REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS

// LANGUE //
L’éducation bilingue aux
États-Unis selon Fabrice
N°442 septembre-octobre 2022 Jaumont
Le chef équatorien
écoresponsable Rodrigo
Pacheco
5 fiches pédagogiques avec ce numéro

// MÉTIER //
Au Ghana, des volontaires
internationaux pour le français
Le couscous,
emblème de la
diversité partagée
// ÉPOQUE //
Kamel Daoud : l’aventure,
c’est l’écriture
À Québec, la francophonie
c’est l’Amérique !

// DOSSIER //

DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT
POUR L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE DES LANGUES 
// MÉMO //
Leyla McCalla, chanteuse américaine Le « Beyrouth-sur-Seine » de
FIPF

venue d’Haïti Sabyl Ghoussoub

L’émission qui vous emmène en voyage en francophonie à travers
le monde.
D’un pays à l’autre, Ivan Kabacoff part à la rencontre d’habitants qui ont fait le choix de la
langue française. Tous ont un point commun : mettre en lumière leur culture, leurs modes
de vies, leurs engagements et le tout en français !
Détails et horaires sur : tv5monde.com/dfmensuelle

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la plateforme TV5MONDEplus

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(revue de didactique de la recherche
universitaire francophone)
n° 4 - septembre-octobre 2020
dU
revUe de la Fédération internationale des proFesseUrs de Français
DOSSIER
crise sanitaire
réinventer la pédagogie
FocUs actU librairie pédagogie
Santé, science et médias « Vents du Sud » 10 sur 10 en Afrique,
face à l’urgence à Nouakchott le français par le théâtre
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 numéro 442
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tions complémentaires aux articles
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DES FICHES PÉDAGOGIQUES
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- Région : À Québec, la francophonie
c’est l’Amérique !
- Mnémo : L’incroyable histoire
du pronom COD
02
12
RÉGION
À QUÉBEC, LA FRANCOPHONIE,
C’EST L’AMÉRIQUE !
ÉPOQUE
08. Portrait
Kamel Daoud : l’aventure, c’est l’écriture
10. Tendance
Après les paves… la plage
11. Sport
Money, money…
12. Région
À Québec, la francophonie, c’est l’Amérique !
14. Idées
Fiches pédagogiques Jérôme Batout : « La province prend
n Les fiches pédagogiques en télé- sa revanche sans être revancharde »
chargement : des démarches d’ex-
ploitation d’articles parus dans 16. Cinéma
Le français dans le monde. Paris, décor de cinéma
n Cliquez sur le picto « fiche
pédagogique » sur les pages 17. Créativité
lors de la lecture pour téléchar- Génération Z, génération poètes ?
ger la fiche d’exploitation de
l’article en question. LANGUE
n Rendez-vous directement sur les 18. Entretien
pages « À écouter » et « À voir » : Fabrice Jaumont : « Les mentalités doivent
cliquez sur le nom des artistes changer sur l’éducation bilingue »
ou des œuvres pour visionner
les vidéos ou les bandes - 20. Étonnants francophones
annonces des films. Rodrigo Pacheco : « Je veux créer des alliances
n Cliquez sur les liens ci-dessous pour préserver la forêt »
pour télécharger les reportages
audio et leur transcription. 21. Mot à mot
Dites-moi professeur
Rendez-vous sur www.fdlm.org ! 22. Politique linguistique
Laponie : les langues sames,
en voie de disparition ?
24. Langues de France
Un Conseil à suivre de près
25. Mots
LES REPORTAGES AUDIO RFI Dicos 2023 : un récit en 150 nouveaux mots
- Dossier : abcCode, la plateforme ludique MÉTIER
de e-learning pour initier les enfants au 28. Réseaux
codage Cynthia Eid : « Une carte pour les
- Culture : L’Afrique en contes/formations enseignant·e·s de français »
montage radio en Côte d’Ivoire
Couverture ©Shutterstock
- Tendance : La Coupe nationale des 30. Vies de profs
quartiers joue dans la cour des grands Au Ghana, des volontaires internationaux pour
- Expression : Remédiation le français
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
 édito
Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

32. FLE en France 46. Tribune didactique

Vivre et étudier en France : Indispensable formation des bénévoles
la mobilité en partage
48. Ressources Cette langue
34. Focus
Ghislain Leroy : « Les pédagogies
alternatives ne sont pas un bloc homogène »
50. Ressources / Didactique est à moi…
MÉMO Cette langue est à moi, je la revendique,
36. Expérience 66. À écouter j’en jouis, je la piétine, je l’enlace, j’en
Dans la salle virtuelle 68. À lire fais ce que je veux, elle me fait dire le
des « recettes de grammaire » 72. À voir monde et je dis le monde avec elle. » De
Kamel Daoud, une phrase sur la langue française
38. Innovation INTERLUDE comme un fil rouge de ce numéro. Car ils sont
S’ouvrir au monde depuis sa salle de classe 06. Graphe nombreux dans ce numéro à la revendiquer et
Rimer à en faire ce qu’ils veulent. Témoignages : nos
40. Bibliothèque FLE amis de la Belle-Province qui, depuis le 1er juin,
L’effet « Bulles » : quand la pédagogie passe 26. Poésie par la volonté de loi, ont fait du français la « seule
par le prêt d’objets Aglaée Collin et Hannah Starck : langue officielle et commune du Québec » ;
« Nous n’avons pas compris », « Drap Fabrice Jaumont qui, depuis vingt ans, se fait
42. Astuces de classe bleu » le porte-parole de tous les francophones qui
Comment introduire l’art en classe ? luttent pour maintenir leur langue ou leur
52. En scène ! école aux États-Unis ; Rodrigo Pacheco, formé à
44. Interculturel Quand les souvenirs s’emmêlent l’institut Paul -Bocuse, chef d’un éco-restaurant
Le couscous, emblème de la diversité à Puerto Cayo, en Équateur, ambassadeur de
partagée 64. BD bonne volonté pour l’Organisation des Nations
Les Nœils : Des phobies, il en faut bien unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
et à l’initiative de l’implantation de la plus

54
grande forêt comestible du monde ; Guillem
DOSSIER Aurenche, andorran, et Andjela Puric, serbe,
DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT tous deux partis au Ghana dans le cadre d’un
POUR L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE DES LANGUES programme de mobilité de la Francophonie,
pour former des enseignants de français et
François Mangenot : « Les environnements numériques créer un environnement francophone en pays
ne développent pas automatiquement l’autonomie mais la présupposent » ..................56 anglophone ; Gilles Berger qui, au milieu du
Sophie Othman : Quelle valeur ajoutée des environnements numériques bush australien, du côté de Brisbane, a créé,
pour l’enseignement-apprentissage ? ............................................................................58 anime et fait vivre une école d’immersion, reflet
Immersion en plein bush : apprendre en faisant ...........................................................60 parmi d’autres de la diversité des dispositifs
d’accompagnement de l’enseignement
Dispositifs alternatifs à l’apprentissage des langues .......................................................62
apprentissage de notre langue ; et encore
Marine Berthucat, professeure youtubeuse et
instagrameuse suivie aux quatre coins du monde
OUTILS par les adeptes de son apprentissage gourmand,
75. Fiche pédagogique RFI 79. Fiche pédagogique « Les Recettes de grammaire » ; transmettre enfin
AbcCode : un outil éducatif Miss.Tic : des pochoirs qui en disent long des valeurs fortes à travers un projet de classe,
pour les enfants c’est le pari des associations « United Schools » et
81. Mnémo « Par le monde », qui ont conçu des plateformes
77. Fiche pédagogique L’incroyable histoire du pronom COD numériques interactives, mettant en contact des
Connaissez-vous vraiment élèves du monde entier. Autant d’illustrations de
votre ordinateur ? 82. Jeux cette « grande famille multicolore des enseignants
Le S, leçon express de français » que Cynthia Eid, présidente de la
FIPF, appelle à toujours s’élargir et surtout à
témoigner. Merci Kamel Daoud. n

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 92, avenue de France – 75013 Paris – Tél. : +33 (0) 1 72 36 30 67
Fax : +33 (0) 1 45 87 43 18 • Service abonnements : COM&COM : TBS GROUP - 235, avenue le Jour se Lève 92100 Boulogne-Billancourt - tél. : +33 (1) 40 94 22 22
Directeur de la publication Cynthia Eid (FIPF) • Conseiller de la rédaction Jacques Pécheur • Rédacteur en chef NN • Secrétaire général de la rédaction Clément Balta cbalta@sejer.fr • Relations commerciales
Sophie Ferrand sferrand@sejer.fr • Conception graphique - réalisation miz’enpage - www.mizenpage.com (pour les fiches : Sophie Ferrand) Commission paritaire : 0422T81661. 60e année. Imprimé par
Estimprim • Comité de rédaction Michel Boiron, Célestine Bianchetti, Franck Desroches, Juliette Salabert, Isabelle Gruca,
Chantal Parpette, Gérard Ribot. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de Mme Louise Mushikiwabo,
Secrétaire générale de la Francophonie : Cynthia Eid (FIPF), Paul de Sinety (DGLFLF), Franck Desroches (Alliance française),
Nivine Khaled (OIF), Marie Buscail (MEAE), Diego Fonseca (Secrétaire général de la FIPF), Évelyne Pâquier (TV5Monde),
Nadine Prost (MEN), Doina Spita (FIPF), Lidwien Van Dixhoorn (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 03

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Partagez avec les lecteurs du Français dans le monde vos expériences de classe,
vos projets pédagogiques, vos savoir-faire didactiques

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MÉTIER | AST
UCES DE CLA
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ans mon pays
on adopte un
catif numériqu nouveau régime
e. Donc, je cherche édu-

C
le site de TV5Mond des activités sur

ASTUCES DE CLASSE
L’imagination les transformant e ou la plateforme IF Profs
et
moteurs de notrela créativité sont les
riques, des activités à l’aide des applicatio en e sont mes neveux
ns numé-
nière par exemple, et des jeux interactifs. La Ils vivent en France qui m’inspirent !
devons de surprenmétier. Nous nous semaine
pératif en classe j’ai utilisé le jeu FIFA pour expliquer der- l’âge de mes élèves et comme ils ont
pour mieux les dre nos appren très simple.
en faisant conjuguer
ce mode d’une l’im- questionn (14-15 ans), je
intéresser, varier ants
les
manière d’intérêt, les derniers e sur tout : leurs centres
supports, glaner les cès, la mode vestiment jeux vidéo ou séries
ici et là de nouvel à suc-

T
ressources, activité jeunes (qui n’arrêtent aire, les expressions des
les Moustafa Yehia,

Racontez vos « trucs et astuces » sur une

Égypte pas de changer
feront de notre s ou projets qui suite, j’essaie de
me !), etc. En- out dépend du
cours un lieu vivant alité pour motiver caler au plus près de cette ré- une définitio
niveau, mais
d’apprentissag mes jeunes et les n (courte) de

J
faire parler.
e et de découv mots en lien
avec le champ
Il existe de nombr erte. lexical étudié et
ressources FLE, eux sites dédiés aux
e suis votre rubrique Liliane Noler, qui correspondent. donc les mots

J
Argentine
parution et ça « Astuces » depuis son binôme. Une Chacun doit trouver
de rencontre, dedes lieux et des espaces me donne beaucoup la première étiquette mot ’aime aller foui-

thématique de classe particulière ! Notre

du temps aussi d’idées ! Je passe en 2, retrouver coupé
partage, de format
Et vous, quels sites, Facebook
sur Linkedin et
les groupes FLE
son
virelangue sans binôme. Sinon, un ner sur des sites
ion… de mutualisation pour m’inspirer. J’aime beaucoup sur voix, les apprenan
expériences vous ressources ou des pratiques, occupent tout ts qui n’ont rien

P
de profs sont c’est importan l’idée l’espace classe à
retrouver leur et doivent voir avec le FLE
construire vos inspirent pour
isolés dans leur t car
établissement travail. Par exemple beaucoup ment en lisant
binôme ou plus
simple- pour trouver
un peu de
je suis la seule our trouver des
cours ? C’est la pas quelqu’un enseignante de dans mon activités je vais sur les lèvres (donc sang neuf :) Par
que nous avons question avec qui partager français, je n’ai sites : Le point
du FLE (surtout sur 3
articuler sans
voix), celui-ci bien exemple,
lecteurs. Voici posée à nos lectrices et
preuneuse de j’ai trouvé de
ce type d’initiativ des idées, je suis donc très grammaire), vraiment bien. marche vraies
Bonjour de Francepour la

chroniqueur Adrien Payet les recueillera

e. Fous rires garantis. pites sur le blog pé-
leurs réponses. les karaokés (pour
prendre du Cavilam et les jeux) et Le plaisir d’ap- folles colos ». « Les
Il y a beau-
Valeria Robles,
Espagne compétences). (pour un travail Chrystelle Lafaysse, coup d’activités
Je m’inspire aussi ciblé sur les Sénégal à réaliser
sources partagées beaucoup des dans et hors de

OÙ
OÙ
res- la classe.

CO
par les enseignan

CO
CH
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ts sur IF Profs.

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FOEZ
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RM-V
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dans cette double-page très vivante et
Christophe Laval,

EZOU
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Veronica Giovani, Australie

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Italie

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très appréciée. J BIN
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’ai découvert récemme

CLUR
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nt la page

S ?
SE ?S ?
SE
tion FLE sur le
site des Zexperts. Espace Forma-

 ?
vidéo avec des Il y
idées et technique a des capsules vant, une méthode À RETENIR
pour la classe.
Je vous les recommas très pratique un livre de l’élève c’était
nde. cahier d’activité et un
s. Il fal- Nous le voyons
ici, les enseignant
Magalie Navarre, lait aller
Canada sources compléme chercher les res- de français ne
manquent pas
s Mohamed rappelle
ntaires ailleurs. sources d’inspiratio de que les mé-
jourd’hui, entre Au- thodes de FLE et les Zexperts

J J
les sites compagn n ! On retrouve offrent aujourd’hui (par Magalie)
des méthodes, ons les grands sites beaucoup de ressources sont multipliés se
les phares du FLE et remportent
Facebook associés pages et groupes complé-

J
e participe à toutes ’ai fait étudier comme TV5Monde mentaires dont succès. En dehors un vif
dans mais aussi de il serait
les formation les plateformes à certains titres et
des ressources
y en a de plus s possibles. Il un cours « Déjeuner moins connus,
qui constituent de se priver. L’intérêt dommage en ligne, Fernando
en plus et en numériques des tous étant qu’elles rappelle ’adore le site
d’entre elles sont Espagne du matin » de teurs je trouve édi- un vivier monument suivent à la lettre de suivre des formations l’intérêt Agito!,
gratuites. Je vais plusieurs Pré- qu’on est bien
servi ! pour la classe
al de ressources la progression organisées trouve qu’ils proposenje
aux université vert. On Pour toutes ces de votre manuel.
drid. J’essaie aussi s d’été et aux journées tous les ans coup amusés, car s’est beau- raisons je trouve sûr votre revue
– sans oublier
bien Ces dernières par la FIPF, les
IF, les AF et aussi des activités t
FLE de Ma- les élèves ont est plus cohérent qu’il années des plateforme éditeurs. La plupart les vraiment
par les éditeurs. de participer aux journées de Le français dans intéressantes
sources du manuel. rester sur les res-
changé la fin de le monde qui, s de par- d’entre elles
Dans chaque organisées la poésie, on a nous l’espérons, tage d’activités sont gratuites. et nova-
quelque chose atelier j’essaie comme IF Profs Il existe également trices. J’écoute
eu des résultats vous inspire au de l’Institut français aussi
vite, sinon c’est
et de l’applique
r, mais il faut
de retenir très drôles !!! quotidien. ou encore les
des CLOM en
FLE et des webinaires dcasts « Les agités leurs po-
perdu ! le faire très excellents sites
Agito! (cité par gratuits (notammen « Les agités de du FLE » et
Mohamed Sadi, Ana) t « Doc en la
Nury Nury Dip,
Maroc stock »). n m’inform er sur classe » pour
Argentine JE PARTICIPE ! les nouvelle s
Fernando Aliva, pratiques en
FLE.
sûr il y a les articles Et puis bien
Espagne

Rejoignez dagogiques de et fiches pé-

40 votre
FACEBOOK/LeFDLM Un grand merci j’utilise beaucoup revue que
www.fdlm.org aux
et le site de notre enseignants qui ont participé , notamment
chroniqueur : www.fle-ad et à bientôt les jeux et les
Incroyab
RUBRIQUE ANIMÉE rienpayet.com sur les réseaux sociaux toires de la grammair les his-
Le français dans PAR ADRIEN e!
le monde | n° www.fle-adrienpayet.c PAYET
427 | janvier-févr om
ier 2020
Le français dans Ana Leon, Cuba
le monde | n°
427 | janvier-févr
ier 2020

heureux ! »
FLE, nous sommes
« En classe de
41

Serrès-Fosses.
n franco-hellénique
Avec l’Associatio

DE PROFS
MÉTIER | VIE à l’Institut français
de Thessaloniq
ue.

VIE DE PROF
notre visite
de l’école, avant
Dans la cour

Comment vous est venue l’idée de

FRA NÇ
AN ÇA !” »»
IS !”
AIS devenir professeur(e) de FLE ?
PAR
JE PA LE FR
RLE
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“O UI,I, JE plus, avec de
nombreux ensei-

Partagez votre experience en

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per De région nous œuvrons

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Je voudrais partici

RÈCE
gnants de ma à des

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fait penser au « du grand public

EN G
ants à l’initiation ales comme l’ami-
La Beauté blanchée (de Lancôme) avec mes appren

«« EN
é, et qui « notions primordi la communica-
gination et à
leur créativit nt parfum
La vie est belle
un secret pour
les
Si à un
projet éducatif on,
tié, la civilisati travers des mani-

racontant votre parcours unique

plus intéressa propriété est
rendent le cours je suis et sa produits de beauté. pour les tion, la paix…
à
odeur eTwinning
dre à commu- en lien avec
et leur désir d’appren Depuis 2016, sociétés des s culturelles
malgré certains à leurs yeux. bonne avec des et de la
on sent la plante,, elle touche notre mettre en lien
(techno- une festation
de avant TICE de la langue

L
niquer en français, ce en
« Je me deman donner la promotion
a Grèce est un
pays tou- comme le manque
aspects négatifs la fatigue ou l’en-
aussi formatri tion et de la com- apparaît
logies de l’informa l’enseignement) blanche s’embellit. Le visage laid écoliers franco
phones » s. Pour cette année,
culture française monte la pièce
du ristique où
la connais- tout comment nce en de concentration,freiner l’assimila- munication
pour nez et on
beau et le visage
ion
Rencontrée lors en des nts de langues notre Associat
aux enfants confiaqu’ils
étran- gens devient de Jean Anouilh
sance des langues rée nui qui peuvent s connaissances pour les enseigna Je crois que les des plus beau. » projets qui motivent théâtrale Antigone re-
devient encore En plus de ces secondaire. Sa
Congrès européfrançais
r en fran-
eux-mêmes, pourt, lisent

qui passionnera la communauté des

gères est considé J’ai tion de nouvelle étrangères à
Serrès.
nts sont beau une présentation détaillée les apprenants à s’exprime des élèves du
des apprena à des avec du théâtre
tion sur la scène
professeurs de comme un
atout. linguistiques. potentialités J’ai fait r numérique bénévolement
écoutent, parlen
le
à l’investissement de ce projet d’herbie + , la revue çais, je participe ues à la bibliothèque présenta est programmée pour
septembre de langues étran-
français » optimisées grâce
à Athènes en toula de de Serrès 2020.
suivi des cours plus jeune et ac- r les nou- de Contact thématiq
gères quand
j’étais et écrivent en Créer et s’amuse
je me demande
avant cognitif que
permettent dans le n° 83 urs de ateliers
tion des professe aire de Serrès à l’attentio
n des enfants
et mois d’avril différentes
dernier, Stama is intégrer les
iquer gies.
peux commun C’est pourquoi à ces enfants velles technolo à divers projets de l’Associa ateliers éducatifs
tuellement je anglais et en fran- en 2000, j’ai comment donner es, pour qu’ils de formation
universit
7 à 12 ans. Ces des Pour moi, processus d’ensei-
enseigne le frança en allemand
, en
c’est le Après ma licence,pour l’enseigne- tout en eux-mêm
Je pense ainsi apprenants. Ainsi français ) en Grèce (https://apf.gr). artistiques servent à célébreronie, formes d’art au favorise le goût
mes en (APF-FU Noël, la Francoph FLE
gnement du

enseignants de français.
vraie passion, réussi le concoursdes écoles du sec- confiance mais aussi qu’ils parlent, menés avec
dans deux écoles du çais. Mais, ma
du FLE dans enseigné à
écoutent
en français ! Pour
les concours de haïkus, organisé é
et les arts
fêtes comme
des poètes, la Journée dre des élèves et le désir
e
Grèce français ! de la ment du
élèves ont remport Le numérique le Printemps Ils sont d’appren er en langue étrangèr
primaires en fait enfance, les sons public. J’ai d’abord re avant lisent et écrivent lors du 3
e
e pas uni- 2016, où mes ne des langues… de s’exprim
Pendant mon ent si teur je ne me concentr souvent pour leur « Poème septembre dernier,professeurs européen animés par les membres avec d’autres
Nord. Elle nous de ce
secondai communiquer
me paraissai apprenants du . J’ai motiver, ement un prix spécial « Feuilles rouges, En des et pour rai-
langue française commencé à l’ap- des er vers le primaire DEA quement sur l’enseign et de la gram- e»: européen organisés ellénique C’est pour cette
la Congrès
partager un peu qui unit
j’ai sur l’automn j’ai pu démon- tion franco-h francophones.
fascinants que grâce de m’orient en 2013, un du vocabulaire / Tombent sur français, à Athènes, sur l’usage de l’Associa dont je fais partie.
r avec
je voudrais participeéduca-
l’âge de six ans d’ailleurs obtenu, ouverte stérile mais au contraire j’essaie
de jaunes, orange Il pleut de mon atelier Serrès-Fosses les son que
prendre dès
lien indéfectible tristesse ! /
e appris ue un projet
a elle-mêm de l’Université
helléniq maire, ludique à l’appren- terre – quelle une trer durant éducatifs grand public nous mettons apprenants à
Grèce. à ma mère, qui ses études de dans l’ensei- ». En 2018,er sites web Avec mes collègues en contact avec mes projet de plate-
la France à la début,
(spécialisée donner un aspect
le français pendant j’ai appris des de Patrast à distance) précisément tissage pour les guider vers
l’utilisa-
afin
dans mon cœur
section a remporté le
1 prix des
pour pour
du FLE, com-
l’enseignement se sont servis jeunes participa
nts
one en suivant tif
eTwinning (un Erasmus+ et
cofinanc é par
autre ts francoph auté
médecine. Au mais gnemen de FLE au pri- tion des connaissances acquises, et la catégorie verte au ment mes apprenan avec le projet le monde ludique, propre à cette
forme une commun
phrases à l’oral, du sur la didactiq ue française ex aequo de qui vise à former Europe) qui les
ULIA chansons et des ique ment, je travaille qu’ils créent en langue était la pro- s en Grèce numériques anée, en un
parcours
ULA MAKRYPO ssage systémat maire. Actuelle les écoles primaire o- des outils C’est génial d’écouter d’apprentissage en
PAR STAMATO mon apprenti la Grèce du t avec elle. Telle de la francoph une fois la Méditerr tranche d’âge. avec des éco-
cé quand je me à Serrès, une ville de nique s’amusenue de mon mémoire de DEA, Concours national
quelques
leurs Il était at avec l’Institut français de les petits enfants énoncer à la fin mettra au contact étrangers où la
français a commen de de Thessalo ont exprimé et des pays
à l’Institut français où nord, à 90 km 10-12 blématiq et activités nie : les enfants et linguistiques partenarinique. Il s’agissait de présen- phrases de base en français avec liers issus
suis inscrite de holistique est enseignée.
n
èse, des élèves Approche es dans le but
Patras (au nord
du Péloponn j’enseigne à grec, intitulé ment-appren- talents artistiqu plantes Thessalo nt et par écrit de l’atelier dire
tous ensemble langue française
voyage et le système éducatif pour l’enseigne dessinant sept !»
j’ai grandi). Ce e ans (dans e ludiques primaires en créant et été ter (oraleme le mérou brun, fierté : « Oui, je parle français 31
je suis née et nement de
la deuxièm tissage du FLE
dans les écoles les qualités ont la de créer une affiche)
la langue français magiques dont Voici celles de menacé de disparitio
n.
éducatif avec les en- l’enseigétrangère – l’anglais étant de la Grèce du Nord.
ainsi que mon
intérêt pour langue e– des ressourc
es nu- décrites en français.Beauté blanchée : un poisson
pour faire des considér é comme la premièr Je me sers aussi nt aux élèves plante magique
La
se fait en 5
e
fants m’ont motivée à l’Université
na- qui permette
le secteur public s classes du mériques leur ima- rier 2020
études de Lettres ienne d’Athènes, danse libre cours à | n° 427 | janvier-fév
, les deux dernière spontanéité de donner dans le monde
tionale et capodistrent de Langue et et 6 leur
Le français

dans le départem s. primaire). J’adore | n° 427 | janvier-fév

rier 2020
dans le monde
littérature française Le français

30

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PÉDAGOGIQUES !
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il en restera toujours
quelque prose. »
Patrick Coppens
« La rime suit
l’idée et parfois la
précède. »
Tristan Bernard

« Ô qui dira les torts

de la Rime ? »

er
Paul Verlaine, « Art poétique »

Rim « Rien ne
« Dans l’art dangereux rime, mais
de rimer et d’écrire, tout dépend
Il n’est pas de degré de l’esprit
du médiocre au pire. » dans lequel on
Nicolas Boileau, Satires l’accomplit. »
Camara Laye, L’Enfant noir

06 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

 « L’auteur toujours aime à voir imprimés
Et livrés au grand jour les vers qu’il a rimés. »
Georges Courteline, La Conversion d’Alceste

« J’ai horreur
de ceux qui se
plaignent toujours
sans rime ni raison.
Quel plaisir au
contraire de passer
une heure avec un
Gascon ! »
Cioran

« La vie est lunatique « L’amiral Larima /

et se plaît à mener les Larima quoi / la rime à
évènements comme une rien / l’amiral Larima /
fantaisie, sans rime ni l’amiral Rien »
raison. » Jacques Prévert, Paroles

Roland Dorgelès

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 07

ÉPOQUE | portrait

Révélé en France par

son Meursault, contre-
enquête en 2014, qui
donne un frère et un nom
à L’Étranger de Camus,
l’écrivain algérien Kamel
Daoud a fait du français
sa langue d’écriture.
Une histoire d’amours
indépendantes, de désirs
du monde et de livres,
surtout de livres.
PAR CHLOÉ LARMET

KAMEL DAOUD
L’AVENTURE, C’EST L’ÉCRITURE
K
amel Daoud est un rogent sur son rapport au français, L’ivre de livres le jeune Kamel rencontre son pre-
aventurier d’un type langue aujourd’hui associée aux L’histoire commence en 1970 dans mier maître d’aventure : l’ennui.
un peu singulier. Pas anciens colonisateurs de son pays, un village socialiste situé au sud de Étant plus doué à l’école que pour
de look baroudeur ou sa réponse est claire : « Cette langue Mostaganem, la ville de naissance jouer au foot, les distractions sont
de cascade acroba- est à moi, je la revendique, j’en jouis, de Kamel Daoud. C’est là, à Mesra, peu nombreuses. Il ne reste plus
© Philippe Matsas

tique mais des mots et un style en
guise de corps à corps amoureux.
D’une écriture qui tient les clichés à
distance, ses récits dressent le por-
trait d’une Algérie au présent, avec
ses beautés, ses contradictions, ses
fantasmes. Et à ceux qui l’inter-
je la piétine, je l’enlace, j’en fais ce
que je veux, elle me fait dire le monde
et je dis le monde avec elle. » Qu’im-
porte le scandale, la déclaration
d’indépendance est là (voir aussi
notre entretien dans FDLM 408,
p. 18-19).
que celui-ci grandit sous l’autorité
« molle » de ses grands-parents
qui l’accueillent lui et sa sœur ca-
dette pour leur assurer une scola-
rité stable, tandis que le reste de
la fratrie suit les déplacements
des parents. C’est là surtout que
qu’à lire.
Les premiers livres sont ceux du
paternel, souvent déchirés ou in-
complets, en arabe et en français,
« la langue du silence de mon père,
raconte-t-il. C’était la langue de sa
jeunesse, de sa tendresse dérobée. »

08 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

Pour cet ancien militaire prude et
réservé, le français était la langue
des sentiments qui échappent
en une belle phrase, une phrase
que lui seul pouvait comprendre
puisque sa femme ne le parlait pas.
« Je me souviens très bien du jour où
il m’a enseigné l’alphabet, confie
Kamel Daoud. J’étais à la maison,
il ne vivait pas avec nous. Il est venu
et m’a vu en train d’écrire maladroi-
tement les premières lettres. Et il m’a
véritablement enseigné l’alphabet.
Et là, je parle du moyen de déchiffrer
« Une langue n’est pas
ce qu’elle dit, elle est ce
qu’elle laisse imaginer,
ce qu’on lui fait dire »
le monde. » Avec ce seul alphabet en
poche, le futur écrivain apprend le
français en autodidacte, construi-
sant par lui-même le sens de
chaque mot par recoupement, au
fur et à mesure qu’il les rencontre
dans les livres. Une aventure fon-
datrice qui lui donne le goût de
l’indépendance et de l’invention, et
dont il fera des années plus tard un
roman, Zabor ou les psaumes (prix
Méditerranée 2018).
Très vite, il devient accro et s’engage
alors dans une quête incessante de
livres, allant toquer aux portes des
voisins pour récupérer ce qu’ils ont
– des revues, des brochures, des ou-
vrages abîmés. Lorsque plus tard il
rejoint la ville pour le lycée, il s’ar-
range avec un libraire pour louer
des livres à la semaine et avale ainsi
des pages et des pages, en arabe
ou en français selon la récolte.
Paradoxe qu’il aime souligner au-
jourd’hui, Kamel Daoud découvre
à la fois les grands textes religieux,
L’Introduction à la philosophie mu-
sulmane d’Henry Corbin ou encore
le grand poète perse Hafez de Shi-
raz en français. Pour le jeune ado-
lescent qu’il est alors, il n’existe
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
« pas de cloisonnement entre Balzac
et Abou Hamid Al Ghazali, un mys-
tique du xie siècle ».
En quête et enquête
d’écriture
De cette quête de livres naît une
seconde : celle de l’écriture. Le
manque de livre jouant sur le désir
et la frustration, « on finit par écrire
le livre qu’on aurait aimé lire »,
explique-t-il, d’autant qu’à force de
relire les mêmes pages, on s’essaie
à les réécrire. Un exercice d’ima-
gination qui lui vient aussi du rôle
d’interprète du village qu’il oc-
cupait, traduisant les notices des
médicaments, les lettres reçues –
quitte à inventer de temps à autre
pour « enrichir l’absence de l’autre ».
Des deux langages, c’est finalement
le français qu’il choisit comme
langue d’écriture, parce qu’elle ra-
KAMEL DAOUD EN 7 DATES
1970 : Né à Mesra (Algérie)
1994 : Entre au Quotidien d’Oran où
il tiendra jusqu’en 2016 une chro-
nique « Raina raikou » (notre opinion,
votre opinion)
2011 : Minotaure 504 (nouvelles)
2013 : Meursault, contre-enquête
(Barzakh), prix des cinq continents
de la Francophonie 2014 et prix Gon-
court du premier roman 2015
2017 : Zabor ou les psaumes (Barzakh)
2020 : Naturalisé français
2022 : Son œil dans ma main avec
Raymond Depardon (Barzakh/
Images plurielles)
conte le désir, le voyage et la liberté.
« Une langue n’est pas ce qu’elle dit,
elle est ce qu’elle laisse imaginer, ce
qu’on lui fait dire. »
C’est avec ces libres imaginaires
en tête que l’écriture envahit peu à
peu le quotidien du jeune Daoud
qui prend pour modèles deux livres
majeurs : Le Spleen de Paris de
Baudelaire et Les Nourritures ter-
restres de Gide. Il a quatorze-quinze
ans lorsqu’il découvre cette « sorte
de faux texte sacré, cet éloge du corps
et dont la géographie me concernait
puisque Gide est venu en Algérie ».
Des années plus tard, alors qu’il est
devenu écrivain, il explique : « Ce
fut pour moi un grand jour lorsque
j’ai compris que tout le monde voulait
me voler mon corps, les dieux, la loi,
la politique, etc., et que le seul perdant
dans cette histoire, c’était moi. À par-
tir de ce moment-là, je me suis dit : on
inverse. D’abord mon corps, c’est ma
seule fortune. » C’est le début d’une
révolution et du combat de toute une
vie : dissocier sexualité et péché et
s’engager dans l’écriture comme on
entre en religion ou en amour, avec
son corps tout entier.
Après des études à l’Institut des
langues étrangères d’Oran et pour
gagner sa vie, Kamel Daoud se fait
journaliste et débute en travaillant
pour le journal Détective consacré
aux faits divers, « une très bonne
école, juge-t-il aujourd’hui. Je
n’étais pas dans les partis politiques,
j’observais le réel. » La guerre civile
qui éclate alors qu’il n’a que 23 ans
sera sa seconde école, celle qui lui
« désapprend le futile ». Devenu
chroniqueur puis rédacteur en
chef pour Le Quotidien d’Oran, il
intervient aussi dans différents
médias internationaux jusqu’en
2016 et ausculte son pays sans
perdre de vue l’objet de sa quête :
la littérature. « Avec la géopolitique,
on est vraiment dans le champ du
fantasme, dans le catalogue du
fantasme, donc dans une matière qui
peut être très romanesque, explique-
t-il dans un entretien pour la Revue
des deux mondes. Décrypter les jeux
d’image, de représentation entre
les uns et les autres, ce n’est pas
simplement du journalisme, c’est
aussi une enquête qui appartient
au travail de l’écrivain. » Le succès
de son Meursault, contre-enquête
paru en 2013 et récompensé du
prix Goncourt du premier roman
en 2015 lui offre ce qui manque au
journaliste : le temps d’écrire.
« Ce fut pour moi
un grand jour lorsque
j’ai compris que tout
le monde voulait me voler
mon corps, les dieux,
la loi, la politique, etc.,
et que le seul perdant dans
cette histoire, c’était moi »
Depuis lors, Kamel Daoud ne s’en
prive pas et continue de mener ce
« corps à corps amoureux » qu’est
pour lui l’aventure d’écrire, en dépit
des scandales. Pour cet enfant des
indépendances, la langue française
fut et continue d’être « un espace et
un instrument de libération » et c’est
avec elle qu’il entend « être le secré-
taire des silences de son époque, des
silences de sa famille, des silences
de sa vie. » En témoigne le très bel
ouvrage conçu avec le photographe
Raymond Depardon et paru dans
une coédition franco-algérienne
sous le titre Son œil dans ma main.
Aux photos prises en 1961 par le
jeune photographe alors que se
tenaient les premières négociations
pour mettre fin à la guerre se mêlent
des images plus contemporaines,
toujours en noir et blanc, comme si
le temps s’était arrêté, et des textes
inédits de Kamel Daoud, des rê-
veries ou « comètes » qui ouvrent
l’imaginaire et plaident pour ce
« quelque chose qui est scandaleux
dans mon pays : le présent. » n
09
ÉPOQUE | TENDANCES
Tout un imaginaire, de Brigitte Bardot
sur la plage abandonnée au gendarme
de Funès de Saint-Tropez, sans oublier
les jeunes filles en fleurs de Proust à
Cabourg ou les vacances de Monsieur
Hulot… À chacun sa façon de vivre,
écrire, rêver son bout de sable.
PAR JEAN-JACQUES PAUBEL
APRÈS LES PAVÉS
LA PLAGE La plage révèle tout ce
qui fait la vie sociale.
C’est assez étonnant de
voir cette harmonie, cette
pluralité… Rien qu’en France, c’est
35 millions d’individus qui s’agglu-
tinent sur 4 % du territoire natio-
nal entre juillet et août. » Et c’est
Jean-Didier Urbain (sic), professeur
de sociologie et anthropologue, qui
vous le dit. Lui, l’auteur de l’ouvrage
de référence Sur les plages : mœurs
et coutumes balnéaires (Payot,
1994), qui s’est intéressé tout au
long de sa carrière au tourisme
et ses enjeux, qui a enquêté et sil-
lonné durant plusieurs années le
littoral belge et français mais aussi
le sud de l’Europe pour observer et
décrypter le comportement des va-
canciers sur les plages, donc.
Un phénomène somme toute ré-
cent, puisqu’il aura fallu plus d’un
siècle pour que l’homme se fasse
sous injonction médicale d’abord
baigneur, puis, avec un grand luxe
de précautions, nageur. Et une ba-
nalisation et une massification du
phénomène encore plus récentes :
2 millions de personnes au bord
de la mer en 1936, l’année des pre-
10
miers congés payés ; 35 millions
par an aujourd’hui. Progressive-
ment, la plage a incarné un lieu
idéal, une utopie concrète rompant
avec l’ordinaire et inventée par des
citadins, ce que le philosophe Mi-
chel Foucault a nommé une « hé-
térotopie » urbaine, occupant une
place grandissante dans nos exis-
tences. Qu’elle soit de galets ou de
sable fin, elle est une invitation à
l’installation et à l’immobilité, sy-
nonyme de détente, de liberté, de
rencontres, d’aventure (le « sea,
sex and sun » de Gainsbourg) mais
aussi de joies de l’enfance et de
resserrement autour du noyau fa-
milial.
Stratégies d’occupation
Une installation qui a sa géogra-
phie pour ne pas dire sa géométrie,
avec un marquage de l’espace :
d’un côté, les jetées, celles d’An-
dernos-les-Bains, d’Antibes Juan-
les Pins ou d’Arcachon que l’on
trouve dans la plupart des stations
construites à seule fin de séparer le
monde des touristes de celui des
premiers occupants : les pêcheurs ;
de l’autre, comme à Biarritz, une
promenade, l’espace pour ceux
qui regardent, et la plage propre-
ment dite, l’espace pour ceux qui
se montrent. C’est sur ce dernier
espace que se joue un petit théâtre
géopolitique avec ses micro-na-
tions familiales, ses incidents de
frontière, ses relations diploma-
tiques… Avec des constantes que
Jean-Didier Urbain s’est attaché
à décrire : environ 3,60 m de dis-
tance entre deux groupes, 1,25 m
si l’on a affaire à deux groupes qui
se connaissent et enfin entre 0 et 40
centimètres s’il s’agit d’un lien ou
d’un rapport intime… Avec aussi
des stratégies d’occupation : du pa-
rasol traditionnel qu’on plante, aux
transats que l’on dispose, aux ser-
viettes que l’on étale et aux jouets
que l’on disperse aux abris de toile
qui, s’ils n’ont pas l’esthétique des
cabines de bains de Deauville de
Noirmoutier ou du Lido de Venise,
ont une fonction identique, recréer
un espace d’intimité.
Une intimité dont pourtant on se dé-
tache. Car la plage, « cette ville sans
murs » dont parle le sociologue, est
un véritable espace de libération
et le symbole d’une émancipation
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
révélée par la taille du maillot de
bain, une pièce d’abord, bikini en-
suite, avant le monokini apparu
à Saint-Tropez à l’horizon des an-
nées 1970. Libération encore dont
témoigne l’exhibition d’un corps
épilé, bronzé, « vitrifié », même si
aujourd’hui les recommandations
en matière de santé, l’esthétique
venue d’Asie des peaux blanches
satinées, le temps d’exposition
(passé de 5 à 6 heures à moins de
4 heures), ont remis en cause ces ca-
nons de beauté exhibée. Sans parler
de l’apparition du polémique « bur-
kini », vécu comme une atteinte à
la liberté de s’exposer. Car, analyse
Jean-Didier Urbain, « la plage, c’est
d’abord une histoire de corps et elle
reste en cela le symbole d’une éman-
cipation chèrement gagnée ».
Et puis il y a le rapport au temps,
qui prend une autre dimension à la
plage. Vivre à son rythme, quitter le
quotidien et surtout une invite à l’in-
version des rôles : c’est le moment
où le père va se faire plus maternel,
il va jouer avec les enfants tandis
que la mère va prendre la place du
« roi » en somnolant, en ne faisant
rien. Le bien-être… ensemble. n

Angers et Lyon Le Groupama Stadium de l’Olympique lyonnais.
sont les derniers
clubs de la Ligue 1
de football à avoir
pris un accent
très américain.
Tout sauf une
surprise tant
les investisseurs
d’outre-Atlantique
semblent avoir
trouvé la bonne
opportunité avec
la France.
PAR DAVID HERNANDEZ
MONEY, MONEY…
I
l y avait les milliardaires russes
puis il y a eu les clubs-États avec
l’arrivée du Qatar et des Émirats
arabes unis et voilà maintenant
que l’Oncle Sam s’en mêle. Depuis
une décennie, le championnat de
France de football connaît une ar-
rivée massive d’investisseurs étran-
gers venus jouer les sauveurs ou
tout simplement s’offrir un jouet à
plusieurs millions d’euros. Sous la
coupe du Qatar, le PSG est devenu
une marque reconnue à l’internatio-
nal et ce n’est pas l’absence de titre
en Ligue des champions qui a vrai-
ment fait baisser cette renommée.
Seulement, depuis trois, quatre ans,
c’est bien l’arrivée de fonds d’inves-
tissement américains qui est à la
mode dans la bonne vieille Ligue 1
française. Bordeaux et Marseille ont
été les précurseurs et viennent d’être
rejoints par Angers et Lyon, en atten-
dant peut-être Saint-Étienne.
Voir des investisseurs, quelle que
soit leur nationalité, s’engouffrer
dans le capital des clubs est pour-
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
tant un phénomène assez récent.
Quand investir dans le football a
toujours été vu comme non rentable
financièrement, ces consortiums
ont donné un grand coup de balai
à ces préjugés avec les différentes
crises économiques qui ont touché
l’Europe. Là où la législation amé-
ricaine est plutôt rigide avec une
interdiction d’investir dans plus
de 20 % du capital des franchises
quand il s’agit de fonds d’investisse-
ment, celles d’Europe et de France
sont plus « laxistes ». Si les clubs du
Red Star, Toulouse ou Angers sont
récemment passés sous pavillon
américain, c’est avant tout grâce à
des opportunités du marché écono-
mique favorables aux Américains.
Rentable, le foot français ?
« Avec le Covid-19 et le fiasco de Me-
diapro, il y a eu une vraie opportu-
nité pour ces fonds et un vrai besoin
pour les clubs qui ont vu leur chiffre
d’affaires baisser, décrit Jérémie
Bastien, chercheur pour le Centre
ÉPOQUE | SPORT
de droit et d’économie du sport
(CDES). Le prix est plus bas que la
valeur réelle et les investisseurs s’y
engouffrent en sachant et en misant
sur une reprise de l’activité en France
avec l’augmentation des droits TV
et une meilleure valorisation des
joueurs. »
Dernièrement, après 35 années de
règne sur l’Olympique Lyonnais,
Jean-Michel Aulas a décidé de
­passer en douceur la main à une
holding américaine, Eagle Football,
avec à sa tête John Textor. Le bu-
sinessman américain a fait fortune
dans les effets spéciaux et a donc
sauté sur l’occasion de racheter les
parts de l’actionnaire historique
Pathé ainsi que celles d’IDG C ­ apital
contre un chèque de 86 millions
d’euros. À terme, Textor devrait
devenir propriétaire d’OL Groupe
à hauteur de 85 %. Mais pourquoi
Lyon et pas un autre club français ?
Dans un pays comme les États-Unis
qui aime l’entertainement, le mo-
dèle économique lyonnais a de quoi
© Shutterstock
séduire avec un stade qui appartient
au club, une zone d’activité avec OL
Vallée en perpétuel développement.
L’OL a réussi à se diversifier et c’est
clairement ce qui plaît.
« Depuis des années, l’OL est vu
comme le club certainement le mieux
géré de France, c’est donc forcément
un élément important pour les inves-
tisseurs. Le club a réussi à diversifier
ses revenus avec des activités hors
sportif. Ça rentre dans la logique de
rentabilité voulue par ces investis-
seurs, note Jérémie Bastien. L’OL
étant coté en Bourse, il y a aussi
cette logique de devoir être à l’équi-
libre et de ne pas être dans le rouge.
C’est un élément rassurant en plus
du fait que le club a les reins solides
et donc une faible incertitude quant
à sa rentabilité. » Avant, le football
était vu comme un investissement à
perte, désormais ces fonds « voient
les clubs comme une nouvelle carte
pour faire des bénéfices », ajoute le
chercheur. Pour le meilleur ou pour
le pire… n
11
 ÉPOQUE | RÉGION
Vue sur le château Frontenac
et le Saint-Laurent.

« Québec, c’est l’Europe en

Amérique », résume Marie-Hélène
Raymond, une Canadienne
originaire de Montréal, venue
étudier puis travailler dans
cette ville. Et il est vrai qu’elle
est dotée d’un patrimoine bâti
assez exceptionnel pour cette
partie du monde. Fondée en
1608 par l’explorateur Samuel de
Champlain sur un site fréquenté
depuis des millénaires par les
Premières Nations, Québec fut
édifiée par les colons français et

À QUÉBEC
anglais. Aujourd’hui capitale de
la plus grande des dix provinces
du Canada, elle lui donne son
nom. Le Parlement et d’autres
administrations y siègent. Cette

LA FRANCOPHONIE
cité de 550 000 habitants joue
habilement de sa double identité :

C’EST L’AMÉRIQUE !
ancrée sur le continent américain,
elle revendique sa francophonie,
© OTQ

alors que la loi qui fait du français

la « seule langue officielle et commune
du Québec » est entrée en vigueur
le 1er juin. L’Organisation
internationale de la Francophonie
(OIF) vient tout juste d’y installer
son Observatoire de la langue
française.
La rue Garneau.
© Adobe Stock
PATRIMOINE
LE VIEUX-QUÉBEC,
SITE CLASSÉ ET CLASSIEUX
Depuis 1963, le Vieux-Québec est consi-
déré comme un site patrimonial et bé-
néficie d’une protection. Aujourd’hui, ce
sont 135 hectares qui sont concernés. La
partie basse, bordée par le Saint-Laurent,
est reliée à un promontoire par diffé-
rents escaliers et des côtes. En hauteur se
trouvent les fortifications. Leur construc-
tion a débuté au xviie siècle, alors que le
Québec était une colonie française, et s’est
poursuivie jusqu’à la fin du xixe siècle.
Elles comportent 4,6 km de remparts, 3
tours, 4 portes, une citadelle. L’ensemble
constitue la seule ville fortifiée d’Amérique
au nord de Mexico. Mais l’édifice le plus
populaire et le plus visible du Vieux-Qué-
hôtel ­édifié en 1892. Encore en activité, il
compte plus de 600 chambres et surplombe
la ville. Impossible de le manquer. Au total,
le périmètre protégé comporte près de
1 400 bâtiments, certains sont d’inspira-
tion française. Des rues sinueuses, des
places animées ajoutent à son charme.
L’Unesco reconnaît une valeur particulière
à cet ensemble urbain et l’a inscrit au pa-
trimoine mondial de l’humanité en 1985.
« Tous les Québécois apprécient ce quartier,
précise Marie-Hélène Raymond, pour s’y
promener, ou boire un verre. » « Pour moi,
c’était comme un rêve d’enfant, j’ai eu l’im-
pression d’arriver dans un des films que je
voyais à la télévision, sourit Marie-Océane

bec n’a jamais eu de vocation militaire. Il Kedem. J’aime beaucoup la rue Saint-Jean,
s’agit du château Frontenac, un imposant ses restaurants, ses cafés. » n

12 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


LIEU
LAVAL, UNE UNIVERSITÉ PORTÉE VERS L’INTERNATIONAL
Les Canadiens francophones ont
dû attendre 1 852 pour qu’une
université qui délivre des cours
en français ouvre ses portes.
Elle porte le nom d’un évêque,
monseigneur de Montmorency
Laval, qui a créé un séminaire
au xvii e  siècle. Entièrement
laïque depuis 1972 seulement,
elle fonctionne désormais selon
les principes de l’enseignement
supér ieur nord-amér icain,
comparable au système européen
licence-master-doctorat. Elle
accueille 43 000 étudiants et
plus de 10 % des diplômes sont
attribués à des étrangers. « Mon
père m’a poussée à venir ici, raconte
Marie-Océane Kedem, une
Burkinabée de 27 ans qui, après
le bac, a fait toutes ses études à
Laval. J’ai saisi cette chance, j’ai
reçu beaucoup de soutien, mais
il faut de la volonté. Par exemple,
dès le début, j’ai travaillé 20 heures
COUTUMES
BIEN VIVRE L’HIVER
Une chanson populaire fran-
çaise compare l’hiver québécois
à « un décembre qui va bien durer
6 mois ». Ce n’est pas faux… Les
températures sont négatives et
la neige tombe régulièrement
de novembre à mars, la nuit ar-
rive dès 16 heures, mais la vie
ne s’arrête pas. «  Il y en a peu
qui restent encabanés, confirme
Marie-Hélène, on est capables
de mettre notre manteau et nos
bottes. » D’autant que la ville
accueille le plus vieux carnaval
d’hiver au monde. À cette oc-
casion – le dernier s’est tenu du
4 au 13 février –, des parades
nocturnes animent les rues, une
spectaculaire course en canots à
glace est organisée sur le fleuve
Saint-Laurent gelé, et des sculp-
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
PAR FANNY DUPRÉ
FICHE PÉDAGOGIQUE
À RETROUVER SUR FDLM.ORG
études sur place. « Il y a des
Le pavillon Louis-Jacques Casault
associations, on peut rencontrer
de l’Université Laval.
des gens qui comprennent ce que tu
vis, explique Marie-Océane. J’ai
été aidée aussi par des conseillers
d’orientation. » Les formations
couvrent de nombreux
domaines : médecine, droit,
arts… Et certains départements
u n i ve r s i t a i r e s m et te n t l a
francophonie au centre de
leurs recherches. C’est le cas,
par exemple, de l’Observatoire
démographique et statistique
de l’espace francophone. « Nous
avons des partenariats nourris
avec eux, Il y a de grands spécialistes
des statistiques et de la langue au
© Colin Rose
Québec », souligne Alexandre
Wo l f f , r e s p o n s a b l e , p o u r
l’Organisation internationale
par semaine comme femme de en œuvre pour permettre aux de la Francophonie, de
ménage pour que ma famille ne jeunes de l’espace francophone l’Observatoire de la langue
porte pas seule le poids financier. » de présenter un dossier, de française, dont le siège vient tout
D’importants moyens sont mis s’intégrer puis de réussir leurs juste de s’installer à Québec. n
Course de canots
à glace sur le Saint-Laurent.
tures sur neige rivalisent
de créativité. Le reste
du temps, les habitants,
pendant leurs loisirs, pa-
tinent, skient, font des
promenades en raquettes,
glissent sur une luge,
marchent ou s’exercent
au hockey sur glace, un
sport originaire du Qué-
bec et que tous pratiquent
dès qu’ils savent poser un
pied devant l’autre. Au
© Shutterstock
cœur même de la ville, le
parc urbain des plaines
d’Abraham se transforme bite à proximité, chausse ses skis beau, ajoute Marie-Océane.
en station de sport d’hiver : devant chez elle environ 5 jours Pourtant passer de 40 °C au Bur-
presque 14 km de pistes de ski de par semaine : « Je pars dès 6 h 15 kina à - 30 °C ici, c’est difficile !
fond y sont aménagés. L’accès est parce que plus tard, il y a trop de Je ne pensais pas dire ça un jour,
gratuit et les équipements sont monde. C’est mon jogging ! ». « mais une année je me suis blessée à
éclairés. Marie-Hélène, qui ha- Avec les illuminations, c’est super la cheville et le ski m’a manqué. » n
13
ÉPOQUE | IDÉES
LA PROVINCE
PREND SA REVANCHE
Longtemps dans
l’ombre de Paris,
la province française
a trouvé les moyens
d’inspirer non
seulement
Paris, mais
une partie
du monde.
Pour le
philosophe Jérôme
Batout, auteur de La
Revanche de la province
(Gallimard), c’est
maintenant au tour
de la capitale
de se réinventer.
PROPOS RECUEILLIS
PAR MARION ROUSSET
COMPTE RENDU
LE SUCCÈS DU « PROVINCIAL WAY OF LIFE »
« Monter » à Paris d’un côté,
« s’enterrer » en province de
l’autre. Ces expressions sont
les témoins d’une relation
déséquilibrée entre la capi-
tale et le reste de la France
qui a longtemps structuré
le paysage hexagonal et
14
REVANCHARDE
La province a longtemps à Aubusson, pour la tapisserie à social. Ce qui aboutit de facto à
souffert d’une image négative Beauvais… La taille du royaume une dévalorisation de la province.
par rapport à Paris. Comment est désormais une force à mobiliser Madame de Sévigné se languit
celle-ci s’est-elle construite ? et structurer, constitutive de la de la vie parisienne tellement
C’est un mouvement ambivalent. véritable puissance française qui ne plus amusante, tellement moins
À partir du xviie siècle, Paris a eu saurait reposer que sur le faubourg ennuyeuse. Jusqu’à récemment, ne
conscience qu’elle était nourrie, Saint-Germain. disait-on pas « Il est allé s’enterrer
chauffée, habillée par la province. Cette grande dépendance a été en province » ? Cependant,
Sully, alors surintendant des contrebalancée, en contrepartie, comme dans un vieux couple, les
finances d’Henri IV, a cette phrase : par une sorte de mépris parisien taquineries n’étaient pas à sens
« Labourages et pâturages sont les pour la province, au moment où unique. La province était à la
deux mamelles dont la France est le pouvoir royal qui se centralise cuisine et Paris au salon, mais les
alimentée, les vraies mines et trésors décide de faire venir les plus deux cohabitaient bien.
du Pérou. » Autrement dit, le pouvoir grands nobles à la Cour. On leur
royal a l’intelligence stratégique de fait comprendre que c’est à Paris Plus tard, Paris a abandonné
penser que si la France veut devenir et à Versailles que ça se passe. Ne la province…
une puissance, elle doit compter pas y être est le signe d’un échec Avec le tournant de la mondiali-
sur ses forêts de chêne, ses champs sation, dans les années 1990, la
et ses prairies, installer de grandes France se dit qu’elle peut produire
manufactures royales là où il y a « Jusqu’à récemment, pour moins cher qu’en province en
les matières premières. Pour le faisant appel aux pays en dévelop-
cristal, du côté de Baccarat, près de
ne disait-on pas “Il est allé pement. On se met à faire fabriquer
Metz, pour les métiers du tissage s’enterrer en province” ? » les chaussures au Vietnam ou en
Chine plutôt que dans la Drôme. Il
s’ensuit des fermetures d’usines et
des délocalisations. C’est en ce sens
que Paris a largué la province. Mais
jusqu’aux territoires d’outre- dance de la Ville Lumière de situation en faveur d’un cette dernière, se trouvant larguée,
mer qui forment « la pro- à la province, en termes mode de vie moins urbain, a été obligée de s’organiser seule.
vince de la province », selon d’agriculture et d’artisanat. plus calme. Ce provincial Elle a pris conscience qu’elle pou-
Jérôme Batout. Dans La De l’image négative de way of life qui, aujourd’hui, vait exister par ses propres moyens.
Revanche de la province, tout ce qui n’est pas Paris se pose en alternative Et elle est sortie de la honte pour
le philosophe retrace les au « tournant de la fierté », heureuse à l’élitisme de la devenir fière de ce qu’elle est. Alors
péripéties de cette histoire l’auteur décrypte les res- capitale, qui va bien être que l’identité du provincial s’était
qui débute par la dépen- sorts d’un retournement obligée de se réinventer. n toujours construite en rapport avec
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

Paris, celui-ci a fait son coming-out.
Moins taiseux, plus assuré. Après
une grande absence, la province
française a trouvé les moyens d’in-
fluencer, d’inspirer, non seulement
Paris, mais une partie du monde. Il
y a vingt ans le jeune Aurélien Co-
tentin traînait dans les rues de Caen
avec un maillot de New York. Désor-
mais, devenu le chanteur Orelsan,
il donne des concerts à New York,
avec un maillot du Stade Malherbe
de Caen sur le dos.
S’agit-il d’un phénomène
franco-français ?
Non, c’est un mouvement mondial,
accentué ces dernières décennies.
On peut d’ailleurs comparer le pro-
vincial way of life avec le californian
way of life ! À certains égards, une
revanche mondiale des provinces
est enclenchée. Les villes qui fai-
saient rêver au début du xxe siècle
comme New York, Londres et Paris,
ont perdu de leur attractivité, en
vertu d’un remaniement des sen-
sibilités. On s’est mis à préférer le
calme et la richesse propres à cette
province que les étrangers voient
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
© DR
depuis longtemps comme un pa- ricains, qui sont les premiers à avoir qui vont créer leur activité ailleurs,
radis sur terre. Pour Henry James, pratiqué les bains de mer à Antibes, dans des endroits plus prometteurs.
l’image du bonheur c’est de rou- ont façonné l’attrait de la côte médi- Et plus personne ne considère que
ler à 50 km/h sur une belle route terranéenne, et on doit aux Anglais le bon français est celui qu’on parle
en direction d’une cathédrale du celui de la Dordogne. dans la capitale. Mais s’il y a bien
xiiie siècle. Il y a même des coins quelque chose de beau c’est que la
de la province française qui ont été La relation de domination province prend sa revanche mais
inventés par les étrangers. Les Amé- entre Paris et la province n’est pas revancharde. Cela a des
s’est-elle renversée ? conséquences sur Paris, en proie à
Dans les esprits quelque chose est des doutes, qui ne va plus pouvoir
enclenché même si tout n’est pas rester enfermée sur elle-même.
« Plus personne ne florissant : on est au début d’un pro- C’est peut-être le moment pour
considère que le bon cessus. Auparavant, il fallait quitter cette ville de renouer avec son âme,
sa province pour monter à Paris. avec son visage ­accueillant et de
français est celui qu’on Aujourd’hui, on assiste au phéno- sortir de son emprisonnement dans
parle dans la capitale » mène inverse avec des Parisiens une beauté aristocratique. n
EXTRAIT PP.87-88
« Exactement une génération après le largage de la pro- subi de plein fouet les aléas, les limites brutales : crises
vince, la capitale est à la croisée des chemins. Alors qu’elle financière, sanitaire, environnementale. La province a em-
avait joué, depuis l’Ancien Régime, à diviser pour mieux prunté le chemin contraire. Confrontée de force à ces effets
régner, elle fait de nouveau face depuis quelques années pervers dès le début des années 1990 avec les premières
à des ensembles constitués, affirmant fierté et autonomie délocalisations et la raréfaction progressive des services
économique, dans les régions métropolitaines et les terri- publics, elle se reconstruit depuis plusieurs années dans un
toires d’outre-mer. Comme une ruse de l’Histoire, son plan rapport beaucoup plus équilibré entre la mondialisation et
initial d’abandon a fait volte-face pour lui exploser à la fi- son propre appareil productif, sa propre identité. » n
gure. Libéré de ce qu’il croyait être son boulet – qui s’est ré-
vélé après-coup une cuirasse protectrice –, Paris en a aussi Jérôme Batout, La Revanche de la province, Gallimard, coll. « Le Débat », p. 87-88.
15
ÉPOQUE | CINÉMA
La capitale française n’a jamais autant accueilli
de tournages, qu’il s’agisse de films et de séries
ou même de clips et de publicités.
PARIS
PAR NICOLAS DAMBRE
E
n se promenant dans la
capitale française, notam-
ment l’été, il n’est pas rare
de croiser une équipe de
tournage ou de découvrir une rue
totalement transformée façon Paris
sous l’Occupation ou Paris des Lu-
mières. Récemment, les films Notre-
Dame brûle de Jean-Jacques An-
naud, Les Trois Mousquetaires avec
Vincent Cassel ou la série Lupin avec
Omar Sy y ont été tournés.
En 2021, la ville a même battu un
record de journées de tournages. La
Mairie de Paris a comptabilisé 110
longs-métrages et 64 séries, grâce
à sa Mission Cinéma, qui octroie
les autorisations et récolte les rede-
vances. Il peut y avoir un même jour
jusqu’à dix ou vingt tournages dans
la capitale. Le service veille à déran-
ger le moins possible les riverains,
les commerces ou la circulation.
Les retombées économiques sont
réelles. Outre la redevance perçue
par la ville, il y a l’emploi de techni-
ciens, de figurants, ou la restaura-
tion et l’hébergement des équipes.
Par exemple, le tournage de
Mission : Impossible 6, avec Tom
Cruise, en 2017, a généré 35 mil-
16
lions d’euros de dépenses, dont
7 millions en hôtels et restaurants.
Séries en séries
Michel Gomez, délégué général
de cette Mission Cinéma, analyse :
« Le nombre de jours de tournages a
doublé entre 2015 et 2021, passant
de 3 500 à 7 000 jours. Cela est en
grande partie dû aux séries produites
par les plateformes de vidéos en ligne
comme Amazon Prime, Apple TV+,
Netflix ou Disney+. Avec l’appari-
tion de ces plateformes, quasi une
nouvelle chaque année, la demande
en contenus a explosé. »
D’autant qu’une série de plusieurs
épisodes implique des tournages
beaucoup plus longs que ceux d’un
film de cinéma de deux heures.
Durant un an, la plateforme amé-
ricaine Netflix a, par exemple,
tourné la troisième saison de Lupin,
inspirée du célèbre gentleman cam-
brioleur. Actuellement, Apple TV+
tourne deux séries à Paris, l’une
consacrée aux débuts du couturier
Christian Dior, l’autre à Benjamin
Franklin, de passage dans la ca-
pitale en 1776. Deux tournages
avec des centaines de figurants en
La vie en rose d’Emily in Paris,
ou de monte-en-l’air de Lupin :
deux séries phares qui ont pour
décor la capitale française.
costumes, de nombreux techniciens
et des rues totalement dépouillées
de leurs réverbères, panneaux pu-
blicitaires ou devantures de ma-
gasins du xxie siècle pour les faire
remonter dans le temps.
Sur les quelque 2 300 tournages
dénombrés au cours du premier
semestre 2022, plus de 2 000 sont
des productions françaises, suivies
de productions américaines (près
de 200). Mais d’autres nationalités
sont attirées par le décor parisien :
11 films espagnols, 15 japonais,
8 indiens… qu’il s’agisse de vidéo-
clips de musique, de publicités, de
courts-métrages ou de séries.
Pourquoi la Ville Lumières attire-
t-elle autant les projecteurs ? « Il y
a plusieurs raisons, détaille Michel
Gomez. L’attractivité fiscale, grâce à
un mécanisme de crédit d’impôt pour
les entreprises françaises comme
étrangères, la qualité et la quantité
de techniciens de l’audiovisuel pré-
sents en région parisienne, et bien
sûr l’iconographie parisienne, celle
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
d’une ville romantique avec une im-
portante dimension patrimoniale et
historique. » Et cela tombe bien car
les séries historiques sont de plus
en plus nombreuses, comme Paris
Police 1900, tourné pour Canal +.
Toutes ces images de Paris diffusées
sur petits ou grands écrans favo-
risent-elles la venue de touristes ?
Difficile à dire. Au moins, la ville
reste ainsi dans l’imaginaire du
plus grand nombre. Mais certaines
séries, comme Emily in Paris, ont
donné naissance à des visites gui-
dées. Elles commencent au ­Jardin
du Luxembourg, dans lequel
Assane Diop, joué par Omar Sy, fuit
la police en se mêlant à un groupe
de livreurs à vélo, et se terminent
au musée du Louvre, où il vole le
collier de la reine Marie-Antoi-
nette. Un passage aussi place de la
Contrescarpe, où Emily habite, ou
devant la boulangerie qui la fournit
en croissants. De nouveaux tou-
ristes veulent se promener dans le
­gigantesque décor qu’est Paris. n

#Instapoets, applications
pour créer son anthologie
de poèmes, concours,
revues, dires de poésie et
autres soirées « poésie,
vin et fromage »…
La génération Z s’empare
de la poésie et la partage
sous toutes ses formes.
PAR ALICE TILLIER
GÉNÉRATION Z, GÉNÉRATION POÈTES ?
L’âge d’or de la poésie est
devant nous  !  », clame
Lucas Gartner, 27 ans, co-
fondateur de Poésie.io, toute jeune
application dédiée à la poésie née
en 2021. «  Il n’y qu’à voir les ré-
seaux sociaux – Facebook, Twitter,
Instagram : c’est parfois de la poésie
un peu naïve, mais l’envie est là ! » Et
si les jeunes poètes francophones
d’Instagram n’ont pas l’audience
d’une Rupi Kaur, Canadienne d’ori-
gine indienne devenue l’icône des
« Instapoets » et suivie par plus de
4,5 millions de personnes, certains
comptent bon nombre d’abonnés, à
l’instar d’un Lucas Clavel (280 000)
ou d’un Benjamin Isidore Juvene-
ton, alias Benisidore (78 000).
Les raisons d’un tel succès ? Pour
Lucas Gartner, cette tendance cor-
respond « à la révolution de l’intime
portée par Morgane Ortin – l’autrice
d’Amours solitaires –, au besoin
actuel d’exprimer les intériorités ».
Avec deux amis, il décide donc en
2020 d’accompagner cette généra-
tion plus proche de ses émotions.
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
Ils lancent Poésie.io, une applica-
tion qui permet de constituer sa
propre anthologie de poésie, pour la
garder sur son téléphone ou en faire
un livre, à partir de poèmes tombés
dans le domaine public ou apportés
par des poètes contemporains. Et
lancent également une plateforme
d’autoédition, avec l’idée de favori-
ser l’émergence de jeunes auteurs
et d’animer, à terme, toute une
communauté. Un soin particulier a
été apporté à leur interface : « On a
voulu montrer que la poésie n’était
pas poussiéreuse et valait mieux
qu’un site qui semble remonter aux
années 1980 ! » Leur nom, Poésie.io,
est d’ailleurs un clin d’œil à l’alter-
nance des 1 et des 0 qui est à la base
du code informatique.
L’avenir de la poésie, intimement
lié au numérique avec les réseaux
sociaux comme tremplin nécessaire
pour être publié ? Ce serait oublier
les autres chemins empruntés par
la poésie, et notamment celui des
concours. « Le défi est un moteur es-
sentiel de la création », analyse Nicole
ÉPOQUE | POÉSIE
Portay, responsable du concours in-
ternational de poésie jeunesse de la
Société des poètes français. L’asso-
ciation, reconnue d’utilité publique,
a été fondée en 1902 à l’occasion du
centenaire de la naissance de Victor
Hugo et a notamment pour mission
d’encourager la vocation poétique
des jeunes. En 2022, ils ont été 300
jeunes à répondre présents – du CP
à l’âge de 25 ans –, venant de 22
pays, dont une dizaine de pays afri-
cains, mais aussi des États-Unis, de
Grande-Bretagne ou du Mexique.
Joli coquelicot nouveau
C’est aussi un concours qui a mis le
pied à l’étrier d’Aglaée Collin, dont
le premier recueil, Les Vagues, est
paru aux Éditions du Mont-Ailé en
2019 alors qu’elle avait tout juste
19 ans. « J’avais commencé à écrire
pour exprimer ce trop-plein d’émo-
tions de l’adolescence… Je me suis
inscrite au concours Poésie en liberté
après avoir vu une affiche dans mon
lycée. » En être lauréate a été un véri-
table ­déclic : « J’ai eu l’impression que
© Adobe Stock
j’avais désormais le droit de faire lire
mes textes. » Mais écrire ne lui suffit
pas : elle veut partager la poésie,
et lance à Lyon en 2019 la revue Le
Coquelicot (www.lecoquelicotre-
vue.com) avec Hannah Starck, elle
aussi poète. Leur ligne éditoriale ?
« Déconstruire les codes, désacrali-
ser la poésie, donner aussi sa place à
une poésie du quotidien, qui peut être
assez crue, et même dérangeante… »
Au sommaire, une poésie plurielle :
des poèmes rassemblés par appel à
contribution, BD et horoscope poé-
tiques, du rap couché sur le papier…
Mais la poésie n’est pas faite que
pour être lue  : Hannah met ses
textes en musique – ce que d’autres
appellent du slam, mais qu’elle pré-
fère qualifier de « poésie sonore »,
ne serait-ce que pour garder ce mot
si important – et les déclame lors
de concerts. Les deux poétesses ont
aussi lancé leurs premières soirées
« Poésie, vin et fromage » : chacun y
vient avec un texte, qu’il a lui-même
écrit ou simplement choisi. Avis aux
amateurs. n
17
 LANGUE | ENTRETIEN
« LES MENTALITÉS
DOIVENT CHANGER SUR
L’ÉDUCATION BILINGUE »
Attaché pour la langue française au sein de
l’ambassade de France à New York, où il vit
depuis plus de 20 ans, Fabrice Jaumont, qui
vient de publier French All around Us, a lancé de
multiples actions en faveur du plurilinguisme
comme le Centre pour l’avancement des langues,
de l’éducation et des communautés (CALEC), qui
opère entre les États-Unis et la France.
PROPOS RECUEILLIS PAR ANAÏS DIGONNET
Fabrice Jaumont lors du Salon du Livre de Paris, en avril.
© DR
18
En 2021, CALEC a inauguré
ses bureaux parisiens à côté
de la Bibliothèque François-
Mitterrand, trois ans après
l’ouverture de son siège à New
York. Quel est le rôle de cette
structure ?
C’est une organisation à but non
lucratif dont l’objectif est de pro-
mouvoir l’éducation bilingue, la
compréhension interculturelle et de
soutenir les familles multilingues.
On y retrouve la maison d’édition
TBR Books, préexistante à CALEC et
avec laquelle j’avais publié La Révo-
lution bilingue, le futur de l’éducation
s’écrit en deux langues en 2017. Il
propose une feuille de route pour les
personnes désirant créer leur propre
filière bilingue dans leur école, ins-
pirée de mon expérience avec les
familles françaises de New York, où
je réside depuis 2001. Aujourd’hui,
nous publions des essais sur le bilin-
guisme, l’éducation plurilingue, la
compréhension interculturelle ou
la défense de notre patrimoine lin-
guistique à destination des parents
et des éducateurs, afin qu’ils aient à
« Avec French All around
Us, on ne voulait pas
seulement parler de
l’héritage québécois mais
de tous les francophones
qui se battent de diverses
manières pour maintenir
leur langue ou leur école
aux États-Unis »
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
leur disposition des ressources dans
plusieurs langues. Notre catalogue
se compose actuellement de plus de
200 livres dont certains vont être
distribués par Hachette en France,
en Belgique et au Canada.
En mai dernier, TBR Books a
édité French All around Us, que
vous avez coécrit en anglais
avec Kathleen Stein-Smith.
Pourquoi ce livre est important
pour la défense du français aux
États-Unis ?
Ce livre rassemble le témoignage
de 24 auteurs qui présentent une
photographie contemporaine du
français et de la francophonie aux
États-Unis, avec des perspectives de
régions « traditionnellement » fran-
cophones comme la Louisiane et la
Nouvelle-Angleterre et celles des
centres urbains avec le point de vue
de communautés immigrantes ou
expatriées. On ne voulait pas seule-
ment parler de l’héritage québécois
mais de tous les francophones qui se
battent de diverses manières pour
maintenir leur langue ou leur école
à l’image de la tribu de la Pointe-au-
Chien (voir FDLM 441, p. 46-47). Le
livre a été lancé le 20 mars dernier,
pour la Journée de la francophonie,
et a été mis à l’honneur le 5 mai der-
nier lors d’un débat sur la langue
française aux États-Unis organisé à
New York, à l’occasion de la publica-
tion du rapport 2022 de l’Organisa-
tion internationale de la Francopho-
nie sur la langue française dans le
monde. D’ailleurs, l’OIF va financer
la traduction du livre en français.
CALEC a été convié à la
dernière édition du Festival du
livre de Paris, en avril. Quel fut
l’accueil du public français par
rapport à celui des États-Unis ?
C’était assez chouette d’être admis
sur ce grand événement avec un
stand. Beaucoup de familles sont
venues à notre rencontre car nous
présentions un large panel de livres
dans de nombreuses langues. Nous
n’avions pas prévu un tel engoue-

DR
© Jonas Cuénin
ment mais quasiment aucun autre
éditeur ne proposait d’ouvrages
autres qu’en français. Pour moi, ce
fut la confirmation de l’intérêt du
multilinguisme pour les livres jeu-
nesse et c’est sur ce créneau que nous
allons continuer à nous développer
en France. Aux États-Unis, nous
comblons un vide en nous adressant
aux parents sur les sujets du multilin-
guisme et à la défense des langues et
des communautés de façon non
académique. La Révolution bilingue
existe aujourd’hui en 11 langues.
Le fait d’être traduit en espagnol lui
permet d’avoir un écho au Pérou et
au Mexique par exemple.
Quels sont aujourd’hui les
challenges du bilinguisme
franco-anglais aux États-Unis ?
S’il n’y a pas d’écoles bilingues, il
sera difficile de faire en sorte que le
français continue à se développer.
Sans le soutien structurel d’un dé-
partement d’éducation, une langue
parlée à la maison aura du mal à
se maintenir. L’avenir du français
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
passe donc par l’éducation bilingue.
En Louisiane par exemple, le Codo-
fil (Conseil pour le développement
du français en Louisiane) et les
écoles d’immersion permettent aux
francophones de continuer à pra-
tiquer leur langue, contrairement
aux États de la Nouvelle-Angleterre
où il n’existe aucune agence de ce
type. Dans le Maine, le français
tend à revenir grâce à une dyna-
mique d’immigration de Congolais,
mais, s’il n’y a pas de programmes
d’immersion accessible dès le plus
jeune âge, ces francophones se fe-
ront absorber par la culture locale.
C’est le même discours que celui
des auteurs et autrices du livre Une
révolution bilingue pour l’Afrique,
pour lequel CALEC a retenu 19 pro-
positions de chapitre et prépare ac-
tuellement la relecture du volume
collaboratif. Dans les pays d’Afrique
de l’Ouest, certains souhaiteraient
plus de programmes enseignés de
manière égale en langue nationale
et en français, de plus en plus mis
de côté.
Ce sont aussi des thèmes
abordés dans votre podcast
« Révolution Bilingue »
amorcé en 2018 et qui compte
aujourd’hui 31 épisodes ?
Oui, j’aborde tous ces sujets avec
différents experts qui prennent la
parole sur différentes thématiques,
comme pour expliquer les bienfaits
de la lecture en deux langues pour
le cerveau par exemple ou les défis
des classes multilingues. J’inter-
viewe aussi des gens qui parlent de
leur bilinguisme et de leur passion
pour la défense de leur langue. On
compte environ 2 000 à 3 000 télé-
chargements selon les épisodes, et
près de 7 000 internautes qui nous
écoutent.
Quels sont les projets de
CALEC pour les mois à venir ?
Nous pensons que les enfants qui
ont reçu une éducation bilingue bé-
néficient de nombreux avantages
comme une meilleure appréciation
des autres cultures, des autres in-
dividus et de soi. De ce fait, nous
travaillons sur le développement
de « Lire en 2 langues », une plate-
forme numérique pour donner accès
à la lecture et à la bi-littératie à des
enfants et des écoles défavorisés de
par le monde. CALEC possède une
bibliothèque croissante de publica-
tions dans de nombreuses langues
et cultures, avec des dizaines de tra-
ductions que nous pourrons rendre
disponibles. Au fur et à mesure de sa
croissance, la plate-forme compren-
dra de la non-fiction, des romans
pour jeunes adultes et des livres
pour enfants, accessibles aux élèves
du primaire au secondaire, dans une
dizaine de langues. Pour financer ce
projet, nous espérons être soutenus
par une fondation, le versement des
subventions et développer un accès
payant pour les écoles qui peuvent
se le permettre. Les appels à com-
munications rencontrent aussi un
grand succès comme pour l’ouvrage
Apprendre en plusieurs langues dans
le monde arabophone, lancé en par-
tenariat avec Qatar Foundation In-
ternational. De nouveaux volumes
« Depuis longtemps, nous
travaillons à ouvrir un
lycée bilingue à New York.
Cela me frustre de ne pas
encore avoir réussi mais je
ne lâcherai pas ce projet »
rejoindront, dans les prochaines
années, cette collection de livres sur
l’éducation bilingue et la protection
des langues d’héritage.
Avec 200 programmes
d’éducation bilingue dans les
écoles publiques américaines,
disponibles dans plus de 30
États américains que vous avez
en partie aidés à se structurer,
quels sont vos projets en tant
qu’attaché pour la langue
française au sein du Service
Culturel de l’ambassade de
France ?
Depuis longtemps, nous travaillons à
ouvrir un lycée bilingue à New York.
Cela me frustre de ne pas encore
avoir réussi mais je ne lâcherai pas
ce projet. Deux projets de lycées sont
en cours, Lafayette Academy dans
l’Upper West Side à Manhattan et la
Boerum Hill School à Brooklyn mais
il faut trouver l’espace et la directrice
ou le directeur pour le faire. La
pandémie n’a pas aidé à atteindre
cet objectif. Notre élan a aussi été
un peu stoppé par l’ancien maire,
Bill de Blasio, qui a créé une espèce
de crise autour du français, perçu
comme une langue de privilégiés
blancs. Les préjugés ont la vie dure
et aujourd’hui, la création d’écoles
bilingues est vue par certains comme
un moyen de favoriser les gens aisés.
Il faut arriver à ce que les mentalités
changent sur les sujets d’éducation
bilingue. Mais en France aussi, c’est
pourquoi je travaille beaucoup sur la
langue arabe. n
POUR EN SAVOIR PLUS
www.calec.org
www.tbr-books.fr
19
LANGUE | ÉTONNANTS FRANCOPHONES
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité
marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan
Kabacoff. Aujourd’hui, Rodrigo Pacheco, chef de l’éco-
restaurant BocaValdivia, à Puerto Cayo, en Équateur.
« JE VEUX CRÉER DES ALLIANCES
POUR PRÉSERVER LA FORÊT »
Dans la forêt comestible de BocaValdivia.
Enfant, j’avais un livre d’apprentis-
sage du français. Plus tard, ça m’a
motivé pour commencer des études
à l’Alliance française alors que j’étais
étudiant au Chili. Ensuite, je suis
parti en France pour étudier à l’institut Paul Bo-
cuse. Et c’est là que j’ai vraiment appris la langue,
grâce aussi à mon colocataire parisien et ami
Youri, qui m’a aidé à comprendre comment par-
laient les Français au quotidien, l’argot, les jeux
de mots, les expressions typiques…
Pour moi, le français est une langue qui a la ca-
pacité de faire rêver, avec une vraie énergie, une
culture, une tradition qu’on peut absorber à tra-
vers son apprentissage. C’est une langue spéciale,
surtout pour mon métier, l’hôtellerie-restaura-
tion, avec tout un vocabulaire né en France et qui
s’est transporté partout dans le monde. Je voulais
être prêt à répondre aux exigences des chefs les
plus difficiles. J’ai travaillé quatre ans en France,
dans des restaurants étoilés, où on ne peut pas in-
terpréter de manière équivoque un ordre du chef.
C’est une pression qui est devenue une nécessité,
un objectif pour l’apprentissage. Mon immersion
en français a été très profonde, j’ai été marqué par
RETROUVEZ RODRIGO
DANS DESTINATION FRANCOPHONIE
http://df.tv5monde.com/
20
des rencontres formidables comme celle avec le
chef Michel Bras et d’autres beaucoup plus dures
mais, à la fin, la balance est toujours positive. Cela
m’a fait grandir, m’a fait progresser.
Préserver les écosystèmes
Aujourd’hui, je suis ambassadeur de bonne volonté
pour l’Organisation des Nations unies pour l’ali-
mentation et l’agriculture (FAO). Cela me met en
contact avec des gens de tous les pays, y compris la
France, où j’ai toujours des amis et des opportunités
d’échanger sur mes activités, sur des projets.
À Puerto Cayo, je m’occupe de l’implantation
de la plus grande forêt comestible du monde :
107 ha. En septembre, on veut agrandir ce projet
d’agroforesterie à 400 ha. Dans mon restaurant de
BocaValdivia, depuis 10 ans nous nous efforçons
de préserver la nature et de fonctionner en harmo-
nie avec les écosystèmes. Et si déjà une centaine
de nationalités est venue ici pour goûter notre
cuisine, il n’y a que 12 convives maximum par
service. On veut créer une gastronomie et un tou-
risme responsables, on met en place des alliances,
on communique sur notre volonté de créer des
forêts et des réserves en lançant des appels aux
dons et à l’action. C’est un projet que j’aimerais
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
Sur le tournage de Destination Équateur.
partager avec la France. Si un petit resto comme
le nôtre est capable de protéger 400 ha de forêt
primaire, je vous demande ce que seront capables
de faire les grandes entreprises, les grands restau-
rants ? C’est une question essentielle à l’heure du
changement climatique qui nous affecte tous.
Je viens d’ouvrir un second restaurant à Quito,
« Foresta ». Né aussi grâce à la création d’une
forêt comestible d’un demi-hectare au cœur de
la ville. On y privilégie la biodiversité équato-
rienne tout en utilisant la sagesse ancestrale des
cultures millénaires qui ont habité l’Équateur et
qui étaient alors les plus avancées du monde.
Il faut savoir que l’Équateur est le pays avec la
plus grande biodiversité du monde par mètre
carré. C’est d’ici que proviennent beaucoup de
produits essentiels aux cuisines française, ita-
lienne ou espagnole : tomate, pomme de terre,
maïs, avocat, piment, cacao, cacahuète, pas-
siflore, fruit de la passion, ananas, potiron…
Je veux faire connaître cette biodiversité, proté-
ger et restaurer ces écosystèmes. Et c’est pour ça
que je veux continuer mon métier et mes rela-
tions avec la France, pour pouvoir compter aussi
sur son soutien dans ce combat pour la préserva-
tion et la valorisation de ces forêts. n

Bernard Cerquiglini, éminent linguiste et
spécialiste reconnu de la langue française,
révèle et explique chaque jour sur TV5Monde
une curiosité verbale : origine des mots et
expressions, accords pièges et orthographes
étranges… Il a aussi accepté de régaler de
ses explications gourmandes la curiosité des
lecteurs du Français dans le monde.
DITES-MOI
PROFESSEUR
LOCUTION
TENIR AU COURANT
Le mot courant désigne, proprement,
le mouvement rapide de l’eau qui
s’écoule : descendre ou remonter le
courant. « Un agneau se désaltérait /
Dans le courant d’une onde pure »,
écrit La Fontaine. Par extension, le
mot se dit de l’électricité, de l’air, etc.
Au figuré, courant désigne tout ce qui
avance, avec une sorte de puissance
inexorable. Le temps : le courant du
mois ; les idées : le courant historique
des réflexions sur la justice ; les activi-
tés humaines : le courant des affaires,
c’est-à-dire la quantité d’opérations
habituellement traitées.
EXPRESSION
PAYER EN ESPÈCES
L’expression payer en espèces apparaît
vers 1740. On disait en fait payer en
espèces sonnantes et trébuchantes ; on
désignait ainsi la monnaie métallique,
faite de pièces que l’on pouvait faire
sonner, et peser grâce à une petite
balance, appelée trébuchet. On paie en
espèces à l’aide d’un signe, exprimant
une valeur d’échange.
Au départ, cette expression s’opposait à
un paiement en nature, marchandise ou
prestation. « Au lieu de vous payer, Dieu
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
RETROUVEZ LE PROFESSEUR
et toutes ses émissions sur le site
de notre partenaire
WWW.TV5MONDEPLUS.COM
Cette dernière locution, apparue au
xviie siècle, a donné lieu, au siècle
suivant, à l’expression tenir
quelqu’un au courant des affaires,
qui signifie « le placer dans le flot
des activités », c’est-à-dire « le tenir
informé, précisément et efficace-
ment ». La tournure a été rapide-
ment réduite à tenir (ou se tenir) au
courant, au sens général de « tenir
(ou se tenir) informé de l’actualité ».
« Elle est très au courant de ce qui
s’imprime de littéraire », écrivent les
Goncourt dans leur Journal.
Cette métaphore, aquatique ou plu-
sait quand, en espèces, je vous paie en
nature », dit un personnage de Knock,
de Jules Romains.
Comment espèce en est-il arrivé à dé-
signer de la monnaie ? Species en latin
(issu du verbe specere, « observer »,
pensons à spectacle) signifiait l’appa-
rence, l’aspect. Il a pris en français le
sens général de « catégorie ». Dans la
langue scientifique (espèces animales,
végétales, etc.) comme dans la langue
commune : plusieurs espèces d’éclairage,
LANGUE | MOT À MOT
tôt fluviale, est élégante. Elle signifie
adroitement que l’on place un indi-
vidu (qui peut être soi-même) dans le
flot des actions qui importent, qu’on
l’installe au fil de l’actualité, dans le
flux de l’information. Image de la ri-
vière : on est emporté par le courant.
Une affaire chasse l’autre, l’actualité
va vite, le présent est fugitif. Il faut
se tenir au courant, avec l’assurance
de celui qui sait. On est au courant
comme on est dans le coup. Et puis,
notre expression n’interdit pas la
plaisanterie : « J’ai croisé l’électricien ;
il est au courant ». n
une espèce de crétin. On en a déduit un
emploi commercial, pour désigner des
espèces, c’est-à-dire des types de paie-
ment, et plus précisément une de ces
espèces, le règlement opéré en pièces
d’or ou d’argent. Par extension, espèces
désigne la monnaie métallique, voire
toute somme disponible : avez-vous
pensé à vous munir d’espèces ?
Au départ, je l’ai dit, payer en espèces
était une opération symbolique, abs-
traite, qui s’opposait au paiement
ÉTYMOLOGIE
MADAME ET
MADEMOISELLE
Jusqu’à la fin du xviie siècle, l’opposition entre
madame et mademoiselle ne tenait pas au ma-
riage. Ainsi, madame était employé pour désigner
les filles du roi ou ses sœurs, quel que fût leur statut
marital. De même, mademoiselle désignait la fille
aînée des frères du roi (pensons à la Grande
Mademoiselle, duchesse de Montpensier).
Madame était d’usage au sujet des femmes de
haute naissance, ou pour s’adresser à elles : « Ma-
dame la marquise ». Il en est resté une manière
de courtoisie. On emploiera madame pour parler
d’une femme exerçant une fonction d’autorité ou
dont le rang est important dans une hiérarchie :
madame la directrice, la ministre. D’une façon
générale, madame traduit le respect, ou la sou-
mission, suggérés par son étymologie. Car le mot,
utilisé même pour indiquer la Vierge Marie, vient
du latin domina, « maîtresse » ; il garde le souve-
nir d’une autorité et d’une puissance féminines
qui traversent les siècles. Dans la pièce de Jean
Genet Les Bonnes, la patronne n’a pas de nom :
elle est « Madame », terme qui désigne toutes
les patronnes du monde. « Madame est servie »,
dit-on encore dans les maisons aristocratiques.
À la fin du xviie siècle, la règle se met en place :
madame est le titre donné aux femmes mariées
(ou qui l’ont été), mademoiselle aux femmes céli-
bataires ou supposées. C’est là que cela devient dé-
licat. D’une part, on ignore parfois le statut marital :
« L’incertitude où j’étais s’il fallait lui dire madame
ou mademoiselle me fit rougir », écrit Proust. On
ignore d’autre part si les femmes acceptent la dis-
tinction car elles revendiquent souvent, à juste titre,
l’appellation madame, considérée comme neutre ;
mademoiselle renvoyant en effet à un statut de
célibataire, qui relève en fait de sa sphère privée.
Mais certaines célibataires exigent encore un « ma-
demoiselle »… Les occasions d’impair sont donc
innombrables, et la prudence s’impose. n
concret, en nature. De nos jours, en
utilisant cette expression, c’est du paie-
ment par chèque ou par carte bancaire,
donc virtuel, que l’on se distingue. On
paie en espèces quand on refuse ce
genre de règlement abstrait et que
l’on désire s’acquitter effectivement et
matériellement, en sortant de sa poche
pièces sonnantes et billets froissables :
« Je préfère vous régler en espèces ! ».
Le règlement en espèces est devenu
concret ; singulière évolution… n
21
LANGUE | POLITIQUE LINGUISTIQUE
Le territoire same –
qu’on appelle plus
communément la
Laponie – s’étend
de la Norvège jusqu’à
la Russie. Pour vaste
qu’il soit, et divers
les parlers qui y règnent,
ceux-ci possèdent un
nombre de locuteurs
qui fond comme
la neige au soleil.
PAR LOUIS-JEAN CALVET
LES LANGUES SAMES :
EN VOIE DE DISPARITION ?
O
n appelle « langues
frontalières » celles
qui sont parlées dans
deux pays voisins,
de part et d’autre
d’une frontière politique, comme le
catalan ou le basque en France et en
Espagne. Mais certaines se sont ré-
pandues sur des espaces plus vastes,
à travers plusieurs pays, le plus
souvent minoritaires dans chacun
d’entre eux, comme le peul, parlé
de la Mauritanie au Cameroun et
qui, d’un pays à l’autre, ne porte pas
le même nom fulfulde, pulaar, etc.)
ou le lapon (saami) auquel cet
article est consacré. Ces langues,
que nous appellerons transfronta-
lières, sont bien sûr celles de peuples
transfrontaliers, qui pratiquent le
plus souvent une activité expliquant
leur dispersion : les Peuls comme
les Lapons sont éleveurs (de bovins
22
pour les premiers, de rennes pour
les seconds) et se déplacent donc
avec leurs troupeaux. Mais s’il y a
plus de 50 millions de locuteurs
du peul, il en va différemment pour
les Lapons.
Dispersion géographique
Comme souvent, le nom qu’on leur
donne n’est pas celui qu’ils utilisent :
lapon vient d’un mot péjoratif sué-
dois (lapp, « porteurs de haillons »)
et eux-mêmes se nomment Saami et
leur langue le same. Ils vivent (voir
carte 1) au nord de la Norvège (envi-
ron 55 000 personnes), de la Suède
(environ 20 000), de la Finlande et
dans la péninsule de Kola, en Russie
(moins de 2 000 dans chacun de ces
deux pays). Classé dans la famille
ouralienne, dans laquelle on trouve
une trentaine de langues parmi
lesquelles le hongrois, le finnois et
CARTE 1
Norvège
Suède
La Laponie, ou Sápmi en langue same.
l’estonien, le same appartient pour
sa part au sous-groupe des langues
finno-ougriennes. Sa dispersion
géographique a généré une division
en quatre groupes (du nord, du sud,
de l’est et de l’ouest, voir carte 2) et
une dizaine de formes différentes
que certains considèrent comme
des langues et d’autres comme une
langue : on peut ainsi parler des lan-
gues sames ou de la langue same.
Quoi qu’il en soit, le same est traité
différemment dans les quatre pays
dans lesquels il se parle :
• Constitution norvégienne : « Le
same et le norvégien sont des lan-
gues officielles égales, ils doivent
être langues au statut égal. » (Art.
1-5)
• Suède : « Les langues des minori-
tés nationales sont le finnois, le yid-
dish, le meäkieli, le romani chib et le
same. » (Loi sur les langues, art. 7)
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
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Finlande
Russie
• Constitution finlandaise : « Les
langues nationales sont le finnois
et le suédois […] le peuple autoch-
tone same a le droit de conserver sa
langue et sa culture. » (Art. 17)
• Constitution russe : « La fédéra-
tion de Russie garantit les droits
des peuples autochtones peu nom-
breux, conformément aux principes
et normes universellement recon-
nus du droit international et aux
traités internationaux » et une « loi
sur les langues des peuples de la fé-
dération de Russie », sans donner la
liste de ces langues, leur reconnaît
des droits égaux. (Art. 69)
En Norvège, la langue est juridique-
ment mise sur le même plan que le
norvégien. En Suède, le suédois
est la seule langue utilisée au Par-
lement, mais Les Saami ont théo-
riquement le droit dans certaines
régions de s’adresser dans leur
langue aux autorités. En Finlande,
où il y a deux langues nationales (le
finnois et le suédois), une « loi sur
les langues » assez compliquée ins-
titue des municipalités bilingues si
la langue minoritaire est parlée, au
moins, par 8 % de la population lo-
cale ou par 3 000 personnes. Mais la
 CARTE 2

municipalité est considérée comme
unilingue si la langue minoritaire
est parlée par moins de 6 % de la
population locale. Une municipa-
lité peut ainsi changer de statut,
et en fait 90 % des municipalités
sont unilingues. Les modes d’em-
ploi ou l’étiquetage des produits
doivent être bilingues, mais tout
cela concerne surtout le finnois et
le suédois.
Dans ces trois pays, les Sames sont
cependant organisés politiquement,
disposant d’un parlement (Same-
ting) qui gère l’éducation, les fonds
attribués à la défense de leur culture
et de leur langue, l’environnement et
la situation des éleveurs de rennes.
Les choses sont moins claires dans la
fédération de Russie, où un sameting
a été créé en 2010 dans la presqu’île
de Kola mais sans être reconnu par le
gouvernement russe.
Des locuteurs vieillissants
Tout ceci nous mène à une question
centrale : quel est l’avenir de ces
langues et que peuvent faire pour
elles les politiques linguistiques ?
De façon générale, on constate
une évidence : la disparition des
langues est liée au fait que ses lo-
cuteurs vieillissent et ne l’ont pas
transmise à leurs enfants, ce qui
constitue une lapalissade. Mais les
raisons de cette non-transmission
sont nombreuses et complexes. Les
langues menacées sont presque tou-
jours statistiquement minoritaires
Finlande
Russie
Suède
Norvège
Répartition géographique des langues sames.
avoir de moins en moins de fonc-
tions sociales, n’être plus utilisées
Comme souvent, le nom qu’en famille, au point qu’il soit ou
qu’on donne aux Lapons semble être plus rentable d’en ac-
n’est pas celui qu’ils quérir une autre (essentiellement
utilisent : lapon vient pour des raisons économiques :
trouver du travail). Et l’on constate
d’un mot péjoratif suédois aussi parfois ce qu’on pourrait ap-
(lapp, « porteurs de peler un abandon volontaire, la vo-
haillons ») et eux-mêmes lonté d’intégration à une culture do-
minante, à la langue du plus grand
se nomment Saami et leur nombre ou, pour les migrants, du
langue le same pays d’accueil.
On considère qu’il y a au moins
dans un pays donné, ce qui est le cas deux façons de lutter contre cette
des langues sames, elles ont peu de disparition : d’une part une prise
locuteurs, ce qui est également leur de conscience des locuteurs et des
cas (moins de 80 000 locuteurs). pouvoirs publics, et d’autre part
Elles peuvent subir l’imposition ou la mise en place d’une politique
l’expansion d’une autre langue par linguistique tendant à préserver
un pouvoir dominant, par exemple la diversité linguistique. Ces deux
colonial. Elles peuvent également conditions semblent remplies dans
les pays où l’on parle les langues
sames, à l’exception de la Russie.
Mais il est difficile d’être optimiste
pour leur avenir. L’Atlas des langues
en danger de l’Unesco considère
que dans leur ensemble ces langues
(il en compte onze) sont menacées,
« bien que dans toutes les commu-
nautés des efforts soient faits pour
maintenir la langue maternelle ».
Mais il constate que si ces efforts
rencontrent un certain succès pour
le saami inari (parlé en Finlande),
le saami de Pite (en Suède), le
saami umi (en Norvège et Suède) et
le saami ter (en Russie) « n’ont plus
que quelques locuteurs âgés ».
C’est-à-dire qu’il ne semble pas y
avoir ici de rapports entre la poli-
tique linguistique menée par les
pays et le devenir des langues,
ce qui trace peut-être les limites
de ces politiques. La mondialisa-
tion a en effet changé aujourd’hui
les données du problème et l’on
adopte de plus en plus la langue
dominante dans le pays, plus riche
de fonctions sociales, voire une
langue dominante supranationale.
Certains disent que la moitié des
langues du monde auront disparu
à la fin du siècle, ou qu’il en dis-
paraît une par semaine. Ce qui est
sûr, c’est que la moitié d’entre elles
compte moins de 7 000 locuteurs,
et le quart moins de 1 000. Les lan-
gues sames sont au-dessus de la
barre, mais leur situation n’est pas
pour autant réjouissante. n

À LIRE

KOUASSI KPANGUI, LE FRANÇAIS EN CÔTE D’IVOIRE, INVENTAIRE DES PARTICULARITÉS LEXICALES,

* P. Sériot, « La logique des mots », Le
Temps, 28 février 2022.
PARIS, L’HARMATTAN, 2022
On le sait depuis longtemps,
les langues qui s’étendent
sur de vastes territoires
s’acclimatent, prennent racine,
comme le latin naguère, puis
l’arabe, et aujourd’hui l’anglais, la pharmacopée traditionnelle,
l’espagnol ou le français.
C’est donc au français de
Côte d’Ivoire qu’est consacré
ce livre, plus précisément à
son lexique, même si l’auteur
consacre quelques pages à ce
qu’il appelle des « ivoirismes
phoniques ».
On y trouve donc d’abord sens, mais Kouassi Kpangui sés, etc. Et il se termine par
une sorte de typologie des donne parfois des exemples une rapide présentation des
domaines dans lesquels amusants ou paradoxaux. Ainsi, néologismes créés par des
apparaissent ces ivoirismes : la il existe en Côte d’Ivoire une intellectuels ivoiriens, comme
cuisine, la musique, l’artisanat, variante populaire du football la drummologie (l’étude des
se pratiquant à sept, sur un petit tambours) de l’ethno-socio-
la religion, l’habillement, terrain, de la taille d’un terrain logue Niangoran-Bouah, le
bref, de la culture endogène. de handball. Et on le nomme bossonisme (culte des bossons,
Mais les termes ne sont pas maracana, du nom du stade génie du panthéon agni) de
nécessairement proprement immense de Rio de Janeiro… l’écrivain Jean-Marie Adiaffi,
ivoiriens : balafon ou kora Le livre étudie également les ou toute une série de termes
viennent du bambara, boubou procédés de composition, dérivés du mot griot par l’écri-
du wolof, etc. Ces termes sont de dérivation, de suffixation, vain Dieudonné Niangoran
en général empruntés avec leur les mots-valises ou compo- Porquet. n

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 23

LANGUE | ÉVÈNEMENT
© MENJ

Le 24 janvier a eu lieu le lancement, en France, Jean-Michel Blanquer,

ministre de l’Éducation lors
du Conseil supérieur des langues, une instance de l’isntallation du Conseil
supérieur des langues,
pour promouvoir l’apprentissage des langues le 24 janvier.
vivantes étrangères, des langues régionales
et des langues et cultures de l’Antiquité. Découverte.
PAR CLÉMENT BALTA

UN CONSEIL

L
e gouvernement français a
lancé en début d’année ce
qu’il a appelé le Conseil supé-
rieur des langues. Le titre en impose
et correspond, selon la définition
officielle, à « une instance natio-
nale de réflexion et d’impulsion pour
l’enseignement des langues vivantes
étrangères, des langues vivantes
régionales et des langues et culture de
l’Antiquité ». Un plan en trois volets
donc, dans la continuité du « Plan
langues » lancé en 2019 et qui suit les
recommandations européennes sur
l’apprentissage scolaire de deux LVE.
Avec une nouveauté : l’intérêt pour
« les langues de France » que sont
les langues régionales et les langues
antiques, au premier rang desquelles
le latin – dont l’utilité de l’enseigne-
ment fait régulièrement débat – et le
grec. Quelques chiffres : en France,
21 langues étrangères et 10 langues
régionales sont enseignées. En sous-
texte, il y a donc la volonté de préser-
ver cette diversité linguistique et sur-
tout de pouvoir l’offrir, à l’heure du
tout-anglais et du délaissement des
langues que l’on pourrait nommer
de culture, sur le plan géographique
ou historique : le latin, « racine » du
français ; le breton par exemple si
l’on est issu d’une lignée du Finistère.
« Quelque chose d’unique »
Dans les faits, le CSL entend « pro-
poser des parcours linguistiques
diversifiés adaptés aux profils des
élèves et des territoires » avec des par-
cours renforcés en langue étrangère
partout en France (le pays compte
aujourd’hui près de 4 500 assis-
tants de langue). Autres ambitions :
favoriser la précocité des appren-
tissages, pratiquer les langues dans
toutes les disciplines, assurer des
certifications par niveau (notam-
ment grâce à Ev@lang), accroître
les compétences à l’oral, encourager
l’ouverture à l’international, enri-
chir la formation initiale et continue
des enseignants, produire des res-
sources pédagogiques de référence
et des outils numériques. Le but
étant aussi d’assurer aux apprenants
une meilleure employabilité à l’issue
du système scolaire.
Présidé par le philologue italien et
professeur au Collège de France
Carlo Ossola, organisé en trois col-
lèges d’experts chargés d’établir
un « état des lieux », le Conseil su-
périeur des langues est selon Jean-
Michel Blanquer, ministre de l’Edu-
cation au moment de son lance-
ment, quelque chose d’« assez unique
dans notre monde contemporain ».
Et d’annoncer les premières mesures :
« Nous allons développer des sections
français et culture antique à la rentrée
prochaine, et donner une dimension
européenne à l’enseignement du grec et
du latin, à même de favoriser les mobili-
tés et plus globalement un prestige pour
les élèves de tous les horizons géogra-
phiques et sociaux. » Dès septembre,
le ministère souhaite également
ouvrir des sections « Mare nostrum »
au collège et au lycée, pour « favori-
ser et améliorer les apprentissages
des langues de la Méditerra-
née, qu’elles soient anciennes,
étrangères ou régionales », pour
qu’un élève puisse par exemple
« apprendre conjointement le
latin, l’italien et l’occitan dans une
dynamique interdisciplinaire ».
Un Conseil à suivre, donc. n

À LIRE
100 ANS DE DIPLOMATIE CULTURELLE
En 1922 était créée l’Association
française d’expansion et d’action
artistique – renommée en 1934
Association française d’action
artistique (AFAA) –, qui devien-
dra Cultures France en 2006,
puis l’Institut français en 2011.
Pour célébrer ce centenaire, s’est
tenu, du 4 au 6 mai 2022 à la
Maison des Sciences de
l’Homme Paris-Nord, à Saint-
Denis, un colloque intitulé « Du
rayonnement à l’influence. His-
toire de la diplomatie culturelle
française, xixe-xxie siècle ».
Organisé par la Sorbonne-Nouvelle,
en partenariat avec le ministère
de l’Europe et des Affaires étran-
gères et l’Institut français, le col-
loque a exploré, à travers ses 44
communications, l’histoire encore
trop peu connue de l’action cultu-
relle extérieure de la France, de-
puis la création des premiers Ins-
tituts français et Alliances
françaises jusqu’à la période la
plus récente. Variant les échelles
d’analyse – des évolutions lon-
gues à des études de cas portant
sur telle ou telle opération emblé-
matique –, abordant la question
dans ses différentes composantes
artistiques, littéraires, éducatives
et linguistiques, les interventions
ont réalisé un vaste tour d’horizon
mondial, du Japon à l’Espagne,
d’Israël à l’Australie, de la Rouma-
nie à l’Argentine, au Sénégal
ou encore aux États-Unis. Nom-
breuses ont été les communica-
tions réalisées par de jeunes
chercheurs, démontrant un vrai
attrait pour cette histoire des re-
lations culturelles et ouvrant de
belles perspectives pour son ap-
profondissement. Des recherches
qui espèrent aussi nourrir la ré-
flexion des acteurs de la diplo-
matie culturelle actuelle. n
Alice Tillier

24 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


Le millésime est
de l’année prochaine
mais on peut le
savourer depuis mai.
Les nouvelles éditions
du Petit Larousse
illustré et du Petit
Robert révèlent
de 150 à 170 mots
nouveaux venus de
l’actualité ou de toute
la francophonie – avec
un entrant qui suscite
la polémique.
© Adobe Stock
PAR JACQUES PÉCHEUR
DICO 2023 :
UN RÉCIT EN 150 NOUVEAUX MOTS
C
omme un brevet de bonne
conduite. Pour passer la
porte d’entrée du diction-
naire, il faut avoir subi l’épreuve du
temps : environ trois ans pour qu’un
mot s’installe, estime-t-on chez
Larousse : « Nous n’intégrons pas
un mot sans “attestation”, explique
Carine Girac-Marinier, directrice
du département Dictionnaires et
encyclopédies, c’est-à-dire sans qu’il
colle à notre époque et à un usage
courant. » 150 mots pour 64 000
entrées, il faut convenir que la sélec-
tion est sévère. Et pourtant ces 150
mots scrutés à la loupe par tous les
médias racontent assez bien ce que
nous sommes. Crise sanitaire, envi-
ronnement numérique, évolutions
sociétales.
Toujours « le » Covid
Les deux dictionnaires s’accordent
sur le phénomène viral qui a boosté
l’usage des mots liés à la pandémie :
à commencer par régler son compte
à l’usage masculin ou féminin du
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
mot Covid ; en dépit de la recom-
mandation de l’Académie française
pour l’usage au féminin, c’est le
masculin qui a été plébiscité : va
donc pour le Covid. Et avec lui les
termes savants comme Covid long,
nasopharyngé, mais aussi des mots
qui empruntent au champ séman-
tique de la mobilité comme vaccino-
drome, coronapiste, ou encore aéro-
solisation, aéroporté, sans oublier
le fameux cas-contact auquel il faut
ajouter les mots qui connaissent
un sens nouveau par – si j’ose dire
– contamination sémantique :
épicentre, foyer, vague, traçage
(numérique).
De la même manière, comme on le
voit avec ce dernier mot, l’environ-
nement numérique s’infiltre par-
tout : au travail avec les pratiques
de la visio, et plus sécurisées de la
VPN, dans l’économie spécialisée
avec la biotech et la fintech (ser-
vices financiers), dans les médias
avec l’apparition des vlogueurs (qui
tiennent un blog en vidéo).
Changements sociétaux
Mais surtout, nos deux diction-
naires restent d’abord le reflet des
changements sociétaux. Là, Le Petit
Robert a voulu faire un putsch (ou
tout simplement un coup média-
tique) en intégrant le pronom « iel »
pour désigner une personne quel que
soit son genre (voir FDLM 439, p. 24) :
on est ici loin de l’usage hormis celui
de quelques associations ou groupes
idéologiquement orientés ainsi
que du « reflet de la langue d’hier
et d’aujourd’hui » qu’autoproclame
l’éditeur. En revanche, ils sont tous
les deux sensibles à wokisme, défini
comme « idéologie d’inspiration woke,
centrée sur les questions d’égalité, de jus-
tice et de défense des minorités, parfois
perçue comme attentatoire à l’univer-
salisme républicain. » ; dans la foulée,
Le Petit Larousse illustré accueille,
racisé, et Le Petit Robert, transiden-
tité et dysphorie, tous deux intégrant
cyberharcèlement et grossophobie.
Gastronomie oblige la nouvelle
édition des deux dictionnaires ne
LANGUE | MOTS
fait qu’une bouchée du bao, petite
brioche asiatique, du chawarma,
kebab levantin et turc, du poké, bol
hawaïen, ou encore de l’halloumi,
fromage venu de Chypre…
Diversité régionale
et francophone
Et puis, c’est une tradition, les deux
opus font une part belle à la diver-
sité régionale et francophone de
la langue française. Du français
régional, on a retenu s’entrucher
(Champagne) : « s’étouffer en ava-
lant de travers », trisser (Lorraine) :
« s’éclabousser ». De Belgique, vient
le joli gouttiner pour dire qu’il pleut
légèrement ; les expressions avoir
le (ou un) gros cou pour caractéri-
ser une personne prétentieuse ; tu
peux danser sur ta tête pour indiquer
une fin de non-recevoir ; mordre sa
chique , manière de ravaler sa colère.
Du Canada, vient un téteux (un flat-
teur) ; une personne vlimeuse (rusée
et malicieuse) ; une gibelotte (un plat
inconsistant et peu appétissant).
De Suisse, tout de bon est une for-
mule de souhait employée quand on
quitte quelqu’un. En Afrique subsaha-
rienne, monter signifie commencer sa
journée de travail et descendre la ter-
miner. Enfin, en Algérie, on appelle
un café jetable, un café à emporter.
Comme les mots qui vont avec. n
25
INTERLUDE |
POÉSIE
AGLAÉE COLLIN ET HANNAH STARCK
Ces deux jeunes poétesses encore étudiantes
ont cofondé, avec leur camarade Clara Reboux,
la revue « d’art et de poésie internationale »
Le Coquelicot à l’automne 2018. Elle paraît
deux fois par an et entend donner une « place
importe à la poésie du quotidien » et se
veut « le vecteur d’une partition silencieuse
et souhaite émouvoir ou ébranler nos
26 Le français dans le monde | n° 442| septembre-octobre 2022
mouvements intérieurs ». Aglaée, qui dirige
la revue, a été lauréate du prix Poésie en
liberté et a déjà publié deux recueils ; Hannah,
la rédactrice en chef, écrit et met ses poèmes
en musique – ce que beaucoup appellent du
slam, mais qu’elle préfère qualifier de « poésie
sonore » (voir p. 17).
www.lecoquelicotrevue.com
 Nous n’avons pas compris
nous n’avons pas compris pourquoi
j’ai le ventre champignon
vénéneux
radar
coup de foudre
tonnerre

pourquoi
je ne mange plus des jours
et des jours

j’oublie peut-être

m’alimenter ? j’ai trop de pensées

dans le ventre
ça ne veut plus rentrer jamais
un sourire oui oui je suis le déjeuner
oh non tu sais !
seulement chaque fois le rejet
la crise puis dégueuler

nous n’avons pas compris les émotions

Drap bleu
Quand le soleil tache de ses rayons le salon
Tu veux éteindre la lumière
De tous tes chaos
Ton reflet a fêlé le miroir
Alors tu brûles les mille morceaux,
Les restes de ta mémoire
Les aiguilles de l’horloge dorment
Entre mes livres empoussiérés
Elle fige ce qui nous déforme
Trotteuse maîtresse
Le temps à la retraite
Lentement tu t’allonges
Sur le drap bleu, langoureuse
Et vapotes les heures creuses
Hannah Starck
où sont cachées
les opalines
on me dit l’amoureux
c’est bien ce que je veux un rituel
ces moments-là pour me ranger
dans les tiroirs
placard pendue les yeux vitreux
un cintre sortez sortez les parasites
je ne veux plus
des ch’mises pour mieux causer
dans le noir je ne veux plus
être repassée plier en quatre
vapeur d’ecchymose
sucer les friandises
non plus de compote pour épouser le sol
lèvres contre terre
au parc je me ramasse à la cuillère
on joue à cache-cache c’est trop maintenant
je pleure
faire la dînette faire mourir les insectes
enfant je hurle
je ne veux plus pourquoi je brûle
rien débarrassez
la table il ne doit rien rester
finis ta viande hachée
mais moi déjà la tête
sept ans dans les toilettes
mes joues gonflées faire des réserves
puis les cracher
Aglaée Collin, extrait de Je veux être une fée malpolie,
Les Éditions du Mont-Ailé, collection « L »,
Poésie en poche, avril 2022 (c’est nous qui titrons)

Le français dans le monde | n° 442| septembre-octobre 2022 27

MÉTIER | RÉSEAUX
LE FIL PLURILINGUE :
DES RESSOURCES
VARIÉES EN SOUTIEN
AU PLURILINGUISME
EN EUROPE
En cette rentrée, Le fil
plurilingue, site internet
de ressources à destination
des acteurs éducatifs,
revient sur les actions
menées durant la présidence
française du Conseil
de l’Union européenne
pour promouvoir le
plurilinguisme en Europe.
Les équipes ont tout d’abord réalisé
une série de fiches pays présentant
un panorama complet des dispositifs
d’enseignement bilingue francophone au
sein de l’Union européenne. Les données,
récoltées auprès des postes diplomatiques,
concernent le nombre de professeurs,
les heures d’enseignement du français,
le nombre d’élèves, les disciplines non
linguistiques enseignées, etc. À partir
de l’ensemble de ces données, une carte
interactive des sections bilingues dans
les pays de l’Union européenne a été
élaborée.
Par ailleurs Le fil plurilingue a proposé,
en partenariat avec l’Association pour le
développement de l’enseignement bi-
plurilingue (ADEB), une série de trois
webinaires consacrés au plurilinguisme
en Europe, à destination des enseignants
engagés dans l’enseignement bilingue.
Ces webinaires avaient pour objet de
28
poser des points de repère stables,
de dégager des perspectives fiables
et de faire état d’instruments d’analyse
et d’intervention qui ont fait leurs preuves.
Ils sont à retrouver en ligne.
Enfin une série d’infographies consacrées
à la valorisation du plurilinguisme a été
traduite dans les 24 langues officielles de
l’Union européenne. Prêtes à l’emploi et
téléchargeables gratuitement, ces info-
graphies ont été conçues pour être diffu-
sées et exploitées localement.
Dans les prochains mois, Le fil plurilingue
poursuivra sa mission de valorisation
de l’éducation bi-plurilingue avec de
nouvelles ressources de qualité et des
outils pour accompagner les chefs
d’établissement et les professeurs, comme
le dispositif de jumelage permettant
aux établissements à filières bilingues
de proposer des partenariats à des
établissements français. n
Suivez-nous sur https://
lefilplurilingue.org, Facebook et Twitter pour
être tenus informés en direct de l’actualité du
site !
Pour une éducation aux langues
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
TROIS QUESTIONS À… MOHAND OUTAHAR
« DÉVELOPPER
LA COMPLICITÉ
DES JEUNES DES
DEUX RIVES »
Mohand Outahar est
coordinateur national
de la CNEFA (Coordination
nationale des enseignants
de français en Algérie).
Nous l’avons interrogé alors
que l’Algérie venait de célébrer
sa fête de l’indépendance,
le 5 juillet.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLÉMENT BALTA
Pouvez-vous nous présenter la CNEFA ?
La Coordination nationale des enseignants
de français en Algérie se donne pour mission de
regrouper les professionnels de la langue française
du pays. Le 31 décembre 2013, elle a été agréée
sous le n° 65 par le ministère de l’Intérieur et des
collectivités locales. Notre coordination compte
à ce jour plus de 400 adhérents répartis sur toutes
les régions d’Algérie. Elle se définit comme « un
cercle de savoir et de discussion où convergent des
initiatives et des compétences qui ne verseront que
dans l’intérêt de l’apprenant et, a priori, l’école
algérienne. » Elle se veut également « un espace
d’échanges et de concertations sur les différents
plans pédagogique, culturel, relationnel et même
comportemental où se conjuguent les bonnes
volontés et les expériences du terrain, dans une
vision purement associative ».
Notre réseau constitue ainsi un espace permanent
de concertation et de réflexion et se donne pour
objectifs de : favoriser la formation continue des
enseignants ; fédérer l’ensemble des enseignants
de français à travers l’Algérie et partager
leurs expériences et difficultés rencontrées
sur le terrain ; contribuer à l’amélioration de
l’enseignement du français dans les établissements
scolaires en mettant en place des formations sous
formes de journées d’études, de séminaires et
d’universités d’été ; enfin, organiser des colloques
et diverses rencontres culturelles et pédagogiques.

© Asclepias
Comment faites-vous la promotion
du français en Algérie ?
La CNEFA déploie ses activités pour la promotion du
français en Algérie avec des résultats remarquables
et à l’aide des partenaires de tout premier plan,
comme l’Association des membres de l’ordre des
Palmes académiques (AMOPA), l’association
Rencontres Européennes-Europoésie ou encore
l’association ArtDrala .Ces organismes n’épargnent
aucun effort pour développer la complicité des
jeunes des deux rives de la Méditerranée dans
l’effort intellectuel, la création, l’ouverture sur
le monde , la solidarité, le partage et le dialogue
des cultures, qui s’enrichissent mutuellement
de leurs différences. Leur travail constant n’a cessé,
tout au long de ces dernières années, de resserrer
les liens d’amitié entre nos pays respectifs.
Comment voyez-vous l’avenir ?
S’agissant des perspectives, nous souhaitons assurer
à nos enseignants et jeunes enseignants plus
particulièrement, un développement professionnel
harmonieux dans la diversité et l’ouverture à un
monde de plus en plus global. Et bien sûr nous
voulons développer la recherche-action afin
qu’ils soient davantage perçus comme de vrais
« professionnels ». Car c’est bien auprès des jeunes
générations que se situe l’enjeu de l’avenir du
français en Algérie et son développement, auquel
nous œuvrons collectivement à la CNEFA. n
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
BILLET DE LA PRÉSIDENTE
CYNTHIA EID, présidente de la FIPF
UNE CARTE POUR LES
ENSEIGNANT·E·S DE FRANÇAIS !
Ce mois de septembre marque pour
beaucoup d’entre nous le début d’une
nouvelle année scolaire ou universitaire.
C’est le meilleur moment pour prendre
votre carte internationale des professeurs
de français, ou la renouveler si vous l’aviez
en 2021-2022.
Ce projet de créer une carte internationale
des professeurs de français existe depuis
déjà plusieurs années à la FIPF. Nous
avions l’espoir de la lancer à l’occasion
des 50 ans de la Fédération, en 2019, mais
finalement elle n’a été prête qu’en 2020. Le
lancement a été un vrai succès, puisqu’en
seulement deux ans 1 500 personnes l’ont
déjà en leur possession.
Cette carte est de type « avantages ». Ses
détenteurs bénéficient de services ou
produits à tarif réduit, grâce à un réseau
d’institutions et d’entreprises partenaires.
Actuellement, nous comptons 48
partenaires, mais ce nombre augmente
régulièrement. Tous les domaines sont
concernés  : les formations en ligne,
les journaux et revues, l’hébergement,
les musées et théâtres, etc. Tous les
partenaires et leurs offres sont présentés
sur le site : https://carteprof.org
Tou·te·s les enseignant·e·s de français
peuvent demander cette carte, qu’ils
travaillent dans l’enseignement public ou
privé, ou comme indépendants, dans le
primaire, le secondaire ou le supérieur, ou
dans des centres de langues et Alliances
françaises. Il est aussi possible aux étudiants
se formant pour devenir professeur·e·s de
français (par exemple les étudiant·e·s des
Masters FLE) de prendre leur carte.
Bien que payante (avec un tarif réduit pour
les membres des associations affiliées à
la FIPF), elle est vite rentabilisée par
les offres des partenaires. Elle permet
aussi d’accéder aux collections de la
bibliothèque numérique de la FIPF
Pour tout connaître des activités
de la FIPF et de ses associations
membres, abonnez-vous
gratuitement à notre bulletin
d’information sur www.fipf.org et
suivez-nous sur Facebook (LaFIPF)
(https://bn.fipf.org/), qui comprennent
des centaines de numéros de revues – et
notamment Le français dans le monde
depuis le premier numéro, en 1961 ! –,
des actes de colloques, etc.
Nous voyons que de plus en plus cette carte
est utilisée comme signe d’appartenance
à la grande famille des professeurs de
français dans le monde. Beaucoup de
collègues, recevant leur carte par la poste,
mettent en ligne leur photo sur les réseaux
sociaux, à peine l’enveloppe ouverte. Il
y a une vraie fierté de faire partie de ce
groupe amical et international que sont
les professeur·e·s de français.
Notre objectif pour cette nouvelle année est
de développer notre réseau de partenaires,
qui est pour le moment très français et
même parisien. Même si beaucoup de
ces offres sont disponibles partout dans
le monde (par exemple sous la forme
de formations en ligne ou de livres ou
revues numériques), il serait formidable
qu’un·e enseignant·e qui habite ou se
déplace au Sénégal, en Argentine ou en
Inde par exemple, puisse avoir accès dans
ces pays à des institutions et entreprises
partenaires. C’est aussi l’occasion pour les
librairies francophones, les restaurants ou
boulangerie représentatives des cuisines
de la francophonie, les hôtels où l’accueil
peut être fait en français, et bien d’autres
entreprises, de se faire connaître auprès de
notre réseau. Nous comptons sur l’appui
des associations nationales d’enseignants
de français et des Commissions de la FIPF
pour renforcer le réseau des partenaires
de cette carte des professeurs de français.
Nous espérons donc la rendre encore plus
attractive et internationale, mais dès à
présent nous vous encourageons à prendre
votre carte 2022-2023 et rejoindre ainsi un
peu plus la grande famille multicolore des
enseignants de français. n
29
MÉTIER | VIES DE PROFS

L’une vient de Serbie et l’autre

AU GHANA
d’Andorre. Andjela et Guillem
se sont envolés tous deux pour
le Ghana en mars dernier
dans le cadre du projet de
mobilité des enseignants mis
en place par l’Organisation DES VOLONTAIRES INTERNATIONAUX
POUR LE FRANÇAIS
internationale de la
Francophonie. Témoignages
de deux jeunes enseignants
motivés et motivants.

GUILLEM AURENCHE, 25 ANS, ANDORRE

« J’APPRENAIS EN MÊME À Madagascar,

en 2019.

TEMPS QUE JE FAISAIS

APPRENDRE »
Maman, mais tu parles Dans son bureau du CREF,
français ? ! » C’est à l’âge à Cape Coast.
de 6 ans j’ai compris que
ma mère andorrane,
qui ne me parlait qu’en catalan (la
langue officielle de la principauté
d’Andorre), maîtrisait la langue
de Molière. Elle s’adressait à mon
père français en parfaite franco-
phone. Elle m’avait berné pendant
les premières années de ma vie, en
me faisant croire qu’elle ne com-
prenait pas le français dans le but
de m’obliger à parler catalan. Ces
deux langues m’ont construit et
élevé jusqu’à ce que le castillan et
l’anglais n’entrent eux aussi dans
la ronde. Je parlais déjà l’espagnol
avec mon grand-père maternel
mais ne le maîtrisais pas complè-
tement. C’est en Andorre, terre de
croisement culturel et linguistique
entre l’Espagne et la France, que j’ai
parfait cette farandole de langues,
de mots, de structure de phrases, connaissance des langues, je suis maîtrisant difficilement le français, gnement s’est fait plus agréable
d’accents, de grammaires et de parti en novembre 2018 en ser- j’ai appris le malagasy (ou langue pour les deux parties. Je suis égale-
conjugaisons. vice civique à Madagascar en tant malgache) jusqu’à un niveau que ment beaucoup passé par la chan-
Après une prépa littéraire à Paris que prof de français dans une école j’estimerais A2. Les e­ nfants ont son que je trouvais plus ludique
après laquelle j’ai décroché une ­primaire. C’est là que j’y ai appris véritablement commencé à appré- et efficace qu’une leçon classique,
­licence d’Histoire et de Géographie, les rudiments de l’enseignement cier mes cours lorsque j’utilisais d’autant plus que je n’avais qu’une
et après voir approfondi encore ma du FLE. Confronté à des enfants leur langue maternelle ; l’ensei- demi-heure par classe. J’ai été

30 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


aussi témoin d’un enseignement
à l’ancienne où les punitions pour
les élèves pouvaient être sévères.
La mise à genoux mains derrière
la tête pour « bavardage excessif »
était habituelle. Néanmoins, j’en
garde un très bon souvenir car
j’apprenais en même temps que je
faisais apprendre. L’échange entre
apprenants et enseignants était
fluide.
À la rentrée universitaire 2019, je
suis rentré en France achever mes
études d’Histoire mais je ne voulais
ni être prof d’histoire, ni chercheur.
C’est là que mes études littéraires
additionnées à mon séjour malgache
m’ont servi. J’ai mis ces expériences
en avant afin de postuler au
prog ramme de mobilité des
enseignants lancé par l’Organisation
internationale de la Francophonie
U
au Ghana. Aujourd’hui, je suis
volontaire au CREF (Centre régional
d’enseignement du français) de
Cape Coast, à 150 km à l’est de la
capitale Accra. Ma mission est de
promouvoir la langue française au
Ghana en Région centrale. En effet,
la plupart des enseignants n’étant
pas francophones de naissance,
leur niveau peut s’avérer parfois
insuffisant pour un enseignement
efficace. De plus, les moyens encore
limités des CREF ne permettent pas
un suivi optimal des enseignants de
la région tous niveaux confondus. Le
CREF n’est composé que du directeur,
du volontaire – depuis cette année
– et d’un professeur ressource. Le
fait que ce pays soit totalement
anglophone est un véritable défi. Il
existe des solutions pour favoriser
un environnement francophone
comme la remise en route des clubs
de français dans les lycées (qui
avaient disparu à cause du Covid),
l’organisation de concours de chants
ou de poésies, les formations FLE
et bien sûr les stages de recyclage.
De plus, la vaste campagne menée
par le gouvernement ghanéen pour
l’enseignement-apprentissage du
français incite à l’optimisme et à
la motivation : le pays devrait à
l’avenir gagner de plus en plus de
francophones. n
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
ANDJELA PURIC, 30 ANS, SERBIE
« AVEC LE FRANÇAIS TOUTES
LES PORTES ME SONT OUVERTES »
Au Forum ProFutur, à Sofia, en août 2021. Au milieu des autres volontaires internationaux
à l’arrivée au Ghana, en mars.
ne Serbe qui enseigne le français au
Ghana ? Revenons où tout a commencé…
À 11 ans, j’étais en 5e année d’école pri-
maire quand j’ai fait la rencontre de la
langue française sans imaginer ce que cela m’appor-
terait. Tout s’est passé spontanément, l’amour du
français s’est développé naturellement et j’ai senti
qu’il y avait une sorte de magie inexplicable. Une
année après, j’avais envisagé mon futur métier qui
serait sans doute lié au français. Mes pensées étaient
tournées vers l’interprétariat, je me suis donc inscrite
au collège-lycée philologique de Belgrade en section
française. La suite était logique une fois qu’il a fallu
faire le choix des études : Faculté de philologie, mo-
dule langue, littérature et civilisation françaises.
Dans ma vie d’étudiante, c’est le programme
d’échange Erasmus+ qui m’a le plus marquée. J’ai
passé dix mois d’immersion à l’université de Poitiers,
en France, où j’ai pu donner du sens à toute cette
théorie que j’ai apprise durant mon parcours. C’était
pour moi une opportunité de découvrir un autre
­système éducatif et de perfectionner mon français.
Une expérience inoubliable qui m’a fait comprendre
que dans la vie tout est possible à celui qui veut.
Le temps que je passais avec des ressortissants d’Amé-
rique latine et d’Afrique m’a rendue curieuse de dé-
couvrir ces lieux. Grâce à un bénévolat, j’ai rejoint
une équipe enseignante à Alger avec l’association
internationale étudiante AIESEC pour travailler sur
l’un des objectifs de développement durable (ODD) :
l’accès à une éducation de qualité. Un contexte d’en-
seignement totalement différent et une expérience
riche en culture, en relations interpersonnelles et
aussi en pédagogie. Cela m’a permis de mieux com-
prendre la place que le français peut occuper dans un
pays (FLS, FLSco, FLE). Mon Master en dialogues des
cultures sur l’écrivain et journaliste algérien Kamel
Daoud (voir notre portrait p. 8-9) est le produit de
cette expérience.
À Belgrade, j’enseignais le FLE à des publics de tous
niveaux et tous âges aux centres de langue. J’ai été
également assistante du Groupe des ambassadeurs
francophones en Serbie où j’ai beaucoup appris sur
la Francophonie institutionnelle. Dès que j’en avais
l’occasion, je participais aux évènements franco-
phones. Le Forum des jeunes et futurs enseignants
de français à Sofia en 2021, organisé par Le Centre
régional francophone pour l’Europe centrale et orien-
tale (CREFECO) et ProFutur, fait partie de ceux que je
recommande à tous (voir FDLM 437, p. 46-47).
Vivre en Afrique était mon rêve ! « Suivez vos rêves, ils
connaissent le chemin. » Aujourd’hui, volontaire inter-
national de la Francophonie au Ghana, j’ai un nou-
veau rôle : enseignante-formatrice de FLE au Centre
régional d’enseignement du français à Kumasi, au
sud du pays. J’apporte mon appui dans la formation
continue des enseignants de français afin de ren-
forcer leurs capacités pédagogiques et linguistiques
pour un enseignement de qualité au Ghana, dans
l’objectif affiché de rendre bilingue ce pays anglo-
phone. Après ma mission, j’aimerais contribuer à la
promotion du français en Serbie afin qu’elle devienne
membre de plein droit de l’OIF (elle est aujourd’hui
membre associé). Dans le métier de prof, ce que
j’aime le plus est qu’on ne cesse jamais d’apprendre
et l’apprentissage permet d’évoluer. Je ne sais pas ce
que me réserve l’avenir, mais je sais qu’avec le fran-
çais toutes les portes me sont ouvertes. n
31
MÉTIER | FLE EN FRANCE

Qu’en est-il
aujourd’hui de la
mobilité étudiante
en France ? Avec
la crise sanitaire,
les cartes ont été
redistribuées. Mais la
tendance demeure :
l’internationalisation
de l’enseignement
s’impose bel et bien
dans un contexte de
concurrence accrue,
sous l’influence
aussi d’évènements
comme le Brexit et la
guerre en Ukraine.
PAR SOPHIE PATOIS

VIVRE ET ÉTUDIER EN FRANCE

LA MOBILITÉ EN PARTAGE
UN OBSERVATOIRE POUR MIEUX DÉFINIR L’AVENIR DES MOBILITÉS
La seconde édition
de L’Observatoire
territorial de la mobilité
internationale des
étudiants et des
chercheurs a été publiée en
mai 2022 (la première date
de juin 2018). L’Observatoire
a été piloté par la DAECT
L
’attractivité de l’enseigne- étudiants et des chercheurs (voir demeurent dans le pays qui les a for-
ment supérieur français encadré) : « Le nombre d’étudiants més, renforcer durablement la société
demeure vivace. En par- internationaux est un élément de soft et l’économie qui les accueillent. »
ticulier dans le domaine power, un signe de l’attractivité du Selon les derniers chiffres publiés
de la recherche puisque système d’enseignement et témoigne par Campus France, on compte ac-
11 % des étudiants internationaux de la capacité à former les élites de tuellement 365 000 étudiants étran-
en mobilité en France préparent demain et à diffuser ses valeurs. Les gers dans l’Hexagone. Soit la 7e place
une thèse (source OCDE). Comme étudiants en mobilité génèrent égale- des pays d’accueil des étudiants in-
le souligne judicieusement le rap- ment des revenus pour les territoires ternationaux après les États-Unis,
port de l’Observatoire territorial et les établissements, renforcent les l’Australie, le Royaume-Uni, l’Alle-
de la mobilité internationale des liens économiques et peuvent, s’ils magne, la Russie et le Canada. Peut
mieux faire ? Certainement ! En mul-
tipliant les échanges, en favorisant
les mobilités entrantes et sortantes.
Car les étudiants français ont com-
(délégation pour l’Action Campus France. Un outil au sein des villes et des pris eux aussi l’enjeu de s’ouvrir aux
extérieure des collectivités précieux qui permet de métropoles que ce soit dans diversités culturelles et linguistiques
territoriales) du ministère faire un état des lieux et l’organisation d’évènements et d’aller étudier ailleurs puisqu’ils
de l’Europe et des Affaires d’avoir une idée générale ou l’accompagnement plus occupent la 5e place parmi les plus
étrangères en collaboration des stratégies mises en concret dans les démarches mobiles (après la Chine, l’Inde,
avec Régions de France, place pour rendre la France administratives ou la le Vietnam et l’Allemagne). Mais
l’Association des villes plus attractive. Mais aussi recherche de logement…Le les chiffres ne disent pas tout ! Voici
universitaires de France de rendre compte de rapport est accessible sur : les témoignages de deux expériences
(AVUF), France Urbaine et l’importance des actions https://bit.ly/3IDawZ3 n de mobilité choisie et réussie. n

32 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

TÉMOIGNAGES
« LE FRANÇAIS
EST MON
OUTIL DE
TRAVAIL ! »
Alicia Serrano Sanchez, 26 ans, Espagne
Venue de Madrid, Alicia vient de terminer
un Master Interprétation de conférence
et compte s’installer en France pour
y travailler en tant qu’interprète et
traductrice (espagnol-français, espagnol-
anglais).
« J’ai commencé à apprendre le français à l’âge de 13 ans,
comme deuxième langue après l’anglais. À vrai dire, je n’ai
pas eu vraiment le choix ! Mais très vite, je me suis intéres-
sée à la culture française, à l’art, à la littérature et à tous
les aspects culturels que l’on peut voir dans les films, les
séries… J’ai eu aussi l’occasion d’aller en France lors de
voyages touristiques avec ma famille. Grâce à Erasmus, j’ai
pu étudier à Angers (à l’Université catholique de l’Ouest).
J’ai obtenu ensuite un poste d’assistante en espagnol en
Aquitaine, à Dax. Et grâce à une bourse de l’ambassade
de France, j’ai pu faire le Master d’interprétariat de Stras-
bourg. J’ai pu apprécier la diversité des régions française
grâce à mes séjours et aux amis que je me suis fait venant
de partout : Montpellier, Nantes, Strasbourg, Besançon…
Je trouve que la France a une offre éducative très vaste.
Quand j’ai regardé les programmes d’études sur Internet j’ai
trouvé qu’il y avait de très bonnes écoles, particulièrement
dans le domaine de l’interprétariat de conférence. Pour ap-
prendre le français, mon expérience d’assistante en espagnol
a été déterminante. Je me suis encore plus immergée dans la
culture française. J’habitais dans une petite ville où presque
personne ne parlait ma langue ! Grâce à l’Union européenne,
j’ai pu voyager librement entre l’Espagne et la France et vivre
en France, et même profiter d’aides financières. La mobilité
est une chose mais les bourses (Erasmus entre autres) en-
couragent les gens à sortir de leur pays, à découvrir d’autres
cultures, à apprendre d’autres langues et aussi à se confron-
ter à différents types de gens et de situations qu’ils n’auraient
jamais rencontrés dans leur pays d’origine.
Le français va devenir essentiel à partir de maintenant
parce que je viens de finir mes études : cela va être mon
outil de travail en fait ! Le français a aussi une dimension
personnelle pour moi car au fil des années il m’a permis
d’établir de vraies relations. Des liens avec des gens avec
qui j’aurais pu parler en anglais, mais quand on parle avec
quelqu’un dans sa langue maternelle, je trouve qu’on éta-
blit des liens un peu plus forts.
Aujourd’hui, pour aider la France comme elle m’a aidée, j’ai
commencé à écrire des articles sur le blog des e-ambassa-
deurs de Campus France. Pour l’instant, je me suis concen-
trée plus sur Strasbourg. Je trouve qu’elle n’est pas aussi
connue que Paris et c’est dommage. Strasbourg et la région
d’Alsace sont des endroits où plusieurs cultures, plusieurs
langues se mélangent et c’est un territoire qui a une histoire
fascinante ! » n
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
« LE MONDE
ENTIER DANS
UN SEUL PAYS ! »
Giovanni Britton Orozco, 27 ans, Colombie
Originaire de l’île de la Providence, Giovanni est
ingénieur en micro-électronique et termine à
Grenoble une thèse sur des ordinateurs quantiques.
Il souhaite s’établir en France si possible, ou là où son
talent sera reconnu !
« Quand j’étais petit, ma voisine était n’apprend pas seulement la théorie
française. Je partageais beaucoup mais un savoir-faire, on fait de la
avec elle. Elle était très connue chez recherche appliquée.
nous parce qu’elle faisait des travaux Le français m’a beaucoup apporté, in-
manuels, du vin, des bonbons pour déniablement ! Dans mon milieu pro-
les enfants… Cela a été ma première fessionnel déjà, qui est international,
rencontre avec la langue et la culture cela m’aide beaucoup. Cela permet de
françaises ! À l’université, on avait l’op- se faire intégrer. Je crois que c’est Nelson
tion d’apprendre le français, précisé- Mandela qui a dit : « Si vous parlez à un
ment pour partir en France et y faire ses homme dans une langue qu’il comprend
études. Étant donné l’expérience que cela lui monte à la tête. Si vous lui parlez
j’avais eue avec cette femme et le fait dans sa langue, cela lui touche le cœur. »
que la langue française est reconnue Et c’est vrai ! Je n’ai pas eu de difficultés
dans le monde entier par sa littérature, au départ pour apprendre le français,
les philosophes, les scientifiques, ça m’a c’est assez proche de l’espagnol. Mais
poussé à apprendre le français. J’ai suivi en arrivant en France, je me suis aperçu
un cours intensif pendant huit mois en que les Français ne parlaient pas comme
Colombie et je suis parti à Grenoble on nous l’avait appris ! Ils coupaient les
grâce à une bourse de Campus France. mots, utilisaient des expressions jamais
Un de mes objectifs quand je suis entendues… Le plus difficile pour moi a
arrivé, était d’apprendre beaucoup de la été la prononciation. Réussir à me faire
culture française, rencontrer du monde. comprendre avec mon accent ! Mais
Je me suis rendu compte que ce n’était venir en France m’a donné de l’espoir
pas si facile. Cela prend du temps. Il y a et de l’ambition. Cela a complètement
beaucoup de bureaucratie, de papiers changé ma vie de ma manière positive !
à faire je trouve et les supermarchés Une des choses les plus incroyables de
ferment tôt, il faut s’organiser… mon expérience en France, ç’a été de
Il y avait un accord entre mon université rencontrer des gens venus de toutes les
en Colombie (Universidad national de parties du monde : Asie, Afrique, Amé-
Colombia) et une école d’ingénieurs, riques. C’était le monde entier dans un
INP-Phelma. L’idée, c’était de faire même pays ! J’ai pu rencontrer beau-
un double diplôme. J’ai fait un stage coup de personnes avec qui j’ai partagé
de quelques mois à Bayonne, au énormément, même si nous n’avions
Pays basque, puis je suis revenu à pas le même regard. Cela m’a appris à
Grenoble poursuivre mes études. Ce voir les ressemblances et dissemblances
qui me semble important ici c’est qu’on entre différentes cultures. » n
Agence nationale de promotion de l’enseigne-
ment supérieur français qui gère également
les étudiants boursiers et les chercheurs,
Campus France est un établissement public créé
en 2011. La structure est placée sous la tutelle conjointe du ministère de l’Europe et des Affaires
étrangères et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
https://www.campusfrance.org/fr
33
MÉTIER | FOCUS

L’objet « pédagogie
alternative » désigne
des choses très
diverses. Pour y voir
plus clair, il convient
d’analyser les courants
pédagogiques en les
liant aux dynamiques
sociales et aux rapports
de force tels qu’ils
existent dans le monde
social. Entretien avec
Ghislain Leroy, auteur
de Sociologie des
pédagogies alternatives
(La Découverte).
PROPOS RECUEILLIS
© Shutterstock

PAR JACQUES PÉCHEUR

« LES PÉDAGOGIES ALTERNATIVES

NE SONT PAS UN BLOC HOMOGÈNE »
Ghislain Leroy est maître
de conférences en
sciences de l’éducation
(Université Rennes 2,
laboratoire CREAD).
Il est l’auteur de
L’École maternelle de la
performance enfantine
(Peter Lang, 2020). Ses travaux sur
les pédagogies, les écoles ou les familles
ont pour point commun d’investiguer
ce que l’on cherche à faire des enfants
dans la société contemporaine.
Pourriez-vous en quelques
mots délimiter les champs
de ce que vous nommez
« pédagogie alternative »,
« pédagogie subversive »
et « pédagogie critique » ?
Pédagogie alternative peut désigner
des choses très variées. Ce n’est pas
vraiment un concept ni un bloc uni-
forme. Distinguer pédagogie alter-
native et pédagogie subversive per-
met de montrer que toute pédagogie
alternative n’a pas forcément de
visée de subversion de l’ordre social,
qu’il s’agisse de lutter par exemple
contre les inégalités ou contre le
rapport de prédation à l’environne-
ment : il y a des pédagogies alterna-
tives qui ne s’inscrivent pas dans ces
visées politiques. Pédagogie critique
désigne plutôt un courant relative-
ment récent venu d’Amérique du
Sud à la suite des travaux de Paulo
Freire qui visent à remettre en cause
des fonctionnements structurels
jugés inégalitaires que ce soit dans
le domaine de la domination liée à
la race, au genre, aux catégories so-
ciales. Les pédagogies alternatives
ne constituent donc pas un bloc
homogène. Il faut les situer entre
pédagogie alternative de continuité
avec la réalité de l’école et pédago-
gie alternative de rupture et les dis-
tinguer entre elles selon le caractère
plus ou moins subversif, selon leurs
visées éducatives différentes.
Peut-on voir les pédagogies
alternatives comme une
bouée de sauvetage face
aux difficultés récurrentes
de l’école publique ?
Tout dépend de ce que l’on entend
par alternatif. Il faut ici prendre en
compte la place des dispositifs alter-
natifs dans l’école publique, notam-
ment face aux élèves qui sont le plus
en difficulté. On se rend compte ici
que ces dispositifs qui empruntent
aux différentes pédagogies alter-
natives sont souvent périphériques
par rapport à l’ordre ordinaire de la
classe, se situent sur des créneaux
annexes et ne permettent pas, par
leur caractère second par rapport à
l’ordinaire de la classe, de résorber
significativement la difficulté sco-
laire et d’inclure les élèves dans le
quotidien de la classe. Par ailleurs
le recours systématique au ludique,
au projet comme facteur de motiva-
tion, est questionné par un certain
nombre de travaux qui préconisent,
eux, de développer un recours au
savoir. Enfin il y a le développement
des écoles alternatives type Montes-
sori qui se nourrissent des difficultés
de l’école publique ou le recours aux
écoles démocratiques qui accueillent
des élèves qui sont malmenés dans le
système public ordinaire.

34 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


« Ce que l’on pourrait
reprocher à certaines
analyses didactiques,
c’est de toujours penser
l’élève ou l’enfant comme
un apprenant, et de ne
pas interroger la visée
éducative »
Vous rapprochez deux mots
qui ne font pas toujours
bon ménage : sociologie
de l’éducation et pédagogie…
C’est effectivement deux champs qui
se regardent en chiens de faïence.
Pour un certain nombre de socio-
logues de l’inégalité, c’est la crainte
un peu fondée que quand on va vers
des pédagogies qui prennent davan-
tage en compte l’intérêt de l’enfant,
on favorise des enfants qui ont déjà
développé des dispositions dans le
milieu familial. Il y a une crainte que
des pédagogies un peu libertaires ou
qui s’appuient sur le ludique, maî-
trisées par des enfants issus de mi-
lieux qui socialement maîtrisent les
codes, soient davantage déficientes
pour des enfants issus de milieux
populaires. Des enfants qui ont plu-
tôt besoin d’être initiés aux contenus
de savoirs et d’apprendre aussi à être
élève. Ici, tout un courant en socio-
logie de l’éducation prône une école
basée sur la transmission des savoirs,
en particulier pour des élèves qui
n’ont pas bénéficié de cette transmis-
sion dans leur milieu d’origine. Dans
le monde de l’éducation, on peut
comprendre l’intérêt, l’attrait pour
ces pédagogies alternatives type Frei-
net ou Montessori dans lesquelles les
enseignants voient une occasion de
diversification des approches et une
possibilité de renouvellement de la
relation pédagogique.
Comment voyez-vous
ce renouvellement ?
Pour moi, il s’agit de faire dialoguer
ces champs en rentrant dans le détail
de ces pédagogies pour en faire une
analyse sociologique, c’est-à-dire en
les situant dans le monde social. Il
me paraît intéressant de ne pas res-
ter dans une approche uniquement
philosophique de l’éducation qui
consisterait à analyser les courants
pédagogiques sans les lier aux dy-
namiques sociales, ainsi qu’aux rap-
ports de force tels qu’ils existent dans
le monde social et qui vont créer des
situations diverses pour les indivi-
dus. Relier l’analyse pédagogique à
la société telle qu’elle est, pose plu-
sieurs questions : comment les domi-
nants accèdent aux postures domi-
nantes, à partir de quelle économie
de choix ; comment des pédagogies
peuvent-elles contribuer à subvertir
l’ordre social par des modalités et
avec des visées différentes touchant
l’individu, le groupe, le genre ou les
catégories sociales. Après, pour un
parent, on met aussi l’enfant dans
une école qui le prépare à la société.
Toujours dans ce même ordre
d’idée, n’y a-t-il pas clairement
une opposition entre ce que
la didactique valorise et
ce sur quoi la sociologie
met l’accent ?
Ce que l’on pourrait reprocher à cer-
taines analyses didactiques, sans ris-
quer la caricature, c’est de toujours
penser l’élève ou l’enfant comme
un apprenant, de ne pas interroger
la visée éducative, de se situer, sur-
tout depuis les années 1990, dans
une sorte d’évidence de l’enseigne-
ment, des visées de transmission.
COMPTE RENDU
Méthode Montessori,
écoles démocratiques,
Steiner, instruction
en famille, le paysage
pédagogique actuel
se caractérise par
l’émergence ou de la
résurgence d’alternatives.
L’ouvrage de Ghislain
Leroy propose une
approche sociologique
des pédagogies
alternatives autour
d’un certain nombre de
questions : quel est l’état des savoirs
sur ces nouvelles pratiques ? Quelles
pédagogies paraissent aujourd’hui
« rationnelles », c’est-à-dire capables
de réduire les inégalités sociales
en expansion ? Quelle place les
Dans l’approche didactique, il y a
souvent un non-questionnement de
la relation éducative, en allant vers
des questions techniques, comment
on apprend, etc., mais en prenant
comme allant de soi la relation
d’enseignement. La didactique, en
se centrant sur la relation ensei-
gnant-apprenant, oublie le contexte
social et politique et valorise les
bons choix individuels.
Les pédagogies alternatives
interrogent continûment
la place et le rôle du maître.
Comment caractériseriez-
vous la figure de l’enseignant
alternatif ?
Il y a plein de formes d’alterna-
tives. L’alternative, ce n’est pas
seulement la subversion d’un sys-
tème où l’adulte oppresse l’enfant,
ou qui considère l’enseignement
comme simplement une animation
ou comme une normalisation alié-
nante, c’est aussi la valorisation de
la transmission qui ne doit pas être
négligée et c’est également la valori-
sation de l’esprit critique. Parce que
s’il n’y a pas d’enseignement sans
transmission, il n’y a pas non plus
d’enseignement sans émancipation
et sans esprit critique. Il faut réflé-
chir à la dialectique qui lie transmis-
sion et émancipation ; socialisation
et émancipation ; règle et liberté…
pédagogies critiques
peuvent-elles tenir
dans ce paysage, si leur
but est de subvertir les
dominations de classe,
de genre, de race ou de
sensibiliser aux enjeux
environnementaux ?
Avec ce livre, Ghislain
Leroy vise à replacer les
pédagogies nouvelles,
ou alternatives, dans la
réalité des mondes so-
ciaux actuels et passés.
Il présente leur histoire, leurs acteurs,
leurs méthodes et s’interroge sur leur
capacité à faire réussir les moins bien
dotés par leur milieu d’origine. n
Ghislain Leroy, Sociologie des pédagogies alternatives,
collection « Repères », La Découverte, 128 pages
De la même manière, les
pédagogies alternatives
posent, s’agissant des élèves,
la question de leur statut.
Quelle lecture la sociologie
de l’éducation fait-elle de
ce positionnement ?
Question complexe. Ceci amène à
penser à ce que c’est qu’être élève.
Ici l’approche traditionnelle met
l’accent sur la normalisation, à sa-
voir la concentration, la discipline,
l’intégration des règles du jeu sco-
laire, la posture de celui qui étu-
die et elle prône que tout ça a une
valeur. Maintenant les pédagogies
alternatives mettent l’accent sur la
question de l’intérêt de l’enfant et
des activités qui doivent être mises
en place avec le postulat qu’on ap-
prend quand on est intéressé. Du
coup, dans certaines approches
alternatives, on va faire le lien entre
les objets de savoir légitimes et les
intérêts des enfants en essayant de
trouver des ponts, en développant
des projets. Dans les approches plus
critiques, type pédagogie critique,
on a carrément un élève qui doit
développer son rapport au monde,
prendre conscience des domina-
tions qui existent voire qui peut
entrer en interaction ou en conflit
avec l’enseignant s’il en ressent le
besoin. Derrière ça, on discerne des
postures de l’élève assez différentes
selon la manière dont on conçoit la
relation pédagogique d’émancipa-
tion ou de normalisation.
Toutes ces approc hes, aussi
opposées soient-elles, ont en
commun d’éduquer l’enfant dans
une direction d’émancipation.
L’ i n t é r ê t d e s p é d a g o g i e s
alternatives quelles qu’elles soient
c’est de poser la question de l’enfant
dans la relation éducative. L’idée
qu’il pourrait y avoir des relations
éducatives abruptes et écrasantes
pour l’enfant constitue un leitmotiv
pour tous les alternatifs qui nous
conduisent à réfléchir au statut
de l’enfant. La question d’une
dialectique entre visée éducative
et écoute de l’enfant, conscience
de son écart et acceptation de son
écart, la tolérance de l’éducateur
et la prise en compte de l’individu
éduqué, c’est à ça qu’invite toute
pédagogie alternative. n

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 35

MÉTIER | EXPÉRIENCE

« Les Recettes de grammaire », c’est une

chaîne YouTube et un compte Instagram
suivis par près de vingt mille personnes
aux quatre coins du monde. La créatrice
de ce contenu linguistique à destination
des apprenants de français : Marine
Berthucat, professeure de FLE. Le tout
avec une méthode simple : une grande
rigueur pédagogique associée à une
formule ludique.
PAR SARAH NUYTEN

DANS LA SALLE DE CLASSE VIRTUELLE

DES « RECETTES DE GRAMMAIRE »

C
’est dans les vieux pots tout était fluide. Une de mes collègues un infinitif. C’est comme ça que m’est Compréhension écrite, dictée, ap-
qu’on fait les meilleures m’a dit : “Mais tu es prof, en fait !” » venue l’idée des “recettes de gram- prentissage de vocabulaire, produc-
confitures. Mais s’ils Suite à cette expérience, Marine maire”, clin d’œil à ces recettes que tion écrite et orale, argumentation,
peuvent être connectés se réoriente vers le français langue je donnais en classe et évidemment compréhension de l’oral, points de
et interactifs, alors c’est étrangère. jeu de mots avec “recette de grand- grammaire, méthodologie… Toutes
encore mieux : ce n’est pas Marine mère” ! » Le concept de son compte les épreuves du DELF B2 sont pas-
Berthucat qui dira le contraire. Cette De la salle de classe est simple : donner des astuces sées au crible. Les documents tra-
professeure de FLE de 35 ans, au- au cours virtuel pour apprendre le français, sans vaillés peuvent être téléchargés via
jourd’hui installée à Lyon, dans la ré- Il y a 4 ans, alors qu’elle vit au Népal jamais oublier la notion de plaisir. un lien situé sous la vidéo, le plus
gion Rhône-Alpes, enseigne depuis et travaille à l’Alliance française Au départ, Marine publie une vidéo souvent gratuitement. Malgré l’utili-
plus de dix ans. Son chemin n’était de Katmandou, lui vient l’idée de temps en temps. Puis le rythme sation de YouTube, les leçons restent
pourtant pas tout tracé : c’est en Es- de créer un compte pour ses étu- s’accélère. Aujourd’hui, la chaîne très formelles, avec du texte et des
pagne, après un BTS en commerce diants. « Quand j’ai choisi le nom de YouTube et le compte Instagram des flèches, l’écran prenant la place du
international, qu’elle s’improvise mes comptes, je ne pensais pas qu’un « Recettes de grammaire » affichent tableau traditionnel : « Ma chaîne est
prof de français auprès de collègues jour, j’aurais autant de followers, plusieurs publications par semaine. dédiée à la préparation de DELF B2,
hispanophones. « Ils me posaient s’amuse-t-elle. À l’époque, quand Sur YouTube, l’ensemble du contenu c’est très spécialisé et très technique,
des questions, à la pause déjeuner je j’expliquais la grammaire, je le faisais se concentre sur l’examen du DELF détaille l’enseignante. Pour expli-
les aidais à faire leurs devoirs, je leur sous forme de recettes : pour le futur B2, un diplôme certifiant des com- quer les choses, je dois écrire du texte et
expliquais des points de grammaire, proche, vous avez besoin de deux in- pétences en français (niveau B2) être très carrée. Je considère YouTube
se souvient-elle. Durant ces échanges, grédients, le verbe aller au présent et et reconnu dans le monde entier. comme une salle de classe virtuelle :
Chaque leçon s’articule de la même je ne suis pas une chaîne de divertis-
manière : Marine, face caméra, in- sement, mais une chaîne éducative. »
« Les réseaux sociaux sont de formidables outils pour troduit brièvement la leçon du jour. Dans ses vidéos, Marine Berthucat
Elle explique ensuite la méthodo- parle lentement et articule : « Je
enseigner. On peut publier des vidéos que les apprenants logie à adopter lors de l’examen, m’adresse à un public étranger, il est
sont libres de commenter, il y a beaucoup d’interactions. » puis décortique l’épreuve pas à pas. donc important qu’il me comprenne

36 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


parfaitement. En plus, je ne vois pas
mes étudiants derrière l’écran, j’essaie
donc d’articuler davantage. »
Des contenus ludiques
et pédagogiques
Encourageante et chaleureuse,
Marine emploie dans ses vidéos le
même ton et les mêmes méthodes
pédagogiques qu’« en vrai ». Ses
cours donnent l’impression du di-
rect : dès qu’un terme peu connu
surgit, elle en donne une défini-
tion : lors des exercices, un temps
de réflexion est laissé aux élèves. Ils
peuvent ainsi être acteurs de leur ap-
prentissage et ne pas se contenter de
consommer passivement la vidéo.
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
Marine Berthucat, entre tournage
et montage.
ligne. Car la prof youtubeuse propose
en plus une formation à distance en
petit groupe, cette fois payante, pour
préparer le DEFL B2. Et c’est dans les
échanges avec ses élèves que Marine
trouve l’inspiration de ses vidéos :
« Parfois, dans la même journée, j’en-
tends dix fois la même erreur ! Dans ce
cas-là, je décide d’en faire une vidéo.
Les commentaires et les messages pri-
vés sur les réseaux sont aussi des mines
d’or pour trouver des idées. »
Une fois le sujet retenu, Marine écrit
le texte, filme, monte la vidéo, rédige
la description et publie. Une vidéo
d’une dizaine de minutes nécessite
entre 4 et 8 heures de travail. « J’es-
saie de publier le plus régulièrement
« Quand je publie une
vidéo et que je reçois
des messages de
remerciement de la
Jamaïque, du Nicaragua
ou du Turkménistan,
ça me remplit de joie »
possible, dit Marine. Sur Instagram,
Sur Instagram, le ton est plus l’objectif est le même : aider les je publie trois fois par semaine en gé-
léger. Alors que la chaîne YouTube abonnés à améliorer et enrichir leur néral et sur YouTube, je mets en ligne
s’adresse spécifiquement aux per- français. « Les réseaux sociaux sont entre quatre et huit vidéos par mois en
sonnes qui préparent le DELF B2, de formidables outils pour enseigner, moyenne. » Sa communauté, com-
le compte Instagram est plus géné- estime Marine. On peut publier des posée d’étudiants en français, est
rique, avec des publications à desti- vidéos que les apprenants sont libres toujours bienveillante. « Quand je
nation des apprenants de niveau A2 de commenter, il y a beaucoup d’in- publie une vidéo et qu’ensuite, je reçois
ou B1. On y retrouve des vidéos de teractions. Dans les stories, il est pos- des messages de remerciement de la
grammaire, de prononciation, des sible d’expliquer un point de langue et Jamaïque, du Nicaragua ou du Turk-
dialogues et des situations de la vie ensuite de faire des quiz. Bref, je vois ménistan, ça me remplit de joie, s’en-
quotidienne : comment choisir la vraiment les réseaux sociaux comme thousiasme-t-elle. Cette ouverture sur
cuisson de son steak au restaurant, une grande salle de classe virtuelle ! » le monde, c’est ce qui me plaît le plus. »
aller récupérer un colis à la Poste Après quatre ans sur YouTube et une
ou demander une coupe chez le 4 à 8 heures de travail popularité grandissante, Marine Ber-
coiffeur. Marine Berthucat lance pour une vidéo thucat ne compte pas s’arrêter là :
aussi des challenges à ses élèves. Sa présence sur les réseaux est aussi l’envie de fournir du contenu gratuit
La recette est donc moins scolaire une vitrine pour le reste de son ac- aux apprenants du monde entier est
que dans le contenu YouTube, mais tivité, à savoir des cours de FLE en toujours aussi présente. Et lorsqu’on
lui demande la recette secrète pour
apprendre le français, voici sa ré-
LES ABONNÉS DES « RECETTES DE GRAMMAIRE » ponse : « Prenez un grand saladier de
YouTube : www.youtube.com/c/Lesrecettesdegrammaire (19 300 abonnés) détermination, ajoutez-y de l’appren-
Instagram : www.instagram.com/les_recettes_de_grammaire/ (107 000 tissage constant, mélangez avec un
abonnés) Il s’agit surtout d’étudiants du niveau B1 à C2 et à 70 % des femmes. litre d’amour et un bon état d’esprit,
20 % des abonnés sont en France. Les autres sont répartis dans le monde entier : mettez une pincée d’amusement, pla-
Espagne, Italie, États-Unis, Australie, Inde, Iran, Qatar ou encore Koweit. cez au four et parlez ! » n
37
MÉTIER | INNOVATION

S’OUVRIR
Transmettre des valeurs fortes
à travers un projet de classe,
c’est le pari des associations

AU MONDE
United Schools et Par le
monde, qui ont conçu des
plateformes numériques
interactives, mettant en
contact des élèves du monde

DEPUIS SA SALLE
entier pour réfléchir et
échanger sur l’environnement,

DE CLASSE
la citoyenneté ou l’’identité.
Zoom sur deux initiatives
porteuses de sens.
PAR MARINE NOUHAUD

« UNITED SCHOOLS » : UN RÉSEAU SOCIAL

ÉCOCITOYEN ENTRE ÉCOLES DU MONDE

À
l’or igine de United connecte gratuitement les classes du
Schools, un jeune couple monde entier, sous la responsabilité
qui s’était installé à d’un professeur. L’idée est de « s’ou-
Dijon. En 2016, alors vrir à d’autres cultures et de partager
qu’Hélène Saintobert travaille de- ses bonnes idées ou actions en faveur
Turquie
puis 9 ans à la Mutualité française Portugal Présentation vidéo
d’un monde plus durable […] pour
Malaisie
de Bourgogne et que Stéphane Ol- France Créations d'une journée type Événement zéro accompagner la jeunesse à construire
Partage du voyage
lagnier est dans le secteur commer- artistiques à l'école déchet à l'école positivement le monde d’aujourd’hui
de mascottes dans
cial, une prise de conscience écolo- le monde et de demain », explique Stéphane
gique les pousse à partir en voyage Ollagnier, directeur de l’associa-
« pour faire une pause » et « aller à la tion. Celle-ci souhaite sensibiliser
rencontre d’autres cultures ». Voya- et faire passer à l’action les élèves à
ger oui, mais « pas question de faire travers des projets concrets autour
un voyage uniquement touristique. de l’interculturalité et de l’écoci-
Canada
Citoyens concernés, nous souhai- Ce que toyenneté : « J’ai appris à faire un
tions mettre du sens dans ce périple », l'on sac à base d’un vieux tee-shirt grâce
explique Hélène. Leur idée  : dé- mange à des Cambodgiens ! », dit Margue-
en hiver
ployer un réseau social écocitoyen rite, 11 ans, quand son camarade
en partant « à la rencontre des écoles de classe Romain témoigne qu’« une
du monde ». L’aventure était lan- vidéo d’Asie [les] a motivés à créer
cée ! Aujourd’hui, leur projet Am- une boîte pour récolter des bouchons
bass’Acteurs fait écho à leur périple plastiques. »
puisqu’il permet à des voyageurs de Sénégal Pour les élèves, c’est l’occasion
Colombie Lutte contre
présenter et déployer l’association à Vidéo-témoignage de découvrir la façon de vivre
la gaspillage Laos
travers le monde. sur ce que l'on alimentaire en vidéo
d’autres enfants dans le monde
Armoire à
United schools est un réseau social mange à la cantine et d’apprendre en s’amusant. Des
chaussures
qui s’adresse aux 5-16 ans et qui écoconçue compétences transversales sont
Quelques exemples de projets à travers le monde.
38 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

également mobilisées, notamment
l’utilisation du numérique dans un
contexte d’apprentissage ou encore
la pratique des langues étrangères,
puisque la plateforme a été déployée
en 3 langues (français, anglais et es-
pagnol). C’est le volet linguistique
que Chaleunsap, élève laotien de 9
ans, retient : « Cela me permet d’ap-
prendre le français et de découvrir le
monde sans voyager ! » Le réseau édu-
catif est « une formidable occasion de
pratiquer les langues, et notamment
la langue française puisque c’est du
concret pour les jeunes. On écoute,
on rédige, on commente, on lit, on
interagit dans la langue choisie par
le professeur », souligne Stéphane.
Pour les professeurs et animateurs
de la plateforme, United Schools
est une source d’inspiration per-
mettant de proposer de nouveaux
projets de classe et de trouver des
ressources pédagogiques prêtes à
l’emploi. Ainsi, les jeunes du monde
entier apprennent différemment et
de façon ludique grâce au réseau.
Une façon d’enseigner dans l’air
du temps puisque « c’est une acti-
vité pluridisciplinaire qui plaît aux
élèves », révèle Romain, professeur à
Carthage (Tunisie) et membre de la
plateforme. n
ENVIE DE REJOINDRE
L’AVENTURE ?
www.
unitedschools.
world/
Pour inscrire
votre classe, de-
mandez votre code d’invitation par
mail à contact@unitedschools.world
Actuellement en voyage, vous
souhaitez donner du sens à votre
périple ? Rejoignez le nouveau pro-
gramme United Schools en devenant
Ambass’Acteurs de l’association.
Toutes les informations sur :
https://ambassacteurs.fr/
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
Les élèves de CE2 scolarisés en Île de France réalisent leur village idéal de façon collective.
« PAR LE MONDE » : CRÉONS
LE VILLAGE IDÉAL DE DEMAIN !
C
’est en 2013 que Marylène Hochart, ingé-
nieure agronome et consultante en déve-
loppement durable, et Laurent Arnoult,
étudiant pionner du Centre de recherches
interdisciplinaires et docteur en biologie, quittent leur
domaine d’origine pour se lancer dans la création de
l’association Par le Monde. En découvrant le livre-
photo Des enfants comme moi (Gallimard/Unicef),
ils ont l’idée de « donner une suite numérique à ce livre
marquant et inspirant, convaincus que cela pourrait
cultiver l’empathie et la curiosité et garantir le vivre-en-
semble des générations futures », précise Marylène.
« Souvent, les écoliers grandissent sans faire l’expérience
des autres, sinon de leurs trop semblables camarades »,
indique Laurent, qui avec Par le Monde veut « aider les
enfants à grandir et à devenir ensemble des citoyens du
monde, tolérants, ouverts et curieux. »
Après avoir déployé le projet « Le Voyage de Pelico »
de 2014 à 2020, l’association Par le Monde a lancé
en 2020 le programme « 1Village » : un réseau édu-
catif et collaboratif gratuit qui s’adresse aux écoliers
francophones du monde entier âgés de 7 à 11 ans. Le
concept est original : des couples de deux pays dif-
férents sont formés par l’association (cette année :
France/Roumanie ou encore Palestine/Sri Lanka) et
plusieurs classes de chaque pays sont réunies au sein
d’un village-monde virtuel. Leur but ? se découvrir et
échanger pour construire ensemble le village idéal.
Accessible dès le niveau A1, 1Village est 100 % franco-
phone et se déroule sur une année scolaire en 3 phases
(1 par trimestre) : découverte, échange et imagina-
tion. La première est la découverte de soi et de l’autre
de façon ludique à travers des jeux, des charades et
des énigmes (par exemple créer des indices représen-
tatifs du pays : une photo de paysage, précisions géo-
graphiques, météorologiques, etc.). La deuxième est
une phase d’échange et de partage, avec la création de
reportages vidéo sur des éléments culturels prédéfinis
comme la cuisine, l’école, les paysages, les arts, les tra-
ditions… Cette phase comporte également des énigmes
à créer et des défis à relever par école : culinaire (réa-
liser une recette postée par un autre groupe), linguis-
tique (partager une expression ou un mot en français
et expliquer dans quel contexte on l’utilise) et écolo-
gique (écogestes dans la classe, ramassage des déchets
dans notre région, recyclage d’un objet du quotidien,
etc.). Dans la dernière étape, les élèves construisent en-
semble leur village idéal sur la plateforme et rédigent
des éléments symboliques : un hymne et un conte du
village. Ces reportages sont réalisés en classe ou à la
maison par les élèves des différentes classes qui choi-
sissent comment représenter leur pays et montrer leur
quotidien. Un accompagnement pour faire un montage
vidéo est proposé aux professeurs.
Grâce à 1Village, les élèves développent des com-
pétences sociales, civiques et numériques. Pour les
professeurs, ce projet « fil rouge » permet de « sortir
du cadre traditionnel d’enseignement. Les énigmes dé-
clenchent un vrai travail de groupe pour découvrir les
pays mystères », indique Sonia, enseignante de CM1
dans l’Hérault. L’enseignant référent porte le projet à
son rythme et a accès à une plateforme complémen-
taire dédiée aux professeurs qui contient des fiches
pédagogiques, des guides pour apprendre à créer des
vidéos et un tchat. Les élèves, eux, sont ravis de partici-
per : « J’aime beaucoup faire des reportages car j’ai l’im-
pression d’être dans la peau d’une journaliste ! Ça me fait
plaisir de faire découvrir aux autres enfants notre mode
de vie ! », témoigne Melissa, 8 ans, scolarisée en France.
« L’écriture a été très rapide, les enfants ne sont même
pas allés à la récré, ils ont directement enchaîné sur le
tournage, très enthousiastes », confie Leila, enseignante
CM1-CM2 en REP à Besançon. « L’objectif pour l’année
prochaine : constituer 10 Villages Monde dans 15 pays
! », précise l’équipe de Par le Monde. Il est d’ailleurs
possible de rejoindre l’édition 2022-2023 en inscrivant
– avant fin septembre – votre classe en ligne. n
POUR REJOINDRE LE PROJET
Inscriptions jusqu’à fin septembre :
https://prof.parlemonde.org/1vil-
lage/#participer
Par le Monde souhaite se développer
à l’international et lancer un projet de mobilité de jeunes
et/ou d’enseignants qui animeront des ateliers au sein des
classes participantes. Si vous êtes enseignant(e)s et inté-
ressé(e)s par ce projet : contact@parlemonde.org
39
 MÉTIER | ESPACE APPRENANTS
© DR
L’Espace Apprenants de la Bibliothèque Bulles de l’UGA.
L’EFFET « BULLES »
QUAND LA PÉDAGOGIE PASSE PAR LE PRÊT D’OBJETS
L
Un Espace Apprenants au sein d’une ’ E s p a c e A p p re n a n t s
bibliothèque universitaire, en l’occurrence existe depuis 2014 dans
notre bibliothèque – qui
la bibliothèque Bulles de l’Université porte le nom de biblio-
Grenoble Alpes ? thèque Bulles –, spéciali-
Visite guidée de cette « bibliothèque- sée en sciences du langage, français
langue étrangère, littérature et arts
support » originale et très près non du spectacle, appartenant à la com-
seulement des besoins mais des envies posante UFR LLASIC de l’Université
de ses étudiants. Grenoble Alpes. Ce lieu est, comme
son nom l’indique, dédié aux
PAR NADI FERCHICHE-JAY ET AURÉLIE TOQUÉ apprenants et conçu comme une
« bibliothèque-support », en appui
à l’enseignement du français langue
étrangère.
Nous proposons aux étudiants
de notre université un large choix de
Nadi Ferchiche-Jay et Aurélie Toqué animent l’Espace Apprenants documents pédagogiques et cultu-
de la Bibliothèque spécialisée en sciences du langage, français langue
étrangère, littérature et arts du spectacle, appartenant à la composante rels : livres d’exercices, de prépara-
UFR LLASIC de l’Université Grenoble Alpes. tion au DELF/DALF, romans, bandes
40 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
dessinées mais aussi des films fran-
çais en DVD ou encore des ouvrages
sur la France, la région grenobloise
ou la gastronomie française… Mais
au-delà de cette offre que l’on pour-
rait qualifier de « classique » et qui
reste la principale ressource utilisée
par nos lecteurs, les apprenants ont
la possibilité d’emprunter dans cet
espace des ressources insolites.
Des prêts originaux en plus
de la documentation…
Depuis 2017, nous avons déve-
loppé le prêt de jeux de société
dont une grande partie est axée sur
la langue française et les cultures
francophones, ainsi que le prêt de
matériel comprenant un très large
choix d’objets ludiques, sportifs ou
Parfait pour l’été…
pédagogiques. Tout comme l’en-
semble des documents et objets
empruntables de l’Espace Appre-
nants, ce service de prêt de maté-
riel participe à l’immersion cultu-
relle dans laquelle sont plongés les
étudiants internationaux de l’Uni-
versité Grenoble Alpes, dont les
apprenants de FLE qui fréquentent
activement nos locaux.
Prenons l’exemple du prêt d’appa-
reils de cuisine qui a initialement été
pensé pour permettre à l’ensemble
de notre public d’accéder à ces plats
à la maison sans avoir à investir
dans ces objets. Nous nous sommes
vite aperçus que beaucoup d’étu-
diants internationaux n’avaient pas
encore eu l’occasion de déguster
une raclette ou une fondue même
après un long séjour en France. La
gastronomie française est souvent
abordée en classe de FLE, mais tous
n’ont pas eu l’opportunité d’aller au
restaurant ou de rencontrer des au-
tochtones pour leur faire connaître
ces plats populaires dans la capitale
des Alpes. Le prêt de tels appareils
par la bibliothèque leur offre la
chance de les découvrir. Nous pro-
posons même l’emprunt de livres de
recettes pour se documenter et les
aider à réussir leur préparation.
Autre illustration avec la pétanque : si
nous prononçons le mot « pétanque »
lors des visites que nous faisons de
la bibliothèque, nous remarquons
que ce jeu traditionnel français est
largement connu des apprenants,
alors que peu d’entre eux y ont déjà
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
Parfait pour l’hiver… (et la découverte des spécialités locales.)
joué. La bibliothèque leur donne jus-
tement la possibilité de s’y essayer
lors d’animations organisées devant
notre bâtiment ou de les emprunter
pour leur temps libre.
… mais aussi des supports
à la pédagogie
Note bibliothèque offre des pers-
pectives originales via l’Espace
Apprenants car celui-ci est égale-
ment un lieu de rencontre entre
étudiants et enseignants, notam-
ment grâce aux ateliers et cours
organisés dans nos locaux avec nos
ressources. Le fait d’avoir tous ces
objets sous la main est l’occasion de
les utiliser comme support, notam-
ment lors des ateliers de conversa-
tion et des ateliers jeux.
Pour alimenter la conversation
entre les apprenants, les animateurs
ont plutôt l’habitude de rechercher
des images dans des livres ou sur
Internet. De façon complémentaire,
nos objets empruntables sont alors
un bon prétexte pour déclencher
la discussion. Lors d’un atelier por-
tant sur le thème du sport, nous
Avoir les objets sous
les yeux permet de les
nommer et apporte
une dimension beaucoup
plus concrète aux ateliers
avec nos étudiants
internationaux
Et parfait paquetage pour aller vers l’autonomisation…
nous sommes par exemple servis de
raquettes de tennis ou de ballons.
Nous avons aussi utilisé nos outils
ou kits couture pour discuter de
bricolage et d’activités manuelles.
Avoir les objets sous les yeux per-
met de les nommer et apporte une
dimension beaucoup plus concrète
aux séances. Pour la bibliothèque,
cela offre une meilleure visibilité
de notre matériel empruntable et le
valorise auprès de nos utilisateurs.
Beaucoup d’étudiants et d’ensei-
gnants reviennent fréquemment
emprunter ces objets.
Un service phare
de la bibliothèque
Le prêt de matériel s’inscrit désor-
mais comme un service phare de
la bibliothèque Bulles et participe
activement à la vie pédagogique de
l’université. Certains enseignants de
FLE en profitent d’ailleurs dans leurs
cours. C’est le cas de Laurent, ensei-
gnant au CUEF de Grenoble, qui a
emprunté un appareil à crêpes pour
terminer le semestre en beauté avec
ses étudiants : « La classe a passé un
excellent moment et l’appareil nous a
permis de faire le bilan du semestre de
manière détendue et d’apporter un
brin d’intimité qui a débouché sur la
proposition d’un repas de classe dans
un restaurant tenu par l’oncle d’une
étudiante vietnamienne. » De façon
plutôt imprévue, l’activité aura
aussi été riche sur le plan intercultu-
rel : « Tout le monde avait été invité
à amener sa garniture sucrée préfé-
La possibilité d’emprunter
ce matériel est une vraie
opportunité pour les
enseignants de varier
le contenu d’un cours
et de vivre en pratique des
moments interculturels.
rée, d’où un certain exotisme quand
une étudiante asiatique a apporté…
du piment ! Prétexte bien sûr à une
grande discussion sur le sucré/salé et
les saveurs. »
La possibilité d’emprunter ce
matér iel est donc une vraie
opportunité pour les enseignants
de varier le contenu d’un cours et
de vivre en pratique des moments
interculturels. Nous récoltons de
nombreux avis positifs parmi les
utilisateurs. Le fait d’avoir vu notre
appareil à fondue voyager jusqu’à
Barcelone pour les fêtes de fin
d’année – l’étudiante voulant faire
découvrir ce plat traditionnel à sa
famille – nous conforte dans l’idée
de poursuivre le développement de
notre offre de matériel empruntable
et de ces activités pédagogiques, en
nous adaptant toujours plus aux
besoins de nos publics. n
POUR EN SAVOIR PLUS https://
llasic.univ-grenoble-alpes. fr/
menu-principal/bibliotheques/
41
MÉTIER | ASTUCES DE CLASSE RUBRIQUE ANIMÉE PAR ADRIEN PAYET www.fle-adrienpayet.com

P
our moi, l’audiovisuel
est une ressource iné-
Une chose est certaine : on ne peut puisable et motivante
apprendre une langue sans s’intéresser à la fois, face à la nou-
à la diversité des cultures qu’elle velle génération d’étudiants. Je
l’utilise avec mes élèves pour
transmet. Dans cette logique, l’art

C
est un excellent moyen d’aborder ette année, nous avons visité
de manière vivante de multiples un monument de Lisbonne, le
monastère des Hiéronymites.
aspects culturels en classe. Que ce soit En Histoire, les élèves ont ap-
à travers la découverte des œuvres pris les caractéristiques du style manuélin.
(cinématographiques, musicales, Ensuite, avec les photos qu’ils ont prises, ils
ont fait un guide touristique en portugais,
théâtrales, plastiques, etc.) ou dans français et anglais. Pour terminer l’année,
la pratique artistique dans le cadre j’ai fait un cours sur l’impressionnisme. Je
d’un projet, l’intégration de l’art leur ai montré la série sur la cathédrale de
Rouen du peintre Monet et je leur ai fourni
en classe ne laissera personne un détail de la façade du monastère, leur
indifférent et permettra à chacun proposant de le colorier avec un « style im-
et chacune de s’exprimer sur pressionniste ».
sa représentation du monde. Nous
avons interrogé notre communauté Clara Botelho Amaro, Portugal
prolonger leur habitude tech-
nologique (réseaux sociaux
tels que Instagram, TikTok,
YouTube…) à l’école. Réali-
ser une création audiovisuelle
demande l’intervention de la
création personnelle de chaque
élève pour aboutir à un résultat
qui m’a permis d’enseigner la
culture française sous toutes
ses facettes : langue, gastrono-
mie, histoire, monuments his-
toriques, etc. Et là, l’audiovisuel
devient « un art ».
Jean-Pierre Gauchi, Espagne

d’enseignants pour partager leur

manières d’intégrer l’art en classe.

« COMMENT INTRODUIRE
V O L
n peut déjà com- es œuvres d’art consti-
oici une activité que je réalise depuis le confine- mencer en évoquant tuent l’alibi pour abor-
ment, inspirée par l’#ArtEnQuarantaine, à partir le champ lexical de der une multiplicité de
du A1. Pour l’introduction, je distribue une fiche l’art lors d’un remue- contenus communicatifs
avec quelques œuvres d’art ; les apprenants vont méninges. Recentrer autour de la et interculturels. À titre d’exemple,
sur le site internet du musée Fabre (à Montpellier), retrouvent discipline artistique choisie (ici mes étudiant(e)s découvrent les
les œuvres en question dans les différentes collections numé- la peinture). Demander aux étu- impressionnistes à travers l’expo-
riques et répondent à quelques questions. Ensuite, nous visitons diants s’ils connaissent des peintres sition en ligne du Musée des im-
le musée, ce qui permet de voir en vrai les œuvres déjà connues. français, essayer de les situer dans pressionnismes Giverny. Ensuite,
Les apprenants sont toujours agréablement surpris par la puis- le temps ou selon le mouvement on travaille les diverses compé-
sance de l’art et trouvent toujours des similitudes entre les pay- artistique. Puis enfin montrer le do- tences avec la bande-annonce
sages français et leur pays d’origine. Puis chacun choisit une cument déclencheur, qui sera ici un de « l’Exposition immersive » de
œuvre qui l’a marqué. De retour en classe, ils décrivent leurs tableau. Si disponible on peut mon- Claude Monet. Pour finir, les étu-
émotions face à cette œuvre et expliquent pourquoi ils l’ont trer l’émission « D’Art d’Art » qui pré- diant(e)s (re)créent le tableau im-
choisie. Enfin, je distribue quelques œuvres en format papier, sente l’œuvre choisie. Ensuite poser pressionniste de leur choix. Pour-
et ils doivent en choisir une par binômes. Puis ils s’organisent des questions classiques, décrire le rendre visibiles leurs productions,
pour reproduire l’œuvre en classe : les vêtements, les objets du tableau pour commencer, puis avec je partage leurs (re)créations à la
décor… Enfin, le jour fixé, c’est le photo-shooting : chaque bi- des questions plus précises aller vers manière d’une exposition d’art sur
nôme, avec l’aide du groupe, reproduit l’œuvre et photographie une interprétation de l’œuvre. l’application Artsteps.
la scène. S’ensuit bien sûr une expo dans le centre de formation !

Marie Lecocq, France María Lorena Sierra Ibañez, Argentine

Laure Bénard, France

42 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

 J
’aime proposer lor s
des ateliers #iN ARTS
(https://inarts-travel.
com/) de découverte
c u l t u re l l e et a r t i st i qu e l a
réalisation d’un calligramme, ces
petits poèmes-dessins. Une activité
facile à mettre en place, même
avec des niveaux A1. Je montre
aux élèves à quoi ressemblent les
calligrammes d’Apollinaire ; je
leur propose alors de réaliser un
dessin lié à une thématique déjà
travaillée en classe, par exemple le
contour d’un visage pour revoir la
description physique, une maison
pour réinvestir le vocabulaire de
l’habitat… Puis ils doivent écrire
un petit poème sur le sujet en
suivant le tracé de leur dessin.
Une activité ludique et créative qui
marche à tous les coups !
Évelyne Mazallon, France
L’ART EN CLASSE ? »
À RETENIR
Les témoignages montrent une
grande variété de pratiques et
d’approches possibles, depuis l’art
de rue, en passant par le cinéma,
le théâtre et bien sûr la peinture.
Georgia nous rappelle que l’art est
amené à se vivre de manière sensi-
tive. De plus en plus d’expositions
immersives voient d’ailleurs le jour et
les ressources les concernant peuvent
devenir d’excellents supports pour
JE PARTICIPE !
Un grand merci aux enseignants pour
Rejoignez
FACEBOOK/LeFDLM leur participation à ce numéro ! Pour participer,
rendez-vous sur nos réseaux sociaux !
www.fdlm.org
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
I J
l s’agit d’une activité pour développer la conscience e parle souvent de l’art de
de soi et des autres, destinée aux enfants ; aux ados rue en classe. Pour cela j’uti-
mais aussi aux adultes de tous les niveaux : débu- lise des photos d’œuvres
tant/moyen/avancé. Les apprenants agissent et s’ex- d’art (sculptures, graffitis,
priment avec le corps. Cette activité aide au développe- architecture…) qu’on peut trouver
ment de l’imagination, de la créativité, de la conscience, dans ma ville (donc les apprenants
des émotions. Les apprenants voyagent une petite valise en connaissent quelques-unes). Je
à la main (ou une tasse de chocolat chaud, ou une rose) demande aux apprenants de dire si ça
en traversant divers lieux annoncés par l’enseignant. Il leur plaît et pourquoi. Autre matériel
faut bien garder la valise dans les mains ! Ils passent par que j’utilise (pour des niveaux plus
un chemin plein de fleurs, une grande autoroute où les élevés) : l’émission « À musée vous, à
voitures roulent très vite, une forêt pleine de loups, une musée moi » d’Arte dans laquelle les
rivière dans le désert, un grand tunnel sans lumière, ils œuvres d’art parlent. On regarde un
doivent grimper un mur pour arriver au port pour prendre épisode, on fait des exercices de com-
le bateau. Ils sont dans le bateau : il y a une tempête ter- préhension et après on passe à la créa-
rible mais ils ont toujours la valise dans les mains. Tout au tion en faisant parler nous-mêmes
long de l’activité il y a de la musique de fond. d’autres tableaux. Pour cela on peut
utiliser l’appli Blabberize.
Georgia Constantinou, République de Chypre
Lucile Marinelli, Allemagne
J J
’utilise des peintures mon- ’of fre à mes
dialement connues pour élèves de Terza
développer la liberté d’ex- Media (équiva-
pression, écrite et orale. Je lent du Brevet
nos classes. Les TICE nous offrent demande à mes élèves, même au en France) de niveau
également de nombreux outils moti- niveau A1 ou A2, de deviner le titre A1/A2 le coloriage de
vants comme Artsteps, cité par María du tableau ou de faire parler les La Femme à l’ombrelle
Lorena pour construire sa propre personnages d’un tableau célèbre. de Claude Monet et je
galerie virtuelle, ou Blabberize, pour Je peux vous dire que ce type d’ac- leur propose de faire ce
faire parler les peintures, comme le tivité leur permet d’être libres dans coloriage en se laissant
propose Lucile. Enfin, avec un simple leurs réponses, leurs productions porter par leurs sens
papier et crayon, les apprenants et d’élargir leurs connaissances pour trouver des mots
pourront produire leur première globales liées à la peinture. Il ne (nature, vent, liberté, si-
œuvre sous la forme d’un calligramme faut pas oublier qu’il n’y a pas de lence, calme…) et écrire
comme le propose Évelyne. n bonnes ou de mauvaises réponses des haïkus. Exemple de
en donnant son opinion devant un Leila : « Je suis heureuse
tableau, vous pouvez leur deman- quand je vois la nature
der leurs avis à tous les niveaux car je me repose. »
Seray Ekici, République turque de Giusi Ramello, Italie
Chypre du Nord
43
MÉTIER | INTERCULTUREL
Comme le bifteck-frites, que Roland
Barthes inscrivait jadis dans ses
« mythologies » de la culture française,
le couscous est un marqueur,
un signe d’appartenance, un facteur
d’identification, mais en gagnant la faveur
des consommateurs du monde entier,
il s’impose aussi comme un élément
du dialogue interculturel.
PAR CLAUDE OLIVIÉRI
LE COUSCOUS
EMBLÈME DE LA
DIVERSITÉ PARTAGÉE
J’ai compris que
j’avais terminé ma
psychanalyse le jour
où je me suis rendu
compte que le couscous
de ma mère n’était pas
meilleur que celui de la voisine. » Cette
boutade d’un ami juif d’Alger en dit
long sur la place du couscous dans
nos sociétés méditerranéennes.
Dans un tout autre domaine, qui se
souvient encore du « couscous gate »
du 16 septembre 2017 ? Ce jour-là,
le Front national s’était indigné d’ap-
prendre que Florian Philippot était
allé manger avec ses partisans un
couscous, ce plat iconique du Ma-
ghreb, dans un restaurant de Stras-
bourg : dissidence intolérable aux
yeux de ce parti d’extrême droite !
C’était reconnaître, de manière impli-
cite, que la rencontre des deux civili-
sations portées par la France et l’Algé-
rie pouvait enrichir nos cultures, nos
manières d’être et de vivre.
Claude Oliviéri, linguiste, professeur
émérite à Paris III Sorbonne Nouvelle,
auteur, collaborateur et longtemps
membre du conseil d’orientation et
du comité de rédaction du Français
dans le monde, a occupé des fonctions
politiques et administratives au ministères
des Affaires étrangères, de l’Éducation
nationale et de la Francophonie.
44
Le 16 décembre 2020, l’Unesco
inscrit au patrimoine immatériel
de l’humanité « les connaissances,
savoir-faire et pratiques liés à la
production et consommation du
couscous ». De fait, le résultat est
moins une surprise que la méthode
utilisée pour y parvenir : pour la
première fois cette candidature
a été portée par une union de
circonstance entre le Maroc,
l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie
après un long travail entre experts
des pays concernés, coordonné par
le Centre algérien de la recherche
préhistorique, anthropologique
et historique (Cnrpah), qui est
parvenu à contourner habilement
les orgueils nationaux comme les
particularismes locaux, et à déjouer
les procès en reconnaissance de
paternité.
Ces trois faits ou éléments sont appa-
remment sans rapport : le premier
concerne la sphère familiale, l’autre
une anecdote de la vie politique
française, l’autre enfin la culture
universelle. Le seul point commun
est leur portée symbolique.
Genèse du couscous
Le couscous a une longue histoire :
on s’accorde généralement à recon-
naître qu’il est apparu dans les com-
munautés rurales du Maghreb au
Moyen Âge avant de s’étendre dans
la péninsule ibérique au xiiie siècle,
en Italie à partir du xve siècle et de ga-
gner les faveurs des élites urbaines.
Certains, s’appuyant sur des décou-
vertes archéologiques, estiment
même que ses origines remonteraient
à l’époque romaine où l’on cuisait
déjà de la semoule de blé à la vapeur.
Au xvie siècle, Rabelais mentionne à
plusieurs reprises le « coscosson » ou
le « coscoton à la moresque ». Lors
de l’Exposition universelle de 1889
à Paris, on vend du couscous sur l’es-
planade des Invalides.
Effet inattendu de la colonisation et
des mouvements démographiques
qui en ont résulté, le couscous est
devenu au xxe siècle un des plats
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
© Adobe Stock
« Ce plat s’est imposé
dans le paysage culinaire
non sous le prisme
d’un exotisme oriental
mais comme plat
d’identité partagée »
les plus populaires de l’Hexagone :
l’arrivée massive des rapatriés
d’Algér ie et les générations
successives d’immigrés en
provenance du Maghreb ont permis
à ce plat de s’imposer dans le paysage
culinaire non sous le prisme d’un
exotisme oriental mais comme plat
d’identité partagée. Il honore aussi
bien les repas de fête traditionnels
que les menus des cantines scolaires

quand il ne vient pas s’infiltrer dans
les gondoles des supermarchés sous
la forme de boîtes de conserve ! Les
amateurs peuvent se réjouir de cette
réussite, même si, comme souvent,
le succès se paie au prix de quelques
extravagances qui suscitent la
légitime colère des puristes et des
gastronomes.
Savourer les différences
Le couscous ne se résume pas à une
recette unique. Chaque pays a la
sienne, chaque région, chaque ville,
chaque famille prétend détenir la
bonne, qu’elle défend avec une
fougue égale à celle des supporters
d’une équipe de football ! On remar-
quera d’ailleurs que les quatre pays
qui ont réussi l’exploit diplomatique
de présenter un dossier commun
à l’Unesco n’ont pas pris le risque
de donner la moindre recette, ni la
moindre indication culinaire sen-
sible pour ce plat qui change de nom
et de composition selon la géogra-
phie. La sagesse l’a emporté : point
de guerre picrocholine ! Le couscous
ne divise pas, il rassemble pacifique-
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
ment autour d’une même culture
riche de multiples apports. Le cous-
cous est semblable à une langue
dont chacun use librement en pui-
sant dans ses ressources propres,
choisissant les mots, les tournures à
son goût.
Mais la liberté n’autorise pas à bous-
culer les règles de base, à commen-
cer par l’invariant semoule de blé dur
(cuite à la vapeur), l’omniprésence
des épices et piments (dont les incon-
tournables ras el-hanout et harissa),
l’accompagnement de légumes (pois
chiches, fèves, carottes, courgettes,
artichauts, etc.) et de viandes (mou-
ton, poulet ou poisson selon la ver-
sion tunisienne, boulettes, merguez,
voire tripes). Un mélange de raisins
secs, oignons, huile d’olive, beurre et
cannelle ajoute parfois une agréable
saveur sucrée. Et les boissons varient
selon les humeurs et les goûts : il y a
ceux qui se contentent sobrement de
lben (petit lait), de raïb (lait caillé) ou
encore… d’une grande carafe d’eau
fraîche, tandis que ceux qui ne jurent
que par un vin rouge corsé bataillent
avec les inconditionnels du rosé.
Tandis que certains restaurateurs
poussent l’audace jusqu’à propo-
ser des couscous végétariens (en
attendant de redoutables couscous
végans ?), d’autres tentent d’attirer
les clients plus fortunés avec des for-
mules dites « royales », en accumu-
lant tous les ingrédients.
La rhétorique alimentaire
Plat national devenu international,
le couscous est généreux, tolérant,
il se prête volontiers à toutes les
déclinaisons et réinterprétations,
mais il se doit de ne jamais tomber
dans l’outrance, ni la vulgarité. En
ce sens, le couscous, qui se struc-
ture autour des denrées locales,
est une métaphore de la diversité :
produit de la culture populaire,
souvent revisité, le couscous ne
cesse de voyager dans le temps
comme dans l’espace, en s’adap-
tant à tous les milieux : villes, cam-
pagnes ou désert. Du plus riche
au plus humble, chacun peut se
l’approprier. Il est la nourriture par
excellence (ta`aam). Une leçon po-
litique à méditer ?
Le couscous, un plat à l’identité partagée
« Produit de la culture
populaire, souvent revisité,
le couscous ne cesse
de voyager dans le temps
comme dans l’espace,
en s’adaptant à tous
les milieux »
Ce plat qui était presque inconnu
il y a 60 ans en France « métropoli-
taine » est sans doute le seul à avoir
réussi aujourd’hui ce que l’histoire
n’a pas su faire : nous enrichir pai-
siblement de nos mutuelles diffé-
rences, réunir autour d’une même
table des d’hommes et des femmes
de divers horizons qui aiment ce
qui marque leur altérité et confirme
leurs ressemblances. Le couscous est
aussi un art ancestral souvent lié à
des rites agraires et à des croyances
religieuses. De génération en gé-
nération, les femmes berbères et
arabes ont appris la technique pour
rouler le couscous, assurant ce subtil
équilibre entre la graine et l’eau, qui
donnera au plat son indéfinissable
finesse.
Mais si le couscous se prépare dans
la solitude (relative) de la cuisine,
avec des ustensiles et des plats spéci-
fiques, il obéit aussi à des protocoles
d’usage là encore variables selon les
régions. La rhétorique alimentaire
s’accompagne de manières de table
et de rituels conviviaux, comme
celui qui consiste au Maroc à rou-
ler une boulette de la main droite,
avec l’index et le majeur, puis à la
porter à la bouche avec le pouce
(une épreuve redoutable pour les
non-initiés !) alors qu’en Algérie ou
en France, on trouve l’usage de la
cuillère ou de la fourchette bien plus
pratique.
Partage de nourriture, offrandes
courtoises, échanges verbaux, le
couscous pousse à l’extrême les li-
mites de la convivialité, de la com-
munion des sens et de l’hospitalité.
Chaque bouchée se veut une pro-
messe de bonheur et d’harmonie,
car le couscous est un art de vivre,
un art de vivre ensemble. n
45
MÉTIER | TRIBUNE DIDACTIQUE
INDISPENSABLE
FORMATION DES
Afin d’accentuer la complémentarité
entre le réseau associatif local
et les centres universitaires,
des formations de bénévoles
se sont mises en place depuis
2019, financées principalement
grâce à l’appel à projet AIMES bis
de l’Agence universitaire
de la Francophonie (AUF).
Au Centre de langue française
pour étrangers (CeLFE) d’Angers,
deux bénévoles ont ainsi témoigné
de l’apport de ces formations :
« Cette formation m’a permis
de renforcer mes capacités dans
l’apprentissage du français aux
migrants. Je suis désormais mieux
outillé pour accomplir cette tâche
avec beaucoup d’efficacité » ;
« Cette formation permet de
s’évaluer sur l’enseignement
du FLE et l’alphabétisation voire
de réfléchir et de se positionner
par rapport aux apprenants
en découvrant des outils
supplémentaires. Les échanges avec
d’autres bénévoles d’associations
furent riches. »
Retour sur plusieurs expériences
dans nos centres universitaires.
JULIE FOUCHET, RESPONSABLE PÉDAGOGIQUE
DU CELFE, UNIVERSITÉ D’ANGERS
46
Formateurs et bénévoles du CeLFE -
Université d’Angers
FORMATION DES BÉNÉVOLES
ET INTERVENTIONS SOCIOLINGUISTIQUES
PAR SANDRA TOMC, VALERIA VILLA-PEREZ (UNIVERSITÉ JEAN-MONNET SAINT-ÉTIENNE)
ET CHRISTELLE SERAFINI (CILEC)
Notre formation, née de la col-
laboration entre le CILEC et le
département de FLE de l’Univer-
sité Jean Monnet Saint-Étienne,
s’adresse à des formateur/
trice(s) d’associations de la ré-
gion stéphanoise qui ont sou-
vent une expérience de plusieurs
années mais aucune reconnais-
sance universitaire en FLE-S. Ce
dispositif, soutenu par l’AUF, pré-
voit une préparation théorique et
méthodologique en didactique
des langues et en sociolinguis-
tique visant la professionnalisa-
tion d’enseignant(e)s de français
qui forment différents publics migrants, du public adulte pour la réflexion sur les types
point de vue, entre autres, de leurs motivations d’évaluation et leur poids dans la conception
et objectifs d’apprentissage. On rappellera de la formation ; l’alphabétisation dans le
que Saint-Étienne et ses alentours accueillent but de répondre à des besoins littéraciques
le taux le plus élevé de migrants de la région, singuliers. D’autres modules portent sur
ce qui motive également notre collabora- l’enseignement de la grammaire en situation
tion avec le réseau ASL assurant la diffusion et sa contextualisation afin de répondre
de l’offre de formation et la sélection des béné- aux questionnements sur sa didactisation,
voles du tissu associatif du territoire. sur l’enseignement de la phonétique pour
Souligner l’articulation entre les apprentissages donner des éléments de base et modalités de
formels et informels dans un pays d’accueil, son enseignement. Les volets interculturel et
se saisir de l’apport des expériences/savoirs contact des langues proposent une ouverture
langagiers de toutes et tous, prendre en sur la pluralité linguistique et culturelle. Des
compte la diversification de leurs profils, cours de nature plus pratique – Ressources
voici quelques objectifs de la formation. Dans pour publics adultes et Activités artistiques –
une démarche qui se veut participative et fournissent des outils aux formateur/trice(s)
interactive, les modules proposés (37 heures) ou le module émotions et affects qui insiste
permettent d’approfondir les connaissances sur la composante affective déterminante
sur les publics migrants, leur diversité, pour les apprentissages. Enfin, Apprendre
trajectoires et besoins multiples : le CECRL à apprendre contribue au développement
avec élaboration d’une séance dans l’optique d’une compétence réflexive sur les processus
d’une organisation séquencée de l’intervention d’apprentissage formels et informels et vise
didactique ; l’évaluation et la formation d’un in fine l’autonomie de l’apprenant(e). n
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
 Des formateurs bénévoles motivés !
UNE EXPÉRIENCE HUMAINE
ENRICHISSANTE
PAR FLORENCE BONNAND ET SYLVIE SOHIER (CIEF, UNIVERSITÉ
DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE)
Le CIEF de Reims étant engagé
dans une démarche d’accueil
des étudiants réfugiés depuis
2016, répondre à l’appel à
projet AIMES bis en 2019 était
une évidence. Il fallait cepen-
dant, en tant que formatrices,
nous adapter à ce contexte très
particulier : nous adresser à un
public de formateurs bénévoles
œuvrant dans diverses associa-
tions de la ville, certes très moti-
vés, mais ayant des expériences
et formations professionnelles
fort différentes, et généralement
peu ou pas du tout formés à
l’enseignement du FLE. Et cela
dans un temps relativement
bref : quatre jours de formation
et une journée d’observation de
classes répartis sur trois mois.
Dans ces conditions, élaborer
un dispositif et des contenus
adaptés représentait un véri-
table défi. Nous avons alors fait
les choix didactiques suivants :
-T ravailler à partir des représen-
tations, des expériences et des
acquis de chacun.
-A pporter des connaissances
de base solides mais adaptées
à un public de non spécialistes
(CECRL, notions d’objectifs, de
compétences…).
-C onstruire collectivement des
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
outils pratiques et adaptables à
chaque situation (progressions,
séquences, séances…).
-P roposer un large panel
d’activités faisant appel à la
culture, aux arts, à la créativité.
-F avoriser les situations de
pédagogie active pouvant
inspirer les bénévoles dans
leur propre enseignement.
Une formation à l’alphabétisa-
tion et à l’enseignement de la
prononciation a été ajoutée à
la deuxième formation pour
répondre aux besoins des
bénévoles. Les deux formations
réalisées depuis 2019 ont été
très enrichissantes d’un point
de vue professionnel et humain.
L’enthousiasme des bénévoles,
leur intérêt continu et la qualité
des échanges nous ont donné
l’impression d’avoir été utiles,
même si nous savons bien que
le travail le plus important est
désormais de leur côté, par l’inté-
gration des nombreux éléments
apportés et leur adaptation à
chaque contexte spécifique.
C’est pourquoi une journée de
consolidation a été programmée
ultérieurement pour échanger et
répondre à d’autres besoins mais
aussi pour le plaisir de se retrou-
ver dans la convivialité. n
LES ENJEUX DE LA FORMATION
DE FORMATEURS
PAR ÉMILIE BURKHARDT, ANNE MOREL-LAB ET FRÉDÉRIQUE RICHAUD
(CIEF LYON UNIVERSITÉ LYON 2)
Le dispositif AUF-FFFLE (forma-
tion de formateurs FLE) du CIEF
de Lyon, est soumis à des enjeux
didactiques qui rendent spéci-
fiques la démarche et la posture
des formatrices. Tout d’abord,
cette formation s’adresse à un
public de bénévoles d’associa-
tions, souvent pas ou peu formés
en FLE/FLS, dont les pratiques,
très variées, peuvent être régies
par des habitus ancrés depuis
des années, inspirés de souvenirs
d’école ou d’expériences profes-
sionnelles (anciens enseignants).
De ce fait, il s’agit pour les forma-
trices de construire sur le long
cours – 48 heures étalées sur
4 mois – un cheminement réflexif
permettant l’observation, l’ana-
lyse et l’évolution des pratiques
d’enseignement. Une approche
spiralaire et inductive a été pri-
vilégiée puisqu’il s’agit d’accom-
pagner sans les brusquer des per-
sonnes à prendre conscience de
l’enjeu didactique de leurs ateliers.
L’apport théorique reste concret et
se double d’un étayage des com-
pétences permettant de faire évo-
luer les représentations. L’objectif
étant de fournir aux stagiaires des
outils adaptés et de les guider vers
l’acquisition de gestes profession-
nels efficaces, directement transfé-
rables dans leurs ateliers.
Atelier d’écriture.
Ainsi, les formatrices ont à inter-
roger avec subtilité les pratiques,
à susciter de l’intérêt pour des
modalités d’enseignement plus
communicatives (se décentrer de
la grammaire par exemple), et à
prendre soin de créer une dyna-
mique dans le groupe favorisant li-
berté de parole et de réflexion. Ce
travail s’appuie sur des situations
concrètes, en petits groupes, avec
des temps de mise en commun
et des apports complémentaires
théoriques adaptés aux besoins.
Les échanges – sur des docu-
ments, l’évolution des réflexions,
les questions en suspens –, la pro-
position de modalités et d’activités
variées, transforment progressive-
ment les représentations, qu’elles
soient linguistiques, méthodolo-
giques ou sociolinguistiques.
Il y a donc dans l’approche des
formatrices une nécessité prag-
matique de prendre appui sur ce
qui est fait, ce qui est su, mais éga-
lement d’identifier les besoins, les
attentes, de valoriser l’évolution,
d’aborder parfois sous plusieurs
angles un même écueil pour le
déconstruire, individuellement
et collectivement. L’adaptation et
le questionnement sont de mise,
au long du cycle, et rendent ces
interventions à la fois délicates
et extrêmement enrichissantes. n
Rubrique coordonnée
par Emmanuelle
Rousseau-Gadet,
université d’Angers
https://www.campus-fle.fr/
47
MÉTIER | ressources
PAR KARINE BOUCHET
INSTITUT DE LANGUE ET DE CULTURE
FRANÇAISES, UCLY (HTTPS://WWW.ILCF.NET)
Viser l’autonomie
A1
BIENVENUE DANS LA COLOC !
Pour leur première méthode de
français pour grands adolescents
et jeunes adultes, les éditions
Samir visent juste ! Le manuel
Coloc promet une rentrée inspi-
rante (Julien Chouikh et Marion
Meurice). La trame choisie par les
deux auteurs de ce niveau 1 (qui
couvre le A1 et le début du A2) est
celle du quotidien d’un groupe de
jeunes vivant en colocation dans la
ville méridionale et attractive de
Montpellier. D’origines et de mi-
lieux sociaux différents, les quatre
protagonistes ont été pensés pour
apparaître avec leurs particulari-
tés, leurs goûts et leur registre de
langue, ce qui donne du relief aux
scénarios et documents proposés.
Le cadre de la colocation est idéal
pour couvrir les thématiques de
la vie courante, à l’intérieur et en
dehors de l’appartement : intégrer
un groupe et faire connaissance,
réaliser les routines du quotidien,
B1
RÉVISER PAR LA PRATIQUE
La collection Pratique de CLE
International propose des outils
complémentaires aux apprenants
adultes et grands adolescents
souhait ant consolider leur s
compétences linguistiques en
français. Le dernier ouvrage à
enrichir cette offre est le Pratique
Révision B1 (J. Bentifraouine et
P. Liria).
Ce niveau intermédiaire – qui s’ajoute
aux A1 et B2 déjà parus – propose de
revoir de manière progressive des
éléments de grammaire, conjugaison
et vocabulaire. L’ouvrage se découpe
en 13 chapitres thématiques, pour un
travail en contexte. Des territoires et
des êtres, Internet et les réseaux sociaux,
Un citoyen engagé, D’art et de culture…
48
parler de ses projets, gérer et parta-
ger les « hauts et les bas » de la vie,
vivre des moments festifs, décou-
vrir la ville, etc.
Pédagogiquement, la méthode
Coloc se veut résolument action-
nelle. L’apprenant est constam-
ment sollicité dans des modalités
variées pour parler, écouter, lire,
écrire, pratiquer sa prononciation,
dessiner, réaliser de petits défis,
jouer avec la langue (on trouve
des jeux de plateau revisités, jeux
de rôle, énigmes, etc.) pour abou-
tir à des tâches concrètes à réaliser
dans la classe ou en dehors (orga-
niser une expo ou une sortie, pré-
parer un plat, créer son premier
CV en français, etc.). Au cœur de
cette dynamique, la grammaire a
une place de choix. Inductive dans
les leçons où elle est introduite
par des dialogues déclencheurs,
elle est déductive dans les pages
Bilan. Les huit unités thématiques
sont autant d’entrées proposées
pour ancrer la langue dans la réalité
contemporaine. Les chapitres se
divisent en 2 champs : vocabulaire
et grammaire/conjugaison. Les
règles essentielles sont rappelées de
manière concise, suivies d’exercices
de réemploi et conclues par des
bilans de fin de chapitre. Opportuns
pour la révision et la motivation, on
apprécie les encadrés présentant
les mots et concepts nouveaux (les
jeux de société, la justice, le code de
la route…), les notes analysant des
spécificités linguistiques (les registres
de langue, les lettres muettes, les mots
de la médecine…) et les énoncés
d’exercices teintés de culturel (on
y parle de visioconférences au
BRÈVES
offrent leur lot de documents
authentiques et d’apports cultu-
rels, particulièrement au sein
des doubles pages Culture où des
contenus artistiques, populaires et
socioculturels prennent corps au-
tour d’une grande diversité de res-
sources (des courts-métrages, un
clip de Stromae, un sketch de Gad
Elmaleh, des musiques allant de la
chanson française au hip-hop, des
BD, articles et textes littéraires,
et même une chanson en langue
des signes). La méthode et le ca-
hier d’activités proposent finale-
ment des préparations au DELF
et un guide pédagogique offrant
diverses pistes d’utilisation. Les
niveaux 2, 3 et 4 de Coloc paraî-
tront à partir de 2024, pour aller
jusqu’au B2. D’ici là, faites comme
chez vous ! n
travail, d’associations écologistes,
d’infox…). Pour un usage autonome,
on trouvera un livret avec corrigés
et transcriptions, et un espace
numérique pour les audios. n
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
L’ENRICHISSEMENT,
C’EST DU (E-)SPORT !
Régulièrement de nouveaux
termes apparaissent au journal
officiel afin de remplacer les
termes anglophones utilisés
dans le langage courant. Ainsi,
le vocabulaire des jeux vidéo
a désormais son référentiel
en (bon) français validé par la
commission d’enrichissement
de la langue française. On dira
désormais que dans la caté-
gorie jeu vidéo de compétition
(e-sport) le joueur en direct
(streamer) pratique le jeu
vidéo en nuage (cloudgaming).
Pas sûr que ces nouvelles ex-
pressions trouvent leur place
dans le langage courant de la
génération Z… ou même les
autres. n
https://www.legifrance.
gouv.fr/jorf/id/JORF-
TEXT000045833672
SIMPLIFIEZ VOS PROJETS
Encore du nouveau dans Google
Docs… La solution de traitement
de texte permet désormais d’in-
sérer des tableaux préétablis
incluant des menus déroulants.
L’outil est pensé pour la gestion
de projet, et toutes les propo-
sitions restent parfaitement
personnalisables. Plus besoin de
créer des listes dans un onglet
caché, tout est simplifié. Les états
d’avancement d’un projet devien-
dront d’une simplicité enfantine,
plus aucune excuse ! n
MULTIMÉDIA
INTERNET
UN REMÈDE À LA MÉLANCOLIE ?
En un battement de cil et dans
les pays où il n’est pas bridé,
Internet nous donne accès aux
savoirs dans tous les domaines
possibles et à des sites d’actualités
du monde entier. Parmi ce
foisonnement d’informations
primordiales, graves, importantes,
celles qui nous intéressent cette
fois sont celles qui, pendant
quelques instants, nous offrent
une parenthèse humoristique,
absurde ou satirique dans un
quotidien parfois pesant, et un
éclairage culturel très français.
Remix journalistique
Parmi les sites qui cultivent l’absurdité, le Gorafi
est l’un des plus anciens, et se situe dans la pure
tradition des journaux satiriques français. À la fois
pastiche et parodique, ce faux quotidien imite le
ton de ses grands frères plus sérieux avec des titres
comme : Déprimé et jamais content, un homme de
37 ans se voit diagnostiqué « Français » ou bien
Chasse, le ministre propose d’autoriser les animaux
à porter des armes à feux. Une autre façon d’abor-
der l’actualité et les infox en classe ou de cultiver son
regard critique sur les médias.
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
Mots doux…
Ce sont de superbes documents authentiques
provenant des halls d’immeubles et autres cages
d’escalier qui sont partagés sur le site Chers Voi-
sins. Bruits de toutes sortes, poubelles baladeuses,
objets perdus et places de stationnement volés,
tout est bon pour rédiger un petit texte vengeur,
humoristique, sarcastique ou menaçant à destina-
tion de ses voisins. De belles tranches de vie fran-
çaises dans un langage souvent fleuri, à lire sans
modération… et une belle source d’idées pour des
animations en classe.
Humour capillaire
Il y a des sites Internet qui n’ont d’objectif que de
nous faire sourire… c’est le cas de Tif’hair qui a
souci de répertorier avec un maximum d’exhaus-
tivité le nom des salons de coiffure en France. Mais
attention, pas n’importe lesquels, seulement ceux
dont le nom intègre, dans la grande tradition des
salons farceurs, un jeu de mots avec hair, tif, coif’
ou autres termes plus ou moins évocateurs. Visitez
donc virtuellement les salons Hair’is’son,, le Best c
l’hair, Apauline’hair, Gramme hair ou même Jenny
peigne ni ciseaux. Des noms inspirants pour imagi-
ner quel nom porterait notre propre salon ! n
Sitographie : www.legorafi.fr
https://chersvoisins.net/
https://tif.hair/
Flore Benard et Nina Gourevitch
Alliance française Paris Île-de-France
A1-A2
LE FRANÇAIS PROFESSIONNEL
RENOUVELÉ
Collection de référence pour l’apprentissage
du français professionnel, Objectif Express
sort une 3e édition entièrement renouvelée
(A.-L. Dubois & S. Kaddani, Hachette). Le
premier niveau s’adresse aux apprenants
débutants ou faux débutants en situation
professionnelle ou se préparant à la vie
active en contexte francophone. Articulant
des contenus propres au monde du travail
et à la vie quotidienne (planifier des
actions, donner des conseils, présenter un
produit, décrire un
comportement…),
l’ouvrage couvre les
besoins immédiats
et peut s’employer
aussi bien en
formation FOS que
dans le cadre d’un
cours intensif. Outre
l’intégration de
documents inédits
prenant en compte
les évolutions
sociétales et professionnelles, le focus
de cette édition est mis sur l’action –
les 30 séquences sont construites autour
d’une approche par tâches – et sur la
compétence orale. Des doubles pages
Phonétique et Conversation permettent
ainsi de s’exercer et s’exprimer sur des
habitudes et comportements socioculturels
au travail (Combien de temps dure la
pause déjeuner ? Est-ce que vous fêtez
les anniversaires dans votre entreprise ?
Avez-vous fait des petits boulots pendant
vos études ?) Les outils linguistiques
(vocabulaire/manières de dire, grammaire,
conjugaison) fournissent quant à eux les
mots et structures pour agir en situation :
le passé récent pour évoquer une mission,
l’expression impersonnelle « il faut »
pour régler des problèmes, les pronoms
personnels compléments pour laisser un
message téléphonique, etc. L’ouvrage
propose enfin une épreuve de préparation
au diplôme de français professionnel
conçue par la CCI Paris Île-de-France.
Côté numérique, on aura sur le Parcours
Digital les activités d’entraînement
autocorrectives du livre et du cahier
d’activités, sur TV5Monde l’exploitation
des vidéos, et sur l’application MEDIA+
l’accès aux audios et vidéos. Une méthode
favorisant l’autonomie, adaptée à la classe
comme au distanciel. n
49
MÉTIER | RESSOURCES/DIDACTIQUE
Actes de congrès et de colloques, numéros spéciaux de revues,
retrouvez dans cette nouvelle rubrique ce qui fait l’actualité de la
recherche en langue française et en didactique des langues.
PAR STÉPHANE GRIVELET, maître de conférences à l’Université des Antilles
OUVRAGE COLLECTIF
L’INTERCULTUREL DANS
L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
CONCEPTIONS, DÉMARCHES ET DISPOSITIFS
Coordonné par Aude Bretegnier, Vera Delorme et
Laura Nicolas, cet ouvrage collectif est consacré à
la question de l’interculturel dans l’enseignement
supérieur. Cet ouvrage, relevant largement de la
didactique des langues, rassemble des réflexions
sur la perspective interculturelle et présente des
dispositifs de formation mis en place en France,
au Japon ou encore en Colombie et destinés à
des étudiants en mobilité, ou visant la formation
de futurs enseignants.
L’ouvrage est organisé en trois parties : une première
partie, plus théorique, présente les notions
fondamentales. Les quatre articles de cette première
partie apportent souvent un regard critique sur les
démarches interculturelles comme le font par exemple
Marc Debono et Véronique Castellotti dans leur
article « La mort de l’altérité ou le déclin de l’illusion
interculturelle. Une utopie devenue obstacle ».
Il faut noter aussi l’article de V. Delorme et L. Nicolas,
qui, partant de l’analyse de plusieurs dispositifs
de formation à l’interculturel dans des universités
françaises, propose une modélisation.
La deuxième partie de l’ouvrage présente
des dispositifs et démarches à l’intention d’étudiants
en mobilité. Les cinq articles de cette partie
concernent plusieurs pays : Marie-Françoise Pungier
parle de la question de la formation à l’interculturalité
pour des mobilités courtes entre le Japon et la France
et présente plusieurs outils mis en œuvre dans cette
formation. Jean-François Grassin, dans son article,
se fonde sur l’analyse des données d’opportunités
d’apprentissage et de socialisation, recueillies auprès
50
de 16 étudiants internationaux à Lyon, pour examiner
les dynamiques interculturelles de confrontation à
l’altérité. Catherine Muller s’intéresse dans son article
à un dispositif de formation à destination d’étudiants
étrangers venus apprendre le français à Grenoble.
Ce dispositif de formation, à la fois interculturel et
FLE, se fonde sur l’utilisation de supports visuels.
La dernière partie de l’ouvrage est la plus longue,
avec huit articles portant sur démarches et dispositifs
en formation de formateurs. Fabio Alberto Arismendi
Gomez présente ainsi une formation à l’éducation
interculturelle mise en place à l’Université d’Antioquia,
en Colombie, à destination des futurs enseignants
d’anglais et de français. Un autre dispositif de
formation, concernant cette fois la région frontalière
entre la France et l’Allemagne, est présenté par Julia
Putsche et Chloé Faucompré. Cette recherche-action
a été menée pendant 4 ans et visait à faire prendre
conscience aux futurs enseignants de langue de
cette région de leur rôle de médiateur interculturel
quand ils enseigneront la langue de leurs voisins.
Cette nouvelle publication, qui pose à la fois des bases
théoriques et présente des dispositifs de formation,
pourra certainement intéresser les nombreux
enseignants de langue pour lesquels la question
de l’interculturel est un aspect très important
de leur pratique professionnelle. n
A. Bretegnier, V. Delorme, L. Nicolas (dir.) (2022), « L’interculturel » dans
l’enseignement supérieur. Conceptions, démarches et dispositifs, Éditions
des archives contemporaines, Coll. « Plid », France, 298 p.
https://doi.org/10.17184/eac.9782813004031
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
 REVUES
LES LANGUES DE SPÉCIALITÉS COMME OBJET
D’ENSEIGNEMENT :
RESSOURCES, MÉTHODES ET TRANSPOSITION DIDACTIQUE
Le nouveau numéro de la revue Lidil (revue de
linguistique et de didactique des langues) s’intéresse à
la question des langues de spécialités. La particularité
de ce numéro est de rassembler des approches très
différentes car les articles ne portent pas uniquement
sur le français langue étrangère, mais aussi sur
l’enseignement aux étrangers de l’anglais, de l’espagnol
et du chinois. Les langues de spécialités évoquées
dans ce numéro sont aussi très diverses puisqu’il est
question d’œnologie, de commerce international,
d’ingénierie maritime, d’anglais académique ou encore
d’Internet. Selon les deux coordinatrices, ce numéro
pose « la question des langues de spécialité du point de
vue de la constitution des ressources, de la modélisation
des données pour l’analyse en vue de la didactisation,
et de la transposition didactique ». Le dernier point
(la transposition didactique) est particulièrement
NOTIONS EN QUESTION : L’AUTONOMISATION
Les deux nouveaux numéros de la revue Recherches
en didactique des langues et des cultures
se penchent sur les notions d’autonomie et
d’autonomisation, et sur les travaux que le CRAPEL
(Centre de recherches et d’applications pédagogiques
en langue) a consacrés pendant 50 ans à ces sujets.
Le premier volume, coordonné par Dominique Macaire,
traite de la question de l’autonomisation sous plusieurs
angles : autonomisation dans la perspective du
plurilinguisme ; enjeux didactiques, politiques, historiques
et internationaux dans la notion d’autonomisation ;
théories de l’apprentissage et autonomisation ; acteur et
dispositifs de l’apprentissage des langues en autonomie.
Dans le second volume, à noter un texte d’Henri
JOURNÉE D’ÉTUDE
NUMÉRIQUE ET APPRENTISSAGE DES LANGUES :
APPROCHES PLURIDISCIPLINAIRES
La revue Alsic (Apprentissage des langues et systèmes
d’information et de communication) présente depuis
près de 25 ans des travaux sur la question du numérique
et son apport à l’apprentissage des langues. Leur dernier
numéro publié (volume 24-2, 2021) rassemble les
interventions faites lors d’une journée d’étude qui a eu
lieu le 25 mars 2021. Les interventions sont présentées
de manière hybride : il est possible d’accéder aux vidéos
de cette journée depuis le site de la revue. Par ailleurs
certaines interventions ont aussi été transformées
en articles scientifiques. Parmi les différentes
contributions, il faut noter en particulier l’analyse faite
© Shutterstock
par Franck Amadieu sur les cinq types de guidage
des processus d’apprentissage avec des ressources
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
important dans l’ensemble des articles rassemblés
dans ce volume car la transposition d’un objet de
savoir en objet à enseigner est fondamentale pour
l’enseignement des langues de spécialités. Il faut noter
deux articles qui s’intéressent plus particulièrement à
l’identification des termes fondamentaux et mots-clés
de deux domaines. Silvia Molina-Plaza et Samira Allani
utilisent ainsi un logiciel pour identifier les mots-clés
les plus fréquents dans le domaine de l’ingénierie
maritime, permettant de créer ensuite des ressources
pédagogiques. Paolo Frassi et Maria Francesca
Bonadonna s’intéressent pour leur part à la détection
des termes fondamentaux du commerce pour produire
des fiches pédagogiques. n
Catherine Carras et Sara Álvarez Martinez, « Les langues de spécialité comme
objet d’enseignement : ressources, méthodes et transposition didactique »,
Lidil, 65, 2022.
http://journals.openedition.org/lidil/10240
Holec qui retrace l’histoire des notions d’autonomie et
d’autonomisation et leur mise en pratique par l’équipe du
CRAPEL depuis les années 1970, ainsi qu’une quinzaine
de textes courts sur le(s) sujet(s). Un artcile, de Maud
Ciekanski, s’intéresse lui au tournant du numérique.
Enfin, une bibliographie rassemblant près de 400
références sur l’autonomie et l’autonomisation sera
particulièrement utile aux chercheurs et doctorants. n
Dominique Macaire, « L’autonomisation », Recherches en didactique des lan-
gues et des cultures, 19-1, 2022. http://journals.openedition.org/rdlc/10393
Maud Ciekanski et Dominique Macaire, « L’autonomie et l’autonomisation :
Autour des travaux du CRAPEL », Recherches en didactique des langues et des
cultures, 19-2, 2022.
http://journals.openedition.org/rdlc/10703
numériques. Laura Abou Haidar s’interroge sur la
question de l’enseignement-apprentissage de l’oral à
l’ère du numérique, montrant comment le numérique
impacte les formes traditionnelles d’enseignement-
apprentissage de l’oral. Elle évoque aussi le
développement des corpus oraux à visée didactique
accessibles en ligne. La question du jeu numérique pour
l’apprentissage des langues est traitée par Laurence
Schmoll, qui présente une grille d’analyse pour mettre
en évidence les composantes ludiques, interactives
et didactiques des « jeux d’apprentissage ». Ce sont
au total 10 interventions filmées et 8 articles qui sont
présentés dans ce numéro hybride de la revue Alsic. n
https://journals.openedition.org/alsic/
51
INTERLUDE |

EN SCÈNE ! © Adobe Stock

QUAND LES SOUVENIRS
S’EMMÊLENT !

Si vous souhaitez publier
une vidéo de votre mise en
scène sur
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envoyez un courriel à
adrien-payet@hotmail.com
La scène commence dans l’obscurité. Marcus
et Mathilda sont et resteront en avant-scène,
côté cour.
MARCUS : Tu vois quelque chose ?
MATHILDA : Non rien. Allume.
Marcus allume une lampe de poche.
MARCUS : Quel bazar ! Ça sent le renfermé
ici !
MATHILDA : Oui, on dirait que ce grenier
n’a pas été ouvert depuis des années.
AVANT DE COMMENCER
Particularité lexicale : les contraires.
MARCUS : Voyons ce que l’on peut trouver.
Ils ouvrent une malle, entourée de toiles
d’araignée.
MATHILDA : Oh ! regarde ce sont les
déguisements de notre enfance !
MARCUS : Tu as raison ! Celui-ci était mon
meilleur costume ! Tu te souviens de la
voisine ? Elle pleurait tellement elle avait
peur ! Pourtant, je n’étais pas bien grand…
Souvenir, côté jardin. Un enfant déguisé
avec un costume réussi de monstre sonne
à une porte.
MARCUS (ENFANT) : Des bonbons ou
un sort !
LA VOISINE (hurle exagérément puis s’en
va en courant) : Oh mon dieu ! Un horrible

52 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


monstre ! Je n’ai jamais vu quelque chose
d’aussi terrifiant ! Au secours !!!
MATHILDA : Ah non, ça ne s’est pas du tout
passé comme ça ! Au contraire, c’était le pire
costume de l’année ! Tous les voisins rigolaient
en te voyant ! Tu ne te souviens pas ?
Souvenir, côté jardin. Même lieu, même
personnages, mais le costume est ridicule.
MARCUS (ENFANT) : Des bonbons ou un sort !
LA VOISINE (prise d’un fou rire en ouvrant la
porte) : Ah ah ah ! Voilà un petit monstre bien
mignon ! Hi hi hi, qui t’a fabriqué un si drôle
costume Marcus !!!
MARCUS (ENFANT) : C’est ma sœur Mathilda.
MARCUS : Oui, maintenant je me souviens.
Elle était très étonnée de ma réponse.
MATHILDA (en lui tendant un dessin) : Tiens
voici une de tes œuvres d’art ! Tu avais 5 ans !
MARCUS : À ton avis ça représente quoi ?
MATHILDA : On dirait un gentil géant qui
mange silencieusement une petite fleur.
MARCUS : N’importe quoi, c’est un nain
très méchant qui tape sur l’herbe en hurlant.
Je ne savais pas que mamie avait gardé tout
ça. Tu vois ces photos ? C’est quand nous
sommes partis en voyage papa et moi.
MATHILDA : Ah oui, votre grande aventure !
Je me souviens, nous étions restées à la
maison avec maman. J’étais très jalouse.
Souvenir, côté jardin. Père et fils sont habillés
comme des aventuriers et miment qu’ils coupent
les branches pour avancer dans la jungle.
LE PÈRE : Fils, tu vois ce château au loin sur
la montagne ? D’après ma carte, c’est ici que
se trouve le trésor.
MARCUS (ENFANT) : À nous la fortune !
À nous les…
LE PÈRE : Chut ! Une panthère approche…
MARCUS (ENFANT) : T’inquiète papa, je gère !
Marcus sort (bruitage de lutte).
MARCUS (ENFANT) (revient avec une peluche
de panthère) : Psitt, Bagheera, viens au pied !
MATHILDA : Bagheera, carrément !
Tu m’étonnes que j’étais jalouse !
MARCUS : Pour être honnête, ça ne s’est pas
réellement passé comme ça…
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
MATHILDA : Je m’en doutais un peu ! Allez,
raconte !
Souvenir, côté jardin. Père et fils, habillés
en touristes (en short avec un bob sur la tête).
MARCUS (ENFANT) : Papa quand est-ce qu’on
arrive ? Elle est encore loin cette cabane dans
les arbres ?
LE PÈRE : Arrête de me poser cette question
toutes les deux minutes, fils. On est perdu
au milieu de la forêt de Rambouillet et
je ne comprends rien à ce fichu plan !
MARCUS (ENFANT) : J’ai faim ! Quand est-ce
qu’on mange ?
LE PÈRE : Chut ! Laisse-moi réfléchir !
Il devrait y avoir une petite colline près d’ici,
mais je ne vois rien !
MARCUS (ENFANT) : Si seulement Mathilda
était là…
LE PÈRE : Quand est-ce que tu arrêteras
avec…
LE CHAT : Miaou !
MARCUS (ENFANT) : Tu entends ? C’est
minou ! Le chat de la voisine, elle l’a perdu
il y a deux jours !
LE PÈRE : Minou, minou, viens par ici !
MARCUS (ENFANT) : Minou, aide-nous
à retrouver le chemin de la maison.
LE PÈRE : Et voilà, il est parti ! Tu lui as
fait peur !
MATHILDA : Et ensuite, vous avez fait quoi ?
MARCUS : Ben on est restés coincés là. Papa
a essayé de dormir sur une branche, mais
il est tombé au milieu de la nuit !
MATHILDA : C’est pour ça qu’ensuite il boitait ?
Tu m’avais raconté qu’il s’était battu contre
un alligator !
MARCUS : Ah ah ah, le pire dans l’histoire
c’est que tu y as cru !
MATHILDA : Tu sais bien que je suis là pour ça.
MARCUS : Je me demande bien de quoi on se
souviendra de ce moment-là ?
MATHILDA : Tu veux dire de maintenant ?
(Noir rapide. Quand la lumière revient, Marcus
est seul) Mathilda, tu es là ? Mathilda…
LA GRAND-MÈRE (hors champ) : Marcus
descend ! Et arrête de parler avec ta sœur
imaginaire. Tu sais très bien qu’elle n’existe
pas ! n
PAR ADRIEN PAYET
EXPLOITATION
PÉDAGOGIQUE
1. Faire comprendre le texte
Proposer une première lecture
individuelle du texte. Travailler sur
les mots incompris, puis faire lire
le texte à voix haute. Demander
aux apprenants de bien mettre
le ton dès les premières lignes.
2. Travailler les aspects langagiers
Les contraires
Demander aux apprenants
de repérer les antonymes et
de les classer en deux colonnes.
Ils peuvent être plus ou moins
éloignés dans le texte.
3. Faire réagir
Poser des questions aux
apprenants pour les faire réagir :
- Pensez-vous que vous
transformez ou exagérez vos
souvenirs ? Si oui, donnez un
exemple en racontant l’un d’eux.
- Que pensez-vous de la fin du
texte ? Avez-vous déjà eu un ami
ou un membre de votre famille
imaginaire ? Que lui racontiez-vous ?
4. Mettre en scène
Le jeu d’acteur : Demander aux
apprenants de parler fort pour
se faire entendre et de s’impliquer
dans leur interprétation. Bien
respecter les didascalies,
notamment pour la gestion
de l’espace.
Costumes et décors : Chercher
les différents décors décrits dans
le texte.
Mise en scène : Penser à créer deux
univers très différents : l’un côté
cour, représentant le présent, avec
les lampes torches. L’autre côté
jardin, représentant les souvenirs. n
53
DOSSIER |

DISPOSITIFS
D’ACCOMPAGNEMENT
POUR L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE
DES LANGUES

54 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


C
ybertâche ou tâche Web 2.0, scé-
nario de communication, disposi-
tifs hybrides, télécollaboration en
ligne mais aussi immersion, trans-
languaging, dispositif EMILE/CLIL
ou encore expérience d’immersion… Autant
de dispositifs d’apprentissage dont ce dossier
entend questionner la valeur ajoutée pour l’en-
seignement-apprentissage des langues.
En premier lieu, il interroge d’abord les dispo-
sitifs numériques. Avec pour commencer cette
mise en garde de François Mangenot dans
l’entretien d’ouverture, pour qui Il convient
tout d’abord de rappeler que les dispositifs nu-
mériques ne pourront apporter une plus-value
pour les langues étrangères que s’ils induisent
de nouvelles pratiques didactiques et de nou-
veaux rapports aux contenus accessibles à
distance. Et c’est cette valeur ajoutée du numé-
rique dans les différents contextes et dispositifs
que Sophie Othman analyse. Avec une tendance
à privilégier les dispositifs hybrides à la fois ré-
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
alistes et pas trop compliqués à mettre en place
qui mêlent synchrone et asynchrone, travail en
classe et travail à distance, avec différents scé-
narios pédagogiques.
Ce pourquoi se pose la question du rôle respectif
de l’apprenant et de l’enseignant, tant les en-
vironnements numériques qui, comme le fait
remarquer François Mangenot, « présupposent
l’autonomie dans l’apprentissage », sont
en passe de modifier en profondeur
le rapport enseignant-apprenant.
Mais ce dossier questionne aussi la valeur ajou-
tée d’autres dispositifs comme celui de l’immer-
sion. Ici, nous prenons la direction de la côte
est de l’Australie, du côté de Brisbane, où Gilles
Berger a créé une école dans les confins du
bush, et insiste sur la flexibilité, l’adaptation aux
élèves avec un seul credo : « parler constamment
français, envers et contre tout ». Un lieu unique
avec une approche hybride, où jeu de pétanque,
films (en) français et nouvelles technologies se
côtoient.
RETROUVEZ LA FICHE PÉDAGOGIQUE
RFI EN PAGES 75-76 ET LE REPORTAGE
AUDIO SUR WWW.FDLM.ORG
Et puis ,venus d’Espagne, du Japon, d’Italie et
des États-Unis, quelques retours d’expériences
et une interrogation sur le gain pédagogique
d’autres dispositifs : Translanguaging, tandems
linguistiques, classes EMILE/CLIL (Enseigne-
ment d’une matière intégrée à une langue
étrangère) ou auto-apprentissage en ligne pour
débutant.
Enfin, de la même façon que ce dossier interroge
le rôle respectif de l’apprenant et de l’enseignant
qui est en passe de se transformer en profon-
deur – tant les environnements numériques,
comme le fait remarquer François Mangenot,
« présupposent l’autonomie dans l’apprentis-
sage » –, il montre que tous ces dispositifs ne sont
pas sans entraîner des conséquences sur la for-
mation des enseignants pour lesquels ils repré-
sentent parfois un véritable défi. L’objectif ici est
de tenter d’accroître leur littéracie numérique en
leur faisant vivre des situations de distance, de
travail de groupe, de recherche documentaire
sur Internet. En somme, apprendre en faisant. n
55
DOSSIER | ENTRETIEN
« LES ENVIRONNEMENTS
NUMÉRIQUES NE DÉVELOPPENT PAS
AUTOMATIQUEMENT L’AUTONOMIE
MAIS LA PRÉSUPPOSENT »
Cybertâche, scénario
de communication,
dispositifs hybrides,
télécollaboration
en ligne, autant
de dispositifs
d’apprentissage à
questionner quant à
leur valeur ajoutée
pour l’enseignement-
apprentissage des
langues. Entretien avec
François Mangenot.
François Mangenot est professeur
en sciences du langage et didactique
à l’Université Grenoble Alpes,
Laboratoire Lidilem. Depuis plus
de 25 ans, ses travaux portent sur
l’apprentissage des langues assisté
par ordinateur et la communication
médiatisée par ordinateur. Il a assuré
des formations à l’intégration du
numérique dans l’enseignement du
FLE dans plus d’une vingtaine de pays.
56
Qu’est-ce qui caractérise
le mouvement de rupture
que nous sommes en train
de vivre ?
De plus en plus d’actions quoti-
diennes, professionnelles, adminis-
tratives, conviviales, passent par le
numérique, ce qui fait de celui-ci un
contexte immersif potentiellement
exploitable par les apprenants et
enseignants de FLE. Cela dit, il faut
être conscient du manque de struc-
turation et de stabilité de cet espace,
qui voit constamment apparaître (et
disparaître) de nouvelles applica-
tions, ce qui commence à générer,
notamment dans le domaine du
télétravail ou dans celui des forma-
lités administratives, un certain ras-
le-bol : je vous invite à lire le billet
du blog de Serge Tisseron, « Haro
sur Zoom, et l’homme s’aperçut qu’il
est fatigant de communiquer », du
27 novembre 2020.
On parlait jusqu’ici de l’analphabé-
tisme, on se préoccupe maintenant
de « l’illectronisme » : la difficulté,
voire l’incapacité, que rencontre
une personne à utiliser les appareils
numériques et les outils informa-
tiques (définition de Wikipédia).
Je pense personnellement qu’on
est allé trop loin, trop vite et qu’il y
aura, à un moment ou à un autre,
un retour de bâton. On observe déjà
des utilisations du numérique dont
le coût dépend de la « quantité »
d’accompagnement humain pro-
diguée par le prestataire : je pense
notamment à la différence entre un
abonnement Sosh ou Orange, l’un
accompagné par des robots, l’autre
par des humains. Au lieu de donner
plus à ceux qui ont moins, on donne
moins à ceux qui ont moins.
Dans le domaine
de l’enseignement-
apprentissage des langues,
quelle est la valeur
ajoutée que le numérique
peut apporter dans les
différents contextes et
dispositifs ?
La spécificité de l’apprentissage
des langues tient pour une grande
part aux dimensions culturelles et
socio-affectives, toutes deux incon-
tournables. Le numérique offre un
accès à une quantité fabuleuse de
documents, mais peut-on parler de
documents authentiques ? L’authen-
ticité n’est-elle pas dans la réception
et l’interaction, dans l’utilisation en
contexte signifiant des ressources en
ligne ? Nos recherches, à l’Université
Grenoble Alpes, abordent ces ques-
tions, en s’appuyant sur les notions
de « cybertâche » ou tâche web 2.0,
de scénario de communication (pré-
vision des interactions suscitées par
les tâches), de dispositifs hybrides.
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
Une cybertâche mise en œuvre par
une de mes doctorantes a suscité
un fort engagement. La consigne
était de publier un billet sur le site
Doctissimo, à propos d’une ques-
tion de santé réelle. Voici ce qu’a
écrit (sous conduite pédagogique)
une apprenante « post-alpha » d’un
Cours municipal d’adultes de la
Mairie de Paris* :
Doctissimo – FORUM : « Grossesse &
bébé », « âge pour avoir un enfant »
XXXX [anonymisé]
Objet : j’aime la vie
Bonjour à tous j’ai 25 ans, je n’ai pas
encore un enfant. Presque toutes mes
copines ont déjà eu un enfant, ils me
disent tous que je suis en retard pour
mon âge. Donc je voulais savoir à
quel âge pensez-vous qu’une femme
peut avoir un enfant ? Et surtout c’est
bien ou c’est mauvais d’avoir un en-
fant plus tôt ou plus tard ?
Cette apprenante a reçu neuf ré-
ponses le jour même de la publica-
« L’authenticité n’est-elle
pas dans la réception
et l’interaction, dans
l’utilisation en contexte
signifiant des ressources
en ligne ? » 

tion. Dix jours après, son message
avait déjà été lu (du moins ouvert)
81 fois. Toutes les personnes qui
ont répondu à cette apprenante lui
ont expliqué qu’il n’y avait pas d’âge
pour avoir un bébé.
Un autre domaine qui a vu des pro-
jets très réussis, est celui de la télé-
collaboration en langues, à savoir
la communication à distance entre
apprenants de nationalités diffé-
rentes assortie de tâches à réaliser en
commun, le tout avec un accompa-
gnement pédagogique. Les centres
d’auto-apprentissage des langues
ont aussi connu une certaine réussite,
du moins ceux qui avaient prévu suf-
fisamment de ressources humaines,
comme cela a été le cas, entre autres,
à l’université de Strasbourg.
Quelles sont
les conditions de réussite
de la mise en place et
du bon déroulement
de ces nouveaux parcours
d’apprentissage ?
La principale condition est liée à
l’accompagnement, à l’apprendre à
apprendre. On parle de tuteurs pour
la distance et de conseillers pour les
centres d’auto-apprentissage. Peu de
gens sont capables de se passer d’un
soutien pédagogique et d’auto-diri-
ger leur apprentissage : je me réfère
ici aux travaux de Holec, Barbot, Al-
bero, Littll. Le Covid-19 a provoqué
une explosion du téléenseignement
par le biais de la visioconférence.
Mais les retours du terrain semblent
montrer que ce recours a eu lieu de
la manière la plus traditionnelle qui
soit, le professeur qui présente des
contenus, les élèves qui posent des
questions après avoir levé la main,
une fonctionnalité présente dans la
plupart des applications. Seuls les
enseignants qui avaient été formés
ont mis en œuvre des méthodes
plus originales, comme le travail en
sous-groupes dans des « salles » et
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
« Il faut bien sûr
former les enseignants,
tenter d’accroître
leur littéracie numérique
en leur faisant vivre
des situations de distance,
de travail de groupe, de
recherche documentaire
sur Internet »
sur des documents différents, suivi
d’une mise en commun. Personnel-
lement, j’ai tendance à estimer que
les dispositifs hybrides, qui mêlent
synchrone et asynchrone, travail en
classe et travail à distance, avec dif-
férents scénarios pédagogiques et
outils comme les plateformes, sont
à la fois réalistes sans être trop com-
pliqués à mettre en place, comme
on peut le lire dans l’ouvrage d’Elke
Nissen (2018), Formation hybride
en langues : Articuler présentiel et
distanciel. Notons que dans ces en-
vironnements un tutorat est presque
toujours proposé selon un scénario
d’accompagnement. Il est possible
de concevoir des tâches passant
par l’oral asynchrone, nous l’avons
fait avec des étudiants japonais qui
ont apprécié de pratiquer l’oral en
pouvant s’y reprendre à plusieurs
fois et sans être limités par le dé-
calage horaire. Les tuteurs étaient
des étudiants de Master 2 (à raison
d’un tuteur par groupe de six), et
ils jouaient un double rôle d’inter-
locuteurs (c’est à eux qu’étaient
destinées les productions portant
sur la vie quotidienne des étudiants
japonais) et d’enseignants (évalua-
tion des productions). Pour plus de
détails, je vous renvoie à l’article
coécrit avec une collègue japonaise,
Sachico Tanaka, sur « Les coordon-
nateurs comme médiateurs entre
deux cultures dans les interactions
PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES PÉCHEUR
en ligne : le cas d’un échange fran-
co-japonais » (revue Alsic, 2008).
Quel rôle jouent
les technologies de
l’information et de
la communication,
les réseaux sociaux
et, d’une manière
plus générale, les
pratiques sociales
des environnements
numériques dans la
création d’autres modalités
et d’un autre rapport à
l’apprentissage ?
Dans le meilleur des cas, des pro-
jets collectifs peuvent être mis en
place, mais c’est toujours compli-
qué, ne serait-ce qu’au point de vue
temporel. Les apprentissages col-
lectifs ayant recours au numérique
requièrent plus de temps, d’éner-
gie et d’accompagnement que les
situations présentielles. Cela dit, si
les gens ont cette maturité, ou bien
si l’accompagnement est solide,
on peut avoir de très bons résul-
tats. Je renvoie, pour de nombreux
exemples de projets, à mon livre
Formation en ligne et MOOC. Ap-
prendre et se former en langues avec
le numérique (Hachette, 2017).
En quoi les
environnements
numériques qui
développent et favorisent
l’autonomie dans
l’apprentissage sont-ils
en passe de modifier en
profondeur le rapport
apprenant-enseignant ?
Selon moi, les environnements nu-
mériques ne développent pas auto-
matiquement l’autonomie mais la
présupposent, comme le suggère
Albero. Les MOOC en sont un
exemple flagrant. Les 95 % d’aban-
don observés la plupart du temps
montrent que les gens ne sont pas
prêts à se passer d’un encadrement.
Les 5 % qui vont jusqu’au bout sont en
revanche très enthousiastes. Je sug-
gère une ligne de conduite : moins
les gens sont autonomes, plus il faut
renforcer l’accompagnement. Les
MOOC sont très peu encadrés, c’est
une de leurs caractéristiques de base.
Ces changements ne
sont pas sans entraîner
des conséquences sur la
formation des enseignants,
pour lesquels ils
représentent un véritable
défi. Quelles seraient
ici vos préconisations
en la matière ?
Il faut bien sûr former les ensei-
gnants, tenter d’accroître leur litté-
ratie numérique en leur faisant vivre
des situations de distance, de tra-
vail de groupe, de recherche docu-
mentaire sur Internet. Une attitude
de recul critique par rapport aux
réseaux sociaux serait égale-
ment à développer. La littératie
numérique ne s’acquiert, selon moi,
qu’en pratiquant des tâches signi-
fiantes fondées sur le réseau. Ap-
prendre en faisant. C’est ce que nous
faisons depuis longtemps dans le Mas-
ter FLE de Grenoble concernant la for-
mation à l’utilisation du numérique.
Pendant toute une période, on for-
mait les étudiants au fonctionne-
ment des outils technologiques,
aujourd’hui, il faut surtout être ca-
pable de penser « dispositif », selon
une approche systémique. L’aide des
ingénieurs techno-pédagogiques,
nombreux à avoir été recrutés dans
les universités, ne peut qu’être pré-
cieuse. Le stage de seconde année de
Master peut aussi être l’occasion d’ap-
profondir la réflexion et de participer
à l’élaboration d’un dispositif. nn
* D’après l’article d’Edna Castello (2016), « Le Net participatif,
levier d’acquisition des littératies traditionnelles et des litté-
raties numériques », La Revue canadienne d’apprentissage
et de la technologie (RCAT), vol. 42(4), à retrouver en ligne :
https://cjlt.ca/index.php/cjlt/article/view/27476/20223
57
DOSSIER | ANALYSE
Les technologies numériques, par les potentialités
qu’elles portent en termes de nouvelles formes de
communication pédagogique, d’accès aux savoirs et
d’accompagnement des apprentissages, ont permis
la création d’environnements pédagogiques accessibles
à distance, constituant autant d’espaces de ressources.

QUELLE VALEUR AJOUTÉE

DES ENVIRONNEMENTS NUMÉRIQUES
POUR L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE ?

U
n environnement
d ’ a p p r e n t i s s a ge
peut se définir sur
deux plans. Sur le
plan conceptuel, il
s’agit d’un système
qui favorise la gestion de l’appren-
tissage à plusieurs égards : défini-
tion des buts d’apprentissage, ges-
Sophie Othman est maîtresse de
conférences en didactique des langues
et ingénierie numérique à l’Université de
Franche-Comté, au Centre de linguistique
appliquée. Elle est membre du laboratoire
Elliadd (éditions, langages, littératures,
informatique, arts, didactiques, discours)
et membre associée du laboratoire
Lidilem de l’Université Grenoble Alpes.
tion des processus d’apprentissage,
gestion des contenus et des outils,
communications avec d’autres, etc.
Sur le plan technique, cela permet
à un individu d’intégrer différents
services qu’il peut utiliser et com-
biner selon ses besoins. Cet espace
doit aussi permettre l’échange avec
d’autres sous plusieurs formes (Edu-
Tech Wiki de Tecfa – Université de
Genève).
Approches pédagogiques
à l’ère du numérique
Depuis un certain nombre d’années,
l’évolution d’un paradigme d’ensei-
gnement (centré sur la transmission
de contenus) vers un paradigme
d’apprentissage (sur la construction
des savoirs par l’apprenant), a rendu
populaire le principe du learning by
doing (Dewey). À cet égard, le déve-
loppement d’environnements nu-
mériques pour l’enseignement-ap-
prentissage des langues constitue
un terrain favorable surtout dans
le cadre de l’approche actionnelle
(apprendre à réaliser une tâche en
langue). Même s’ils peuvent relever
de plusieurs approches pédago-
giques différentes, ces environne-
ments soutiennent le plus souvent
celles du constructivisme et du so-
cio-constructivisme en mettant en
avant l’approche (inter)actionnelle,
servie par les technologies qui per-
mettent précisément l’(inter)agir
ensemble, et qui plus est, à distance.
Ainsi, les dispositifs numériques
pour les langues proposent des scé-
narios favorisant les échanges en
ligne et les interactions permettant,
par l’usage de la langue, d’en favori-
ser son apprentissage, dans une ap-
proche qui peut donc être qualifiée
d’actionnelle. Les dispositifs sont
alors associés à des interactions,
des processus d’échange d’informa-
tions, et de la construction collective
de sens, dans un processus productif
(Rivens Mompean, 2013).
L’analyse des dispositifs visant l’ap-
prentissage des langues nous amène
à examiner les conditions et les le-

58 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022


viers favorisant l’engagement et la
réussite des participants. Il s’agit
par exemple de proposer des scéna-
rios de formation amenant ceux-ci
à s’impliquer et de prévoir des mo-
dalités d’encadrement adaptées
(Mangenot, 2013), de travailler à
la qualité des ressources utilisées et
de proposer des outils spécifiques,
des activités et des supports direc-
tement opérationnels, adaptés aux
modalités de formation en ligne.
Deux types
d’environnement
Afin d’identifier les traits saillants des
environnements numériques pour
les langues, nous proposons de pré-
senter deux types de catégories qui
sont présents actuellement : des envi-
ronnements ouverts et massifs et des
environnements fermés ou hybrides.
Environnements ouverts
Les communautés web 2.0 dotées
de parcours d’apprentissage comme
Babbel, Busuu et Livemocha sont
des plateformes spécialisées pour
les langues. Le succès de ce type de
sites communautaires d’apprentis-
sage des langues a été motivé par
le nombre important d’utilisateurs
et des langues apprises. Babbel,
par exemple, propose plus de 30
langues et dispose d’une « commu-
nauté » potentielle de plus de 20 mil-
lions d’utilisateurs. On peut distin-
guer une partie cours en ligne et une
partie réseau social qui permet de
mettre en relation les apprenants.
Loiseau, Potolia et Zourou (2011)
nous rappellent quelques caracté-
ristiques de ces trois sites d’appren-
tissage numérique : permettre à
l’utilisateur de jouer tantôt le rôle
d’apprenant, tantôt celui de tuteur ;
une conception à partir de briques
élémentaires similaires (présenta-
tion des notions à acquérir, exercices
structuraux corrigés automatique-
ment, exercices de production écrite
et orale, corrigés par les utilisa-
teurs-tuteurs) ; modalités d’interac-
tion synchrones ou asynchrones avec
d’autres utilisateurs-tuteurs dans
le cadre de la séquence en utilisant
les outils de communication propo-
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
sés par la plateforme. Ces commu-
nautés permettent aux apprenants
d’apprendre les langues étrangères
de manière non formelle et structu-
rée, car on n’y trouve pas seulement
des contenus d’apprentissage mais
on tire profit des caractéristiques du
web 2.0 et de certains mécanismes
de jeux afin de promouvoir l’interac-
tion sociale et l’entraide.
Quant aux MOOCs, ils peuvent
accueillir une masse considérable
d’étudiants. Le point commun de
ce dispositif est la granularité de
l’ordre du cours ; un rythme imposé ;
un accès libre et gratuit. Les deux
grandes catégories de scénarios pé-
dagogiques sont les cMOOC, dont la
conception s’appuie sur le connec-
tivisme ou la pédagogie de projet.
On y favorise le travail collaboratif
en réseau, ce qui est difficilement
compatible avec un grand nombre
d’utilisateurs. Ensuite, les xMOOC,
qui sont caractérisés par une chro-
nologie très contrainte et un déficit
d’accompagnement.
Des MOOCs, on retiendra les points
suivants : un découpage en sé-
quences permettant un travail régu-
lier chaque semaine ; des contenus
pour chaque semaine comprenant
un cours généralement sous forme
d’une courte vidéo (env. 10 min) ;
BIBLIOGRAPHIE
• Loiseau, M., Potolia, A., & Zourou,
K. (2011). « Communautés Web 2.0
d’apprenants de langue avec par-
cours d’apprentissage : rôles, péda-
gogie et rapports au contenu ». À la
recherche des convergences entre les
acteurs des EIAH, Actes d’EIAH.
Mangenot, F. (2013), « Internet so-
cial et perspective actionnelle ». Le
français dans le monde / Recherches
et applications : Mutations technolo-
giques, nouvelles pratiques sociales
et didactique des langues, n° 54,
p. 41-51.
• Rivens Mompean, A. (2013). Ap-
prentissage des langues en autonomie
dans un dispositif institutionnel avec
le numérique – Approche par la com-
plexité. Habilitation à diriger des
recherches. Université du Havre.
des ressources en ligne et des do-
cuments à consulter et/ou à télé-
charger ; des tests et des activités,
sous forme de quiz ; des travaux
pratiques à effectuer ; la possibilité
de correspondre avec l’enseignant.
Environnements fermés et hybrides
Les technologies numériques ont
permis de nombreuses configura-
tions et modalités d’apprentissage
qui ont la particularité d’être souples
et diversifiées. Les dispositifs nu-
mériques sont très présents à l’uni-
versité et dans le secondaire, par le
biais d’une plateforme en ligne (par
exemple celle de Moodle). Il est pos-
sible de concevoir des dispositifs
de formation personnalisés pour le
soutien en ligne, des parcours indivi-
dualisés de formation tutorés ou pas,
en autonomie guidé, semi-guidé ou
libres, des formations hybrides dans
la plupart des cas où il y a une com-
plémentarité entre le travail en ligne
et le travail en présentiel.
Autre dispositif, les SPOCs (small
private online course), qui se dé-
marque des MOOCs par le fait qu’on
se limite à un groupe défini adminis-
trativement avec une synergie entre
présentiel et en ligne. Le SPOC n’est
pas ouvert à tous et souvent réservé
à une trentaine de participants et
animé par un formateur. Cette mo-
dalité de formation en ligne permet
un meilleur encadrement et un
meilleur suivi, souvent individua-
lisé, ce qui réduit le taux d’abandon ;
il existe une relation « de proximité »
entre les apprenants, ainsi qu’avec
leur formateur.
Dans le monde universitaire, le
SPOC est souvent proposé pour
obtenir un diplôme. Il s’appuie sur
l’idée de donner la possibilité aux
apprenants de suivre des cours en
ligne via des vidéos, d’accéder à des
contenus pédagogiques et d’effec-
tuer un travail collaboratif sur des
projets. Un système de suivi facilite
l’évaluation des étudiants, mettant
ainsi un terme au grave problème
de notation posé par les MOOCs.
Au sein de ce dispositif, le forma-
teur est avant tout un animateur
qui accompagne les apprenants, par
PAR SOPHIE OTHMAN
exemple par le biais de forums, de
tchats et de visioconférences, acces-
sibles en ligne pour les apprenants.
Ce format est très pertinent en
langue car il permet aux apprenants
de monter en compétence lan-
gagière en petit groupe, en favori-
sant les échanges et les interactions
en ligne. Les SPOCs, combinent
ainsi l’utilisation individuelle du
MOOC à un suivi à distance régulier
avec un ou des formateurs et corres-
pondent plus à des besoins identi-
fiés, pour un public d’étudiants en
recherche de gain de compétences
et d’une validation reconnue.
Quels gains en
apprentissage des langues ?
Le meilleur que l’on puisse tirer des
dispositifs en ligne, c’est l’interac-
tivité, qui permet à l’apprenant de
(co-)construire ses connaissances.
Encore faut-il que les dispositifs
s’accompagnent d’une formation
des enseignants, qui ne prenne
jamais la forme de la contrainte.
Autre avantage : la f lexibilité.
Dispositif en accès libre, possibilité
d’un parcours individualisé où l’ap-
prenant peut avancer à son rythme,
choisir ses horaires, être seuls ou ac-
compagnés, travailler en groupe ou
de manière isolée. Il est essentiel que
ce type de formation soit réfléchi,
avec une prise en compte adéquate
des modalités de scénarisation,
d’encadrement et d’évaluation.
Il convient surtout de mettre en
avant la réflexion didactique et pé-
dagogique face à une évolution tech-
nologique parfois trop prégnante.
Si, en tant qu’enseignant, on est
convaincu de la pertinence du
numérique non seulement sous la
forme de certains outils, mais aussi
en tant qu’objet d’apprentissage,
on peut alors porter l’attention sur
l’apprenant, les tâches, le scéna-
rio pédagogique et l’accompagne-
ment tout en prenant en compte
quelques particularités propres à
l’enseignement-apprentissage des
langues, à commencer par la com-
munication langagière qui consti-
tue à la fois le moyen, mais égale-
ment l’objectif visé. n
59
DOSSIER | REPORTAGE
IMMERSION EN PLEIN BUSH
APPRENDRE EN FAISANT
Apprendre la langue
de Molière au « milieu
de nulle part » ?
C’est le défi relevé par
la Maison de Ste Claire,
située sur la côte est
de l’Australie, à 100 km
au sud de Brisbane.
Voilà vingt ans qu’elle
accueille, en plein bush,
adultes et adolescents
pour des stages en totale
immersion en français.
G
il l e s B e r ge r, l e
propriétaire des
l i e u x , p r é s e n te
la Maison de Ste
Claire comme
« une oasis ». Pas-
ser le portail, c’est « entrer dans un
sanctuaire ». Car ce domaine de 5
hectares installé sur la colline est
bien un sanctuaire pour la flore et
la faune : la maison est entourée
de forêts équatoriales, et quand on
n’aperçoit pas des wallabies au dé-
tour d’un chemin, un couple de din-
gos rôdant à proximité du poulailler
ou une maman koala avec son bébé
depuis les fenêtres de la maison,
on entend le chant d’une trentaine
d’espèces d’oiseaux, ou les coasse-
ments des milliers de grenouilles
endémiques qui ont proliféré à la
suite des pluies diluviennes des
60
Gilles Berger posant avec
des élèves, avec vue sur le bush
depuis la Maison de Ste Claire.
derniers mois. Les Aborigènes eux-
mêmes en avaient fait un site sacré
– Gilles l’a appris d’un sage venu lui
rendre visite il y a quelques années.
S’il ne le savait pas quand il a acheté
la propriété, avec sa femme, en
2000, il a été séduit comme elle par
le cadre et la maison construite dans
le prolongement de deux wagons de
train des années 1950, récupérés et
replacés là par le propriétaire pré-
cédent. Gilles et Zarina décident
d’en faire un sanctuaire d’un genre
nouveau : « un petit coin de France
en plein milieu du bush australien ».
Une immersion linguistique,
écologique, gastronomique
Depuis 20 ans, ce sont 250 à 300 étu-
diants qui sont venus chaque année
passer une semaine, parfois plus, en
immersion complète : des lycéens
pour un « holiday camp », proposé
par leur école pour améliorer leur
français en vue du bac ; des jeunes
inscrits à titre individuel ; mais aussi
des adultes amoureux de la langue
de Molière, comme ce chirurgien
orthopédique australien détenteur
d’une cave de 8 000 bouteilles de vin
français, devenu pendant 15 ans un
habitué, ou encore Ann Josephine
Tracey, aujourd’hui âgée de 77 ans,
dont les quatre séjours restent, dans
son souvenir, comme autant de
« voyages en France ».
Car après un petit-déjeuner à 8 h 15
et quatre heures en classe, l’après-
midi et la soirée sont consacrées à
toute une variété d’activités : jeu
de pétanque, films français choisis
au sein d’une vidéothèque de plus
de 500 titres, cuisine, jardinage…
Le tout bien sûr en français, et avec
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
PAR ALICE TILLIER
des produits bio ! « Depuis cinq ans,
j’initie les stagiaires à la perma-
culture : ici on coupe les mauvaises
herbes et on les laisse pourrir pour
nourrir la terre. Et ensuite on plante
des patates, qui serviront pour les gra-
tins dauphinois qui sont au menu. »
Gratins qui accompagnent souvent
un bœuf bourguignon ou un poulet
au vin blanc, quand ils ne précèdent
pas un dessert de crêpes, un clafoutis
ou une tarte au citron meringué. « Ça
m’est même arrivé de faire une pause
cuisine de 15 minutes en plein milieu
d’un cours, juste pour redynamiser
des étudiants qui avaient une baisse
d’énergie », se souvient Gilles Berger,
qui assure l’ensemble des cours dis-
pensés à la Maison Ste Claire.
S’il y a une chose qui caractérise sa
pédagogie, c’est bien la flexibilité,
l’adaptation à ses élèves – « je n’ai

jamais suivi de curriculum ! » – et un
seul credo : « parler constamment
français, envers et contre tout ».
Un principe qui le guide depuis le
début de son enseignement et qui
ne lui a pas valu que des soutiens.
Après une licence en droit, Gilles
avait commencé sa carrière en en-
seignant le français juridique au
CLA de Besançon, avant de faire
cours à de jeunes Libanais à la Fon-
dation Hariri, puis de s’envoler fina-
lement pour un poste à l’université
de Sydney. Son contrat, de trois
ans, n’est finalement pas renouvelé
parce qu’il n’a pas fini sa thèse et
que c’était là une condition sine qua
non. Recruté à la Sydney Grammar
School, il est assez vite convoqué
par le directeur de l’école : « Des pa-
rents se plaignent : vous parlez tout le
temps français ! » Gilles répond par
une alternative : soit le directeur lui
accorde sa confiance, soit il fera ses
valises. Le directeur lui laisse finale-
ment le temps de faire ses preuves.
Au bout de trois mois, il le convoque
à nouveau, pour lui dire cette fois-ci :
« Vous avez gagné ! »
Terroirs : une immersion 2.0
Après dix ans d’enseignement dans
cet établissement, Gilles reprend
sa liberté pour créer la Maison Ste
Claire, mais il reste reconnaissant
de son expérience dans cette école
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
prestigieuse de Sydney : « Sans elle,
je n’aurai pas pu faire ce que je fais
ici. Nous recevons beaucoup d’adoles-
cents de 15-17 ans et il faut parfois
faire preuve d’autorité, même pour
les petits groupes de 10 ou 12 élèves
que nous accueillons. » Les stages
avec les adultes ne soulèvent pas les
mêmes enjeux : « Avec eux, on cui-
sine encore mieux ! Et puis, on boit
du vin : je fournis des vins français,
les apprenants apportent des bou-
teilles de leur choix. » Et dans cette
atmosphère conviviale où les repas
font figure de « dîners en famille », la
relation enseignant-apprenant de-
vient souvent amicale.
Le succès a été au rendez-vous et
la femme de Gilles, Zarina, en a été
la cheville ouvrière : celle qu’il qua-
lifie affectueusement de « grande
magicienne » réussit à composer à
la carte, en fonction des demandes
et de ses réseaux, des groupes de
niveau homogène pour organiser
les stages. Encore fallait-il, pour se
lancer dans l’aventure, croire en
l’attractivité de ces séjours à Upper
Crystal Creek, en Nouvelle Galles
du Sud, à une heure et demie de
l’aéroport le plus proche, bref « un
peu au milieu de nulle part ». Le
conseiller culturel à qui Gilles avait
parlé de son projet, lui, n’y avait
pas cru, mais lui avait quand même
donné une centaine de livres, qui al-
lait constituer le premier noyau de
sa bibliothèque française. L’affaire
a mis peut-être trois ou quatre ans
à démarrer ; deux émissions de la
télévision australienne, tournées
vers le tourisme et le plein air, ont
contribué à faire connaître le lieu.
De son côté, Gilles a démarché les
établissements scolaires et témoi-
gné de ses pratiques auprès d’autres
enseignants au cours d’ateliers pé-
dagogiques réalisés un peu partout
dans le monde à la suite de sa thèse
consacrée à l’e-learning, qu’il avait
finalement reprise et terminée en
2015 – « à l’âge de 58 ans ! », précise
l’enseignant. Et les nouvelles tech-
nologies trouvent largement leur
place dans son enseignement : ce
ne sont pas moins de 3 000 vidéos
qu’il a conçues et qu’il utilise dans
une approche hybride : après les
heures de classe du matin, l’ensei-
gnant envoie à chaque élève sur
Au jardin et en cuisine.
En salle de classe.
son téléphone des vidéos choisies
spécifiquement pour travailler un
point particulier, en fonction de ses
besoins.
Depuis six mois, l’insatiable péda-
gogue a rajouté à sa palette un nou-
vel outil : des podcasts, pour racon-
ter des histoires en français, comme
celle du tilleul vieux de 400 ans qui
orne son village natal de Grandvil-
lars, en Franche-Comté. « Je suis un
homme de terroir. Le terroir austra-
lien auquel j’appartiens désormais,
mais aussi le terroir français. Car
c’est toujours “Ma France”, comme
chantait Jean Ferrat… Je crois que
Zarina et moi, nous avons été ici
de grands ambassadeurs de la langue
et de la culture françaises. » Le moins
qu’on puisse dire. n
POUR EN SAVOIR PLUS 61
https://www.maisondestclaire.com/
61
DOSSIER | PRATIQUES DE CLASSE PAR LUCIE MANESSE

DISPOSITIFS ALTERNATIFS
À L’APPRENTISSAGE DES LANGUES
Translanguaging, tandems linguistiques,
auto-apprentissage en ligne débutant… INTÉGRER LES TANDEMS LINGUISTIQUES
DANS LES PROGRAMMES
Autant de dispositifs alternatifs pour Le principe du tandem linguistique est
enseigner/apprendre une langue. bien connu : deux personnes de langue
Avec quelle valeur ajoutée? maternelle différente se rencontrent
pour discuter d’abord dans une langue,
Retours d’expériences venus d’Espagne, puis dans l’autre. L’école Tandem
du Japon, d’Italie et des États-Unis. Madrid (www.tandemmadrid.com/fr/)
a fait de ces échanges linguistiques
une composante essentielle de
l’apprentissage. « Les tandems font partie
de la philosophie et de la culture de notre
école, depuis qu’elle a été créée il y a plus
de 35 ans », explique Susana Molina,
professeure responsable du programme.
TRANSLANGUAGING : CRÉER DES PONTS Dès lors que l’étudiant est inscrit pour
ENTRE LES LANGUES un stage d’espagnol de deux semaines,
Le terme n’a pas tellement d’équivalent français, même si l’on trouve l’école lui propose un tandem, et
parfois le mot translangue. C’est que la méthode du translanguaging se charge de créer les binômes en
est surtout pratiquée aux États-Unis, au Canada, en Irlande, et encore fonction des âges, des affinités et des
trop peu connue ailleurs. Valérie Fialais l’utilise pourtant, dans sa classe disponibilités de chacun, avec quelques
de maternelle bilingue à l’école Parc du Château, à Schiltigheim en recommandations de départ : ne pas
Alsace. Elle n’y enseignait initialement que le français ; elle a demandé mélanger les deux langues, équilibrer
à enseigner le français et l’allemand, et a mis en place des moments de les temps d’échanges sans privilégier
translanguaging où les élèves peuvent comparer les langues et réfléchir une langue au détriment de l’autre, se
à leur fonctionnement. « Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas rencontrer régulièrement – idéalement
de passer sans arrêt d’une langue à l’autre, mais de créer des moments
institutionnalisés pour des phases métalinguistiques. » En étudiant par
exemple plusieurs versions du conte du Petit Chaperon rouge, les unes
en français, les autres en allemand ; en travaillant sur une recette
de la fête de la Saint-Martin et en comparant la place de l’adjectif ; EMILE/CLIL: UNE LANGUE ET UNE AUTRE MATIÈRE
ou en invitant les parents qui ne parlent ni français ni allemand Présentes dans la plupart des pays
à partager leur langue et leur culture en classe ! européens, les classes EMILE / CLIL
Car la stratégie du Translanguaging n’est pas réservée à l’enseignement (Enseignement d’une matière intégrée
bilingue, et pourrait bénéficier à l’apprentissage des langues secondes à une langue étrangère / Content and
et étrangères. Le site Elodil (Éveil au langage et ouverture à la diversité Language Integrated Learning), ont pour
linguistique) de l’université de Montréal le montre bien, avec cette ambition d’enseigner à la fois la langue
vidéo filmant l’apprentissage de la négation : les élèves, chacun experts et un contenu spécifique à une discipline.
dans leur langue maternelle – polonais, arabe, créole… – parviennent Mais comment faire face, quand on est
tous ensemble à la règle qui prévaut en français. « On se plaint parfois enseignant, à ce double défi cognitif ?
d’avoir des élèves mutiques en classe. Mais c’est qu’on ne leur donne pas Faut-il adopter une attitude tolérante
leur place, on ne fait pas appel à leur expertise », explique Valérie Fialais face à l’erreur, en privilégiant le contenu ?
qui cherche à diffuser le translanguaging, notamment dans le cadre de Et pourtant, parmi les attentes des élèves
la préparation au CAPEFE, ce nouveau Certificat d’aptitude à l’ensei- qui sont inscrits dans ces classes,
gnement du français à l’étranger. Des ressources existent, mais pour le on trouve l’envie de progresser en classe
moment elles sont principalement en anglais. D’ici peu, les enseignants de langue, comme l’a mise en valeur
pourront utiliser le guide du translanguaging préparé par Valérie Fialais l’étude menée par Sandra Apostolo dans
et Reseda Streb – à paraître prochainement chez Calec. n le cadre de sa thèse au sein de classes
une fois par semaine pour commencer
–, ne pas hésiter à corriger l’autre,
« même si on ne peut pas donner
toutes les explications, comme le ferait
un enseignant » : car l’objectif de ces
échanges est véritablement de contribuer
à améliorer la maîtrise de la langue.
Les rencontres internationales organisées
chaque mois par Tandem dans un
bar, animées par des enseignants qui
favorisent les débats en petits groupes,
ont le même objectif : apprendre
en dehors de la classe et favoriser
l’intégration culturelle des élèves, au
même titre qu’un cours de cuisine ou
une soirée danse qui sont également
proposés. Et si le binôme ne fonctionne
pas, Tandem propose un autre partenaire
linguistique, parmi ceux qui se sont
inscrits pour un échange en face à face
ou via Skype. Les apprenants peuvent
également utiliser l’application Tandem,
et échanger à distance, à l’écrit, en audio
ou en visio. n
EMILE français-histoire en Italie (2019) :
« Les élèves sont déçus quand les aspects
linguistiques sont négligés. »
Les élèves interrogés ont donc exprimé
le souhait que l’on accorde plus de place
dans ces cours à la réflexion linguistique.
Pour répondre à cette demande sans
alourdir la tâche des enseignants qui
doivent aussi transmettre un contenu,
la chercheuse a proposé de confier
l’évaluation de la langue aux élèves :
à la fois par de l’auto-évaluation et de la
co-évaluation entre pairs, sans se centrer
exclusivement sur les erreurs mais en
s’attachant aussi à valoriser les points forts.
Une démarche qui a emporté l’adhésion
des élèves comme des enseignants. n

62 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

DÉBUTER LE FRANÇAIS AVEC L’AUTO-APPRENTISSAGE EN LIGNE
Comment accompagner, dans leurs
premiers pas en français, des élèves
qui ne peuvent se déplacer et veulent
apprendre en autonomie aux heures
qui leur conviennent, tout en soutenant
leur motivation et en profitant des
possibilités offertes par les nouvelles
technologies ? C’était là les principaux
enjeux d’e-français, cours d’auto-
apprentissage du français lancé en
2009 par l’Institut français du Japon.
Utilisant Moodle, la plateforme
d’enseignement open source qui
est encore aujourd’hui largement
plébiscitée par les écoles et les
universités, l’IFJ construit alors,
sous la direction de Sébastien Jaffrédo,
800 unités d’apprentissage destinées
aux niveaux A1 et A2, avec des
contenus bilingues français/japonais
– indispensable pour des apprenants
dont la langue maternelle est si éloignée
de la langue cible. À ces modules
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
d’apprentissage en ligne s’ajoutent
des devoirs manuscrits à envoyer et
des rendez-vous à distance avec un
tuteur, ainsi que trois regroupements
en présentiel par trimestre. « L’idée
que nous avons défendue était qu’un
système inerte – homme/machine –
ne suffisait pas à soutenir la motivation
et qu’il fallait conserver la place pour des
interactions humaines : entre élèves et
enseignant d’une part, et au sein même
du groupe d’élèves », explique Sébastien
Jaffrédo.
Un modèle qui, pour le responsable,
n’a pas perdu sa pertinence, même
si du fait notamment de l’arrêt de
la technologie Flash dans laquelle
les modules étaient développés, le
programme a pris fin en 2019. « Un cours
d’auto-apprentissage pour les primo-
apprenants, adapté à chaque contexte
local, pourrait être un produit d’appel
formidable pour les centres de langue. » n
CRÉER DES CLASSES ET DES DEVOIRS
POUR SES ÉLÈVES AVEC TV5MONDE
Avec plus de 4 000 exercices disponibles, le site apprendre.tv5monde.com
et l’application pour téléphone « Le français avec TV5MONDE » offrent
aux enseignants un service de création de classes qui permet d’attribuer
des devoirs à leurs élèves et de visualiser leurs résultats. Un outil idéal
pour les classes « traditionnelles », inversées ou hybrides.
Pour profiter de cette
fonctionnalité, il suffit
de disposer d’un compte
et d’activer le profil
« enseignant » depuis le
site https://apprendre.
tv5monde.com/fr
Une vidéo « mode
d’emploi » vous explique
pas à pas le processus de
création : https://
tv5mon.de/3nT5X3h
63
INTERLUDE |

BD

64 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

 L’auteur
Illustrateur et auteur
de bandes dessinées,
Lamisseb vit à La
Rochelle où il réalise
des dessins et planches
de BD qui atterrissent
malencontreusement
dans des journaux,
magazines, supports
institutionnels… et
parfois même dans des
albums publiés comme
Et Pis Taf ! (2 tomes,
Nats Éditions) ou Les
Champions du Fair Play
(Eole).
https://lamisseb.com/

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 65

MÉMO | À ÉCOUTER
COUPS DE CŒUR
ARGENT, TROP CHER !
Alors que l’inflation revient au galop
(ce qui rend plus visibles les inégalités
sociales), certaines chansons parlant
monnaie sonnante et trébuchante
apparaissent plus actuelles que jamais.
En 1968, Charles Aznavour créait « Si j’avais
des millions », une chanson reprise notam-
ment par Dalida et les Compagnons de la
Chanson qui raconte avec humour l’histoire
d’un homme qui rêve à tout ce qu’il pourrait
faire s’il était riche : « Je bâtirais en pleine ville
une maison haute / Avec des chambres sans
compter / Avec un toit de tuiles et des vrais
parquets ».
Dans « Parachute Doré », parue
en 2008 peu après la faillite de
Lehman Brothers, Alain Souchon
parle avec humour des abus des
grands dirigeants d’entreprise.
« J’ai creusé, creusé la dette,
au lieu de me creuser la tête ».
L’argent est l’un des sujets favoris des rappeurs.
Dans leurs clips, les (faux) billets coulent
souvent à flots. Preuves par le flow : « On
perd beaucoup d’argent en courant après une
femme, mais on peut aussi perdre sa femme en
courant après l’argent » (Black M) ; « Quand t’as
pas d’argent, dans ce monde, t’as pas d’droits »
(Nekfeu) ; « La vérité c’est qu’j’suis autant ob-
sédé par l’argent que j’suis totalement pété »
(PNL) ; « J’vais te traiter comme mon oseille,
j’vais te jeter par la fenêtre » (Booba).
Plus sobre, Youssoupha explique son besoin
d’argent « pour quitter le ghetto définitive-
ment, enterrer tous les gens qu’on aime digne-
ment / Réaliser ses projets les plus téméraires,
prendre l’avion plus souvent que le RER »
(« Avoir de l’argent », 2018).
On peut avoir réussi sa carrière, amassé des for-
tunes et ne pas être heureux pour autant… Voici
le « Blues du businessman » de Claude Dubois
dans la comédie musicale Starmania (paroles
de Luc Plamondon) qui « aurait voulu être
un artiste » et « vivre comme un millionnaire ».
Une enquête du Monde avait
révélé combien l’argent avait
fait du tort aux relations entre
les membres du groupe de
rock Téléphone. L’un de leur
succès, « Argent trop cher »,
décrivait à quel point l’argent
peut pervertir l’être humain… n
66
3 QUESTIONS À MELISSMELL
Influencée par Janis
Joplin, Mama Béa,
Colette Magny ou
Catherine Ribeiro,
Melissmell était
destinée au lyrisme
de la colère – qu’on
retrouve dans son 4e
album, Les Enfants
de Maldonne.
PROPOS RECUEILLIS PAR
JEAN-CLAUDE DEMAR
VENT DEBOUT
CONTRE L’INJUSTICE
Vous vous prénommez Mélanie. D’où
vient votre pseudonyme de Melissmell ?
C’est un mot-valise aux origines diverses.
D’abord, la mélisse, une plante médicinale
aux multiples usages. Ensuite, c’est un coup
de chapeau aux lys de mer fossiles d’Ardèche,
là où j’ai grandi. Enfin, évidemment, un
hommage à « Smells Like Teen Spirit », mon
Nirvana préféré. J’ai ajouté un sens caché :
le mélisme, qui est une technique vocale
mise en valeur dans les chants religieux. En
1989, j’ai huit ans quand tombe le mur de
Berlin. J’écoutais beaucoup
de musique dite « classique ».
Mais à la radio, j’entendais
avec grand plaisir Nirvana,
Noir Désir ou Mano Solo.
C’est en 2004 que j’ai inventé
Melissmell et débuté en
guitare-voix solo. J’ai écrit
cinquante poèmes… Avant, je
jouais du rock amateur avec
de petits groupes. Après 2005,
j’ai été sans domicile fixe à Paris. Je dormais
au bois de Vincennes et je faisais la manche
à Strasbourg-Saint-Denis. J’en ai gardé une
certaine rage.
Pouvez-vous nous parler du succès
d’« Aux Armes ! », titre phare et révolté
de votre premier album, Écoute s’il
pleut, en 2011 ?
J’ai écrit cette chanson à Strasbourg dès
2008, pour les quarante ans de Mai 68. J’y
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
© Facebook -Melissmell
pensais depuis 2004. Pour la composer,
j’ai emprunté le nombre de pieds de
« La Marseillaise » et je l’ai fusionnée avec
« L’Internationale ». C’était un appel au
soulèvement contre l’injustice. La chanson
n’a pas tout de suite connu le succès, puis
elle a été relayée par les Insoumis, les « gilets
jaunes », les Anonymous – et a enregistré
15 millions de vues entre 2017 et 2019…
Avec des titres comme « Eldorado »,
« Le Phoenix » ou même « Bérézina »,
Les Enfants de Maldonne
semble un peu plus empli
d’espoir, non ?
Vous savez, la Maldonne, c’est
la Malchance, l’Injustice…
Mais il est quand même vrai
que l’on trouve dans ce nouvel
album plus d’espérance
en une certaine renaissance,
après deux autres albums,
en 2013 et 2016, plongés dans
« l’inespérance » : mes dernières signatures
pour un disque sombre… Cependant,
« Le Phoenix » est la seule chanson
vraiment emplie d’espoir. « Eldorado » peut
connaître plusieurs lectures : d’abord celle
de l’émigré qui traverse la Méditerranée,
ensuite celle de la réincarnation :
on m’a brûlée vive et je reviens ! Enfin,
« Bérézina »… Je l’ai écrite depuis 2018 –
et elle sort la veille de la guerre russo-
ukrainienne, le 23 février 2022… n
 CONCERTS ET
TOURNÉES DANS LE
MONDE : NOS CHOIX PAR EDMOND SADAKA ET JEAN-CLAUDE DEMARI

BIGFLO ET OLI.
En Belgique le 28 LIVRES À ÉCOUTER PAR SOPHIE PATOIS
septembre (Liège) et le 24 janvier EN BREF
2023 (Bruxelles). En Suisse le 21 Romancier féru d’Histoire, amateur Revoici notre Arno d’Ostende, son
octobre (Genève). de faits divers, volontiers attiré par autodérision, ses rythmes, sa voix !
les « zinzins », Jean Teulé s’amuse avec Le 30 septembre va paraître Opex,
PATRICK BRUEL. Azincourt par temps de pluie à conter une album, posthume mais pas de récup’.
En Suisse le 7 septembre (Le magistrale défaite, celle de la fameuse Arno, infatigable malgré la maladie,
Noirmont). bataille d’Azincourt ! Il commence avait déjà enregistré tous les titres,
son récit la veille du jour J, le jeudi dont les excellents « Honnête »,
CÉLINE DION. 24 octobre 1415. Cette « dernière « Boulettes » et « La vérité ».
En Belgique du 3 au 6 grande bataille de la guerre de Cent
septembre (Anvers). ans » selon lui, cristallise l’arrogance de Autre retour : Les Fatals Picards avec
la noblesse française, si sûre de gagner Le syndrome de Göteborg, 10e album
JULIEN DORÉ. Azincourt par temps de pluie de que 6 000 des siens seront décimés ! studio, qui débute par le très remuant
En Suisse le 9 octobre Jean Teulé, Écoutez lire Gallimard L’auteur livre sa vision peu académique « Le syndrome de Göteborg »,
(Genève). En Belgique le 11 dans un récit drôle et piquant lu par qui exhume bien des hypocrisies
décembre (Bruxelles). le comédien Dominique Pinon avec sociales. Plus politique : « 9 milliards ».
toute la raillerie nécessaire… Mais aussi drôle.
FEU ! CHATTERTON. Dans un style très différent, Marie-­
En Belgique le 20 Hélène Lafon glisse dans Nos vies Le Parisien Alexis
octobre (Bruxelles). Au Luxembourg le roman dans le roman en faisant de Djoshkounian, dit
le 8 décembre (Esch sur Alzette). sa narratrice, Jeanne, une femme qui Alexis HK, écrit ses
aime raconter des histoires et inventer textes acides, com-
GRAND CORPS MALADE. des vies… Un jeu de rôles que l’écrivaine pose ses mélodies
En Belgique le 3 novembre tisse habilement entre la jeune caissière abouties et interprète ses chansons
(Bruxelles). Gordana et Jeanne, sexagénaire à piquantes depuis 1997. Bobo playground,
Nos vies de Marie-Hélène Lafon,
lu par Marie-Stéphane Cattanéo, l’imagination féconde ! Un roman ludique 7e album, lui permet de se glisser dans
BERNARD LAVILLIERS. éditions Thélème en somme qui a valu à l’autrice d’être la peau d’un « bourgeois bohème »,
En Suisse le 21 octobre (Genève). sélectionnée pour le Goncourt en 2017. comme le montrent l’hilarant titre épo-
La voix de Marie-Stéphane Cattanéo nyme ou le cruel « Elle te kiffe ».
CLARA LUCIANI. porte ici le texte élégamment. n
En Suisse le 7 octobre Découvert en 2010, Ben l’Oncle Soul
(Genève). En Belgique le 25 sort son 5e disque, Red Mango, inspiré
novembre (Bruxelles). FOCALE par la Jamaïque. Cet excellent voca-

LEYLA MCCALLA,
liste revisite des standards de la chan-
ORELSAN. son en mode reggae, comme « Ima-
En Belgique les 4 et 5 gine » de Lennon, qui résonne tout

FILLE D’HAÏTI
novembre (Bruxelles). En Suisse le 1er particulièrement en ce moment.
décembre (Genève).
Eternity est le 20e album studio
SOFIANE PAMART. d’Alpha Blondy. La star ivoirienne
A Monaco le 30 novembre Elle est américaine et fille d’im- vante à plus d’un titre, notam- du reggae y livre une adaptation
(Monte Carlo Jazz Festival). migrants haïtiens. La chanteuse ment en étant la première à dif- inspirée de « Soul Rebel » du grand
Leyla McCalla a sorti avant fuser des reportages en créole frère Bob Marley et convie des invités
POMME. l’été Breaking the Thermometer haïtien et non en français. La de marque tel le Malien Sidiki Diabaté,
En Suisse le 28 et le 29 janvier (« Casser le ther- plupart des chan- virtuose de la kora.
2023 (Genève, puis Lausanne). momètre »). Cette sons de l’album sont
multi-instrumen- d’ailleurs en créole, D’origine bulgare,
SLIMANE. tiste de 36 ans (elle mais parfois aussi Sylvie Vartan a connu
En Belgique le joue du violoncelle, en anglais comme l’exil dès l’âge de 8 ans
30 septembre (Bruxelles). En Suisse du banjo et de la sur une chanson à cause de l’occupa-
le 3 novembre (Genève). guitare) fait de ce d’exil du Brésilien tion soviétique. Très
disque un conte folk Caet ano Veloso, touchée par le conflit
STROMAE. militant et poétique, « You Don’t Know russo-ukrainien, elle
En Belgique du 15 au 17 mars qui a pour fil rouge Me ». Une chanson a sorti un EP de cinq titres en sou-
2023 (Bruxelles). (sang) l’héritage dont les mots expri- tien à l’Ukraine, Odessa, composé de
et l’engagement de Radio Haïti ment parfaitement selon elle la quelques-unes de ses anciennes chan-
pendant les années sombres situation des journalistes haï- sons qui évoquent l’exil, la résilience
Le plus audio sur du règne Duvalier entre 1957 tiens obligés de s’exiler pendant et la liberté. L’ensemble des bénéfices
WWW.FDLM.ORG et 1986. Radio Haïti fut inno- la dictature des Duvalier. n E. S. sont reversés à l’Unicef. n
espace abonnés

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 67

MÉMO | À LIRE
JEUNESSE PAR INGRID POHU
À PARTIR DE 6 ANS
PAS BÊTES
CES BÊTES !
Cyril Dion, écrivain et
réalisateur écologiste
auquel on doit les
films engagés pour
la planète Demain
(2015) et Animal
(2021), signe cette fable touchante qui
met en scène un merle venu s’adresser
à une fillette à travers ses rêves.
En sifflant, flûtant et babillant, l’oiseau
lui fait part de l’amour inconditionnel
que les animaux vouent à la Terre depuis
son origine. Bien avant que les hommes,
ces singes à deux pattes, n’exploitent ses
ressources naturelles et ne saccagent
progressivement le vivant, jusqu’à mettre
en péril toutes les espèces, eux avec.
Morale de l’histoire ? Pour survivre,
les animaux ont besoin des humains
et vice versa. En prendre conscience,
c’est déjà un grand pas ! n
Cyril Dion et Sébastien Mourrain (illustrations),
Vous êtes des animaux comme nous, Actes Sud Junior
À PARTIR DE 9 ANS
DÉLICES ORIENTO-
OCCIDENTALES
Lily a 10 ans et habite
un petit village breton
paisible. Jusqu’au jour où
le maire décide d’accueillir
des familles de migrants
venus d’Afghanistan, un pays en guerre.
Si une partie des habitants les rejette,
d’autres dont Maël, le père de Lily,
leur ouvre grand leurs portes. Alors qu’il
est au chômage, Maël décide de lancer
un restaurant ambulant avec Azmaray,
un réfugié dont le fils, Ekhma, a intégré
la classe de Lily. Ensemble, les deux papas
s’apprivoisent en mitonnant des plats
bretons-afghans, entre mini-éclairs
au caramel et au beurre salé et escargots
à la saveur de rose. Une belle façon
de véhiculer un message d’espoir sur
la solidarité et la rencontre de différentes
cultures. En soulignant combien la
gastronomie rapproche aussi les peuples.
Comme dit l’héroïne, ça donne des feux
de joie au ventre. Et surtout au cœur. n
Anne Rehbinder et Vincent Bergier (illustrations),
Beurre breton et sucre afghan, Actes Sud Junior.
68
TROIS QUESTIONS À SABYL GHOUSSOUB
Après l’humour caustique du
Nez juif, en 2018, et le récit de
son voyage transgressif en Israël,
Beyrouth entre parenthèses,
en 2020, voici le troisième
roman du photographe et
chroniqueur littéraire Sabyl
Ghoussoub, né en 1988,
Beyrouth-sur-Seine (Stock).
PROPOS RECUEILLIS
PAR BERNARD MAGNIER
« MON PÈRE M’A DEMANDÉ
SI JE PARLAIS ENCORE ARABE »
« Je suis né à Beyrouth dans une rue de
Paris »… Cette phrase à la fin de votre livre
n’aurait-elle pas pu être aussi son titre ?
Cette phrase m’accompagne depuis déjà un
certain temps, elle a répondu à une interro-
gation que je me posais : « Pourquoi, alors que
je suis né et que j’ai grandi à Paris, je me sens
si libanais et si attaché à ce pays, le Liban ? »
J’ai trouvé la réponse le jour où j’ai compris
que mes parents, bien qu’exilés depuis 1975
à Paris, ne l’avaient jamais vraiment quitté, ce
pays. Ils l’ont recréé dans la capitale française,
dans leur appartement et jusque dans la ville
elle-même. Le titre de mon livre, Beyrouth-
sur-Seine, est en quelque sorte le nom de cette
cité bâtarde qu’ils ont fabriquée et qui ne peut
exister qu’à travers l’art ou la littérature.
Ce troisième livre a-t-il été plus difficile
à écrire quand on sait que les principaux
personnages sont vos parents et qu’ils
vont être vos premiers lecteurs ?
Plus difficile, je ne sais pas. Mon second,
Beyrouth entre parenthèses, l’histoire d’un
voyage interdit d’un Libanais en Israël,
a été bien plus douloureux à écrire car
interdit, justement. Pour Beyrouth-sur-Seine,
il a été compliqué d’interroger mes parents
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
DR
mais très peu d’écrire sur eux. Ils sont déjà
deux personnages grandiloquents dans la
vraie vie, « bigger than life » comme disent
nos amis américains. Ils sont conscients de
leur « folie », du côté dérisoire de la vie et ils
savent rire d’eux-mêmes. Après avoir lu une
première version imprimée du livre, ma mère
m’a simplement dit : « Heureusement qu’il n’y a
pas d’inceste dans notre famille, le reste je m’en
fous » et mon père m’a demandé si je parlais
encore l’arabe.
Est-ce que l’écrivain va mieux 310 pages
plus loin ? Est-ce que le fils va mieux
lui aussi ?
Beyrouth est une déchirure que je ne parviens
pas à soigner. J’essaie tant bien que mal de la
guérir à coups de livres (et de titres) mais rien
n’y fait, c’est un échec cuisant. Je ne me fais
d’ailleurs aucune illusion sur les livres,
ils ne guérissent de rien, ils peuvent seulement
(parfois) soulager quand on est lecteur mais
c’est tout. Je peux tout de même dire que le
fils a rempli son rôle de fils. Ce livre, je l’ai
écrit pour mes parents. Je voulais qu’ils se
pavanent avec dans Paris et au Liban, comme
un trophée, comme une victoire sur la guerre
qui leur a volé leurs vies. n
 POCHES

POCHES

POCHES

POCHES

POCHES
ROMANS PAR SOPHIE PATOIS ET BERNARD MAGNIER

MONTAGNES POCHES FRANCOPHONES PAR BERNARD MAGNIER

MAGIQUES D’un côté, Sarah, jeune fille

française, belle et pauvre, prête
En 2013, Valentine Goby se faisait remarquer avec à tout pour se sortir de la misère.
Kinderzimmer, roman qui obtenait 13 prix littéraires dont De l’autre, Driss, riche, timide
celui des libraires. L’Île haute, son quatorzième roman après et d’un physique ingrat… Les
Un paquebot dans les arbres (2016) et Murène (2019), personnages du conte de fées,
a pour figure principale un jeune garçon. Asthmatique version marocaine et années 1990,
en quête d’air pur il découvre avec stupéfaction le plein sont en place, dans un premier
hiver et les cimes enneigées. Une face cachée derrière roman réussi.
l’iceberg puisque l’action se situe dans les années 1940
Abigail Assor, Aussi riche que le roi, Folio
et que le jeune Vadim deviendra Vincent…
Le contexte historique, s’il n’a rien de secondaire, n’apparaît Magyd Cherfi poursuit son aventure
pourtant qu’en filigrane dans ce roman à forte teneur littéraire autobiographique et
Valentine Goby, L’Île haute, Actes Sud initiatique, plutôt inspiré par la géographie. La nature et raconte, avec le même humour
les paysages jouent en effet un rôle essentiel dans cette rageur, la naissance du groupe
histoire presque intemporelle, imprégnée de la vision des Zebda dans les années 1980.
« premières fois » et de la pureté d’un regard neuf. « L’Île Des années d’attente et d’espoir,
haute, confie d’ailleurs l’autrice, raconte un déplissement. mais toujours cette difficulté
Le mien et en miroir celui de mon personnage. J’ai choisi de à être « Gaulois » et « Sarrasin »…
l’ancrer dans une vallée extraordinaire mais qui n’est pas celle
Magyd Cherfi, La Part du Sarrasin, Babel
de mon enfance. » Écrit pendant la période de confinement,
© Actes Sud

le texte respire les grands espaces et la quête d’humanité : L’est de Paris… une « arène » où
une échappée belle en ces temps de pandémie ! n S. P. se joue le destin d’une population
composite. Une arène violente dans
laquelle la vie se décline au coin
de la rue ou entre les lignes des
J’AI DEUX AMOURS, MON PAYS ET PARIS réseaux sociaux. Ainsi lorsqu’une
jeune policière est filmée donnant
« Je suis né à Beyrouth dans une rue de Paris »… C’est l’une un coup de pied au cadavre d’un
des dernières phrases, sans doute la plus importante, jeune garçon…
la plus déterminée, la plus déterminante, du dernier
Negar Djavadi, Arène, Liana Levi Piccolo
roman de l’écrivain « parisien » Sabyl Ghoussoub. Un livre
tout entier consacré à ses parents et au lien charnel qu’ils Une mère française, un père
entretiennent avec la ville et le pays qu’ils ont dû quitter, algérien et un livre à la croisée,
Beyrouth et le Liban. souvent âpre et complexe, de deux
« Les racines sont utiles pour deux choses, les fuir et les cultures, de deux mondes, de deux
retrouver », écrivait Ghoussoub dans son deuxième livre. exclusions. Un témoignage et une
C’est à résoudre cette équation à deux inconnues majeures observation en guise de premier
que s’est attelé le romancier, en questionnant ses parents et roman d’une autrice au prénom
en restituant la trace de leur destinée. Il nous plonge dans prédestiné (« étoile »)…
leur Liban, dans cet espace inventé, recréé, entre « Paris-
Nedjma Kacimi, Sensible, Cambourakis poche
sur-mer » et « Beyrouth-sur-Seine ». Un pays et une ville
© Actes Sud

« jamais quittés » malgré des décennies d’éloignement, Une photo, un nouveau-né dans
Sabyl Ghoussoub, Beyrouth-sur-Seine, Stock
d’une proximité palpable à chaque seconde et pourtant un carton et un autre enfant
distants par le fait d’une histoire collective et personnelle. à ses côtés. Une photo de la
À travers ces pages, l’écrivain tente de vivre ce qu’il n’a guerre du Vietnam (de la guerre
pas vécu et qui n’existe plus, de retrouver les traces d’une histoire et d’une géographie « américaine » préfèrent dire
tumultueuses et incertaines. Beyrouth-sur-Seine est tout à la fois un hymne au pays certaines victimes) et un livre
rêvé et une immense déclaration d’amour filial. Un amour tendre et sévère, bienveillant subtilement composé d’instants,
et exigeant, qui donne le ton à ce portrait en ombres libanaises. Pour le lecteur, c’est de souvenirs, de traces, de chiffres,
aussi l’occasion d’entrapercevoir cet « ailleurs méditerranéen », fait « de machisme de douleurs partagées.
et de tradition, de mélancolie et d’humour noir, de démesure et d’outrance, de cris et de
Kim Thuy, Em, Liana Levi Piccolo
larmes ». Un livre comme une tentative de cicatrisation, un baume apaisant sur une plaie
indépassable et la sensation d’être à l’écoute d’une nécessaire confidence. n B. M.

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 69

MÉMO | À LIRE
BANDE DESSINÉE PAR CLÉMENT BALTA

ORAL, Ô DÉSESPOIR
Les éditions Le Robert qui publient de la BD ?
L’évènement est inédit, mais se veut bien entendu
pédagogique. L’enjeu : « prendre la parole sans
s’évanouir » (une tare qui porte le nom de
glossophobie). Et pour cette première, c’est un
Cicéron moderne qui s’y colle, Stéphane de Freitas,
le réalisateur du documentaire À voix haute et
fondateur de l’association Eloquentia, à visée
éducative et sociale. Faire de vous un orateur,
c’est le défi que se propose de relever ce petit
ouvrage didactique avec l’humour approprié de
l’illustratrice Baba, déjà coupable d’un ouvrage
au titre pour le moins éloquent, De l’art d’être
introvertie. Et le lecteur de s’identifier à la pauvre
Céline, paniquée à l’idée de faire un entretien
professionnel. S’ensuit toute une série de conseils,
d’astuces et de révisions, sur ce qu’est la rhétorique
et les diverses manières d’arriver à articuler un
discours, du choix de la trame à la capacité à
trouver les bons arguments. Avec cette révélation
qui pourra apparaître décevante : il n’y a pas de
formule magique. Mais qui est aussi une bonne
nouvelle : car ce n’est pas (qu’)inné, ça se travaille.
Une morale ? Tout orateur vit non pas aux dépens
mais grâce à celui qui l’écoute – et qu’il écoute.
La rhétorique est un humanisme. n
Stéphane de Freitas et Baba (dessins), Rhétorix, Le Robert

DOCUMENTAIRES PAR PHILIPPE HOIBIAN

UN ART DU ENCORE UN MATIN RÉUSSIR PAR LES ÉTUDES

VIVRE-ENSEMBLE
Jean Pruvost, La Politesse, Tallandier
On ne naît pas poli, on le devient
par imprégnation et éducation
(suite à de nombreuses reprises
et injonctions pendant l’enfance
et l’adolescence). La politesse
facilite la vie en société. Elle varie
selon les époques, les cultures et
les situations. C’est une manière de
vivre, d’agir, de parler. Elle concerne
tous les aspects de la vie :
comment se conduire à table,
en voiture, dans les transports
en commun ; la communication
épistolaire et numérique ; le regard
dans les yeux, la poignée de main,
la bise, l’accolade ; le tour et le temps
de parole ; le respect de la bonne
distance entre deux interlocuteurs ;
l’expression de la colère en public ;
la politesse du vêtement ; l’humour
qui introduit une distance souriante
et apaisante… n
Le matin apparaît comme le
moment où les inégalités se nouent,
se cristallisent, se perpétuent ; les
rapports de domination, rapports
sociaux, rapports entre les sexes sont
tous plus marqués et inégalitaires
aux premières heures de la journée :
les premiers de corvée invisibles
versus les créateurs admirés. Dans
une société marquée par l’image,
Blanche Leridon, Odyssées ordi-
la représentation et la maîtrise de soi,
naires. Le matin mode d’emploi, le dénuement matinal effraie : il rend
Bouquins
plus vulnérable, échappe au contrôle,
avant de s’enliser dans l’habitude et le routinier ; l’amour s’y fait
autant qu’il s’y défait. Et dans une société qui valorise tant
la productivité, l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! n
REGARDS SUR
LE CORPS FÉMININ
Il a fallu des siècles pour apprivoiser
la mer, pour que la baignade et
la natation se développent et se
démocratisent, ouvrant la voie
à l’industrie du maillot de bain
qui accompagnera le « découvrement »
des corps. Mais si les femmes se libèrent
Audrey Millet, Les dessous progressivement de leur invisibilité, c’est
du maillot de bain, Les
Pérégrines pour mieux subir les injonctions à une
beauté normée, à une perfection
inatteignable. De la chemise de bain au burkini, en passant par
le une-pièce, le bikini, le monokini et le string, se fabrique
l’histoire du rapport au corps féminin et à la nudité, au soleil
et au bronzage. Le maillot de bain devient le signe de la détente
et du bien-être, des congés payés et du temps libre, de la société
de consommation et de la mode. La plage se transforme en lieu
d’exhibition, de paraître et de sociabilité. n
L’école est tiraillée entre son idéal d’émancipation et de transforma-
tion sociale et sa fonction de maintien des hiérarchies et des fron-
tières. L’auteur, ancien prof de lycée en banlieue parisienne (dans le
« 9-3 ») devenu sociologue, a suivi pendant 10 ans (des émeutes de
2005 aux attentats de 2015) une vingtaine d’élèves, du bac jusqu’à
leurs études supérieures. Tour à tour prof enquêteur et confident,
perçu par les élèves comme « touriste » (venant d’un autre monde),
« douanier » (préposé aux opérations de sélection) et « passeur »
(transmission d’un savoir et émancipation
par l’éducation), il dresse le portrait d’une
certaine jeunesse française issue de l’immi-
gration : leurs rêves d’ascension sociale, leurs
questionnements identitaires, les peines et
les joies de l’apprentissage intellectuel, leur
rapport à la religion, leurs histoires d’amour.
Ces jeunes cherchent à sortir de leur condi-
tion par l’école. Certains choisissent la voie
normale (tentant d’apprivoiser le contenu
et les contraintes universitaires), d’autres la
voie médiane (formations encadrées en IUT,
Fabien Truong, Jeunesses STS ; alternance de cours et de stages en
françaises, La Découverte entreprise), d’autres la voie royale (classes
prépa, grandes écoles publiques ou privées ; obligation de se frotter
à l’élite, apprendre à maîtriser « le cheval à bascule » en passant d’un
monde à l’autre sans avoir à taire sa double identité).
Les séjours à l’étranger leur permettent de se voir autrement,
de se présenter et d’être perçu comme « français-français ».
Comme la moitié des étudiants, ils doivent financer leurs études
en exerçant différents types d’emploi : « le provisoire » (qui ne
menace pas leurs études), « l’anticipation » (en lien direct avec
leurs études), et « l’éternisation » (un piège menant au salariat
précaire). Ce travail est vu comme un atout attestant d’une com-
pétence professionnelle, d’une autonomie individuelle et d’un rap-
port concret à la réalité. Se mêlent aussi aux études, les relations
amoureuses : histoires d’un soir avec des filles blanches de classes
supérieures, avec des banlieusardes, ce qui renforce l’estime de soi
et la confiance en l’avenir, en attendant de fonder une famille. n

70 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

 Un matin, la narratrice décide
POCHES

POCHES

POCHES

POCHES

POCHES
SCIENCE-FICTION PAR JÉRÔME JANICKI
d’interroger sa mère sur son grand-
père, Placide Morselli, mort en 1994. VOYAGE SUR UNE ÎLE DE RÊVES
De son enfance italienne dans le Sur Oestant, l’île
Frioul, puis de son exil en France à soumise aux songes
l’âge de douze ans, il n’a rien raconté. des trois géants
PAR CLAUDE OLIVIÉRI Au fil de leurs conversations, les Baile, Leborcham
lettres, les photos et les souvenirs et Fraech, la guerre

VOUS AVEZ DIT resurgissent. Alors que l’histoire de

ses aïeux italiens se dessine, Anne
monte et les princes
Ianto et Bran se

ELDORADO ? découvre aussi les secrets de sa mère et sa propre part

d’Italie. Dans ce récit intime, l’autrice explore les ambiguïtés
préparent à la guerre.
Mais, alors qu’une
de la mémoire et comment elles façonnent nos vies, étrange magie
Ce roman nous fait vivre les nos failles, nos forces. David Bry, Le Chant des géants, envahit le royaume,
odyssées croisées de migrants éd. L’Homme sans nom leur destinée prendra
Anne Plantagenet, D’origine italienne, J’ai Lu
soudanais en quête d’un un cours surprenant et inattendu. Dans un
impossible Eldorado et d’un garde- Metin Arditti nous entraîne dans style à la fois poétique et diablement efficace,
côte italien qui sillonne les mers le quartier juif de la ville d’Acre, David Bry nous offre un conte épique à
à la recherche de clandestins, en 1078. À l’occasion d’une livraison souhait, où se mêlent combats, romances
les sauvant parfois de la noyade. à un monastère, Avner, le jeune et trahisons. On y retrouve l’originalité de
Mais la mort est-elle pire que héros, tombe sur une icône. C’est son écriture nourrie d’une matière celtique
le rêve brisé ? Voyage initiatique, l’éblouissement. Il se fait baptiser, arthurienne savamment utilisée. À consommer
sacrifice, vengeance, rédemption : quitte les siens et devient l’un des plus sans modération ! n
Laurent Gaudé manie les thèmes grands iconographes de Palestine. Peu
de la tragédie antique avec à peu, il s’affranchit des canons rigides UN AMOUR À L’ÉPREUVE
un souffle toujours épique. de l’Église et reproduit des visages de DES TEMPS
gens ordinaires, cherchant dans chaque être sa part de divin. Mael vient de perdre
Laurent Gaudé, Eldorado, Actes Sud
C’est un triomphe, c’est un scandale. Il est chassé, son œuvre femme et enfants
Dernier volet de la saga des Déracinés, l’ouvrage nous est brûlée. On ne défie pas impunément l’ordre établi. suite à une épidémie
transporte en République dominicaine. « C’est en de peste. Au contact
Metin Arditi, L’homme qui peignait les âmes, Points
continuant à nous battre pour créer le pays dont nous rêvons d’un menhir perdu,
que nous ferons une patrie de la terre Dirigé par Jean-Claude Monod et il acquiert la capacité
qui est sous nos pieds. » Fidèle à nourri des contributions de parcourir ses
cette maxime, l’héroïne lutte pour d’une trentaine d’universitaires, différentes vies
la mémoire de sa communauté, ce monumental dictionnaire propose antérieures et décide
alors que les touristes commencent un voyage initiatique dans l’œuvre alors de s’engager
Philippe Bonneyrat, Le Dresseur
à déferler sur l’île et que sa fille part d’un homme qui a révolutionné de pierres, éd. Kiwi Romans dans un périple
étudier aux États-Unis. Mais l’Histoire l’ethnologie sous le signe du temporel traversant
les rattrape : de l’attentat du World désenchantement par rapport différentes époques, persuadé de pouvoir
Trade Center au terrible séisme de à l’humanisme traditionnel. ainsi retrouver son amour perdu. De l’Écosse
2010 en Haïti, en passant par les Ses réflexions engagent non à l’Égypte et du néolithique à la renaissance,
émeutes en République dominicaine, chacun doit tracer seulement une idée de l’humanité – dans son unité et Philippe Bonneyrat nous propose une fresque
son chemin, malgré les obstacles et la folie du monde. ses différences, dans ses liens vitaux avec la nature –, historique documentée sous forme d’un
mais une conscience aiguë des conditions précaires parcours initiatique nourri d’ésotérisme,
Catherine Bardon, Un invincible été, Pocket
de sa survie, esquisse d’un nouvel humanisme qui entre alchimie et réincarnations. n
réintégrerait l’être humain dans la nature et le vivant.
Jean-Claude Monod (dir.), Dictionnaire Lévi-Strauss, Bouquins
POLAR PAR CLÉMENT BALTA
ÇA Y VA FRANCO !
Ça valait bien une unique chronique. Car décidément, après la BD nostalgique de la Françafrique ». Sig, un entrepreneur du numérique
Éléments de langage de l’ancien porte-parole de l’Organisation éducatif, va se trouver au cœur de l’enquête, lui qui navigue entre le
internationale de la Francophonie Bertin Leblanc (voir FDLM 440), la monde universitaire africain et les organisations chargées de cette
Francophonie institutionnelle semble inspirer des élans artistiques ! « francophonie officielle à défaut d’être réelle ». Doublées d’une relation
Voilà que l’ancien recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie amoureuse avec une anthropologue spécialiste du vaudou, les aventures
Jean-Paul de Gaudemar s’y colle, avec un roman (son second, après du héros vont le mener à s’interroger sur les politiques éducatives du
La Maison peinte en 2021, déjà chez L’Harmattan) au titre éloquent : continent et à essayer de comprendre les tenants et les aboutissants
Francophonie meurtrie. Y aurait-il un message caché ? de ces meurtres ciblés. Avec un enjeu plus grand que la fin tragique
Toute ressemblance avec des personnages ayant existé n’est peut- des individus, la question du destin de la francophonie elle-même sur
Jean-Paul de Gaudemar, être pas fortuite… La trame : d’éminentes personnalités africaines un continent qui reprend possession de ses propres langues tout en
Francophonie meurtrie, francophones sont assassinées par « un mystérieux commando s’ouvrant au monde, et dont elle ne semble pas comprendre l’évolution. n
L’Harmattan

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 71

MÉMO | à voir
LE BONHEUR EST
DANS L’APRÈS
Quelle distribution ! Depardieu,
Prévost, Firmine Richard, Marthe
Villalonga, Antoine Duléry ou
encore Kev Adams, également
coproducteur et coauteur du film.
Thomas Gilou a signé quelques-
unes des meilleures comédies
françaises de ces dernières années,
dont, aujourd’hui, Maison de retraite.
Une œuvre parfaitement en phase
avec l’actualité puisqu’elle évoque
le calvaire des pensionnaires d’un Ehpad,
arnaqués par le directeur, mais qu’un jeune
va prendre en sympathie au point d’imaginer
un truc fou ! Rien de transcendant dans
la réalisation, mais de bons moments de rire. n
UN PÈRE ET PASSE
L’action se passe au Sénégal. Deux
frères, un imam qui exerce avec
intelligence et un politicien prêt
à toutes les compromissions,
ne se supportent pas. Leurs visions
du monde sont opposées, l’un est
modéré, l’autre radical. Et quand
leurs enfants décident de se marier,
c’est la panique. Mamadou Dia
signe un film tout en finesse et
avec beaucoup de subtilité. Le Père
de Nafi ravira les cinéphiles désireux de dé-
couvrir un univers exigeant loin des histoires
rebattues des blockbusters américains. n
PAPA POULE
Le cinéaste Omar El Zohairy signe,
avec Plumes, une fable réjouis-
sante – tout autant que surréaliste
– sur la société égyptienne
d’aujourd’hui, à travers l’incroyable
parcours d’une mère qui doit
subvenir aux besoins de sa famille
alors que son mari a été transformé
par un magicien… en poulet !
L’absurde le dispute au fantastique
et laisse présager d’un cinéaste
à suivre avec attention : bardé de récompenses
et distinctions dans les festivals internationaux,
Plumes est son premier long-métrage. n
72
TROIS QUESTIONS À NICOLAS GIRARD DELTRUC
Le Festival du nouveau
cinéma (FNC)
se déroulera du 5 au
16 octobre à Montréal.
Présentation de cette
manifestation atypique
et pointue par son
directeur général,
Nicolas Girard Deltruc.
PROPOS RECUEILLIS
PAR BÉRÉNICE BALTA
« C’EST BIEN PLUS QU’UN
SIMPLE FESTIVAL DE FILMS »
Comment définir l’offre cinéphilique
du FNC aujourd’hui ?
Nous sommes toujours fidèles à l’esprit des
débuts. C’est bien plus qu’un simple festival
de films, il met en avant le nouveau cinéma
et toutes les sortes d’images en mouvement
(du grec kinema). Nous choisissons les
œuvres non seulement pour la qualité
de leurs réalisations mais aussi pour leurs
contenus. Nous souhaitons faire émerger
de nouveaux talents tout en continuant
à suivre les créateurs dont nous avons fait
découvrir les œuvres auprès de notre
public depuis les cinquante dernières
années. Le FNC n’a donc pas changé dans
sa philosophie si ce n’est qu’aujourd’hui,
sa forme est différente et sa portée beau-
coup plus importante.
Comment expliquez-vous l’attrait
de votre festival sur les cinéastes ?
Depuis 1971, beaucoup ont fait leurs
débuts ici et nous avons continué à les
suivre, à présenter leurs œuvres et à les
inviter régulièrement. La façon dont nous
les accueillons, avec la même sincérité et le
même enthousiasme depuis si longtemps,
fait qu’ils prennent plaisir à venir et revenir.
Au fil des ans, nous avons développé des
liens forts avec les producteurs et les pro-
ductrices du monde entier ainsi qu’avec les
studios à Hollywood, grâce à qui on invite
de grandes personnalités du cinéma et des
nouveaux médias. Je pense par exemple,
pour notre 50e anniversaire en 2021, à Jane
Campion ou à Denis Villeneuve, venu pour
Dune et lors de la première nord-américaine
de Blade Runner 2049.
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
© Claire Garate
Après deux ans de crise sanitaire,
que proposez-vous et qu’espérez-vous
de cette 51e édition ?
Ces deux années difficiles ont malgré tout
été l’occasion d’une grande remise en
question et d’essayer d’avoir une nouvelle
vision de ce que sera notre industrie
à l’avenir. C’est la raison pour laquelle
il est primordial pour nous de nous
considérer avant tout comme un work
in progress plutôt que comme un vieux
festival établi, sans beaucoup de marge
de manœuvre. Nous avons créé l’an passé
un tout nouveau volet de projections
événementielles, extérieures et gratuites,
pendant quatre jours, en plein cœur de
Montréal : « L’Estival du nouveau cinéma
de Montréal ». Avec des projections de
films sous les étoiles, des performances
et des concerts, ainsi qu’un volet gastro-
nomique. Nous lancerons aussi un volet
dédié aux professionnels de l’industrie,
« Le Nouveau Marché », lieu de rencontre
et d’échange pour les producteurs et
productrices, réalisateurs et réalisatrices.
Nous devrions également procéder dès
cette année au lancement d’une toute
nouvelle section dédiée entièrement aux
séries télé. Alors, nous espérons que cette
51e édition se déroule sans mauvaises
surprises, mais surtout avec la ferme
intention d’accueillir des invités passion-
nants, de partager ces rencontres et
les œuvres avec un public sans cesse
grandissant, tout en développant
davantage encore notre capacité à
pouvoir soutenir et aider notre industrie
dans son développement. n

© Shutterstock
ET DIEU CRÉA TRINTIGNANT
Il se rêvait en « acteur clandestin ». Et plutôt sur les
planches que sur l’écran. Il a connu la gloire en trois
films (Un homme et une femme, Z et Ma nuit chez
Maud) à trente ans passés, avec des cinéastes fort
différents, et est revenu à ses premières amours,
le théâtre, sur le tard. Plutôt par des lectures d’ailleurs,
celles de ses poètes préférés, Apollinaire, Prévert, Vian,
Desnos. Une façon de conjurer l’échec foudroyant
d’un Hamlet, en 1971, mis en scène par Maurice
Jacquemont ? C’était sans doute parce qu’il savait,
au fond de lui, que c’était son « vrai métier » et, surtout,
le moyen de jouer avec sa fille, Marie, jusqu’à sa mort
tragique, en 2003. C’est que, comme pour certains
de ses rôles, la vie ne l’a pas épargné. Jean-Louis
Trintignant, né à Piolenc, dans le sud de la France,
en 1930 – qui ne se voyait pas comme un séducteur,
malgré les plus belles femmes passées dans ses bras –,
aura eu avec Nadine, réalisatrice, trois enfants. Seul
le garçon, Vincent, est toujours en vie.
Ancien grand timide, que le théâtre apprendra
justement à désinhiber (tout en lui faisant perdre
son fort accent méditerranéen), venant d’une famille
bourgeoise engagée, l’acteur qui s’est frotté sans
LES PROCHAINES SÉANCES
Du 30 septembre L’ex-
au 7 octobre, COLCOA
le Festival inter- devient
national du film The
francophone de American
Namur, en Bel- French Film Festival. Du 10 au
gique, soufflera 16 octobre, tout ce qui se fait de
sa 37e bougie, mieux dans l’Hexagone, films, sé-
en présence de son président, ries, sera présenté sur Sunset Bou-
le comédien Olivier Gourmet. n levard à Hollywood, Los Angeles. n
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
PAR BÉRÉNICE BALTA
PLATEFORME
DES FILMS DANS LA LUMIÈRE
Les plateformes, en pleine ascension,
ne se contentent plus de « seulement » diffuser
du contenu. Elles produisent de plus en plus,
voire s’investissent auprès de festivals, évènements
ou manifestations. Ainsi, début juillet, UniversCiné,
partenaire du Festival cinéma & musique de film
de La Baule, offrait au meilleur film – Flee, de Jonas
Au Festival de Cannes, en 2012.
Poher Rasmussen – un « Coup de projecteur »,
soit une campagne marketing pour sa sortie
en VOD, disponible jusqu’en décembre. De quoi
aider les jeunes artistes indépendants. n
succès à la réalisation dans les années 1970
(Une journée bien remplie et Le Maître-nageur) n’était pas SÉRIE
l’homme d’une seule passion. La course automobile RETOUR SUR UNE TRAGÉDIE
fut sa grande compagne. Il échappa même Le 5 décembre 1986,
miraculeusement à la mort aux 24 heures du Mans un jeune étudiant de
en 1980, mais y rencontra sa dernière épouse, Mariane 22 ans, Malik Oussekine,
Hoepfner, elle aussi coureuse de rallye. Autre centre d’origine algérienne,
d’intérêt, le poker, qui lui faisait dire : « C’est un jeu de est frappé à mort par des
méchanceté, où l’on s’en prend au plus faible. C’est un policiers à moto. Antoine
raccourci saisissant de la vie. » Enfin, à l’aube Chevrollier, à partir des
de sa vieillesse, à la fin des années 1990, il rachète des minutes des audiences
vignes, se lance dans le vin et créé le Rouge Garance, et d’archives, a réalisé,
en hommage à Arletty. plus de 35 ans après
Après 10 ans d’absence, en 2012, l’inclassable les faits, une mini-série
Autrichien Michael Haneke réussit à le faire revenir remarquable de
au grand écran, dans Amour, Palme d’or à Cannes, 4 épisodes de 52 minutes, avec Kad Merad
César du meilleur film et du meilleur acteur, Oscar du et Hiam Abbass, et sobrement intitulée Oussekine.
meilleur film étranger et European Award du meilleur Quand la fiction transcende l’Histoire avec un grand
interprète. Pour un retour, ça en valait la peine ! H, elle permet d’accéder à une forme de thérapie
Le 17 juin, il s’est éteint, sans bruit, « paisiblement, pour cautériser une tragédie française. n
de vieillesse, chez lui, dans le Gard, entouré de ses
proches », a annoncé sa femme… Au milieu des vignes
Retrouvez les bandes
et des oliviers qu’il affectionnait tant. n annonces sur FDLM.orG
espace abonné
Paris, Ville
Pour sa réouverture Lumière, ville
le musée Albert-Kahn, de cinémas…
à Boulogne-Billancourt, Pourtant, en dix
organise jusqu’au ans, plus de 100
13 novembre « Autour salles ont disparu.
du Monde, la traversée Photos et témoi-
des images, d’Albert gnages des ouvreuses, projection-
Kahn à Curiosity ». Une exposition des nistes ou caissières font revivre
représentations du voyage à travers la le Rialto, l’Éden ou le Far-West.
photo et le film du début du xxe siècle Paris Cinés, 1982-1992. Des cinémas
jusqu’à aujourd’hui. n disparaissent, de Jean-François
Chaput, est paru chez Snoeck. n
73
Retrouvez les 50 années du
Français dans le monde
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PAR DELPHINE BARREAU OUTILS | FICHE
FICHE RÉALISÉE EN PARTENARIAT AVEC
OBJECTIFS
NIVEAU : B1 n Pédagogiques :
DURÉE : 1 HEURE - Comprendre un reportage radiophonique
[40 min pour l’activité de pré-écoute et les activités de compréhension. - Se familiariser avec le vocabulaire de l’informatique et du numérique
20 min pour la production.] - Utiliser la mise en relief avec les pronoms relatifs simples (qui, que, dont)
n Communicationnels : Présenter l’utilité et les qualités d’une application
MATÉRIEL Retrouvez le document sonore, sa transcription et les solutions
n L’extrait sonore et un lecteur audio à cette fiche sur votre espace abonné www.fdlm.org

ABCCODE :
UN OUTIL ÉDUCATIF POUR LES ENFANTS
Quand la technologie se met au service de l’éducation des enfants. Dans ce reportage, les journalistes Richard Onanena et
Luc Armel Ngouo rencontrent, à Yaoundé (Cameroun), Arielle Kitio qui présente la plateforme éducative abcCode.

FICHE ENSEIGNANT

ACTIVITÉS DE PRÉ-ÉCOUTE
Objectif : Se familiariser avec le vocabulaire de l’informatique
et du numérique
Les apprenants mobilisent leurs connaissances sur les mots-clés
de l’extrait. Ils retrouvent les définitions. À l’oral, ils complètent
la liste avec les mots qu’ils connaissent déjà autour du thème
(un ordinateur, un logiciel, cliquer, télécharger, se connecter, une
connexion Internet, etc.). Des précisions peuvent être apportées
sur les mots vus. Par exemple : on utilise davantage l’abréviation
« appli » pour « application » ; on peut dire « programmation »
pour « codage ».
COMPRÉHENSION GLOBALE - ARIELLE KITIO ET LE CAYSTI (ACTIVITÉ 1) :
Objectif de l’activité 1 : Comprendre les informations principales :
qui et quoi ?
Écoute = écoutez l’extrait en entier.
Les apprenants lisent les questions avant
d’écouter l’extrait une fois. Ils font cette
activité de manière individuelle puis font
une première correction par groupes de
deux. La correction se fait ensuite avec
le groupe classe.
Les apprenants lisent les questions avant de réécouter l’extrait.
Ils complètent le tableau de manière individuelle (pour la partie
« qualités », demandez-leur de noter les adjectifs entendus).
Puis ils font une première correction par groupes de deux. Lors de
la correction ensuite avec le groupe classe, les apprenants font la
2e activité (la particularité de l’application) ensemble. Ils peuvent
s’aider de la transcription.
METTRE EN VALEUR (ACTIVITÉ 3 )
Objectif de l’activité 3 : Utiliser « C’est… qui/que/dont… »
pour mettre en valeur
À l’écrit
Les apprenants font cette activité de manière individuelle puis la
correction se fait avec le groupe classe. Cette activité peut être
l’occasion d’une révision des pronoms relatifs simples.
Après la correction, les apprenants
échangent de manière spontanée sur
l’application abcCode et sur leurs
expériences des applications éducatives
en formulant des phrases simples
(« J’utilise l’appli X pour apprendre à/
améliorer/ m’entraîner à… »).

COMPRÉHENSION DÉTAILLÉE – L’APPLICATION PRODUCTION ÉCRITE ET ORALE (ACTIVITÉ 4 )

ABCCODE (ACTIVITÉ 2) :
Objectif de l’activité 4 :
Objectif de l’activité 2 : Comprendre Présenter l’utilité et les qualités
les informations détaillées : d’une application
la description de l’application
Les apprenants préparent leur texte
Écoute = réécoutez l’extrait de 0’41 en classe ou à la maison. Puis, ils le
(«  Déjà plus de 10 ans  ») jusqu’à 01’44 présentent à la classe à l’oral.
(« d’autres langues »).

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 75

 FICHE À DÉTACHER ET À DISTRIBUER AUX APPRENANTS
FICHE APPRENANTS
ACTIVITÉ DE PRÉ-ÉCOUTE : INFORMATIQUE ET NUMÉRIQUE « […] parce qu’on est partis d’un constat […] c’est que la plupart
des outils qui existaient pour initier les enfants au codage avaient
1) Les nouvelles technologies : connaissez-vous ces mots ?
beaucoup de mots venant de l’anglais = _______________, ce qui
Reconstituez les définitions.
était une vraie difficulté = _______________ pour ces enfants-là qui
… apprendre à distance grâce au sont nés dans des pays ou dans des régions où ils pensent, où ils réflé-
Le codage consiste à… multimédia. chissent dans d’autres langues. »
Une plateforme de … des machines de simuler Reformulez avec vos propres mots à l’oral la particularité de
e-learning permet d’… l’intelligence humaine. cette application.
Une application mobile … donner des instructions à un
est… ordinateur.
L’intellligence artificielle … un logiciel directement téléchargé ACTIVITÉ 3
permet à… et installé sur un smartphone. 1) Lisez et complétez les phrases avec les pronoms relatifs :
qui – que – dont.
2) Connaissez-vous d’autres mots associés au même domaine ?
1. AbcCode est une appli ________ fonctionne avec ou sans
....................................................................................................... connexion Internet.
....................................................................................................... 2. C’est une application ________ les enfants peuvent utiliser
dès l’âge de sept ans.
3. C’est une plateforme ________ l’objectif est d’apprendre la
ACTIVITÉ 1 : ARIELLE KITIO ET LE CAYSTI programmation créative aux enfants.
Écoutez l’extrait en entier. 4. C’est un outil ________ les jeunes ont la possibilité d’utiliser
dans leur langue maternelle.
1) Qui et quoi ? 5. C’est une application ________ est ludique et créative.
Qu’entendez-vous ? Complétez les phrases.
Rappel : la mise en relief
- Arielle Kitio a _______________ ans et travaille au Caysti, un Quand on veut mettre en avant une information, on peut utiliser
centre d’éveil _______________ pour jeunes à Yaoundé. la formule : « C’est... qui/que/dont… »
- Arielle est la ________________ du Caysti. Le Caysti initie les Exemple : L’application est simple et facile à utiliser.
______________ et plus particulièrement les ________________ liés C’est une application qui est simple et facile à utiliser
aux nouvelles technologies et propose des formations et des
logiciels en technologie de ______________
- Arielle est diplômée depuis plus de ______________ ans de l’école Et vous, que pensez-vous de cette application ? Utilisez-vous
polytechnique de Toulouse. Elle présente au journaliste des applications ou des sites pour apprendre en ligne ? Pourquoi ?
l’ ________________ abcCode.
- Depuis ______________ ans, le centre Caysti a initié environ
_______________ enfants aux technologies de l’information et de la PRODUCTION : PRÉSENTER UNE APPLICATION
communication au _______________ et en ________________ Faites un groupe de 2 ou 3. Choisissez une application ou un site
d’e-learning que vous aimez utiliser. Complétez le tableau.
ACTIVITÉ 2 : L’APPLICATION ABCCODE Nom de l’application
Écoute = Écoutez l’extrait de 00:41 jusqu’à 01:44. Puis aidez-vous de Public – âge
la transcription.
Fonctionnement
1) La présentation générale
Objectif
* L’application abcCode
Particularité
Public – âge
Qualités
Fonctionnement
À partir des informations du tableau, écrivez un petit texte de présen-
Objectif tation de l’application ou du site. Utilisez les expressions de l’encadré.
Qualités Entraînez-vous à lire votre texte à voix haute avant de le présenter à
la classe.
2) La particularité de l’application
Trouvez les mots ou expressions synonymes dans la transcription de
l’extrait. Rappel :
Vous pouvez utiliser les expressions vues dans l’extrait :
« AbcCode, c’est vraiment le fruit d’un travail long et difficile
= _______________ » - C’est une application… qui/que/dont….
- Elle initie à + infinitif
« Donc, c’est une plateforme intuitive, qui permet d’apprendre en - Elle permet de + infinitif
s’amusant = _______________ et qui permet d’initier les enfants au - Elle fonctionne… + infinitif
codage […] en écrivant dans la langue dans laquelle ils se sentent bien
= _______________ »

76 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

PAR ALICJA KRAWCZYK OUTILS | FICHE
NIVEAU : A2, ADULTES ET GRANDS ADOLESCENTS n Socioculturels : noter les informations essentielles, concernant l’histoire du Minitel
n Linguistiques : expliquer la règle de l’utilisation des articles contractés avec la
OBJECTIFS LINGUISTIQUES préposition « à »
n Pragmatiques : parler de l’utilisation de l’ordinateur dans sa vie quotidienne, acheter MATÉRIEL
un ordinateur, signaler les problèmes informatiques les plus fréquents n 7 bouts de papier à disposer dans une salle de classe, tableau, feutres, chronomètre

CONNAISSEZ-VOUS VRAIMENT
VOTRE ORDINATEUR ?
FICHE ENSEIGNANT

MISE EN ROUTE ACTIVITÉS 4 : COMPRÉHENSION D’UNE PUBLICITÉ

Avant la leçon, préparer sept bouts de papier avec les mots suivants
inscrits dessus : l’écran, la souris, le clavier, la connexion Internet, le
processeur, la carte graphique, le disque dur. Disposer les bouts de
papier dans différents endroits de votre salle de classe.
ACTIVITÉS 1 : LA CHASSE AUX MOTS
Une fois que vos élèves seront entrés dans la classe, demandez-
leur de retrouver toutes les sept fiches et de dire à quel objet de la
vie quotidienne se réfèrent les mots qui y sont inscrits. Réponse
attendue : l’ordinateur. Annoncer le sujet de la leçon : L’ordinateur
dans ma vie quotidienne.
ACTIVITÉS 2 : ASSOCIATIONS ET ARTICLES CONTRACTÉS
A. Réunir les mots retrouvés ; vous pouvez demander à sept per-
sonnes d’écrire chacun de ces mots au tableau et invitez vos appre-
nants, par la suite, à associer les termes aux activités listées sur leur
fiche apprenants.
Solutions : a) souris, b) clavier, c) connexion Internet, d) écran, e)
carte graphique, f) disque dur, g) processeur
B. à + nom féminin au singulier à la ; à + nom masculin au sin-
gulier au ; à + nom masculin ou féminin au singulier, commen-
çant par une voyelle ou le « h muet »
C. aux (à + nom masculin ou féminin
au pluriel)
Demandez aux élèves d’observer les fiches techniques de quatre
ordinateurs et de lire dans un deuxième temps, les profils de quatre
clients potentiels. Proposez-leur de trouver le modèle correspon-
dant le mieux au profil de chacun.
Solutions : Yaël - ordinateur n° 3, Daniel - ordinateur n° 4, Olga - ordi-
nateur n° 1, Martin - ordinateur n° 2
ACTIVITÉS 5 : ACHAT D’UN ORDINATEUR
Proposez à vos élèves d’utiliser les fiches techniques de l’activité
précédente pour jouer une scène dans un magasin multimédia.
C’est un sujet qui peut apparaître à l’examen du DELF A2 ! Il faut
noter que lors de l’épreuve orale, c’est toujours l’examinateur qui
incarne le vendeur mais dans votre classe, vous pouvez demander
à un étudiant de jouer ce rôle. Peut-être qu’il y en a un qui s’inté-
resse particulièrement à l’informatique ? ;-) Pour rendre l’activité
plus attrayante vous pouvez préciser que leur dialogue doit durer
3 minutes au minimum, comme au DELF.
ACTIVITÉ 6 : ORDINATEUR EN PANNE…
Dans cette activité, nous allons demander à nos apprenants d’asso-
cier les éléments des deux colonnes afin de reconstituer les pannes
informatiques les plus courantes.
Solutions : A-b, B-d, C-c, D-a, E-f, F-e.

ACTIVITÉ 7 : PRODUCTION ÉCRITE

ACTIVITÉS 3 : INTERACTIONS EN BINÔME
Pour clôturer notre leçon, un peu
Les apprenants échangent en binôme d’écrit. Vos étudiants seront amenés
les informations sur leur utilisation à rédiger un mail pour décrire à leur
de l’ordinateur. Pour répondre à la ami informaticien une panne infor-
question n° 3, ils peuvent s’inspirer du matique qui les a bloqués dans leur
vocabulaire utilisé dans l’activité précé- travail. Même si cela peut paraître
dente. Procéder à la mise en commun compliqué, n’oublions pas que l’activité
(si le groupe-classe est trop nombreux, n° 6 contient une bonne quantité de
je vous conseille de limiter l’interroga- vocabulaire nécessaire à réaliser cette
tion à 4 binômes au maximum). tâche. Un petit mail de 60 mots au mi-
nimum, conformément à la longueur
de la production écrite au DELF A2.

Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022 77

 FICHE À DÉTACHER ET À DISTRIBUER AUX APPRENANTS
FICHE APPRENANTS

ACTIVITÉ 1 Processeur : Intel i3

Taille de l’écran : 13 pouces
Lisez ensemble les mots inscrits sur les bouts de papier. À quel Disque dur : 64 gigaoctets
objet de la vie quotidienne se réfèrent-ils ? RAM : 4 gigaoctets
Ordinateur
n°3 Poids : 2 kilos
Réponse : L’ __ r __ __ n __ t __ __ r Logiciel : Pack Libre Office
Le plus : suite logiciels de bureautique
Prix : 700 €
ACTIVITÉ 2
A. Lisez les activités citées ci-dessous et associez-y les termes infor- Processeur : Intel i5
matiques trouvés au début de votre cours. Taille de l’écran : 17 pouces
Disque dur : 2 x 1 000 gigaoctets
a) Grâce à la _______________ je peux déplacer le curseur et cliquer. RAM : 8 gigaoctets
Ordinateur
b) Grâce au _______________ je peux taper un texte. n°4
Poids : 6 kilos
Logiciel : Retouche Photos 6
c) Grâce à la _______________ je peux naviguer sur le Web et Le plus : Capacité de stockage
envoyer des e-mails. Prix : 900 €

d) Grâce à l’_______________ je peux lire un texte et visionner des

images.
e) Grâce à la _______________ je peux jouer et faire des montages
vidéo. Yaël : Je suis traductrice et je voyage beaucoup. J’écris des textes et je
f) Grâce au _______________ je peux stocker mes données. travaille souvent dans l’avion, donc j’ai besoin d’un ordinateur assez
léger avec un éditeur de texte intégré. Ordinateur n° ___
g) Le _______________ assure le fonctionnement des programmes
installés sur mon ordinateur. Daniel : Je suis photographe professionnel, j’aimerais avoir un ordi-
nateur avec un logiciel spécial pour éditer mes photos et puis, ces der-
B. Observez les phrases ci-dessus. Pourquoi utilise-t-on « à la » / nières occupent beaucoup d’espace sur le disque dur. Ordinateur n° ___
« au » ou « à l’ » ? De quoi cela dépend ?
Olga : Je suis à la fac et je passe énormément de temps devant l’écran de
C. Quel article contracté allez-vous utiliser dans la phrase sui- mon ordinateur. C’est très fatigant pour les yeux si l’écran est trop petit.
vante ? Entourez l’option qui convient. Le seul problème : je n’ai pas beaucoup d’argent… Ordinateur n° ___
Grâce à la/au/à l’/aux réseaux sociaux comme Facebook et Instagram, Martin : J’adore jouer ! Les nouveaux jeux sont tellement beaux ! Je
je peux contacter mes amis et partager mes photos. cherche un ordinateur avec une très bonne carte graphique, le prix n’a
pas d’importance. Ordinateur n° ___
ACTIVITÉ 3
Parlez de votre utilisation de l’ordinateur avec une autre per-
sonne de votre groupe. Posez-vous les questions suivantes :
ACTIVITÉ 5
1. As-tu un ordinateur chez toi ? Un seul ? Plusieurs ? Fixe ? Portable ?
2. Combien de temps passes-tu devant l’écran de ton ordinateur par jour ? Jouez la scène suivante :
Vous êtes en France, vous devez acheter un nouvel ordinateur. Vous
3. Que fais-tu sur l’ordinateur ? entrez dans un magasin multimédia et vous parlez au vendeur. Vous
Relatez votre conversation aux autres. précisez vos principales activités sur l’ordinateur, vous posez des
questions sur la taille de l’écran, le poids, le prix, les logiciels instal-
ACTIVITÉ 4 lés etc. ATTENTION, votre dialogue doit durer au moins 3 minutes !
Vous pouvez utiliser les fiches techniques de l’activité n° 4.
Yaël, Daniel, Olga et Martin cherchent leur ordinateur idéal. Lisez
les fiches techniques des modèles ci-dessous, analysez les attentes
de chacun et sélectionnez l’ordinateur qui leur correspond le mieux. ACTIVITÉ 6
A. Le processeur est
Processeur : Intel i3 a) mes mails
Taille de l’écran : 21 pouces B. L’écran
b) trop lent
Disque dur : 64 gigaoctets C. Je ne peux pas installer
Ordinateur RAM : 4 gigaoctets c) sur le disque dur
de nouveaux logiciels
n°1 Poids : 12 kilos d) clignote et s’éteint
Logiciels installés : Aucun
D. Impossible d’envoyer
e) quand je joue
Le plus : Un grand écran E. J’ai oublié de sauvegarder
f) un document important
Prix : 600 € F. Mon ordinateur lag

Processeur : Intel i7
Taille de l’écran : 17 pouces ACTIVITÉ 7
Disque dur : 128 gigaoctets
Ordinateur
n°2
RAM : 16 gigaoctets Vous habitez en France. Votre ordinateur est tombé en panne et vous
Poids : 5 kilos n’avez pas fini un travail important. Vous écrivez à votre ami infor-
Logiciel : Invasion de l’espace
Le plus : Carte graphique spéciale jeux maticien pour lui expliquer le problème et pour demander son aide.
Prix : 1 200 € Rédigez un texte de 60 mots au minimum.

78 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

PAR SARAH NUYTEN
NIVEAU : B1, ADOLESCENTS ET ADULTES
OBJECTIFS
n Compréhension de texte
n Description d’une image à l’aide d’un vocabulaire adapté
n Compréhension et explicitation du jeu mot/image
n Argumentation
MISS.TIC : DES POCHOIRS
QUI EN DISENT LONG
C’est une silhouette vaguement familière pour ceux qui aiment observer les murs, à Paris. Presque toujours celle d’une
femme brune, tout en contraste, assortie d’une phrase énigmatique. Les dessins de Miss.Tic sont à la fois poétiques et
engagés. Celle qui avait emprunté sa signature à un personnage de BD (Miss.Tick, la petite sorcière obsédée par le sou
fétiche de Picsou) est décédée en mai à l’âge de 66 ans. Elle laisse derrière elle une œuvre résolument moderne.
FICHE ENSEIGNANT
ACTIVITÉ DE LECTURE INTRODUCTIVE
Objectifs : découvrir un texte et en faire émerger les thématiques
principales
Laisser les apprenants prendre connaissance de cet extrait d’un ar-
ticle du journal Le Monde publié le 22 mai 2022 : « Connue pour ses
silhouettes de femmes brunes, sexy et poétiques au pochoir sur les
murs de la capitale, notamment, la street-artiste Miss.Tic est morte,
dimanche 22 mai, à Paris, peut-on lire sur son compte Instagram.
Elle n’a cessé de façonner sa légende sur les murs, les façades décré-
pites, sous un réverbère, une impasse ou un trottoir mal éclairé. »
Demander au groupe de répondre aux questions de la fiche de
manière individuelle, puis mettre en commun.
COMPRÉHENSION DE L’ORAL
Objectifs : restituer les informations suite à l’écoute d’un texte
court puis mobiliser ses connaissances
ACTIVITÉ 1 : Lire le texte ci-dessous à voix haute en demandant au
groupe d’écouter attentivement, puis de répondre aux questions de
la fiche. Mettre en commun à l’oral.
QUI EST MISS.TIC ?
Radhia Novat est née en 1956 à Paris, d’un père immigré tunisien et d’une
mère normande. C’est dans cette même ville qu’elle meurt le 22 mai 2022,
des suites d’un cancer. Dès son enfance, sa vie est marquée par le deuil :
alors qu’elle n’a que 10 ans, elle perd plusieurs membres de sa famille,
dont sa mère, dans un accident de voiture. Quelques années plus tard,
son père meurt d’une crise cardiaque. Elle se réfugie dans l’art. En 1980,
elle quitte Paris pour Los Angeles et San Francisco. C’est aux États-Unis
qu’elle découvre les milieux punk et underground. Elle expérimente une
vie d’excès, puis revient en France. En 1985, après un chagrin d’amour, elle
réalise sa première œuvre sur un mur du 14e arrondissement de Paris, ce
qui fait d’elle une pionnière du street art français. Il s’agit d’un autoportrait
réalisé à partir d’une photo sur un carton, dont elle fait un pochoir : elle
pose le carton ajouré sur un mur et l’enduit de peinture avant de le retirer.
À côté de l’image, elle inscrit cette phrase : « J’enfile l’art mur pour bom-
barder des mots cœurs. »
ACTIVITÉ 2 : « J’ENFILE L’ART MUR POUR BOMBARDER DES MOTS CŒURS. »
- Relever et expliciter les deux jeux de mots « l’art mur » / l’armure
et les « mots cœurs » / les moqueurs.
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
OUTILS | FICHE
DURÉE : 1H30
MATÉRIEL
n Un rétroprojecteur ou un TBI pour visualiser les œuvres de Miss.Tic
sur le site www.missticinparis.com
- Donner la définition du jeu de mots.
ACTIVITÉS 3 : Mobiliser les connaissances du groupe sur un sujet. Inci-
ter les élèves à s’exprimer à propos du street art. Qu’en savent-ils ?
Quelle image en ont-ils ? Quels autres artistes connaissent-ils ?
ANALYSE D’IMAGE : MISS.TIC, UNE ARTISTE SUBVERSIVE
Objectif : après avoir observé des images, choisir un vocabu-
laire adapté pour les décrire et en faire ressortir le sens.
Avec le TBI, aller sur www.missticinparis.com, dans la rubrique « ar-
chives » puis « pochoirs des rues ». Explorer les sections « 2003 » et
« 2004 » avec le groupe, en attirant l’attention des apprenants sur
les images, sans s’attarder pour l’instant sur les textes.
ACTIVITÉ 1 : Laisser les apprenants répondre aux questions de la
fiche, puis mettre en commun à l’oral.
ACTIVITÉ 2 : Par deux, demander aux apprenants de dresser le portrait
de la femme que souhaite représenter Miss.Tic puis partager les
réflexions avec le groupe. Aiguiller la réflexion : dans les archives de
l’année 2004, les femmes sont souvent représentées armées. Quel en
est l’intérêt ? Quel est le parti pris de l’artiste ? Réponses orales.
ACTIVITÉ 3 : Poursuivre l’exploration « des pochoirs des rues » avec
le groupe en se concentrant cette fois sur le lien image-texte, dans
l’année « 2019 ». Inviter le groupe à réagir de manière spontanée sur
la forme comme sur le fond, puis expliciter.
Exemples : 1) « Mise au poing, la vie c’est juste un coup à prendre » : souli-
gner le jeu de mot entre mise au poing et mise au point ainsi que la polysémie
d’« un coup à prendre » dans ce cas précis. 2) « J’ai mis les voiles, pas le voile » :
souligner contraste entre la mention du voile et la tenue sexy, définir « mettre
les voiles ». 3) « On n’est jamais mieux asservi que par soi-même », expliquer
au groupe comment Miss.Tic détourne le proverbe original « on n’est jamais
mieux servi que par soi-même ».
TRAVAIL D’ARGUMENTATION
Objectif : grâce au vocabulaire et aux notions découvertes lors
de cette séance, élaborer une réflexion d’ensemble sur l’œuvre
de Miss.Tic. Laisser le groupe répondre aux questions puis
mettre en commun.
79
 FICHE À DÉTACHER ET À DISTRIBUER AUX APPRENANTS
FICHE APPRENANTS

I. ACTIVITÉ DE LECTURE INTRODUCTIVE III. ANALYSE D’IMAGE : MISS.TIC, UNE ARTISTE SUBVERSIVE
Article du journal Le Monde : « Connue pour ses silhouettes de À partir des images projetées, répondre aux questions suivantes :
femmes brunes, sexy et poétiques au pochoir sur les murs de la ca-
pitale, notamment, la street-artiste Miss.Tic est morte, dimanche 1. Quelle représentation est récurrente dans l’œuvre de Miss.Tic ?
22 mai, à Paris, peut-on lire sur son compte Instagram. Elle n’a cessé
de façonner sa légende sur les murs, les façades décrépites, sous un 2. Décrivez ce personnage.
réverbère, une impasse ou un trottoir mal éclairé. »
3. À votre avis, de qui Miss.Tic s’inspire-t-elle ?
Après avoir lu attentivement ce texte, répondre aux questions suivantes :
IV. TRAVAIL D’ARGUMENTATION
1. Quel était le thème de prédilection de l’œuvre de Miss.Tic ?
Après avoir découvert l’œuvre de Miss.Tic, répondre aux questions
2. Où exprimait-elle son art ? Relevez plusieurs mots issus du champ suivantes en essayant de justifier les réponses :
lexical correspondant.
1. Quels sont les thèmes abordés par Miss.Tic dans son œuvre ?
3. Relever deux termes qui montrent que Miss.Tic était célèbre.
2. Diriez-vous que c’est une artiste féministe ?

II. ACTIVITÉ DE COMPRÉHENSION DE L’ORAL
Suite à l’écoute du texte, répondre aux questions suivantes :
1. De quelle nationalité était le père de Radhia Novat ?
3. Quel semble être son objectif : faire réfléchir, dénoncer, faire rire ?
4. En quoi le fait qu’elle réalise ses dessins dans les rues renforce la
portée de son message ?

2. Dans quelle ville est-elle morte ?

3. Quel évènement tragique marque son enfance ?

4. Dans quel pays part-elle vivre pendant deux ans ?

5. Suite à quoi réalise-t-elle sa première œuvre sur un mur de Paris ?

6. Que représente sa première réalisation ?

7. En quelques phrases, exprimez ce que vous inspirent les mots de

Miss.Tic : « J’enfile l’art mur pour bombarder des mots cœurs ».

SOLUTIONS
3. La mort de plusieurs personnes de sa famille dans un accident de voiture.
autoportrait. 2. Elle est morte à Paris.
3. D’elle-même au départ, puisque la première femme brune qu’elle réalise est un 1. Il était tunisien.
2. C’est une femme brune, sexy et qui semble puissante. II.
1. Une femme.
III. 3. « Connue » et « légende ».
« impasse », « trottoir ».
6. Un portrait d’elle-même. 2. Dans les rues de Paris : « murs », « street-artiste », « façades »,
5. Un chagrin amoureux. 1. La représentation du féminin.
4. Aux États-Unis. I.

80 Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022

PAR ADRIEN PAYET – ILLUSTRATION : LAMISSEB
L’INCROYABLE HISTOIRE
DU PRONOM COD
6 h 45. Le Grand Ordonnateur se réveille
de mauvaise humeur ! Un énorme bruit
s’entend depuis la cour du palais. Il ouvre en
grand les fenêtres et écarquille les yeux…
des centaines de COD manifestent sur la
place.
— Nous sommes exploités !
— On en a marre de se répéter !
— COD COD COD, on veut être remplacés !
— Oh là là ! Calmez-vous ! crie le Grand
Ordonnateur. Vous allez réveiller tout le
monde avec votre boucan ! Venez plutôt me
voir dans mon bureau !
Le chef des COD monte les marches du
palais, impressionné.
— Expliquez-moi calmement votre
problème. Pourquoi voulez-vous être
remplacés ?
— Nous devons sans cesse nous démultiplier.
Par exemple, écoutez cette phrase : « Marc
aime la glace à la vanille avec des pépites
de chocolat et j’aime aussi la glace à la
vanille avec des pépites de chocolat ! » Vous
entendez ? Comment voulez-vous que je
ASTUCES MNÉMOTECHNIQUES
Les pronoms COD remplacent
les COD quand il n’y a pas de
préposition après le verbe.
Par exemple : Je mange une
pomme = Je la mange (« la »
correspond à « pomme »).
Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
trouve deux COD aussi long dans une même
phrase ?
— Oui je comprends… Vous alourdissez le
texte !
— Notre cote de popularité risque sacrément
de descendre !
— Vous avez raison, il faut trouver un moyen
de vous remplacer. Pourquoi pas par des
pronoms COD… Je vais écrire tout de suite
une fiche de poste. Vous m’aidez ?
— À vos ordres, Monsieur.
— Qu’est-ce que je mets dans « profil
recherché » ?
— Ben, déjà, je pense qu’ils doivent être
courts, pas plus de trois ou quatre lettres.
Et avec une bonne capacité d’adaptation !
On ne sait pas encore où ils se placeront,
ils seront peut-être avant le verbe ou bien
après… Et il faudrait qu’ils s’entendent avec
tout le monde…
— La possibilité d’avoir une apostrophe
est un atout car beaucoup de verbes
commencent par une voyelle.
— Bien vu ! Je pense avoir trouvé !
Le pronom
COD peut
remplacer
une personne,
un objet ou
une action.
OUTILS | MNÉMO
Le Grand Ordonnateur griffonne des noms
sur un papier et demande au garde de les
faire venir au plus vite. C’est ainsi que Me,
Te, Le et La entrèrent dans le bureau.
— Nous aimerions vous proposer un travail,
commença le Grand Ordonnateur. Cela
consiste à remplacer les COD pour éviter des
lourdeurs et répétitions dans les phrases.
Vous trouverez ici une fiche de poste ainsi
qu’un contrat. Voulez-vous y jeter un œil ?
Les invités, ravis, acceptent immédiatement.
Me dit : « Je propose de remplacer la
première personne dans la phrase : Tu
m’appelles ce soir. » « Moi la deuxième
dans : Il t’appelle ce soir », dit Te. « Nous
prendrons la troisième personne dans : Il ou
Elle l’appelle ce soir », ajoutent Le et La.
— Il nous manque le pluriel, souligne le chef
des COD.
— Vous avez raison ! Garde, faites venir
Nous, Vous et Les. Ils nous seront utiles !
— Pour les temps simples je propose que
vous vous placiez avant le verbe, explique
le Grand Ordonnateur. Quant aux temps
composés qui sont toujours à se chamailler,
mettez-vous devant l’auxiliaire, il sera
content. On dira : « Ils l’ont appelé ce soir. »
— Donc on se place toujours avant ?
— Hum… ça me semble trop simple, dit le
Grand Ordonnateur. À l’impératif vous vous
placerez après le verbe !
— Donc on dira « appelle-le » ?
— Oui c’est bien ça ! Félicitations, messieurs
dames, pour vos nouveaux postes.
Dans la cour les cris de la manifestation ont
changé. On entend maintenant clamer :
« Vive les pronoms COD ! Longue vie au
Grand Ordonnateur ! » Le voilà enfin
tranquille… pour un moment seulement. �
FICHE PÉDAGOGIQUE
téléchargeable sur
www.fdlm.org
Les pronoms COD se placent
devant le verbe avec les temps
simples (« je le regarde »), avant
l’auxiliaire dans les temps composé
(« je l’ai regardé ») et après le
verbe à l’impératif (« regarde-le »).
81
OUTILS | JEUX PAGE RÉALISÉE PAR HAYDÉE SILVA

LE S, LEÇON EXPRESS SOLUTIONS

de bois, mais pas si c’est un verbe conjugué.
Prononcera, prononcera pas ? prononce s’il s’agit d’une tige de métal ou
Il existe en français près de 170 000 mots
S
pas si c’est un verbe conjugué. Vis : le S se

qui se terminent en S ! En règle générale,

la première carte d’un jeu de cartes, mais
de pizza »). As : le S se prononce si c’est
leFDLM
S final ne se prononce pas. Cependant,
nº 442 – septembre-octobre 2022
adverbe de négation (« je ne veux plus
il existe quelques dizaines d’exceptions, que plus d’argent ») mais pas quand c’est un
Outils jeux. Le S, leçon express
nous avons réunies ici presqueparauHaydée complet.
c’est un adverbe de quantité (« je veux
Silva à coudre. Plus : le S se prononce quand
À Prononcera,
vous de jouer ! pas? Il existe en français près de 170000 mots qui se terminent en S !
prononcera de quelqu’un, mais pas pour parler du fil
En règle générale, le S final ne se prononce pas. Cependant, il existe quelques dizaines
d’exceptions, que nous avons réunies ici presque au complet. À vous de jouer !
le S se prononce quand il s’agit du fils
os ») mais pas au pluriel (« des os »). Fils :

A1-A2.
LELeS SSANS
sans stress
Os : le S se prononce au singulier (« un
A1-A2. STRESS
Trouvez danslalagrille
grilleles
lesmots
motsindiqués.
indiqués. Attention,
Attention,ililfaut
fautque
queleleS Sfinal sese
prononce ! !
Typhus. Utérus. Vénus. Virus. Vis.
Trouvez dans final prononce
Pour vérifier si le S se prononce, vous pouvez consulter le corrigé de l’activité B1-B2. Texas. Thermos. Tonus. Tournevis. Tunis.
1. Au moins sept prénoms. Stress. Synopsis. Syphilis. Tennis. Tétanos.
1. Au2.
moins sept prénoms.
Au moins cinq villes.
4. Au moins trois animaux. Régis. Rhinocéros. Sas. Sens. Sinus. Strass.
2. Au3.
moins cinq villes.
Au moins quatre plantes. 5. Au moins deux dieux égyptiens. Processus. Prospectus. Psoriasis. Pubis.
3. Au4.
moins quatre plantes.
Au moins trois animaux. Pénis. Plexiglas. Plexus. Plus. Porthos. Praxis.
5. Au moins deux dieux égyptiens. Myosotis. Oasis. Os. Osiris. Ours. Pastis.
Maïs. Marius. Mars. Mathias. Mercedes. Miss.
B1-B2.
B1-B2.LELeSSPOUR
pour les LESas AS Las Vegas. Los Angeles. Lotus. Lupus. Lys.
Coloriez
Coloriez dans
dans la grille
la grille lesles cases
cases de tous
de tous les mots
les mots dontdont
le Slefinal
S final NEprononce
NE se se prononce Une Quelle
PAS.PAS. image apparaîtra. Isis. Kansas. Kermès. Lagos. Laos. Lapsus.
image
Quelle voyez-vous
image apparaitre
voyez-vous ?
apparaître ? Indianapolis. Inès. Infarctus. Intra-muros. Iris.
Honduras. Humus. Ibis. Idriss. In extremis.
LOS ANGELES TENNIS MARS ALIAS JUS RÉGIS OURS STRESS COUSCOUS Fœtus. Francis. Grès. Hélas. Héliopolis.
CACTUS LAPSUS BLUES VIRUS UNIVERS OASIS HÉLAS BICEPS MISS Edelweiss. Eucalyptus. Express. Fès. Fils.

ALBATROS HONDURAS LAGOS LONGTEMPS PROCESSUS INFARCTUS CURSUS

Cumulus. Cursus. Dallas. Diplodocus.
Consensus. Corpus. Cosmos. Couscous.
ABRIBUS LOTUS EXPRESS PUITS DEDANS TYPHUS DALLAS RHINOCÉROS Campus. Caracas. Chris. Clitoris. Clovis.
BORIS SENS BLOCUS CONGRÈS COURS CHAOS CES SYNOPSIS INÈS CLOVIS Blocus. Blues. Boris. Boss. Bus. Cactus.

CHRIS TUNIS MATHIAS PLUSIEURS DESSOUS REPAS CAMPUS ANAÏS VÉNUS

Autobus. Bahamas. Barbès. Biceps. Bis.
Arkansas. Artémis. As. Athos. Atlas.
CORPUS BAHAMAS AUTOBUS VOLONTIERS BREBIS HUMUS KERMÈS ARKANSAS Anubis. Anus. Anvers. Aramis. Ariès.
GRÈS MATELAS EUCALYPTUS SES BAS TES CONSENSUS TRÈS NOS MAÏS Albatros. Alias. Amaryllis. Anaïs. Anis.

LYS SOURIS NÉANMOINS DES OS1 CONFUS BIS COMPAS FILS2 DEVIS IBIS
se prononce) : Abribus. Adonis. Agnès.
qu’il ne faut pas colorier (et dont le S final
DISCOURS ANGLAIS GROS QUELQUEFOIS COLIS SECOURS TEMPS APRÈS Voici, par ordre alphabétique, les mots
VERS POIDS ANIS SANS DÉSORMAIS RUBIS PASTIS REPOS DIS TAS devez voir apparaître l’image d’un lys.

BOSS MIS BOIS FRANCIS LUPUS FRANÇAIS PAYS PLUS3 ADONIS DESSUS ISIS
B1-B2. Si vous avez bien répondu, vous
Osiris.
ANVERS ILS AMARYLLIS ANUBIS VELOURS MERCEDES CUMULUS DOS PLEXUS Rhinocéros. Dieux égyptiens : Anubis. Isis.
PROSPECTUS CLITORIS ATLAS CORPS TOUJOURS LAS VEGAS BARBÈS ARAMIS Animaux : albatros. Diplodocus. Ibis. Ours.

SINUS PÉNIS EUS IDRISS AILLEURS REFUS ANUS PAS PRAXIS FŒTUS
Eucalyptus. Iris. Lotus. Lys. Maïs. Myosotis.
1. Os, au Plantes : Amaryllis. Anis. Cactus. Edelweiss.
HÉLIOPOLIS TAPIS EDELWEISS SUCCÈS CAS DIPLODOCUS VERNIS
singulier. PLEXIGLAS Las Vegas. Los Angeles. Texas. Tunis.
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4 5 Fès. Héliopolis. Indianapolis. Kansas. Lagos.
matière textile.
TÉTANOS PUBIS PRÉ-REQUIS FONDS À REBOURS ANCHOIS LIS OSIRIS TONUS 3. Adverbe de
Villes : Anvers. Arkansas. Caracas. Dallas.
Mathias. Mercedes. Porthos. Régis. Vénus.
SYPHILIS TEXAS MOIS FOIS ANTICORPS DÈS POULS KANSAS TOURNEVIS quantité. Francis. Idriss. Inès. Iris. Marius. Mars.
ARIÈS ARTÉMIS LAOS THERMOS ANS PROGRÈS UTÉRUS AGNÈS MARIUS ATHOS 4. Carte de jeu. Aramis. Artémis. Athos. Boris. Chris. Clovis.
5. Tige de métal
INTRA-MUROS PORTHOS IN EXTREMIS IRIS VOS COSMOS STRASS CARACAS MYOSOTIS ou de bois.
A1-A2. Prénoms : Adonis. Agnès. Anaïs.

1. Os, au singulier. 2. Brins de matière textile. 3. Adverbe de quantité. 4. Carte de jeu. 5. Tige de métal
82 ou de bois. Le français dans le monde | n° 442 | septembre-octobre 2022
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5e édition de La langue française dans le monde
nous plonge au cœur des différentes francopho-
nies qui sont nées et se sont épanouies au fil
des voyages que la langue française accomplit
depuis quelques siècles. Ses pérégrinations l’ont
conduite des terres européennes aux Amériques,
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Afrique subsaharienne, au Levant et même en
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française demeure la 5e langue la plus parlée
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À travers une série d’enquêtes et d’analyses

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vaux de documentation et d’analyses statistiques
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