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toujours raison
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Circé Poche]
FONDEMENT DE TOUTE DIALECTIQUE
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directe démontre que la thèse n'est pas vraie, l'indi-
recte qu'elle ne peut pas être vraie.
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réfutation de la proposition générale au moyen de la
démonstration directe de cas particuliers compris dans
le domaine de son affirmation, et auxquels toutefois
elle ne s'applique pas, de sorte qu'elle-même ne peut
qu'être fausse.
Telle est la charpente générale, le squelette de toute
:
controverse nous avons donc ici son ostéologie. Car
c'est, au fond, ce à quoi se ramène toute controverse
mais tout cela peut n'avoir lieu que réellement ou seu-
lement en apparence, fondé sur des raisons authen-
tiques ou inauthentiques; et si les débats sont si longs
et si acharnés, c'est qu'il n'est pas facile d'en décider
avec assurance. Dans la démonstration, il est égale-
ment impossible de distinguer le vrai de l'apparent,
puisque cette distinction n'est jamais fermement éta-
blie de prime abord chez les adversaires eux-mêmes:
c'est pourquoi je définis les stratagèmes sans me pré-
occuper du fait que l'on a, ou que l'on n'a pas objec-
tivement raison : car on ne peut jamais le savoir soi-
même avec certitude; et cette question ne peut être
tranchée qu'au moyen de la controverse même. Du
reste, en toute controverse ou argumentation, quelle
qu'elle soit, il faut que les adversaires soient d'accord
sur un quelque chose qui permette, en tant que prin-
cipe, de trancher la question posée: Contra negantem
principia non est disputandum. [on ne saurait discuter
avec quelqu'un qui conteste les principes.]
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PREMIER STRATAGÈME
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n'en avait d'abord l'intention quand l'expression dont
on se sert s'y prête.
2I
d'un tel corps serait un animal parfait, et le polype lui
même serait supérieur à l'homme, puisque chaque par-
ticule, en lui, aurait toutes les facultés que l'homme
ne possède qu'en tant qu'ensemble.- En outre, il n'y
aurait pas de raison d'étendre aussi ce qu'on admet
chez le polype à la monade, le plus imparfait de tous
les êtres, et finalement aussi aux plantes, qui, après tout,
sont également vivantes, etc. » C'est parl'emploi de tels
stratagèmes dialectiques qu'un auteur avoue que, sans
le dire, ila conscienced'avoir tort. Puisque l'on disait:
«leur corps entier est sensible à la lumière, est donc de
nature nerveuse», il gauchit cette affirmation et vous
fait dire que le corps entier est pensant.
DEUXIÈME STRATAGÈME
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nymes. «Honnête» et « loyal» des synonymes. On peut
considérer ce stratagème comme identique avec le
sophisme ex homonymia : toutefois, le sophisme évi-
dent de l'homonymie ne saurait sérieusement égarer:
Omne lumen potest extingui
Intellectus est lumnen
Intellectus potest extingui
[Toute lumière peut être éteinte; or, l'intelligence est
une lumière; donc, l'intelligence peut être éteinte.]
Ici, l'on remarque de prime abord que sur quatre
termes, lumen est pris une fois au sens littéral et lumen
une autre fois en un sens figuré. Mais l'illusion se pro-
duit dans des cas subtils, et notamment lorsque les
concepts désignés par la mêême expression sont appa-
rentés et se fondent l'un dans l'autre.
Exemple 1. (Ces cas inventés ne sont pas assez sub-
tils pour faire illusion; il faut donc en collectionner
dans sa propre expérience concrète. Il serait excellent
de pouvoir donner à chacun des stratagèmes un nom
bref et adéquat, au moyen duquel on pourrait rejeter
de prime abord, le cas échéant, tel ou tel stratagème).
A. Vous n'êtes pas encore initié aux mystères de la
philosophie kantienne.
B. Bah, là où il y a des mystères, je ne veux pas en
entendre parler.
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ce principe déraisonnable, et j'en donnais póur raison
que le véritable honneur ne peut être altéré par ce que
l'on subit, mais uniquement par ce que l'on fait; car
n'importe quoi peut arriver à n'importël qui.
L'adversaire s'en prenait directement au fondement
de mon affirmation: il me démontrait lumineusement
que, si l'on accuse un commerçant d'escroquerie ou
de malhonnêteté, ou de négligence dans l'exercice de
sa profession, et à tort, il y avait là uné atteinteà son
honneur, qui n'était blessé que par le tort qui lui était
fait, et qu'il ne pouvait rétablir qu'en contraignant un
tel agresseur à subir un châtiment et à se rétracteru
Tci, il comprenait donc, en vertu de F'homonymie,
l'honneur civil, qu'on appelle d'habitudé la bonne
réputation et auquel on porte atteinte par la calom
nie, sous le concept d'honneur chevaleresque, appelé
d'habitude le point d'honneur, et äuquel on porte
atteinte par des offenses. Et comme il ne convient pás
de supporter sans réagir la première de ces offenses,
qu'il faut au contraire repousser en la réfutant publi-
quement, de même, on serait tout autant en droit de
ne pas dédaigner une atteinte à la seconde catégorie
d'honneur, et devrait la repousser par une offense plus
forte, et par le duel. Donc, une confusion de deux
choses essentiellement différentes en vertu de l'homo-
nymie du mot d'«honneur» : et, en d'autres termes,
une mutatio controversae [une modificationde l'objet
du débat), sous le couvert d'une homonymie. nole
sbroqs7n iio up amiom s.3lisl les auov iup 9enoto
st AT
hi sl to'up uo .9V619g eulq sensitto ou TSq
EYUOT.9igoiq oie sl uo tin19vbs'I ob iuloo .g162
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STRATAGÈME 3
25
losophes et qu'écrivains, donc non pour leurs mérites
théoriques, mais seulement en tant qu'hommes, pour
leurs actes, seulement d'un point de vue pratique;
or,
dans le cas de Hegel, il s'agissait de mérites théoriques.
J'avais ainsi paré cette attaque.
Ces trois premiers stratagèmes sont apparentés: ils
ont en commun le fait que l'adversaire parle en réa-
:
lité d'autre chose que de la question posée ainsi, on
commettrait une ignoratio elenchi (ignorance du
contre-argument| si l'on se laissait réduire au silence
de cette manière. Car, dans tous les exemples cités, ce
que dit l'adversaire est exact: mais n'est pas réelle-
ment en contradiction avec ma thèse, ne l'étant qu'en
apparence; donc, celui qu'il attaque ainsi nie la consé
quence de son raisonnement, c'est-à-dire, le fait de
conclure de la justesse de sa thèse à la fausseté de la
nôtre. C'est done une réfutation directe de sa réfuta-
tion per negationem consequentiae [au moyen du rejet
de la déduction].
Rejeter des prémisses exactes parce que l'on pré-
voit la conséquence. Il existe donc, contre cette tac-
tique, les deux moyens suivants, la règle 4 et la 5.
STRATAGÉME 4
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l'air l'approbation de ses prémisses, en les dispersant
dans le cours de la conversation, sans quoi, l'adver-
saire se jettera dans de nombreuses arguties; ou s'il
est douteux que l'adversaire les concède, que l'on pose
les prémisses de ces prémisses, que l'on édifie des pro-
syllogismes; que l'on s'arrange pour faire approuver
les prémisses de plusieurs pro-syllogismes de ce genre,
mais sans ordre, et confusément, que l'on cache par
conséquent son jeu, jusqu'à ce qu'on ait fait approu-
ver tout ce qu'on désire. Done, qu'on ménage de loin
la conduite de son affaire. Aristote indique des règles
dans les 7Topiques, livre VIII, chap 1. Il n'est pas besoin
de donner des exemples.
STRATAGĖME 5
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l'adversaire au moyen d'autres propositions fausses,
qu'il tient toutefois pour vraies; car c'est à lui qu'on a
affaire, et à son mode de pensée qu'il faut recourir.
Par exemple, s'il est adepte de telle ou telle secte, que
nous ne préciserons pas, nous pouvons faire valoir
contre lui les préceptes de cette secte, en tant que prin-
cipia. (Cf. Aristote, 7Topiques, VIII, chap. 9).
STRATAGÈME 6
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STRATAGÈME 7
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STRATAGÈME 8
si
i5
sb sii1>v 6í 2roiz299noo 91qoiq 292 sb Sibs
isio a sujil gTRATAGÈME 6m1s) itierr
Ttt 29up slls 6 129'9: (9upis902 sborlism
Poser les questions dans un ordre différent de celui is
qu'exige la déduction qu'on doit en tirer, en les emme
il
lant de toute sorte de façons ignore alors où l'on
veut en venir et ne peut pas prévenir les attaques; en
outre, on peut alors utiliser ses réponses pour en tirer
des conclusions diverses, voire même opposées, selon
que l'occasion se présente. Apparenté au quatrième
stratagème, afin de masquer sa manière de faire.
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STRATAGÈME IO
STRATAGÈME
II
Sinous raisonnons par induction, et qu'il nous concède
la vérité des cas particuliers qui servent à l'étayer, il
ne faut pas lui demander s'il concède aussi la vérité
générale qui résulte de ces cas particuliers, mais l'intro-
duire ensuite dans le débat comme si elle était tirée
au clair et reconnue: car il arrivera parfois qu'il s'ima-
gine l'avoir concédée, et les assistants le croiront éga-
lement,vuqu'ils se rappelleront les nombreuses ques-
tions qui ne peuvent qu'avoir produit l'effet recherché.
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STRATAGÈME I2
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ment purement analytique. Ce que l'un appelle
«s'assurer de sa personne », «mettre en lieu sûr», son
adversairel'appelle «l'enfermer»,-Souvent, un ora-
teur trahit à l'avance son intention par les noms qu'il
donne aux choses. L'un dit «le clergé» et l'autre «les
calotins. De tous les stratagèmes, c'est celui-ci qui
est le plus couramment employé, et d'instinct. « Zèle
-
pieux»= «fanatisme», «Faute» ou «escapade»
«adultère». « Equivoques » = « cochonneries». « Mal
en point» = «par corruption et népotisme ».
«Reconnaissance sincère» = «bon pot de vin».
STRATAGĒME I3
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gris près du noir : on peut le qualifier de blanc; et si
on le place à côté du blanc, on peut le qualifier de noir.
STRATAGÈME I4
STRATAGÈME I5
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par méfiance, nous le réduirons ad absurdum et triom-
pherons; mais s'ill'admet, nous aurons dit, en atte-
ridant mieux, quelque chose de rationnel, et nous pou-
vons alors voir venir. Ou bien nous y ajouterons le
stratagème précédent et nous affirmerons alors que
notre paradoxe est démontré. Il y faut une extrême
impudence; mais elle se rencontre dans l'expérience
humaine, et il est des gens qui pratiquent instinctive-
ment toutes ces astuces.
STRATAGÈME 16
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STRATAGEME I7
STRATAGÈME I8
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STRATAGÈME 19
STRATAGÈME 20
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STRATAGÈME 21
STRATAGÈME 22
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cipes; car lui, et les assistants, considéreront facile-
ment une proposition proche du problème comme
identique à l'énoncé de ce problème; et c'est ainsi que
nous lui soustrayons son meilleur argument.
STRATAGÈME 23
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STRATAGÈME 24
STRATAGÈME 25
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L'instantia est un cas d'application de la vérité géné-
rale, telle qu'une notion qui doit être subsumée sous
ce concept général, mais à laquelle ne s'applique pas
la vérité en question, sert à la renverser totalement.
Or, il peut se produire, dans un tel raisonnement, des
illusions; il faudra donc, en présence des instances
dressées par l'adversaire, tenir compte des points sui-
vants: 1) se demander si l'exemple est bien conforme
à la vérité: car il y a des problèmes dont la seule solu-
tion véritable consiste en ce que le cas allégué est faux,
par exemple de nombreux miracles, des histoires de
fantômes, etc.; 2) si cet exemple relève aussi réelle-
ment du concept de la vérité affirmée: ilne lefait sou-
vent qu'en apparence,et on peut le résoudre au moyen
d'une distinction stricte; 3) et s'il est également
contraire àla véritéaffirmée; ce qui n'est souvent aussi
qu'une apparence.
STRATAGÈME 26
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STRATAGÈME 27
STRATAGÈME 28
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les gens ne demandent qu'à éclater de rire tout de suite,
et l'on a les rieurs de son côté. Pour démontrer le néant
de l'objection, il faudrait que l'adversaire se lançât dans
un long exposé, et remontât aux principes de la science,
ou à quelque autre état de faits : ce qui aura du mal à
lui concilier les auditeurs.
Exemples:l'adversaire dit: 1ors de la formation des
montagnes primitives, la masse qui s'est plus tard cris-
tallisée pour former le granit et tout le reste de ces
montagnes était liquide sous l'effet de la chaleur, donc
fondue; cette chaleur devait être d'environ 200°
Réaumur; et la masse s'est cristallisée au-dessous de
la surface maritime qui la recouvrait. Nous répliquons
par l'argumentum ad auditores, que sous une telle tem-
pérature, et même bien avant, vers 80° environ, la mer
aurait depuis longtemps bouilli et se serait évaporée
dans l'air.-Les auditeurs éclatent de rire. Pour nous
vaincre, il devrait démontrer que le point d'ébullition
n'est pas seulement fonction de la température, mais
qu'il dépend tout autant de la pression de l'atmo-
sphère
et que celle-ci, dès que par exemple la moitié
des eaux marines serait en suspension dans l'air, sous
forme de vapeur, augmenterait au point qu'il n'y aurait
pas d'ébullition, même par 200° Réaumur.- Mais il
n'y parviendra pas, car il faudrait, en présence d'audi-
teurs ignorants de la physique, toute une dissertation
pour l'exposer.
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STRATAGÈME 29
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un stade intermédiaire entre l'argumentum ad perso-
nam, dont nous parlerons dans ce paragraphe, et l'argu-
mentum ad hominem.
A quel point ce stratagème est pour ainsi dire ins-
tinctif, c'est ce que montre n'importe quelle querelle
entre des gens du vulgaire: quand l'un, en effet, adresse
à l'autre des reproches personnels, celui-ci ne lui
répond pas en les réfutant, mais au moyen de griefs
personnels qu'il adresse au premier, en laissant de côté
ceux qu'on lui a jetés à la figure, et, donc, comme s'il
les avouait exacts. Il agit, comme Scipion, qui attaqua
les Carthaginois, non en Italie, mais en Afrique. A la
guerre, une telle diversion peut avoir sa valeur. Dans
les disputes, elle ne vaut rien, puisqu'on ne conteste
pas les griefs qu'on vous a opposés, et que l'auditeur
apprend tout le mal possible de l'un et de l'autre parti.
Elle est d'usage dans les disputes, faute de mieux.
STRATAGÈME 30
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il y aura pour lui d'autant plus d'autorités que ses
connaissances et ses compétences sont plus restreintes.
Si, par exemple, celles-ci sont de tout premier ordre,
iln'y aura pour lui que peu d'autorités, ou pas du tout.
Au pis aller, il se ralliera à l'opinion des spécialistes
dans un domaine qu'il ne connaît que peu, ou pas du
tout, une science, un art, un métier, et ne le fera qu'avec
méfiance. Au contraire, les gens du commun ont un
profond respect pour les spécialistes de tout ordre. Is
ignorent que celui qui se fait profession d'une chose
n'aime pas la chose même, mais ce qu'elle lui rapporte :
que celui qui enseigne une chose la connaît rare
-et
ment à fond, car s'il l'étudiait à fond, il n'aurait en
général plus le temps de l'enseigner. Or, pour le vul-
gus, il y a une foule d'autorités qui jouissent de son
respect: donc, si l'on en a pas une adéquate à invo-
quer, que l'on en prenne une d'apparemment adé-
quate: que l'on cite ce que quelqu'un a dit en un autre
sens, ou dans un contexte différent. Ce sont les auto-
rités auxquelles l'adversaire ne comprend rien qui, le
plus souvent, font le meilleur effet. Les ignorants ont
un respect tout particulier pour les fleurs de rhéto-
rique grecques et latines. On peut aussi, en cas de
nécessité, non seulement déformer le sens de ces auto-
rités, mais le falsifier carrément, ou même en citer qui
sont de pures inventions; en général, l'adversaire n'a
pas le livre sous la main, et ne sait du reste pas s'en
servir. Le plus bel exemple en est donné par ce curé
français qui, pour n'avoir pas à paver la rue devant sa
maison, comme les autres citoyens, citait une formule
biblique : paveant illi, ego non pavebo Que ceux-là
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tremblent, moi, je ne tremblerai pas.] (Ce que les audi-
teurs ignorants du latin interprétaient en comprenant
pavere comme « paver»). Ce qui convainquit le conseil
municipal. Il faut aussi utiliser en guise d'autorité les
préjugés communs. Car la plupart des gens pensent,
avec Aristote: hamen pollois dokei tauta ge einai pha-
men ce qui semble juste à beaucoup, nous disons que
c'est vrai] et il n'est pas d'opinion, si absurde qu'elle
soit, dont les hommes ne s'emparent avec empresse-
ment dès qu'on a pu les persuader que cette opinion
est communément reçue. L'exemple agit sur leurs pen-
sées comme sur leurs actes. Ce sont des moutons de
Panurge, qui suivent le bélier de tête, où qu'il les mène:
il leur est plus facile de mourir que de penser. Il est
bien étrange que l'universalité d'une opinion ait tant
de poids pour eux puisqu'il leur suffit de s'observer
eux-mêmes pour constater qu'on adopte des opinions
sans jugement propre, et seulement en vertu de
l'exemple. Mais s'ils ne le voient pas, c'est qu'ils sont
dépourvus de toute connaissance d'eux-mêmes.
L'élite seule dit avec Platon: tois polloispolla dokei
le grand nombre a un grand nombre d'opinions],c'est-
à-dire: le vulgus a dans la tête une foule de sornettes,
et s'il fallait en tenir compte, on aurait beaucoup à
:
faire. Pour parler sérieusement la généralité d'une
opinion n'est pas une preuve, et même pas un indice
de la vraisemblance de son exactitude. Ceux quil'affir-
ment doivent admettre 1) que l'éloignement dans le
temps prive toute généralité de sa valeur de démons-
tration: sinon, il faudrait qu'ils rappellent à la vie toutes
les erreurs qui ont jadis passé pour des vérités par
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exemple le système de Ptolémée, ou qu'ils rétablis-
sent le catholicisme dans tous les pays protestants;
2) que l'éloignement dans l'espace a le même effet:
sinon, la généralité de l'opinion chez les adeptes du
bouddhisme, du christianisme et de l'islam mettrait
l'esprit en embarras.
Ce qu'on qualifie d'opinion commune est, à bien
l'examiner, l'opinion de deux ou trois personnes; et
c'est de quoi nous pourrions nous convaincre si nous
pouvions seulement observer la manière dont naît une
pareille opinion commune. Nous découvririons alors
que ce sont deux ou trois personnes qui ont commencé
à l'admettre ou à l'affirmer, et auxquelles on a fait la
politesse de croire qu'il l'avaient examinée à fond;
préjugeant de la compétence de ceux-ci, quelques
autres se sont mis à admettre également cette opinion;
un grand nombre d'autres gens se sont mis à leur tour
àcroire ces premiers, car leur paresse intellectuelle
les poussait à croire de prime abord, plutôt que de
commencer par se donner la peine d'un examen. C'est
ainsi que de jour en jour, le nombre de tels partisans
paresseux et crédules d'une opinion s'est accru; car
une fois que l'opinion avait derrière elle un bon
nombre de voix, les générations suivantes ont supposé
qu'elle n'avait pu les acquérir que par la justesse de
ses arguments. Les derniers douteurs ont désormais
été contraints de ne pas mettre en doute ce qui était
généralement admis, sous peine de passer pour des
esprits inquiets, en révolte contre des opinions uni-
versellement admises, et des impertinents qui se
croyaient plus malins que tout le monde. Dès lors,
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l'approbation devenait un devoir. Désormais, le petit
nombre de ceux qui sont doués de sens critique sont
forcés de se taire; et ceux qui ont droit àla parole sont
ceux qui, totalement incapables de se former des opi-
nions propres et un jugement propre, ne sont que
l'écho des opinions d'autrui : ils n'en sont que plus
ardents et plus intolérants à les défendre. Car ce qu'ils
détestent chez celui qui pense autrement, ce n'est pas
tant l'opinion différente qu'il affirme, mais l'outre-
cuidance de vouloir juger par lui-même; ce qu'eux ne
risquent jamais, et ils le savent, mais sans l'avouer.
Bref rares sont ceux qui peuvent penser, mais tous
veulent avoir des opinions et que leur reste-t-il d'autre
que de les emprunter toutes cuites à autrui, au lieu de
se les former eux-mêmes? Puisqu'il en est ainsi, quelle
importance faut-il encore attacher à la voix de cent
millions d'hommes? Autant que, par exemple, à un
fait de l'histoire que l'on découvre chez cent histo-
riens, au moment où l'on prouve qu'ils se sont tous
copiés les uns les autres, raison pour laquelle, en der-
nière analyse, tout remonte aux dires d'un seul témoin:
«Dico ego, tu dicis; sed denique dixit et ille:
Dictaque post toties, nil nisi dicta vides... »
Je le dis, tu le dis, mais cet autre l'a également dit:
après tant de dires, on ne trouve plus que des on-dit.]
Néanmoins, on peut, dans les débats avec les gens
du vulgaire, se servir de l'opinion commune en guise
d'autorité.
D'une manière générale, on constatera que, quand
deux esprits vulgaires se querellent, c'est à coups
d'autorité que, par un choix commun, ils s'adminis-
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trent des volées.-Si une tête mieux faite doit lutter
avec de tels esprits, le mieux qu'on puisse lui conseiller
est de se résigner à utiliser, lui aussi, cette arme, en la
choisissant selon les points faibles de son adversaire.
Car, attaqué par l'arme des bonnes raisons, celui-ci
est, par hypothèse, un Siegfried à la peau cornée,
s'étant baigné dans le flot de l'incapacité à penser et
à juger.
Au tribunal, on ne se bat en fait qu'à coups d'auto-
rités, car l'autorité de la loi emporte la décision : le
rôle propre de l'autorité judiciaire, c'est de découvrir
la loi, c'est-à-dire l'autorité applicable dans le cas sou-
mis à elle. Mais la dialectique a de quoi se donner car-
:
rière car, le cas échéant, l'objet du débat et une loi
qui, en réalité, sont étrangers l'un à l'autre peuvent
être manipulés jusqu'à ce qu'on les considère comme
ayant un rapport entre eux; ou l'inverse.
STRATAGÈME 3I
50
sont des niaiseries. C'est ainsi qu'à la parution de la
Critique de la Raison pure, ou, pour mieux dire, dès
qu'elle commença à faire sensation, bon nombre de
professeurs de la vieille école éclectique déclarèrent:
«Nous n'y comprenons rien», croyant lui avoir ainsi
réglé son compte.-Seulement, lorsque quelques par-
tisans de la nouvelle école leur prouvèrent qu'ils
disaient vrai et qu'il n'y comprenaient rien, en effet,
ils manifestèrent beaucoup de mauvaise humeur.
On ne doit faire usage de ce stratagème que si l'on
est sûr de jouir chez les auditeurs d'une considération
nettement supérieure à celle dans laquelle ils tiennent
votre adversaire :par exemple, quand un professeur
réfute un étudiant. En fait, ce procédé se rattache au
précédent et n'est rien d'autre qu'un accent mis sur
votre propre autorité, en guise de raisons, et d'une
manière particulièrement perfide.
- La contre-
attaque consiste à dire: «Excusez-moi, mais avec votre
grande pénétration, vous devez n'avoir aucun mal à
comprendre, et l'imperfection de mon exposé est seule
responsable» et luitartiner, quant à l'objet de ce débat,
de telles flatteries sur la figure que le voilà obligé,
nolens volens, de le comprendre, ce qui rend évident
qu'auparavant, il n'y comprenait effectivement rien.
On a donc renvoyé l'attaque à son auteur : il voulait
insinuer que nous soutenions des «niaiseries » ; nous
l'avons convaincu de «sottise». L'un et l'autre sous
les formes d'une parfaite politesse.
5I
STRATAGÈME 32
STRATAGÈME 33
52
consequentia |si la raison est juste, la conséquence
qu'on en tire s'impose.-Cette affirmation exprime
une impossibilité: ce qui est exact en théorie l'est aussi
forcément en pratique; s'il ne l'est pas, c'est qu'il y a
une faute dans la théorie, qu'on a négligé quelque
chose, qu'on ne l'a pas fait entrer en compte, donc,
c'est également faux en théorie.
STRATAGÈME 34
53
STRATAGÈME 35
qui, dès qu'on peut s'en servir, rend tous les autres
superflus : au lieu d'agir sur l'intelligence par des rai-
sons, que l'on agisse par des mobiles sur la volonté, et
l'adversaire, de même que les auditeurs, du moment
que leurs intérêts sont les mêmes que les siens, seront
aussitot amenés à notre opinion, même si elle était
tirée de l'asile d'aliéénés: car,le plus souvent, une once
de volonté pèse plus lourd qu'un quintal d'intelligence
et de convictions. Il est vrai que cela requiert des cir-
constances toutes particulières. Si l'on peut faire sen-
tir à l'adversaire que son opinion, du moment qu'on
l'admettrait, causerait un tort considérable à ses inté-
rêts, il la lâchera tout aussitôt, comme un fer rouge
qu'il aurait imprudemment empoigné. Par exemple,
un ecclésiastique soutient un dogme philosophique:
qu'on le prie de remarquer que celui-ci est en contra-
diction indirecte avec un dogme fondamental de son
Eglise, et il le laissera tomber. Un propriétaire terrien
soutient, en Angleterre, l'excellence du machinisme,
puisqu'une machine à vapeur y fait le travail de nom-
breux ouvriers: qu'on lui fasse comprendre que bien-
tôt, les voitures, elles aussi, seront tirées par des
machinesà vapeur, ce qui fera considérablement bais-
ser la valeur des chevaux de son haras bien garni: et
on verra ce qu'il en dira. En pareil cas, chacun réagit
le plus souvent selon la maxime: « quam temere in nos-
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met legem sancimus iniquam» [« quelle légèreté que
de proclamer une loi qui se retourne contre nous»]
Même tactique si les auditeurs font partie, comme
nous, d'une même secte, corporation, d'un même corps
de métier, d'un même club, etc.; mais non notre adver-
saire. Si juste que soit sa thèse, sitôt que nous nous
contentons d'une allusion au fait qu'elle est contraire
aux intérêts communs d'une telle corporation etc., tous
les auditeurs trouveront les arguments de l'adversaire,
pour excellents qu'ils puissent être, faibles et
pitoyables, et les nôtres, au contraire, fussent-ils tirés
par les cheveux, justes et irréfutables; le chæur se
déclarera bruyamment en notre faveur, et l'adversaire
devra, l'oreille basse, céder la place. Du reste, les audi-
teurs croiront le plus souvent n'avoir opiné de cette
manière que par pure conviction. Car ce qui nous défa-
vorise semble en général absurde à l'intellect.
Intellectus luminis sicci non est etc. [citation com-
plète:«1'intellect n'est pas une lumière qui brûle sans
huile, mais est alimenté par les passions »]. Ce strata-
gème pourrait être défini: «attaquer l'arbre à sa
racine»; on l'appelle généralement l'argumentum ab
utili.
55
STRATAGÈME 36
56
reposée sur cet objet, je suis prêt à admettre cette exi-
:
gence. Et tout d'abord êtes-vous pour un traitement
analogique ou dialogique ?»-«Je suis pour un trai
tement rationnel», répliqua Moise, ravi de trouver une
occasion de controverse. «Bien», dit le châtelain, «et
pour commencer, primo, je l'espère, vous ne contes-
terez pas que tout ce qui est; si vous ne me l'accordez
point,je ne puis poursuivre ce débat».-«Soit, répon-
dit Moise, je pense pouvoir le concéder; et en tirer les
plus grands avantages».- «C'est ce que j'espère
aussi», répliqua l'autre, «vous reconnaîtrez qu'une
partie est plus petite que le tout». « Cela aussi, je
l'admetsS», dit Moïse, « ce n'est que juste et raison-
nable», --«Jespère», s'écria le châtelain, «que vous
ne contesterez pas que la somme des trois angles d'un
triangle soit égale à deux droits»,-«Il n'estrien de
plus clair», répliqua l'autre, en promenant autour de
lui son habituel regard solennel.
«Bon», dit le châtelain, parlant très vite, «puisque
voilà les prémisses établies, je passerai à cette remarque
que l'enchaînement d'existences existant en elles-
mêmes, procédant en un double rapport réciproque,
produit par la force des choses un dialogisme problé-
matique, lequel prouve, jusqu'à un certain point, que
l'essence de la spiritualité doit être rattachée au second
principe prédicable».- «Arrêtez, arrêtez», s'écria
l'autre, «je le nie. Croyez-vous que je puisse baisser
docilement pavillon devant des théories aussi hétéro-
doxes?», «Quoi», reprit le châtelain, comme emporté
par son élan, «ne pas baisser pavillon? Répondez à
une seule question claire et simple. Croyez-vous
57
qu'Aristote ait raison de dire que les relatifs sont en
relation?».- «Sans aucun doute», répliqua l'autre.
«S'il en est ainsi, alors», s'écria le châtelain, «répon-
dez sans ambages à la question que je vous pose:consi-
dérez-vous la dissection analytique de la première par-
tie de mon enthymène comme insuffisante secundum
quoad ou quoad minus? et définissez-moi vos prin-
cipes, et tout de suite».-« Je ne puis que m'y refu-
ser», s'écria Moïse, «je ne comprends pas bien à quoi
tend votre discussion; mais il me semble que, si on la
ramène à une simple et unique remarque, je trouve-
rai bien une réponse».- «Oh, Monsieur, s'écria le
châtelain, je suis votre très humble et très obéissant
serviteur, mais je me permets de remarquer que vous
me sommez de vous munir d'arguments, et, qui pis est,
de raisonnables. Non pas, Monsieur; là, je proteste,
vous exigez trop de moi». Ce qui provoqua un éclat
de rire sonore dont fut victime le pauvre Moise, seul
à prendre un air marri dans un groupe de visages épa-
nouis; aussi ne prononça-t-il plus une seule syllabe
durant toute la conversation». (Extrait du chapitre 7).
STRATAGÈME 37
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exécrable, il nous est facile de réfuter cette preuve, et
de prétendre que c'est là une réfutation du fait lui-
même. Au fond, cela revient à dire que nous faisons
d'un argumentum ad hominem un argumentum ad rem.
Si lui, ou l'un des assistants ne découvre pas une preuve
plus exacte, c'est nous qui triomphons.-Par exemple:
quand quelqu'un avance, pour prouver l'existence de
Dieu, la preuve ontologique, qui est parfaitement réfu-
table. C'est de cette façon que de mauvais avocats per-
:
dent une bonne cause ils veulent l'étayer au moyen
d'une loi qui ne s'y applique pas, tandis que la loi adé-
quate ne leur vient pas à l'esprit.
ULTIME STRATAGÈME
59
l'adversaire; on devient donc désobligeant, hargneux,
offensant, grossier. C'est un appel des facultés de
l'esprit à celles du corps ou à l'animalité. Cette règle
est fort appréciée, car chacun est capable de l'appli-
quer, et s'emploie donc fréquemment. Seulement, on
peut se demander quelle parade doit alors être
employée par la partie adverse. Car, si celle-ci veut
rendre à son adversaire la monnaie de la pièce, on
aboutira à une rixe ou à un procès en diffamation. On
se tromperait fort si l'on s'imaginait qu'il suffit d'évi-
ter soi-même toute allusion personnelle. Car, en
démontrant à quelqu'un, sans jamais s'irriter, qu'il a
tort et que par conséquent, il juge et pense de travers,
et il en va ainside tout triomphe dialectique, on l'agace
encore plus que par quelque tournure grossière et
offensante. Et pourquoi? Parce que, comme le dit
Hobbes: Omnis anima voluptas, omnisque alacritas
in eo sita est, quod quis habeat, quibuscum conferens
se, possit magnifice sentire de se ipso. [Toute volupté
de l'esprit, toute bonne humeur provient de ce qu'on
a des gens en comparaison desquels on puisse avoir
une haute estime de soi-même].- Les hommes ne
tiennent à rien tant qu'à se délecter de leur vanité, ni
ne sont blessés par rien plus que de la voir offensée.
(De là des formules telles que: «mon honneur m'est
plus cher que la vie», etc.) Cette délectation de la vanité
naît principalement de ce que l'on se compare avec
d'autres,àtouspoints de vue, mais principalement celui
des capacités intellectuelles. Or, cette comparaison a
lieu effectivement et très violemment dans la contro-
verse. D'où la fureur du vaincu, sans qu'on lui ait fait
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tort, d'où son recours à l'ultima ratio, à ce stratagème
ultime, qu'on ne peut esquiver en se tenant, pour sa
part, dans les limites de la simple politesse. Toutefois,
une grande maîtrise de soi peut, dans ce cas également,
:
vous tirer d'embarras, de la manière suivante sitôt que
l'adversaire passe aux attaques personnelles, que l'on
réplique sereinement que tout cela n'a rien à voir avec
la chose discutée, et qu'on ramène aussitôt à celle-ci, et
continue de lui prouver qu'il a tort objectivement, sans
se soucier de ses offenses, donc en quelque sorte, comme
dit Thémistocle disant à Eurybiade :patazon men akou-
son de [frappe, mais écoute]. Ce qui n'est pas donné à
tout le monde.
La seule parade infaillible est donc celle déjà recom-
mandée par Aristote au dernier chapitre des Topiques:
ne pas s'engager dans une controverse avec le premier
avecc ceux quel'on connaît et dont
venu, mais seulenment
on sait qu'ils ont assez de raison pour ne pas étaler au
jour des absurdités et se rendre ainsi ridicules; afin de
discuter au moyen de bonnes raisons, et non à coups
de rodomontades; afin d'écouter ces raisons et de leur
répliquer;et de qui l'on sait enfin, qu'ils font grand cas
de la vérité, qu'ils aiment entendre de bonnes raisons,
même dans la bouche de leur adversaire, et ont assez
le sens de la justice pour pouvoir admettre de perdre
la partie, si la véritéest dans l'autre camp. Il en résulte
que de cent hommes, on en trouvera à peine un seul
qui soit digne que ll'on discute avec lui. Quand aux
autres, qu'on les laisse dire ce qui leur passe par la tête,
car desipere est juris gentium [c'est un droit de l'homme
que d'être un idiot), et qu'on médite ce conseil de
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Voltaire : La paix vaut encore mieux que la vérité. Et
un proverbe arabe dit: «C'est à l'arbre du silence que
pend son fruit: la paix ». Il est vrai que la controverse
est souvent bénéfique à l'un comme à l'autre, du fait
qu'ils frottent leurs têtes entre elles, et lui sert à recti-
fier ses propres pensées, et aussi à concevoir des vues
nouvelles. Simplement, il faut que les deux duellistes
soient à peu près égaux en savoir et en intelligence. Si
le premier fait défaut à l'un d'eux, il ne comprend pas
tout, n'est pas au niveau. Si la seconde lui fait défaut,
l'aigreur qu'il en ressentira l'amènera à faire usage de
faux-fuyants, d'astuces ou de grossièreté.