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Le rite islamique : des bicéphalies du ḥaram et du pouvoir au puzzle

coranique.

Mraizika Chaussy Florence (EPHE, Doctorante Histoire textes documents)

Cet article vise à rendre visible un champ d’analyse du fonctionnement


essentiellement politique du Coran qui cite rarement ses sources textuelles et
cultuelles de références surtout quand il en reprend les apports, et qu’il se pose
comme révélateur légitime de la parole de Dieu.

Au niveau des attitudes cultuelles, il y a un antagonisme profond entre deux


visions frontales, antagonisme qui se camouffle sous un vocabulaire lâche et
polysémantique. Pour séparer le mythe et la vérité, nous avons utilisé des méthodes
philologiques pour consolider nos analyses codicologiques ; ces études conjointes
peuvent être sollicitées pour mieux cerner et comprendre la diversité et la complexité
des attitudes cultuelles dans cette communauté en proie à la fitna.

Comme nous le démontrons, le Coran n'est qu’illusoirement vecteur d’un culte


− sinon minimaliste −; c'est essentiellement une orthopraxie créée résultant d’un
travail scribal et exégétique qui est fondamentalement et exclusivement livrée à
l'appréciation des exégètes et dont la valeur se définie toujours dans sa compétition avec
les autres messages – la Bible et sources apocryphes.

Nous limiterons la réflexion dans cette contribution à la question qui se voyait


refuser sa légitimité depuis des siècles par tous les niveaux des débats sur l’islam, son
essence d’atemporalité.

Ainsi, l’objet de cette étude est de voir si le Coran contient des marqueurs
idéologiques temporels, des traces matérielles d’interventions politiques concernant le
culte ?
Le Coran contient-il des marqueurs idéologiques temporels, des traces
matérielles d’interventions politiques concernant le culte ? Non, si on se fie à la légende
pieuse professant un texte intemporel en dehors des affres politiques, un texte et un
culte universels dès les origines. Cependant, la « légendotologie islamique » postule
simultanément un texte sorti du temps et un texte épousant comme un gant la vie de
Muḥammad, la relecture du Coran à l’aune des méandres politiques de la sirah est
incompatible avec le dogme de l’atemporalité. La « légendotologie islamique »
postule un culte originel et hors de toute vicissitude mais rétabli par cette figure
emblématique suite à un conflit historique avec le judaïsme. Donc on peut affirmer
d’ores et déjà que oui le Coran contient intrinsèquement ces marqueurs temporels, il
suffit d’être attentif au sens des mots, de collecter minutieusement les hétérogénéités
des discours et des documents au fil des sourates et de prendre comme grille de lecture
la bicéphalie du ḥaram et des cultes. Oui, la fonction de purification du culte attribué
simultanément à Muḥammad et à Ismaël est un marqueur temporel de cette action
politique. Ainsi la vulgate canonisée du texte intemporel est proclamée
« uthmanienne » (marqueur temporel), la qibla du culte des origines est imposée
hiérosolymitaine1 puis mecquoise au fil des coalitions opérées selon la légende
islamique par le réceptacle historique du discours sacré atemporel. Les rites quant à

1. La strate exégétique évoque un conflit de qiblas.

1
eux, sont de véritables palimpsestes judéo-nabatéens avec une double obédience : celle
d’Abraham et de Muhammad.2 Ainsi, contrairement au mythe consensuel ressassé à
l’infini, les sources islamiques elles-mêmes, 3 insistent sur l’effort de l’appareil califal
pour rectifier toute lecture divergente, les polémiques avec les Gens du Livre sont le
cœur même des dialectiques fondamentales du texte sacré − qui les englobe avec
d’antiques et virtuels polythéistes − et nombreux sont les récits décrivant
l’islamisation lente et progressive des lieux de prière4. On a voulu voir si ce travail,
éminemment politique pour définir le culte avait pu − comme le suggère Keith
E.Small5 − laisser des traces décelables matériellement sur les codex anciens et
notamment dans les textes afférents à ce sujet ? A partir de ces faits afférents à la
bicéphalie du ḥaram et celles du pouvoir peut-on reconstruire le puzzle coranique ?

Cette idée d’une pluralité textuelle a été développée par G. Puin6, E.M Gallez7,
Muhammad Moezzi8 et F.Deroche9. Ce dernier évoque : « un Coran non canonique en strate
inférieure », « un texte différent entre les mains », « les variantes sont là », « des versets en plus
ou en moins », « les enjeux politiques sont très clairs », « les détenteurs d’autres versions », « la
division entre politique et religieux n’est pas nette ». G.Dye prête à ‘Abd al-Malik, l’intention
d’avoir un texte « par lequel toute la communauté islamique, et elle seule, puisse se définir […]
un texte qui soit sous le contrôle du pouvoir, qui l’imposera progressivement». Dans le même
registre, les variations et les corrections signalées par E-M. Gallez concernant la polémique
anti-juive ou anti-chrétienne sont aussi liées à un pouvoir qui cherche ses marques. L’hypothèse
de J.J Walter sur des strates de composition, étalée sur deux cent ans permet non seulement une
meilleure compréhension de la genèse éditoriale mais éclaire aussi sur l’étendue des signatures.
Cette idée s’infère aussi de la pluralité des scénarios coraniques traitant d’un même
sujet – comme la naissance d’’Isa et son importance, le sort de la femme de Loth et de celle de
Noé – ainsi que de la plasticité des isolats coraniques révélée par l’épigraphie par F. Imbert.
Cette idée se déduit notamment de l’impossibilité de lire le Coran de façon univoque. Les
réécritures manifestes et les deux états textuels ‒ matériellement parlant ‒ si distincts observés
par nous sur les folios du WEII 191310 plaident en faveur de tels processus.11 L’absence de
cohérence globale du texte – des versets médinois insérés dans des sourates mecquoises, les

2. Umar donne son nom à une porte ou une mosquée de Jérusalem, Mu’awiya choisit l’esplanade comme lieu
d’allégeance, ‘Abd al-Malik décrète le Rocher le lieu le plus Saint de la terre et Abdallah Ibn Zubayr choisit La
Mecque où des déesses nabatéennes auraient été pourtant vénérées.
3. ‘Abdallah Ibn Mas’ud était un compagnon du prophète islamique. John Gilchrist, dans son livre Jam’Al-Coran
cite quelques rapports : il accuse les scribes d’Uthmann d’ajouter trois sourates (1, 113, 114).
4. L’Eglise St Jean de Damas devenue progressivement une mosquée et le lieu garde un culte à St Jean Baptiste.
5. SMALL Keith Textual criticism and qur’an manuscripts lexington books (2012) p101.
6. Dans un article publié par l’Atlantic Monthly en 1999, Gerd Puin dit : « Selon moi, le Coran est une sorte de
cocktail de textes qui n’ont pas tous été compris, même à l’époque de Mohammad. Beaucoup d’entre eux peuvent
même être plus anciens que l’islam lui-même d’une centaine d’années ».
7. http://rootsofislamtruehistory.com/subpages/Codicology_and_suspected_verses.pdf.
8 . « La version officielle que l’on connaît a probablement été élaborée assez tôt, c’est-à-dire à la fin du Ier siècle
de l’Hégire (le VIIe siècle de notre calendrier), sous le califat de ‘Abd al Malik, le cinquième omeyyade, mais tout
le monde n’a pas accepté cette version-là. D’autres versions ont circulé et c’est au IVe siècle de l’Hégire que tout
le monde a accepté la version officielle. Mais jusque-là il y avait au moins trois ou quatre recensions coraniques »,
note-t-il auprès de nous, « selon les tendances religieuses et politiques, les villes et les régions, les gens optaient
pour telle ou telle recension ».
9 . Déroche François. La transmission écrite du Coran dans les débuts d’Islam. Académie des Belles Lettres.
(2009).
10. MRAIZIKA-CHAUSSY Florence, L’alliance biblique dans le Coran, Mise en évidences de strates
doctrinales. Thèse en cours.
11. L’examen des sources de Qumran montre a contrario, une détérioration isotrope.

2
ruptures de rythme et de rimes, les incohérences herméneutiques plaident en faveur de strates
scripturaires. Et toujours en citant G.Dye qui précise que « par de nombreux aspects – absence
de cadre narratif, textes décontextualisés, effacement du Sitz im Leben liturgique de nombreux
biens textuels mobilisés, identité ambiguë des voix impliquées dans le discours – le Coran se
prête en effet fort bien à cet usage politique ».

Pourquoi alors, ne pas croiser les informations issues de ces hétérogénéités


textuelles, qu’elles soient sémantiques, syntaxiques, codicologiques et séquentielles pour
isoler des strates idéologiques ? Séquentielles car les anciens codex, par leurs corpus différents
entre eux et leurs particularités graphiques sont des témoins essentiels de ces processus
d’assemblage commandités par les instances politiques. En effet, nous avons remarqué dans
ces codex l’absence de certaines histoires notamment les récits concernant Salomon, les
Romains, Gog et Magog, Dhu al Qurnayn. On peut affirmer par nos précédentes études12
statistiques que les supports narratifs des 11 Codex sont loin d’être conformes à celui de la
vulgate. Les versions concurrentes ou progressives dont parle le récit islamique, peuvent-elle
avoir été superposées voire raboutées comme les indices épigraphiques et les incohérences
textuelles le laissent à penser ? Peut-on le démontrer ?

Notre démarche a notamment utilisé la fréquence de présence des versets ou des sourates
au sein de plusieurs codex anciens ; cette recension de versets retenus permet d’émettre
des hypothèses sur la progression éditoriale. Nous avons alors confronté ces hypothèses
avec les recensions des hétérogénéités du lexique cultuel ‒ou du lexique tout court ‒ les
aspérités des doctrines et des traditions afférentes ainsi qu’avec de stupéfiantes anomalies
codicologiques.13

Le but est de replacer le corpus coranique dans un contexte réel et non hagiographique
grâce à des repères statistiques, étymologiques, codicologiques et épigraphique.
L’architecture cultuelle, l’observation des sites mecquois et hiérosolymitain et leur
confrontation au récit coranique ainsi qu’aux discours cultuels conflictuels sont aussi à prendre
en compte. On peut en effet, considérer comme signifiants, la bicéphalie des sites et la mention
de conflits cultuels dans les récits coraniques (sourates 2, 3, 4, 5, 8, 9), les hadiths et les
chroniques d’époque14. Les absences et anomalies de toute nature seront de grand recours, les
statistiques de champs lexicaux aussi. Prenons un exemple simple : comment justifier de
l’absence de toute mention de la pierre noire dans le Coran, cette absence est remarquable et
tranche notoirement avec la nature du culte final retenu à La Mecque. Cette anomalie sur le
culte ne pourrait-elle pas trouver son origine dans le conflit entre ‘Abd al-Malik et Abdullah
Ibn Zubayr ? Cette absence prouve ad minima l’étalement et le remaniement du discours
cultuel islamique.

La première hypothèse que nous aborderons, hypothèse issue des travaux de E-M
Gallez concerne la disparité géographique du culte : une partie des sourates 2 et 48 décriraient
la nécessaire prise de possession de l’esplanade du Temple pour y faire un sacrifice. Cette piste
impose que les sourates précitées puissent se lire à la lumière de Jérusalem, de la géographie
d’Al-Aqṣa et de ses traditions cultuelles afférentes. Or le Dôme, comme l’ont montré Andreas

12. MRAIZIKA-CHAUSSY Florence, L’alliance biblique dans le Coran, Mise en évidences de strates
doctrinales. Thèse en cours.
13. Notamment la pléthorique lecture biblique des rituels liés au Dôme, transmises par les traditions omeyades.
14. John Tolan. Le pèlerin Arculfe et le roi Mavias : la circulation des informations à propos des « sarrasins »
aux VIIème-VIIIème siècles, de Jérusalem à Iona et Yarrow. (2013).

3
Kaplony et Matthieu Tillier,15 est lui-même, un véritable palimpseste de rites judéo-arabes. Ce
lieu du culte hiérosolymitain – initial, selon l’exégèse islamique – cette primo-tradition
cultuelle impériale omeyade (qibla) 16 ont évidemment dû être dilués puis camouflés, suite au
choix final abbasside de La Mecque. Elles seront expliquées islamiquement par des choix
politiques d’un Muḥammad gestionnaire du culte. Ces évolutions sont déjà sensibles par le
caractère abracadabrant des récits coraniques retenus (cheval ailé) et des hadiths décrivant le
pèlerinage de la Ka’ba elle-même navigant à Jérusalem autour du Rocher ; l’obscurité absolue
des récits cultuels n’est pas en reste.

L’écartèlement géographique entre le culte islamique, versus omeyade au Dôme de


Jérusalem et le culte islamique, versus abbasside à la Ka’ba de La Mecque

Cet instant initial hiérosolymitain du culte islamique est prouvé tout autant par la
localisation tacite des sourates 2, 3 et 19 et de ses personnages bibliques qui évoluent dans le
Temple que par le culte bien organisé et documenté au Dôme durant la période omeyade et à
l’empressement d’un culte et d’une construction sur l’Esplanade. Le Coran est muet sur la ka’ba
(une seule occurrence du mot), sa localisation, les personnages qui en sont garants. Seul,
l’unique verset Q2/124 tente une délocalisation forcée de la « Maison » par le biais d’Ismaël,
qui est supposé être « associé » au site Mecquois, seuls des hadiths évoquent un conflit militaire
et cultuel (de ka’ba) entre Hajjaj et Ibn Zubayr qui date de cinquante ans après la mort de
Muḥammad. Ces éléments convergents prouvent une qibla orientée vers Jérusalem et donc ces
trois sourates ne seront que très difficilement reliées à La Mecque. La localisation vers
Jérusalem de la qibla initiale admise par le récit islamique et attestée par le culte au Sachrat
Bayt El Maqdis impossible à effacer a forcément dû être relue à la lumière d’une présupposée
tradition mecquoise canonisée par les Abbassides. Ces relectures successives ont imposé des
ajouts de glose puisqu’il n’y a aucune trace textuelle ni archéologique de cette tradition
multiséculaire cultuelle mecquoise. Le manuscrit de Ṣanʿā Dam 16 présente une absence du
bloc « La Mecque et Muḥammad » : Q48/24 à Q48/29 et du bloc : Q49/1 à Q49/12
(Documents A5 et A15).

De plus, ce revirement est doublement surprenant puisque l’usage d’une qibla renvoie
fatalement à l’époque maudite, dite de la Jahiliyya et montre l’indécision d’un Prophète. Un tel
retournement vers ce site polythéiste pourtant « purifié par Ismaël » et ce, dès les origines de
l’islam mythique (Q2/124) est incompréhensible, il aurait dû être justifié, sourcé, décrit par le
Coran.

L’écartèlement herméneutique entre le sacrifice de Moïse décrit explicitement à la


sourate 2 et celui d’Abraham évoqué en sourate 22 et 37 n’est pas non plus naturel et il orchestre
cette obsédante et entièrement tacite dichotomie des lieux illustrée par la mosquée des deux
qiblas. 17 Le sacrifice de Moïse a des fonctions différentes et plus nobles de celui d’Abraham.

15. 2018, Mathieu Tillier. ‘Abd al-Malik, Muhammad et le jugement dernier : le Dôme du Rocher comme
expression d’une orthodoxie islamique. Academia.
16. De même le mot qibla signifie « traditions et non pas direction géographique.
17. Enfin dans cette optique d’intervention politique sur les textes, de nombreux philologues voient dans la sourate
17 des stigmates d’une délocalisation tardive – en partie sur la Mecque et un transfert de certains attributs
mosaïques sur Mohamed. L’accroche, unique dans le Coran : « de la mosquée à la mosquée » cherche
artificiellement et péniblement à relier deux lieux, deux cultes. Par contre, ‘Abd al-Malik, premier lieutenant de
Dieu n’évoque jamais, ni dans le symbolisme de sa réforme monétaire ni dans son Dôme du Rocher, la céleste
épopée du Messager.

4
Les deux sacrifices sont maladroitement agglomérés. Cette imprégnation juive se retrouve dans
des récits islamiques eux-mêmes.18

La seconde hypothèse, mise en lumière par les travaux d’Ignaz Goldziher et ceux de
Bashear Suleyman19 éclaire la discontinuité doctrinale et le motif de la substitution. Si on se
réfère à ces deux chercheurs, le motif sacrificiel initial concernait Isaac, Ismaël serait juste le
mobile de la substitution dû à l’exigence d’introniser La Mecque comme centre de culte.
L’isolat coranique (Q2/125) ne permettrait-il pas simplement l’intronisation de La Mecque (non
citée) sous le haut patronage d’Abraham, père de la nouvelle communauté purifier via Ismaïl ?
De même, les versets 143 à 150 demandent aux orants de se tourner vers le Sanctuaire interdit
(La Mecque) dont le nom n’était pas encore fixé et objet de querelle de pouvoir. Cette absence
du terme Mecque montre l’antériorité de l’écriture des textes cultuels de la sourate 2/150 par
rapport au culte définitif mecquois. Maîtriser le culte revient à maîtriser les croyants mais les
textes étaient canonisés donc à prendre tels quels. L’autre isolat cultuel présent en 17/1 et situé
explicitement à Jérusalem − sur lequel des réécritures dans plusieurs codex (document 2) sont
visibles − permet d’introniser Muhammad et ses Califes, superviseurs de ces premiers essais
liturgiques et ainsi de les mettre l’ensemble des textes sous la dépendance des dernières
innovations cultuelles.

I -Un entrelacs de strates sémantiques et cultuelles

• Les mots : premier témoin des strates cultuelles

Le Coran va désigner le lieu de culte par des appellations extrêmement diverses


répertoriées dans le tableau 1. Les dénominations pour évoquer le culte sont : « La bayt :
maison (d’Allah)», « Le masgid (lieu de prosternation) d’Allah », « Le lieu sacré (al ḥaram) »,
« Le lieu de prosternation sacrée » (masgid al ḥaram), « le lieu d’Abraham où l’on se tient
debout (Al maqam) », « le cube, (Ka’ba) ». Ce bouquet sémantique foisonnant révèle des lots,
des strates qui se dégagent avec la classification.

Le vocable de culte le plus usuel est « masigd ».

1. C’est un mot nabatéen désignant la prosternation, il est amplement attesté par


des inscriptions à Hégra dans le sens d’autel.20 Des libations étaient associées à
ce culte. A noter que la prosternation, geste du priant, fait aussi référence à Iblis
qui refuse d’effectuer ce geste envers Adam. Au verset Q17/1, le mot « masigd »
désignera désormais, aussi, le Temple détruit (donc par les Romains) et la
sourate 30 en précise le lieu de la victoire (« dans le pays voisin »). Donc on peut
dire que ce vocable msgd appartient à cette zone d’Arabie Petra et il est passé à
une date inconnue du lexique nabatéen au lexique judéo-arabe. Ce vocable de
msgd est inutilisé lorsqu’il s’agit d’Abraham. En effet, Abraham est tacitement
associé au mot « debout » alors que la racine masgid est associée à la
prosternation. L’expression Al maqam (station debout) est déjà associé à
Abraham dans La Genèse 13/17 ( ‫ ) ֚קּום‬et le Dôme n’est ni une mosquée, ni un

18 Umar assistait aux sermons (qussas) de Tamim ibn ad Dari, un chrétien féru de légende eschatologique juive.
19. BASHEAR, Suliman, Abraham's Sacrifice of his Son and Related Issues, Islam, 67, p.243, (1990).
20. J. Cantineau. Le nabatéen t II Choix de texte. Lexique. Paris Leroux, (1932).

5
lieu de prosternation. En effet, le mont Moriah, nombril du monde pour le
judaïsme (expression reprise pour La Mecque) est bien le rocher, l’autel où
Abraham aurait voulu sacrifier Isaac.
C’est désormais une pensée juive qui intègre un substrat nabatéen familier aux
arabes christianisés de l’axe Hégra-Pétra, les racines « masigd » et « ḥrm »
prennent des sens nouveaux.
2. La racine ḥaram ḥrm21 renvoie à un lieu « interdit ». Ce mot se trouve dans les
inscriptions nabatéennes de Hegra mais la référence en 17/1 se rapporte à
Moïse.22 Par ailleurs, Moïse est évoqué dans le lieu interdit où il faut se
déchausser. Donc deux origines se disputent le sens. Aussi la référence
« ḥrm » avec son allusion aux bédouins en Q48 pourrait avoir un rapport avec
l’Esplanade de Jérusalem occupée à l’époque d’Umar et ses troupes selon la
Tradition. Ce sens « interdit » est concentré aux sourates 2, 5, 9, 17, 48, sourates
tardives dans l’ordre d’Al-Azhar. Le vocable ḥrm désigne dans à la fois
Jérusalem et à la fois La Mecque dans le verset 17/1 dans une relecture
abbasside. Ce flou montre les glissements sémantiques. Par ailleurs ce verset est
rectifié (documents A), il est le seul qui relie les deux sites islamiques ceci est la
preuve de son caractère tardif.

3. Le segment, « ibrahima makana l bayti » signifie « lieu d’Abraham », et il se


trouve uniquement nommé aux versets 2/125 et 22/26. Dans la lecture juive
c’est le sommet du Mont du Temple, le lieu de la ligature. Ces deux lots ont
pour fonction, dans la « légendotologie » abbasside de souligner qu’Abraham
est le maître du nouveau Jérusalem : La Mecque. Or le rattachement de La
Mecque à Abraham semble relié à Abdallah Ibn Zubayr qui y aurait trouvé, la
vraie Ka’ba. Pourtant, ces deux références à un Abraham « mecquois » n’ont pas
pu voir l’ajout du mot Mekka qui serait attendu dans une vision abbasside.
Beaucoup d’anomalies codicologiques sont visibles sur ce vocable, qui peut être
absent de certains codex (Documents A). Une explication peut éclairer cette
absence : les folios sont jusqu’au dernier moment dans les mains de son ennemi
‘Abd al-Malik, partisan d’un Abraham hiérosolymitain et d’un sacrifice sur le
Rocher de Jérusalem.
4.
Etablissons une classification de vocables et expressions coraniques cultuelles
appartenant à trois registres culturels et à trois sacrifices : celui du chameau,
celui de la vache, celui du bélier et à trois rituels : se prosterner et faire des
libations, entrer et sacrifier, faire un circuit et réciter.
Le terme « fondation » est traduit différemment à la sourate 2 (l-qawāʿida) et à
la sourate 9 (oushȋn mot araméen).

21. Ainsi la nomination, mosquée sacrée, masgid al haram apparait uniquement en Q2/144, Q2/149, Q2/150,
Q2/198, Q17/1, Q22/25, Q48/25 et dans la sourate 9. La nomination « la maison » est exclusive à la sourate 5 et
aux versets Q2/125 et Q3/97. Le temple égyptien est par essence un espace fermé dont la fonction première est de
protéger la divinité manifestée dans sa statue de culte et préservée dans l’espace le plus reculé et le plus sacré du
temple : le saint des saints. Seul un personnel sacerdotal suivant des règles d’hygiène strictes était habilité à
approcher cette image divine afin de lui prodiguer offrandes et purifications.
22. Q17/2. « Et Nous avions donné à Moïse le Livre dont Nous avions fait un guide pour les Enfants d'Israël. »

6
Thématique cultuelle se Thématique cultuelle Thématique cultuelle
référant à la zonejuive : relevant d’une islamisation
« Petra » : « Sacrifice sur un autel », par Ismaël :
« Prosterné », « interdit »,« entrer dedans », « Circuit », « debout »,
sacrifice chameau « niche », « détruit, béni ».
= « prosterné », « penché »,
prédication vers Prédication
les désignant « fondation assises »
bédouins Jérusalem, « la vache »
ḥā jīm rā = ‫( חגר‬hgr) signifie
l-bayta l-ḥarāma « place où Abraham priait debout»
pierres, consacrées ‫ חגר‬ḥgr l-muḥarami : peut se traduire Q 2/125 aucun identificateur
géographique ni aucune fonction
signifie tout autant consacré que par « Ta maison interdite » et doctrinale.
pierres, cette racine est liée aux peut se référer au Temple. Q22/26 lieu d’Abraham sans
cultes des bétyles. C’est le nom aucun identificateur géographique,
dakhalahu (entrer dedans )
d’une sourate et des gens allusions vagues : « Circuit »
habitant une ville détruite. Cette ḥijju l-bayti = références au Livre des Jubilés,
sourate évoque aussi la Q3/97 : hjj bayta « célébrer la Le trinôme : « penché, debout,
« découpe » des versets du maison », dédicace « y entrer ». prostré » est la marque d’une
Livre. accommodation tardive.
Q5/97 : « ka’ba + maison
interdite » où il y
a offrande d’animaux non
ṣād nūn mīm = ‫ צנמ‬signifie identifiés. Le thème de l’élection :
idole roche religion Abraham.
nūn ṣād bā = ‫ נצב‬signifie stèle, « Q22/ 78. Et luttez pour Dieu
La racine nūn sīn kāf signifie avec tout l’effort qu’Il mérite.
libation en nabatéen, elle est C’est Lui qui vous a élus ; et Il ne
traduite par « rites » aux vous a imposé aucune gêne dans la
sourates 22, 2. religion, celle de votre père
Abraham, lequel vous a déjà
nommés Musulmans avant et dans
ce, afin que le Messager soit
témoin contre vous Accomplissez
donc la Salat, acquittez la Zakat. »

Q22/29 le mot « antique » : Ismaël et Abraham Q2/125


« l-ʿatīqi ». Circuit (tawaf)
Le segment Bayt ʿatīqi, Q48/25 Absence de la plage sur
« l’antique maison » est présent certains codex proche des
uniquement aux versets Q22/29 versets finaux interpolés car
et Q22/33. Cette dénomination idéologique (triomphe de
est faite référence à l’esplanade l’islam-religion).
dans la pensée judaïque, sans
doute est-ce une interpolation.
L’immolation concerne ici
Abraham, ainsi en Q22/33
maḥillahu se traduit « Lieu
d’immolation ».

La racine ḥrm renvoie à un Q3/96 : « première et bénie » l-bayta (La maison) Q2/125
lieu « interdit ». Ce mot se + Bakka (liée à Abraham). Le (mathābatan), Q5/2,
trouve dans les inscriptions terme Relecture-glose des versets
nabatéennes de Hegra. awwala signifie première Q3/97, Q14/37, Q22/29 et ajout
comme en Q9/108 codicologique, Q33/3 relecture
La racine « ḥjj » traduite par islamique.
pèlerinage se trouve dans les
sourates 2, 22 et 9. A la sourate

7
3 elle est suivie du mot maison
et un verbe est sous-entendu. En
araméen la racine signifie
célébrer et suivie de la maison :
célébrer Sukkot. Le cotexte
concerne les enfants d’Israël
(3/93) et l’on « célèbre » (la
racine ḥjj signifie célébrer) « la
maison ». La phrase arabe n’a
pas de verbe et est suivie du mot
bayt, maison (que Blachère
traduit par pèlerinage au
Temple). La célébration juive
des cabanes se traduit par « hajj
soukkot ».

msgd. C’est un mot nabatéen 17/7 « Masigd » « détruit ‫תברן‬ « Masgid Allah » Lieu de
désignant la prosternation, il est 2 fois », le verset Q17/ désigne prosternation pour
amplement attesté par des donc le Temple et Aqṣa Allah concept calqué sur celui
inscriptions à Hégra dans le désigne le site mecquois. de « Beth-El »
sens d’autel. : uniquement en Q9/17, Q9/18,
Q9/107 « masgid » de la Combinaison du concept de
division absent du DAM 27 « masgid3 et de « Bayt Allah ».
codex E.Puin, au verset Q9/108
le mot fondé est araméen : l-qawāʿida Q 2/127 traduit par
ussisa et se réfère à fondations uniquement dans
deux versets
Esd 4. 12
‫ קעד‬signifie génufexion
ils vont relever les murs et font
examiner les fondations
[’oushȋn]
« Venus à Jérusalem, sont en
train de rebâtir la ville rebelle
et perverse ; ils commencent à
restaurer les remparts et ils
creusent les fondations. »

Le mot « al-Mashar-al- La racine ḥā rā bā désigne un Le verset Q17/78 semble un


Haram » ‫ שער‬qui pourrait être lieu de prière Q3/37 et Q19/11 ajout sur le culte et prières ce
traduit par porte sacrée, elle est c’est un emprunt cultuel aux fragment est identique à Q73/31
associée aux grâces divines aux synagogues ce lieu n’est pas donc c’est interpolation
sourates 2 et 22. Le mot ‘Arafat présent matériellement parlant manifeste.
‫ ערפי‬signifie en araméen, briser au premier siècle des
le cou. C’est étrangement une mosquées. Allusion en Q38 au
épithète du Dieu Dusarès (pierre Mihrab de David, premier lieu
autel ointe de sang). Serait-ce de prières des conquérants. P77
une allusion à l’autel ointe de Jérusalem de Lemire. La racine
sang, ghayn rā wāw (‫)غ ر و‬ signifie « ruine » et « épée » en
comme le suggère Millik.23 référence à Moïse et à l’épée
des chérubins qui gardent
l’eden.

23 . MILIK. J-T. Nouvelles inscriptions nabatéennes. Syria. Archéologie. (1958).

8
Le vocable ‘umra désigne le
pèlerinage en Q2/196, y a-t’il
une référence à l'Omer ‫עומר‬,
désigne les 50 jours entre
Pessah et Shavot.

« Bayt maqdis » est une Q4/102 : prières en armes


terminologie absente du Coran.
C’est une référence explicite au
Temple qui est référencée sur
une stèle dans la Mosquée de
Nuba. Une inscription déclare
« saint », le Dôme-Temple,
« Sachrat Bayt El Maqdis ». Le
lieu décrit par le début de la
sourate est Jérusalem, y faisant
évoluer Zacharie et sa femme
puis Marie. Jérusalem est
appelée « Maison Sainte » par
toute la tradition islamique.
Ka’ba : signifie cube en
référence au Saint des Saints
ʿayn kāf fā 22/26 et 2/125
traduit par résider ?24

Les trois divinités nabatéennes dhāl bā ḥā ‫ ִּד ְב ִּחין‬: mot l-bayta ḥarāma Q 5/2 partie
sont citées sourate 53 signifiant « autel » ou très longue, interpolée et
Les divinités associées à « sacrifice » sourate 2 et 37 absente dans certains codex et
l’interdit des chameaux Q5/110 Le mot hébreu ‫ ִּדבְ חִּ ין‬sacrifier- avec détails particuliers
+ Q71/23 (chasse, guirlande)
égorger est utilisé pour
4 Déesses présentes à la sourate Abraham sacrifiant Isaac et
Q53 Moïse sacrifiant la vache, c’est
un témoin du judaïsme des
sourates 2 et 37 au Mont
Moriah, peut vouloir dire
crainte de Dieu.

Le Mont at-tur est signalé aux


sourates 52 et 2. ‫ ܡܐܟ̈ܬܐ‬: le mot makkātā
Bekka renvoie à un psaume lié signifie humilité et il n’est
à Jérusalem. présent qu’une seule fois.

L’injonction au sujet de 4 La racine « uqūdi ’uḥillat » Q73/31 : « Ton Seigneur sait,


chameaux interdits à la sourate (5/2) uqūdi signifiant certes, que tu te tiens debout
Q 5/110. exclusivement sacrifice d'Isaac deux tiers de la nuit, ou sa
en référence à la ligature ‫עקידתא‬ moitié, ou son tiers…. Récitez
‫ דיצחק‬d'Isaac. ‘uḥillat se réfère donc …et d'autres encore qui
à purifier dans Lev 6.20 combattront dans le chemin
d'Allah. Récitez-en.

24 . « Vous demeurerez dans des Soukkot durant sept jours ; tout citoyen en Israël demeurera dans des Soukkot,
afin que vos générations sachent que c’est dans des Soukkot que J’ai fait résider les enfants d’Israël, quand Je les
ai fait sortir du pays d’Égypte, Moi, l’Éternel, votre Dieu. » Lévitique 23, 40-43.

9
Le verset (Q5:27:9) utilise le Accomplissez la Salat,
vocable « qur'bānan » pour acquittez la Zakat. »
désigner le sacrifice.
l-ḥarāmi l-masjidi signifie lieu de prosternation interdit
Q2/144, Q2/150, Q2/196, Q17/1, Q8/34 Q9/19, Q9/28, Q22/25, Q48/25, Q48/27
En Grisé : verset forte suspicion codicologique ou séquentielle si on se réfère aux
travaux de E ; Puin pour le verset Q9/19, et Small Keith pour le Q22/25 et aux nôtres pour Q48/25,
Q48/27

Tableau 1 : hétérogénéités du lexique cultuel classées par strates de lecture

• Conclusions

A la vue de cet enchevêtrement étymologique et sémantique, on peut supputer que les


feuillets coraniques transcrivent des prédications de missionnaires utilisant un substrat textuel
nabatéen pour décrire le culte fait de prosternations à l’intérieur d’un masgid initialement à
Jérusalem 25 et comportant « une zone interdite » souvent en référence à Moïse notamment au
verset 17/1. Ces prédications semblent révoquer un culte ancien avec des libations, « des pierres
dressées » (nūn ṣād bā : stèles nabatéennes, monument funéraire). En effet, ces prédicateurs
accusent « l’association » de Dieu aux filles de Dusarès et sont sceptiques vis-à-vis du sacrifice
du chameau.

Le terme « maison » est mixte, il était utilisé à Petra, l’expression le « Seigneur de la


Maison » est présent dans la sourate 106 et il va désigner aussi le « Saint des Saints » ensuite.
Le Dôme construit par les omeyades est associé à ces mots « maison » et « saint » ( mosquée
de Nuba, document 5) et il concentre de façon univoque la localisation du passage de la sourate
3 : Jérusalem. Le vocable ḥā rā bā désigne à partir de l’époque omeyade les « niches » des
mosquées mais n’existaient pas dans les premières mosquées.26 Ce vocable conforte encore
plus la localisation hiérosylomytain, lieu marqué par la « désolation » et « l’épée des chérubins
gardiens de l’Eden » ; ces mosquées sont des témoins oculaires des tensions idéologiques
originelles toutes désireuses de s’approprier un corpus textuel juif et d’y diluer un substrat
nabatéen.

Les expressions cultuelles mettant en scène Ibrahim mecquois sont tardives, en effet,
l’unique occurrence de prières originelles mecquoises, muṣallan (hapax, Q2/125) n’est pas
d’origine araméenne (le wa a disparu). De plus les versets mettant en scène Ibrahim présent
dans un site Mecquois, (Q3/97, Q14/37, Q22/26) portent des « marques » tardives et abbassides
du fait de l’institution du site à partir de cette période. Ces marques peuvent être de natures
variées, de type interpolation ou interprétations.

Plusieurs blocs cultuels sont sans conteste juifs comme ceux se référant au sacrifice
d’Abel (Q5:27:9), de Moïse et d’Isaac « uqūdi ’uḥillat ». Une référence aux fondations du
Temple de IVème Esdras est présente en Q9/107 ‒fondations [’oushȋn]. Ainsi le verset 3/97
porte les marques d’une glose islamique, ce verset évoque littéralement une « célébration de la
maison » où il faut entrer, résider pour obtenir la sécurité. Il semble se référer au rite de
Soukkot. La position « debout » pour la prière subit une réprobation de fidèles attachés à la

25. Milik. J-T. Nouvelles inscriptions nabatéennes. Syria. Archéologie. (1958).


26. Elie LAMBERT. L'ornementation des mosquées musulmanes. Bulletin de la Société nationale des Antiquaires
de France Année 1950. 1945-1947 pp. 216-218.

10
prosternation, Abraham (maqāmi d’Abraham Q2/125) est associé à une « prière debout »
27
.Cette position est biblique et se réfère à Genèse 35 où un lieu se nomme maqom Jacob et est
à Beth El : « Debout [qoȗm], monte [jȃlȃh] à Béthel [bėyt ’ėl] », le terme coranique
yataṭahharū pour désigner la purification est issu du même corpus biblique :
« Purifiez [ṯȃhėr]-vous ». Dans le même corpus le lieu se nomme Bekka, des Pleurs [bȃkoȗt]. »
Le Lieu est béni : « il le [M] bénit [bȃrak] ». Le rituel mecquois, fait de 7 tours autour de la
ka’ba renvoie indiscutablement au rite institué par Abraham dans le livre des Jubilés où après
la naissance d’Isaac, Abraham construisit des huttes pour ses serviteurs à l’occasion de la fête
et pendant 7 jours offrit des holocaustes sur l’autel. Il savait que de lui proviendrait une
plantation de justice pour des générations éternelles et de là une semence sainte. La
transplantation « coranique » vers le site mecquois se fait juste par la lecture fausse de Bekka
en Mekka, les interpolations de la fin de la sourate 48 (absentes de certains codex), par des
ajouts à la fin de la sourate 22 (documents A8) et les versets suspects allant de Q2/124 à Q2/127
qui sont soit des interpolations, soit des relectures abbassides.

Des interpolations sont manifestes aux versets Q73/31, Q17/78 et Q5/2, Q5/97, Q22/29
et Q48/25 à Q48/29.

Outre l’imposant lexique cultuel judaïsant précédemment mis en évidence, les rites
islamiques, eux-mêmes pratiqués durant la période marwanide se focalisent autour du dôme
de l’esplanade, site archi-saint pour le judaïsme. Il est étonnant de voir l’adhésion totale et
rapide des Saracènes au système cultuel des juifs. Cette adhésion et leur empressement à
restaurer le Temple résulte-elle d’une longue incubation des idées juives chez les conquérants,
d’un simple partenariat politique ou de l’activité de scribes juifs « partenaires » ou « convertis »
en ce qui concerne la partie textuelle ? L’onction du Rocher, effectuée dans le culte islamique
omeyyade révèle une imprégnation forte des rites juifs – entrevue par l’étude du vocabulaire –
dans la conscience des nouveaux arrivants. Les légendes juives semblent phagocytées et
intégrées au corpus. On pourra peut parler de la construction du « Nouvel Israël ».

De quel sacrifice est-il question ?

Le lieu de culte et de prosternation, le masigd (Q2/191), est intimement lié à


l’immolation dans le discours coranique en Q2/196, Q48/25, Q48/27 et à un empêchement du
culte (un siège est mentionné pour le verset Q2/196)28 . Les deux versets de la sourate 48 sont
suspects aussi le verset Q2/196 étrangement long et abscons et avec une rature sur l-hadyi dans
le codex WEII. Comme nous l’avons vu, l’association prosternation/immolation renvoie à la
fois à un rite tout autant juif que nabatéen. Seule la nature et la fonction de cette offrande
diffèrent. On a plusieurs indices indiquant que le prédicateur ou le scribe s’adresse à des
bédouins qu’il veut judaïser en respectant leur sacrifice camélidé. La racine hamza bā
lām désigne le chameau, cette racine ressemble à celle d’Hubal. Le thème de la substitution de
la vache par le chameau affleure sur plusieurs sourates et c’est la consécration à Allah qui
permet la consommation de toute bête du cheptel ‒ la racine ha lam lam est utilisée à la fois
pour la consécration de l’animal et la nouvelle lune (Q6/145, Q5/3, Q2/189, Q16/11). Des
racines fortement liées au sacrifice d’Isaac : dhāl bā ḥā, ayn qāf dāl, des lieux sacrés liés à

27. « Et quand le serviteur d’Allah s'est mis debout pour L’invoquer, ils faillirent se ruer en masse sur lui. »
28. « 24. C'est Lui qui, dans la vallée de la Mecque, a écarté leurs mains de vous, de même qu'Il a écarté vos
mains d'eux, après vous avoir fait triompher sur eux. Et Allah voit parfaitement ce que vous œuvrez. 25. Ce sont
eux qui ont mécru et qui vous ont obstrué le chemin de la Mosquée Sacrée [et ont empêché] que les offrandes
entravées parvinssent à leur lieu d'immolation. »

11
Jérusalem et au judaïsme : Mont at-tur, Bekka, les « masgid » des verset 17/1 et 17/7 ‒
« masgid détruit ‫ תברן‬dans lequel on entre comme la première fois » ‒ les fondations (ussisa)
du verset Q9/108 ‒ mot araméen se référant aux murs de Jérusalem. Les têtes pourront être
rasées, cela fait songer au Livre d'Ézéchiel, chapitre 5, versets 1 à 5, et ce détail lie le ḥaram de
Jérusalem construit par le Calife à celui promis par Ezéchiel.29 . On peut dire que les cultes
coraniques sont entièrement judaïsant.

Le but de cette immolation est défini surtout en sourate 2 et en sourate 48. C’est le
pardon des péchés qui est recherché dans la sourate 2.30 Cette immolation d’une vache est liée
à la tradition mosaïque et talmudique ; le Coran la réinvestit intensément mais uniquement
dans le début de la sourate 2 dont la fonction est de décrire un nécessaire sacrifice d’expiation.
Il est question des caractéristiques que la vache devra être posséder. La forte présence de racines
arabes translitérées depuis les racines araméennes valorise encore les vertus de ce sacrifice31.
La vache rousse midrashique ressemble à sa cousine la vache coranique, irréprochable, sans
imperfection, et sur laquelle jamais ne fut placé un joug. Le propos de la sourate est donné dès
le départ mais n’est repris nulle part ailleurs. Ce lot de versets Q2/1 à 2/100, basé sur Moïse et
son sacrifice est greffé tardivement à la vulgate finale comme le montre R. Dequin32. La fin de
la sourate 2 décrit en détail le culte islamique et introduit de façon floue le jeûne. La racine kāf
fā rā signifie expiation (voir même racine que Kippour) et cette signification se limite
exclusivement à la sourate 5. Cette sourate évoque la Table du Christ revue de façon islamique
et le sacrifice près du masigd sacré qui est obstrué. La sourate évoque très vite Moïse. « Et Allah
certes prit l'engagement des enfants d'Israël » ainsi que les deux sacrifices d’Abel et Caïn. Cette
sourate redéfinit l’Alliance en faveur des conquérants : le nouvel Israël.

La sourate 48 se focalise sur la victoire et le butin. La vache mosaïque ne semble plus


être l’objet de l’immolation requise. Le début de la sourate 48 est présent dans les anciens codex
et semble décrire un affrontement réel. Peut-on lire dans ce corpus un sacrifice rendu impossible
suite à la délocalisation de la pierre noire ?

En conclusion, la référence cultuelle à une immolation-pardon des péchés du début de


la sourate 2 est si disparate dans le vaste corpus islamique qu’elle parait avoir été, soit diluée
ou ajoutée maladroitement pour une relecture ultérieure. Elle est floue et rendue inaudible par
les traductions et relectures biaisées par des scribes d’origine perse, loin de la culture biblique.
En effet, cette association masgid/immolation a pu devenir gênante car elle mettait trop en
valeur en une origine mosaïque, origine dont le pouvoir califal a voulu s’affranchir. Le fond
peccamineux resurgit sans cesse malgré tout dans cette sourate qui brosse en fait un tableau du
salut. La fonction expiatrice des péchés par le sacrifice de la fête de l’Aïd islamique est diluée.
L’association du sacrifice du mouton au sacrifice d’Abraham à valeur expiatrice n’est

29. « Et toi, fils de l'homme, prends un instrument tranchant, un rasoir de barbier ; prends-le, et passe-le sur ta tête
et sur ta barbe... Brûles-en un tiers dans le feu, au milieu de la ville, lorsque les jours du siège seront accomplis. »
La prise de siège et le nazirat expliquent cette précision. No 6:18 Le nazir rasera, à l’entrée de la tente
d’assignation, sa tête consacrée ; il prendra les cheveux de sa tête consacrée, et il les mettra sur le feu qui
est sous le sacrifice d’actions de grâces.
30. « Qu'Allah fasse entrer qui Il veut dans Sa miséricorde qu’Allah te pardonne tes péchés, passés et
futurs. » « Entrez dans cette ville, et mangez-y à l’envie où il vous plaira ; mais entrez par la porte en vous
prosternant et demandez la rémission […] lorsque Moïse dit à son peuple : Certes Allah vous ordonne d’immoler
une vache. »
31 . ‫ זלל‬dhāl lām lām : brillante : être sans obligation fā rā ḍād ‫פרצ‬, être sans péché ‫ עונ‬ʿayn wāw nūn être éclatante
‫ פקע‬fā qāf ʿayn et vive ‫ צפר‬sans joug.
32. DA COSTA Colloque Inarah 2019.

12
présente ni au Dôme, ni dans la conscience islamique (sauf de façon floue), ni dans le Coran.
La référence au sacrifice d’Ismaël33 n’est aucunement présente, à part coraniquement parlant ;
et la valeur expiatrice liée à ce sacrifice l’est encore moins – aucun sacrifice explicite du mouton
n’est présent dans le Coran. La référence abrahamique en Q2/124 est détachée des notions de
sacrifice34 : elle fait pourtant figure de pierre de fondation. Le recours acrobatique à Abraham,
premier musulman et fondateur mecquois est donc tardif, il accompagne un bloc de
différenciation Abbasside : Q2/111 à Q2/246.

Les thèmes du combat et d’une immolation entravée près du masigd sont


systématiquement présentés ensemble, pêle-mêle, sans cohérence aucune et sans la moindre
explication. Ces deux éléments témoignent d’un fort contexte à la fois de phagocytage de
biens et doctrines judaïques, de slogans chrétiens anti-judaïques que de réelles discordes
cultuelles entre factions de l’islam. Le reproche de rendre le chemin de Dieu tortueux est
biblique. Les textes ont été contorsionnés par des réécritures pour projeter une épopée glorieuse.
Les traditions rapportées par ibn al-Muragga valorisent le jihad en Syrie et Jérusalem pour
convaincre les musulmans de s’y installer.35 Il est possible que des ajouts pour valoriser ce
jihad a été ajoutées au corpus (WEII 1913, sourate 62).

II Des témoins matériels : codex disparates, un corpus en


évolution
Cet imbroglio sémantique peut-il s’éclairer à la lumière des témoins matériels ? Ainsi
on note pour les codex une absence de versets, de sourates (répertoriés dans les encadrés du
schéma 2 et du tableau 2). Certes, on pourrait incriminer des processus destructifs naturels pour
justifier ces manques de versets, de sourates si nous n’avions aucune corrélation entre les
fragments restants des divers codex, or ce n’est pas le cas. La forte hétérogénéité sémantique
s’accompagne d’une variabilité des recensions des sourates qui se répercute sur le contenu
cultuel. Cette hétérogénéité séquentielle se manifeste aux graphiques a) et b). Le tableau 3 lui,
répertorie les manipulations codicologiques sur ce sujet cultuel.

Concernant les premiers versets de la sourate 22, ils sont absents du DAM 01-27.1, du
DAM 01-25.1 DAM 01-29.1 de même toutes les sourates de numéro supérieur à 60. Des
analyses codicologiques suivantes nous confortent dans cette suspicion de manipulation à
propos du culte (Schéma 3). Ces anomalies codicologiques et séquentielles autour du culte
confortent les bizarreries philologiques et doctrinales mises en évidence dans la partie 1.
Le thème du culte islamique dans la version uthmanienne est concentré sur 7 sourates :
2, 3, 5, 9, 17, 22, 48 (ce qui correspond aux sourates 87, 89, 112, 113, 50, 103, 111) ; cette
concentration finale révèle en elle-même un processus de composition : ce processus est
confirmé par les versets lacunaires observés sur les anciens codex. Seule la sourate 50 selon
l’ordre Al Azhar (17 selon la Vulgate) donne une occurrence cultuelle centrale. Tout le champ

33. « ‛uqūdi ’uḥillat »: Sacrifice d'Isaac, la ligature ‫ עקידתא דיצחק‬d'Isaac.


34. « Adoptez donc pour lieu de prière, ce lieu où Abraham se tint debout - Et Nous confiâmes à Abraham et à
Ismaël ceci : Purifiez Ma Maison pour ceux qui tournent autour, y font retraite pieuse, s'y inclinent et s'y
prosternent. »
35.O. Livne-Kafri. The muslims traditions in praise of Jerusalem. P. 12. AION, 58/1-2 (1998).

13
lexical des mosquées est donc très localisé et plus « tardif » si on considère l’ordre selon Al
Azhar. Ces remarques sont confortées par des observations codicologiques.
Dans le codex WEII 1913, les innombrables ratures de la sourate 2 et 48, sur les parties
décrivant ce culte, l’état est très varié entre dégradé et impeccable, laissent à penser que ce culte
fut élaboré par étapes et écrit progressivement sur les codex. L’analyse de la présence de versets
de la Vulgate uthmanienne concerne plusieurs codex incomplets. Ainsi le WEII possède des
parties grossièrement réécrites et mal diacritiquées, alternant avec des parties diacritiquées et
propres. Deux phases éditoriales distinctes se superposent : une phase où le diacritisme est
absent ou aléatoire, une phase où il est présent et maîtrisé.
En outre nous observons pléthore manipulations codicologiques sur les versets
idéologiques sur le masigd ainsi que des hétérogénéités de séquences au tableau 3. Le mot
masgid 36 présente des hésitations graphiques, des rectifications manifestes et récurrentes
comme le montre les documents A1, A2, A3, A4, A5, A8, A18.37

Sanaa, Dār al-Maḫṭūṭāt: DAM 01-15.9 : anomalie sur le mot masgid sourate 48

17/1 Ms. Sanaa 17-21-1 Palimpseste sur le mot « mosquée » : deux encres différentes

Document 2 : Anomalies codicologiques à propos du culte.


Y a-t-il une éventuelle corrélation entre les versets présents – ou choisis – en strate
islamique – et certaines thématiques liées au culte ? Le codex WeII 1913 possède 85% des

14
folios, 10% d’entre eux sont violemment rectifiés. La sourate 22 débute au verset 19, les
sourates 28 à 34 sont absentes. Concernant les DAM ils comportent seulement 30 % de la
vulgate, si des pertes peuvent être incriminées pour l’absence de folio cet argument n’explique
pas tout. Ainsi les versets de la sourate 20 sont ultra-représentés dans les codex de Sana comme
le montre ce document 3 ci-dessous.

Document 3 : anomalies séquentielles, présence importante des sourates 19 à 20 dans


un corpus de codex anciens

De plus, lorsque sur un même folio recto verso, des blocs entiers sont absents (encadré),
ce mobile ne peut plus être incriminé. En outre les blocs présents ou les blocs absents sont
souvent les mêmes d’un codex à l’autre (graphiques a et b). Il y a des recoupements : certains
blocs sont retrouvés systématiquement dans les codex incomplets notamment les blocs liés à la
sourate 20, l’absence du bloc 17/4 à 17/40 se répète dans plusieurs codex.

On peut calculer des fréquences d’apparition (document a et b). En outre, il faut


cependant signaler l’absence de blocs « uthmaniens » sur des folios DAM existants en recto-
verso en jaune, les lacunes sont grisées :

DAM 25 : sourate 24 est suivie de la sourate 26 puis de la sourate 33


DAM 29 :
Recto 3:153 – 3:156 (verset absent : combat) verso 3:164 – 3:175
Recto 4:89 – 4:102 (verset absent : salat en temps de guerre) verso 4:112 – 4:119
Recto 7 :83-7:134 (verset absent verso 7:146 –7:157
Recto 17:53 – 17:62 (verset absent verso 17:82 – 17:99
Recto 36:75 – 37:27 (verset absent verso 37:35 – 37:81
Recto 42:45 – 42:53 ((verset absent : accusation filles de Dieu)verso 43:16–43:30 (verset
absent
Recto 43:46 – 43:71(verset absent verso 43:77 – 44:19.
DAM ? : sourate 27 suivie de la sourate 37 38
WEII : sourate 27 suivi de la sourate 34
DAM 27 :
Recto 37 :038-37 :058 (verset absent (absence zaqum) verso 37 : 070 – 37 : 090 verset absent
Recto 37 :102– 37 :134
Recto 26 :155 – 26 :175 (verset absent (absence de Chouaïb et al Aïka) verso : 26 :198 – 26 :219
Recto 27 :025–27 :029 verset absent (absence de reine de Saba) verso : 27: 046–27:049

Scriptio inférieure sourate 9 puis sourate 19


Folio 19 verso 28 :74 – 28/86 (verset absent (abs. polémique+Abraham) Folio 20 recto 29 :29 – 29 :43
Folio 20 verso 29 :43-29 :54 verset absent ( Folio 21
Recto 30 :26 – 30 :40 Folio 21 verso 30 :40 – 30 : 54

38. UNESCO Image No. 060042B Dār al-Makhtū,tāt, Sanʿāʿ, Yemen.

15
verset absent Folio 22 Recto 31 :24 – 32 :04
Recto 69:44 – 71:28 (djins) verso 72:8 – 74:28

Ainsi, le codex Marcel 20 présente un passage abrupt de la sourate 2 verset absent (2/84
à la sourate 57/20 à 66; le Marcel 18 comporte les séquences suivantes : 8/25 à 8/72, (9/1 à
9/66, verset absent (23/5 à 23/97, 23/97 à 28/53, 30/58 à 31/23)
La forte hétérogénéité des champs lexicaux dans la Vulgate d’Uthman s’accompagne
d’une variabilité des recensions des sourates (hétérogénéité séquentielle). Le codex Marcel 13
comporte les séquences suivantes : 8/25 à 8/63, 9/28 à 9/66, 23/5 à 23/97, 23/97 à 28/53, 30/58
à 31/23, la sourate 29 n’y est pas présente.

Document 4 : codex anciens, anomalies séquentielles présence et absence (entre parenthèses)


des versets présents dans la recension uthmanienne

En scriptio inférieure du DAM 01-27, le palimpseste examiné par Elisabeth Puin,


l’ordre des sourates est différent, on a la sourate 2 puis 8 puis début de 9 puis 33 puis 24 puis
la sourate 15 puis la sourate 25 puis fin de 9 puis 19. Sur le BNF 328 (a) relié, la sourate 35 suit
la sourate 15, le verset 6/20 suit le 5/33. La succession de la sourate 24 à la 33 est logique car
les deux parlent des femmes et de nombreux champs lexicaux proches. Les versets présents
dans différents codex sont-ils les mêmes ? Malgré une disparité à première vue, des
recoupements entre versets et sourates présentes, au sein de différents codex, sont observables
surtout avec le classement Al Azhar. Ainsi la sourate 20 est toujours présente (a) ; de plus la
continuité thématique de la vulgate est supérieure si on ôte les versets absents de ces codex.
Notre classement est proche de celui de F.Imbert (graphique e). La remarque de F. Déroche est
particulièrement éclairante. 39 Ces versets font partie du bloc le plus présent dans nos statistiques
traitant de 11 codex anciens.

Variabilité de fréquence de présence des sourates


10
8
6
4
2
0
7,202

37,008
1,001
2,159
3,038
4,003
4,168
6,037
7,037

9,086
11,013
12,055
15,014
16,080
18,006
19,061
20,128
22,046
24,015
26,039
26,204
28,049
30,057
34,025

37,173
39,068
42,021
44,044
49,011
53,004
55,052
58,014
68,012
72,001
76,022
80,020
86,012
96,002

39. « Ce qui est remarquable, ici, de toutes les variantes coraniques, c’est que dans l’ouvrage de Sanʿāʿ, on constate
une continuité textuelle là où ailleurs, les différences n’apparaissent que comme des pics saillants, isolés, dans un
texte autrement identique au canon. On a cette fois-ci un ensemble. Peut-être qu’au moment de la rédaction sur
ces vieux parchemins retrouvés à Sanʿā,ʿ la conception du texte différait légèrement, qu’on y incorporait des
gloses, directement intégrées dans le texte, jouxtant des enseignements du Prophète. Il ne s’agit pas d’une simple
corruption du Coran d’Othman mais d’une forme indépendante. Quand on compare les deux versions, on a
l’impression de deux traditions qui se chevauchent et le manuscrit de Sanʿāʿ montrerait la fin de l’une d’entre
elles.»

16
Variabilité de présence des sourates
10

FREQUENCE
5

1,001
3,037
4,166
7,034
9,082
12,050
16,074
19,054
22,038
26,030
28,039
34,014
37,161
42,008
48,026
55,037
67,026
76,005
85,016
SOURATE

a) Fréquence des sourates (selon le classement d’Uthman) de 10 recensions : 9


codex DAM 01-29.1, DAM 01-27 : 2 strates, DAM 01-25.1, WEII 1913, BNF 328a,
London Or, Tübingen, Marcel 13 et 20. , un faible indice comme les sourates
mecquoises indique une rareté, un fort indice indique une forte probabilité de
présence.

Fréquence des sourates rangées


chronologiquement
1,2

0,8

0,6

0,4

0,2

0
0 20 40 60 80 100

b) Fréquence des sourates classées chronologiquement dans le corpus de codex

Certains versets et sourates ne sont pas présents. Ainsi on note une grande hétérogénéité
et notamment sur les blocs cultuels ; Le bloc central vers la sourate 20 semble plus fréquent. Le
corpus des anciens codex montre la variété des recensions et la fébrilité de rectifier les primo-
écritures. On voit que les sourates Mecquoises notamment sont absentes des anciens codex ;
certaines sourates comme la sourate 20 (suivant l’ordre uthmanien) sont toujours présentes.

Toutes ces hétérogénéités de recension compléter par des observations de


manipulations codicologiques idéologiques plaident en faveur de plusieurs strates de
prédication cultuelles : une mission vers les nabatéens basée sur l’annonce de l’heure et la
destruction des cités mécréantes, malédictions des pécheurs, l-muj'rimūna (‫)תגרם‬, traduits
improprement par criminels. Cette mission est ensuite relue à la lumière juive (à Damas) puis
islamique (à Bagdad). Nous recherchons ces strates dans un prochain article.

17
c)

e) présence des sourates selon le classement d’Al-Azhar en épigraphie (F.Imbert)


Comparaison d'une distribution aléatoire et celle obtenue
à partir des fréquences de présence des sourates dans 7
recensions

0,4

0,3

0,2

0,1

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8
Série1 Série2

Au vu des différences entre les deux distributions en bleue l’aléatoire et en rouge celle
obtenue on peut dire que la répartition n’est pas aléatoire : les codex ne sont pas homogènes.
Distribution binomiale et distribution de présences des sourates

SOURATE 2 SOURATE 3 SOURATE 17 SOURATE 22 SOURATE 48 SOURATE 5

DAM 01-29.1 une DAM 01-29.1 partie Présence de 17/54 à Absence du bloc Absence du Absente DAM
partie : 2/140 à 2/186 présente 3/36 à 3/55 17/62 et 17/82 à début 22 dans DAM bloc culte
et du DAM 01-27.1 3/153 à 3/156 et 17/99 La partie prière Absence du bloc dans (verset 25 dans
3/164 à 3/175 est absente WEII 1913, DAM 01-25.1et
Rectification du bloc réécriture sur le bloc 01-27.1 DAM
culte dans WEII 1913 Absence 3/156 3/164 Dans le codex DAM verset 5 16
DAM 01-27.1 : rien 01-29.1et 01-27.1et Rectification
Localisation DAM 25 du bloc dans
Jérusalem De nombreuses
réécritures dans le Rectification du bloc WEII 1913 Les
WEII culte initial dans WEII mots masgid
1913 et DAM 17 absents ou
Rectification du bloc rectifiés voir
culte dans le Ṣanʿā annexe
17-21-1, les mots Présente dans
Localisation masgid dans le WEII DAM 01-29
Jérusalem

18
Tableau 2 : Hétérogénéités et anomalies sur les séquences cultuelles dans les codex

WEII DAM 29 DAM 25 DAM 27

ABSENT ABSENT
Doute sur le mot « Ramadan »

A1
Q2/177 2/183

Anomalie signalée

le mot msgd ABSENT ABSENT ABSENT

A2
Q2/192
ABSENT ABSENT ABSENT

Le mot msgd réécrit

A3
Q2/150

Q2/143

ABSENT ABSENT ABSENT

« La religion acceptée d’Allah c’est islam ceux à qui le livre a


été apportés ne sont disputés. » ‘aslamtu mim 3 /20. Folio 16
R

A4
Q3 /20 : le mot «islam» est douteux
Q3/157. « Et si vous êtes tués dans le sentier d'Allah ou si vous ABSENT ABSENT ABSENT
mourez »

19
Q3/144. « Muhammad n'est qu'un messager - des messagers ABSENT ABSENT ABSENT
avant lui sont passés »
Q29/67. « Ne voient-ils pas que vraiment Nous avons fait un ABSENT ABSENT Pas de
sanctuaire sûr [la Mecque], alors que tout autour d'eux on « sanctuaire
enlève les gens ? » sûr » Q 29/67
ABSENT
A5

Dam 16 Ṣanʿā, Dar Al-


Maḫṭuṭat (CD ROM « the
Sana’a Manuscripts » de
1995 Verso 2 (folio 2)
Absence du bloc « La
Mecque et Muhammad »
48/24 à 48/29 et du bloc
49/1 à 49/12
Q17/78. « Accomplis la Salat au déclin du soleil jusqu'à Le mot « Salat » DEBUT Pas de voyage
l'obscurité de la nuit, et [fais] aussi la Lecture à l'aube, car la absent ABSENT A Partir De
Lecture à l'aube a des témoins . Et de la nuit consacre une partie DAM Q17/88- Q17 :78
[avant l'aube] pour des Salat surérogatoires. La Vérité (l'Islam) ENFANT ISRAEL 17/111 Absent
est venue. » AU 17/4 PUIS AU Salat absente
17/53 BLOC
A7 PLAGES PRESENT
PRESENTES Q17/53 Q17/39 17/77
– 17/62
Q17/82 – 17/99

ABSENT AVANT ABSENT ABSENT ABSENT DAM 15-25.1


A8 AVANT AVANT
msgd lié à Abraham au verset Q22/25
Absence de Versets
Début 22 - 14 V

Q22/48 22/60
Q2/142 Qibla ABSENT ABSENT ABSENT
FOLIO 5V

A9

20
Le mot « Ismaël » est douteux.
« Ou dites-vous qu'Abraham, Ismaël, Isaac et Jacob et les

tribus étaient Juifs ou Chrétiens » A10


Palimpseste sur le mot mosquée ABSENT ABSENT Ms. Sanaa A8
17-21-1
A12 Palimpseste mot
mosquée

ABSENT ABSENT

Q6/26
FOLIO 46 V, trou au niveau de l’unité d’Allah

A13
73/20. « Ton Seigneur sait, certes, que tu (Muhammad) te ABSENT ABSENT ABSENT
tiens debout moins de deux tiers de la nuit, ou sa moitié, ou
son tiers Allah détermine la nuit et le jour, toute la nuit en
prière. Récitez-en donc ce qui [vous] sera possible.
Accomplissez la Salat, acquittez la Zakat. »
Ce bloc manifeste une forte rupture syntaxique et est une
réplique.

A14
Sourate 47/ Verset 0 avec Mhmd ajouté et verset 2
Mhmd absent ABSENT ABSENT Tout est
A15 effacé et
réécrit, en
vert verset
inconnu

21
48 ABSENT DAM
Mhmd effacé 34 V 47/20 0.15.9
Tout est effacé et absence de PAS MHMD
réécrit, en bleu verset « si la sourate
inconnu descendait où
le combat » ṢANʿĀA, DAR AL-
Sourate 48 A16 47 :032- MAḪṬUṬAT: DAM 16
DAM 29 48 :002 48/23
VERSO

Muhammad
absent et Mecca

Pas le début de 27 sur la lèpre de Moïse ni Salomon ni zakat ni 18 R 27 début


salat : 27 :025
« 1. Ta, Sin. . Voici les versets du Coran et d'un Livre (recto)-
explicite,2. un guide et une bonne annonce aux croyants,3. qui 27 :029
accomplissent la Salat, acquittent la Zakat et croient avec (verso)
certitude en l'au-delà. »

A19
A20 DAM 16/116

16/118
mensonge des
juifs

Tableau 3 : comparaison de segments dans les codex DAM à propos du culte

22
inscription de Nuba, judéo-arabe récemment découverte par l’archéologue Assas Avraham, présentant le Temple
terme Sachrat Beit El Maqdis, traduit comme : Le rocher du Temple Saint.40

40. Endowment to the Sakhrat Bayt al-Maqdis and al-Aqsa Mosque. Early Islamic Inscription from the Village
of Nuba.

23

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