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Gaston Bachelard

Professeur d'université (d)

Université de Paris

1940-1955

Abel ReyGeorges Canguilhem

Biographie

Naissance

27 juin 1884

Bar-sur-Aube

Décès

16 octobre 1962 (à 78 ans)

9e arrondissement de Paris

Sépulture

Bar-sur-Aube

Nationalité

française

Formation

Faculté des lettres de Paris (doctorat) (jusqu'en 1927)

Activités

Philosophe, employé des entreprises publiques, mathématicien, physicien, professeur d'université,


poète, écrivain, théoricien de la littérature

Enfant

Suzanne Bachelard

Autres informations

A travaillé pour
Faculté des lettres de Paris

Université Harvard

Postes, télégraphes et téléphones

Domaine

Épistémologie, philosophie des sciences, mathématiques, physique, poésie, littérature

Membre de

Académie des sciences morales et politiques

Académie internationale d'histoire des sciences

Grade militaire

Sous-lieutenant (d)

Conflit

Première Guerre mondiale

Mouvement

Épistémologie historique

Maître

Abel Rey

Directeurs de thèse

Léon Brunschvicg, Abel Rey

Influencé par

Kant, Hegel, Schopenhauer, Comte, Nietzsche, Lautréamont, Bergson, Freud, Jung, Dupréel

Distinctions

Commandeur de la Légion d'honneur (1960)

Grand prix national des Lettres (1961)

Croix de guerre 1914-1918, étoile d'argent

Œuvres principales

La Formation de l'esprit scientifique, La Psychanalyse du feu, L'Eau et les Rêves, L'Expérience de l'espace
dans la physique contemporaine (d)

signature de Gaston Bachelard

Signature
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Gaston Louis Pierre Bachelard, né à Bar-sur-Aube le 27 juin 1884, mort à Paris dans le 9e arrondissement
le 16 octobre 19621, est un philosophe français des sciences, de la poésie, de l'éducation et du temps.
Directeur de l'Institut d'histoire des sciences et des techniques (IHST), il est l'un des principaux
représentants de l'école française d'épistémologie historique.

Épistémologue reconnu, il a exploré les chemins inattendus des grandes découvertes scientifiques de la
physique et de la chimie de la fin du xixe et du début du xxe siècle dans La Formation de l'esprit
scientifique.

Gaston Bachelard introduit le concept d'obstacle épistémologique pour appréhender et analyser les
obstacles à la connaissance scientifique constitués par les a priori notionnels liés aux acquis préexistants,
de nature intellectuelle ou métaphorique et psychologiques, qui séduisent l'esprit du chercheur et des
élèves mais les empêchent de progresser dans la connaissance des phénomènes2. Dans La Philosophie
du non, il considère que les obstacles varient suivant l'expérience du sujet, si bien qu'il forge le concept
complémentaire de « profil épistémologique » qu'il applique à des exemples tirés de la logique, de la
physique, de la chimie ou encore des mathématiques, en n'hésitant pas à prendre appui sur son profil
personnel.

Bachelard renouvelle l'approche philosophique et littéraire de l'imagination, sous l'angle de la création.


Il s'intéresse à des poètes et écrivains (entre autres Lautréamont, Edgar Allan Poe, Novalis, Henri Bosco),
à des peintres (Marc Chagall, Claude Monet, Jean Revol), à des sculpteurs et des graveurs (Louis
Marcoussis, Albert Flocon), au symbolisme ou encore à l'alchimie.

Il interroge les rapports entre la littérature et la science, c'est-à-dire entre l'imaginaire et la rationalité.
Ils peuvent être conflictuels ou complémentaires. Une image au fort pouvoir affectif provoquera des
illusions pour le scientifique (l'image du feu par exemple pourra obstruer la connaissance de
l'électricité). Mais cette même image produira en littérature des effets inattendus et surchargés
poétiquement : son pouvoir de fascination sera très important (chez Novalis ou Hölderlin par exemple
pour l'image du feu)3. La rêverie poétique « sympathise » intimement avec le réel, tandis que l'approche
scientifique est « antipathique » : elle prend ses distances avec la charge affective du réel.

En cohérence avec l'attention qu'il porte aux voies inédites de la création et de l'invention, Bachelard
conçoit un temps discontinu constitué d'instants indépendants les uns des autres, en dialogue critique
avec la philosophie bergsonienne et en prenant appui sur Siloë de son ami Gaston Roupnel.
Biographie

La carrière postale et la guerre

Façade peinte en hommage à Gaston Bachelard, à Bar-sur-Aube, sa ville natale.

Né le 27 juin 1884 à Bar-sur-Aube, sous le signe de la ruralité qu'il revendiquera jusqu'en Sorbonne et
deux ans après l'institution de l'école républicaine laïque et gratuite, Gaston Bachelard eut un père
cordonnier, Louis, Jean-Baptiste, Gaspard Bachelard, issu d'une lignée de cordonniers-bottiers, et une
mère, d'abord sans profession, puis dépositaire de journaux et de tabac, Marie-Louise Philomène
Bachelard, née Sanrey. Native du pays de Langres, elle appartient à un milieu de petits paysans et
s'apparente par son père, Denis Sanrey, à Denis Diderot4.

Il entre au collège de Bar-sur-Aube en 18965. Comme la plupart des élèves issus de l'agriculture, du
commerce et de l'artisanat, il suit la filière moderne et ne bénéficie pas du prestige des humanités. Il
doit arrêter ses études, une fois le baccalauréat philosophie en poche, en dépit de l'excellence de son
parcours. Trente-six ans plus tard, il fustigera, dans La Formation de l'esprit scientifique, ces cursus
scolaires trop courts, véhiculant des vérités scolaires à courte vue, incapables de former en profondeur.
Il énoncera le concept de formation tout au long de la vie6, promis à un bel avenir7. Il inventera même
la formation continuée pour les scientifiques une décennie plus tard dans Le Rationalisme appliqué en
considérant le savant comme un écolier8.

Immeuble situé rue de la Xavée et habité par Bachelard à Remiremont de 1903 à 1905.

Il est d'abord répétiteur de 1902 à 1903 au collège de Sézanne. Mais il se détourne de l'enseignement
jugé trop conservateur pour envisager une carrière dans la télégraphie. Littéraire de formation, il
emprunte la voie technologique avant de se diriger vers les sciences et les mathématiques. Fasciné par
les grandes découvertes de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle (radioactivité, mécaniques
quantique et ondulatoire, relativité, électromagnétisme et télégraphie sans fil), il décide d'éprouver la
révolution télégraphique au quotidien en épousant une carrière postale. Il devient surnuméraire des
Postes et Télégraphes à Remiremont de 1903 à 1905 et prépare un baccalauréat scientifique9, tout en
travaillant soixante heures par semaine et demeurant dans une petite chambre située au numéro 10 de
la rue de la Xavée10. Loin d'être accidentelle, cette expérience qui dura plus d'une décennie s'inscrit
dans la continuité d'une histoire et se révélera déterminante dans l'élaboration d'une pensée aussi
originale que dynamique. Il nous en a laissé quelques traces visibles en examinant l'échelle des concepts
liée au téléphone11, les profils épistémologiques appliqués à la notion de masse12 et l'histoire des
découvertes13. Bachelard donnera une dimension technologique au savoir scientifique14. C'est aussi à
la Poste qu'il trouva l'expression du risque de la raison face à l'invention. Bachelard a édifié son œuvre
pour penser l'improbable nouveauté qu'il a mise en mots sous la forme de la rupture, de la brisure, de la
césure, de la coupure et de la fracture, entre la profusion des sentiments et celle des idées, entre les
images et les mots. Ces mots et ces images sont nés à Remiremont15.
À compter du 10 octobre 1905, il effectue son service militaire comme cavalier télégraphiste au 12e
régiment de dragons de Pont-à-Mousson, il est brigadier en octobre 1906 et libéré le 12 août 1907, «
certificat de bonne conduite accordé »16. Il poursuit alors sa carrière postale en devenant ambulant,
puis commis au bureau de la gare de l'Est à Paris jusqu'en 1909 et hors-cadre au central téléphonique de
1909 à 1913, tout en rêvant de devenir ingénieur des Postes et Télégraphes. Il entreprend des études
supérieures de mathématiques, de physique et de chimie qui se soldent par l'obtention d'une double
licence. Admissible au concours de recrutement des élèves-ingénieurs des Postes et Télégraphes en
1912, il est classé troisième alors que deux places seulement sont disponibles et doit le repasser deux
ans plus tard. La guerre brise ce rêve et le fera se tourner vers l'enseignement non sans quelque
regret17.

Mobilisé le 2 août 1914 au 12e dragon, il passe au 5e régiment de dragons en avril 191516 puis, en
septembre 1917, au 8e régiment du génie. Démobilisé le 16 mars 1919, il aura fait 38 mois de tranchées
dans les unités combattantes, et reçoit la Croix de guerre avec citation18 à l'ordre de la 5e division de
cavalerie. Sergent le 2 décembre 1916, sous-lieutenant à titre définitif le 15 octobre 1918, lieutenant de
territoriale en 1923, il est officier de réserve jusqu'en 1933.

Bachelard s'est marié et a résidé avec sa jeune épouse dans le logement de fonction de la Mairie-école
de Maisons-lès-Soulaines de juillet 1914 à octobre 1919.

Il s'était auparavant marié à Maisons-lès-Soulaines le 8 juillet 1914 avec Jeanne Rossi, directrice de
l'école. Sur le certificat de mariage figurait par anticipation la mention de "professeur" alors qu'il n'avait
donné que quelques cours particuliers en étant en disponibilité de la Poste. Il remplacera son épouse
malade au cours d'une permission en qualité d'instituteur de classe unique19. L'expérience fut
suffisamment concluante pour confier à Louis Guillaume, poète et directeur d'école, son bonheur d'être
lu par des éducateurs, son attachement indéfectible à l'école et son désir de l'habiter20.

Professeur et philosophe

Le lycée professionnel Gaston-Bachelard (Paris 13e), nommé en l'honneur du philosophe qui fut
également professeur de physique.

Le collège de Bar-sur-Aube où Bachelard fut élève (1896-1902) et professeur (1919-1930).

Démobilisé en mars 1919 et sans emploi, Bachelard fait la moisson et obtient en octobre un emploi de
professeur de physique et de chimie au collège de Bar-sur-Aube. Son épouse est mutée à Voigny. Sa fille
Suzanne naît le 18 octobre. Parcourant quotidiennement les six kilomètres à pied qui le séparent de Bar-
sur-Aube, il assure un enseignement très polyvalent et s'inscrit en licence de philosophie. Mais le
bonheur est de courte durée. Sa femme meurt prématurément en juin 1920. Bachelard élèvera seul sa
fille, tout en travaillant avec acharnement2122. Commence alors à l'âge de trente-six ans une carrière
philosophique tout à fait inattendue. Agrégé en 1922, il acquiert le titre de docteur ès lettres à la
Sorbonne en 1927. Ses thèses, soutenues sous les patronages d'Abel Rey et de Léon Brunschvicg, seront
publiées23. Il est chargé de cours à la faculté des lettres de Dijon à partir d'octobre 1927, mais reste au
collège de Bar-sur-Aube jusqu'en 1930. Il s'engage même aux élections municipales de 1929 pour
défendre le projet d'un collège pour tous24. Il accepte néanmoins un poste de professeur à l'Université
de Bourgogne au moment où sa fille Suzanne entre dans le second degré. Il fera de même lors de sa
nomination en Sorbonne en qualité de professeur d'université et de directeur de l'Institut d'histoire des
sciences et des techniques en 1940, accompagnant sa fille dans ses études supérieures.

Le 25 août 1937, il est fait chevalier de la Légion d'honneur. Il deviendra professeur à la Sorbonne, de
1940 à 1954. Il occupe la chaire d'histoire et de philosophie des sciences, où il succède à Abel Rey,
directeur de l'Institut d'histoire des sciences et des techniques (IHST - devenu en 1992 l'IHPST, Institut
d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques). Il dirige ainsi, à partir de l'automne 1940, la
thèse de Jean Gosset, qui sera l'adjoint de Jean Cavaillès, puis son remplaçant comme dirigeant du
réseau résistant Cohors-Asturies, avant de mourir en déportation en 1944. Le 10 juillet 1951, Bachelard
est promu officier de la Légion d'honneur. Il deviendra ensuite, en 1954, professeur honoraire à la
Sorbonne, chargé de l'enseignement correspondant à sa chaire pour l'année universitaire 1954-1955.

La tombe de Gaston et Suzanne Bachelard à Bar-sur-Aube, ville natale du philosophe.

Plaque 2 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève (5e arrondissement de Paris), où il vécut avec sa fille


Suzanne.

Bachelard est élu à l'Académie des sciences morales et politiques, fauteuil d'Édouard Le Roy, en 1955.

Il est nommé commandeur de l'Ordre du Mérite postal par décret du 24 janvier 1956. Il est fait
commandeur de la Légion d'honneur en 1960. Il obtient le 6 novembre 1961 le Grand Prix national des
Lettres. Il meurt à Paris le 16 octobre 1962, et il sera inhumé le 19 à Bar-sur-Aube.

Philosophe et citoyen

Philosophe féministe

Il faut remarquer, dans son parcours singulier, le souci qui a été le sien de veiller à l'épanouissement de
sa fille, tant l'époque était très marquée par le clivage des sexes et des fonctions4. Allant à l'encontre
des stéréotypes sexistes, il veut faire de sa fille une savante. Suzanne sera mathématicienne et
philosophe et pourra développer des recherches phénoménologiques et épistémologiques de haute
tenue25, notamment sur Edmund Husserl26, mener une carrière universitaire brillante et diriger le
centre national d'études d'histoire et de philosophie des sciences alors que peu de femmes avaient
accès à ce type de fonction et seulement à peine un demi-siècle après la première licenciée ès lettres,
Julie-Victoire Daubié.

Il se distingue aussi de ses contemporains par l'attention qu'il accorde aux travaux des chercheuses
contemporaines. Dans son ouvrage publié en 1940, La Philosophie du non : essai d'une philosophie du
nouvel esprit scientifique, il cite les travaux de la jeune chercheuse en philosophie Paulette Destouches-
Février27.

Bachelard a le souci de l'égalité. C'est lui qui prend en charge l'ensemble des tâches domestiques28. Et il
sait bien, parmi les premiers, interroger la langue qui lui semble forger à tort la supériorité du masculin
sur le féminin. Il dénonce le vocabulaire qu'il juge trop « partial » parce qu'il « privilégie le masculin en
traitant bien souvent le féminin comme un genre dérivé, subalterne »29. Il questionne la grammaire
comme le font aujourd'hui de nombreuses féministes. Il souhaite « rouvrir, dans les mots eux-mêmes,
des profondeurs féminines » tout en rendant hommage au Deuxième sexe de Simone de Beauvoir en
louant ses « analyses qui touchent le fond des problèmes ».

Philosophe sensible à l'écologie sociale

Son appartenance sociale à un milieu modeste le conduit à se sentir plus proche du peuple que des
puissants4. Il rappelle en 1961 qu'il n'habitait pas « la Champagne des riches marchands de champagne
»30, n'évoquant jamais Reims ni Épernay. Il avait précisé aussi quelques années plus tôt ses choix
éthiques et sociaux31 en préférant aux oisifs qui tirent parti du travail des autres, aux politiques
soucieux de leur puissance, les travailleurs de la matière ou « l'union des travailleurs de la preuve »32.

Sensible à la misère humaine, Bachelard possède une fibre sociale33. Il sait s'inspirer du solidarisme de
Léon Bourgeois, sénateur radical de la Marne, en préconisant « l'institution d'une technique sociale qui
permette aux hommes […] de supprimer ou d'amoindrir cette misère faite d'injustices sociales évidentes
»34. Non-héritier, il sait que, pour les gens du peuple, rien n'est donné et tout est à construire. Cela
devient le principe de lecture de la science moderne.

On note également une sensibilité écologiste4 lorsqu'il déplore l'outrage à la nature que constitue « la
rivière souillée par les égouts et les usines ». Il est horrifié de voir le spectacle affligeant de tant « de
fontaines souillées dans nos campagnes » et s'indigne en esthète devant « cette grande beauté naturelle
ternie par les hommes »35. Il met en garde contre les risques encourus par un usage irréfléchi de la
puissance scientifique36.
Néanmoins, la question politique n'est pas au cœur des préoccupations du philosophe. Mise à part sa
participation infructueuse au conseil municipal de Bar-sur-Aube, on ne lui connaît aucun engagement
notable. Ses choix sont exclusivement éthiques. Il subit l'occupation allemande en 1940 et éprouve de
fortes sympathies pour la Résistance. Il découvrit en 1942 Liberté de Paul Éluard, et en apprécia
particulièrement le contenu subversif37. Il fut proche des philosophes de la Résistance. On compte
parmi eux Jean Cavaillès, qui fut arrêté et fusillé en 1944 à la Citadelle d'Arras, avec une centaine
d'autres martyrs victimes de la barbarie nazie, en dépit de l'intervention de Bachelard lui-même pour le
sauver38. Il lui rendit un hommage appuyé en 195039.

Influences reçues

Place au sein de l'épistémologie française

Articles détaillés : épistémologie historique et rupture épistémologique.

Bachelard s'inspire du positivisme d'Auguste Comte pour fonder une approche moderniste, méthodique
et historique de la science. Il substitue à la loi des trois états40 sa propre vision du processus
scientifique, dont les étapes principales sont le « réalisme naïf », le « rationalisme » et le «
surrationalisme » (ou « rationalisme dialectique »)41. Bachelard s'oppose cependant à la conception
continuiste de l'histoire des sciences, qui est celle du positivisme, et la remplace par sa propre
conception discontinuiste (par ruptures et polémiques), proche de celle d'Alexandre Koyré et plus tard
de celle de Thomas S. Kuhn42.

Bachelard critique la conception du temps et du réel de Bergson dans L'Intuition de l'instant (1932) et La
Dialectique de la durée (1936, rééd. en 1950), ses « deux seuls livres ouvertement métaphysiques »
selon Pascal Nouvel, spécialiste de philosophie des sciences. Bachelard récuse en effet la notion
bergsonienne de « continuité »43. Pour Bachelard, le temps est au contraire une « suite d'instants ».
C'est la volonté qui institue une cohésion entre les instants, et nous fait penser à une durée continue,
qui n'est pas la définition réelle du temps44.

Mais Bachelard reçoit l'influence de la philosophie bergsonienne de la mobilité, citée nommément à de


nombreuses reprises dans L'Air et les Songes (1943)45.

Parmi ses contemporains, la philosophie des sciences de Bachelard est proche de celle de Ferdinand
Gonseth concernant la logique mathématique. Ce dernier considérait la logique comme « une physique
de l'objet quelconque » et soutenait qu'il n'est pas possible de faire le partage, dans les assertions
mathématiques, entre ce qui est pure logique et contenu de réalité46.

Bachelard est considéré comme un précurseur par les tenants contemporains du constructivisme
épistémologique, notamment Jean-Louis Le Moigne47.
Philosophie allemande

Bachelard reçoit l'influence de trois principaux courants de pensée : l'épistémologie française


d'obédience positiviste, Kant et les « postkantiens » (Novalis, Hegel, Schopenhauer, Nietzsche), enfin la
psychanalyse, surtout jungienne. Jean-Jacques Wunenburger explique que Bachelard fait communiquer
la tradition française, faite de clarté et de rationalité analytique, avec la tradition allemande, faite de
poésie et d'images synthétiques de la Nature. Il est positiviste en philosophie des sciences et
romantique en philosophie de la poésie, mais Wunenburger ajoute que Bachelard ne maintient pas
cette dualité de façon indépassable, au contraire il cherche à réduire le fossé entre les deux traditions.
C'est la « pensée rhénane » de Bachelard48. Ce dernier tente d'éviter deux écueils : n'admettre que la
raison positiviste, ou bien se perdre dans une vision extatique du monde.

Bachelard reprend à Kant l'idée que la théorie est logiquement antérieure à l'expérience et informe
celle-ci. La connaissance objective est une reconstruction de l'expérience sensible, laquelle n'est jamais
donnée ou immédiate. Mais Bachelard critique le caractère a priori (universellement valide) que Kant
assigne aux catégories. Les théories sont majoritairement erronées et la science avance en se corrigeant
continuellement49.

Il reprend à Hegel l'idée que la rationalité est essentiellement « dialectique », c'est-à-dire en


mouvement. La connaissance scientifique est un aller et retour permanent entre la raison et
l'expérience, et la raison se corrige elle-même, elle ne produit pas des théories figées, mais des théories
qui évoluent. Bachelard propose ainsi une définition de la rationalité complexe et subtile, qui suit les
articulations de son objet en l'intériorisant. Mais il critique le caractère « clos » de la dialectique
hégélienne, qui se referme sur elle-même et forme un système achevé.

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