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De la spatialité néoclassique à la pre-modernité

Les fabriques

- Peter Behrens (1868-1940): Turbinenfabrik (1908-


1909)

- Walter Gropius (1883-1969): Faguswerk (1911-


1912)

Walter Gropius et Adolf Meyer, Usine Fagus, Alfeld an der Leine, 1911-1912, angle sud-ouest.
Peter Behrens (1868-1940) dans son bureau à Berlin en 1913. Sans titre / Le baiser, gravure sur bois à 6 couleurs, 1898.
Gustav Klimt (1862-1918), une des scènes de la « Frise de Beethoven », 1902,
installée dans le Palais de la Sécession viennoise de J-M. Olbrich à Vienne.

Couverture de la revue de la Sécession viennoise Ver Sacrum, n.


8, 1899. Elle fût fondée par Gustav Klimt et Max Kurzweil en
1898.
Joseph-Maria Olbrich (1867-1908), Pavillon de la Sécession, Vienne, 1898. Otto Wagner (1841-1918), Majolikahaus (maison des Majoliques),
Vienne, 1898.
Peter Behrens, Maison Behrens, Darmstadt 1901. Vue de la maison; plan du rez-de-chaussée.
Peter Behrens, Maison Behrens, Darmstadt 1901. Détail de l’entrée, la salle à manger et la salle de musique.
Eglise de San Miniato al Monte, Florence, XI-XVI .

Peter Behrens, Crématorium, Hagen 1905-1908.


Johannes Ludovicus Mattheus Lauweriks, grille géométrique
représentant un système de proportionnément reposant sur le
Peter Behrens, Crématorium, Hagen 1905-1908, vue intérieure. carré avec des cercles inscrits et circonscrits.
Analyse du système de proportionnément utilisé par
Berhens dans le Pavillon d’Oldenburg de 1905 (A.
Moro, Peter Behrens, la ricerca della bellezza, 2010).

Peter Behrens, Pavillon de l’exposition d’art de l’Allemagne nord-ouest, Oldenburg (1905).


P. Behrens, Pavillon AEG, Exposition navale de Berlin, 1908. P. Behrens, Couverture du Catalogue AEG de 1910.

« Ce pavillon octogonal combine des éléments stylistiques néo-grecs et pré- « Le style est à la fois Jugendstil et classique. Behrens,
Renaissance toscane. Ce plan centré en forme de baptistère, est souvent utilisé qui avait été peintre avant de devenir architecte,
dans les expositions allemandes avant la Première Guerre mondiale » exploite ici les couleurs pures de la lithographie en
(A. Colquhoun). offset, technique relativement récente à l’époque».
(A. Colquhoun).
« Beaucoup de gens n’ont pas assez d’argent pour faire appel
à des artistes, et en conséquence il faudra fabriquer en masse
de nombreux produits. La seule réponse à ce grand problème
est d’insuffler sens et spiritualité aux produits de masse par
des moyens artistiques ».
Friedrich Naumann, 1906.

Peter Behrens, affiche de l’exposition de Cologne de la Deutscher Werkbund, 1914.


Peter Behrens pour AEG:
Ventilateur mural, 1908; Perceuse dentaire, 1908; ventilateur électrique de table, 1908;
Lampe à arc à flamme, 1908; publicité de lampes à arc intensif, 1911.
Planimétrie et photographie aérienne du quartier industriel de Berlin-Moabit vu de sud.
Peter Behrens, Turbinenfabrik AEG, Berlin-Moabit 1908-1909, vue perspective datée de février 1909 et façade sud-ouest.

Il était le plus grand hall métallique de Berlin de l’époque, avec ses 207 mètres de longueur, 25 mètres environ de largeur et hauteur.
Behrens cherche à idéaliser la puissance de l’industrie moderne par le biais du classicisme. L’usine apparaît comme la métaphore du temple grec.
Elévation sud-ouest et coupe transversale (A. Moro, Peter Behrens, la ricerca della
bellezza, 2010).

Les piliers d’angle en béton, dont la masse est soulignée par de Une suite d’étançons métalliques posés sur des gonds colossaux
profonds joints creux sont de simples revêtements. Ils donnent remplace la colonnade du temple grec dans un déplacement
un effet de masse et de stabilité mais leur rôle structurel est métonymique direct. Le vitrage continu de la façade latérale, opacifié
apparent. C’est à la grande fenêtre centrale en saillie qui par la répétition des menuiseries métalliques, suit l’inclinaison du profil
revient la tâche de soutenir le fronton. intérieur des étançons.
Peter Behrens, Turbinenfabrik AEG, Berlin-Moabit 1908-1909, le montage de la structure en fer et l’intégration des éléments porteurs dans les façades.

Le pilier d’angle se présente comme une structure de pierre en blocs monolithiques. La texture de la surface évoque la pierre travaillée. La ligne
brisée propose un nouveau type de fronton qui correspond à la charpente métallique (tout comme le fronton triangulaire du temple antique
correspond à la charpente de bois).
« Les deux piles d’angle n’ont qu’une
fonction de liaison et de clôture. Et
c’est précisément pourquoi elles sont
bâties à l’aide d’un autre matériau,
c’est-à-dire en béton ; et de par leur
structure horizontale, ils marquent une
opposition par rapport à la verticalité
de la construction : ils n’interviennent
aucunement dans sa stabilité. Et ils ont
aussi la même inclinaison que les
fenêtres ».
(Peter Behrens)

Le piédroit (non porteur) à l’angle sud-ouest; détail de l’un des 22 grands portiques formée par des montants
métalliques creux étrécis en bas, l’arc en ligne brisé et un tirant; élévation est coté Berlichingenstrasse
(A. Moro, Peter Behrens, la ricerca della bellezza, 2010).
«°Il faut reconnaitre que le grand effet architectonique du pignon consistant à ne
donner aux angles extérieurs qu’une fonction de parement, n’est pas réussi. En effet,
ce pignon, qui n’est autre qu’une structure métallique finement recouverte en béton
armé, parait aussi massif qu’une construction en béton : deux piles d’angles et un
grand fronton. Cet effet n’était bien sûr pas prévu par le professeur Behrens ; et
Erhard Oberbauraut de Vienne, a ainsi parlé de la structure de béton armé de la
Turbinenhalle de AEG dans une publication relative à « l’architectonique moderne » ;
il l’a même présenté comme un exemple de bâtiment attestant « de la vérité des
matériaux ». (…) Mais la façade de verre et d’acier de la Berlichingenstrasse est un
vrai chef-d’œuvre de construction métallique, un succès artistique, mais qui est altéré
au niveau du pignon ».
(Karl Bernhard, ingénieur de l’Usine des Turbines AEG, collaborateur de Berhens)
Peter Behrens, Turbinenfabrik AEG, Berlin-Moabit 1908-1909, détail du plan,
de l’élevation est donnant sur Berlichingenstrasse et de la même façade à
l’intérieur (A. Moro, Peter Behrens, la ricerca della bellezza, 2010) ;
détails des montants verticaux en métal sur pivots.
« Pour la construction du hall principal, le
parti architectonique dominant consistait à
regrouper les masses métalliques, et non à les
disperser partout, comme cela se fait souvent
dans les constructions en treillis ».

(Peter Berhens)
Peter Behrens, Turbinenfabrik AEG, Berlin-Moabit 1908-1909, vue de l’intérieur de l’usine; détail de
l’élevation est à l’intérieur et coupe (A. Moro, Peter Behrens, la ricerca della bellezza, 2010).
Peter Behrens (1868-1940), Turbinenfabrik AEG, Berlin-Moabit 1908-1909, vue de l’intérieur et coupe transversale.
La structure du toit est formée par un arc brisé en 6 segments (en effet 2 poutres) comportant un tirant à leur base.
La structure du hall est donc formée par une suite de 22 arcs asymétriques à trois charnières et un tirant.
Les montants sont disposés de façon telle que leur coté externe est vertical alors que leur surface interne est oblique, inclinée vers
l’intérieur, à mesure qu’ils se rapproche du toit.
« L’architecture est création de volume, et son but n’est pas de revêtir mais essentiellement de
contenir un espace. Si l’on disait que la beauté de la pure construction de fer et d’acier tient à sa
ligne, alors je répliquerais que la ligne n’a pas de consistance et que l’architecture existe en
tant que volume et consistance. Les nécessités pratiques de l’industrie, comme notre besoin
actuel d’air et de lumière, requièrent de larges ouvertures. Mais cela ne signifie pas que toute
architecture doive produire l’impression d’un squelette mince, rigide, ou d’une trame morne. À
cause de leur nature même, le fer pas plus que le verre n’ont pas dans leur aspect le caractère
volumineux de la maçonnerie stratifiée. Mais grâce à une distribution bien calculée de
zones d’ombre et de lumière sur la façade, on peut arriver à donner de la consistance à
l’édifice et donc on peut aussi suggérer une sensation esthétique de stabilité qui, sans un
tel recours, serait refusé au regard indiffèrent à la stabilité mathématiquement démontrable de
l’édifice. Cet effet de stabilité visuelle peut être obtenu en disposant d’amples surfaces de verre
et leur appuis verticaux sur le même plan, par rapport auquel les poutres horizontales du
couronnement prennent un puissant relief ». (Peter Behrens, « Kunst und Technik », Der
Industriebau, I, 1910, n. 8, pp. 178-179. )
Peter Behrens, Pavillon autrichien à l’Exposition internationale des arts décoratifs (Paris, 1925).
Karl Friedrich Schinkel, Altes Museum, Berlin 1825-1830.
K. F. Schinkel, Altes Museum, Berlin 1825-1830, façades latérales et la question de l’angle.
Mies van der Rohe, l’angle du Seagram Building, New York, 1958.
« Schinkel et Mies partagent la même approche : ils arrentent la succession des fenêtres en introduisant un
élément nouveau, tel un pilier ou une colonne, qui va lier le bâtiment au sol et, au même temps, entrecouper
leur système d’alignement horizontaux. Sans doute l’angle de l’Altes Museum est-il un des angles les
plus célèbres de l’histoire de l’architecture. Le rythme régulier des fenêtres s’interrompt. La dernière est
placée loin de l’angle, occupée par un pilastre d’une remarquable largeur. Il est sur le même plan que le mur,
séparé seulement par une rainure ou une moulure en creux. Remarquez comme le bandeau horizontal
séparant les étages s’arrête contre cette rainure et ne continue pas autour du pilastre, comme le font le socle
et la corniche. L’œil est arrêté, et au même temps, pressé de tourner l’angle. […] L’angle du Seagram est
similaire. La trame des fenêtres s’arrête et laisse apparaitre la moitié du pilier à nu. Du fait que le pilier soit en
retrait de quelques centimètres par rapport à la façade rideau, l’ombre que s’y installe retient le regard au lieu
de le laisser échapper autour de l’angle. Ce plan en ombre se prolonge sur la surface extérieure du pilier,
libéré au rez-de-chaussée. Le regard est ainsi amené à saisir l’édifice dans sa totalité de même que le pilastre
d’angle de Schinkel réaffirme la taille et la puissance du Musée ».

(Philip Johnson, Karl Friedrich Schinkel im Zwanzigsten Jahrhundert …., 1961).


Philip Johnson, Glass House, New Canaan, 1949.
Peter Behrens, Turbinenfabrik AEG, Berlin-Moabit 1908-1909.
Karl Friedrich Schinkel, Das Altes Museum, Berlin 1825-1830.
Comparaison entre les piédroits d’angle.
Timbre spécial 2006 pour le 225ème anniversaire de Schinkel. Timbre spécial de 1987 à l’occasion des 750 ans de la fondation de Berlin.
Walter Gropius (1883-1969) à Weimar vers 1919. Walter Gropius, Edifice du Bauhaus, Dessau, 1925-1926.
« Les lieux de production doivent
être des palais qui donnent à
l’ouvrier, aujourd’hui esclave du
travail industriel, non seulement
l’air, la lumière et l’hygiène, mais
aussi le sentiment de partager une
grande idée commune de progrès.
C’est alors seulement que
l’individu acceptera l’anonymat,
sans perdre la joie de travailler en
commun pour le bien de tous,
(…).»

W. Gropius, Kunst und lndustriebau,


1911.

Walter Gropius et Adolf Meyer, Usine Fagus, Alfeld an der Leine, 1911-1912, façade principale et angle sud-ouest.
Walter Gropius, principes de la façade Renaissance et Antique, croquis, 1910; plan et coupes des poteaux en beton à differentes étages. Il est evident leur
retrécissement (inclinaison vers l‘arrière) par rapport à la surface vitrée parfaitement verticale.
Angle sud-ouest du bâtiment administratif et façade principale.

« Ce bâtiment est une inversion polémique de l’usine de Behrens, où la surface


de verre montait en biais derrière la structure massive. À l’usine Fagus, la
structure monte en retrait et le vitrage fait saillie. Le négatif devient positif, le
vide devient palpable » (A. Colquhoun).
« Un nouveau langage architectural apparaît, de façon inattendue et
spontanée, dans cette construction. Au cours de son activité chez Peter
Behrens à Berlin, Gropius avait pu assister à la création et à la
construction des bâtiments de l’AEG. Dans les deux réalisations, le thème
traité est le même, mais la manière toute différente. Behrens avait entouré
d’un mur monumental, aux proportions cyclopéennes, la paroi de verre
de sa fameuse salle des turbines. Chez Gropius, ce mur disparaît. En fait,
les murs n’ont plus mission de porter et de soutenir l’édifice; ils
deviennent de simples revêtements, des paravents contre les intempéries,
ou, comme l’exprime Gropius : « La paroi tendue entre les supports
n’a plus d’autre rôle que de protéger de la pluie, du froid et du
bruit. »
(Sigfried Giedion, Walter Gropius: l’homme et l’œuvre, 1954).
Walter Gropius et Adolf Meyer, Usine Fagus, Alfeld an der Leine, 1911-1912, le bâtiment administratif intégré au complexe industriel.
Angle sud-est du bâtiment administratif et façade est.

« Gropius tire de l’ossature métallique un effet artistique. II suspend la paroi aux supports qui se trouvent derrière elle, comme le plan le
montre distinctement. A l’angle du bâtiment, les deux parois vitrées se rencontrent sans autre support: coup d’œil inattendu pour le spectateur
accoutumé aux murs portants. Vis-à-vis du maitre de l’œuvre, l’architecte justifie cette absence de support d’angle en invoquant une raison
d’économie. Mais ce qui est essentiel c’est qu’indéniablement la recherche d’une transparence et d’une construction sans poids trouve ici, pour
la première fois, son expression ». (Sigfried Giedion, Walter Gropius: l’homme et l’œuvre , 1954).
Walter Gropius et Adolf Meyer, Usine Fagus, Alfeld an der Leine, 1911-1912, hall d’entrée. On remarque la
permanence de la décoration Jugendstil, et sur le fond, la représentation de l’homme de Vitruve.
Behrens versus Gropius?
1.
Alors que Behrens traite ses colonnes répétitives de façon
rhétorique, et leur donne une épaisseur maximale pour créer un
effet de monumentalité classique, Gropius tente de faire
disparaître ses poteaux de brique massifs, de telle sorte que la
façade principale donne l’impression d’être realisée entièrement en
verre.
2.
Alors que Behrens renforce les angles avec des piliers
illusionnistes, Gropius remplace les siens par une véritable
transparence.
3.
Behrens adoucit les angles de son bâtiment, Gropius fait ressortir
les siens avec une précision de bistouri.
L’Usine aujourd’hui, encore en activité, patrimoine mondiale UNESCO depuis 1946
« Avec ses verrières révolutionnaires et son esthétique fonctionnaliste, l’usine annonce le mouvement moderniste et l’école du Bauhaus.
Il s’agit d’un jalon important de l’histoire de l’architecture en Europe et en Amérique du Nord. » (https://whc.unesco.org/fr/list/1368)

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