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Après un rappel de la classification des champignons et des principales causes d’intoxications, 32 espèces
toxiques parmi les plus fréquentes, les plus connues ou les plus potentiellement dangereuses en Europe,
sont illustrées et commentées. Chaque espèce est décrite brièvement, et les confusions potentielles avec
des espèces voisines ou semblables sont évoquées.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan Introduction
■ Introduction 1 Les intoxications par les champignons trouvent leur origine
■ Caractères morphologiques à observer en priorité 2 dans la tradition alimentaire et gastronomique, mais aussi dans
Hyménophore 2 la méconnaissance, voire l’insouciance, des ramasseurs tant occa-
Voile général 2 sionnels qu’expérimentés vis-à-vis de la diversité et de la difficulté
Voile partiel 2 de la reconnaissance des champignons.
Sporée 2 Parmi les quelques 30 000 espèces de champignons dits supé-
Consistance de la chair 2 rieurs recensées en France, seules quelques centaines méritent
■
l’attention du consommateur, et environ 200 sont toxiques,
Nomenclature 2
dont une trentaine peut être mortelle. Les circonstances des
■ Notices sur les espèces 3 intoxications sont souvent comparables et peuvent être sériées
Agaricus xanthoderma Genev. 3 ainsi :
Amanita muscaria (L. : Fr.) Pers. 3 • les confusions : des ressemblances superficielles entre espèces
Amanita pantherina (DC. : Fr.) Fr. 3 ou la récolte de spécimens mal développés ou altérés ne pré-
Amanita phalloides (Fr. : Fr.) Link 4 sentant pas les caractères de reconnaissance essentiels, restent
Amanita proxima Dumée 4 les principales sources de confusion, dont les conséquences
Amanita virosa (L. : Fr.) Lam. 4 peuvent être dramatiques. Parmi ces raisons, la méconnaissance
Boletus satanas Lenz 5 des caractères importants d’identification est presque toujours
Clitocybe amoenolens Malençon 5 en cause. Rappelons à cet égard que les caractères les plus appa-
Clitocybe dealbata (Pers. : Fr.) Kummer 5 rents : la couleur du chapeau, la croissance sur bois, en touffes,
Coprinopsis atramentaria (Bull. : Fr.) Redhead et al. ou la présence d’un anneau sur le pied, ne donnent aucune
(Coprinus atramentarius) 6 indication de comestibilité et sont sources de confusions inévi-
Cortinarius orellanus Fr. 6 tables. En revanche, les caractères indispensables à la bonne
Entoloma lividum (Bull.) Quélet 7 détermination des espèces sont moins visibles et méconnus du
Galerina marginata (Batsch : Fr.) Kühner 7 public :
Gyromitra esculenta (Pers. : Fr.) Fr. 7 ◦ la présence d’un voile général (volve en sac à la base du pied
Hapalopilus rutilans(Pers. : Fr.) P. Karsten 8 ou flocons labiles sur le chapeau), caractérisant en particulier
Inocybe geophylla (Sow. : Fr.) Kummer 8 les Amanita,
Inocybe patouillardii Bres. (Inocybe erubescens Blytt) 8 ◦ la couleur des spores, que traduit plus ou moins la couleur des
Lactarius torminosus (Schaeff. : Fr.) Pers. 9 lames des champignons adultes (le plus sûr est de rechercher
Lepiota brunneoincarnata Chodat & C.E. Martin 9 des traces de dépôts de spores sur le haut du pied, ou de pra-
Lepiota josserandii Bon & Boiffard 9 tiquer soi-même une sporée en posant le champignon, pied
Morchella esculenta (L. : Fr.) Pers. 10 coupé, sur un papier ou un verre et en attendant plusieurs
Mycena pura (Pers. : Fr.) Kummer 10 heures),
Omphalotus olearius (DC : Fr.) Fayod 10 ◦ l’insertion des lames sur le pied, que l’on classe grossièrement
Paxillus involutus (Batsch : Fr.) Fr. 11 en : libres (n’atteignant pas le pied et laissant un espace libre
Pleurocybella porrigens (Pers. : Fr.) Singer 11 avant le pied), adnées (atteignant le pied perpendiculaire-
Psilocybe semilanceata (Fr.) Kummer 11 ment) et décurrentes (descendant le long de pied), avec de
Ramaria pallida (J.C. Sch.) Ricken 12 nombreux cas intermédiaires entre ces principaux types,
Russula emetica (J.C.Sch. : Fr.) Pers. 12 ◦ la présence d’un voile partiel en haut du pied (cortine ou
Russula olivacea Pers. 12 anneau), moins importante pour la classification des espèces
Tricholoma auratum (L. : Fr.) Gillet 13 que pour éviter certaines confusions ;
Tricholoma josserandii Bon 13 • l’aspect socioculturel : l’attrait pour cette ressource naturelle,
Tricholoma pardinum (Pers.) Quélet 13 gratuite et parfois abondante, jouissant d’une image très
positive dans les cultures latines et slaves, incite de plus en lorsque celui-ci grandit. Lorsqu’il est membraneux il reste à la base
plus de personnes n’ayant pas le bagage naturaliste nécessaire du pied et forme une volve en sac ; lorsqu’il est friable il s’effrite
à ramasser des champignons, aussi bien dans les forêts que en flocons à la surface du chapeau (il existe divers cas intermé-
dans les jardins urbains. La reconnaissance approximative ou diaires). Ce voile caractérise essentiellement les amanites et les
l’attrait pour des champignons simplement appétissants, non volvaires.
confirmée auprès de professionnels ou d’amateurs compétents,
provoquent régulièrement des intoxications graves ;
• des connaissances émergentes : le recensement et la compré- Voile partiel
hension des effets néfastes des champignons progressent grâce
aux intoxications, aux études épidémiologiques et biochi- Il ne protège que l’hyménophore avant ouverture du chapeau,
miques de plus en plus précises, mais ces connaissances ne se en reliant le bord du chapeau au haut du pied ; il se déchire lorsque
diffusent que très lentement auprès de la population. Elles sont le chapeau s’ouvre et forme alors un anneau (membrane) ou une
d’autant plus difficiles à faire accepter au public lorsqu’elles cortine (fines fibres en « toile d’araignée ») qui peut persister en
révèlent la toxicité occasionnelle d’espèces consommées tradi- haut du pied, ou plus rarement au bord du chapeau.
tionnellement, telles que les gyromitres, les paxilles, ou plus
récemment le « bidaou » (tricholome doré) ;
• la « consommation » accidentelle de champignons par des Sporée
enfants, dans les cours d’école ou les jardins, est relativement
Les spores sont trop petites pour être observables isolément
fréquente (l’enfant est surpris en train de toucher un cham-
(environ de 5 à 20 micromètres de longueur), mais leur couleur
pignon ou de le porter à la bouche) et généralement sans
en masse sur une surface est l’une des bases essentielles de la clas-
conséquence, mais doit toujours être prise au sérieux en cas
sification. Elle peut être observable par dépôt naturel en haut du
d’ingestion supposée.
pied (les spores retenues lors de leur chute par un voile partiel),
sur des chapeaux ou des débris voisins. Lorsqu’elle est colorée,
elle donne à l’hyménophore sa couleur à maturité (attention : les
Caractères morphologiques lames ou les tubes jeunes peuvent avoir leur propre couleur indé-
pendante de celle de la sporée !). Enfin, un chapeau posé, pied
à observer en priorité coupé, sur papier ou lame transparente après la récolte, permet
d’obtenir après quelques heures une belle sporée.
Hyménophore
C’est la partie fertile du champignon, où les spores sont pro-
duites. Il peut être : Consistance de la chair
• à pores : les pores vus par l’observateur sont les extrémités de
tubes parallèles, qui peuvent être séparables de la chair du cha- Certains champignons à lames (les russules et les lactaires) ont
peau (bolets) ou soudés à elle (polypores) ; la particularité de posséder dans leur chair de nombreuses cel-
• à aiguillons : les spores sont formées à la surface de petites lules rondes, qui leur confèrent une structure dite grenue, qui
« dents » pendantes, caractéristique des hydnes (dont le célèbre s’oppose à la structure filamenteuse des autres champignons. Cas-
pied-de-mouton : Hydnum repandum) ; ser le pied du champignon (après en avoir bien observé les autres
• à lames : les spores se forment à la surface de lames rayon- caractères !) permet de distinguer facilement ces deux textures. Les
nantes. Chez presque toutes ces espèces on distingue les lames lactaires possèdent de plus un latex (ou lait), blanc ou coloré, qui
(qui vont du bord du chapeau au haut du pied) des lamellules s’écoule des blessures, en particulier dans les lames et au bord du
(qui s’intercalent aux lames depuis le bord du chapeau mais chapeau.
n’atteignent pas le pied). Les lamellules ne manquent que chez
certaines amanites et russules ;
• à plis : les rides plus ou moins marquées de la surface inférieure Nomenclature
du chapeau peuvent évoquer des lames (surtout chez les chan-
terelles, dont la girolle : Cantharellus cibarius). On notera qu’il La nomenclature botanique, qui concerne également les
n’existe alors jamais de lamellules mais des bifurcations irrégu- champignons, a été définie par Linné (1753, Species Plantarum).
lières, qui les distinguent des champignons à lames ; Chaque espèce est pourvue d’un nom latin binomial, le premier
• lisse : parmi les nombreuses formes possibles, parfois inso- terme étant le nom de genre (par exemple Amanita), le second
lites, on distinguera entre autres les clavaires (à ramifications une épithète spécifique (phalloides). Ce binôme est suivi du
dressées, sans chapeau) et les pézizes, gyromitres, helvelles et nom de l’auteur (parfois des auteurs) qui a décrit et publié
morilles (à surface fertile orientée vers le haut, plus ou moins cette espèce, abrégé d’après une convention internationale (http :
contournée ou alvéolée) ; //www.indexfungorum.org/Names/AuthorsOfFungalNames.htm)
• interne : chez les vesses-de-loup ou les truffes, c’est le volume du et selon les symboles définis par le Code international de nomen-
champignon, et non sa surface, qui est consacré à la production clature botanique. Soit pour l’exemple choisi : Amanita phalloides
de spores. (Fr. : Fr.) Link. Mais que signifie (Fr. : Fr.) Link ?
Depuis les débuts de la nomenclature (Linné, 1753), de nom-
Insertion de l’hyménophore sur le pied breux ouvrages ont décrit les champignons, il a donc été décidé de
considérer (dans l’exemple présent) comme ouvrage de référence
Il est parfois nécessaire de couper le champignon en deux dans
le travail de synthèse réalisé par le mycologue E.M. Fries (Systema
le sens de la hauteur pour bien observer certains cas ambigus.
Fungorum, 1821–1832). Parfois, le binôme latin a pu être modi-
L’hyménophore peut être :
fié, par exemple par un changement de genre. Le nom de l’auteur
• libre : il ne touche pas le pied. Caractère associé : le pied est
d’origine est alors mis entre parenthèses et suivi de celui qui a
constitué d’un tissu différent de celui du chapeau et peut être
proposé cette modification.
déboîté net ;
On comprend ainsi l’histoire du nom Amanita phalloides : le
• adné : il fait un angle droit avec le pied ;
binôme a été créé initialement par Fries en 1821 (abrégé en « Fr. »),
• décurrent : il descend plus ou moins loin le long du pied (les
qui a nommé l’espèce Agaricus phalloides (à l’époque tous les cham-
lames ont parfois seulement un profil concave).
pignons à lames étaient des Agaricus). Il est cité dans l’ouvrage
de référence ; ainsi, le nom sélectionné par Fries est-il conservé
Voile général et le symbole « : Fr » figure-t-il à la suite du premier auteur dans
l’abréviation (Fr. : Fr.). Puis, le mycologue J.H.K. Link a été le pre-
Il s’agit d’une membrane (lisse ou granuleuse) entourant la tota- mier, en 1833, à proposer de placer cette espèce dans le genre
lité du sporophore lorsqu’il émerge du substrat et se déchirant Amanita, d’où : Amanita phalloides (Fr. : Fr.) Link.
Figure 12. Entoloma lividum (Bull.) Quélet (cliché P.-A. Moreau). Figure 14. Gyromitra esculenta (Pers. : Fr.) Fr. (cliché P.-A. Moreau).
Figure 15. Hapalopilus rutilans (Pers. : Fr.) P. Karsten (cliché P.-A. Figure 16. Inocybe geophylla (Sow. : Fr.) Kummer (cliché P.-A. Moreau).
Moreau).
Figure 22. Mycena pura (Pers. : Fr.) Kummer (cliché P.-A. Moreau).
Figure 21. Morchella esculenta (L. : Fr.) Pers. (cliché P.-A. Moreau).
Figure 27. Ramaria pallida (J.C. Sch.) Ricken (cliché P.-A. Moreau). Figure 28. Russula emetica (J.C.Sch. : Fr.) Pers. (cliché J.-M. Moingeon).
Habitat : sous les sapins et les épicéas, surtout sur sols cal- rencontrer T. pardinum en mélange avec les espèces comestibles,
caires ou volcaniques en moyenne montagne, assez rare mais ces derniers de taille toujours inférieure (pied toujours inférieur
localement abondant et attirant l’attention des récolteurs ; août à 1,5 cm de diamètre). T. filamentosum (tricholome tigré filamen-
à octobre. teux) est une espèce très voisine, de même habitat, d’autant
Contexte : les récolteurs de tricholomes comestibles (« petits- plus dangereuse qu’elle n’offre pas les écailles caractéristiques de
gris », regroupant diverses espèces de Tricholoma à chapeau gris T. pardinum mais une surface feutrée uniforme gris pâle, incitant
écailleux) dans les régions de montagne sont susceptibles de moins à la prudence.
P.-A. Moreau.
Département des sciences végétales et fongiques, Faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques, Université Lille 2, BP 83, 59006 Lille cedex, France.
P. Saviuc (psaviuc@chu-grenoble.fr).
Centre de toxicovigilance, CHU de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble cedex 09, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Moreau PA, Saviuc P. Atlas des champignons toxiques. EMC - Pathologie professionnelle et de
l’environnement 2013;8(2):1-14 [Article 16-075-A-10].