lire également :
http://leparticulier.lefigaro.fr/jcms/p1_1717617/justice-pour-en-finir-avec-
lengorgement-des-tribunaux
4 Les récentes évolutions, depuis Maastricht, n’ont strictement rien changé à
cela : les principales préoccupations des traités européens sont d’asseoir
définitivement la liberté mondiale de circulation des capitaux ainsi que le
nomadisme humain avec la liberté d’établissement des entreprises et la libre
circulation des travailleurs
5 Cf.
https://icsid.worldbank.org/fr/Pages/about/ICSID%20And%20The%20Worl
d%20Bank%20Group.aspx ; http://www.cadtm.org/L-arbitrage-
international-une

Les données dématérialisées


En tant qu’organismes qui gèrent et/ou transfèrent des données
dématérialisées, Google, Facebook, Twitter et tous leurs homologues, sont
donc en priorité concernés par la « propriété économique » des données
qu’ils font transiter. En revanche, ces organismes ne répondent
juridiquement pas, sauf exception, du contenu des données en question.

Les « data » doivent-elles être mondialement régies par la sacro-sainte


« propriété économique » du droit anglo-saxon ?

Les postulats idéologiques de la « propriété économique »

Le concept de « propriété économique » a été longtemps très largement


méconnu par le droit français et plus largement par le droit continental
classique. La « propriété économique » est un concept de droit anglo-saxon,
lequel droit s’est très largement développé autour de l’idée selon laquelle la
vie en société est tout entière comprise dans des rapports de nature
commerciale. Par essence, le droit anglo-saxon inverse la relation naturelle
entre « politique » et « économique » en soumettant le premier au second. À
l’inverse, le droit continental classique a toujours considéré la question
politique comme supérieure à la question économique. De façon objective et
si l’on veut bien retourner à la notion même de ce qu’est la politique, on ne
peut en effet que constater que la politique doit, avant toute autre chose,
organiser la vie de la Cité, laquelle vie ne tourne pas exclusivement autour
du commerce. Le commerce fait partie de la vie de la Cité, mais cette
dernière ne se réduit évidemment pas au simple commerce.

Pour en revenir à la propriété économique, cette dernière se définit par le fait


que la « personne » (physique ou morale) qui dispose du droit de propriété
sur une chose est soit la personne qui finance le bien en question, soit celle
qui utilise le bien en question. Selon cette conception, le propriétaire
nominal du bien cède ses prérogatives matérielles sur ce même bien s’il ne
finance pas ledit bien avec ses deniers propres ou s’il n’utilise pas
personnellement le bien en cause. D’une façon générale, on peut en déduire
que ceux qui exercent l’usus et le fructus d’un bien disposent de facto de son
abusus.

Au contraire, en droit continental classique, l’usus, le fructus et l’abusus sont


des prérogatives qui appartiennent au propriétaire nominal d’un bien, peu
importe le fait qu’il ait ou non financé son bien par emprunt et peu importe
le fait qu’il utilise personnellement ou non le bien en cause. La rupture entre
la conception classique du droit de propriété par le droit continental et la
conception anglo-saxonne de ce droit est donc totale.

Selon le principe de « propriété économique », les droits sur les choses


n’appartiendront, de facto, qu’aux personnes ou organismes qui financent les
biens, au premier rang desquelles se trouvent les banques et autres
organismes financiers, ainsi qu’aux personnes ou organismes qui utilisent les
biens, ces derniers fussent-ils dématérialisés.

Les organismes qui peuvent se prévaloir de la « propriété économique »


sont propriétaires des données qu’ils font circuler, mais pas
nécessairement responsables desdites données

En tant qu’organismes qui gèrent et/ou transfèrent des données


dématérialisées, Google, Facebook, Twitter et tous leurs homologues sont
donc en priorité concernés par la « propriété économique » des données
qu’ils font transiter. En revanche, ces organismes ne répondent
juridiquement pas, sauf exception, du contenu des données en question.

De la même manière, des organismes comme Swift, qui ne veulent pas


assumer la responsabilité juridique des données d’ordre bancaires dont ils
assurent le transit et garantissent la sécurité d’acheminement1, sont
néanmoins les « propriétaires économiques » des données qui transitent par
leurs « tuyaux ».

De la même façon, les banques réceptrices des données personnelles2 et,


d’une façon générale, tous les organismes qui collectent3 ou par lesquels
transitent à un titre ou à un autre des données personnelles sont les
« propriétaires économiques » de ces données (des métadonnées comme des
données privées classiques).

Tous ces collecteurs et utilisateurs de données sont, d’une façon générale, en


raison du principe de « propriété économique », propriétaires des données,
ce qui ne signifie pas nécessairement qu’ils en soient responsables. Nous
retrouvons ici l’organisation d’une asymétrie juridique entre pouvoir et
responsabilité, le pouvoir sur une chose ou sur un bien n’impliquant pas
nécessairement la responsabilité juridique de cette chose ou de ce bien :
« tous propriétaires, mais pas responsables des contenus » est le mot
d’ordre !

D’un point de vue méthodologique, on ne peut que constater que cette


asymétrie entre pouvoir et responsabilité se retrouve de la même façon dans
les banques, en particulier les banques dites systémiques, vis-à-vis de leurs
usagers. D’une façon générale, l’asymétrie, qu’elle concerne l’information
ou la responsabilité, est la clef de voûte des grandes fortunes actuelles. Sans
asymétrie d’information, pas de concurrence possible et donc pas d’effet de
levier capitalistique possible. À titre d’anecdote, c’est l’asymétrie
d’information qui a fait la fortune des Rothschild au moment de la bataille
de Waterloo, fortune faite sur la diffusion d’une fausse information pendant
que le banquier connaissait, seul, la vérité sur laquelle il misait secrètement.
C’est également sur l’asymétrie d’information alliée à la pure capacité
technique de rapidité que sont fondés les algorithmes utilisés dans le High
Frequency Trading. Asymétrie d’information et malhonnêteté vont de pair,
le tout ayant pour résultat d’accaparer les richesses et de se présenter comme
« au-dessus de tout soupçon ».

Les résultats de la propriété économiques : concentration des pouvoirs


et alimentation des programmes d’intelligence artificielle

Le premier et essentiel effet de l’application de la « propriété économique »


est le transfert des « droits » des simples particuliers ou entreprises d’une
part aux plus gros capitalistes, pourvoyeurs de crédits abusifs, et d’autre part
aux organisations multinationales, entreprises ou autres (fondations,
associations, ONG…), susceptibles de gérer et d’utiliser d’énormes masses
de données privées.

Il va sans dire que toutes ces données dématérialisées, qui correspondent à


des sommes considérables d’informations sur le mode de vie des gens dans
chaque pays et région du monde, seront ensuite transférées vers des
organismes intéressés à les utiliser : c’est-à-dire à des organismes s’occupant
d’intelligence artificielle.

Le concept de « propriété économique », qui prône l’organisation d’une


société fondée exclusivement sur l’accaparement, est radicalement opposé
au concept de civilisation, laquelle ne peut se concevoir que comme le
développement de l’ensemble de la collectivité.

Nous militons ici évidemment pour un retour au droit continental


traditionnel, lequel fait prévaloir le principe de bon sens qui veut que le
commerce se soumette à des règles du droit représentant et protégeant
l’intérêt commun, à l’exclusion du seul intérêt des propriétaires des
multinationales.

Est-il raisonnable que les États acceptent systématiquement, et sous le


fallacieux prétexte de la normalisation, l’application des principes du
droit anglo-saxon en matière d’organisation juridique ?

Demander la suppression, l’abolition du principe de « propriété


économique » revient, peu ou prou, à militer pour le retour à l’indépendance
juridique des États par rapport aux prescriptions, qui se veulent universelles,
du droit anglo-saxon.

Il n’est pas acceptable que des États souverains ne puissent pas qualifier les
entreprises, fussent-elles multinationales, selon leurs propres prescriptions
juridiques lorsque celles-ci agissent sur le territoire que ces États ont la
charge de gérer et d’organiser. Pas plus qu’il n’est acceptable que le principe
de la « propriété » soit dévoyé de façon générale au point de signifier la
disparition de la propriété et l’avènement juridique de l’accaparement. Il y a
là évidemment une atteinte flagrante à la souveraineté des États en tant
qu’entités politiques.

Atteinte à la souveraineté qui se répète en matière comptable puisque les


multinationales, et surtout les États sur le territoire desquels elles opèrent,
sont sommées de se conformer aux règles édictées par l’IASB, alors même
que cet organisme est détenu par des entreprises privées et que les intérêts
protégés par ce type de réglementation ne peuvent structurellement pas être
considérés comme garantissant l’ordre général ou le bien commun, mais
bien plutôt le respect des intérêts privés qui les génère. L’IASB, dont le siège
est – sans surprise ‒ situé à Londres, est sous la tutelle de l’IASCF – créée
en 2001 dans le Delaware, qui est, rappelons-le, l’un des principaux paradis
fiscaux de la planète cet organisme à but non lucratif œuvre pour le « bien
commun » de ses membres, les plus gros détenteurs de capitaux de la
planète. L’IASCF est composé d’administrateurs, les trustees, qui assurent la
direction de l’IASB et des entités associées.

La réforme de janvier 2009 consistant à intégrer un comité de surveillance


composé d’autorités publiques ne doit pas faire illusion dans la mesure où
une grande partie des actuelles « autorités publiques » sont sous la
dépendance directe du « fait économique » et ne représentent aucunement
les intérêts réellement publics, autrement appelés « bien commun ». Le
concept même d’État est aujourd’hui dévoyé, subverti par l’énorme
puissance que les plus gros propriétaires de capitaux ont acquis, aussi
discrètement qu’efficacement, aux dépens de toutes les structures de
pouvoirs. Ce coup d’État politique s’est fait à la faveur de quelques règles :
l’anonymisation des capitaux, l’organisation hiérarchique des sociétés, le
contrôle des monnaies et leur gestion centralisée, l’organisation mondiale de
la libre circulation des capitaux et le principe de « propriété économique ».

19 janvier 2018

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/les-donnees-dematerialisees

Notes
1 cf. Jean-Loup Izambert Pourquoi la crise, éditions Amalthée, 2009, page
149.
2 Voir, pour un exemple russe : http://soborjane.ru/2017/12/21/20-dekabrja-
prinjat-antikonstitucionnyj-zakonoproekt-no-157752-7-o-biometricheskoj-
identifikacii
3 Voir les programmes échelon : https://fr.wikipedia.org/wiki/Echelon ; ou
Prism http://www.clubic.com/pro/it-business/securite-et-donnees/actualite-
568700-prism-revelations-guardian-keith-alexander.html ;
https://www.silicon.fr/collecte-de-donnees-renseignement-francais-nsa-
91106.html?inf_by=5a6205be681db82e488b45c7
Les colonnes infernales de la défaite
civilisationnelle

Après 1789, la France est passée d’une monarchie, qui avait pour contre-
pouvoirs tous les corps intermédiaires, à une oligarchie financière dénuée de
tout contre-pouvoir, le tout sous le vocable trompeur de démocratie. La
démocratie est le vêtement dont se pare le pouvoir sous le prétexte qu’existe
une représentation populaire (pouvoir législatif). Mais cette représentation
est, dans les faits, c’est-à-dire concrètement, catégorielle et non pas
populaire parce que contrôlée par des partis politiques sous influence des
puissances d’argent.

Cet article a été inspiré par une analyse du géopolitologue russe


Alexandre Douguine dans laquelle il décrit les tenants et aboutissants du
concept nouveau de « sixième colonne ». Partant de ces constats très
pertinents du côté russe, il m’est apparu utile d’en analyser les pendants
du côté occidental. Le résultat de cette étude révèle bien autre chose
qu’une entité, plus ou moins formelle, hostile aux peuples : elle révèle
l’existence institutionnelle, en France, en Occident et au niveau mondial,
de puissances d’argent dominantes, structurellement hostiles à tous les
peuples du monde.

Le contexte occidental

Dans mes précédentes analyses de géopolitique économique, j’ai beaucoup


insisté sur le fait que la conception française traditionnelle du droit avait été,
depuis l’avènement des institutions européennes, battu en brèche au profit
d’une conception anglo-saxonne, de nature économique et financière. J’ai
également axé mon décryptage du système économique global sur le fait que
la notion d’État était devenue, depuis le XXe siècle, une variable
d’ajustement d’un modèle devenu supérieur, le modèle de l’entreprise de
type capitalistique. Il résulte de mes analyses que le modèle civilisationnel
anglo-saxon s’est peu à peu imposé dans tous les pays occidentaux,
transformant derechef le fait politique en fait économique.
Cette évolution française et occidentale, sans accroc et accélérée au niveau
mondial depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a en réalité commencé
bien avant par la captation, par les puissances d’argent, du pouvoir politique.

Les puissances d’argent ont commencé leur captation du pouvoir politique


en Occident en s’emparant de façon hégémonique du fait monétaire, qu’elles
ont extirpé de tout contrôle politique au moyen de la création du concept de
« banque centrale ». Ces banques centrales, présentées comme des entités
étatiques, mais réellement sous contrôle de capitaux et d’intérêts strictement
privés, sont depuis longtemps les seules régulatrices des questions
monétaires, elles contrôlent la masse monétaire en circulation dans chaque
pays et finalement l’évolution de l’économie desdits pays. Ces banques,
dénuées de tout contrôle politique, travaillent pour les intérêts des plus
grands capitalistes. L’une des prérogatives régaliennes essentielles, le fait de
battre monnaie, ne ressort désormais plus des compétences de l’État,
occasionnant par là même une perte sérieuse de légitimité et de souveraineté
de l’État.

Mais il y a plus, l’État lui-même est devenu, en Occident, le porte-parole des


intérêts des plus grands détenteurs de capitaux. À cet égard, permettez-moi
de prendre plus précisément l’exemple de la France, car tous les pays
d’Europe occidentale, s’ils aboutissent au même résultat, n’ont pas suivi le
même déroulement historique. En France, pays traditionnellement
centralisateur, le fait politique est, depuis la troisième République, concentré
autour de deux concepts : des partis politiques hiérarchisés et la « fabrique »
d’hommes politiques professionnels, par des écoles et des formations plus ou
moins dédiées constituant un vivier de recrutement. Ce phénomène permet
une appropriation relativement aisée du pouvoir politique au moyen de la
prise en main du sommet hiérarchique des « partis politiques » et de la
corruption des quelques élèves sortant des fabriques à personnalités
politiques. Cette corruption est d’ailleurs tout autant active que passive en
raison de l’orientation idéologique du processus de formation lui-même ;
l’instruction claironnée et tellement vantée s’analysant beaucoup plus en un
formatage (matérialiste) des esprits qu’en une élévation de ces derniers.

Il résulte des phénomènes décrits ci-dessus qu’en France – et plus


généralement en Occident – l’État s’est vu approprié par des intérêts privés
sélectifs, perdant au passage sa légitimité intrinsèque. Le fait politique est
devenu partie intégrante du fait économique dans la mesure où les intérêts
privés des plus grands capitalistes – oligarques – ont mis la force publique
résultant des institutions étatiques à leur service. Dès lors, le « fait »
politique n’a plus pour vocation d’organiser, le plus sereinement possible, la
vie en commun sur un territoire donné, mais a pour fonction de faire
respecter, par le plus grand nombre, les intérêts financiers – homogènes –
d’une caste particulière d’individus, les grands capitalistes accapareurs.

Identification de la sixième colonne dans le contexte occidental

Il résulte de l’analyse du contexte ci-dessus décrit que la sixième colonne


identifiée par Alexandre Douguine n’a pas réellement d’équivalent en
France et plus largement dans les pays occidentaux. Ou plutôt, ce sont les
États et, plus récemment, les organisations étatiques supranationales (c’est-à-
dire les institutions de l’Union européenne) qui sont eux-mêmes les porte-
paroles de cette sixième colonne.

Pour revenir à la France, symbole éternel de l’évolution occidentale, l’État


issu de la Révolution française a été approprié par les puissances d’argent, à
savoir la bourgeoisie commerçante, mélangée à la bourgeoisie bancaire,
enrichie par le commerce lié aux grandes découvertes et par la gestion des
monnaies. Plus récemment, l’Union européenne a continué et accentué le
processus mettant directement les institutions publiques au service de ces
puissances d’argent ; en Europe occidentale les multinationales font les lois,
qui s’appliquent à tous, et les « juridictions » européennes sont les garantes
de cet ordre économique nouveau.

Ainsi, après 1789, la France est passée d’une monarchie, qui avait pour
contre-pouvoirs tous les corps intermédiaires, à une oligarchie financière
dénuée de tout contre-pouvoir, le tout sous le vocable trompeur de
démocratie. La démocratie est le vêtement dont se pare le pouvoir sous le
prétexte qu’existe une représentation populaire (pouvoir législatif). Mais
cette représentation est, dans les faits, c’est-à-dire concrètement, catégorielle
et non pas populaire parce que contrôlée par des partis politiques sous
influence des puissances d’argent. L’appareil d’État (pouvoir exécutif) est
par ailleurs lui-même géré par des hommes politiques issus du vivier
contrôlé par ces mêmes puissances d’argent.
Il résulte de la présente analyse qu’en Occident, c’est la structure même du
pouvoir qui correspond au concept de sixième colonne identifié par
Alexandre Douguine.

Aucun État occidental n’a cherché à s’affranchir de l’emprise des puissances


d’argent qui donnent le « la » politique et dictent leur conduite à des États
qui sont en réalité les gestionnaires des intérêts financiers des oligarchies
occidentales associées. Certes, nous avons assisté en France et en Occident à
des variations apparentes de politique, mais ces variations étaient
entièrement dues aux choix effectués par les puissances d’argent
dominantes : tantôt celles-ci étaient assez fortes, notamment en raison de
leurs colonies, pour s’autogérer, tantôt elles ont dû s’allier à d’autres
puissances d’argent ayant une conception différente de la vie en société et se
plier, en conséquence, à ces nouvelles conceptions.

D’empire continental, la France (comme l’Allemagne et toutes les anciennes


puissances d’Europe) est devenue colonie de l’empire des mers. Le droit
continental écrit, civilisationnellement structurant, hérité de l’Empire
romain, a ainsi définitivement cédé la place au droit anglo-saxon tout entier
tourné vers la prédation économique des puissances d’argent.

La disparition inéluctable de l’ordre politique continental au profit de


l’ordre politique atlantiste

La raison pour laquelle la France et tous les pays continentaux d’Europe


occidentale ont perdu leur identité civilisationnelle était, dès le départ,
inscrite dans la structure même de leur pouvoir. La force de leurs puissances
d’argent s’est avérée inférieure à la force des puissances d’argent dûment
organisées à la façon britannique, et plus largement anglo-saxonne. Les
Anglo-Saxons ont, depuis toujours, une conception économique de la vie en
société qui a grandement favorisé l’émergence d’un modèle de captation des
richesses aujourd’hui internationalement déployé par les instances
internationales qui font « l’ordre international ». C’est précisément ce
modèle qui s’est érigé en pouvoir absolu non seulement au niveau local,
mais aujourd’hui au niveau mondial.

Le jour, symboliquement représenté par l’avènement de la Révolution


française, où la France a banni la civilisation de « l’être » pour adopter, de
façon extérieure à son propre développement, la civilisation de « l’avoir », et
des « avoirs », elle a perdu non seulement sa suprématie politique, mais
aussi et surtout sa raison d’être. Reléguée à un rôle de boutiquier financier
qu’elle n’a jamais vraiment maîtrisé, la France s’est volontairement soumise
à son maître en la matière : la civilisation « de la mer », dirigée par les
puissances financières anglo-saxonnes.

La France n’était France que parce qu’elle n’avait pas donné la prééminence
aux puissances d’argent. Autrement dit, la France n’était indépendante et
autonome qu’à l’époque, qui correspond à l’ordre monarchique de l’Ancien
Régime, où la spiritualité chrétienne était une valeur supérieure à la
détention matérielle : la France n’avait d’existence institutionnelle réelle que
parce qu’elle organisait, de façon structurelle, la supériorité de « l’être » sur
« l’avoir », le statut social et les réalisations des individus passant avant leurs
avoirs matériels ‒ aujourd’hui simples numéros (dématérialisés) indiqués
sur des comptes en banque dont les titulaires ne sont pas propriétaires.

Les évènements, de type tectonique, ci-dessus décrits ne peuvent se voir


qu’une fois leur mouvement achevé, car de telles modifications, lentes par
nature, sont peu apparentes. En revanche, elles opèrent des modifications si
radicales des fondamentaux civilisationnels que leur résultat final est
proprement spectaculaire : il rend méconnaissable le point de départ, qui
était la notion d’État souverain, juridiquement déclinée en un Souverain qui
dirige un État.

L’avènement transnational du pouvoir sans racine et de l’homme sans


humanité comme finalité des puissances d’argent dominantes

Le point d’arrivée de ce mouvement tectonique, « forcé » par les puissances


d’argent dominantes du point de vue institutionnel, mais minoritaire du point
de vue démographique, n’est, par construction, pas conforme à la vocation
profonde des peuples concernés. C’est précisément la raison pour laquelle
ces puissances d’argent estiment aujourd’hui indispensable de briser ce qu’il
reste de cohésion nationale, identifiée avec le concept d’État-nation. La
victoire ne sera totale pour les puissances d’argent que le jour où il ne restera
plus aucune poche de résistance civilisationnelle, c’est-à-dire le jour où la
structure sociétale naturelle des peuples aura été éradiquée. Nous assistons
ainsi, partout dans le monde, à une radicalisation tendant à faire disparaître
le regroupement des peuples par affinités culturelles, linguistiques et
historiques : ce qui se fait au moyen de guerres, de coups d’État, de
migrations forcées, d’organisation de la perte de repères spirituels et
religieux. Ce mouvement est naturellement mondial puisque produit par les
puissances d’argent prééminentes ayant organisé l’ordre international.

Plus généralement, il est une leçon de l’histoire que ces puissances d’argent
victorieuses connaissent et redoutent : « Chassez le naturel et il reviendra au
galop ».

L’ordre naturel est tout entier, ab initio, le pire ennemi des puissances
d’argent dominantes. Elles veulent bannir, interdire ou rendre impossible
toute procréation naturelle, alimentation naturelle, soins naturels, cultures et
élevages naturels, regroupement naturel d’individus, « droit naturel » et
finalement toute humanité, tant il est vrai que l’humanité est une part du
processus naturel qu’elles honnissent.

De leur détestation du « naturel », vient notamment le subit développement


national et international de la théorie du genre. C’est également en raison de
leur détestation du « fait naturel » que les puissances d’argent rêvent
aujourd’hui de s’approprier physiquement la notion d’homme nouveau. Elles
rêvent ainsi de créer un homme augmenté, par les pouvoirs de la science,
faisant dangereusement dériver l’espèce humaine vers le transhumanisme,
dont le développement technique est confié à des personnalités autistiques de
type Asperger, coupées par essence du reste de l’espèce humaine par le fait
qu’elles ne ressentent pas d’émotions positives les liant au groupe. Il faut
d’ailleurs voir dans ce processus de recherche d’un « homme nouveau » la
raison d’être, développée à partir de la seconde moitié du XXe siècle, de la
hiérarchisation sociale des individus en fonction de prétendus QI (coefficient
intellectuel), lesquels sont formatés pour mettre en avant les capacités
« calculatoires » d’individus que l’on cherche à couper de toute réaction
émotionnelle distinctive ; ces mêmes réactions émotionnelles qui ont assuré
la survie de l’espèce humaine au fil des âges.

L’avènement de cet Homme nouveau-augmenté sera réservé aux puissances


d’argent victorieuses. Il s’accompagnera d’un Nouvel Ordre Mondial –
gouvernement mondial autoritaire, centralisateur à l’extrême, accompagné
d’une religion mondiale et d’une cryptomonnaie mondiale – qu’une grande
partie des populations ne connaîtra pas, vouées qu’elles sont à disparaître.

Octobre 2016

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/les-colonnes-infernales-de-la-defaite-
civilisationnelle

Le libéralisme et ses alternatives


pour le XXIe siècle

L’économie, en raison des implications qu’elle a dans le quotidien des gens,


doit aujourd’hui être considérée comme LA matière politique et géopolitique
par excellence. Dans le contexte actuel de crise perpétuelle, si d’aucuns
dissertent à l’envi et avec plus ou moins d’arrière-pensées, sur l’impasse
économique et financière dans laquelle le monde est plongé, personne ne
semble entrevoir, et encore moins proposer, la moindre solution pour sortir
de l’impasse.

Le libéralisme et ses alternatives pour le XXIe siècle.


Contribution à la 4e théorie économique.

Discours au deuxième colloque de Chișinău, 15-16 décembre 2017

Je suis très honorée d’avoir été invitée à ce deuxième colloque de Chișinău


consacré aux questions économiques. Une analyse de la problématique
économique sera d’autant plus utile que la question sera abordée sous
différents angles, qui permettront d’en mieux cerner les contours. Pour
comprendre la question économique, il me semble en effet tout à fait
impératif de mettre cette dernière dans un contexte spatio-temporel de nature
institutionnelle. Aucune dissertation sur la question économique ne peut
valablement trouver de fil conducteur si l’on ne fait pas l’effort de pratiquer
une analyse sérieuse de son évolution institutionnelle dans le temps et dans
l’espace.

Or l’analyse des institutions, Mesdames et Messieurs, ne ressort pas à


strictement parler du champ de compétence des économistes, qui sont des
praticiens du domaine économique. L’examen du cadre institutionnel de
l’économie est de la compétence des juristes. C’est donc en ma qualité de
juriste que je vais intervenir à l’occasion de ce colloque consacré à la
problématique économique. C’est également en ma qualité de juriste que je
vais faire une indispensable incursion dans le champ monétaire et financier.

À titre liminaire, il semble utile de replacer le cycle de conférences de


Chișinău dans son contexte institutionnel international. Le présent colloque
s’inscrit dans le droit-fil de la Déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944
qui, si elle avait été appliquée, se serait opposée à la fois à la liberté absolue
du commerce international tenu par les multinationales et à l’établissement
d’un système monétaire international unifié. Ceci est une vaste histoire…

J’ai commencé l’analyse juridique et institutionnelle de la question


économique à l’occasion de mon travail de thèse, consacré à l’entreprise. Par
la suite, mon expérience en tant qu’avocate dans le domaine de la fiscalité
internationale et plus précisément des prix de transfert, a induit une
réorientation du champ de mes analyses. Mon approche, initialement
juridique et institutionnelle, du domaine économique s’est peu à peu
transformée en approche politique et géopolitique. Parce que toute analyse
institutionnelle se poursuit nécessairement, naturellement, par une mise en
perspective politique et géopolitique.

L’économie, en raison des implications qu’elle a dans le quotidien des gens,


doit aujourd’hui être considérée comme LA matière politique et géopolitique
par excellence. Dans le contexte actuel de crise perpétuelle, si d’aucuns
dissertent à l’envi et avec plus ou moins d’arrière-pensées, sur l’impasse
économique et financière dans laquelle le monde est plongé, personne ne
semble entrevoir, et encore moins proposer, la moindre solution pour sortir
de l’impasse.
Or, un problème qui ne trouve pas de solution est un problème qui est mal
posé. Le problème économique me semble justement particulièrement mal
posé. Pour vous en convaincre, je vais vous faire part des constats auxquels
mon approche, que d’aucuns jugeront « iconoclaste », et qui est d’ordre
juridique, institutionnel, politique et géopolitique, a abouti. Le qualificatif
« iconoclaste », appliqué dans un contexte de pouvoir temporel et non pas
dans un contexte de pouvoir spirituel, ne doit pas faire peur. Il est en effet
tout à fait nécessaire de s’opposer à la tradition, même lorsqu’elle date de
plusieurs centaines d’années, lorsque celle-ci mène l’humanité à sa perte ; or
c’est justement dans cette direction que nous courons collectivement. Il est
des époques qui doivent être politiquement « iconoclastes », et nous sommes
justement au cœur d’une telle époque. En pratiquant l’approche politique et
géopolitique de l’économie, j’ai découvert un certain nombre d’éléments qui
désignent, à eux seuls, la voie conceptuelle permettant de sortir de l’actuelle
impasse économico-monétaire. Cette impasse sévit au niveau mondial et
nous mène tout droit vers la destruction des peuples et la construction d’un
gouvernement mondial dirigé par les principaux détenteurs de capitaux de la
planète.

Cette petite introduction, nécessaire à la compréhension du sujet, m’amène à


faire la remarque selon laquelle les milieux académiques ne considèrent
jamais l’économie selon cette approche institutionnelle, politique et
géopolitique, pourtant déterminante. D’un point de vue académique, les
économistes pratiquent l’économie tandis que les juristes mettent l’économie
en musique règlementaire, sans jamais questionner la pertinence du cadre.
Les juristes se cantonnent aujourd’hui à un rôle secondaire consistant à
mettre en œuvre et éventuellement à perfectionner les règlementations
économiques. Ils ont, depuis beaucoup trop longtemps, abdiqué leur rôle
politique consistant à avoir une approche dynamique et critique de la
législation. Ce faisant, les juristes sont devenus inutiles, simples parasites
alimentant un système économico-politique, de type newtonien, qui éloigne
toujours plus l’humanité du soleil nécessaire à sa survie. Cette pente
malheureuse est née de l’influence de la théorie pure du droit d’Hans
Kelsen ; à partir de là les juristes praticiens sont devenus structurellement
incapables de questionner les finalités du droit, seules les techniques
juridiques leur sont restées accessibles.
Pour retourner dans le vif du sujet économique et des alternatives
envisageables, il faut d’abord et avant tout comprendre que les forces à
l’œuvre dans le monde dans lequel nous vivons ont, au fil des siècles,
organisé une domination institutionnelle totale du pouvoir économique sur le
pouvoir politique. Cette domination devra prochainement trouver sa
conclusion logique dans l’avènement d’un gouvernement mondial, appelé
« Nouvel Ordre Mondial » par ses partisans. En réalité, ce Nouvel Ordre n’a
rien de nouveau, il est l’aboutissement logique de la constante élévation
sociale de l’ordre des banquiers commerçants qui a, aujourd’hui, rang de
puissance politique. Cet ordre des banquiers commerçants, dont on peut,
grosso modo, faire remonter la naissance à l’époque des Grandes
Découvertes, en raison du considérable enrichissement dont ils ont pu alors
bénéficier, est aujourd’hui arrivé à un point où il a acquis un pouvoir
mondial de type monopolistique. Les tenanciers de ce pouvoir économique,
à force d’accaparement des richesses, sont parvenus au stade où ils imposent
des institutions internationales à leur mesure. Le constat, malheureux, est
qu’aucune instance politique n’est plus en mesure de lutter efficacement
contre ce conglomérat de banquiers commerçants, qui pratique un pouvoir
absolu et sans partage.

« Comment en est-on arrivé là ? »… C’est une longue histoire faite de


luttes, de contre-luttes et d’un nombre considérable d’abdications.

Dès le début, la caste naissante et ambitieuse des banquiers commerçants a


entrepris un mouvement en double révolution (sans jeu de mots), consistant
d’une part en un effort conceptuel afin de dissoudre le « pouvoir » politique
en place, et d’autre part à mettre en œuvre, pays par pays, une institution
capable de centraliser et de gérer les masses monétaires en circulation.
Concrètement, les deux principaux outils utilisés par le pouvoir économique,
pour s’élever au rang de pouvoir politique, ont été : premièrement
l’élaboration et la diffusion du principe de « séparation des pouvoirs » et,
deuxièmement la mise en place de « banques centrales ». Les Français ont eu
un rôle de fer de lance dans la mise en place conceptuelle et institutionnelle
de ces deux éléments de destruction massive des peuples et des États. Il
semble juste, en retour, que des Français établissent les mesures
conceptuelles qui permettront le rétablissement des États au sens politique
du terme - qui est le sens premier et le seul pertinent - dans leur capacité de
fonctionnement normal. Dans le contexte actuel, il ne faut en revanche
malheureusement pas compter sur des Français pour mettre en œuvre
institutionnellement ces concepts nouveaux dont la finalité est la rénovation
du pouvoir politique. Nous y reviendrons…

Le premier moyen mis en place par les détenteurs du fait économique dans
leur quête du pouvoir est le principe dit « de séparation des pouvoirs »,
théorisé par Charles Louis de Secondat, baron de Montesquieu. Ce principe
a eu le succès spatio-temporel que vous savez. Universellement reconnu
comme le seul moyen institutionnel de limiter le pouvoir, il a permis une
uniformisation générale des modes de gouvernement de tous les pays du
monde ; rendant dès lors possible le passage à la phase ultime du
gouvernement mondial.

La séparation des pouvoirs, fallacieusement présentée comme une


« limitation » du pouvoir, est en réalité une « dissolution » du pouvoir. Il
faut, pour s’en convaincre, remonter au sens premier du mot « politique » et
se rappeler qu’un gouvernement est la traduction institutionnelle permettant
la mise en œuvre de la « politique ». Au sens premier du terme, la
« politique » est l’art d’organiser la vie de la Cité. À ce titre, la « politique »
doit réguler les comportements individuels de manière à ce qu’ils soient
compatibles avec un comportement de groupe, un comportement social. La
« politique » s’accompagne donc nécessairement du pouvoir de maîtriser les
lois qui s’appliquent sur son territoire, de rendre la justice, ainsi que du
pouvoir de contrainte, permettant d’assurer l’intégrité du groupe. Retirer au
« pouvoir politique » les fonctions législative et judiciaire revient tout
simplement à retirer au pouvoir politique sa raison d’être, qui est en même
temps la justification de son pouvoir de contrainte. Si en plus vous retirez au
gouvernement la maîtrise de sa monnaie, qui est l’un des moyens permettant
d’œuvrer à la paix sociale, vous obtenez la situation actuelle dans laquelle
les États ne sont plus des entités politiques mais des entités au service du
pouvoir économique caché.

Il faut ajouter que le principe de « séparation des pouvoirs », chargé de


dissoudre le pouvoir politique ancien, sera abandonné lorsqu’il aura rempli
sa fonction et que le nouveau pouvoir pourra s’exprimer au grand jour. On
assiste d’ailleurs précisément à cette évolution dans la construction
européenne - qui est le premier pas vers le Nouvel Ordre Mondial - où le
principe de séparation des pouvoirs est ouvertement abandonné. La
« séparation des pouvoirs » ne sera évidemment pas appliquée par le futur
gouvernement mondial.

Le second moyen mis en place par les détenteurs du fait économique dans
leur quête du pouvoir est la centralisation des questions monétaires dans
leurs mains. Le système de la centralisation monétaire dans les mains des
banquiers, que nous appellerons ici – par facilité de compréhension – le
« système des banques centrales » est né aux Pays-Bas, s’est perfectionné en
Angleterre, et s’est ensuite installé en France avant de se répandre dans tous
les pays du monde. En se généralisant, le système des banques centrales s’est
évidemment diversifié et complexifié. La plupart des banques centrales du
monde, soixante parmi les plus importantes, sont aujourd’hui gérées et
régulées par la Banque des Règlements Internationaux (BRI en français, BIS
en anglais) située à Bâle. Cet établissement bancaire et financier, créée en
1930 à l’occasion du plan Young, a été conçu dès l’origine comme une entité
juridique de droit public comparable à un État, moins, évidemment, la
fonction de régulation sociale. Pour l’anecdote - qui n’en est pas une -, ce
sont les flux financiers (via de nombreux prêts) qui ont transité par la BRI
qui ont financé l’effort de guerre nazi et permis l’avènement du IIIème Reich
allemand.

Le « système des banques centrales » s’est vu complété en 1944, au moment


des Accords de Bretton Woods, par l’avènement d’institutions bancaires
internationales telles que le FMI et la Banque mondiale ; créant dès lors ce
qu’il est convenu d’appeler l’ordre financier international. Ce système
financier bénéficie du support de nombreux autres organismes bancaires à
vocation internationale, régionale et supra nationale telles que la Banque
Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD, née en
1944 à Bretton Woods), la Banque Européenne d’Investissement (BEI créée
en 1958), la Banque Européenne pour la Reconstruction et le
Développement (BERD créée en 1991), la Banque de développement du
Conseil de l’Europe (CEB pour Council of Europe Development Bank ;
créée en 1956)… Sans même évoquer les différentes institutions du système
financier, de plus en plus intégré, de l’Union Européenne. S’ajoutent à tout
cela les nombreux établissements bancaires et financiers chargés, moyennant
une politique de prêts à intérêts, de mettre sous dépendance, par le biais d’un
relais financier régional ou global, tous les territoires et pays du monde.
Cette mise sous tutelle financière mondiale des États est cachée derrière les
bons sentiments de la prétendue volonté de construire, reconstruire ou
aménager les territoires. Il faut ici noter que cacher la réalité factuelle
derrière une apparence de « bons sentiments claironnés » est la méthode
suivie depuis toujours par les tenants du pouvoir économique afin d’arriver à
leurs fins politiques.

À cet égard et dans le droit fil de la méthodologie perverse généralement


employée par la caste économique au pouvoir, je dois mettre l’auditoire en
garde contre une interprétation fallacieuse, généralement faite, de l’origine
de la construction européenne. OUI cette construction s’est faite dans le
contexte de la domination américaine mondiale du XXe siècle, mais NON
elle n’est pas un produit américain au sens strict.

Car il faut considérer que l’Empire américain n’a été, et n’est encore, lui-
même qu’un avatar de la puissance économique et financière globale. Cette
puissance, qui a pris politiquement conscience d’elle-même au siècle dit des
Lumières, s’est successivement incarnée dans les Empires britannique puis
américain ; les États-Unis d’Amérique ont été au XXe siècle ce que la
Couronne britannique fut au XIXe siècle : une matérialisation du pouvoir
grandissant des banquiers-financiers. Il n’est pas exclu que les détenteurs de
la puissance financière mondiale aient opté pour la Chine en tant que nouvel
Empire intermédiaire précédant l’arrivée concrète du gouvernement
mondial. Toutefois, leurs plans pourraient être déjoués par le pouvoir
politique chinois, qui vient par exemple d’interdire sur son territoire les
plateformes de cryptomonnaies et qui semble poursuivre inlassablement
depuis quelques années une implacable lutte contre la corruption. L’avenir
nous renseignera sur le fait de savoir si la Chine sera ou non le troisième et
dernier Empire global, celui chargé de précéder l’avènement du Nouvel
Ordre Mondial, c’est-à-dire de la dictature universelle…

La construction européenne, dont l’origine technique remonte pour


l’essentiel au XIXe siècle, a été pensée par et dans les cercles œuvrant à la
domination du pouvoir économique global. La construction européenne est
un laboratoire d’essai, elle est la première marche vers l’intégration de ce qui
deviendra, inéluctablement au XXIe siècle, si personne ne s’y oppose
sérieusement, le gouvernement mondial. L’expérience de l’intégration
européenne – qui porte le nom d’Union Européenne – permet aux détenteurs
du pouvoir économique de tester in vivo, sur le continent européen, ce qui
sera généralisé à l’ensemble du monde et constituera les modalités de
fonctionnement du gouvernement mondial. Il ne faut pas s’y tromper !

Je pourrais longuement vous parler de l’actuel engouement pour les


cryptomonnaies selon la technologie blockchain, du fonctionnement du
circuit économique global et de la façon dont les multinationales s’y sont
prises pour mettre les États sous leur dépendance économique. Toutefois, ces
développements, longs, ne sont pas adaptés au format de cette présentation
orale. Je pourrais également vous expliquer l’ensemble des conséquences
techniques, en termes d’organisation gouvernementale, de la suppression du
principe de « séparation des pouvoirs ». Mais là encore il nous faudrait un
temps qui n’est pas compatible avec les exigences de la présentation
d’ensemble, à laquelle répond ce discours. Permettez-moi juste de
mentionner que si l’article 13 de l’actuelle Constitution russe est en débat,
c’est surtout son article 10 qui devrait être mis en cause ; car la « séparation
des pouvoirs », qui suppose la « dissolution » du pouvoir, pose un problème
politique insoluble à tous les États qui l’ont adopté. L’article 13 litigieux, qui
certes ajoute le dernier clou au cercueil du « pouvoir », n’est en réalité
qu’une manifestation secondaire du problème politique réel.

Pour tous les détails techniques, je vous donne rendez-vous dans un autre
cadre…

Je termine cet exposé en insistant sur le fait que LE DROIT est LE moyen
qui permettra soit d’aller toujours plus loin vers l’avènement du
gouvernement mondial, soit de stopper ce processus mortifère et
d’entreprendre une lutte efficace contre les postulants économiques au
pouvoir politique global.

Connaître les techniques juridiques permettant de faire face au danger ne


suffit évidemment pas. Il faut y ajouter une réelle détermination politique
qui, seule, permettra de mettre ces techniques en œuvre. Cette volonté
politique ne doit pas être recherchée dans les pays occidentaux, qui ne sont
pas en capacité politique et socioculturelle de lutter ; le réveil des BRICS
doit, à cet égard, être considéré comme un potentiel espoir ; mais il faut
garder à l’esprit que l’ennemi est puissant, y compris dans ces derniers
États…
14 décembre 2017

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/valerie-bugault-discours-de-chisinau

La civilisation européenne : de la mesure…


(Plaidoyer pour un retour du concept d’économie politique)

Les anciennes nations européennes sont aujourd’hui politiquement et


spirituellement agglomérées, par une volonté oligarchique extérieure aux
peuples concernés, dans un amas institutionnel de type autoritaire qui trouve
sa source dans le « marais » dénoncé par Alexandre Douguine. Mais ce
« marais » n’est pas essentiellement localisé à Washington, qui n’en a été
que l’incarnation temporaire, il est géolocalisé au centre mondial de la
finance internationale qu’est la City et il a étendu ses ramifications dans tous
les systèmes politiques des anciens États européens – car ces États ont de
facto perdu l’essentiel de leur souveraineté en intégrant les traités de
Maastricht et de Lisbonne.

Le retour de l’Occident à la civilisation passe par l’abandon de


l’actuelle « Société de l’avoir » pour rendre à la « Société de l’être »,
parfaitement incarnée par la tradition culturelle française aujourd’hui
malheureusement abandonnée, la prééminence qu’elle n’aurait jamais
dû perdre1. Autrement dit, le « fait politique » doit reprendre le pouvoir
sur le « fait économique » et « l’économie politique » doit remplacer « la
science économique » si l’on veut que la civilisation reprenne le cours de
son existence.

Après une petite mise au point politico-spirituelle sur l’état de la


« civilisation européenne », qui sera faite à titre introductif, cet article
présentera l’un des aspects du retour de la France à la Civilisation de
« l’Être » : celui de la mesure économique et individuelle. Plus précisément,
le retour des Sociétés européennes sur la voie de la civilisation impose de
supprimer les scories verbales qui sont des facteurs bloquant toute évolution
de la pensée. Il est aujourd’hui absolument nécessaire de réinvestir par et
dans le langage commun les unités de mesure de la valeur tant sur les plans
économiques que sur les plans individuels.

Sur un plan économique et sociétal, nous détaillerons les raisons qui militent
pour la suppression des notions de PIB et PNB. S’agissant de l’individu,
nous expliciterons pourquoi il est tout aussi nécessaire d’abandonner les
velléités de mesure de l’intelligence humaine au moyen de QI.

Petite mise au point politico-spirituelle s’agissant de la « civilisation


européenne »

En réponse à une vidéo dans laquelle Alexandre Douguine invite les


« Européens » à lutter pour sortir des griffes de la caste dominante
mondialiste et globalisatrice, appelée « le marais »2, il convient de rappeler
quelques principes de base sans lesquels aucune lutte ne pourra être
victorieuse et, bien au-delà, sans lesquels aucune lutte ne pourra être tout
court.

La première précision concerne la notion d’Europe politique. Les institutions


européennes, de type fédéraliste, sont précisément le fruit mûr de ce
« marais », pour ne pas dire « marécage », sans lequel jamais les pays
européens ne se seraient unis dans des institutions communes. Ce fait est
amplement étayé par nombre d’historiens et d’historiennes (Annie Lacroix-
Riz), des sociologues (Pierre Hillard) et beaucoup d’autres chercheurs, en
particulier américains, moins connus sur le continent européen. Si certains
politiques français se font le relais de cette triste réalité, ces derniers mettent
toutefois bien malencontreusement davantage l’accent sur l’incarnation
américaine du « marais » que sur le « marais » lui-même, dont la source se
trouve à la City bien avant d’être à New York ou à Washington.

Ainsi, les anciennes nations européennes sont aujourd’hui politiquement et


spirituellement agglomérées, par une volonté oligarchique extérieure aux
peuples concernés, dans un amas institutionnel de type autoritaire qui trouve
sa source dans le « marais » dénoncé par Alexandre Douguine. Mais ce
« marais » n’est pas essentiellement localisé à Washington, qui n’en a été
que l’incarnation temporaire, il est géolocalisé au centre mondial de la
finance internationale qu’est la City et il a étendu ses ramifications dans tous
les systèmes politiques des anciens États européens – car ces États ont de
facto perdu l’essentiel de leur souveraineté en intégrant les traités de
Maastricht et de Lisbonne.

La seconde précision concerne la « culture européenne ». Celle-ci est


incontestablement, historiquement, formée par l’appartenance à la religion
chrétienne. Plus précisément, la chrétienté de l’Europe est principalement
faite de catholicisme romain, de protestantisme et d’orthodoxie.

Or un des problèmes essentiels est précisément que le catholicisme romain


n’est plus chrétien. Le pape est lui-même aujourd’hui le premier porte-parole
du globalisme multiculturel et multireligieux et un interlocuteur
institutionnel des principaux mondialistes tels que Peter Sutherland3. Cette
réalité peut également être illustrée par la volonté déclarée du pape François
de transformer la banque du Vatican en banque commerciale ordinaire4,
réclamant pour ce faire, l’aide précieuse des Fat Four dont la réputation de
bras armé de l’oligarchie n’est plus à faire. Le mélange des genres spirituel
et temporel par l’actuelle direction vaticane, qui se comporte en « chef
d’entreprise », en dit long sur le traitement des âmes par le successeur de
Pierre. C’est ainsi qu’en bonne logique l’Union Européenne a elle-même
renoncé à se prévaloir de son appartenance judéo-chrétienne. Mais là encore,
le terme « judéo-chrétien » serait à préciser tant il est vrai que la religion
chrétienne traditionnelle était opposée au judaïsme5. En conclusion, perdu
dans la globalisation politico-économique, le catholicisme romain actuel se
rapproche davantage d’un réformisme schismatique que de l’orthodoxie
catholique traditionnelle.

En définitive, sortir les pays d’Europe occidentale du « marais » nécessitera


en tout premier lieu de reconnaître ce « marais » pour ce qu’il est, c’est-à-
dire une domination oligarchique sans partage qui trouve sa source à
l’intérieur même de l’organisation du pouvoir des pays occidentaux. En
second lieu, il faudra, d’une manière ou d’une autre, que les peuples
européens retrouvent une spiritualité pacifiée autour de valeurs sûres ; ce qui
pourrait signifier la réunification des Églises chrétiennes d’Orient et
d’Occident.
Indépendamment de ces précisions d’ordre général, les pays européens ne
pourront retrouver la voie de la civilisation qu’en élaborant techniquement
de nouveaux systèmes de mesure de la valeur tant du point de vue
économique que du point de vue individuel.

Les scories dont il faut débarrasser la société pour lui permettre de


retrouver la voie de la civilisation : l’impérieuse nécessité d’élaborer de
nouveaux systèmes de mesure de la valeur

D’un point de vue pratique, il existe un certain nombre de concepts qui ont
été imposés à nos sociétés par les tenants du « fait économique » qui sont
des facteurs empêchant, de façon dirimante, toute évolution civilisationnelle.
Le problème, né dans les sociétés européennes occidentales, est devenu
beaucoup plus grave à mesure qu’il s’est imposé dans l’ordre international.

L’analyse ci-dessous ne prétend pas à l’exhaustivité, elle se concentrera sur


certains concepts primordiaux que sont la mesure de la valeur économique
générée par les sociétés et la mesure de la valeur des individus composant
cette société. Ces deux concepts, pour essentiels qu’ils soient, n’épuisent
néanmoins pas le sujet à eux seuls.

La prétendue mesure de la valeur économique d’une société par les


PIB/PNB doit être bannie

Le premier de ces concepts est double, il s’agit des acronymes PIB et PNB.
Ces agrégats servent aujourd’hui, au niveau mondial, d’étalonnage absolu
pour déchiffrer l’état d’une société. Tout se passe comme si les PIB/PNB
avaient définitivement été acceptés par tous les pays du monde, grâce au
vecteur des institutions internationales – au premier rang desquelles figure
l’OCDE –, en tant qu’instrument de mesure inaltérable et fiable de la
situation économique des États ; un peu comme le mètre mesure les
distances ou le gramme le poids. Or, cette impression fallacieusement
disséminée dans les esprits de tout un chacun ‒ entreprises, hommes
politiques, économistes et simples particuliers – est fausse à plus d’un titre.

Sur le fond, elle donne une vision tronquée de ce qu’est la création de valeur,
jusqu’à en arriver, de plus en plus souvent, à mesurer mécaniquement son
exact contraire, c’est-à-dire non pas la création, mais la destruction de
« valeurs ».

Sur la forme, ces indicateurs cachent très mal le fait que la création de
richesse n’est plus du ressort des États et de leurs ressortissants, mais de
celui des principaux détenteurs de capitaux de la planète, qui opèrent via les
groupes d’entreprises. Les tenants du « fait économique » détiennent, via les
groupes économiques qu’ils pilotent, un pouvoir qui transforme les États et
leurs gouvernements en simples exécutants de leur volonté, de type
impériale.

La lutte pour la civilisation doit en premier lieu passer par la suppression de


l’usage de ces acronymes.

SUR LE FOND, LES ACRONYMES PIB/PNB DOIVENT


IMPÉRATIVEMENT ÊTRE REMPLACÉS PAR LA PÉRIPHRASE
« CRÉATION DE VALEUR » AFIN DE RÉINCARNER DANS LE
CERVEAU DE CHACUN CE QUE SONT LES NOTIONS DE
« VALEUR » ET DE « CRÉATION DE VALEUR ».

Alors que les PIB/PNB sont censés mesurer la richesse générée par une
Société6, ils engendrent, de plus en plus souvent, tout au contraire et presque
mécaniquement l’effet inverse pour finir par devoir être suspectés de
mesurer en réalité la disparition de richesses, de valeurs et finalement se
faire l’écho à peu près correct du niveau de la descente aux enfers
civilisationnels.

En effet, et sans même parler des aspects négatifs du PIB classiquement


recensé7, tel le paiement d’assurance qui ne fait que compenser une perte et
ne génère, en dépit des apparences, aucune création de valeur,
l’augmentation du PIB intègre, de façon directe ou indirecte, tout à la fois :

•les activités de fusions-acquisitions, qui ne sont rien de moins que la


disparition d’entreprises (en nombre considérable en Occident ces
dernières décennies) c’est-à-dire précisément la disparition de richesse
et de valeur ;
•les trafics illégaux (drogues, armes, prostitution, organes…), que l’on
peut difficilement considérer être une création de valeur pour la
collectivité ; il est vrai que l’INSEE français résiste à intégrer ces trafics
dans son calcul du PIB8, mais la question se pose d’ores et déjà de
savoir combien de temps cette position sera tenable et tenue dans un
contexte international contraire9 ;

•les manipulations financières des marchés générées par le High-


Frequency Trading (HFT) qui faussent la réalité de la valeur des actifs
par la création de flux surabondants et superfétatoires réalisés à seule
fin de manipuler les cours ;

•le paiement de Credit Default Swap (CDS) alors que ces derniers sont
une assurance non garantie, c’est-à-dire une escroquerie générée par la
créativité des financiers ; le paiement des CDS est particulièrement
susceptible de générer le défaut financier de la banque émettrice-
débitrice, dont le poids sera, comme il est devenu habituel, porté par la
collectivité, générant un réel appauvrissement collectif ;

•les opérations immobilières et les flux (opérations) sur les valeurs


mobilières alors que les actifs en question peuvent être (sont de plus en
plus souvent) surévalués en raison de bulles financières elles-mêmes
générées par des manipulations de masses monétaires par les Banques
centrales10 ; la prétendue richesse créée est ici tout à fait factice, un
simple effet d’optique généré par la formation de « bulles » ;

•les opérations d’achats à crédit11, qui ne sont que le reflet du futur


appauvrissement des acquéreurs, etc.

La liste est longue de la prétendue création de richesse mesurée – ou prise en


compte de façon directe ou indirecte – par les acronymes PIB/PNB ; elle est
en réalité soit fictive soir une réelle disparition massive, aussi bien
quantitativement que qualitativement, de valeurs ‒ terme pris aux sens
propre et figuré – de la société. On est, du point de vue conceptuel, très
éloigné de la mesure d’une quelconque création de richesse, et encore plus
éloigné de la mesure d’une quelconque création de valeur, qui sont pourtant
la justification de l’existence de ces indicateurs.
Les « économistes » autant que les amateurs utilisent aujourd’hui les
acronymes PIB/PNB de façon mécanique, autistique pourrait-on dire, sans
avoir réellement à se poser la question du sens profond de ces concepts. Ces
« représentations de la richesse » ne sont en réalité que des agrégats qui
recèlent une incroyable perversité tout autant qu’ils permettent toutes sortes
de manipulations.

Remplacer les PIB/PNB par la périphrase « création de valeurs » aurait pour


immense premier avantage d’inciter les gens qui utilisent cette notion à se
poser la question de « qu’est-ce que la valeur ? ». Ainsi, le remplacement de
l’usage d’acronymes par la périphrase précitée aurait pour premier et
immédiat avantage de ré-incarner l’intelligence humaine dans l’organisation
de la société. La sémantique est le premier chantier de travail sur lequel les
partisans de la civilisation doivent travailler. Tirons, au passage, un coup de
chapeau à l’heureux et courageux travail en ce sens d’Arnaud Aaron
Upinsky12.

SUR LA FORME, CES ACRONYMES CACHENT MAL LA


MONDIALISATION IMPOSÉE PAR QUELQUES PERSONNES
PHYSIQUES DISSIMULÉES DERRIÈRE LE PARAVENT DE LA
PERSONNALITÉ MORALE DES ENTREPRISES

La différence entre PIB et PNB mérite d’être détaillée : tandis que le PIB
mesure la prétendue richesse produite sur un territoire donné, le PNB
prétend mesurer la richesse produite à l’étranger par les ressortissants d’un
pays donné. Bien entendu, la prétendue richesse produite à l’étranger par des
ressortissants s’entend en tout premier lieu de celle produite par des
entreprises dont les capitaux sont majoritairement détenus par des
ressortissants du pays en question. Le problème vient du fait que ces
capitaux sont aujourd’hui, par le « fait du prince » les principaux détenteurs
de capitaux de la planète13, délibérément mobiles aussi bien du point de vue
de leur incarnation territoriale matérielle que de celui de leurs détenteurs
apparents.

L’affectation territoriale (nationale) de la richesse créée par les entreprises


est singulièrement dominée par le fait que les principaux marchés mondiaux
sont en réalité détenus par des groupes d’entreprises eux-mêmes contrôlés de
façon anonyme par quelques dizaines, voire centaines, de personnes.
D’une part, les entreprises font l’objet d’un jeu géopolitique consistant pour
les principaux actionnaires à créer des entreprises sur les territoires (c’est-à-
dire les États) juridiquement et fiscalement les plus compréhensifs, générant
de facto une moins-disance fiscale mondiale14. Les groupes d’entreprises
prennent ainsi le pas sur les États à qui ils sont en mesure d’imposer leurs
propres intérêts privés, c’est-à-dire l’intérêt des décideurs du groupe
d’entreprises en question, celui bien compris de ses actionnaires
majoritaires ; étant précisé que le terme « majoritaire » doit être entendu en
valeur relative et non en valeur absolue en raison de l’extrême dispersion du
capital des grandes entreprises cotées en bourse.

Dès lors, la mise en concurrence fiscale des États devient le moteur principal
de la création de richesse, laquelle profite in fine principalement aux
principaux actionnaires des multinationales, c’est-à-dire ni aux ressortissants
des États concernés par la mise en œuvre de l’activité, ni même aux petits
actionnaires desdites entreprises, ceux qui n’ont pas accès aux décisions
politiques du groupe.

D’autre part, s’agissant du pouvoir économique des groupes d’entreprises, il


faut garder à l’esprit que ne sont pas en jeu les seuls liens capitalistiques ; les
conglomérats économiques peuvent contrôler une activité professionnelle
exercée sur un territoire X sans être actionnaires des entreprises qui
exploitent ladite activité. En effet, par l’effet de la force des monopoles (ou
des oligopoles) qui contrôlent quelques grands marchés, les petites et
moyennes entreprises locales, taillables et corvéables à merci, sont en réalité
des sortes de sous-traitants formellement (c’est-à-dire juridiquement)
autonomes, mais économiquement totalement dépendants des
multinationales dominantes. En d’autres termes, les PME/PMI se trouvent
aujourd’hui assez souvent en situation de simples faire-valoir des
« complexes capitalistiques » tout à fait étrangers aux territoires sur lesquels
ces PME exercent matériellement leur activité.

La détermination et l’affectation des richesses produites ne sont pas des


prérogatives appartenant de plein droit aux ressortissants des États, ni même
aux gouvernements de ces États, mais sont des prérogatives appartenant de
façon discrétionnaire aux quelques personnes physiques qui contrôlent les
capitaux des groupes multinationaux contrôlant les principaux marchés.
Dans ces conditions, déterminer à l’aide d’indicateurs techniques à quel État
et dans quelle proportion appartient la richesse produite par les entreprises,
qui sont en réalité soumises au bon vouloir de leur donneur d’ordres –
groupe d’entreprises en situation de monopole ou d’oligopole mondial –,
revient à acter le fait que les États sont de simples gestionnaires du
patrimoine des principaux détenteurs de capitaux de la planète.

En d’autres termes, la généralisation de l’usage du PIB (et accessoirement du


PNB) revient à nier la captation du pouvoir économique par les
multinationales. Ces acronymes servent à cacher la réalité qui est que les
États ont en réalité perdu le contrôle effectif de la création de richesse et de
la création de valeur.

En conclusion, le retour à la civilisation doit passer par un retour de la


prééminence du « fait politique » sur le « fait économique » ; ce qui
nécessite un retour au concept d’« économie politique »15, reléguant la
prétendue « science économique » dans les poubelles de l’Histoire.

La reconquête civilisationnelle passe non seulement par un renouveau de ce


qu’est la « création de valeur » au niveau économique, mais aussi, et peut-
être surtout, par la remise en cause de la prétendue mesure de l’intelligence
humaine.

La prétendue mesure de l’intelligence humaine par le QI doit également


être bannie afin de retrouver le chemin de la civilisation

Une autre unité de mesure fallacieuse, et pourtant couramment employée et


utilisée aujourd’hui, est le fameux QI (pour quotient intellectuel). Cet
acronyme, censé mesurer la capacité intellectuelle des individus, est pourtant
construit autour d’une altération du réel qui a pour effet de rendre inefficient,
de façon rédhibitoire, le concept sous-jacent.

Premièrement, comme tout questionnaire, les QI sont soumis aux biais


cognitifs de leurs concepteurs : qui peut prétendre avoir la juste mesure de
l’intelligence humaine alors que celle-ci est intégralement dépendante à la
fois d’un contexte socio-culturel et de facteurs sensitifs et émotionnels
propres à chaque individu ? Une capacité calculatoire peut être mesurée, en
encore celle-ci dépend-elle également pour une large part de l’interprétation
émotionnelle qu’en fera le testé, mais quelles questions ou même mélanges
de questions pourraient prétendre mesurer l’incroyable capacité de
connexion neuronale des individus, alors même que chaque individu est
unique du point de vue sensoriel et que ses connexions neuronales dépendent
intimement du contexte dans lequel il est placé ?

Deuxièmement, l’aptitude au raisonnement horizontal – en étoile – est mal


appréhendée par les tests. Ce phénomène est aggravé par le fait que la
qualité et le nombre des connexions neuronales sont, pour chaque individu,
intimement liés au degré et à la finesse des perceptions sensorielles
disponibles. Les tests censés mesurer le QI des individus prennent très
imparfaitement, pour ne pas dire pas du tout, en compte le niveau de
perception sensorielle de l’individu testé. Dans ce contexte, les tests de QI,
même associés à de prétendus tests de personnalité, ne peuvent par
construction rendre que très imparfaitement compte de l’intégralité des
capacités humaines.

Par ailleurs, un autre phénomène s’ajoute pour disqualifier le concept même


de test de QI : l’aspect social et autoréalisateur de ces tests. Classifier les
individus en fonction de prétendus tests de QI et de personnalité revient à
tenter de mettre lesdits individus dans des boîtes sociales hermétiques qui
auront pour effet pervers d’annihiler certaines capacités cognitives desdits
individus en raison justement du fait que l’individu est, avant tout, un animal
social. En d’autres termes, les tests de QI comme de personnalité altèrent
l’interaction émotionnelle des individus (testés et non testés) en raison de la
vision que ces tests rendent d’eux-mêmes vis-à-vis de l’autre ; le résultat
porte finalement atteinte à l’intégrité cognitive aussi bien des testés que des
testeurs.

La démarche du test intellectuel relève de la même démarche que


l’utilisation des autistes de type Asperger dans la recherche fondamentale et
dans différents compartiments de l’organisation sociale16. Par un effet
pervers, certaines capacités, voire le handicap propre à certains types
d’autisme, sont mis en avant afin de faire accroire qu’ils sont la norme
objective. Une infime partie des capacités humaines, voire le handicap
minoritaire, devient l’unité de mesure de la normalité appliquée à la
majorité. Nous assistons ici à une singulière inversion du système métrique
des valeurs humaines et de la valeur humaine promues par la société.
Il s’agit dans un cas de formater le monde de demain en mettant les autistes
type Asperger à la manœuvre dans les recherches sur l’intelligence
artificielle. Il s’agit, dans l’autre cas, de formater le monde d’aujourd’hui en
catégorisant les individus et en les cantonnant à un certain type de
comportement. C’est-à-dire qu’il s’agit, dans le cas de l’utilisation des
Asperger et dans le cas de l’utilisation de tests de QI, ni plus ni moins que de
donner comme norme, comme référence, au plus grand nombre un
étalonnage résultant d’un handicap ou de qualités biaisées, car déterminées à
l’avance par les concepteurs du test.

Pour faire une traduction en langage clair, il faut avoir recours à la


rhétorique : le test de QI consiste à faire prendre la partie, c’est-à-dire une
partie des capacités cérébrales, pour le tout c’est-à-dire l’intégralité des
connexions neurologiques et cognitives, ce qui relève de la synecdoque.

Pour conclure, les tests sont en grande partie des principes autoprédictifs
utilisés à des fins de normativité de la société par une petite minorité
d’individus pour tenir la majorité en respect. La notion même de mesure de
l’intelligence implique une volonté de domination de la part de certains
individus sur la masse des autres.

Plaidoyer pour un retour à la civilisation française initiale : la société de


l’« être » doit reprendre le dessus sur celle de l’« avoir ».

S’agissant de mesure sociale et humaine, la véritable et défunte civilisation


française, modèle qui faisait prévaloir l’« être » sur l’« avoir »17, était
beaucoup plus efficiente que l’actuelle société de type commercial issue de
la culture anglo-saxonne.

En effet, faire prévaloir l’« être » sur l’« avoir » rend possible une mesure
beaucoup plus sûre des compétences et des qualités humaines génératrices
de valeur. Elle permet de juger un individu non pas a priori sur des
présupposés, mais, de façon beaucoup plus sûre, a posteriori sur ce qu’il a
effectivement produit et apporté au groupe. À l’opposé, les batteries de test
de QI et autres tests de personnalités sont des instruments de la « société de
l’avoir » en ce qu’ils présument a priori la valeur des individus, introduisant
au surplus l’effet dévastateur de l’autoréalisation ; il en va de même de
l’acquisition d’un diplôme qui ne préjuge pas davantage des qualités
intrinsèques d’un individu qu’un test de QI peut le faire ! La « société de
l’avoir » est en réalité une prise de pouvoir d’une minorité sociale sur la
majorité ; cette prise de pouvoir passe par le contrôle des individus et
groupes d’individus au moyen notamment du formatage réalisé par
l’obtention de diplômes et le passage de tests de QI.

La société de l’« être » ne préjuge pas des individus, elle les laisse libres de
se réaliser et n’évalue que leur éventuelle contribution au bien commun. Les
individus y sont ainsi formés à l’école de l’autonomie et de la responsabilité,
toute tentative d’enfermer les individus dans des concepts extérieurs est, par
construction, impossible dans une « société de l’être ». Si l’on considère que
chaque individu composant le groupe a la possibilité d’apporter sa valeur à
ce dernier, il ne fait pas de doute que la valeur générée par la société en
question sera beaucoup plus saine et pérenne que celle qui repose sur des
supposées capacités désignées à l’avance par des « diplômes », ou autres
tests de QI et de personnalité en vigueur dans les sociétés actuelles.

D’un point de vue économique, une société de l’« être » évaluera la création
de valeur économique au regard du bien-être des individus composant la
société et non en fonction d’indicateurs techniques qui ne permettent pas de
différencier les activités factices des activités réelles, les activités
socialement toxiques, corrosives ou suicidaires pour le groupe des activités
constructives pour l’avenir de la collectivité.

La « société de l’être » évalue a posteriori l’individu et le groupe tandis que


la « société de l’avoir » conditionne a priori l’individu et le groupe. Une
collectivité fondée sur la prééminence de l’« être » sur l’« avoir » permet à
chaque individu de suivre la voie qui lui convient le mieux, de manière à
faire jaillir ses propres compétences, dons et autres capacités, au profit de la
collectivité. La valeur de la personne est mise à disposition du groupe social
auquel cette personne appartient, elle n’est plus appréciée a priori de façon
abstraite par des présupposés sociétaux ou financiers, qui ne sont que les
paravents destinés à cacher l’intérêt particulier du groupe d’individus qui
monopolise le « pouvoir économique » et qui phagocyte les instruments du
« pouvoir politique ». La « société de l’être » permet à une collectivité de se
développer et de s’améliorer, constituant par là même une civilisation.

11 décembre 2016
Source :
http://lesakerfrancophone.fr/de-la-civilisation-europeenne-de-la-mesure-
plaidoyer-pour-un-retour-du-concept-deconomie-politique

Notes
1 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/les-colonnes-infernales-de-la-defaite-
civilisationnelle
2 https://www.youtube.com/watch?v=wY-M963oEN0
3 Cf.
http://fr.radiovaticana.va/news/2015/06/26/onune_pas_oublier_ses_obligatio
ns_morales_envers_les_migrants/1154313
4 Cf. http://www.lesechos.fr/02/10/2014/lesechos.fr/0203815572968_saint-
patron‒quand-le-pape-reorganise-le-vatican.htm
5 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/les-tres-vieilles-racines-spirituelles-de-la-
russophobie
6 Pour une vue d’ensemble de la méthodologie de calcul du PIB, lire :
https://www.nbb.be/doc/dq/f_method/m_inventaire_sec1995_fr_def.pdf
7 Cf. http://www.toupie.org/Dictionnaire/Pib_limites.htm ;
http://www.challenges.fr/economie/comment-calcule-t-on-le-produit-
interieur-brut_33779 ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_Stiglitz
8 Cf. http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/06/18/l-insee-n-
integrera-pas-le-trafic-de-drogue-et-la-prostitution-dans-le-calcul-du-pib-
francais_4440160_3234.html
9 Cf. http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/06/18/97002-
20140618FILWWW00028-france-le-trafic-de-drogue-integre-au-pib.php
10 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-17-geopolitique-du-systeme-banques-centrales
11 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-57-entreprise-bancaire-linstrument-juridique-du-desordre-politique-
global
12 Cf. https://www.youtube.com/watch?v=sVwdwIcUGOE ;
http://www.medias-presse.info/du-combat-pour-la-langue-francaise-au-
combat-politique-valerie-bugault-et-arnaud-aaron-upinsky/66290/
13 Le lecteur curieux est renvoyé à la lecture de mes articles de « décryptage
du système économique global » publiés par le Saker francophone durant le
premier semestre de 2016, lire en particulier :
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-27-
geopolitique-du-libre-echange ; http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-
systeme-economique-global-37-geopolitique-de-loptimisation-fiscale ;
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-47-
geopolitique-des-paradis-fiscaux
14 Cf. http://www.loretlargent.info/fiscalite/france-paradis-fiscal-
deficit/18910/
15 Sur la différence entre « économie politique » et « science économique »,
voir Mikhaïl Khazine : http://lesakerfrancophone.fr/mikhail-khazine-2016-
annee-de-la-grande-rupture-15
16 Cf. http://katehon.com/fr/article/lautisme-outil-de-la-puissance-en-israel
17 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/les-colonnes-infernales-de-la-defaite-
civilisationnelle

LE RENOUVEAU
INSTITUTIONNEL
De nouvelles institutions pour un nouveau départ
1/4
Depuis les temps les plus reculés de la naissance de la civilisation, le pouvoir
politique s’est manifesté par le fait de « rendre justice » ; au point qu’il est
possible d’affirmer que le pouvoir politique est intrinsèquement lié à la
capacité de rendre la justice. S’il n’existe pas de pouvoir sans justice,
l’inverse est également vrai, il n’existe pas de justice sans pouvoir : en
d’autres termes, la justice est ab initio une fonction régalienne de l’État.

Un pouvoir qui gouverne… et ne ment pas

De nouvelles institutions pour un nouveau départ, pour renouer avec le


concept de civilisation

Introduction

N’étant plus du tout une émanation des populations sous son autorité, le
pouvoir politique tel qu’actuellement conçu en Occident (et dans ses
dépendances mondiales idéologiques) est à la fois faible dans sa légitimité et
abusif dans son exercice ; les deux caractéristiques allant de pair. Le pouvoir
est politiquement inexistant, car totalement dépourvu de la légitimité
populaire dont il se pare et qui justifie son existence ; ce pouvoir (apparent)
est en réalité un « homme de paille » agité, tel un épouvantail, à la face des
populations soumises, pour justifier un semblant d’ordre social. Le pouvoir
politique tel qu’il apparaît aujourd’hui est en réalité un artefact de pouvoir, il
est entièrement dévoué au véritable pouvoir, le pouvoir économique.

Le véritable pouvoir aujourd’hui n’est pas à rechercher dans l’apparence des


arcanes politiques, il se cache derrière l’anonymat des capitaux et dans les
paradis fiscaux. Le véritable pouvoir auxquelles sont soumises les
populations, maintenues dans la naïveté et l’inconscience, est économique :
il appartient aux principaux détenteurs de capitaux de la planète ; lesquels
ont tant et si bien œuvré depuis des centaines d’années qu’ils sont devenus
propriétaires directs et/ou indirects de la majeure partie des actifs tangibles
de ce monde.

Le pouvoir économique actuel, caché derrière des hommes politiques de


paille interchangeables, est structurellement hors de tout contrôle ; une
collectivité ne peut mettre en œuvre des contrôles que sur un pouvoir dont
elle connaît l’existence, l’origine et la nature. Les collectivités humaines ne
sont pas en capacité de lutter contre un ennemi caché, qui reste non
identifiable. La première condition du renouveau civilisationnel consiste
donc à faire apparaître juridiquement la réalité, qui transparaît derrière
l’anonymat des capitaux, au grand jour. Nous analyserons cet aspect des
choses au cours d’un prochain article consacré aux conditions juridiques du
renouveau civilisationnel (futur troisième article de cette série).

Quoiqu’il en soit, il résulte de l’actuelle subversion du pouvoir politique et


institutionnel une omnipotence de l’État doublée d’une centralisation
abusive, deux manifestations hostiles au développement harmonieux de
l’espèce humaine. L’excès de centralisation nuit ontologiquement à la
diversité culturelle humaine. L’omnipotence étatique nuit quant à elle à la
liberté, à l’intégrité et à la créativité des individus. Ces deux nuisances ayant
pour effet direct et indirect une disparition des notions d’équité, de justice et
in fine de civilisation. À l’occasion de nos quatre prochains textes, nous
redéfinirons le pouvoir dans sa nature vertueuse et utile, laquelle n’est
évidemment pas exempte de contraintes. Nous proposerons en conséquence
de nouvelles institutions susceptibles de répondre à ce pouvoir politique
rénové.

Dans le présent article (premier de la série), intitulé les « fonctions


essentielles du pouvoir : un pouvoir réel, légitime et durable », nous
commencerons à décrire les conditions de fond du pouvoir politique légitime
ainsi que leur traduction en termes d’institutions. Par pouvoir politique il
faut comprendre le pouvoir qui est utile aux populations, celui qui est chargé
d’organiser la vie en commun la plus sereine possible.

Les fonctions essentielles du pouvoir : un pouvoir réel, légitime et


durable
D’un point de vue institutionnel, il importe de mettre en œuvre une nouvelle
organisation politique dans laquelle le pouvoir apparent est réel, donc
nécessairement durable, et légitime.

A) Un pouvoir réel

D’un point de vue formel, la réalité du pouvoir suppose que le pouvoir


apparent est conforme au pouvoir réel.

Sur le fond, la réalité du pouvoir suppose que l’on tient compte de ses
caractéristiques intrinsèques tel que le fait de rendre la justice et de disposer
pour ce faire du pouvoir de contrainte. Justice et contrainte sont les deux
attributs existentiels, c’est-à-dire essentiels et vitaux, du pouvoir.

1) Sur la forme : un pouvoir apparent conforme au pouvoir réel

Le pouvoir pour être réel doit être officiel, c’est-à-dire non caché. Traduit en
termes institutionnels, cela signifie que pour être légitimes les représentants
du pouvoir doivent être issus d’un processus officiel et contrôlable, ils ne
doivent pas provenir directement ou indirectement d’un processus caché ou
occulte. Cette assertion se décline en trois propositions distinctes.

La première proposition est que les détenteurs du pouvoir politique doivent


être identifiés et identifiables par tous ; cette identification permettra aux
détenteurs du pouvoir d’être dotés des prérogatives du pouvoir. Il permettra
également aux détenteurs du pouvoir d’être responsables de leurs actes, et
donc politiquement légitimes.

La seconde est que les détenteurs du pouvoir doivent être désignés par
l’ensemble des individus du groupement qu’ils auront la charge de régir. En
d’autres termes, les détenteurs du pouvoir politique doivent faire l’objet d’un
processus de désignation au cours duquel toutes les tendances sociétales sont
représentées. Nous analyserons plus en détail cette proposition lorsque nous
aborderons la légitimité du pouvoir (voir ci-dessous).

La troisième composante d’un pouvoir réel est que le processus d’attribution


du pouvoir doit être clair, explicite et conforme à une méthode publique
immuable et pérenne acceptée par la population concernée. Le processus de
désignation des détenteurs du pouvoir ne doit pas permettre son
accaparement par des groupes non officiels, opaques ou secrets – ce qui est
la triste situation que nous connaissons actuellement.

Cette condition entraîne la nécessité institutionnelle de mettre fin à l’opacité


des groupements secrets qui tapissent actuellement les allées du pouvoir
politique. Il est donc de première nécessité d’imposer de façon
institutionnelle et sans dérogation possible, une déclaration publique à tous
les groupements et autres clubs secrets, opaques ou occultes, de quelque type
que ce soit. Les loges maçonniques devraient impérativement, au même titre
que tous les groupes religieux, ou dérivés d’un ordre religieux, faire l’objet
d’une déclaration publique tendant à l’identification de leurs membres ainsi
qu’à celle de la fonction sociale à laquelle ils répondent. Les membres de ces
groupements doivent être rendus publics au même titre que l’objectif social
auquel ils répondent. De la même façon, leurs thèmes et méthodes de travail
ainsi que les résultats de leurs efforts doivent faire l’objet d’un contrôle
public institutionnel.

En contrepartie de leur publicité, les membres de ces groupements


bénéficieront d’une reconnaissance officielle et institutionnelle qui trouvera
une traduction politique au travers des corps intermédiaires (cf. description
ci-dessous du fonctionnement des « corps intermédiaires »).

En cas de litige dans l’officialisation de telle ou telle appartenance ou dans la


détermination de l’objet sociétal ou politique de ces groupements, le
processus en cause devra être soumis à un contrôle juridictionnel officiel et
étatique.

2) Sur le fond : le concept de pouvoir est intimement lié à la justice


et à la contrainte

La justification essentielle du pouvoir politique est celle d’imposer des


règles permettant à une collectivité particulière de vivre ensemble le plus
sereinement possible. La première condition pour assurer l’existence et la
pérennité d’une vie en commun d’un groupe d’humains est d’assurer la
justice au sein de ce même groupe. Dans ce sens, on constate que la justice
est bien plus qu’un simple apanage du pouvoir politique, elle est
consubstantielle à l’existence même du pouvoir politique.
Par ailleurs, il ne saurait être question de justice si le pouvoir n’a pas les
moyens d’imposer ses décisions à tous. En ce sens, le pouvoir de police est
la conséquence logique de la prérogative de justice.

De la même façon, assurer la vie en commun d’un groupement d’individus


passe nécessairement par le devoir d’assurer la sécurité de ce groupement.
En ce sens, la force militaire est, au même titre que la justice et la police, un
apanage existentiel du pouvoir politique. La justice et la contrainte sont, sur
le fond, les deux manifestations incompressibles et indissociables du pouvoir
politique.

‒ LE POUVOIR EST LIÉ À LA JUSTICE : PAS DE POUVOIR


POLITIQUE RÉEL SANS JUSTICE ET PAS DE JUSTICE SANS
POUVOIR POLITIQUE RÉEL

Depuis les temps les plus reculés de la naissance de la civilisation, le pouvoir


politique s’est manifesté par le fait de « rendre justice » ; au point qu’il est
possible d’affirmer que le pouvoir politique est intrinsèquement lié à la
capacité de rendre la justice. S’il n’existe pas de pouvoir sans justice,
l’inverse est également vrai, il n’existe pas de justice sans pouvoir : en
d’autres termes, la justice est ab initio une fonction régalienne de l’État.

Techniquement, cela suppose deux réalités institutionnelles différentes. La


première réalité est que la justice doit être organisée selon un processus
garantissant son impartialité vis-à-vis des litiges considérés ; ce qui suppose
d’organiser institutionnellement la disparition du conflit d’intérêts entre les
juges et les parties au litige.

La seconde réalité institutionnelle est que le « pouvoir politique » doit, de


façon structurelle, conserver un droit de regard sur la décision
juridictionnelle rendue. Si l’on suit cette logique, le « pouvoir », représenté
par le gouvernement, doit toujours conserver une capacité à juger en équité
et en dernier ressort des cas qui pourraient lui être déférés sur le territoire
soumis à son autorité.

‒ LE POUVOIR EST LIÉ À LA CONTRAINTE : LA POLICE ET


L’ARMÉE SONT L’APANAGE DU POUVOIR POLITIQUE
La contrainte, attribut incontournable du pouvoir, est acceptable en ce
qu’elle permet à chacun de se définir en tant qu’individualité appartenant à
un groupe cohérent. La vie en collectivité suppose, par essence, une
contrainte individuelle : celle qui impose de ne pas faire à autrui ce que l’on
ne veut pas qu’autrui nous fasse. Autrement dit, la contrainte, ni trop forte ni
trop faible, est nécessaire à l’épanouissement individuel et collectif, à
l’épanouissement de l’individu dans le groupe auquel il appartient. La
contrainte a pour particularité d’être irrémédiablement liée au pouvoir, elle
existe et existera toujours.

La contrainte a une double caractéristique. Premièrement, le niveau


d’acceptabilité de la contrainte collective dépend de la légitimité du pouvoir
qui l’exerce. Plus le pouvoir est légitime, plus la contrainte est acceptable,
car elle émane d’un gouvernement qui reste sous le contrôle de ses assujettis.
Deuxièmement, le niveau de nocivité de la contrainte est paradoxalement
proportionnel à son degré de perception : moins la contrainte est apparente,
plus elle est forte et nocive, car incontrôlée. Inversement, plus la contrainte
est apparente et moins elle est nocive et toxique pour les individus. Il s’agit
là d’un paradoxe irréductible, inhérent à la vie en commun.

Sur le fond, nous avons vu que la fonction consistant à assurer la justice est à
la fois une condition d’existence et une contrainte irrémédiable du pouvoir.
Pour assurer la justice, le pouvoir a besoin de disposer de la contrainte. Dans
ce sens, la police est intimement liée, de façon indirecte c’est-à-dire par la
médiation de la justice, à la notion de pouvoir. La mise en œuvre de la vie en
commun d’un groupement, qui est la mission première du pouvoir politique
et donc d’un gouvernement légitime, rend également nécessaire d’assurer la
sécurité de ce groupement. L’armée, en tant que force, est en conséquence un
autre attribut essentiel du pouvoir politique.

Pour résumer, le pouvoir dispose, par nécessité, du « glaive » et de


« l’épée ». En décider autrement supprimerait la fonction politique (c’est-à-
dire la fonction consistant à garantir la possibilité de vie commune dans le
groupe) du pouvoir, car c’est justement la capacité à organiser la vie en
commun d’un groupe et à assurer sa sécurité qui justifie et légitimise le
pouvoir, qui en fait un pouvoir politique au sens propre.
La police et l’armée, en tant que fonctions régaliennes de l’État, sont d’ordre
défensif : elles servent à imposer un ordre public qui a pour vocation de
défendre l’intégrité des ressortissants de l’État. En d’autres termes, la
fonction liée au respect de l’ordre est une fonction défensive : il s’agit,
fondamentalement, de défendre l’intégrité physique et morale des personnes
qui acceptent, librement, le pouvoir ainsi déterminé. Toutefois, comme le dit
l’adage populaire « mieux vaut prévenir que guérir ». La nature défensive de
la contrainte n’exclut pas son utilisation à des fins offensives. La nature de la
contrainte est défensive, mais sa mise en œuvre peut être d’ordre offensif.

Sur le plan militaire, comme la meilleure défense est l’attaque, le pouvoir


militaire doit en permanence être en mesure, en cas d’agression imminente,
d’attaquer le premier. De la même façon, le pouvoir de police inclut un
aspect prophylactique et anticipatoire : la police doit pouvoir intervenir en
amont d’éventuels dommages à la population afin de les éviter ; cette
fonction prophylactique a pour objet de garantir le « bien commun » et
« l’ordre public ».

B) Un pouvoir légitime

Sur le fond, ce pouvoir apparent doit être issu d’un processus de


détermination publique, institutionnelle immuable, dans lequel toutes les
composantes de la société sont intéressées. Parler de pouvoir légitime
signifie, comme expliqué en introduction, que le pouvoir apparent est sous le
contrôle direct des populations assujetties à ce pouvoir. Le contrôle
institutionnellement organisé est la meilleure garantie que le gouvernement
sera au service de sa population et non la population au service du
gouvernement.

Ce que nous connaissons actuellement en Occident est à l’exact opposé de


ces principes, car le pouvoir réel est caché derrière une apparence fictive
d’institutions politiques prétendument d’origine populaire et réellement
d’origine économique. Les assujettis au dit pouvoir se trouvent de facto être
mis au service du pouvoir réel, sans que cette réalité soit clairement et
consciemment perçue par les populations. Cette précision essentielle
apportée, il s’agit maintenant de définir les institutions qui permettront
l’avènement d’un pouvoir politique réellement au service de la collectivité
auquel il s’impose.
1) Les moyens institutionnels du pouvoir politique : l’organisation
de corps intermédiaires

Nous allons voir que l’avènement d’un pouvoir politique légitime est
antinomique avec la notion de représentation populaire de type
parlementaire que nous connaissons en Occident.

‒ LA DÉMOCRATIE EST ANTINOMIQUE AVEC LA


REPRÉSENTATION DE TYPE PARLEMENTAIRE

Le système de représentation parlementaire a été institué conséquemment au


rejet initial, explicite (en France tout du moins), du mandat impératif des
élus par les forces économiques ; lesquelles sont à l’origine des toutes les
révolutions survenues dans le monde depuis le siècle dit des « Lumières ».

Le système du mandat représentatif consiste pour un corps électoral à donner


a priori un blanc-seing à des élus dont il (le corps électoral) ignore tout, non
seulement des allégeances réelles, mais encore des activités parlementaires
réelles et du vote des lois qui en découlent. Ce blanc-seing est donné dans un
contexte de pouvoir intégral c’est-à-dire que les « élus » ont structurellement
la capacité juridique institutionnelle de légiférer sur n’importe quel sujet.

L’évolution de la pratique des institutions fait que le pouvoir législatif n’est


qu’un lointain parent de ce qu’il était initialement. Le pouvoir exécutif, élu
pour une durée temporaire (notons-le), a repris, dans les faits et par la grâce
des « bureaux » non élus et inamovibles, la grande majorité de l’initiative
des lois. Néanmoins, ce pouvoir exécutif est, tout comme les « élus »
constituant le pouvoir législatif, une émanation directe des partis politiques,
qui ont confisqué la notion même de pouvoir politique. Par le biais des partis
politiques (organisés sur le mode hiérarchique des entreprises), le processus
électif est mis en « coupe réglée » par les principaux détenteurs de capitaux
qui financent de façon plus ou moins officielle (selon les cas) les partis
politiques en vue des élections, véritables gouffres financiers, et qui
contrôlent les organes dirigeants des partis.

Les élus, qu’ils appartiennent au pouvoir législatif ou au pouvoir exécutif,


sont désormais issus des partis politiques : ils sont d’autant plus dociles vis-
à-vis de leurs mandants financiers qu’ils sont perpétuellement soumis à
renouvellement. Quant aux résiduels élus a-politiques (c’est-à-dire
n’appartenant pas à un parti officiel) pourvus d’un mandat local, ils devront
plier le genou devant « le ou les partis de gouvernement » afin d’obtenir les
moyens financiers de gérer leur commune ou département. La situation est la
suivante : les élus locaux doivent, pour assurer correctement leurs fonctions
politiques, inéluctablement respecter les règles du jeu imposées par les
grands partis politiques de pouvoir.

En conclusion, rien n’est plus éloigné conceptuellement et pratiquement


d’un processus démocratique que le mandat représentatif des élus du peuple
associé à l’existence des partis politiques. Nous sommes ici, en réalité, en
présence d’une démocratie institutionnelle autoproclamée, de façade,
entièrement soumise à la cooptation et gérée par les élites économiques.

Outre leur présélection par les partis politiques (le vote populaire s’apparente
à une simple chambre d’enregistrement d’un fait accompli), les
parlementaires sont institutionnellement chargés de légiférer sur tout type de
sujets, ceux conformes à l’intérêt général, autant que ceux conforms aux
seuls intérêts particuliers, ceux dont ils maîtrisent la substance et ceux dont
ils ignorent à peu près tout. Il n’est conceptuellement pas possible de donner
un cadre limitant à un pouvoir susceptible de s’appliquer à tous les
domaines.

La démocratie, qui suppose le respect de l’intérêt général – c’est-à-dire de


tous les intérêts générés dans une société humaine – est structurellement
incompatible avec le parlementarisme, car le mandat représentatif n’est
structurellement contrôlable ni dans son attribution, ni dans son champ
d’action, ni dans son exercice. Tout le monde doit bien comprendre les
processus juridiques et institutionnels en cause dans le concept de régime
parlementaire1.

Dans ces conditions, retrouver un pouvoir politique réel suppose un


changement dans l’organisation interne des institutions et un abandon
subséquent du système de représentation parlementaire, structurellement
inapte à mettre en œuvre une démocratie réelle. Il s’agit donc de définir de
nouvelles institutions politiques dans lesquelles tous les individus
constituant le corps social seront politiquement représentés, quel que soit
leur statut économico-social. Dans un tel système, la politique convergerait
avec ce qu’elle est censée être, c’est-à-dire avec les raisons premières
justifiant son existence : l’organisation de la vie en commun, le tout générant
une société humaine viable.

‒ LA DÉMOCRATIE MISE EN ŒUVRE PAR


L’INSTITUTIONNALISATION DE « CORPS
INTERMÉDIAIRES »

À l’opposé du système dit « représentatif », un système fondé sur le mandat


impératif accorderait aux élus un « pouvoir-lié » : c’est-à-dire un pouvoir lié
à la mission que ces élus sont chargés de remplir. Les élus seraient alors
parfaitement encadrés et contrôlés par leurs mandants, c’est-à-dire leur corps
électoral. Dans un tel système, les élus ont la capacité juridique de
déterminer des règles sur les seuls sujets qu’ils connaissent réellement, et qui
sont liés à l’exercice de leur activité au sein de la société. Les mandants,
c’est-à-dire le corps électoral concerné, ont par ailleurs la capacité technique
de contrôler le travail des mandataires élus.

‒ UN CORPS INTERMÉDIAIRE PAR TYPE D’ACTIVITÉ


SOCIALE

Afin de pourvoir à la représentation la plus exacte possible des intérêts de la


population, les corps intermédiaires doivent évidemment être non
exclusivement économiques. Plus les corps intermédiaires seront variés, plus
ils refléteront les différentes composantes du corps social et mieux l’intérêt
général sera représenté.

Les corps intermédiaires, officiels et déclarés, doivent être organisés par


thématiques. Nous proposons trois thématiques principales : une thématique
économique, une thématique non économique et une thématique religio-
spirituelle.

La thématique économique sera une version modernisée des « corps


intermédiaires » en vigueur sous l’Ancien Régime. Chaque corps
intermédiaire sera chargé de la vérification des compétences professionnelles
de ses membres. Chaque métier ou type de métiers sera représenté par un
« corps intermédiaire ».
La thématique non économique comprendra les activités génératrices de lien
social : mère au foyer, clubs d’échecs, de sport, de musique… ainsi que la
représentation des catégories désocialisées en raison de la perte d’un
domicile fixe. Dans ce type d’organisation, le sport et tous les types de
spectacles reprennent la place qui est naturellement la leur dans la société, ils
cessent de facto d’être des alibis au blanchiment d’argent. Le sport n’est plus
ici une tirelire que l’on actionne ad vitam æternam, il redevient une
discipline et un apprentissage répondant à la nécessité d’apprendre à vivre en
commun et à donner le meilleur de soi-même.

Enfin, la thématique religio-spirituelle comprendra la représentation des


différentes religions, mouvements religieux et autres groupements à vocation
plus ou moins spirituelle, y compris les partisans du principe de laïcité que
l’on rencontre dans les loges maçonniques. Ainsi, les loges maçonniques
entrent de facto dans cette catégorie de « corps intermédiaires », de la même
façon que le corps des « jésuites », l’« Opus Dei » et autres chevaliers
rattachés à un quelconque clergé. Toutes les religions et toutes les
institutions non contraires à l’ordre public ayant vocation à agir sur la vie
privée et collective des gens, ainsi que leurs variations ou mouvements
rattachés (frères musulmans par exemple), peuvent être ici représentées.

Le gouvernement devra prendre en compte chacun des intérêts représentés


par les « corps intermédiaires » officiellement déclarés. En négatif cela
signifie qu’aucun intérêt ne pourra être politiquement considéré s’il n’est pas
représenté par un « corps intermédiaire » officiel.

Afin d’assurer la parité, c’est-à-dire l’égalité de représentation politique de


chacune des trois grandes thématiques, il est essentiel que chacune d’elle
comporte le même nombre de « corps intermédiaires ». Il s’agit pour les
sociétés humaines de tirer des leçons de leur histoire. Après le
surinvestissement politique « du sabre et du goupillon » sous l’Ancien
Régime et de celui de la banque et des grands capitaux depuis 1789, il faut
veiller à éviter, pour l’avenir, toute surreprésentation qui, tôt ou tard, finit par
nuire au développement collectif. D’un point de vue organisationnel, l’équité
dans la représentation politique de tous les membres d’un corps social
déterminé est un impératif de développement sociétal imposé par les leçons
de l’histoire humaine.
2) Les relations entre le gouvernement et les corps intermédiaires

Le gouvernement est institutionnellement issu des corps intermédiaires. Pour


la première désignation du gouvernement, et par la suite en cas de vacance
du pouvoir, chacune des trois grandes thématiques de corps institutionnels
propose un gouvernement qui sera validé par un vote populaire direct de
l’ensemble des ressortissants de l’État en âge de voter.

Suite à cette validation populaire, le gouvernement sera officiellement


reconnu et entrera en fonction.

La loi est pareillement issue des corps intermédiaires qui émettent à


l’adresse du gouvernement des propositions de textes généraux. Le
gouvernement élu est chargé de transformer ces propositions en lois après
s’être assuré de l’équilibre et de la cohérence d’ensemble des textes et de
leur conformité au droit naturel. Le gouvernement sera formellement la seule
institution habilitée à transformer les propositions de textes en lois.

‒ LA DÉSIGNATION DU GOUVERNEMENT : IL ÉMANE DES


CORPS INTERMÉDIAIRES, MAIS DISPOSE, EN TOUTE
AUTONOMIE, D’UNE MISSION PROPRE

Le gouvernement émane des corps intermédiaires. Il appartient à chacune


des trois grandes thématiques des corps intermédiaires (économique, non
économique et religio-spirituelle) de proposer un gouvernement.

La désignation du gouvernement intervient après sa validation populaire au


suffrage universel direct. En d’autres termes, la proposition de
gouvernement émanant de chacune des trois grandes catégories de corps
intermédiaires sera soumise à ratification populaire par référendum. Tous les
ressortissants majeurs dotés de la capacité juridique auront la possibilité de
se prononcer lors de ce référendum.

Une fois élu, le gouvernement est chargé d’organiser les services de justice,
police et l’armée. Il est également chargé de coordonner, valider ou rénover,
la législation en vigueur. Cette mission doit être remplie par le gouvernement
nouvellement élu en toute impartialité vis-à-vis de son rattachement
d’origine à tel ou tel type de corps intermédiaire.
Le gouvernement peut, de façon exceptionnelle, être démis de ses fonctions
en cas de demande en ce sens faite par un nombre déterminé (par exemple
cinq ou sept) de corps intermédiaires.

Cette demande de démission doit être motivée par le fait que le


gouvernement aurait contrevenu de façon pérenne et répétée soit à son
devoir d’impartialité vis-à-vis des différents corps intermédiaires, soit à son
devoir consistant à faire respecter le droit naturel dans l’édiction des lois,
soit à son devoir de justice. Il peut également être démis de ses fonctions s’il
s’avère incapable d’organiser correctement les services de justice, de police
et de l’armée.

Le gouvernement peut également être démis, dans les mêmes conditions, en


cas de suspicion « légitime et étayée » de manquement grave au devoir
d’impartialité indispensable au respect de sa mission. Cette modalité de
démission est liée à la composition trop partisane, c’est-à-dire trop polarisée
autour d’un seul thème (de corps intermédiaires), du gouvernement pressenti
et éventuellement validé par référendum populaire.

En cas de départ du gouvernement, le nouveau gouvernement sera désigné


selon la même procédure que son prédécesseur.

‒ LA MISSION DU GOUVERNEMENT : UNE AUTORITÉ


ARBITRALE ET DE CONTRÔLE, QUI ORGANISE LES
DIFFÉRENTS SERVICES DE L’ÉTAT

Le gouvernement ainsi élu a pour mission de gouverner de façon impartiale


vis-à-vis de ses corps intermédiaires d’origine. Il organise le service de la
justice et dispose, en dernier recours, de la capacité à juger une affaire « en
équité ». Il organise la police et l’armée.

S’agissant de l’édiction des lois, le gouvernement a, par construction, un lien


organique et institutionnel avec les lois qui s’appliqueront à ses assujettis. Le
gouvernement a pour fonction d’arbitrer entre les règles contradictoires
émanant des différents corps intermédiaires. Autrement dit, le gouvernement
a pour mission d’arbitrer entre les intérêts antagonistes des corps
intermédiaires de façon à générer un corpus de lois cohérent. Le
gouvernement doit par ailleurs veiller à ce que ce corpus de lois soit
conforme au droit naturel.

Le lecteur attentif aura bien compris que « gouverner » ne se confond


absolument pas avec la pratique hystérique que nous connaissons
actuellement du pouvoir réglementaire et législatif. En matière législative,
gouverner signifie au contraire mettre en œuvre des principes législatifs
aussi rares dans leur conception que féconds dans leurs mises en pratique ;
c’est aussi et surtout, d’une manière générale, faire preuve de modération.
L’hystérie législative est le signe d’une perte de légitimité du pouvoir qui
utilise la fonction législative et la contrainte pour asseoir l’autorité morale
qu’il reconnaît ainsi ne pas avoir sur la population.

‒ UN GOUVERNEMENT QUI LÉGIFÈRE : IL CONTRÔLE LA


LÉGISLATION ET TRANSFORME FORMELLEMENT LES
PROPOSITIONS DE TEXTES EN LOIS

De façon conceptuelle, la capacité de gouverner ne peut être utile et


efficacement exercée que si le gouvernement contrôle les lois qui
s’appliquent sur son territoire. La perte du contrôle des lois par le
gouvernement est historiquement liée à la chute du régime politique.

L’Ancien Régime a précisément succombé pour n’avoir pas compris cela et


pour s’être départi du contrôle législatif, prérogative essentielle du pouvoir.
Les Rois de l’ancien Régime avaient dans un premier temps abandonné aux
Parlements la capacité de contrôle des lois qui est un attribut essentiel de la
fonction politique. En effet, l’Ancien Régime avait connu une inversion des
fonctions du pouvoir : le Roi faisait les « édits » que les Parlements
contrôlaient et validaient en pratiquant leur « droit de remontrance ». Cette
inversion des fonctions du pouvoir politique en matière législative a
finalement eu raison de la légitimité du pouvoir de l’Ancien Régime et a
participé de façon conceptuelle à sa chute irrémédiable.

Dans un second temps, après la Révolution de 1789, les Parlements sont


passés d’une fonction juridictionnelle et de contrôle des lois (Ancien
Régime) à une fonction législative autonome pleine et entière (à partir de la
Révolution de 1789). Nous avons vu que cette fonction législative était et est
encore, dans son exercice, tout à fait dépourvue de contrôle populaire réel ;
en désignant les élus, le corps électoral leur donne de facto un blanc-seing
pour légiférer comme ils le souhaitent, la seule sanction officielle consistant
en une éventuelle non-réélection future. Cette évolution de la fonction
législative a été accompagnée par l’avènement de partis politiques organisés
de façon hiérarchique, desquels les élus sont devenus des émanations ; les
populations sont simplement chargées, à grand renfort d’élections
médiatiques très coûteuses, d’entériner les choix « d’élus » réellement
opérés par les partis politiques.

Au surplus, cette fonction législative s’applique sans limites de champ, à


tout type de sujet. Cerise sur le gâteau, les conditions dans lesquelles les lois
sont fabriquées appartiennent aux seules assemblées, échappant de facto
totalement à tout contrôle populaire effectif. De la même façon que la
désignation des « élus » échappe aux assujettis de l’État, la fonction
législative est tout à fait hors de tout contrôle populaire. Le choix des élus
ainsi que le champ d’application de la fonction législative opèrent ainsi en
vase clos hors de tout contrôle effectif des populations qui seront régies par
lesdites lois.

Récemment et dans un troisième temps, nous avons encore franchi un pas de


plus dans l’incongruité et l’illégitimité du processus législatif. La loi est, par
le fait de l’intégration européenne, aujourd’hui une émanation directe des
lobbies des multinationales, le peuple n’ayant plus rien à y voir2.
L’intégration européenne, c’est-à-dire techniquement la soumission totale de
tous les anciens États à l’ordre commercial anglo-saxon, a eu pour corollaire
une inflation législative tout à fait extravagante. Aucun individu, pas même
les spécialistes du droit, ne peut plus se prévaloir de connaître et de
comprendre définitivement la loi (y compris en matière répressive) devenue
aussi prolifique que versatile. Les « lois », qui ne sont que des
« réglementations », sont de plus en plus souvent découvertes par les
ressortissants d’un État au moment où ces derniers sont sanctionnés pour ne
pas les avoir appliquées.

Ce phénomène d’insécurité juridique endémique est lui-même une


manifestation de la disparition du concept d’État et de « fait politique ». Plus
précisément, l’insécurité juridique est l’exacte matérialisation de la
disparition de la légitimité du pouvoir politique, lequel n’a de réelle
existence que pour lutter contre tout type d’insécurité visant sa population.
Remettons les choses dans leur bon ordre et les troubles sociétaux – atteintes
au bien commun ‒ disparaîtront : dans un régime politique légitime et
viable, le gouvernement contrôle les lois dont il n’est pas, à strictement
parler, l’origine.

C) Un pouvoir durable : pas de pouvoir sans durée

On a vu plus haut que les fonctions de police et de justice sont, pour le


gouvernement, le gage de sa capacité à gouverner dans l’espace, c’est-à-dire
sur son territoire. Pour être effectif, le « pouvoir » politique doit également
avoir les moyens de gouverner dans le temps.

Le gouvernement, pour avoir les moyens de gouverner, doit être


multidécennal. La faible durée du gouvernement est en réalité synonyme de
vacuité du pouvoir. Plus précisément, un gouvernement apparent qui ne
dispose pas du facteur temps, n’est en réalité qu’un homme de paille au
profit d’un pouvoir réel qui nécessite une certaine pérennité pour traiter et
suivre des dossiers par exemple la mise en place d’une politique énergétique,
d’une politique d’organisation du territoire, ou encore l’organisation
stratégique d’un système de défense, etc.

Le facteur temps doit appartenir au gouvernement, ce qui signifie qu’il ne


doit pas y avoir de distorsion de durée de vie entre le gouvernement et les
bureaux qui le servent. Autrement dit, afin de valider la réalité et la
légitimité du pouvoir, non seulement le gouvernement doit être multi
décennal, mais il doit choisir les fonctionnaires, peu nombreux, qui le
serviront pour la même durée. Les bureaux ne doivent pas avoir une durée de
vie supérieure à celle du gouvernement lui-même.

Un gouvernement élu pour cinq ans « secondé » par un cabinet ministériel


composé de hauts fonctionnaires inamovibles signifie que celui qui gouverne
ment, car il ne gouverne pas réellement. Ce sont les hauts fonctionnaires
inamovibles qui sont en capacité de gérer les dossiers sur la longue durée qui
peuvent imposer, plus ou moins subrepticement, leur propre vision des
choses aux ministres de passage. Ces ministres de passages ne savent rien ou
pas grand-chose du domaine d’activité de leur ministère, à la tête duquel ils
ont été propulsés pour des raisons très largement indépendantes de leur
connaissance et capacité propre à le gérer ; le choix des membres du pouvoir
exécutif, quel que soit leur rang, relève plutôt, aujourd’hui, de leur capacité à
obéir tout en faisant croire qu’ils décident réellement.

Autrement dit, le renouvellement tous les cinq ou sept ans du pouvoir


politique par suffrage revient à mettre ce pouvoir dans l’arène de la
concurrence médiatique, elle-même biaisée par l’appropriation de type
oligopolistique des médias, pendant que le pouvoir réel, qui nécessite une
continuité, se situe chez les hauts fonctionnaires inamovibles et leurs
donneurs d’ordre, qui sont à rechercher parmi les détenteurs du pouvoir
économique.

En conclusion, l’émergence d’un pouvoir politique réel et légitime passe par


le nécessaire alignement de la durée de vie du gouvernement avec celle de
ses services administratifs.

Septembre 2017

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/de-nouvelles-institutions-pour-un-nouveau-
depart-pour-renouer-avec-leconcept-de-civilisation-14

Notes
1 Le lecteur curieux d’en savoir plus sur l’analyse des institutions actuelles
est renvoyé au livre Du nouvel esprit des lois et de la monnaie co-écrit avec
Jean Rémy, ainsi qu’à sa présentation au cours de l’émission Zoom de TV
Libertés du 12 juillet 2017.
2 Lire à ce propos Du nouvel esprit des lois et de la monnaie, (cit.), éditions
Sigest, juin 2017, pages 43 à 64.
De nouvelles institutions pour un nouveau départ
2/4

Dans le nouvel ordre politique que nous élaborons, la vie politique n’est plus
organisée autour de trois pouvoirs distincts mais autour d’une part d’un
pouvoir central, représenté par le gouvernement, et d’autre part autour de
corps intermédiaires. Il n’est donc pas nécessaire d’organiser dans une
constitution les relations entre ces trois pouvoirs. La relation du
gouvernement avec les corps intermédiaires ainsi que l’étendue et les limites
des prérogatives du gouvernement sont inhérentes à l’agencement
institutionnel de cet ordre nouveau. Au nouvel ordre politique correspond un
nouveau régime politique.

Un pouvoir politique fort mais limité

De nouvelles institutions pour un nouveau départ, pour renouer avec le


concept de civilisation

Le premier texte de cette série de quatre a été consacré à la justification


et à la délimitation du pouvoir accordé au gouvernement dans le cadre
d’une redécouverte du fait « politique ». Nous allons, au cours du
présent texte ‒ le deuxième de la série – nous attacher à montrer que le
gouvernement précédemment décrit est fort mais également limité.

Dans le nouvel ordre politique et social que nous proposons, la


corruption, actuellement élevée au rang officieux de valeur
fondamentale, n’a pas de place institutionnelle ; l’élaboration de règles
officielles permettant la vie en commun est l’alpha et l’oméga de notre
nouvelle organisation sociale.

A) Un pouvoir fort : retour sur 300 ans d’erreur conceptuelle


Par « pouvoir fort », il faut comprendre un gouvernement qui a
effectivement les moyens de gouverner. Au sens premier du terme, il s’agit
d’une tautologie cependant, nous sommes depuis si longtemps habitués à des
distorsions dans la compréhension des mots, qu’il est devenu nécessaire de
préciser qu’un gouvernement doit avoir les moyens effectifs de gouverner.

Nous allons démontrer qu’avoir les moyens de gouverner passe de façon


inéluctable par l’abandon du principe de séparation des pouvoirs en trois
branches (exécutif, législatif et judiciaire) théorisé par le baron de
Montesquieu. De cet abandon résultera l’inutilité du concept de
« constitution ».

Ces abandons successifs reviennent à réinvestir plus de trois cents ans


d’histoire politique : il s’agit de revenir sur la bifurcation conceptuelle qui a
préparé l’avènement, en France, de la Révolution de 1789. Cette révolution
s’analyse en réalité en un coup d’État politique réalisé par les tenants de
l’ordre économique afin d’anéantir l’ancienne organisation sociale et
politique ; l’aspect idéologique mis en avant avait pour seule vocation de
créer les conditions de la décrédibilisation et surtout de la délégitimisation
du pouvoir royal de l’Ancien Régime.

Il faut préciser que le réinvestissement politique de la notion de « pouvoir »


que nous proposons ici ne s’analyse pas en un retour aux institutions de
l’Ancien Régime ; pas plus qu’il ne s’analyse en la continuation de l’ordre
(qui est plutôt un « désordre ») politique actuel. L’objectif poursuivi consiste
à tirer les leçons de l’histoire sociale et politique en conservant ce qu’il y a
de mieux, entendu au sens collectif, dans chacun de ces deux types de
régimes afin de créer de nouvelles institutions.

Ces institutions nouvelles, en même temps qu’elles permettront une sortie de


l’impasse actuelle, institueront un nouveau régime politique. Ce renouveau,
d’ordre civilisationnel, impactera la vie de chaque individu appartenant à cet
État nouveau et sera susceptible, au-delà des frontières, d’avoir des
répercussions au niveau mondial.

I) Abandon du principe de séparation des pouvoirs en trois


branches (exécutif, législatif et judiciaire)
Si la nécessité de limiter le pouvoir qui a présidé à l’émergence du concept
de séparation des pouvoirs théorisé par Montesquieu reste valide, en
revanche la pratique de la division du pouvoir en trois branches (exécutif,
législatif et judiciaire) nous semble avoir perdu toute pertinence.

Sur la forme, nous avons assisté, au fil des siècles, à l’émergence officielle
d’autres manifestations du pouvoir, en particulier au travers de
l’appropriation de la monnaie et des médias. De ce point de vue, l’histoire
(en tant qu’expérience sociétale et ontologique) – en particulier celle issue
du XXe siècle et de ce XXIe siècle débutant – a apporté la preuve de
l’inanité du concept de séparation des pouvoirs en trois branches, exécutif,
législatif et judiciaire. Le « pouvoir », qui n’en est plus un, est aujourd’hui
susceptible d’être scindé en une multitude de vecteurs, parmi lesquels la
monnaie et les médias occupent une place primordiale.

Sur le fond, nous avons vu dans le premier texte que le gouvernement ne


peut effectivement gouverner que s’il contrôle les lois applicables sur son
territoire. En conséquence de quoi il ne peut être question de séparer
conceptuellement le pouvoir exécutif du pouvoir législatif. Par ailleurs, la
fonction de justice, qui est à l’origine même de l’émergence du pouvoir
politique, ne saurait être séparée du pouvoir exécutif. Séparer de façon
institutionnelle le pouvoir exécutif des pouvoirs législatif et judiciaire
signifie, de façon fondamentale, la perte de raison d’être et de légitimité
politique du pouvoir.

Dans ces conditions, la séparation en trois branches du pouvoir politique


revient en réalité à nier l’existence même du pouvoir. Plus précisément, c’est
l’existence du pouvoir apparent qui est ainsi niée, car le pouvoir continue
d’exister mais il devient alors caché, en l’occurrence derrière l’anonymat des
capitaux. Les détenteurs de capitaux ont profité de l’affaiblissement
conceptuel du pouvoir institutionnel pour s’emparer en toute discrétion du
pouvoir réel ; le caractère secret du processus a eu pour conséquence
l’absence d’opposition et surtout l’impossibilité organique de l’émergence
d’un quelconque contrepouvoir.

Si l’on se fonde sur les effets politiques de la séparation du pouvoir en trois


branches, on ne peut qu’en déduire que ce concept a été précisément imaginé
par et/ou pour les détenteurs de capitaux dans l’objectif de s’emparer du
pouvoir. Ce qui fut précisément réalisé par l’avènement de la Révolution de
1789.

Cette conception juridique de la séparation du pouvoir en trois branches doit


être définitivement abandonnée. Tirer des leçons de l’histoire impose de
concevoir ab initio un gouvernement fort, responsable et limité, c’est-à-dire
encadré dans ses prérogatives. Les services essentiels de l’État que sont la
justice, la police, l’armée et la gestion monétaire sont exclusivement gérés
par le gouvernement, qui est politiquement responsable de leur bon
fonctionnement. Il intervient, à un échelon supérieur, pour garantir les
fonctions régaliennes décrites ci-dessus, mais ne s’immisce en aucune façon
dans la gestion organisationnelle territoriale des corps intermédiaires. Le
mandat impératif est, avec l’organisation régionale, le seul principe politique
qui s’imposera, sans aucune dérogation possible, aux corps intermédiaires
pour leur organisation interne.

II) De l’inutilité du concept de « constitution »

De l’abandon du principe de séparation des pouvoirs découle le nécessaire


abandon du concept de « constitution ».

Les Constitutions sont issues des bouleversements liés à la prise du pouvoir


politique par les forces économiques. Elles sont essentiellement composées
de trois choses, d’une part de préambules, d’autre part de règles organisant
les relations entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, et enfin par la
description, plus ou moins pérenne, de limites et de sanctions appliquées à
ces différentes branches du pouvoir.

Les préambules s’analysent en des pétitions de principe, autrement dit un


soft power très à la mode dans les empires d’origine anglo-saxonne. Le soft
power échappe très largement au pouvoir pour s’imposer à lui au moyen de
différentes intermédiations : groupes de discussion, clubs plus ou moins
formels, masses médiatiques… Les « lignes directrices » qui composent les
préambules sont officiellement non obligatoires mais indiquent au
gouvernement la voie à suivre ; il est officieusement recommandé de les
suivre pour telle ou telle raison technique ou générale…
Le choix démocratique qui préside à l’élaboration du nouveau régime
politique que nous proposons impose un gouvernement qui décide seul et
assume en conséquence logiquement la responsabilité politique de ses choix
sociaux et législatifs ; les pétitions de principe résultant des préambules
constitutionnels n’ont pas à lui être imposées. La responsabilité politique a
pour nécessaire corolaire la capacité effective de prise de décisions
politiques autonomes.

En dehors des préambules ci-dessus analysés, les constitutions en vigueur


dans les États issus de la prise de contrôle du fait politique par le fait
économique - suite à la période de l’histoire dite des « Lumières » et surtout
aux « Grandes Découvertes » ayant permis un immense enrichissement des
banquiers-commerçants - règlementent l’organisation du pouvoir politique
en trois pouvoirs distincts : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le
pouvoir judiciaire, devenus « autorité judiciaire » dans la constitution de
1958. Nous avons vu ci-dessus les raisons qui militent pour, ou plutôt qui
imposent la suppression de la séparation des pouvoirs en trois branches
distinctes.

Dans le nouvel ordre politique que nous élaborons, la vie politique n’est plus
organisée autour de trois pouvoirs distincts mais autour d’une part d’un
pouvoir central, représenté par le gouvernement, et d’autre part autour de
corps intermédiaires. Il n’est donc pas nécessaire d’organiser dans une
constitution les relations entre ces trois pouvoirs. La relation du
gouvernement avec les corps intermédiaires ainsi que l’étendue et les limites
des prérogatives du gouvernement sont inhérentes à l’agencement
institutionnel de cet ordre nouveau. Au nouvel ordre politique correspond un
nouveau régime politique.

Quant aux règles de responsabilité édictées, dans les constitutions, à


l’encontre du pouvoir exécutif – notons au passage qu’elles ont très
largement fait la preuve de leur versatilité1 – elles deviennent elles aussi
inutiles. Le nouvel ordre politique que nous proposons inclut de facto la
sanction de son irrespect.

S’agissant de sanction politique, le gouvernement inapte à remplir sa


mission est démis dans les conditions indiquées dans notre premier texte.
Lorsque l’un des membres de gouvernement se rendra coupable de trahison
de sa mission d’intérêt public, il devra être démis par le gouvernement lui-
même, sous peine que ce dernier ne soit lui-même démis en totalité.

Quant à la sanction pénale, la responsabilité individuelle des membres du


gouvernement, tout comme celle des corps intermédiaires, est de même
nature que la responsabilité individuelle de n’importe quel administré. Il n’y
aura plus de droit d’exception ni de juridiction d’exception pour les
membres du gouvernement qui seront, comme tout assujetti, responsables
devant la justice de droit commun en raison de comportements ne respectant
pas les règles communes de vie en société. Le renouveau étatique ne peut se
réaliser que si chacun respecte l’autre, en toute indépendance du statut social
occupé. La traduction institutionnelle de ce respect mutuel, nécessaire à
toute vie en société, est que chaque individu répond aux mêmes lois de droit
commun. Le droit commun prend ici le sens littéral qui est « naturellement »
le sien et qui justifie son existence même.

En conclusion, le nouvel ordre politique que nous proposons est autonome, il


n’a pas besoin d’être régulé par une « constitution ». Pour autant, le
gouvernement, en tant que représentation institutionnelle du « pouvoir »
n’est pas tout puissant, il est encadré.

B) Un pouvoir limité et encadré

La limitation du pouvoir a pour conséquence l’impossibilité,


institutionnellement programmée, pour le gouvernement de s’adonner à
l’hubris, situation que nous connaissons malheureusement aujourd’hui. Nous
constatons tous les jours que la démesure du gouvernement se traduit, de
l’autre côté du miroir, par la mise en esclavage de ses administrés. La
légitimité du pouvoir politique a pour traduction juridique un nécessaire
encadrement institutionnel de ses prérogatives.

Dans le nouveau régime politique proposé, l’activité de transformation de


textes (proposés par les corps intermédiaires) en lois est dévolue au
gouvernement, qui n’a aucun travail créatif à effectuer. En matière
législative, la compétence du gouvernement est liée à celle des corps
intermédiaires. L’action du gouvernement, tout comme son existence,
dépendent du travail technique effectué par les corps intermédiaires.
L’action centralisatrice du gouvernement est également limitée par la prise
en compte structurelle des particularismes locaux au travers de l’institution
des corps intermédiaires.

Au-delà de sa limite organique, le gouvernement est limité, dans son


exercice législatif, par le respect d’ordre philosophique du droit naturel
(concept rénové).

I) Une limite philosophique en matière législative : primauté du


droit naturel sur tout autre intérêt

La nécessité de donner la primauté au droit naturel est assise sur un constat,


lui-même issu de l’expérience historique des peuples : la nature et les
principes naturels sont supérieurs aux artifices et artefacts issus des pures
constructions humaines. L’option consistant à assurer, en matière législative,
la primauté du droit naturel sur toute autre considération nous est dictée
avant toute chose par les terribles abus des régimes politiques que nous
connaissons actuellement. Aujourd’hui, la valeur fondamentale qui régit le
processus législatif est concrètement, bien qu’officieusement, la loi du
profit2 ; or cette valeur fondamentale se révèle, à l’expérience, extrêmement
hostile à la pérennité de la vie sur terre.

Nous adoptons, dans le nouveau régime politique, une conception rénovée


du droit naturel assise d’une part sur les avancées scientifiques et d’autre
part sur les leçons de l’histoire. Il en résulte que le droit naturel est, par
essence, évolutif. Son contenu dépend à la fois de l’avancée des
connaissances scientifiques et de la succession des expériences politiques et
sociétales ; le droit naturel n’est pas figé. Dans ce contexte, le droit naturel
rénové sera composé de deux branches.

La première branche concerne le respect des principes fondamentaux de la


vie, elle-même comprise dans toute sa diversité. Il s’agit ici de respecter le
fonctionnement inné des êtres vivants. Cette première catégorie du droit
naturel s’oppose par exemple à la mise sur le marché (c’est-à-dire à la
diffusion à titre commercial ou non commercial) de poisons pour les sols, les
eaux et l’air. Il s’agit également de respecter la structure du génome humain,
animal et végétal et de s’opposer à la marchandisation totale ou partielle du
corps humain et de ses produits. D’une façon générale, le pouvoir politique a
la charge de mettre en œuvre une législation protectrice du vivant.

La recherche scientifique doit être strictement encadrée et contrôlée ; ses


avancées ne pourront s’imposer à tous qu’une fois définitivement validées
par l’expérience. Ce qui nécessite la prise en compte du facteur temps entre
une découverte et sa généralisation à la société. Ce facteur temps doit être
mis à profit par le corps de la recherche pour analyser tous les effets de ladite
découverte sur le vivant. Notons qu’actuellement, nous sommes très loin de
ce respect dû au « vivant » en particulier (mais malheureusement pas
exclusivement) en raison des pratiques des compagnies pharmaco-
chimiques, lesquelles imposent, dans une très large mesure, la législation en
vigueur ; la recherche du profit a largement pris le pas sur le respect dû au
« vivant ».

La seconde branche du droit naturel concerne l’organisation sociale. Cette


organisation sociale doit tirer des leçons des expériences sociales et
politiques historiques. Dans cette catégorie du droit naturel, nous retrouvons
la nécessité pour le gouvernement d’organiser et de garantir la sécurité
physique, juridique et morale des individus. Le gouvernement doit aussi
respecter le besoin essentiel, propre à l’être humain, de transmission ; que
cette transmission soit d’ordre spirituel ou matériel. Le droit naturel impose
au gouvernement de garantir l’effectivité d’un lien institutionnel permanent
entre les individus, relayés par les corps intermédiaires, et le gouvernement
qu’ils ont contribué à mettre en place. Le gouvernement doit garantir le
respect des besoins vitaux de tous ses assujettis. L’existence d’un ascenseur
social, qui répond au besoin de mobilité et d’espoir inhérent à tout être
humain, doit être rendue structurellement possible par l’organisation sociale
mise en place par le gouvernement et les corps intermédiaires. L’équité fait
partie des principes fondamentaux que le gouvernement doit respecter.

L’organisation et le contrôle, par le gouvernement, de la monnaie en


circulation sur son territoire sont une autre loi fondamentale issue de cette
seconde branche du droit naturel. Le gouvernement, pour être légitime, doit
acter la monnaie en tant que « service rendu à la collectivité » et non, comme
c’est le cas aujourd’hui et depuis trop longtemps, en tant que
« marchandise » circulant sur un marché3.
Par ailleurs, l’expérience historique nous apprend que les droits individuels
ne valent qu’inscrits dans un contexte collectif de vie en commun ;
autrement dit, les droits individuels n’ont de réelle valeur que s’ils respectent
le principe fondamental, qui lui est supérieur, de la nécessité de vie en
commun. Les impératifs de vie en commun se traduisent par des règles
contraignantes qui priment sur la prétendue liberté individuelle. C’est ainsi
que le commerce et les échanges commerciaux ne peuvent profiter à tous
que s’ils sont encadrés par des règles collectives interdisant la prédation,
c’est-à-dire l’accaparement légal. La lutte contre l’accaparement est une
mission essentielle du gouvernement.

En résumé, les lois doivent respecter en priorité les nécessités sociales liées à
la « vie en commun », qui fait partie intégrante de l’ordre naturel. Cet
impératif se retrouve en matière de famille, de contrôle du niveau de
pollution (olfactive, sonore et visuelle), qui a une acuité particulière en
milieu urbain, mais qui existe de façon générale.

Cet impératif de prééminence du collectif sur le particulier a de très


multiples applications juridiques. Le respect des principes naturels imposés
par la vie en commun rend obsolète toute pétition de principe, artificielle,
proclamant la prééminence de prétendus droits individuels. Les lois
imposant le respect de la vie en commun viendront « naturellement »
remplacer les droits individuels proclamés, comme une pétition de principe,
par la « Constitution ». Le commerce sera encadré de façon à interdire
l’accaparement ; il faut ici préciser que l’accaparement légal (que nous
connaissons aujourd’hui) est la négation explicite de l’ordre politique et du
concept même de civilisation.

Dans notre nouvel ordre politique, l’individuel se conçoit comme étant une
partie du collectif. Le nouveau régime a pour fonction de garantir que
l’ensemble des lois subtiles garantissant la pérennité du « vivant », compris
dans sa diversité, auront une force supérieure à la « loi du plus fort » (loi de
la jungle), actuellement très en vogue. Le « droit de nuire à autrui » ne sera
plus une prérogative attachée à l’argent et à la possession.

Le gouvernement, tel que nouvellement conçu, a la charge politique d’établir


des règles garantissant le respect individuel dans un cadre collectif.
II) Une Limite de nature fonctionnelle : le pouvoir politique intègre
une donnée régionale au travers des corps intermédiaires

Pour être politiquement légitime, le gouvernement doit se concentrer sur les


trois fonctions régaliennes suivantes, lesquelles sont inhérentes à sa mission
consistant à garantir la possibilité de vie en commun (qui est aussi la
justification de son pouvoir) : assurer la justice, émettre la monnaie et en
contrôler la circulation, et garantir la sécurité de ses ressortissants.

Nous avons vu à l’occasion de notre premier texte que le gouvernement est


non seulement issu des corps intermédiaires mais qu’au surplus il ne dispose
pas à proprement parler de l’initiative législative. En effet, la proposition des
textes, qui seront mis en forme par le gouvernement pour devenir le corpus
législatif de l’État, appartient aux seuls corps intermédiaires. Cette
organisation intègre de façon fonctionnelle une limitation des compétences
du gouvernement.

1) LA PRISE EN COMPTE POLITIQUE DES


PARTICULARISMES LOCAUX AU TRAVERS DES CORPS
INTERMÉDIAIRES

Le renouveau politique que nous proposons intègre la prise en compte


structurelle, par le gouvernement, des particularismes locaux au travers des
corps intermédiaires. Cette prise en compte est une nécessité conceptuelle
absolue, car elle permet de garantir la diversité culturelle dans le contexte où
la diversité est elle-même une donnée fondamentale de la vie sur terre. Le
respect des particularismes locaux et de la cohérence culturelle des territoires
est, par ailleurs, une condition garantissant à la fois la justice et l’intégrité
des habitants. Ainsi, les corps intermédiaires de chaque région peuvent, ou
doivent selon les impératifs particuliers, respecter une autonomie de gestion.

En d’autres termes, l’organisation de la vie politique autour des corps


intermédiaires a pour avantage de rendre possible l’existence politique de
particularismes locaux à travers chacune des trois grandes catégories de
corps intermédiaires. L’État central, représenté par le « gouvernement »,
apparaît comme le garant des particularismes locaux, gérés au moyen du
découpage territorial en régions. Chacun des trois grands types de corps
intermédiaires, économique, non économique ou religio-spirituel, pourra
s’épanouir à l’intérieur de particularismes locaux. La représentation au
niveau national des grands types de corps intermédiaires devra tenir compte
des particularismes locaux, ce qui sera naturellement respecté en raison du
« mandat impératif » qui préside à l’organisation des corps intermédiaires.

Par exemple, tel type d’activité professionnelle pourra être règlementé et


organisé d’une certaine façon au sein d’une région et d’une tout autre façon
au sein d’une autre région. De la même façon, l’organisation et la
représentation des différents corps intermédiaires appartenant à la catégorie
non professionnelle pourront répondre à des impératifs différents. Il en ira de
même des différentes pratiques ou modalités de travail des corps
intermédiaires appartenant à la catégorie religio-spirituelle.

Chaque corps intermédiaire aura la charge de s’organiser en échelons de


représentation : des échelons locaux, des échelons régionaux et un échelon
national. Cette organisation territoriale des corps intermédiaires permettra
d’assurer, en aval, la prise en compte politique par le gouvernement des
particularismes locaux.

2) LA LIMITE À LA PRISE EN COMPTE POLITIQUE DES


PARTICULARISMES LOCAUX : L’EXISTENCE D’UN ÉTAT
UNITAIRE

La délimitation des frontières de l’État résulte de l’histoire de France.


L’avènement d’un nouveau régime politique n’implique pas de redéfinition
des frontières étatiques qui restent identiques à celles que nous connaissons.
Il n’implique pas non plus de revenir sur la tradition française d’État
unitaire.

L’existence de l’État unitaire et de ses contraintes est la limite essentielle à la


prise en compte des particularismes locaux. Ainsi, la langue en vigueur sur
le territoire reste le français.

La langue en vigueur est le français, conformément à la tradition


remontant à l’Ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539

Les individus habitants sur le territoire ont la nationalité française et parlent


le français. Si les corps intermédiaires restent libres d’organiser leur mode de
fonctionnement, sous la réserve de respecter le principe du mandat impératif,
ils doivent communiquer en français avec le gouvernement, en particulier à
l’occasion des propositions de textes, susceptibles de devenir des lois, qu’ils
émettront à l’adresse du gouvernement.

Si les dialectes sont autorisés pour des communications privées ou internes à


certains corps intermédiaires, ils doivent néanmoins respecter l’antériorité
historique du dialecte en vigueur sur le territoire concerné. En conséquence,
les corps intermédiaires régionaux ne pourront pas décréter de façon
arbitraire la pratique d’un dialecte nouveau dépourvu d’attache historique ni
décider, tout aussi arbitrairement, d’établir en leur sein la pratique d’une
langue en vigueur dans un autre pays identifié.

Les régions n’ont pas d’indépendance politique par rapport au


gouvernement central

La nouvelle organisation politique, c’est-à-dire le nouveau régime politique


que nous proposons reste fidèle à la tradition française d’État unitaire
central.

Le gouvernement aura la charge politique d’organiser un découpage du


territoire français en régions afin que celui-ci soit mis à profit par les corps
intermédiaires. Cette mission de découpage consiste, pour le gouvernement,
à rendre possible la prise en compte des particularismes locaux par les corps
intermédiaires. Ces régions doivent répondre à l’existence effective de
particularismes locaux historiques.

Le pouvoir politique central ne saurait aucunement être remis en cause par


l’existence de ce découpage du territoire en régions et, en particulier, par des
velléités d’indépendance politique de certaines localités. Rappelons à toutes
fins utiles que derrière les velléités locales d’indépendance se cache un
savant mélange d’ambitions personnelles et d’ambitions géopolitiques. Plus
précisément, les ambitions d’ordre géopolitiques des plus grands détenteurs
de capitaux s’appuient, pour leur mise en œuvre, sur les ambitions
personnelles à beaucoup plus courte vue.

La mise en œuvre de notre nouvel ordre social et politique a précisément


pour objectif de faire obstacle aux ambitions politiques personnelles et à
l’hubris qu’elles véhiculent. En effet, la prise en compte de l’intérêt général
par les individus en charge de gouverner s’accorde très mal d’une part avec
l’épanouissement politique hors limite des egos individuels ; egos que
l’ordre social (il s’agit plutôt en l’occurrence d’un désordre social) actuel a
au contraire pour vocation et pour effet de développer jusqu’à l’hubris, en
sollicitant pour ce faire tous les mauvais penchants des humains.

D’autre part, l’intérêt général s’accorde également très mal avec


l’élaboration métapolitique d’un gouvernement mondial unifié et uniformisé
autour d’un même mode de vie garantissant le bien être d’une minorité et
l’esclavagisme subséquent de la grande majorité des gens.

Le nouvel ordre politique que nous proposons a pour objectif direct de


s’opposer de façon effective au Nouvel Ordre Mondial que les principaux
détenteurs de capitaux de la planète veulent imposer. La France est un État
unitaire, il en résulte que le gouvernement est seul en charge de la justice, de
la police, de l’armée ainsi que de la gestion monétaire.

La justice, la police, l’armée ainsi que la gestion monétaire relèvent du


seul gouvernement

Le gouvernement est seul en charge de la justice, de la police, de l’armée et


de la monnaie qu’il gère de façon autonome et hiérarchique. Ces services
essentiels de l’État, inhérents à la notion même de « pouvoir politique »,
échappent tout à fait aux corps intermédiaires.

Dans un objectif d’optimisation de leur gestion, le gouvernement peut


organiser ces services centraux de façon déconcentrée mais il reste, quoi
qu’il en soit, le seul organe institutionnel politiquement responsable desdits
services. Nous avons vu dans notre premier texte que le gouvernement
pourra être démis de ses fonctions en cas d’incapacité à organiser et déployer
de façon satisfaisante sur le territoire ces principaux services de l’État.

Septembre 2017

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/de-nouvelles-institutions-pour-un-nouveau-
depart-pour-renouer-avec-le-concept-de-civilisation-24Notes
Notes
1 Pour la responsabilité pénale et politique du président de la République,
voir les articles 67 et 68 de la constitution de 1958 résultant de la loi
constitutionnelle du 23 février 2007 ; pour la responsabilité pénale des
membres du gouvernement, voir les articles 68-1 à 68-3 de la constitution,
issus de la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993
2 Cf. Jean Rémy et Valérie Bugault, Du nouvel esprit des lois et de la
monnaie, cit. pages 43 à 64.
3 id.
De nouvelles institutions pour un nouveau départ
3/4

Les États-Unis d’Amérique, empire économique et financier du XXe siècle,


ont initié le mouvement, sans précédent dans l’histoire, de dérégulation
économique et financière dans le même temps qu’ils imposaient, au niveau
mondial, l’option non facultative du développement économique financé par
l’emprunt ; ce double mouvement ayant pour objectif et pour effet de
générer une concentration des richesses inouïes, le mouvement allant
toujours croissant.

Pour renouer avec le concept de civilisation

Prolégomènes

À l’occasion de ce troisième et avant dernier article de ma série consacrée au


renouveau institutionnel, il apparaît nécessaire de mettre en perspective les
tenants et les aboutissants de ce travail de structuration politique.

Le constat essentiel est que dans nos pays, chantres de démocratie, les
élections politiques ne servent qu’à perpétuer l’ordre social, qui est en réalité
un désordre sociétal. Il y a là une contradiction fondamentale : comment la
démocratie peut-elle perpétuer un dysfonctionnement général dont tout le
monde souffre alors que les habitants ont, par hypothèse, les moyens
politiques de le résoudre ? Cette contradiction dans les termes ne semble pas
réellement émouvoir les Français, peuple pourtant déclaré « politique »
depuis qu’il a fait la « Révolution » de 1789.

Au-delà de l’imposture généralisée, il semble bien que les peuples


occidentaux, au premier rang desquels figurent les Français, souffrent du
« syndrome de Stockholm ». Les populations sont tellement habituées à leurs
persécuteurs, qui les manipulent depuis si longtemps en associant beaux
discours et actes odieux, qu’elles ont perdu l’âme de la « vie ». La rupture
démographique du continent européen cache en réalité un suicide
démographique dû à la perversité des élites au pouvoir1. Il nous semble
amusant et révélateur de rappeler ce que disait de l’élection, dès 1840, un
certain Honoré de Balzac, à l’occasion du texte « Sur Catherine de Médicis »
(La Comédie humaine) : « Qu’est-ce que la France de 1840 ? Un pays
exclusivement occupé d’intérêts matériels, sans patriotisme, sans conscience,
où le pouvoir est sans force, où l’élection, fruit du libre arbitre et de la liberté
politique, n’élève que les médiocrités, où la force brutale est devenue
nécessaire contre les violences populaires, et où la discussion, étendue aux
moindres choses, étouffe toute action du corps politique ; où l’argent domine
toutes les questions, et où l’individualisme, produit horrible de la division à
l’infini des héritages qui supprime la famille, dévorera tout, même la nation,
que l’égoïsme livrera quelque jour à l’invasion. ».

Chacun appréciera si les causes et la vision dénoncées par Balzac sont ou


non d’actualité…

La remise en cause du principe de séparation des pouvoirs expliqué dans


l’article 2 de la présente série doit être située dans une perspective
historique. C’est précisément parce que ce principe s’est diffusé dans la
quasi-totalité des pays du monde au cours du XXe siècle que le
gouvernement mondial, aussi appelé Nouvel Ordre Mondial, est en bonne
voie de réalisation. Le principe de séparation des pouvoirs, qui a fait
disparaître le pouvoir politique en le morcelant, a également permis une
incroyable uniformisation du monde. Or c’est précisément cette
uniformisation qui opprime les peuples en interdisant la diversité politique.
La disparition du phénomène politique est un effet direct de l’établissement
du principe de séparation des pouvoirs. Il a permis que le pouvoir
économique, caché, prenne le pas sur le pouvoir politique apparent.

Pour ce qui est de notre époque, il est parfaitement inacceptable de léguer


aux générations suivantes la débauche de perversité véhiculée par
l’organisation sociale et politique que nous connaissons. Attelons-nous à
changer le cours de l’histoire, ou il n’y aura plus d’histoire.

Les conditions juridiques du renouveau politique (3/4)


Nous avons vu à l’occasion du texte n° 2 les limites institutionnelles du
pouvoir du gouvernement. Nous allons préciser, dans ce troisième texte, les
modalités de mise en œuvre des missions du gouvernement ainsi que les
réformes juridiques qui devront impérativement être réalisées afin d’assurer
la viabilité du nouveau régime politique.

La mise en œuvre de ces principes juridiques devra être réalisée


parallèlement à la refondation par le gouvernement de l’Académie française
dans sa mission de fixation du langage (vocabulaire, orthographe,
grammaire, enseignements fondamentaux de la langue et des sciences). Cette
mission est essentielle pour redonner vie au principe élémentaire de cohésion
sociale ; elle devra être menée conformément aux travaux d’Arnaud Aaron
Upinsky.

Enfin, le présent texte n’abordera pas la question monétaire, qui est


essentielle mais qui sera traitée dans le dernier de nos textes (le quatrième de
cette série consacrée aux institutions). Ce troisième article sera consacré aux
questions juridiques fondamentales, celles qui sont la condition sine qua non
de la viabilité du renouveau institutionnel envisagé.

Nous aborderons successivement, dans un premier temps, la question de la


suppression juridique de l’anonymat des capitaux et de la lutte contre
l’accaparement. Dans un second temps, nous analyserons les conditions du
renouveau juridique de la notion de « droit commun » et de la vaste
entreprise de codification du droit qui en découlera ; cette codification devra
être menée en respect des principes du droit naturel tel que décrit dans notre
précédent texte.

A) L’abandon définitif de l’anonymat des capitaux et la lutte contre


l’accaparement

L’abandon du principe d’anonymat des capitaux est à la fois la condition du


retour à une notion autonome du « politique », et la condition indispensable
permettant de mener une véritable lutte contre l’accaparement.

1) La lutte contre l’anonymat des capitaux


Aucun contrôle des puissances économiques qui dirigent l’ordre
international actuel ne pourra avoir lieu tant que sévira le principe de
l’anonymat des capitaux. Aucun peuple, représenté par aucun gouvernement,
ne peut lutter contre un ennemi anonyme, qui reste et restera une ombre
insaisissable. Tant que subsiste le principe de l’anonymat des capitaux les
humains resteront otages d’hommes qui font semblant de gouverner et qui
mentent ; ces hommes dits politiques qui sont des hommes de paille resteront
des marionnettes dans les mains des principaux détenteurs, anonymes, de
capitaux qui continueront d’exercer des pressions pour imposer, sous couvert
d’État et de gouvernement, leur volonté et leurs intérêts propres au plus
grand nombre.

La voie historique par laquelle l’anonymat des capitaux s’est


juridiquement imposé en France

En France, l’anonymat des capitaux s’est développé de façon furtive. Ce


mouvement a subi une brusque accélération au moment de l’avènement, au
XIXe siècle, des sociétés de capitaux, jusqu’alors inconnues en droit
français.

Si l’on remonte au Moyen-Âge, il n’existait en France, pays de droit écrit,


que deux types de sociétés :

1.le contrat de commande, propre au droit maritime et qui permettait de


financer les expéditions maritimes alors que l’aléa (fortune des mers)
était très important

2.et la société en nom collectif.

Peu à peu, en raison du développement du commerce et de l’interdiction du


prêt à intérêt, de nouveaux besoins de financement sont apparus. Ces besoins
ont généré la création d’abord de la société en commandite (simple), puis,
pour répondre aux immenses besoins de financement des grandes
expéditions maritimes – parties à la recherche d’or et de matières premières
précieuses –, au moment de la période dite des Grandes Découvertes, la
société en commandite par actions.
Depuis lors et suite à la Révolution industrielle, les besoins de financement
n’ont fait que croître et embellir, de même que n’a fait que croître et embellir
le développement de l’anonymat des capitaux. La levée, par la Révolution de
1789, de l’interdiction du prêt à intérêts ainsi que la suppression des
corporations a généré un engouement massif pour l’activité commerciale
autant que pour l’activité financière de spéculation. C’est dans ce contexte
particulier qu’est née la loi sur les Sociétés anonymes du 24 juillet 1867.

La société par actions, d’abord essentiellement conçue par le droit comme


une institution, a peu à peu glissé d’une conception institutionnelle,
contrôlée par l’État, à une conception exclusivement contractuelle dans le
même temps que la prééminence du droit anglo-saxon (qui s’est largement
imposée en Europe occidentale à la faveur de l’intégration européenne) a
permis aux capitaux de circuler librement dans le monde en empruntant
différentes voies et différents moyens juridiques : paradis fiscaux, trusts
anonymes2, optimisation fiscale, etc.

Les États-Unis d’Amérique, empire économique et financier du XXe siècle,


ont initié le mouvement, sans précédent dans l’histoire, de dérégulation
économique et financière dans le même temps qu’ils imposaient, au niveau
mondial, l’option non facultative du développement économique financé
par l’emprunt ; ce double mouvement ayant pour objectif et pour effet de
générer une concentration des richesses inouïes, le mouvement allant
toujours croissant. Cette vague scélérate, appelée financiarisation de
l’économie, a fini par s’imposer partout : en Europe, dans les anciens pays
de droit écrit comme la France, via la construction européenne, et dans le
monde entier via les institutions internationales que sont l’OMC, l’OCDE, la
BRI, le FMI et la Banque mondiale. Tout cet édifice, Tour de Babel
dématérialisée, ne repose in fine que sur deux choses :

1.l’anonymat des capitaux et,

2.le contrôle des monnaies, plus précisément, le contrôle centralisé des


masses monétaires en circulation.

2) La lutte contre l’accaparement


La lutte contre l’accaparement suppose la disparition juridique de
l’anonymat des capitaux. Car une lutte, pour être effective, doit avoir un
objectif expressément identifiable, ce que précisément rend impossible
l’anonymat des capitaux. L’interdiction juridique de l’anonymat des capitaux
est la condition sine qua non de la lutte contre l’accaparement.

Recentrer la politique sur son sens premier nécessite en effet d’identifier qui
gouverne vraiment, c’est-à-dire qui se cache derrière l’anonymat pour
manipuler et corrompre les hommes politiques afin de les amener à prendre
des décisions largement hostiles à la grande majorité des ressortissants.
L’interdiction de toute possibilité légale de rendre les capitaux anonymes
permettra de mettre les véritables accapareurs, ceux peu nombreux et dont
nous n’entendons jamais prononcer le nom, sous la lumière des projecteurs.

Nous allons détailler une brève histoire de l’accaparement avant d’établir


que la lutte contre l’accaparement est un principe qui relève du droit naturel
tel que défini à l’occasion du deuxième article de cette série. Nous
déterminerons enfin le régime juridique de l’accaparement.

Brève histoire de l’accaparement, et pourquoi l’accaparement est


antinomique avec le concept de civilisation

L’accaparement est un fait qui a jonché les sols et les sous-sols de toute
l’histoire humaine, de l’Antiquité à nos jours ; car l’accaparement des biens,
matériels et immatériels, donne le « pouvoir » aux accapareurs.

En Occident, durant tout le Moyen-Âge, l’accaparement était principalement


le fait des grands féodaux. Il avait été rendu possible, sous l’Ancien Régime,
par la force des armes, qui garantissait la pérennité de l’appropriation des
richesses, alors essentiellement matérielles et foncières. L’Ancien Régime,
où le clergé et la noblesse disposaient de la quasi-intégralité des terres,
réalisait ainsi une forme d’accaparement légal des biens fonciers. C’est ainsi
que la redistribution des terres et des biens fonciers construits a constitué la
revendication officielle essentielle de la bourgeoisie commerçante, faction
active du Tiers État ; revendication qui a largement servi d’alibi pour
l’organisation de la révolution. Face aux excès engendrés, la Révolution de
1789, parée des vertus de la démocratie (bien qu’organisée par et pour les
principaux détenteurs de capitaux), a elle-même été contrainte de prendre
des mesures juridiques contre un certain type d’accaparement3.

Malgré une lutte, sporadique, contre l’accaparement des denrées


alimentaires, la Révolution de 1789 n’en a pas moins opéré une vaste
redistribution des richesses confisquées au clergé au profit de la bourgeoisie
commerçante4, elle-même initiatrice du principe révolutionnaire.

De même, tout le sens de la lutte des classes marxiste a, dans le contexte de


la Révolution industrielle, consisté à lutter contre l’accaparement privé des
moyens, nouveaux, de production. La traduction politique qui en a résulté a
montré les limites de l’exercice du marxisme et de sa tendance
révolutionnaire. Là encore, le pouvoir a été confisqué par une caste
dirigeante, aux intérêts de laquelle les banquiers occidentaux n’étaient pas
indifférents, sans que le peuple ne profite réellement et durablement d’une
quelconque redistribution des richesses.

À la faveur de la révolution industrielle et sous les régimes politiques qui ont


suivi la Révolution française et l’avènement politique des banquiers-
commerçants, la richesse est devenue essentiellement financière et
dématérialisée : elle a pris la forme de capitaux, s’est installée et a prospéré
par le biais de la légalisation de l’anonymat des capitaux. Il faut d’ailleurs
remarquer que dans les régimes politiques qui ont succédé aux régimes
communistes de type marxiste-léniniste, la question de la lutte contre
l’accaparement ne semble pas avoir véritablement rejailli. Il est probable que
l’expérience marxiste a durablement stérilisé la lutte contre l’accaparement,
pourtant seule lutte qui, au-delà des idéologies artificiellement fabriquées,
vaille vraiment.

La grande majorité des pays du monde bénéficient aujourd’hui de la double


peine : les armes au service de l’anonymat des capitaux pour imposer
l’accaparement5. Dans les régimes politiques en vigueur en Occident et plus
largement dans le monde entier depuis l’avènement au pouvoir des
banquiers-commerçants, aucune lutte n’est plus tentée contre
l’accaparement ; le phénomène a aujourd’hui atteint une telle ampleur qu’il
rend fonctionnellement impossible toute velléité de lutte contre lui.
D’un point de vue technique, la lutte contre l’accaparement ne suppose pas
de monter une partie du peuple contre une autre, comme le fait le principe de
la lutte des classes ; ce type de réaction politique correspond à une
conception binaire extrêmement rudimentaire des liens sociaux. Elle suppose
au contraire de s’extraire des idéologies libérales ou communistes, elles-
mêmes contrôlées par les principaux détenteurs de capitaux, pour aller
chercher la situation réelle. La question de l’accaparement est concrète, elle
consiste à montrer qui, et dans quelle proportion, dispose des richesses. Car
ce sont les accapareurs qui imposent, par différents biais, un pouvoir
politique inique et dévastateur. Plus les richesses sont concentrées en un petit
nombre de personnes, et moins le développement civilisationnel est possible.
Nous sommes aujourd’hui rendus collectivement dans une situation dans
laquelle l’accaparement des richesses, au niveau mondial, n’a jamais été
aussi concentré. La situation politique globale a, en conséquence, atteint un
point culminant dans sa dangerosité et son iniquité.

L’interdiction de l’accaparement est une valeur relevant du droit naturel

Autoriser ou favoriser l’accaparement légal des capitaux et des biens revient


à mettre la majorité des gens sous la dépendance des accapareurs. Cette
pratique est antinomique avec le concept de « politique » qui suppose une
gestion sereine de la vie en commun ; gestion qui passe nécessairement par
la prise en considération politique de l’ensemble des intérêts des administrés.

La notion d’accaparement, en tant qu’elle profite à la seule minorité


possédante, est au surplus à l’opposé exact de la justice qui est la mission, et
la justification, du pouvoir politique accordé à un gouvernement. Le pouvoir
qui autorise légalement l’accaparement n’en est pas un : il ment, car il n’a en
réalité pas les moyens réels de gouverner de façon autonome, il est dans les
mains des accapareurs.

Nous sommes aujourd’hui, avec le principe acquis de l’anonymat des


capitaux, dans un contexte politique où non seulement l’accaparement est
légalement autorisé mais où il est juridiquement organisé de façon incitative.
Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que la civilisation occidentale
soit en phase terminale, pour ne pas dire déjà morte. Toute société politique
ayant l’ambition de former une civilisation a pour mission principale et
naturelle d’interdire de façon radicale l’accaparement, qui lui est
antinomique.

Le concept de civilisation est antinomique avec celui d’accaparement : entre


les deux, les peuples doivent choisir leur voie.

Le régime juridique de l’accaparement : suppression de l’anonymat des


capitaux, redistribution des richesses accaparées et éventuelle sanction
pénale

Il faut insister sur le fait que la sanction juridique de l’accaparement ne


pourra aucunement être mise en œuvre sans que soit, au préalable, organisée
la disparition de l’anonymat des capitaux. La disparition juridique de
l’anonymat des capitaux aura pour effet immédiat que l’accumulation des
richesses par les personnes qui se cachent derrière cet anonymat deviendra
visible aux yeux de tous.

Actuellement les accapareurs mettent en avant les avantages du système de


l’anonymat pour tout le monde, c’est-à-dire pour tous les utilisateurs, petits
ou gros, détenteurs d’argent honnête comme d’argent sale (pas de distinction
possible) cachés dans les paradis fiscaux. À la lumière de la suppression de
l’anonymat, l’illusion grotesque des paradis fiscaux « pour tous »
s’éclaircirait soudainement. Les petits utilisateurs des paradis fiscaux
apparaîtraient pour ce qu’ils sont réellement : un alibi à l’accaparement de
très grande ampleur. Notons ici que l’utilisation de la masse pour faire
avancer les objectifs politiques des plus grands capitalistes est une méthode
constamment pratiquée en tout temps et en tout lieu depuis que les
banquiers-commerçants ont pris le pouvoir, au siècle dit des « Lumières ».
La ruse, consistant à dissimuler la réalité derrière de fallacieuses idéologies
ou derrière de simples mensonges assis sur des apparences, est une méthode
typique des banquiers-commerçants.

En réalité, les paradis fiscaux ont été conçus par les très gros accapareurs
afin d’avancer vers leur objectif exclusif : miner les États afin de pouvoir, en
fin de parcours, établir leur Nouvel Ordre Mondial uniformisé.
Techniquement, la suppression de l’anonymat des capitaux aurait pour effet
de faire disparaître, de façon naturelle et structurelle, le secret bancaire et les
paradis fiscaux qui, ne pouvant plus héberger l’anonymat, deviendraient de
facto inutiles.

La levée juridique de l’anonymat des capitaux permettra :

1.d’établir la responsabilité personnelle des accapareurs réels

2.et de faire ainsi une distinction claire entre les accapareurs réels et les
accapareurs supposés que sont la plupart des utilisateurs des paradis
fiscaux.

La levée de l’anonymat permettra également de démêler l’écheveau de


l’argent sale et de l’argent propre évadé.

Les véritables accapareurs pourraient alors répondre juridiquement de


l’accaparement, tant en capitaux qu’en biens tangibles, qu’ils ont organisé à
leur seul profit, utilisant les autres utilisateurs de paradis fiscaux, naïfs et
ignorants de l’établissement et du contrôle des processus en jeu, comme des
faire-valoir.

Les pourvoyeurs d’argent sale comme leurs blanchisseurs, agents utiles au


système global de l’accaparement, pourraient faire l’objet d’une
responsabilité pénale autonome en dehors de celle des grands accapareurs.

Les gouvernements légitimes décideraient en toute liberté du traitement


juridique de cet accaparement. Ce régime juridique de l’accaparement passe,
quoiqu’il en soit et sans préjuger d’autres sanctions éventuelles, par la
nécessité de redistribuer collectivement la richesse accumulée,
personnellement, par chaque accapareur.

Le gouvernement pourrait également décider, sur consultation populaire,


d’assortir la sanction civile d’une sanction pénale. La sanction pénale ne doit
pas être considérée comme une vengeance, qui attise les haines, mais plutôt
comme une mesure prophylactique tendant à démotiver d’éventuels futurs
accapareurs en herbe.

Le gouvernement légitime répondra devant la population de ses administrés


de la décision qu’il aura prise concernant l’accaparement et les accapareurs.
Le recours contre cette décision du gouvernement sera porté devant une
formation particulière de la Cour de gouvernement ci-dessous décrite. Cette
formation sera spécifiquement réunie pour le sujet de l’accaparement ; elle
sera composée de neuf membres répartis de la façon suivante : trois
membres du gouvernement et deux membres appartenant à chacune des
grandes catégories de corps intermédiaires.

Le président sera le représentant de l’une des catégories de corps


intermédiaires. Ce président sera spécialement désigné pour chaque litige
particulier. Chaque litige verra la désignation d’un nouveau président choisi
successivement dans chacune des trois grandes catégories de corps
intermédiaires.

B) Renouveau du droit commun : une vaste entreprise de recodification


du droit commun en fonction des principes issus du droit naturel

Renouer avec la civilisation suppose une interdiction définitive de


l’accaparement. Techniquement, cela suppose de revenir sur les moyens
utilisés pour la mise en œuvre juridique de l’anonymat des capitaux ; nous
avons vu que cette lutte suppose de revenir sur le concept de sociétés
anonymes, qui portent parfaitement leur nom. Cet anonymat a été initié par
le « droit commercial » initialement conçu, rappelons-le, comme dérogatoire
au droit civil, qui était le droit commun (c’est-à-dire celui qui organisait la
vie en commun).

Du point de vue de la structuration du droit, la lutte contre l’accaparement


suppose de revenir à une saine conception du droit commun. Le droit
commun tel que nouvellement conçu obéit aux principes du droit naturel
rénové ; chacun devant dès lors répondre personnellement de ses actes
devant la collectivité.

Le retour au droit commun est la seule voie juridique disponible pour lutter
efficacement contre le phénomène d’accaparement, lequel prend la voie
« royale » de l’anonymat des capitaux. La question monétaire, autre moyen
privilégié utilisé pour l’accaparement, sera traitée dans le quatrième article
de cette série.
En résumé, la lutte contre l’accaparement passe en premier lieu par la remise
en vigueur du droit français, traditionnellement droit écrit codifié, en ce qu’il
faisait, par nature, prévaloir le droit civil en tant que droit commun sur tout
type de droit, y compris le droit commercial. La réintégration des pratiques
commerciales dans le droit commun est un impératif de la lutte contre
l’anonymat des capitaux.

La réintégration du droit administratif dans le droit commun est un autre


élément, de type méta-juridique, indispensable à l’existence du « droit
commun ».

Nous décrirons, dans un premier temps, dans les grandes lignes, les
conditions de la disparition du concept de « droit autonome ». La
réintégration des droits d’exception, en particulier du droit commercial et de
ses dérivés, dans le droit commun, devra respecter les principes issus du
droit naturel.

Nous esquisserons, dans un second temps, les contours du nouveau « droit


commun » ainsi conçu.

1) Disparition du concept de droit autonome

Les spécificités liées au découpage juridique opposant le droit commercial et


le droit des sociétés, conçus comme le droit des patrons, au droit social, droit
dit « du travail », deviendront obsolètes ; cette nouvelle conception du droit
génèrera mécaniquement un apaisement de conflits et une réconciliation
sociétale.

D’une façon générale, le renouveau du « droit commun » emportera une


quasi-disparition des spécificités

1.du droit commercial et de ses nombreux dérivés, du droit du travail


(qui s’est construit en opposition au premier) ainsi que

2.du droit administratif.

Toutes les catégories juridiques, droit des contrats, qu’ils soient


anciennement qualifiés de civils, administratifs, commerciaux ou qu’ils
relèvent du droit du travail, droit de la famille, droit médical… doivent être
revues et réajustées en fonction du droit naturel tel que décrit dans l’article 2
de la présente série.

Le droit commercial ainsi que le droit administratif disparaîtront en tant


que droits autonomes

Le corpus de règles précisant les conditions nécessaires à la vie en commun


dans les meilleures conditions de sérénité doit intégrer le droit commercial et
ses nombreux dérivés, tel que le droit des sociétés.

Il s’agit ici de revenir sur l’erreur historique de 1807 (avènement du Code de


commerce napoléonien) qui a consisté à sortir le commerce du droit
commun en lui octroyant, ab initio, un statut dérogatoire. Cet évènement
malheureux a abouti, deux cent dix ans plus tard, en 2017, à une inversion
dramatique des valeurs : les principes issus des impératifs de bénéfices
commerciaux deviennent le droit commun de la vie en société. C’est-à-dire
que la notion de marge bénéficiaire est aujourd’hui la norme qui prétend
réguler l’ensemble des comportements humains, dissolvant au passage tous
les liens sociaux. De droit d’exception, le droit commercial est en passe de
devenir le droit commun applicable à tous, à chaque instant de la vie en
société.

Considérer tous les comportements et les relations sous le prisme des


bénéfices commerciaux génère de façon structurelle un biais cognitif. Ce
biais cognitif aboutit à rien de moins qu’à la mise en cause de l’existence
même du « vivant ». À titre d’illustration, mentionnons la multitude de
« règlementations » scélérates permettant l’empoisonnement des sols, sous-
sols, airs et eaux, du sang par l’adjonction de substances toxiques et autres
métaux lourds dans des vaccins devenus massivement obligatoires, la perte
de diversité végétale par la sélection intempestive à but lucratif des espèces,
laquelle perte de diversité génère de graves problèmes de santé publique en
obérant le bon fonctionnement des systèmes immunitaires… Mentionnons
également les ravages dus au manque de liens sociaux6 structurellement
générés par des sociétés ayant le profit financier pour valeur supérieure et
seul horizon de développement.

En promulguant le Code de commerce de 1807, Napoléon a été l’instigateur,


conscient ou inconscient, de la mise en place du principe mafieux et
profondément hostile au développement humain qui régit aujourd’hui l’ordre
juridique international. Il convient donc de revenir sur cet évènement, qui a
mis en œuvre une bien malheureuse technique juridique.

Le droit des sociétés disparaîtra, il sera unifié autour du concept juridique


nouveau « d’entreprise ». Le fonctionnement de l’entreprise telle que
nouvellement conçue sera transparent et rendra à l’entreprise son sens en
termes d’utilité sociale7. Ce droit nouveau sera initié autour de la théorie
juridique de l’entreprise que j’ai moi-même élaborée à l’occasion de mon
travail de thèse8.

2) Détermination des contours du nouveau « droit commun »

Le droit pénal sera conçu comme faisant partie du droit commun. Toutefois,
la responsabilité pénale restera un champ indépendant du droit civil. La
première branche du droit commun est civile tandis que sa deuxième
branche est pénale.

La responsabilité de droit commun (dans ses dispositions civile et pénale)


des membres du gouvernement ainsi que celle des membres des corps
intermédiaires sera identique à celle de tout administré, aucune règle
d’exception ni juridiction d’exception en la matière.

Le « droit commun » devra être codifié en matière contractuelle et de


responsabilité. Le droit commun comprendra également une partie consacrée
à la gestion des biens communs, qui sont des biens utiles à l’ensemble de la
collectivité.

D’une façon générale, le « droit commun » sera un corpus de textes


regroupant les thèmes de la responsabilité, civile et pénale, des contrats, des
biens, du droit de la famille, du droit de la santé, etc.

En matière contractuelle et de responsabilité

Dans la nouvelle conception du « droit commun », les droits autonomes,


qu’ils soient conçus en opposition au droit commercial comme le droit
social, ou qu’ils soient indépendants comme l’est le droit administratif,
disparaîtront en tant que tels.
Il devra, par une œuvre de réelle codification, être élaboré un droit
contractuel unique, quelle que soit la nature civile, commerciale,
administrative ou sociale du contrat ; ce type de qualification perdant
désormais tout sens. De cette façon, le contrat de travail, quelle que soit sa
qualification de droit public ou privé, sera réintégré dans le droit commun
des contrats synallagmatiques.

Il en ira de même en matière de responsabilité : une codification du droit


unifiera les règles régissant la responsabilité civile dans tous les domaines :
civils, commerciaux ou administratifs.

D’une façon générale, en matière contractuelle et de responsabilité, le droit


administratif rentrera dans l’ordre du droit commun. Les particularités fines
seront régulées, au cas par cas, par la jurisprudence. Si le droit administratif
conserve certaines spécificités, il n’en reste pas moins vrai que l’évolution
générale de ce droit en matière de contrat et de responsabilité tend, pour une
large part, à converger avec les principes issus du droit civil. Il est en
conséquence possible d’analyser les confluences de ces droits de façon à
réintégrer (dans les domaines contractuels et de la responsabilité) de très
larges pans du droit administratif dans le droit commun.

Le statut juridique des « biens publics » et autres équipements d’utilité


publique

Les biens susceptibles d’être utiles, à un titre ou à un autre, à un moment ou


à un autre, à un quelconque membre de la collectivité sont qualifiés de
« biens publics ». Ils comprennent, en particulier, tous les biens
d’équipements lourds (infrastructures de transport, d’approvisionnement
énergétique, etc.) utiles au développement de la collectivité.

Ces « biens publics » disposeront d’un statut juridique nouveau qui rendra
impossible leur appropriation par des personnes privées. Ils seront gérés par
le gouvernement pour la collectivité des utilisateurs, sans autre distinction
d’appartenance.

Du point de vue du régime juridique, ces biens – qui représentent une valeur
collective ‒ ne feront l’objet d’aucun paiement ni d’aucune redevance
d’aucune sorte, pour leur utilisation. Ces biens seront financés et entretenus
par la création monétaire telle que nous la décrirons prochainement à
l’occasion du 4e et dernier article de cette série consacrée aux institutions.

C) Le contentieux juridictionnel est délégué par le gouvernement, qui


conserve un droit de regard en dernier recours

En matière juridictionnelle, le contentieux, délégué à des juridictions, restera


contrôlé par le gouvernement. En tant que détenteur de la souveraineté
étatique, le gouvernement choisira en toute indépendance les juridictions
supranationales qu’il accepte de reconnaître.

1) Une justice contrôlée par le gouvernement

Nous décrirons les grandes lignes de la nouvelle organisation territoriale


avant de mentionner le recours en équité devant le gouvernement.

Nouvelle organisation territoriale et fonctionnelle de la justice

La justice sera organisée de façon territoriale, dans un contexte régional, en


trois degrés de juridiction.

Seront ainsi conservées les grandes lignes de l’organisation actuelle en TGI


(Tribunal de Grande Instance) avec une Cour d’appel par région. De la
même façon, l’organisation territoriale en matière pénale sera conservée.

La Cour de cassation sera conservée au niveau national afin d’assurer


l’unification de l’application de la règle de droit.

Les juges seront nommés par le gouvernement. Ils seront choisis, pour
chaque litige, de façon à éviter les conflits d’intérêts. En particulier lorsque
les litiges auront une nature commerciale ou pénale, les juges seront
soigneusement sélectionnés de façon à éviter tout conflit d’intérêts (voir la
description ci-dessous concernant l’impartialité des juges).

La contestation du choix des juges y compris la question des récusations


(voir ci-dessous) pourra être portée devant la Cour de gouvernement.

La fonction contentieuse du Conseil d’État disparait. Les litiges seront


désormais jugés par la juridiction de droit commun. En matière contentieuse
sera donc opérée une fusion des ordres administratifs et judiciaires. Le
Conseil d’État avait été créé par Bonaparte en 1799 sous le régime politique
du Consulat dans un contexte où, la Révolution ayant fait son œuvre, la
fonction de justice échappait au gouvernement. Dans ce contexte, la fonction
contentieuse du Conseil d’État répondait au besoin du gouvernement de
conserver le contrôle de la justice applicable à ses membres ainsi que celle
relative à l’application de la réglementation qu’il édictait. L’édification du
nouvel ordre politique (nouveau régime politique) rend au gouvernement les
pouvoirs de gouverner que le principe de la séparation des pouvoirs lui avait
artificiellement retirés. Le gouvernement ainsi en mesure de gouverner, il est
de première importance de lui retirer la possibilité d’être à la fois juge et
partie à l’occasion des litiges. Le droit commun s’appliquera au
gouvernement dans son aspect matériel (droit commun) et dans son aspect
organisationnel (organisation juridictionnelle).

La fonction consultative du Conseil d’État disparaît, car elle sera


intégralement réintégrée dans les prérogatives législatives du gouvernement.

Il appartiendra au gouvernement nouvellement élu d’instituer une formation


spéciale dont la mission sera de mettre « le droit positif » en conformité avec
les nouvelles règles institutionnelles. Il devra en particulier veiller à mettre
en œuvre une vaste entreprise de codification du droit commun (en veillant à
ce que les nouvelles règles respectent le droit naturel) ainsi qu’à réorganiser
la fonction juridictionnelle en fonction des grandes lignes ci-dessus décrites.

Le tribunal des conflits disparaît.

De façon transitoire et jusqu’à la mise en place de la nouvelle codification,


certaines spécificités liées à l’actuelle organisation institutionnelle seront
conservées.

Ainsi, il devra être créée une juridiction spécialisée dans les fraudes et délits
monétaires et financiers. Cette juridiction particulière sera instituée en
première instance au sein de chaque TGI ainsi qu’au sein de chaque Cour
d’appel régionale.

En première instance seulement seront instituées des formations spécialisées


en matière pénale, administrative, commerciale ainsi qu’une formation
spécialisée en matière de lien de subordination dans la pratique
professionnelle. Le niveau d’appel sera indifférencié, aucune formation
spéciale ne siègera au second degré de juridiction.

Le recours en équité devant le gouvernement en ultime ressort

La fonction de justice, déléguée par le gouvernement à des juridictions


autonomes, reste néanmoins sous le contrôle du gouvernement. Ce dernier
pourra en conséquence, en ultime ressort, juger « en équité » certaines
affaires. Une fois que le litige aura effectué le parcours normal devant
chacun des degrés de juridiction, et dans les cas où il restera un doute
sérieux quant à l’équité de la décision de justice obtenue, les parties au litige
conserveront la possibilité de saisir, dans un ultime recours, le gouvernement
qui statuera « en équité ».

La pertinence de cette saisine du gouvernement (pour jugement en équité)


sera appréciée par une formation spéciale du gouvernement, laquelle sera
également la formation de jugement « en équité ». Le gouvernement aura la
charge d’élaborer en son sein une telle formation de jugement.

Mise en œuvre de la garantie d’impartialité des juges vis-à-vis des


individus et des intérêts concernés par le litige

La garantie d’impartialité des juges sera mise en œuvre par l’ouverture à


toute personne disposant d’informations pertinentes liées à la cause en
jugement, d’une possibilité de récusation des juges à tout moment de
l’instruction, ou pendant le jugement de l’affaire, en 1ère instance comme en
appel.

La récusation est prononcée par le gouvernement en cas de suspicion


légitime ou en cas d’existence d’un faisceau concordant d’indices laissant
présager l’existence d’un conflit d’intérêts.

La formation du gouvernement statuant « en équité » sera compétente pour


décider de la récusation des juges.

2) Disparition de la reconnaissance par le gouvernement de toutes


les juridictions supra-étatiques
La compétence gouvernementale en matière de justice est une compétence
réservée et exclusive ; elle est indissoluble de la souveraineté.

Au nom de la souveraineté étatique, chaque gouvernement décidera, au cas


par cas, des juridictions internationales qui seront reconnues sur son
territoire. Cette reconnaissance pourra être générale ou partielle, permanente
ou temporaire.

En raison de la souveraineté étatique dont le gouvernement est le dépositaire,


aucun traité international signé en la matière par les précédents
gouvernements ne pourra lui être valablement opposé.

D) Contestation de la loi ou de l’organisation de la police, de l’armée ou


de la fonction monétaire

Les questions relevant des domaines monétaires, de la justice, de la police et


de l’armée sont de la compétence exclusive et réservée du gouvernement
(établi selon le nouveau régime politique). Aucun de ces domaines ne peut
être automatiquement délégué à une autorité extérieure ou étrangère.

En raison des nouvelles prérogatives et missions du gouvernement, les


traités internationaux signés par les gouvernements antérieurs en matière
monétaire ainsi que dans les domaines de la police ou de l’armée (tels que
l’OTAN par exemple) ne lui seront pas opposables de façon automatique.
Cette règle s’applique dans les mêmes conditions pour le domaine de la
justice (voir ci-dessus).

Seuls les administrés sont compétents pour agir en contestation de la loi ou


de l’organisation, par le gouvernement, de ses fonctions régaliennes (les
services de police, l’armée ainsi que la fonction monétaire). Aucune instance
ou organisation internationale, officielle ou officieuse, ne sera recevable à
agir dans ces domaines.

Toute contestation portant sur les travaux législatifs du gouvernement ou sur


ses missions d’organisation de la police, de l’armée ou de la fonction
monétaire par un ou plusieurs corps professionnels ou par un certain nombre
d’administrés devra être portée devant une formation particulière composée
de personnalités disposant de compétences sur la question litigieuse.
Le contentieux impliquant le travail du gouvernement ne fera pas l’objet, à
strictement parler, d’une justice retenue : ce contentieux sera traité de façon
à ce que le gouvernement ne soit pas seul juge et partie. Ce contentieux
relèvera de juridictions autonomes composées à la fois de membres du
gouvernement et de personnalités issues des corps intermédiaires ; elles
seront décrites ci-dessous.

1) Le contentieux législatif sera porté devant une Cour législative

Le contentieux législatif est susceptible, en dernier recours, d’entraîner la


démission du gouvernement par la demande d’un nombre défini de corps
intermédiaires issus des trois grandes catégories.

Toutefois, avant d’en arriver à cette extrémité, le contentieux législatif devra


être discuté et éventuellement résolu par une juridiction particulière
composée, à parité, des membres du gouvernement ayant travaillé sur la ou
les lois litigieuses et de membres des trois grandes catégories de corps
intermédiaires.

Cette juridiction sera composée de trois membres du gouvernement et d’un


représentant par grande catégorie de corps intermédiaires.

Ces membres sont désignés de façon temporaire, ils sont susceptibles de


changer en fonction de chaque litige. Par ailleurs, ces membres seront
susceptibles de changer en cours de discussion d’un même litige. Il en
résulte qu’en matière de contentieux législatif, le gouvernement et les corps
intermédiaires doivent s’organiser de façon à ce que plusieurs personnes
soient informées de chaque litige. En d’autres termes, chaque domaine
technique particulier susceptible de donner lieu à un litige futur doit être
suivi par plusieurs personnes au sein du gouvernement ainsi qu’au sein des
corps intermédiaires.

S’agissant des corps intermédiaires, les différentes personnalités habilitées à


traiter du litige devront appartenir à chacune des trois grandes catégories.

Le président de la Cour législative sera soit un membre du gouvernement


soit un représentant des corps intermédiaires. La présidence sera pérenne
pour chaque contentieux. Elle sera modifiée pour les contentieux suivants.
Le représentant de chaque grande catégorie de corps intermédiaire sera
successivement porté à la présidence de la Cour législative.

Les membres de la Cour législative étant en nombre pair, le président aura


une voix prépondérante à la fois au cours des débats et dans la décision
finale.

2) Le contentieux lié à l’organisation et à la gestion par le


gouvernement de ses missions générales (justice, police, armée et
monnaie) sera porté devant une Cour de gouvernement

Comme en matière de contentieux législatif, le contentieux lié à la mission


du gouvernement est susceptible, en dernier recours, d’entraîner la
démission du gouvernement par la demande d’un nombre défini de corps
professionnels issus des trois grandes catégories.

Toutefois, afin d’éviter une instabilité gouvernementale il convient de


prendre des mesures intermédiaires. Dans ce contexte, le contentieux lié à
l’organisation et à la gestion par le gouvernement de la justice, des services
de police, de l’armée et de la monnaie devra être porté devant une Cour de
gouvernement.

Cette Cour sera composée de neuf membres : trois membres du


gouvernement, trois membres du service public concerné et un représentant
par chaque grande catégorie de corps intermédiaires.

Le président de la Cour sera, à tour de rôle, soit un membre du


gouvernement, soit un membre du service public concerné par le litige. Le
président aura voix prépondérante dans les débats ainsi que dans la décision
finale.

La présidence sera pérenne pour chaque contentieux ; elle changera à


l’occasion du contentieux suivant.

Septembre 2017

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/de-nouvelles-institutions-pour-un-nouveau-
depart-pour-renouer-avec-le-concept-de-civilisation-34
Notes
1 J’ai déjà mentionné cet aspect des choses en introduction du volume Du
nouvel esprit des lois et de la monnaie, cit., voir pages 18 et 19.
2 Cf. http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-
global-47-geopolitique-des-paradis-fiscaux ; également
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-67-
geopolitique-entreprise-capitalistique-12
3 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_sur_l%27accaparement
4 Cf. par exemple https://rives.revues.org/100
5 Lire à ce propos http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-
economique-global-57-entreprise-bancaire-linstrument-juridique-du-
desordre-politique-global
6 A cet égard, lire par exemple :
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/capsules/histoire_bleu06.html ; ou encore
http://secouchermoinsbete.fr/27937-lexperience-inhumaine-defrederic-ii-de-
hohenstaufen ; les expériences en ce sens sont innombrables et vont toutes
dans le même sens : celui de la nécessité impérative des liens sociaux pour le
développement normal du cerveau.
7 À ce propos, lire http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-
economique-global-67-geopolitique-entreprise-capitalistique-12
8 Pour une première approche de ce travail, lire
http://lesakerfrancophone.fr/decryptage-du-systeme-economique-global-67-
geopolitique-entreprise-capitalistique-22
De nouvelles institutions pour un nouveau départ
4/4

Aucune économie réelle ne peut survivre à la pratique systématique des taux


d’intérêt. En effet, appliquée à l’argent, cette méthode de pourcentage en
fonction du temps a pour effet d’augmenter exponentiellement la richesse
dont dispose le prêteur de dernier ressort. C’est le phénomène des intérêts
composés. Chaque année, les intérêts reçus diminués des coûts de structure
sont ajoutés au capital à prêter. Si cette somme représente 1 % du capital, il
double en 70 ans. Mais si elle représente 15 %, le doublement s’effectue en 5
ans. Peu importe l’échelle de temps, à la fin, c’est toujours diabolique.

Rénovation monétaire

De nouvelles institutions pour un nouveau départ et pour renouer avec le


concept de civilisation

Introduction : De l’utilité sociale de la monnaie

Le renouveau de l’État suppose, nécessairement, un renouvellement du


concept de monnaie ; plus précisément, le retour à un État politiquement sain
doit être accompagné du retour à une monnaie politiquement saine. La
monnaie telle qu’actuellement conçue a été dévoyée : du service public
initial, consistant à fluidifier les échanges commerciaux, elle est devenue,
depuis trop longtemps, une marchandise susceptible d’accaparement. Tant
que la conception monétaire restera sous le joug des banquiers, elle restera
un bien accaparé et ne pourra pas remplir son objectif de fluidification des
échanges.

La raison d’être de la monnaie, la cause de sa création est politique, la


monnaie est en réalité une institution publique et non un bien. En tant
qu’institution publique elle doit être gérée par un gouvernement politique
légitime ; sa caractéristique d’institution la rend non susceptible
d’accaparement, y compris par l’État. Pour pouvoir remplir utilement son
rôle de facilitateur d’échange, la monnaie doit impérativement être gérée par
une entité politique légitime dont la fonction est de prendre en compte tous
les intérêts présents dans le groupe politique concerné. Nous sommes
aujourd’hui, au niveau mondial, dans la situation dans laquelle quelques
grands propriétaires de banques internationales ont capté l’exclusivité de la
gestion monétaire qu’ils utilisent dans leur seul intérêt : celui de
l’accaparement généralisé de tous les biens matériels et immatériels de ce
monde afin d’aboutir à la mise en place d’un gouvernement mondial
uniforme et dictatorial.

D’un point de vue civilisationnel, le renouveau institutionnel et monétaire


que nous proposons aura pour effet direct et immédiat la suppression du
droit de nuire, aujourd’hui irrémédiablement attaché à la détention d’avoirs
monétaires, capitalistiques et matériels.

Ce droit de nuire, attaché à l’argent et à la possession, est désormais élevé


officieusement mais réellement au rang de principe supérieur de l’État
moderne. Le renouveau étatique que nous proposons, en tant qu’il remet la
capacité collective à vivre en commun au centre des institutions,
s’accompagne nécessairement d’une remise en cause de la conception
monétaire.

Nous déterminerons à l’occasion de cet article (quatrième et dernier texte de


cette série consacrée aux institutions) de quelle manière la monnaie doit être
émise ainsi que les conditions de sa circulation. Rappelons que cette analyse
est fondée sur le fait que la monnaie est, par nature, une institution et non
une marchandise et qu’à ce titre l’émission et la gestion monétaire
appartiennent de plein droit à un gouvernement politique légitime. En effet,
la monnaie est un moyen fondamental permettant de garantir la sérénité dans
les rapports sociaux, elle est un moyen d’assurer la justice et la sécurité de
chacun dans une organisation collective.

La monnaie est le reflet de la situation interne de l’État dont elle est


originaire
Il faut, avant toute chose, faire le constat selon lequel aujourd’hui les
échanges ne sont plus fondés sur une confiance positive mais sur la capacité
de nuisance des uns et des autres (armes disponibles, guerre économique,
manifestations d’agressivité…). Pour rétablir cette confiance, il faut rétablir
l’intégrité politique des États et de leur monnaie en tant que facilitateur
d’échanges.

Afin de rétablir cette fonction monétaire, il importe en premier lieu de faire


le constat selon lequel, fondamentalement, la monnaie doit être le reflet de
l’État qu’elle représente. Le biais intellectuel et cognitif est de faire de la
monnaie le reflet de la seule situation économique conjoncturelle de l’État ;
ce qui est, globalement, le cas aujourd’hui. Il est tout à fait réducteur et
fallacieux de résumer la tonicité d’un État à sa ou ses composantes
économiques conjoncturelles. Un État est une institution dynamique qui doit
se percevoir dans le temps, en plus d’être perçu dans un espace délimité. Or
le temps n’est absolument pas reflété par la seule prise en compte d’une
situation économique conjoncturelle.

Ce qui fait le dynamisme d’un État, bien au-delà de la seule situation


économique conjoncturelle, est sa capacité d’évolution, sa capacité à innover
et à percevoir sereinement l’avenir. Pour apprécier la réelle capacité de
développement d’un pays, l’état physique, psychologique et moral de ses
ressortissants a beaucoup plus d’importance qu’une situation économique
conjoncturelle ou même que la détention ou possession de matières
premières, quelles qu’elles soient. Ce constat ayant déjà été fait au niveau
international, il ne reste donc plus qu’à le mettre en œuvre.

Nous proposons ici d’adosser la perception des capacités de l’État sur des
indicateurs radicalement différents des PIB/PNB, extrêmement contestables
et actuellement en usage. Cette démarche revient à mettre en œuvre une
nouvelle méthodologie d’adossement de la monnaie. En d’autres termes, les
nouveaux indicateurs qui permettront d’apprécier la santé d’un État
permettront par la même occasion d’apprécier la valeur de sa monnaie et, par
voie de conséquence, de comparer les valeurs respectives des différentes
monnaies appartenant aux différents États.

1) Le renouveau des méthodes d’appréciation de la santé d’un État


(pays) permettra de déterminer la valeur de sa monnaie
Au premier abord, il apparaît assez clairement que les pays fortement dotés
en or risquent de s’opposer à cette vision des choses. Néanmoins, nous
invitons d’ores et déjà ces pays à réfléchir à l’avenir. D’une part, l’or est
disponible en quantité trop faible pour répondre aux réels besoins de
développement de tous les pays du monde. D’autre part, le système fondé
sur l’or est parfaitement réducteur en tant qu’il est adossé à une unique
matière première. D’autres pays pourraient décider d’adosser la valeur de
leur monnaie sur le gaz, sur le charbon, sur l’uranium ou sur telle et telle
ressource naturelle, pierres précieuses ou terres rares dont ils disposent le
plus abondamment. La diversité des sources de richesses en termes de
matière première autorise en théorie les États à adosser leur monnaie sur la
richesse naturelle dont ils disposent le plus. Cette variété dans les matières
premières en tant que source exclusive d’adossement de la monnaie rendra
conceptuellement difficile une comparaison des monnaies entre elles (par
exemple : les diamants ont-ils objectivement plus de « valeur » que les
« terres rares » ou que le « gaz » ? [ce type de questionnement se déclinant à
l’infini] ; et ce d’autant plus que le stock de matière première disponible
exploitable est, par essence, amené à diminuer.

D’une façon générale, adosser la valeur d’une monnaie à des ressources


naturelles n’est pas, à terme, une option sérieuse.

Premièrement, ces ressources viendront, à terme, inéluctablement à


manquer.

Deuxièmement, la confiance qui est un attribut essentiel du signe monétaire,


à défaut de laquelle ce signe ne peut pas remplir son rôle de facilitateur
d’échanges, est antinomique avec le fait d’adosser la valeur de la monnaie
sur un bien marchand, dans le commerce, par essence, susceptible
d’accaparement. Car l’accaparement de la matière induit un accaparement du
signe monétaire : ce qui est incompatible avec la neutralité dont doit être
doté ce signe afin d’inspirer respect et confiance à tous ses utilisateurs. Il est
tout à fait inadapté et dangereux [comme nous le voyons actuellement] de
mettre la valeur du signe monétaire dans les mains des accapareurs.

Troisièmement, les échanges internationaux de biens ou de services sont,


d’une façon générale, devenus trop nombreux pour être valablement adossés
à une ou plusieurs matières premières. D’autant plus que certains pays du
monde tirent aujourd’hui l’essentiel de leurs PIB des services1.
Conceptuellement, il est aberrant de valider la valeur de services, biens
immatériels, par rapport à une monnaie adossée sur de seules matières
premières ; cela revient à comparer des choux et des navets.

Quatrièmement, la détention d’un stock d’or ou de toute autre matière


première ne reflète pas le dynamisme d’une société, et encore moins sa
santé.

Cinquièmement, d’un point de vue technique, l’or, l’argent, comme tout


type de matière première, sont par essence peu fluides : un État peut ne pas
disposer des quantités nécessaires à son fonctionnement au moment précis
où il en a besoin, et se trouver quelque temps plus tôt, ou plus tard, en
situation avoir un excès de telles ou telles matières premières, qui lui sont
alors temporairement inutiles. Nous proposons ci-après un panier
d’indicateurs susceptibles de valider la santé d’un État et, corrélativement, la
valeur de sa monnaie. Ces indicateurs devraient être revus et suivis de façon
mensuelle afin d’avoir la vision la plus juste possible de la santé réelle de
l’État :

•nombre d’échanges de biens matériels/immatériels

•nombre d’échanges de services/payants et gratuits

•nombre de services différents échangés

•nombre de biens différents échangés

•pourcentage des échanges de premières nécessités [survie : logement –


nourriture ‒ énergie pour se chauffer, se nourrir, communiquer, se
déplacer…] par rapport au nombre total d’échanges

•pourcentage des échanges superflus/de confort par rapport au nombre


total d’échanges

•taux de consommation de tranquillisants et autres psychotropes


[alcool, drogues légales et illégales confondues] ; plus ce taux est
important, moins un État est dynamique
•taux d’actes violents dans la population => prise en compte de la
croissance ou de la décroissance de ce taux sur les 5 dernières années
pour obtenir une appréciation de l’amélioration ou non de la situation

•taux de pollution de l’environnement [sols, air, eaux…]

•suivi de l’évolution du nombre des maladies graves avec et sans


déterminants génétiques ; l’évolution de ce nombre doit faire l’objet
d’un suivi gouvernemental et être corrélée aux modalités d’exploitation
de l’environnement et de leurs éventuelles modifications

•types des ressources [matières premières] disponibles sur le territoire

•taux d’alphabétisation et de capacité calculatoire à 10 ans, 15 ans et 20


ans

•appréciation qualitative et quantitative du niveau d’instruction


supérieure : nombre de diplômés par niveau de diplômes, variété des
apprentissages proposés, niveau de verrouillage des apprentissages en
fonction de dogmes [qui interdit une correcte évolution de ces
apprentissages]

2) Les modalités de circulation et de contrôle comptable de la


monnaie par le gouvernement légitime

A) LA QUESTION DES INTÉRÊTS

Le concept d’intérêt est formalisé comme un pourcentage de la masse prêtée


sur le modèle d’un vendeur qui calcule son prix de vente comme une
proportion de son prix d’achat. L’intérêt se présente comme un bénéfice du
banquier qui se prétend fallacieusement « loueur » d’argent, alors qu’il ne se
prive de rien pour mettre à disposition de l’emprunteur l’argent qu’il a créé
« ex nihilo », donc gratuitement, pour l’occasion. Le contrat de prêt tel
qu’actuellement pratiqué par les banques est donc fondé, « ab initio », sur un
vice du consentement de l’emprunteur qui commet une erreur en croyant que
la somme prêtée existe. Dans la mesure où les prêts fondés sur une somme
d’argent préalablement inexistante sont faits de façon normale et habituelle,
on pourrait dire qu’il existe, vis-à-vis des crédits bancaires, une présomption
irréfragable de vice du consentement des emprunteurs.
Beaucoup plus grave encore, la simplicité du procédé des intérêts recèle une
dramatique explosion mathématique.

Aucune économie réelle ne peut survivre à la pratique systématique des taux


d’intérêt. En effet, appliquée à l’argent, cette méthode de pourcentage en
fonction du temps a pour effet d’augmenter exponentiellement la richesse
dont dispose le prêteur de dernier ressort. C’est le phénomène des intérêts
composés. Chaque année, les intérêts reçus diminués des coûts de structure
sont ajoutés au capital à prêter. Si cette somme représente 1 % du capital, il
double en 70 ans. Mais si elle représente 15 %, le doublement s’effectue en 5
ans. Peu importe l’échelle de temps, à la fin, c’est toujours diabolique.

Dans le cas de la vente d’un produit, le procédé d’établissement du prix de


vente en rapport fixe avec le prix d’achat ne peut pas entraîner d’explosion
parce que la quantité de produits disponibles limite le processus. Il ne peut
donc pas être exponentiel. Mais dans le cas de l’argent, il n’y a aucun de ces
intermédiaires qui consomment du temps ou des matières premières. Il n’y a
que l’argent avec l’argent : rien n’intervient pour fixer des limites, et
l’explosion est inévitable. Mais elle ne profite qu’à un très petit nombre de
personnes, car toutes les autres contribuent à l’alimentation de la masse des
intérêts, soit directement par leurs emprunts, soit indirectement par la masse
d’intérêts payée par les producteurs et incluse dans les prix d’achat des
marchandises. Au final, c’est un gigantesque transfert d’argent à une infime
minorité de la part de la totalité des autres. Et cela se termine dans notre
système par l’accaparement des actifs par un très petit nombre
d’hypercapitalistes.

De surcroît, la pratique des intérêts oblige les emprunteurs à payer plus


qu’ils n’ont reçu, ce qui les entraîne à produire toujours plus et à accroître
davantage leur pression sur les ressources naturelles et humaines. La
pratique des intérêts est de ce fait l’une des principales causes de la
dégradation de notre planète et de la société. Les nécessités de la transition
vers une économie plus frugale en énergie vont obliger les économistes
« mainstream » à revoir leur doctrine. Espérons que cet article saura les
inspirer.

B) PROPOSITION POUR UNE NOUVELLE PRATIQUE


BANCAIRE (IDÉALE)
La pratique idéale de la banque implique d’abandonner le concept d’intérêt.
Pour y parvenir, et compte tenu de la domination mondiale du modèle
marchand sur l’institution monétaire, il existe de multiples stratégies
possibles dans un pays donné. La principale difficulté étant d’isoler le
système monétaire reconquis par l’État au profit du peuple dont il a la
charge.

Rappelons ici les éléments structuraux qui forment un ensemble de relations


constitutives faisant de la monnaie moderne toujours « un entre-deux », à
plusieurs titres :

•sur l’axe horizontal, la monnaie est un actif-passif, et jamais un actif


pur. Le passif d’une monnaie est ce qui circule, ce qui véhicule. L’actif
d’une monnaie est actuellement dans la quasi-totalité des cas un prêt,
mais il peut être aussi une réserve d’or, et nous ajoutons un bien
collectif, un bien territorial, un bien ou un service en cours de
production, lesquels doivent être valorisés selon une courbe adaptée
retraçant leurs valeurs en accroissement ou en diminution en raison des
réévaluations et de l’amortissement.

•sur l’axe vertical, la monnaie est nécessairement émise par une entité
radicalement différente des entités utilisatrices, parmi lesquelles l’État
lui-même. Quand ce principe n’est pas respecté, on aboutit à une
situation comme celle qui a prévalu à partir de 1791 en France avec les
assignats de la Révolution.

De plus, il faut que l’entité émettrice soit pourvue de tous les attributs de la
souveraineté, et que la mise en œuvre de ses services ait des effets identiques
pour tous les utilisateurs mis en situation d’égalité de traitement.

La mise en application d’un tel paradigme conforme à la réalité de ce qu’est


toute monnaie contemporaine passe par l’existence de deux banques
publiques, où les corps intermédiaires évoqués dans les articles précédents
doivent avoir une représentation et des pouvoirs à exercer :

Un premier pas vers la fin de la pratique actuelle de l’intérêt serait une


banque publique d’investissement, émettant une monnaie qui n’aurait cours
que sur un territoire précis. Elle ne serait pas convertible, et ne procurerait
pas d’intérêts, car elle ne serait pas monnaie de crédit, mais « monnaie
d’investissement » : sa contrepartie serait la valeur des sociétés administrant
tous les biens collectifs enregistrés dans le bilan de cette banque publique
spécialisée, qui en serait propriétaire.

Cette monnaie d’un type nouveau ne pourrait alimenter d’inflation, car sa


contrepartie serait la valeur patrimoniale des sociétés dont la banque
émettrice aurait le contrôle2.

La fonction d’une telle monnaie nationale et territoriale serait dans un


premier temps d’assurer gratuitement pour les populations le financement
des investissements collectifs marchands et non marchands d’un territoire
donné (ce qui dans les conditions actuelles, n’est plus possible). Il s’agira de
prendre en charge par simple émission monétaire, l’investissement, la
maintenance et le fonctionnement des infrastructures permettant les services
publics de base dans les domaines de la culture et de l’information, des
administrations publiques, de l’enseignement et de la recherche, de la santé
publique, de l’énergie, de l’alimentation produits sur les terres collectives, de
l’habitat social national, des réseaux de distribution d’eau et d’énergies, des
transports collectifs et des autres infrastructures lourdes de tous ordres.

Les deux principes d’hétérogénéité et de hiérarchie seraient ainsi respectés.


La banque d’investissement serait bien distincte de l’État, et serait l’unique
propriétaire des sociétés administrant les biens collectifs, justement en vertu
de la règle de hiérarchie appliquée à la monnaie qu’elle créerait, pour
permettre aux sociétés de payer leurs investissements, dans un premier
temps, et de les entretenir dans un second temps.

Toutefois, la quantité de cette monnaie territoriale devrait être


soigneusement contrôlée par des retraits corrélés aux courbes résultantes à la
fois des incorporations, des réévaluations et des amortissements à long
terme, et donc sa valeur officielle pourrait être fixée régulièrement, par
exemple deux fois par an. Tant que rien ne sera fait pour stopper les méfaits
de la spéculation dans le monde des monnaies de crédit, l’attractivité de la
monnaie territoriale ne cessera d’augmenter du fait des crises financières
incessantes que celles-ci génèrent.
Une seconde étape pour se libérer entièrement de l’intérêt serait une banque
publique de crédit, émettant une monnaie convertible selon le panier
d’indicateurs mentionné en première partie de cet article. Une telle évolution
nécessite une importante réforme des méthodes de change et de leur
comptabilisation. C’est aussi la condition sine qua non pour qu’une telle
monnaie soit libérée de la pratique de l’intérêt. Mais pour que les solutions
préconisées dans cet article se mettent en place, il est impératif qu’un certain
nombre de pays aux économies complémentaires adoptent de concert le
nouveau paradigme.

Dans le cas contraire, il existe cependant des solutions juridiques par


lesquelles ces monnaies nouvelles pourraient circuler concurremment aux
monnaies actuelles : la transparence de la monnaie revisitée par la théorie
structurale permettrait de la faire gérer par les banques commerciales
actuelles sous forme scripturale, ou électronique. Compte tenu de leurs
avantages intrinsèques, ces monnaies telles que nouvellement conçues
finiraient tôt ou tard, au bout de quelques années, par devenir les monnaies
principales dans chaque pays qui aurait opté, même partiellement, pour elles.

Par Valérie Bugault et Jean Rémy - Octobre 2017

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/de-nouvelles-institutions-pour-un-nouveau-
depart-pour-renoueravec-le-concept-de-civilisation-44

Notes
1 Cf. http://www.medias-presse.info/un-monde-de-services/78341/
2 Cette particularité distingue radicalement cette proposition de celle
exposée par Philippe Derudder et André-Jacques Holbecq dans leur ouvrage
Une monnaie nationale complémentaire paru en 2011 aux Editions Yves
Michel, où il est question d’une monnaie sociétale complémentaire (appelée
UMS, unité monétaire sociétale) qui serait, à l’image de la monnaie
dominante, également une monnaie de crédit, avec un fort potentiel
inflationniste, et réservée à des entreprises à mandat sociétal.
Les pièges du débat sur les évolutions
historiques de la Res Publica

Avec l’avènement des républiques du XVIIIe siècle, la domination par, d’un


côté l’aristocratie, et, d’autre part le clergé catholique, a laissé la place, sous
couvert de « bien public », à la domination de la seule caste de la
bourgeoisie, menée par les banquiers commerçants. Pour résumer, une
domination bicéphale a laissé la place à une domination monocéphale, dont
nous voyons aujourd’hui l’aboutissement. Or, cette domination des
banquiers commerçants est restée anonyme, elle s’est hypocritement cachée
en arrière.

Cet article est une réponse à l’article de Jacques Sapir « Les débats sur
la souveraineté révélés par les évolutions des représentations de la Res
Publica »

Cet article se veut un commentaire critique de l’article de Jacques Sapir


commentant un ouvrage de Madame Claudia Moatti, professeur
« d’histoire intellectuelle », qui traite de « l’évolution de la chose
publique, de la Res Publica dans le monde romain »… c’est-à-dire des
interprétations de la notion de « chose publique mais aussi des notions de
légitimité et de droit ». Le présent article ne commentera pas ledit
ouvrage, que l’auteur n’a pas lu, mais se revendique en tant que critique
constructive à la présentation de cet ouvrage faite par Jacques Sapir.

Il est en effet intéressant, et sans doute non contestable, de savoir que le


concept de « Res Publica » a subi, au temps de la Rome antique, de sérieuses
variations tant quantitatives que qualitatives.

Néanmoins, ce genre d’analyse comporte, en particulier lorsqu’elle est mise


en parallèle avec les temps républicains actuels, un biais intellectuel et
cognitif. Une telle mise en perspective historique du concept de république a
pour effet direct de tronquer les débats institutionnels en les enkystant
définitivement autour du seul concept de République, avec, en arrière-fond,
l’idée que la République instaurée en 1789 est incontournable.
Or, précisément, les républiques du XVIIIe siècle ne sont pas nées par
hasard ou par la simple nostalgie des temps antiques. Les républiques du
XVIIIe siècle sont nées de la volonté d’une nouvelle caste dominante, celle
de la bourgeoisie menée par les banquiers, de prendre le pouvoir politique à
un ordre ancien dominé par l’aristocratie et le clergé.

Il est ici impératif de constater que l’ordre politique de l’Ancien Régime


était donc, tout imparfait qu’il était, fondé sur deux forces de valeur quasi
égale et qui se faisaient face ; ces deux pouvoirs agissaient comme un
contre-pouvoir l’un sur l’autre, libérant au passage un espace public libre.
C’est justement sur cet espace de liberté qu’a pu se développer la
bourgeoisie commerçante et financière.

Or, avec l’avènement des républiques du XVIIIe siècle, la domination par,


d’un côté l’aristocratie, et, d’autre part, le clergé catholique, a laissé la place,
sous couvert de « bien public », à la domination de la seule caste de la
bourgeoisie, menée par les banquiers commerçants. Pour résumer, une
domination bicéphale a laissé la place à une domination monocéphale, dont
nous voyons aujourd’hui l’aboutissement. Or, cette domination des
banquiers commerçants est restée anonyme, elle s’est hypocritement cachée
en arrière :

1.des institutions politiques organisées autour du principe de « mandat


représentatif » ;

2.de belles pétitions de principe telles que la revendication de la liberté


pour tous, alors qu’il s’agissait principalement de la liberté du
commerce… de la libre concurrence qui bénéficie au bien commun, en
oubliant de préciser qu’en système concurrentiel, seuls les plus forts
s’en sortent… Alors précisément que les critères de détermination « des
plus forts » étaient fondés sur des règles, non dites, d’interprétation
extrêmement flexible : ainsi, acquérir une fortune par malversations,
assassinats et autres vilenies, n’en reste pas moins un signe que l’auteur
de ces méfaits est « le plus fort ». La liberté de laquelle sont nées les
républiques du XVIIIe siècle fait peu de cas de la morale, de la droiture
et de la Justice au profit de ce qui s’apparente juridiquement de facto à
la glorification de la « voie de fait ».
Pour résumer, il faut constater que la liberté proclamée par les républiques
du XVIIIe siècle se cache derrière des institutions politiques fondées sur la
prééminence des Parlements dont les membres sont cooptés par des partis
politiques avant que leur élection ne soit entérinée, sur fond de nombreuses
et très opaques tractations médiatico-politiques, par un public pris en otage.
Ce public – le peuple – étant dans l’incapacité totale et définitive de
sanctionner les actions particulières prises par ses représentants autrement
que quelques années après les faits en votant pour d’autres individus élus
dans des conditions tout aussi fallacieuses et pernicieuses.

Pour parler clairement, les parlements, d’origine anglaise, généralement


déployés dans le monde depuis le XVIIIe siècle ne sont rien d’autre que la
vitrine présentable du fait que le pouvoir politique échoit désormais à des
« partis politiques ». Or, lesdits partis ne peuvent vivre que s’ils sont
financés, ce qui permet aisément aux puissances d’argent d’en prendre le
contrôle. Cette prise de contrôle est d’autant plus aisée que l’accaparement
généralisé des richesses, par ces mêmes puissances d’argent, est atteint.

Ainsi, le retour à l’analyse de la Res Publica des temps antiques ne doit pas
cacher les raisons et le contexte de la naissance des républiques des temps
modernes ! Il est donc impératif, pour éviter toute manipulation
intellectuelle, de rappeler que si l’on peut trouver des points de ressemblance
– notamment dans la terminologie utilisée – entre la Res Publica antique et
les républiques modernes, il faut impérativement garder à l’esprit que les
raisons profondes de la réapparition, en Occident, de la République ne sont
pas tant dues à la nostalgie d’un passé glorieux et libre, plus ou moins bien
interprété et réapproprié, qu’aux contraintes de la prise de pouvoir politique
par une nouvelle caste arrivée à maturité : celle des banquiers commerçants.

7 janvier 2019

Source :
http://lesakerfrancophone.fr/les-pieges-du-debat-sur-les-evolutions-
historiques-de-la-res-publica

DU NOUVEL ESPRIT DES LOIS


et de LA MONNAIE
Les moyens d’une véritable démocratie

Valérie BUGAULT & Jean RÉMY

Préface de Philippe Bourcier de Carbon

SIGEST, EAN 9782917329955


192 p. 17x24cm, 14,95 €

La démocratie est un régime politique dans lequel les grandes décisions sont
prises, sinon par le peuple, du moins dans l’intérêt du peuple et sous son
contrôle. Nous verrons qu’un tel régime est encore plus éloigné des actuelles
républiques parlementaires qu’il ne l’était de l’Ancien Régime. Le pouvoir
politique a, en Occident et depuis le XVIIIe siècle, été confisqué par les
détenteurs du pouvoir économique qui mènent actuellement une guerre tous
azimuts et sans merci aux États et aux souverainetés politiques qui tentent de
résister. Ce processus est arrivé au point où « l’esprit des lois » de
Montesquieu n’est plus reconnaissable et où le droit continental, dicté par
des considérations humanistes, est en passe d’être définitivement balayé au
profit d’intérêts mercantiles formatés selon le droit anglais. Ces intérêts, qui
reflètent la volonté hégémonique des détenteurs de la puissance économique,
tendent logiquement à remettre au goût du jour le principe de l’esclavage
légal. Après avoir analysé qui sont les véritables détenteurs du pouvoir, la
présente étude propose des solutions juridiques et institutionnelles pour
rendre au principe politique la prééminence qu’il est en passe de perdre
définitivement.

LA NOUVELLE ENTREPRISE
Géopolitique de l’entreprise

Valérie BUGAULT

SIGEST, EAN 9782376040118


152 p, 15x21cm, 14,95 €
Alors que le vaste mouvement actuel de prétendue « modernisation du
droit » ne cesse de rabaisser l’État pour le voir disparaître, la modernisation
que nous proposons ici a pour objet de remettre l’État à sa véritable place,
celle d’un garant du bien commun, d’un régulateur des appétits individuels
et catégoriels. Il s’agit, tout simplement, d’appliquer à l’entreprise les
préceptes de séparation des pouvoirs – que les Américains appellent Checks
and Balances – que Montesquieu a, à tort et délibérément, consacrés à
l’organisation politique des États. Si l’État et le pouvoir politique qui le
sous-tend ne doivent pas être dilués, sous peine de perdre leur raison d’être,
le pouvoir économique qui se cache derrière les multinationales a, tout au
contraire, grand besoin de faire l’objet d’une limitation. À cet effet, il
importe d’opérer une distinction juridique entre les différents participants de
l’entreprise et de rééquilibrer les forces en présence afin, dans un second
temps, d’établir clairement les responsabilités de chacun de ces participants.
La théorie juridique unitaire de l’entreprise présentée dans ce livre, sans
nuire aux petites et moyennes entreprises (PME), est de nature à faire
disparaître la puissance politique cachée derrière les « galaxies opaques »
que sont les « groupes économiques ». « L’entreprise nouvelle norme »
rendra au « fait politique » la place qui est, de droit, la sienne et qu’il a
malencontreusement, et depuis trop longtemps, abandonnée au profit du
« fait économique » anonyme.
Ce renouveau juridique de l’entreprise actera un retour de « l’ordre naturel »,
c’est-à-dire d’une organisation politique et sociale viable, compatible avec le
concept de civilisation. Ce nouvel ordre politique rendra, à son tour, possible
un renouveau géopolitique.

DEMAIN DÈS L’AUBE…


LE RENOUVEAU
Synthèse de son livre best seller
« Les raisons cachées du désordre mondial »

Valérie BUGAULT

EAN 9782376040347
SIGEST, 2019, 116 pages, 12x18cm, 9,95 €
Bien que de nature radicale, les évolutions politiques, géopolitiques,
institutionnelles, économiques et juridiques actuelles, passent souvent sous
le radar des analystes, qui ne voient que l’écume des transformations. Les
français, qui perçoivent de façon diffuse la gravité des évènements en cours,
sont limités par leur perception et ne comprennent, trop souvent, pas la
cohérence de long terme des évènements. Car, sur le modèle de la tectonique
des plaques, les modifications auxquelles nous assistons, préparées de
longue date et longtemps restées invisibles, deviennent brutalement
apparentes aux yeux de tous. Privés d’analyses cohérentes sur la durée, les
Français ne disposent pas de réelles armes pour défendre le modèle de
société qu’ils avaient accepté et qui leur est retiré, de façon aussi sournoise
qu’autoritaire. Face à l’apparente inéluctabilité des phénomènes auxquels
nous assistons, une réaction par le rejet est aujourd’hui la seule alternative
politique disponible.
À l’heure des bilans, cette synthèse apporte des clefs de compréhension
systémique que le lecteur curieux pourra utilement compléter par la lecture
du livre Les raisons cachées du désordre mondial qui énumère les conditions
du renouveau civilisationnel. Demain dès l’aube…

© Éditions SIGEST, 2020


EAN : 9782376040408

SIGEST
29 rue Etienne Dolet – 94140 Alfortville – F
courriel : editions@sigest.net
N° Éditeur : 978-2-37604

édition digitale

Mise en page : Varoujan Sirapian

Dépôt légal : 2e trim. 2020


Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions
destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction
intégrale ou partielle faite, par quelque procédé que ce soit, sans le
consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une
contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété intellectuelle.
Table of Contents
index
Préface
PANORAMA ÉCONOMIQUE
Géopolitique des paradis fiscaux
Géopolitique de l’optimisation fiscale
Le combat perdu d’avance de la lutte contre l’optimisation fiscale
L’entreprise bancaire, instrument juridique du désordre politique global
Géopolitique de l’entreprise capitalistique 1/2
Géopolitique de l’entreprise capitalistique 2/2
Géopolitique du concept de propriété privée 1/2
Mises au point techniques sur l’économie
Que peut-on penser de l’appel chinois pour un renouveau du système fiscal
international ?
Géopolitique du libre-échange
Brexit : vraie ou fausse bonne nouvelle ?
Géopolitique du Brexit
LA QUESTION MONÉTAIRE
Géopolitique du système des banques centrales
La disparition des espèces ou la lutte des banquiers contre les libertés
publiques
Les banques internationales contre les États
L’État peut-il résister aux banques ?
La présence d’une banque centrale est-elle compatible avec la souveraineté
étatique ?
Comment et pourquoi le dollar va laisser la place aux DTS comme monnaie
mondiale
De la véritable nature de la monnaie
LA DÉGRADATION DU DROIT
Heurs et malheurs du concept de propriété privée
Géopolitique du concept de propriété privée
Quelques précisions sur les projets de réforme du Code civil français
Les banques pourront ponctionner directement vos comptes bancaires !
La France est-elle réellement un « État socialiste » ?
De la justice étatique à la justice des multinationales pour tous…
Les données dématérialisées
Les colonnes infernales de la défaite civilisationnelle
Le libéralisme et ses alternatives pour le XXIe siècle
La civilisation européenne : de la mesure…
LE RENOUVEAU INSTITUTIONNEL
De nouvelles institutions pour un nouveau départ 1/4
De nouvelles institutions pour un nouveau départ 2/4
De nouvelles institutions pour un nouveau départ 3/4
De nouvelles institutions pour un nouveau départ 4/4
Les pièges du débat sur les évolutions historiques de la Res Publica
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