Vous êtes sur la page 1sur 13

Simone de Beauvoir

Biographie

Naissance

9 janvier 1908

Paris (France)

Décès

14 avril 1986 (à 78 ans)

Paris 14e (France)

Sépulture

Cimetière du Montparnasse

Nom de naissance

Simone Lucie Ernestine Marie Bertrand de Beauvoir

Pseudonyme

Le Castor

Époque

Époque contemporaine

Nationalité

française

Domiciles

Marseille (1931-1932), Rouen (1932-1937), Paris

Formation

Université de Paris

Lycée Fénelon

Activités

Professeur de philosophie (jusqu'en 1943), philosophe, épistolière, critique littéraire, écrivaine,


féministe, auteure de journal intime, essayiste, militante politique, journaliste, romancière, philosophe
politique
Famille

Bertrand de Beauvoir

Fratrie

Hélène de Beauvoir

Autres informations

Membre de

Comité de lecture des éditions Gallimard (d) (1944-1945)

Mouvements

Athéisme, féminisme, existentialisme

Personne liée

Jean-Paul Sartre

Influencée par

Descartes, Poullain de La Barre, Wollstonecraft, Kant, Hegel, Husserl, Kierkegaard, Heidegger, Marx,
Engels, Nietzsche, Sartre, Adler

Distinctions

Prix Goncourt (1954)

Liste détaillée

Œuvres principales

Le Deuxième Sexe

Les Mandarins

L'Invitée

Mémoires d'une jeune fille rangée

La Force de l'âge

signature de Simone de Beauvoir

Signature

modifier - modifier le code - modifier WikidataDocumentation du modèle

Simone de Beauvoir (/simɔn də bovwaʁ/1 Écouter), née le 9 janvier 1908 dans le 6e arrondissement de
Paris, ville où elle est morte le 14 avril 1986, est une philosophe, romancière, mémorialiste et essayiste
française.
En 1954, après plusieurs romans dont L'Invitée (1943) et Le Sang des autres (1945), elle obtient le prix
Goncourt pour Les Mandarins. Puis, de 1958 (Mémoires d'une jeune fille rangée) et jusqu'à la fin de sa
vie (La Cérémonie des adieux, 1981), Beauvoir rédigea une monumentale œuvre composée de
mémoires et de récits autobiographiques comprenant également La Force de l'âge (1960), La Force des
choses (1963), Une mort très douce (1964), Tout compte fait (1972), la distinguant alors parmi les plus
importantes mémorialistes du xxe siècle. Ses œuvres sont alors parmi les plus lues dans le monde.

Souvent considérée comme une théoricienne majeure du féminisme, notamment grâce à son magnum
opus Le Deuxième Sexe publié en 1949, ouvrage encyclopédique s'inscrivant dans le courant
philosophique de la phénoménologie et en particulier dans son moment existentialiste, Simone de
Beauvoir a également participé au Mouvement de libération des femmes dans les années 1970.

Elle a partagé sa vie avec le philosophe Jean-Paul Sartre. Leurs philosophies, bien que très proches, ne
sauraient être confondues.

Biographie

L'enfance et la jeunesse

Simone Lucie Ernestine Marie Bertrand de Beauvoir2 est la fille de Georges Bertrand de Beauvoir, alors
avocat, comédien amateur et de Françoise Brasseur, jeune femme issue de la bourgeoisie verdunoise.

Enfance

Elle voit le jour à Paris dans un appartement cossu au 103, boulevard du Montparnasse3 et entre à l'âge
de cinq ans au cours Desir (où elle restera jusqu'au baccalauréat)4,5 où sont scolarisées les filles de «
bonnes familles ». Sa sœur cadette, Hélène (dite Poupette), l'y rejoint deux ans plus tard. Dès le plus
jeune âge, Simone de Beauvoir se distingue par ses capacités intellectuelles et se partage chaque année
la première place avec Élisabeth Lacoin (dite Élisabeth Mabille ou « Zaza » dans son autobiographie), fille
de l'ingénieur Maurice Lacoin. Zaza devient rapidement sa meilleure amie.

Dans sa jeunesse, Simone de Beauvoir passe ses vacances d'été en Corrèze, à Saint-Ybard, dans le parc
de Meyrignac, créé vers 1880 par son grand-père Ernest Bertrand de Beauvoir. La propriété avait été
acquise par son arrière-grand-père Narcisse Bertrand de Beauvoir au début du xixe siècle. On retrouve
de multiples évocations de ces séjours heureux en compagnie de sa sœur Hélène dans ses Mémoires
d'une jeune fille rangée :
« Mon amour pour la campagne prit des couleurs mystiques. Dès que j'arrivais à Meyrignac, les
murailles s'écroulaient, l'horizon reculait. Je me perdais dans l'infini tout en restant moi-même. Je
sentais sur mes paupières la chaleur du soleil qui brille pour tous et qui ici, en cet instant, ne caressait
que moi. Le vent tournoyait autour des peupliers : il venait d'ailleurs, il bousculait l'espace, et je
tourbillonnais, immobile, jusqu'aux confins de la terre. Quand la lune se levait au ciel, je communiais
avec les lointaines cités, les déserts, les mers, les villages qui au même moment baignaient dans sa
lumière. Je n'étais plus une conscience vacante, un regard abstrait, mais l'odeur houleuse des blés noirs,
l'odeur intime des bruyères, l'épaisse chaleur du midi ou le frisson des crépuscules ; je pesais lourd, et
pourtant je m'évaporais dans l'azur, je n'avais plus de bornes6. »

C'est au contact de la nature et au cours de longues promenades solitaires dans la campagne que le
désir d'une vie « hors du commun » se forge en elle.

Après la Première Guerre mondiale, son grand-père maternel, Gustave Brasseur, ancien président de la
Banque de la Meuse7 qui a fait faillite, est déclaré banqueroutier, précipitant toute sa famille dans le
déshonneur et la déconfiture. Aussi les parents de Simone de Beauvoir sont-ils contraints, par manque
de ressources, de quitter l'appartement du boulevard du Montparnasse (à côté de l'actuel restaurant La
Rotonde) pour un appartement sombre, exigu, au cinquième étage sans ascenseur, d'un immeuble de la
rue de Rennes8. Simone souffre de voir les relations entre ses parents se dégrader.

La suite de son enfance en sera marquée. Dans son milieu, à cette époque, il est incongru qu'une jeune
fille fasse des études poussées. Pourtant son père, un passionné de théâtre et d'art dramatique, qui
pense que « le plus beau métier est celui d'écrivain », est convaincu que ses filles doivent s'y résoudre
pour sortir de la condition dans laquelle elles se trouvent :

« Quand il déclara : « Vous, mes petites, vous ne vous marierez pas, il faudra travailler », il y avait de
l'amertume dans sa voix. Je crus que c'était nous qu'il plaignait ; mais non, dans notre laborieux avenir il
lisait sa propre déchéance9. »

Il regrette à la fois qu'elle ne soit pas un homme car elle aurait pu faire Polytechnique et à la fois qu'elle
ne soit pas assez féminine. Il lui répète : « Tu as un cerveau d'homme. »

Émancipation progressive

Élevée par une mère très pieuse, puis devenue elle-même croyante exaltée et mystique pendant
quelques années, Simone de Beauvoir perd progressivement la foi à quatorze ans10, bien avant son
départ du cours Desir. Elle commence alors à s'émanciper intellectuellement de sa famille, sans pouvoir
immédiatement l'assumer au grand jour.
À quinze ans, son choix est déjà fait : elle sera un écrivain célèbre. Après le baccalauréat en 1925, malgré
son attirance pour la philosophie elle se dirige d'abord vers une licence classique, pour obéir à ses
parents qui ont été mis en garde par les enseignantes de son ancienne école : « en un an de Sorbonne,
je perdrais ma foi et mes mœurs. Maman s'inquiéta […], j'acceptais de sacrifier la philosophie aux lettres
»11. Elle entame des études supérieures à l'Institut catholique de Paris pour les mathématiques et à
l'Institut Sainte-Marie de Neuilly pour les lettres.

Son professeur de littérature française, Robert Garric, catholique fervent mais surtout socialiste et
humaniste très engagé, l'impressionne beaucoup. Il dirige un mouvement, les Équipes sociales, qui se
propose de répandre la culture dans les couches populaires. Grâce à son cousin Jacques, dont elle est
secrètement amoureuse et qui se trouve être un des équipiers de Garric, sa culture littéraire s'élargit. «
Je trouvais sur sa table une dizaine de volumes aux fraiches couleurs de bonbons acidulés : des
Montherlant vert pistache, un Cocteau rouge framboise, des Barrès jaune citron, des Claudel, des Valéry
d'une blancheur neigeuse rehaussée d'écarlate. À travers le papier transparent, je lus et je relus les
titres : Le Potomak12, Les Nourritures terrestres13, L'Annonce faite à Marie14, Le Paradis à l'ombre des
épées15, Du sang de la volupté et de la mort16. Bien des livres déjà m'avaient passé par les mains, mais
ceux-ci n'appartenaient pas à l'espèce commune : j'en attendais d'extraordinaires révélations […].
Soudain, des hommes de chair et d'os me parlaient, de bouche à oreille, d'eux-mêmes et de moi ; ils
exprimaient des aspirations, des révoltes que je n'avais pas su me formuler, mais que je reconnaissais.
J'écumais la bibliothèque Sainte-Geneviève : je lisais Gide, Claudel, Jammes, la tête en feu, les tempes
battantes, étouffant d'émotion17 ».

Elle obtient, au cours de cette première année à l'université de Paris, les certificats de mathématiques
générales, de littérature et de latin.

L'année d'après, elle suit les cours de philosophie et obtient en juin 1927 le certificat de philosophie
générale. Elle obtient finalement la licence ès lettres mention philosophie au printemps 1928, après
l'obtention des certificats d'éthique et de psychologie18 et entame alors la rédaction d'un mémoire sur
Leibniz pour le diplôme d'études supérieures.

À la faculté des lettres de l'université de Paris, elle rencontre d'autres jeunes intellectuels, dont Jean-
Paul Sartre, qu'elle regarde comme un génie. Dès cette époque, se noue entre eux une relation qui
deviendra mythique, longtemps supposée libre et égalitaire19. Elle sera son « amour nécessaire », par
rapport aux « amours contingentes » qu’ils seront amenés à connaître l'un et l'autre. Simone de
Beauvoir est reçue deuxième au concours d'agrégation de philosophie en 1929, juste derrière Jean-Paul
Sartre.
La mort de son amie d'enfance Zaza, quelques mois plus tard, la plonge dans une grande affliction. Elle
marque définitivement pour elle la fin de ce chapitre de sa vie.

L'enseignante

Début du Castor

À la suite de l'obtention de son agrégation en 1929, Simone de Beauvoir devient professeure de


philosophie. Elle est surnommée Castor par Herbaud (René Maheu dans Mémoires d'une jeune fille
rangée) car « Beauvoir » est proche de l'anglais beaver (signifiant castor20), et que, comme elle, « Les
Castors vont en bande et ils ont l'esprit constructeur21 ». Ce surnom est ensuite repris et conservé par
Jean-Paul Sartre qui publie à l'édition Blanche chez Gallimard, Lettres au Castor22, un recueil de lettres
qu'il a écrites à celle qui a été son « charmant Castor »23,24.

Entre 1929 et 1931, elle est professeure agrégée et donne des cours au lycée Victor-Duruy (Paris)25, ce
qu'elle vit comme une libération : « Maintenant j'étais là, sur l'estrade, c'est moi qui faisais le cours. Et
plus rien au monde ne me semblait hors d'atteinte »26. Elle se trouve ensuite nommée à Marseille au
lycée Montgrand. La perspective de quitter Sartre, lui-même nommé au Havre en mars 1931, la jette
dans l'angoisse et ce dernier lui propose de l'épouser afin d'obtenir un poste dans le même lycée. Bien
que viscéralement attachée à Sartre, elle rejette la proposition : « Je dois dire, écrit-elle dans La Force de
l'âge27, que pas un instant je ne fus tentée de donner suite à sa suggestion. Le mariage multiplie par
deux les obligations familiales et toutes les corvées sociales. En modifiant nos rapports avec autrui, il eût
fatalement altéré ceux qui existaient entre nous. Le souci de préserver ma propre indépendance, ajoute-
t-elle cependant, ne pesa pas lourd ; il m'eût paru artificiel de chercher dans l'absence une liberté que je
ne pouvais sincèrement retrouver que dans ma tête et mon cœur. » L'année suivante, elle parvient à se
rapprocher de Sartre en obtenant un poste au lycée Jeanne-d'Arc de Rouen où elle fait la connaissance
de Colette Audry, enseignante dans le même lycée28,29.

Elle entretient des relations amoureuses avec certaines de ses élèves mineures, mais réfute jusqu'à sa
mort toute idée de bisexualité — sujet qui fait l'objet de controverses entre ses dernières biographes30
— le « pacte » la liant à Sartre lui permettant de connaître des « amours contingentes ». Elle présente
ces élèves à Sartre qui forment avec lui, selon un « contrat pervers » comme le qualifie Marie-Jo
Bonnet31, des trios, voire des quatuors, amoureux32. Elle se lie également avec un élève de Sartre, « le
petit Bost », futur mari d'Olga, pour laquelle Sartre s'est pris entre-temps de passion (non réciproque).
L'amitié de ce groupe d'amis surnommé « la petite famille », ou encore « les petits camarades », reste
indéfectible jusqu'à la mort de chacun d'entre eux, malgré petites brouilles comme graves conflits.

Le no 24 de la rue Cels où Simone de Beauvoir habita à plusieurs reprises pendant la guerre.


L'année où elle enseigne à Marseille, elle se découvre une passion pour la randonnée, et elle ne cesse
dans les années qui suivent d'arpenter les chemins de France, souvent en solitaire, à chaque fois qu'elle
en a l'occasion. Avec Sartre, elle voyage aussi beaucoup en Europe, dans des conditions très frugales, ce
qui leur permet de visiter presque chaque été un nouveau pays : ils voient ainsi l'Espagne, l'Italie, la
Grèce, l'Allemagne, et le Maroc. À côté de cela, même avant d'être finalement tous les deux mutés à
Paris, leur vie sociale reste très parisienne. C'est là qu'ils se retrouvent souvent, ensemble ou avec leurs
amis, ils sortent au théâtre, et suivent assidument l'actualité littéraire et cinématographique.

Après 1936

En 1936, elle obtient enfin un poste à Paris. Elle enseigne au lycée Molière de 1936 à 193933 ; elle en est
suspendue à la suite de sa liaison avec Bianca Bienenfeld, l'une de ses élèves âgée de seize ans, fille d'un
juif polonais réfugié en France avec ses deux filles et leur mère qui est gravement malade.

Son premier roman Primauté du spirituel, écrit entre 1935 et 1937, est refusé par Gallimard et Grasset
(il paraîtra beaucoup plus tard en 1979 sous le titre Quand prime le spirituel puis Anne ou quand prime
le spirituel).

Un second roman, L'Invitée est publié en 1943 par Gaston Gallimard, en plein Paris occupé. Elle y décrit,
à travers des personnages imaginaires, la relation entre Jean-Paul Sartre, Xavière et elle-même, tout en
dévoilant une réflexion philosophique concernant la lutte entre les consciences et les possibilités de la
réciprocité. Cette Xavière est une autre jeune fille mineure polonaise, Olga Kosakiewicz, que Simone de
Beauvoir avait séduite avant Bianca Bienenfeld, et livrée à Jean-Paul Sartre.

Simone de Beauvoir est à nouveau suspendue le 17 juin 1943 à la suite d'une plainte pour « incitation de
mineure à la débauche » déposée en décembre 1941 par la mère d'une autre de ses élèves, Natalie
Sorokin (1921-1967). La plainte aboutira à un non-lieu34, mais elle est définitivement révoquée de
l'Éducation nationale35.

L'incertitude sur la raison réelle de son éviction a suscité une polémique jusqu'à la publication en 1993
par une de ses précédentes victimes, Bianca Lamblin, de Mémoires d'une jeune fille dérangée, en
réponse à la publication en 1990 des Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre, dans
lesquelles elle s'était aperçu qu'elle était désignée sous le pseudonyme de Louise Védrine. Elle révèle
alors au public comment Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre ont abusé d’elle à l’âge de seize ans et
écrit : « J’ai découvert que Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche
à laquelle elle goûtait avant de la refiler, ou faut-il dire plus grossièrement encore, de la rabattre sur
Sartre. »
Simone de Beauvoir décrit dans ses mémoires une relation de simple amitié avec cette élève. Elle écrit
en outre que l’accusation de détournement de mineur, mensongère, est une vengeance de la mère de
cette élève à la suite du refus que lui aurait opposé Simone de Beauvoir d’user de son influence auprès
de sa fille pour lui faire accepter un mariage avec un « parti avantageux ». Pourtant, la nature charnelle
des relations qu'elle entretenait avec Nathalie Sorokine ne fait plus aucun doute aujourd'hui36[source
insuffisante].

En 1943, elle travaille pour Radio Vichy où elle organise des émissions consacrées à la musique à travers
les époques. Elle s'installe avec Jean-Paul Sartre à l'hôtel La Louisiane37, à Saint Germain des Prés en
1943 mais dispose de sa propre chambre, elle écrira « Jamais aucun de mes abris ne s'était tant
approché de mes rêves ; j'envisageais d'y rester jusqu'à la fin de mes jours »38.

Simone de Beauvoir est réintégrée dans l'Éducation nationale à la Libération par arrêté du 30 juillet
1945, mais n'enseignera plus jamais39.

Femme de lettres engagée

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre devant la statue de Balzac à Paris.

Avec Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, Michel Leiris, Maurice Merleau-Ponty, Boris Vian et quelques
intellectuels de gauche, elle fonde la revue : Les temps modernes qui a pour but de faire connaître
l'existentialisme à travers la littérature contemporaine. Mais elle continue cependant son œuvre
personnelle. Après plusieurs romans et essais où elle parle de son engagement pour le communisme,
l'athéisme et l'existentialisme, elle obtient son indépendance financière et se consacre totalement à son
métier d'écrivaine. Elle voyage dans de nombreux pays (États-Unis, Chine, Russie, Cuba, etc.) où elle fait
la connaissance d'autres personnalités communistes telles que Fidel Castro, Che Guevara, Mao Zedong,
Richard Wright.

Beauvoir a rencontré l'écrivain américain Nelson Algren à Chicago en 1947, alors qu'elle voyageait à
travers les États-Unis pendant quatre mois en utilisant divers moyens de transport : automobile, train et
Greyhound. Aux États-Unis, elle engage une relation passionnée, qui durera plus de 15 ans, avec
l'écrivain américain, et lui envoie plus de 300 lettres. Elle a tenu un journal détaillé du voyage, qui a été
publié en France en 1948 sous le titre L'Amérique au jour le jour. La publication de sa correspondance
avec Algren en 1997 provoque le rejet de certains féministes qui ne retrouvent pas la femme libre qui
leur a servi d'icône, mais une Simone de Beauvoir qui a « biaisé sur sa bisexualité, construit
littérairement avec Sartre un couple mythique, ou plutôt une mystification, triché en construisant par
omission dans son œuvre mémoriale une image d'elle non conforme à la vérité »40.
En 1949, elle obtient la consécration en publiant Le Deuxième Sexe. Le livre se vend à plus de 22 000
exemplaires dès la première semaine, occasionne la publication des articles contradictoires de Armand
Hoog (contre) et de Francine Bloch (pour) dans la revue La Nef, et fait scandale au point que le Vatican le
mette à l'index. François Mauriac écrira aux Temps modernes : « à présent, je sais tout sur le vagin de
votre patronne ». Le livre est traduit dans plusieurs langues et aux États-Unis, se vend à un million
d'exemplaires et nourrit la réflexion des principales théoriciennes du Women's Lib41. Beauvoir devient
la figure de proue du féminisme en décrivant une société qui maintient la femme dans une situation
d'infériorité. En totale rupture avec l'essentialisme, son analyse de la condition féminine à travers les
mythes, les civilisations, les religions, l'anatomie et les traditions fait scandale, et tout particulièrement
le chapitre où elle parle de la maternité et de l'avortement, assimilé à un homicide à cette époque.
Quant au mariage, elle le considère comme une institution bourgeoise aussi répugnante que la
prostitution lorsque la femme est sous la domination de son mari et ne peut en échapper. Selon Stephen
Law, Beauvoir proposa que le rapport entre les sexes biologiques et les constructions genrées de la
société est délibérément confus pour la femme. Cette confusion qui sert bien la société dominée par
l'homme (en 1950) rend difficile à la femme de se sortir d'un tel déterminisme. Ces stéréotypes sociaux
entrainent la femme loin de ses aspirations42.

Immeuble où vécut Simone de Beauvoir de 1955 à 1986, rue Victor-Schœlcher.

Plaque sur l'immeuble où vécut Simone de Beauvoir de 1955 à 1986, rue Victor-Schœlcher.

En 1954, elle obtient le prix Goncourt pour Les Mandarins et devient l'un des auteurs les plus lus dans le
monde. Ce roman qui traite de l'après-guerre met en lumière sa relation avec Nelson Algren, toujours à
travers des personnages imaginaires. Algren ne peut pas supporter le lien qui unit Beauvoir à Sartre.
Celle-ci ne pouvant y mettre un terme, ils décident de rompre. De juillet 1952 à 1958, elle vit avec
Claude Lanzmann43.

À partir de 1958, elle entreprend son autobiographie où elle décrit son milieu bourgeois rempli de
préjugés et de traditions avilissantes et les efforts pour en sortir en dépit de sa condition de femme. Elle
décrit aussi sa relation avec Sartre en la qualifiant de totale réussite. Pourtant, bien que la relation qui
les unit soit toujours aussi passionnée, ils ne sont plus un couple au sens sexuel du terme, et ce depuis
longtemps, même si Beauvoir laisse entendre le contraire à ses lecteurs.

En 1960, elle signe le Manifeste des 121, déclaration sur le « droit à l'insoumission » dans la guerre
d'Algérie.

En 1964, elle publie Une mort très douce qui retrace la mort de sa mère. D'après Sartre, c'est son
meilleur écrit. Le thème de l'acharnement thérapeutique et de l'euthanasie y sont évoqués. Durant cette
période de deuil, elle est soutenue par une jeune fille dont elle a fait la connaissance à la même
époque : Sylvie Le Bon, une jeune étudiante en philosophie. La relation qui unit les deux femmes est
obscure : relation « mère-fille », « amicale », ou « amoureuse ». Simone de Beauvoir déclare dans Tout
compte fait, son quatrième tome autobiographique, que cette relation est semblable à celle qui
l'unissait à Zaza cinquante ans plus tôt. Sylvie Le Bon devient sa fille adoptive et héritière de son œuvre
littéraire et de l'ensemble de ses biens.

L'influence de Beauvoir, associée à Gisèle Halimi, a été décisive pour obtenir la reconnaissance des
tortures infligées aux femmes lors de la guerre d'Algérie44 et le droit à l'avortement. Elle rédige le
Manifeste des 343, publié en avril 1971 par Le Nouvel Observateur45. Avec Gisèle Halimi, elle a cofondé
le mouvement Choisir, dont le rôle a été déterminant pour la légalisation de l'interruption volontaire de
grossesse. Tout au long de sa vie, elle a étudié le monde dans lequel elle vivait, en visitant usines et
institutions, à la rencontre d'ouvrières et de hauts dirigeants politiques.

Tombe de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir en 2013 au cimetière du Montparnasse.

Féministe radicale, elle participe en 1977 en tant que directrice de la rédaction à la création de la revue
Questions féministes, principal organe de publication du courant féministe matérialiste. Puis, après la
dissolution du comité de rédaction, elle reprend le poste de directrice pour la revue Nouvelles Questions
féministes qui se crée en 1981, poste qu'elle gardera jusqu'à sa mort46.

Après la mort de Jean-Paul Sartre en 1980, elle publie La Cérémonie des adieux où elle décrit les dix
dernières années de son compagnon avec des détails médicaux et intimes si crus qu'ils choquent bon
nombre des disciples du philosophe. Ce texte est suivi des Entretiens avec Jean-Paul Sartre qu'elle
enregistra à Rome, en août et septembre 1974, et dans lesquels Sartre revient sur sa vie et précise
certains points de son œuvre. Elle veut surtout montrer comment celui-ci a été manipulé par Benny Lévy
pour lui faire reconnaître une certaine « inclination religieuse » dans l'existentialisme alors que
l'athéisme en était l'un des piliers.

Pour Beauvoir, Sartre ne jouissait plus de toutes ses facultés intellectuelles et n'était plus en mesure de
lutter philosophiquement. Elle dit également à mi-mot combien l'attitude de la fille adoptive de Sartre,
Arlette Elkaïm-Sartre, avait été détestable à son égard[réf. nécessaire]. Elle conclut avec cette phrase :

« Sa mort nous sépare. La mienne ne nous réunira pas. C'est ainsi ; il est beau déjà que nos vies aient pu
si longtemps s'accorder. »
De 1955 à 1986, elle vit au no 11 bis de la rue Victor-Schœlcher47 à Paris où elle meurt le 14 avril 1986,
entourée de sa fille adoptive Sylvie Le Bon de Beauvoir et de Claude Lanzmann.

Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse à Paris, dans la 20e division — juste à droite de l'entrée
principale boulevard Edgar-Quinet — aux côtés de Jean-Paul Sartre. Elle est enterrée avec à son doigt
l'anneau en argent aux motifs incas offert par son amant Nelson Algren au matin de leur première nuit
d'amour48.

Pensée et philosophie

Théorie

Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre à Pékin en 1955.

Ardente avocate de l’existentialisme, elle soulève des questionnements afin de trouver un sens à la vie
dans l’absurdité d’un monde dans lequel nous n’avons pas choisi de naître. Associée à celle de Sartre,
son œuvre s’en différencie dans la mesure où elle aborde le caractère concret des problèmes,
privilégiant une réflexion directe et ininterrompue sur le vécu.

Elle raconte dans La Force de l'âge comment la guerre l'a arrachée à « l'illusoire souveraineté de [ses]
vingt ans »49. En septembre 1939 elle écrit dans son journal : « Pour moi, le bonheur était avant tout
une manière privilégiée de saisir le monde ; si le monde change au point de ne plus pouvoir être saisi de
cette façon, le bonheur n'a plus tant de prix »50. Sa philosophie évolue et elle cesse de concevoir sa vie
comme une entreprise autonome et fermée sur soi : « Je savais à présent que, jusques dans la moelle de
mes os, j'étais liée à mes contemporains ; je découvris l'envers de cette dépendance : ma responsabilité
[…] ; selon qu'une société se projette vers la liberté ou s'accommode d'un inerte esclavage, l'individu se
saisit comme un homme parmi les hommes, ou comme une fourmi dans une fourmilière : mais nous
avons tous le pouvoir de mettre en question le choix collectif, de le récuser ou de l'entériner »51.

Dans Le Deuxième Sexe, elle affirme : « On ne naît pas femme, on le devient »52 : c'est la construction
sociale53 des individualités qui impose des rôles différents, genrés, aux personnes des deux sexes54,55.
Cette citation est souvent considérée comme une étape annonciatrice qui mènera vers les études de
genre dans les sciences sociales56. Dans cet ouvrage, elle analyse la place des femmes dans la société53,
notant que celles-ci sont souvent considérées, définies et assignées comme étant « l'Autre » du point de
vue de l'homme dans une société patriarcale57. Sylvie Chaperon, une spécialiste du féminisme, avance
qu'au-delà de cette phrase emblématique, Simone de Beauvoir passe en revue une grande variété de
domaines au sein desquels se construit la différence sociale entre hommes et femmes, dessinant ainsi
des pistes des recherches pour les décennies suivantes, dont certaines, selon elle, restent encore à
explorer58.
Polémiques, antisémitisme et détournement de mineures

En 1977, elle soutient le terroriste Bruno Bréguet et milite pour sa libération59.

Elle signe aux côtés de 68 autres intellectuels français une tribune de Gabriel Matzneff publiée le 26
janvier 1977 dans le journal Le Monde60, demandant la relaxe de trois hommes accusés d'« attentat à la
pudeur sans violence sur des mineurs de quinze ans » dans le procès de l'affaire de Versailles. À la suite
de ce procès, elle est cosignataire d'une lettre ouverte à la commission de révision du Code pénal
exigeait que soient « abrogés ou profondément modifiés » les articles de loi concernant « le
détournement de mineur », dans le sens « d'une reconnaissance du droit de l'enfant et de l'adolescent à
entretenir des relations avec les personnes de son choix »61. « Trois ans de prison pour des caresses et
des baisers, cela suffit ! » écrivaient les signataires62,63. Ce mouvement pro pédophile est alors soutenu
par de nombreux intellectuels, tels Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, Roland Barthes, Alain Robbe-
Grillet, Jacques Derrida, Philippe Sollers ou encore Françoise Dolto63.

En 1943, Simone de Beauvoir est suspendue de son poste d'enseignante pour avoir séduit une lycéenne
de 17 ans, Natalie Sorokine, en 193964. Natalie Sorokine, Bianca Lamblin et Olga Kosakiewicz déclarent
plus tard que leurs relations avec de Beauvoir les avaient blessées psychologiquement65.

En 2008, la Britannique Carole Seymour-Jones, auteure du livre A Dangerous Liaison, décrit le


comportement de Beauvoir comme un « abus d’enfant » se rapprochant de la « pédophilie »66. En
2015, dans Simone de Beauvoir et les femmes, Marie-Jo Bonnet qualifie de « contrat pervers » le modus
operandi entre Beauvoir et Sartre, qui consistait en ce que la première séduisait de jeunes étudiantes
mineures pour les envoyer ensuite au second. Le blogueur du Journal de Montréal Normand Lester
accuse quant à lui Beauvoir d’être une « prédatrice sexuelle »67.

Dans ses Mémoires d’une jeune fille dérangée, Bianca Lamblin relate son admiration pour Simone de
Beauvoir, qui était alors sa professeur, alors qu'elle avait seize ans. Cette dernière la poussera vers
Sartre. L'écrivaine raconte que « Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair
fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refiler, ou faut-il dire plus grossièrement encore, de la rabattre
sur Sartre »68. Bianca Lamblin découvre, lors de la parution de la correspondance, que Beauvoir recourt
aux poncifs antisémites pour parler d’elle69. Par exemple, Simone de Beauvoir écrit de la jeune victime
qu’elle « hésite entre le camp de concentration et le suicide. […] Je me suis réjouie de votre rupture »70.

Elle déclenche également la polémique à la suite de ses propos d'admiration et de justification de la


politique de l'URSS : « L'adversaire de l'URSS use d'un sophisme quand, soulignant la part de violence
criminelle assumée par la politique stalinienne, il néglige de la confronter avec les fins poursuivies. […]
On ne peut juger un moyen sans la fin qui lui donne son sens. Le lynchage est un mal absolu, il
représente la survivance d'une civilisation périmée. C'est une faute sans justification, sans excuse.
Supprimer cent oppositionnels, c'est sûrement un scandale, mais il se peut qu'il ait un sens, une raison...
peut-être représente-t-elle seulement cette part nécessaire d'échec que comporte toute construction
positive » ; ou encore « C'était vraiment des centres de rééducation, un travail modéré, un régime
libéral, des théâtres, des bibliothèques, des causeries, des relations familières, presque amicales, entre
les responsables et les détenus » (à propos des goulags qu'elle a visité en 1963)71,72,73.

Elle est accusée de lesbophobie par le sociologue Sam Bourcier pour son chapitre consacrée à « la
lesbienne » dans Le Deuxième Sexe, mais aussi pour son choix en faveur de la revue Nouvelles Questions
féministes en 1981, excluant les lesbiennes politiques radicales comme Monique Wittig, à la suite d'un
désaccord au sein du comité de rédaction de Questions féministes au sujet de l'hétérosexualité74.

Vous aimerez peut-être aussi