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Le miroir et le crâne - Chapitre Χ.

Mwiri : l’assermentation de la parole

1Il nous faut maintenant nous intéresser à l’initiation au Mwiri qui constitue une nouvelle étape du
parcours rituel du Bwete et dont l’examen va nous donner l’occasion de revenir sur l’importance
constitutive de la relation aux femmes et au sexe féminin dans la formation du devin-guérisseur nganga.
Le Miviri est une société initiatique masculine très répandue dans les groupes mεmbε et mεryε du Sud
Gabon1. Il partage de nombreux traits communs (fonction sociale, rites de passage, mythes) avec
d’autres sociétés initiatiques comme le Mongala (groupe kota-kele), le Yasi (Galwa), le Ngil (Fang) ou le
Ndjobi (Haut-Ogooué). La fonction première du Miviri est celle d’un classique rite de passage
pubertaire : fabriquer des hommes à partir de jeunes garçons. Seule l’initiation peut en effet octroyer la
vraie masculinité, plus rituelle que biologique – les garçons non-initiés restant comme des femmes2.

2Mais le Miviri constitue également une étape nécessaire dans le parcours initiatique du Bwete : il faut y
être initié pour avoir accès aux secrets les plus importants. Le savoir secret ne peut en effet être
divulgué que si l’on est certain que le dépositaire ne le trahira pas. Or, l’initiation au Mwiri a justement
pour fonction de garantir ce respect du secret. Il y a donc une complémentarité intime entre Bwete et
Mwiri. Peu importe alors l’ordre des initiations. Dans le cadre villageois, un garçon entre
traditionnellement dans le Mwiri dès le début de son adolescence, avant de se faire initier au Bwete
Disumba quelques années plus tard. En ville, la situation est souvent inversée : un homme se fait initier
au Bwete Misɔkɔ pour raison d’infortune, puis sa progression rituelle exige au bout d’un temps qu’il
entre dans le Mwiri, s’il ne l’avait déjà fait adolescent. Un nganga ne peut en effet avancer au-delà
d’edika et motoba sur le chemin du Bwete sans en passer par le Mwiri. Avaler le silure motoba exige
normalement que l’on soit déjà dans le Mwiri, même si certains pères initiateurs acceptent aujourd’hui
de passer outre. Mais le Mwiri reste une nécessité absolue pour ouvrir la voie à la dernière étape
initiatique du Misɔkɔ, la traversée du Bwete.

3Comme le Disumba mais contrairement au Misɔkɔ, l’initiation au Mwiri se fait par cohorte (au moins
trois ou quatre garçons). Dans les nombreux villages où le Mwiri reste un rite de passage obligatoire,
c’est l’oncle maternel qui décide que le temps de l’initiation est venu pour ses neveux (vers neuf ou dix
ans). Mais il n’est pas rare que de jeunes hommes citadins, voire des adultes, retournent au village se
faire initier, tant est tenace l’idéologie selon laquelle on ne peut être un vrai homme sans le Mwiri. Une
même cohorte initiatique ne forme de toute façon jamais une classe d’âge. L’initiation, qui laisse
clairement apparaître la structure canonique des rites de passage (séparation, liminarité, réagrégation),
commence par une phase de réclusion en brousse avant de se poursuivre au village, en privé au corps de
garde puis en public dans la cour centrale.

4Les novices (appelés mbuna) sont brutalement séparés de leur village maternel et conduits en forêt
jusqu’à l’enclos initiatique nzanga, place rectangulaire enclose par une barrière de feuilles de bananier.
Ils doivent alors passer au milieu d’une double rangée d’initiés qui les rouent de coups, tandis que les
grondements du Mwiri se font entendre à l’intérieur de l’enclos. Les novices doivent supporter
stoïquement cette bastonnade pour prouver qu’ils sont des hommes valeureux – le courage étant l’une
des vertus cardinales de la masculinité. Un mbuna peut néanmoins avoir un parrain initiatique (ngonza)
qui le protège en prenant sur lui les coups les plus rudes. Les néophytes sont ensuite poussés dans le
nziba, étendue boueuse située face à l’enclos, où l’on continue de les frapper. Le nziba représente,
d’après le mythe d’origine, la mare aux abords du village où les femmes, par manque de courage,
avaient laissé le monstre Mwiri et où les hommes l’avaient ensuite trouvé (voir Mythe 7 infra). Ce bain
de boue revient ainsi à jeter les novices en pâture au Mwiri. Bastonnades et nziba mettent donc en
scène la mort symbolique des mbuna.

5Boueux et meurtris, les mbuna doivent alors passer leur bras gauche à travers la cloison de feuillage de
l’enclos, apeurés par le redoublement des grondements rauques. C’est à ce moment que le Mwiri leur
fait les scarifications qui marqueront bien visiblement leur appartenance à la société initiatique.
L’opération renvoie à un épisode du mythe d’origine, lorsque la première femme a glissé son bras dans
un trou d’eau d’où provenaient de mystérieux grondements, et s’est fait mordre par le monstre. Au
cours du rite de passage, il est important que les novices ne voient pas celui qui les « vaccine » de la
sorte : la cloison de feuillage les sépare de l’opérateur ; on leur instille un collyre aveuglant et les oblige
à fixer le soleil. Ces scarifications (appelées makembe ou makimba) sont situées au poignet et au coude
du bras gauche. La marque du poignet consiste en une série de trois traits parallèles parfois dédoublés.
La marque du coude ressemble quant à elle à un sexe féminin stylisé3. Tant que ces blessures ne seront
pas guéries, le mbuna ne devra pas avoir de relations sexuelles : ce serait rendre aux femmes le pouvoir
du Mwiri, dont les hommes avaient réussi à s’emparer à leur seul profit.

6Aussitôt les scarifications faites, les mbuna pénètrent à l’intérieur de l’enclos initiatique, opération qui
figure l’engloutissement par le monstre. Jusqu’ici, les néophytes comme tous les profanes avaient
seulement entendu le grondement du génie, mais ne l’avaient jamais vu4. En rentrant dans l’enclos, les
mbuna peuvent enfin voir le Mwiri en face. Ils s’aperçoivent alors qu’il s’agit en fait d’un simple initié
grimé. On leur révèle également que le grondement rauque du génie n’est que la voix travestie d’un
homme5. Mais sitôt cette révélation faite, les novices doivent faire le serment solennel de ne jamais
divulguer que le Mwiri est homme et non génie. Les aînés peuvent alors leur raconter le mythe d’origine
et quelques autres secrets initiatiques.

7Commence ensuite la période de la réclusion et des brimades initiatiques (période qui pouvait durer
deux mois mais se réduit souvent aujourd’hui à une semaine). Les novices restent dans l’enclos, y
mangent et y dorment à même le sol, encore coupés de toute présence féminine. Outre la poursuite de
l’enseignement oral, la réclusion consiste essentiellement en brimades diverses. Les mbuna ont la tête
rasée, le corps enduit d’huile de palme et exposé au soleil, ou bien frotté au charbon. On les réveille au
milieu de la nuit pour les obliger à danser et chanter. Du sable est glissé dans leur nourriture, de toute
façon Spartiate. Les garçons insolents sont brimés plus durement encore. Les aînés aiment d’ailleurs
raconter qu’un incorrigible effronté était même souvent assassiné, et l’est encore parfois. Les initiés se
contentent alors de dire à sa famille que le Mwiri a définitivement avalé leur fils, contrairement aux
autres mbuna qu’il a bien voulu recracher.
Scarifications du Mwiri

8Au bout d’un temps, les mbuna quittent l’enclos de brousse pour s’installer au corps de garde, fermé
pour l’occasion par une barrière de feuilles. Les brimades s’infléchissent alors en humiliation publique.
Devant le mbandja, les novices sont contraints d’exécuter toutes sortes de danses et de mimes ridicules,
face à un public et dans l’hilarité générale. Ils doivent taper interminablement dans leurs mains, sauter à
cloche-pied, hocher la tête sans fin, imiter des animaux ou bien un coït. Les profanes, notamment les
femmes, sont ainsi mobilisés pour la première fois, à titre de spectateurs d’un spectacle risible. Cette
période de brimades se termine par une cérémonie de réagrégation à la communauté villageoise, au
cours de laquelle les mbuna badigeonnés de kaolin rouge dansent devant les femmes. Ces rites de
passage auront en définitive orchestré la mort symbolique puis la renaissance du novice : avalé par le
Mwiri, il est finalement régurgité pour être rendu aux siens. Il a entre-temps subi une transformation
irréversible : de garçon, il est devenu un homme.

9Au Gabon, les jumeaux (mavasa en getsɔgɔ) sont unanimement considérés comme des génies (sauf,
peut-être, chez les Fang). Leurs noms sont spécifiques et appartiennent à une liste close de noms
appariés. Ils sont réputés posséder des pouvoirs extraordinaires. On fabrique un kaolin des jumeaux
(pεmba-a-mavasa), puissant porte-bonheur, en ajoutant au kaolin leur placenta pilé ou même leurs
restes corporels. Et lors de leur naissance, le Mwiri lui-même vient sur les lieux de l’accouchement. Il
existe ainsi un lien étroit entre Mwiri et gémellité. Les jumeaux n’y sont pas initiés comme de simples
mbuna mais à titre de mata, grade supérieur qui leur épargne bastonnades et brimades. Les initiés
manifestent à leur égard les signes du plus profond respect : sur le chemin qui mène du corps de garde à
l’enclos initiatique, les jumeaux marchent sur des nattes ou sont portés sur les épaules. Ce prestige
rejaillit sur leur père qui acquiert lui aussi le grade de mata. Depuis que les hommes se sont emparés du
Mwiri, aucune femme ne peut y être initiée. Mais la mère de jumeaux, sans être véritablement initiée,
acquiert un statut singulier : le Mwiri peut venir devant elle, elle peut assister à certains rites et lors des
manifestations rituelles, elle se place désormais entre le groupe des hommes à l’avant et celui des
femmes à l’arrière.

10La gémellité est valorisée parce qu’elle représente le comble de la fécondité féminine, fécondité qui
était le pilier fondamental de ces sociétés lignagères et reste aujourd’hui une des valeurs sociales les
plus importantes. Et c’est parce qu’il se place également sous le signe de la fécondité féminine que le
Mwiri est si intimement lié à la gémellité. Le mythe de découverte du Mwiri met bien en relief ce
caractère féminin6.

Mythe 7 (origine du Mwiri)


« Un jour, six femmes vont à la rivière pêcher à la nasse. Elles se nomment Misenzo, Dyambo Timba,
Mongo Makita, Mogodi mwa Ngangè, Mogetu one ngongola divoko [la femme qui possède une pomme
d’Adam], Mogetu gombola nzanga [la femme qui balaye l’enclos initiatique, associée à la poule]. Elles
font un barrage pour dénicher les poissons. Dans un trou d’eau plein de silures, elles entendent un
étrange grondement rauque. L’une des femmes y met la main, mais quelque chose la mord. Lorsqu’elle
retire le bras, elle a trois marques au poignet. Les femmes prennent alors une branche de diyombu
[Aframomum citratum ou giganteum] pour fouiller le trou et réussissent à capturer un monstre qui n’a
ni bras ni jambes. C’est le génie Mwiri. Elles le mettent dans leur nasse pour le ramener au village. Mais
le monstre pèse trop lourd et perce les nasses. Pendant tout le trajet, il ne fait que gronder et cracher de
l’eau. N’ayant plus le courage de le supporter plus longtemps, les femmes abandonnent alors le monstre
aux abords du village. Délaissé, le Mwiri appelle les femmes.

Entendant ces étranges cris depuis le corps de garde, les hommes se rendent sur les lieux et voient une
grande étendue d’eau : le Mwiri a recraché plein d’eau afin de survivre hors de la rivière [c’est le nziba].
Interloqués, ils se demandent comment capturer la créature. Ils jettent un chiot à l’eau. Mais le Mwiri
l’avale. Ils jettent alors successivement un tronc de bananier, une panthère et un pygmée, mais à chaque
fois le Mwiri les avale. Ils chauffent finalement un marteau de forge (mutendo) et le jettent à l’eau. Ne
pouvant l’avaler, le Mwiri sort de l’eau. Ils en profitent alors pour le capturer et l’installer dans un enclos
de feuilles de bananier qui fut le premier enclos initiatique nzanga. Là, il y avait des oiseaux tisserins qui,
depuis lors, signalent la présence d’un enclos du Mwiri. Il y avait également les grenouilles dont le
coassement a été le premier tambour du Mwiri. Mais sans nourriture, sans eau et sous le soleil, le
monstre se meurt bientôt. À l’agonie, il demande aux hommes de perpétuer son existence en imitant sa
voix. C’est le début de la société initiatique du Mwiri.

Dans l’enclos, les hommes découvrent Mogetu gombola nzanga [la femme-poule qui balaye le corps de
garde] et la sacrifient. De là vient le sacrifice rituel de la poule. Ils sacrifient de même les autres femmes
qui avaient découvert avant eux le secret du Mwiri, afin de le garder pour eux seuls. Les hommes ont
ainsi pris le Mwiri aux femmes et leur ont donné en échange leur danse Nyεmbε [ou Ndjεmbε, qui est
depuis la principale société initiatique féminine]. Depuis lors, les femmes sont condamnées à servir
l’homme, à cuisiner pour lui, à faire des enfants et s’en occuper. »

11Ce sont donc les femmes qui ont découvert le Mwiri les premières. Cette association privilégiée entre
Mwiri et féminité est confirmée par une série de faits. Le Mwiri est étroitement associé à la gauche, le
côté féminin : les scarifications initiatiques sont au bras gauche, et « passer dans la gauche » sert
communément à désigner l’initiation7. La scarification du coude représente en outre un sexe féminin
stylisé. Le génie est appelé Ma Mwiri (ou lya Mwei), c’est-à-dire « Mère Mwiri ». Et lors des rites de
passages, cette Mère Mwiri avale les néophytes par sa gueule comme un crocodile dévorateur, mais les
recrache par son sexe pour les remettre au monde. C’est donc le Mwiri lui-même qui incarne le pouvoir
procréateur féminin. Le mythe d’origine raconte en effet comment le Mwiri prisonnier dans la nasse
expulse tellement d’eau que cela forme bientôt sous lui une mare qui n’est rien d’autre que le nziba des
rites de passage. Or, le nziba, c’est le « vagin du Mwiri » et l’inondation est explicitement comparée à la
rupture de la poche des eaux avant l’accouchement. L’humidité excessive qui définit le Mwiri représente
ainsi le comble de la fécondité : « Le Mwiri, c’est la femme. Le Mwiri était dans l’eau. Et il y a l’eau dans
le sexe de la femme. »
12Ce que le mythe d’origine raconte et ce que le rite met en œuvre, c’est alors l’appropriation
masculine de ce pouvoir procréateur féminin : les hommes accaparent le pouvoir des femmes et
deviennent capables de remettre au monde des enfants mâles pour en faire des hommes, avec l’aide
rituelle de la Mère Mwiri mais sans le concours effectif des femmes. Certes, aucun de mes interlocuteurs
ne pouvait formuler cela de manière aussi crue. La présence d’une part d’implicite est sans doute une
caractéristique fort générale tant du mythe que du rite. Et certainement, lorsque les rapports de genre
sont en jeu, ce non-dit joue un rôle d’autant plus décisif. À cet égard, mythe et rite du Mwiri sont une
manière particulièrement raffinée de tourner autour du pot : toutes les prémisses sont là, mais tout se
passe comme si la conclusion devait rester informulée.

13Cette forme d’évitement est rendue possible par un mécanisme de dissociation. Le mythe présente la
découverte féminine comme un événement accidentel : les femmes trouvent le monstre au hasard
d’une partie de pêche. Le lien entre Mwiri et féminité semble ainsi n’être que contingent alors qu’il est
en réalité consubstantiel. La capacité reproductrice féminine a en effet été préalablement détachée des
femmes pour s’incarner dans le monstre Mwiri. Elle est donc présentée comme quelque chose
d’extérieur aux femmes. De cette façon, les femmes peuvent ensuite trouver par hasard ce qui leur
appartenait en fait déjà8. Elles peuvent alors mettre le monstre dans leur nasse puis l’abandonner aux
abords du village, et les hommes peuvent venir s’emparer de ce vagin portatif monstrueux qui inonde
tout autour de lui. Cette dépossession opérée par les hommes n’est concevable que si le pouvoir
procréateur a été dissocié des femmes pour devenir une chose appropriable9. Grâce à cette
dissociation, la captation masculine de la capacité reproductrice féminine disparaît, masquée par le vol
masculin d’un monstre découvert fortuitement par les femmes.

14Au-delà du classique rite de passage pubertaire, le Mwiri est également la société initiatique
masculine chargée d’assurer le contrôle de l’ordre social et de punir les transgressions. Un vol, un
adultère ou même un mensonge peut en effet entraîner une sanction magique, punition infligée par le
génie Mwiri sous forme d’une maladie subite (dont le symptôme majeur est un gonflement du ventre).
Et lorsque la justice humaine punit elle-même la transgression, ce sont les initiés du Mwiri qui s’en
chargent. Ce sont encore eux qui peuvent accomplir le rituel de réparation après aveux publics du
coupable. Cette justice du Mwiri repose essentiellement sur des pratiques de type ordalique permettant
d’identifier le coupable.

15L’épreuve de la masse-enclume motεndo est la première de ces ordalies. Le motεndo est un morceau
de fer ou une simple pierre que le forgeron utilise soit à demi enterré comme enclume, soit à la main
comme marteau. Son utilisation ordalique témoigne d’un lien ancien unissant la forge et le Mwiri10.
Lors d’un vol ou d’une dispute envenimée, on peut demander à un aîné du Mwiri de « taper le
motendo » (ou « taper le Mwiri ») afin que le génie punisse lui-même le coupable. L’initié applique sur la
masse-enclume chauffée au feu un mélange d’herbes pilées et de jus de canne à sucre mâchée par les
protagonistes du litige, afin de pouvoir éprouver leur culpabilité ou leur innocence. À l’aide d’une autre
masse, il bat l’enclume, tout en invoquant le Mwiri et en lui expliquant l’affaire. Il jette ensuite à l’eau
l’enclume ou bien un tronc de bananier qu’il a violemment frappé au sol. Ces opérations rituelles
renvoient au mythe de découverte du Mwiri : jeter le motεndo ou un tronc de bananier dans l’eau
comme les hommes avaient fait pour dominer le monstre, lui donner le coupable en pâture pour qu’il
l’avale. Battre le motεndo chauffé au feu équivaut également à une forge symbolique – ce qui confirme
le lien entre Mwiri et forge, le pouvoir ordalique du forgeron étant par ailleurs attesté dans la littérature
(Collomb 1981).

16Une fois le motεndo tapé, le coupable ou le parjure tombera automatiquement malade. On dit alors
qu’il est coincé dans le Mwiri, que ce dernier l’a attrapé ou même avalé. Les symptômes de ce mal sont
un gonflement caractéristique du ventre et des jambes, suivi d’une mort rapide si rien n’est fait à temps.
Le rituel de réparation a lieu au milieu du village, devant le corps de garde, après aveux publics du
coupable. Le mondonga, orateur et interprète des grondements rauques du Mwiri, se munit de la cloche
à manche courbe kendo et invoque le génie pour lui demander de pardonner la faute commise et de
recracher le coupable (Gollnhofer & Sillans 1978).

17Parallèlement à cet usage judiciaire du motεndo, il existe un usage plus asocial et moins avouable. Il
arrive que quelqu’un aille secrètement voir un initié pour qu’il maudisse un ennemi personnel en tapant
expressément le Mwiri afin de le rendre malade ou le tuer. Cet usage proche de l’agression sorcellaire
explique pourquoi en français, le Mwiri est souvent appelé le Diable (on dit ainsi « taper le Diable »). Ce
genre de pratique ferait alors du Mwiri non plus le garant de l’ordre collectif mais à l’inverse
l’instrument d’une vengeance personnelle. C’est pourtant le Mwiri lui-même qui se charge de conjurer
la menace introduite par le mésusage du motεndo : l’opérateur et le commanditaire d’un tel acte
maléfique s’exposent de leur propre chef à ce que la puissance justicière du Mwiri se retourne contre
eux. Paradoxalement, cette punition immanente qui garantit le Mwiri contre ses mésusages affaiblit par
contrecoup son rôle régulateur : souvent dans un conflit, aucun des protagonistes ne craint que l’autre
ne tape le motεndo, puisque, certain de son bon droit, chacun considère que son adversaire a indûment
recouru au Mwiri et que cette attaque personnelle lui retombera dessus ; les deux parties iront donc
taper le motεndo et le conflit s’envenimera.

18Le test du poison mbondo constitue la seconde grande épreuve ordalique liée au Mwiri11. Ce poison
à strychnine est obtenu par décoction des racines rouges de la liane mbondo (Strychnos icaja). Cette
ordalie est fort ancienne, puisque dans sa compilation de 1686, O. Dapper signale déjà sur la côte du
Loango « l’épreuve des Bondes » qui sert à détecter l’origine sorcellaire d’une mort suspecte à l’aide
d’un poison (repris dans Merlet 1991 : 393). Cette ancienneté se double d’une large diffusion : l’usage
ordalique du poison est répandu dans tout le Gabon, et dépasse même le territoire national puisque le
poison oraculaire benge des Azande minutieusement décrit par Evans-Pritchard semble bien être encore
le mbondo12. On recourt au mbondo pour les affaires les plus graves (meurtre, sorcellerie aggravée, vol
important), lorsque le doute quant à l’identité du coupable subsiste après l’épreuve de l’enclume. Le
mbondo est en effet réputé plus efficace que le motεndo, et son diagnostic est réputé infaillible13. Mais
comme pour le motεndo, le pouvoir ordalique du mbondo est clairement lié au Mwiri : avant
l’administration du poison, on tape au sol pour appeler le génie.
19Lorsqu’une affaire exige le recours au poison, tout le village se réunit au matin. Chez les Mitsɔgɔ, la
décoction de mbondo est administrée à des poules qui représentent les différentes personnes
concernées. Si la poule survit, celui qu’elle représente est innocent. Mais si elle meurt, il est
infailliblement coupable. Le fait que la volaille aille mourir aux pieds de la personne renforce encore la
culpabilité. Si le coupable s’évertue à nier, on lui administre alors directement la décoction.
L’administration directe a l’avantage de cumuler l’établissement de la culpabilité et la punition dans un
raccourci imparable : la mort prouve définitivement la culpabilité du suspect14. Chez les Bapunu, on
administre toujours le poison aux hommes sans passer par les poules. Mais la dose ne semble pas
léthale : le coupable est seulement plongé dans un état de grande confusion ; quant à l’innocent,
évacuant rapidement le poison par voie urinaire, il reste indemne de tout symptôme. On raconte que
celui qui réchappe ainsi de l’épreuve du poison en tire un pouvoir divinatoire15.

20Outre l’enclume et le poison, il existe une dernière façon de « taper le Mwiri » : il suffit de taper
énergiquement sur ses propres scarifications initiatiques, au coude puis au poignet, en proférant avec
emphase le jurement consacré « mangɔngɔ ! », « mwiri ! » ou « kiivi ! » Ce geste ponctue abondamment
les discours des initiés du Mwiri, c’est-à-dire théoriquement celui de tous les hommes. Quand un
homme veut souligner emphatiquement ses paroles, pour en manifester l’importance et la véracité, et y
engager sa responsabilité et celle des autres, il claque sur ses scarifications en jurant. Cela indique que
les paroles énoncées « pèsent lourd », qu’il ne s’agit plus de bavardages mais de paroles pouvant
entraîner des conséquences graves.

21Claque et jurement sont ainsi une manière d’engager à la fois le locuteur et ses interlocuteurs dans
leurs paroles et leurs actes. Une redescription linguistique adéquate consisterait à modaliser tous les
énoncés par : « je jure sur le Mwiri que... » Le geste tient donc à la fois du serment et de la promesse. Du
serment, puisqu’il atteste que ce que l’on dit est vrai. De la promesse, puisque cela implique que les
actes évoqués dans les paroles seront effectivement accomplis. En effet, mentir ou ne pas faire ce à quoi
l’on s’est engagé, ou même jurer pour des motifs trop futiles ou par colère, signifie s’exposer au
châtiment magique du Mwiri. Et c’est pour éviter de tels engagements imprudents et impulsifs que le
novice doit attendre jusqu’à un an avant de pouvoir jurer sur ses scarifications : il est encore incapable
de contrôler ce pouvoir qui risquerait de se retourner contre lui et de le tuer. En définitive, le geste leste
les paroles du poids du Mwiri afin de leur ajouter une force illocutoire décisive et de leur donner une
valeur performative16.

22Ce jurement du Mwiri est réputé moins puissant que motεndo ou mbondo. Dans les circonstances les
plus graves, jurer sur les scarifications peut être insuffisant ; on ira alors jurer sur le motεndo ; et si cela
ne suffit pas, on recourra finalement au poison mbondo. Ces trois opérations rituelles n’ont de toute
façon pas exactement les mêmes fonctions : attestation de vérité, promesse et obligation d’agir dans le
cas du jurement ; ordalie judiciaire, identification et punition d’un coupable, dans le cas du motεndo et
du mbondo. Mais elles tirent identiquement leur puissance du génie du Mwiri et concernent
fondamentalement la véridicité, que cela soit celle du locuteur vérace ou de l’ordalie judiciaire.
23En définitive, le modèle de ces paroles jurées évoque une relation de communication idéale où les
locuteurs sont responsables et véraces, où les promesses sont honorées et où les actes suivent
effectivement les paroles. La pratique donne pourtant une image fort éloignée de ce modèle éthique de
la communication : c’est en effet au cours des disputes que les hommes font le plus abondamment
usage du jurement du Mwiri. Les situations réelles de jurement sont souvent plus proches de l’invective
que du serment solennel. C’est donc paradoxalement lorsque la colère les emporte que les hommes ont
recours à un acte illocutoire qui devrait normalement exiger calme et réflexion sous peine de
représailles magiques. Le jurement s’infléchit en juron ou en malédiction que l’on pourrait paraphraser :
« Que le Mwiri t’avale ! » Il s’agit certes encore d’un énoncé performatif, mais sa signification diffère
sensiblement du serment.

24Cette inflexion du serment vers la malédiction était déjà directement visible sur la scarification du
coude qui dessine un sexe féminin stylisé. En effet, pour maudire, les femmes tapent ostensiblement sur
leur sexe ou leurs fesses. Avec les marques du Mwiri, les hommes se donnent donc les moyens de
maudire comme les femmes. Ce lien manifeste entre malédiction et sexe féminin est d’ailleurs pour eux
la preuve que le Mwiri est bien le « mauvais côté » : côté gauche des femmes, et du même tenant, côté
diabolique de pratiques dangereuses qui peuvent entraîner la mort. De là vient cette profonde
ambivalence du Mwiri qui lui vaut ce surnom de « Diable ».

25Les initiés du Bwete qui évoquent ensemble les secrets initiatiques font également un usage
abondant du jurement du Mwiri qui garde dans cette situation la valeur performative d’un serment. Le
cas le plus typique est le jurement d’un aîné annonçant à un cadet qu’il va lui divulguer d’importants
secrets. C’est moins une façon d’attester la vérité de ses propres dires que d’obliger son interlocuteur à
ne pas trahir les secrets initiatiques : « Si tu parles, le Mwiri t’avale ! » Ce type d’usage permet de saisir
le lien essentiel qui unit Bwete et Mwiri autour des questions du secret, du serment et de la parole
rituelle. L’initiation au Mwiri est en effet un préalable nécessaire pour accéder aux secrets les plus
profonds du Bwete. Et les aînés savent bien mettre en scène les limites qu’ils doivent s’imposer avec un
cadet du Bwete encore profane du Mwiri afin d’attiser sa frustration : « Il faut se faire initier au Mwiri
pour connaître les profondeurs du Bwete. Parce que là on est bloqué. [...] Mais une fois initié dans le
Mwiri, vous n’êtes pas libre de divulguer ça. Au contraire, c’est pire encore. » Cette frustration se fait
même humiliation lorsque le garçon est publiquement assimilé à une femme.

26Si le profane du Mwiri est comme une femme et ne peut accéder aux secrets les plus importants, c’est
parce que sa parole n’est pas encore fiable. Rien ne garantit en effet qu’il ne trahira pas, puisqu’il ne
risque pas grand-chose : la sanction magique ricocherait du traître vers les aînés qui lui ont révélé ces
informations et qui sont, eux, dans le Mwiri. Une fois initié, il ne peut en revanche plus trahir sous peine
d’être lui-même avalé par le génie. Être initié au Mwiri signifie donc être pris dans les filets d’une justice
magique, d’une sorte de police du secret qui garantit la non-divulgation des informations initiatiques aux
profanes. Le Mwiri protège le Bwete.
27Cette caution du secret repose sur un épisode précis du rite de passage du Mwiri : le serment.
Immédiatement après l’imposition des scarifications, on révèle aux mbuna que ce n’est pas un crocodile
monstrueux qui leur a fait ces marques mais un simple initié. Les novices doivent alors faire aussitôt le
serment solennel de ne jamais révéler ce secret aux profanes. S’ils trahissent sa nature humaine, ils
mourront punis par le Mwiri. Cette menace de sanction repose donc encore sur le Mwiri, alors même
que l’on vient de révéler que le génie n’existe pas. Mais les mbuna comprennent que les initiés se
chargeraient eux-mêmes d’exécuter la sanction au nom du Mwiri. La démystification n’annule de toute
façon pas la crainte : « Même quand on sait que c’est telle personne qui imite le Mwiri, on a quand
même peur. »

28Peu importe, en outre, que ce secret soit largement éventé et que les femmes sachent la vérité
malgré leurs dénégations publiques. Le mythe de découverte du Mwiri ne raconte de toute façon pas
autre chose : si ce sont les femmes qui les premières ont trouvé le Mwiri, avant que les hommes ne le
leur arrachent, alors il est bien évident qu’elles savent depuis le début de quoi il retourne. Personne
n’est dupe bien que les deux parties feignent de l’être : « Les femmes connaissent le Mwiri car ce sont
elles qui l’ont découvert en premier. Elles font juste semblant de l’ignorer. »17

29L’important réside plutôt dans le lien manifeste qui unit le serment initial, les scarifications, le secret
initiatique et le jurement du Mwiri. En effet, le serment initial de ne pas dévoiler la nature humaine du
Mwiri est bien ce qui fonde et assure l’interdit générique de divulgation de n’importe quel autre secret
sous peine de sanction. L’expérience rituelle marquante des scarifications et du serment forme le
prototype fondateur de la règle générale du secret initiatique. Il y a ainsi passage entre un secret
particulier (la nature humaine du Mwiri) et le secret initiatique en tant que classe générique indéfinie.
C’est pour cela qu’il importe finalement peu que le secret central du Mwiri soit éventé : il vaut moins par
son contenu que par le fait qu’il instaure la configuration relationnelle nécessaire au respect de tous les
secrets initiatiques, en liant serment, scarifications, jurement et sanction magique.

30Les cicatrices au bras gauche de l’initié sont en effet là pour rappeler ce lien constitutif. Les
scarifications sont faites juste avant la révélation du secret et le serment. De plus, parce qu’elles le
marquent irrémédiablement, l’initié est obligé de ne pas trahir les secrets. Enfin, c’est en tapant sur ces
mêmes scarifications que l’on réitère pour soi et pour les autres l’obligation de la promesse. Les
stigmates initiatiques du Mwiri sont donc une promesse inscrite dans la chair, cicatrices qui réactivent
un engagement passé. Dans la seconde dissertation de la Généalogie de la morale, F. Nietzsche liait de
façon similaire promesse, douleur, marque physique et dette (Nietzsche 1971)18. Ce qui permet de
garantir au futur la promesse est cependant moins la pure sensation de douleur et son souvenir cuisant
que les conditions rituelles de son imposition, avec sa configuration relationnelle novices-aînés-femmes
(les aînés battent et scarifient les novices en faisant croire aux femmes que leurs enfants sont mis à
mort). Il est toutefois patent que dans le Mwiri, la douleur joue également un rôle décisif, moins
d’ailleurs par les scarifications elles-mêmes que par la bastonnade qui les précède. En tout cas, le Mwiri
permet bien de « disposer à l’avance de l’avenir », pour reprendre l’heureuse formule de Nietzsche,
puisque par l’entremise des cicatrices et du jurement, sont liés le serment fait le jour du rite de passage
et l’assurance de la non-divulgation future des secrets.

31On aboutit finalement à une situation paradoxale : l’initiation au Mwiri articule deux serments qui,
sous un certain aspect, sont contradictoires. Le serment initial du rite de passage est un serment de
silence : l’initié s’engage à ne pas trahir la nature humaine du Mwiri, c’est-à-dire à taire un secret. Or, ce
secret repose sur un mensonge manifeste : on protège le secret de la nature humaine du Mwiri en
racontant aux profanes qu’il est un génie. Il s’agit donc de ne pas dire la vérité, non par simple omission,
mais bien par le recours délibéré au mensonge. Le serment de silence oblige à dire un mensonge pour
taire la vérité. Ce serment initial rend ensuite possible un jurement qui revêt deux formes essentielles.
D’une part, il contraint soi et les autres à taire continûment les secrets initiatiques. En cela, il reste un
serment de silence. D’autre part, il permet de dire la vérité : obligation de dire le vrai sous peine de
sanction, mais aussi, plus positivement, pouvoir de dire une vérité efficace. Il se fait alors serment de
vérité.

32L’initiation au Mwiri constitue en définitive une procédure complexe d’assermentation de la parole de


l’initié19. Les scarifications du Mwiri et les procédures rituelles qui lui sont associées scellent un lien
entre secret et puissance de la parole. Elles permettent en effet d’établir que la parole masculine n’est
une parole puissante et fiable, capable d’attester le vrai et de contraindre les autres, que pour autant
qu’elle est capable de rétention, quitte à en passer par le mensonge. Dire et taire, vérité et mensonge
sont mis en relation : pouvoir dire le vrai suppose de taire le secret en disant un mensonge.

33L’une des énigmes que posent parfois les initiateurs aux novices à leur entrée dans l’enclos initiatique
dit :

« Combien de cœurs l’homme possède-t-il ?

– Deux : son cœur et sa pomme d’Adam ! »

34Cette réponse énigmatique renferme l’une des principales raisons d’être du Mwiri. Le cœur est
l’instance de la personne d’où proviennent les pensées, les désirs et les volitions20. Il s’agit d’une
pulsion psychique plus que de la formation volontaire d’idées : un individu ne peut pas faire autrement
que d’avoir ces pensées que son cœur lui envoie. Elles s’imposent à lui avec une telle force qu’il se sent
poussé à les exprimer en paroles. C’est là qu’intervient le second cœur : la pomme d’Adam agit comme
un filtre, disposé entre le cœur et la bouche, qui retient ces paroles qui ne demandent qu’à sortir. Cette
censure permet d’éviter de dire des paroles dangereuses : paroles d’emportement colérique et surtout
secrets initiatiques. Le symbolisme de la plume de perroquet confirme cela. La plume rouge que les
initiés du Bwete portent toujours au front symbolise la parole. Une aiguille est préalablement insérée
dans son tuyau axial afin de pouvoir la ficher. Or, la tige de l’aiguille symbolise la trachée et son chas la
pomme d’Adam. Ce montage rituel illustre que, tout comme seul un mince fil peut passer par le chas
d’une aiguille, seules des paroles autorisées peuvent franchir le seuil de la pomme d’Adam d’un initié.

35La pomme d’Adam donne donc aux hommes une capacité de rétention verbale, capacité qui fait d’eux
les maîtres de leur discours. Et c’est parce que les femmes n’ont pas de pomme d’Adam qu’elles sont
censées ne pas pouvoir réfréner leurs bavardages et qu’on ne peut donc leur confier des secrets qu’elles
ne sauraient garder. Ou plus exactement, depuis que les hommes se sont emparés du Mwiri féminin, les
femmes n’ont plus de pomme d’Adam. En effet, dans le mythe d’origine, les hommes sacrifient les six
femmes découvreuses du Mwiri dont l’une s’appelle justement la « femme qui a une pomme d’Adam ».

36On comprend finalement les véritables raisons du lien entre Bwete et Mwiri. On ne peut aller au bout
du Bwete sans être un vrai homme, c’est-à-dire sans être initié au Mwiri. L’homme possède une pomme
d’Adam, c’est-à-dire une capacité de rétention rituellement mise en forme par le jeu du serment et des
scarifications du Mwiri. Il est alors suffisamment fiable pour qu’on lui confie les secrets initiatiques du
Bwete. Cette parole assermentée est également une parole forte et efficace, parole qui promet,
contraint et dit le vrai. La parole divinatoire du nganga-a-Misɔkɔ est donc elle aussi nécessairement
adossée au Mwiri. D’où le fait que le motoba, auxiliaire principal de la divination, n’est donné qu’à ceux
qui sont déjà initiés au Mwiri.

37N’importe qui n’est donc pas apte à dire le vrai, promettre, maudire ou jurer. La force illocutoire des
paroles exige une autorisation sociale. Chercher cette force illocutoire dans l’énoncé lui-même, c’est
supposer à tort un pouvoir magique intrinsèque au verbe et corrélativement une égalité de tous devant
la prise de parole – ce dont les performatifs donnent l’illusion, semblant contenir en eux-mêmes le
principe de leur efficacité. Toute parole efficace suppose pourtant un porte-parole autorisé : les
conditions de félicité de l’acte illocutoire ne sont pas linguistiques mais institutionnelles21. En effet, à
travers un dispositif relationnel singulier, le rituel initiatique du Mwiri établit les conditions
pragmatiques d’exercice de la parole des initiés masculins. Accomplir avec succès des actes illocutoires
comme promesses, serments, jurements ou oracles suppose des conditions rituelles qui elles-mêmes
présupposent tout un parcours initiatique.

Le miroir et le crâne - Chapitre Χ. Mwiri : l’assermentation de la parole - Éditions de la Maison des


sciences de l’homme

https://books.openedition.org/editionsmsh/8073?lang=fr

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