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Hélène Cixous : "L'amour ne survit pas dans la

société, il faut le tenir secret, dans l'abri"


19/02/2018
L’écrivain et dramaturge publie "Défions l’augure", aux éditions Galilée ; une inclassable odyssée
familière telle une invitation à la résistance et à la vie.
Hélène Cixous• Crédits :
Francesca Mantovani

"Mes livres sont des autoconstructions nautiques, libres de leurs mouvements et du choix de leurs
routes, ils peuvent prendre l’air ou l’eau, couler, voler, se composer de plusieurs histoires, de
plaisanteries, de témoignages, vrais comme faux. Ils sont enrichis d’alluvions en provenance de tous les
mondes, déposés en tel chapitre. Contribution gracieuse des dieux. Ils sont produits par bien des
faiseurs, rêvés, dictés, rapiécés, augmentés de fantaisies, d’où la pluralité de leurs lieux de naissances.
Si pour en noter le voyage je suis à l’ancre dans mon bureau d’Aquitaine, mes esprits vont et viennent
dans les Villes et les temps qui habitent aux différents étages de ma librairie mentale. " Page 64,
"Défions l'augure". Le dernier texte de Hélène Cixous est publié aux éditions Galilée.
Je suis perchée sur une sorte de promontoire, perchée sur un arbre, en hauteur. J'attends que
le vent souffle, je peux attendre longtemps. Je suis extrêmement patiente. A un moment,
"ça" téléphone, je me mets à écrire, en réponse. Le livre, pour moi, arrive, je ne vais pas le
chercher, je ne le programme pas. Il arrive, comme s'il envoyait une sorte de messager sous
forme de phrases courtes.
Je sais que ma vie d'écriture a été décidée par un éclat violent, une apocalypse ; la
disparition de mon père.
Quand j'écris, le temps est au beau fixe du présent. Comme au théâtre. Qui empêche qui
que ce soit, quoi que ce soit, d'entrer et sortir? Notre temps à nous est toujours un temps
anachronique qui se fiche de la date. Là, c'est ouvert, entrez : c'est ce que nous devons à la
littérature. C'est la possibilité d'accueil de tout.
Ecrire est indissociable pour moi du rêve, source d'énergie. J'écris et je vis au rêve. Comme
le rêve ne se commande pas, il y a une petite menace toujours là qui me murmure "et s'il n'y
avait plus de rêve ?" Voir revenir - ce que les rêves accordent - vivre avec moi des êtres
dont la disparition pourrait me désespérer, c'est une promesse. Ce qui fait que chaque fois
que je me couche, j'attends, j'espère... Rien n'est perdu.

Hélène Cixous : "Lire et vivre sont des


synonymes"
02/03/2019
L’écrivaine Hélène Cixous fait sa Masterclasse en public à la BNF, et répond aux questions de Caroline
Broué. Elle nous parle de son œuvre de fiction, de son rapport au théâtre, et de l'écriture, qu'elle soit
diurne ou nocturne.
Helene Cixous, en 2011•
Crédits : Ulf Andersen /
Aurimages - AFP

Jacques Derrida disait d’elle qu’elle est était un "olni", objet littéraire non identifié. Hélène Cixous,
écrivaine, universitaire, dramaturge, est auteure d’une œuvre aussi bien littéraire que théâtrale, et
d’essais sur la littérature, la philosophie, la psychanalyse, ou encore sur les arts. Du Prénom de Dieu,
son premier recueil en 1967, jusqu’à Défions l’augure publié cette année, elle est l’auteure de plus de
70 ouvrages, publiés dans de nombreuses maisons d’édition – longtemps aux éditions Des femmes
d’Antoinette Fouque, et depuis presque 20 ans, chez Galilée.
Née en 1937 à Oran, elle est la fille du docteur Georges Cixous né à Oran et mort à Alger alors qu’elle
avait 10 ans, et d’Eve Klein, femme juive née en Allemagne, décédée en 2013, très présente dans
l’œuvre d’Hélène Cixous. L’écriture vient à elle à la mort de son père, c’est en tout cas un événement
qu’elle décrit comme faisant partie de son "mythe personnel".
Mon père c’était l’Algérie, ma mère l’Allemagne. L’Algérie était un pays à l’agonie quand
j’étais petite. À 3 ans j’étais déjà à l’intérieur d’une scène d’une grande violence politique.
C’est une expérience d’effroi devant les méchancetés humaines, les innombrables espèces
de cruauté, de mise à mort de l’autre, de mépris, d’interdit.

J’ai vu d’un côté l’extraordinaire bonheur qui existait dans ma petite famille, un tout petit
espace où vivaient, comme dans un paradis, toutes les langues. Et tout autour, l’extérieur,
qui était hideux. J’ai alors pensé, dans ma plus petite enfance, qu’il fallait trouver un autre
monde.

La joie qui règne dans l’enceinte familiale se heurte à l’environnement extérieur. La littérature lui
semble alors être un monde où la beauté et la liberté peuvent exister sans entrave.
J’ai eu besoin d’un refuge. Au sens très fort du mot, je pense que ma façon de me
précipiter vers la littérature, c’était un instinct, un instinct de fuite, savoir où l'on
pouvait trouver un asile. Je cherchais la beauté et la liberté.

Admiratrice de Joyce, Shakespeare et Montaigne, agrégée d’Anglais et docteure d’Etat, sa thèse a porté
sur James Joyce et a été éditée chez Grasset. En 1968 elle contribue à la création de l’université
expérimentale de Paris-8 Vincennes, où elle enseignera jusqu’en 2005. Elle a instauré le premier
doctorat en études féminines et, depuis 1983, tient un séminaire au Collège international de
philosophie. Egalement dramaturge, ses pièces sont mises en scène par Simone Benmussa au théâtre
d'Orsay, par Daniel Mesguich au Théâtre de la Ville et par Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil.
J’ai beaucoup de mal à écrire pour le théâtre. Mais c’est toujours une aventure
passionnante. (…) C’est exaltant, c’est un mariage avec le public, alors que quand j’écris
des romans, il n’y a pas de public.

Hélène Cixous ne dissocie pas la lecture de l’écriture. "Lire c’est écrire, c’est le premier temps de
l’écriture" dit-elle.
Le deuxième temps, c’est l’exercice de l’écriture. Affronter dans l’écriture les contraintes des sujets :
Je me suis mise à écrire ce qu’on ne peut pas écrire. Ecrire ce qu’on ne peut pas écrire,
c’est d’ailleurs la chose qu’il faut faire.

Mais aussi écrire dans différentes conditions, en veille comme en rêve :


Pendant la nuit je note très rapidement quelques germes de rêves. Et comme j’écris la nuit,
très rapidement, ça donne des choses extrêmement bizarres. Ce sont des œuvres d’une
certaine manière ! (…) Et à l’aube, entre le jour et la nuit, je rédige. Et là les chats se
transforment en sphinx solidaires, ils m’accordent la demi-heure qu’il me faut pour rédiger
le plus rapidement possible un rêve qui est encore palpitant, qui n’est pas encore
devenu spectre, vapeur…

>>> Pour aller plus loin, une sélection d'Annelise Signoret >>>
Bio-bibliographie sur le site des éditions Galilée (un de ses principaux éditeurs)
Pages consacrées à Hélène Cixous sur le site de l’Université de Stanford (en anglais)
Hélène Cixous, l’écriture comme schibboleth : entretien avec Véronique Bergen, auteur de Hélène
Cixous, La langue plus-que-vive (Honoré Champion, 2017)
Quelques questions à Hélène Cixous, posées par Françoise Collin dans la revue féministe, les Cahiers
du Grif (n°13, 1976)
Le livre que tu n'écriras pas : Entretien avec Hélène Cixous recueilli par Frédéric-Yves Jeannet en
2005. A lire sur le site littéraire Remue.net
Hélène Cixous : Le récit comme tissage de la vie et de l’écriture, article de Maxime Decout paru dans
la revue Itinéraires, 2013-1
Hélène Cixous interroge l’exil à partir de son œuvre et de son expérience biographique. Une rencontre
organisée le 16 janvier 2014 par la Maison des Sciences de l'Homme à revoir sur Canal-U
Du théâtre, j'attends tout : Hélène Cixous, essayiste, romancière, dramaturge, collaboratrice de longue
date d'Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil dialogue avec le journaliste Olivier Barrot à la SACD
le 2 décembre 2015

Hélène Cixous : "La cuisine est comme la


littérature: elle raconte toujours des histoires"
17/03/2019
Les pâtisseries traditionnelles de sa grand mère allemande.
• Crédits : Getty
Poétesse, essayiste, dramaturge, romancière, Hélène Cixous a été récompensée par de nombreux prix
littéraires: le prix Médicis en 1969 pour son roman Dedans et en 2016, avec le Prix Marguerite
Yourcenar pour l'ensemble de son oeuvre.
Dans sa Masterclasse sur France Culture, elle disait déjà que "lire et vivre sont des synonymes".
Cuisiner peut aussi être une métaphore du travail d'écriture. Littérature comme gastronomie sont
savoureuses pour la langue.
Pour sa Madeleine de, Helène Cixous nous raconte les talents de pâtissière de sa grand-mère
allemande.
J’aimais beaucoup être dans la cuisine et je suivais les actions de ma grand-mère, qui était
une excellente cuisinière surtout lorsqu'elle préparait des gâteaux. Je suivais tous les
chapitres de la préparation. J'ai compris plus tard que préparer un gâteau, c'est comme
préparer un texte.

Bibliographie
Hélène Cixous : la langue plus-que-vive Véronique Bergen H.Champion, 2017
Défions l'augure Hélène Cixous Galilée, 2018

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