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Les pièges dans l'évaluation du rétrécissement

aortique
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March 10, 2020

L'échographie cardiaque est la principale technique d’évaluation du RA. Cette évaluation


est difficile et comporte de nombreux pièges, à la fois dans le recueil des données et dans
leur interprétation.

Les principaux critères écho- Doppler de RA serré sont, outre l’importance des
calcifications aortiques, le pic de vitesse maximale du flux transvalvulaire Vmax > 4 m/s,
un gradient moyen > 40 mmHg une surface valvulaire aortique < 1 cm2 (0,6 cm2/m2), et un
index de perméabilité (IP) < 0,25(2). Les pièges principaux de l’évaluation échographique
du RAC sont les erreurs dans le recueil des données et les situations hémodynamiques
particulières qui en rendent l’interprétation difficile. En cas de discordance entre les
différentes mesures ou de discordance avec l’aspect morphologique et notamment
l’importance des calcifications, il est essentiel de rechercher des causes d’erreur.

Erreurs de mesure

La mesure de la Vmax et du gradient moyen


La sous-estimation du gradient moyen ou de la Vmax est une cause fréquente d’erreur
dans l’évaluation de la sévérité du RA. La mesure du flux transaortique est effectuée en
Doppler continu. Afin de recueillir la valeur maximale, il est indispensable de multiplier les
incidences : apicale 5 cavités, apicale 3 cavités, suprasternale, parasternale droite (avec la
sonde Pedoff mais possible avec la sonde classique couplée), sous-costale.
Environ 20 % des patients étiquetés RAC moyennement serrés sont reclassés
en RAC
serrés grâce à la multiplication des incidences, et notamment l’utilisation de l’incidence
parasternale droite (figure 1).

Figure 1. A. Mesure du gradient


moyen et de la Vmax en Doppler
continu en incidence 5 cavités. B.
En incidence parasternale droite.

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Surface valvulaire aortique
La surface valvulaire aortique peut s’obtenir par l’équation de continuité (surface
fonctionnelle) selon la formule suivante SVAo = Π/4 x DCCVG2 x ITVCCVG/ITVAO, où
DCCVG correspond au diamètre de la chambre de chasse du ventricule gauche, ITVCCVG
à l’ITV sous-aortique, et ITVAO à l’ITV du flux transaortique (recueilli simultanément au
gradient moyen et au pic de vitesse).
La planimétrie (surface anatomique)
est un paramètre assez peu reproductible, et non
recommandé car souvent limité par les calcifications valvulaires. La surface valvulaire est
en valeur absolue un paramètre moins robuste que le gradient moyen ou la Vmax et n’est
pas utilisée seule en routine pour la prise de décision clinique.

la surface valvulaire (0,1
Il s’agit d’une mesure difficile dont l’erreur se reporte au carré sur
cm2 par mm d’erreur). Les valeurs normales du DCCVG sont de 24 mm ± 4 mm chez
l’homme et de 21 mm ± 2 mm chez la femme.
Les erreurs de mesure de la surface valvulaire
aortique peuvent être liées à une erreur de
mesure de chacun des paramètres rentrant dans l’équation de continuité : – diamètre de
la chambre de chasse du ventricule gauche (VG) ;
– ITV sous-aortique flux sousaortique ;

– ITV aortique flux aortique.

Diamètre de la chambre de chasse du ventricule gauche


La mesure du DCCVG(3) se fait :


axe ;
– en incidence parasternale grand

chasse est la plus circulaire et la moins elliptique
– en mésosystole lorsque la chambre de
;

à la base d’insertion des feuillets de la valve aortique (comme pour la mesure de
l’anneau aortique). Mesurer le DCCVG 5 à 10 mm en dessous du plan d’insertion des
cusps revient à sous-estimer sa valeur, d’autant plus qu’il existe un bourrelet septal ;

– de bord interne à bord interne à partir du point de rencontre entre la cusp antéro-droite
et le septum, jusqu’au point d’insertion entre la cusp postérieure et le feuillet mitral
antérieur (figure 2) ;

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– en évitant les calcifications : utiliser un plan qui coupe le plus large diamètre en excluant
les calcifications. Modifier légèrement l’angle de la sonde permet de s’affranchir de ces
calcifications.

Figure 2. A. Mesure à la base


d’insertion des feuillets et non 5-
10 mm en dessous. B. Mesure de
bord interne à bord interne.

En cas de discordance entre la


surface et les autres paramètres,
d’autres techniques peuvent être
utiles.

• Confronter la valeur mesurée à


la valeur prédite du DCCVG
L’utilisation de la formule qui

permet de prédire le DCCVG


(DCCVG = 5,7 x surface corporelle
+ 12,1) permet d’évaluer la
cohérence de la mesure : une
différence de plus de 2 m entre la
valeur mesurée et la valeur
calculée doit faire penser à une
erreur de mesure. Cette formule
ne doit bien sûr pas remplacer la
valeur directe et ne doit être
utilisée chez les patients
obèses(4).

• Confronter aux valeurs d’autres


techniques d’imagerie

La confrontation de la mesure du
DCCVG en ETT 2D avec celle en
scanner ou ETO 3D peut rattraper
des erreurs liées au caractère non
circulaire de la CCVG :

– 52 % des RAC bas gradient


paradoxal dit serrés et 12 % des RAC bas débit bas gradient dit serrés sont reclassés en
RAC moyennement serrés après confrontation avec le scanner(5) ;

– 10% des RAC dit serrés sont reclassés en RAC moyennement serrés après confrontation
avec l’ETO 3D(6).

La mesure du diamètre en scanner et en ETO est celle du diamètre moyen, qui est plus
grande que la mesure en ETT 2D qui mesure le diamètre le plus petit de la CCVG en
général de formel elliptique et non circulaire.

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La mesure du flux sous-aortique - L’ITV sous-aortique
Il s’agit d’un paramètre essentiel dans l’équation de continuité mais aussi pour l’évaluation
du volume d’éjection systolique (VES). La mesure est effectuée en Doppler pulsé en
plaçant la fenêtre Doppler à 5-10 mm sous la CCVG en incidence 5 cavités par voie
apicale. À l’obtention d’une accélération du flux, il est nécessaire de remonter et de
recueillir le flux avec la plus belle enveloppe associée à son clic de fermeture sans clic
d’ouverture (figure 3).

Figure 3. Mesure de l’ITV sous


aortique en fonction de la
distance du curseur par rapport à
la valve. La mesure correcte est la
3e mesure.

La valeur est sous-estimée si :


– la fenêtre Doppler est placée

trop loin de la valve ;


– il existe un défaut d’alignement


avec le flux sous-aortique.
La valeur est surestimée si
:
– la dispersion spectrale est

incluse dans la mesure (« les


cheveux ») ;
– le curseur
est placé trop près de
la valve ;

une accélération
– il existe
sousaortique dynamique liée à
une obstruction, qui invalide
l’équation de continuité car le
profil de vitesse n’est plus plat en
amont de la valve.

La mesure du flux transaortique - L’ITV aortique


Les erreurs liées à la sous- ou surestimation sont
les mêmes que celles du gradient et de
la Vmax. La figure 4 est un algorithme issu des recommandations européennes qui
résume la stratégie d’évaluation échocardiographique du RAC.

mesures, en
Ces recommandations insistent sur la hiérarchie des différentes
commençant par une analyse de la morphologie valvulaire et l’importance des
calcifications, signe indirect très sensible de la sévérité du RA.
En présence d’une discordance entre gradient et surface, les deux
éléments importants
sont l’élimination des causes d’erreur et l’évaluation du VES.

Figure 4. Évaluation du rétrécissement aortique d’après les recommandations


européennes 2017.

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Situations hémodynamiques particulières

Fibrillation atriale
Le pic de vitesse et le gradient moyen peuvent être abaissés en cas de fibrillation atriale
(FA) rapide. La variabilité des cycles rend plus difficile l’utilisation de l’équation de
continuité. Elle reste fiable en cas de FA peu rapide, en moyennant des mesures sur 5
cycles et en choisissant des intervalles RR assez réguliers. L’IP peut être utilisé.

Hyperdébit
Dans le cas d’une élévation des gradients, il est indispensable d’éliminer un hyperdébit :
inclure dans l’interprétation le volume d’éjection systolique (VES), le débit cardiaque et
l’index de perméabilité (rapport des ITV ou des vitesses sous aortique/aortique, dont la
valeur inférieure à 0,25 est bien corrélée au RA serré) est indispensable. Les causes
d’hyperdébit à éliminer sont : l’anémie, la présence d’une fistule artério-veineuse,
l’hyperthyroïdie, la grossesse et la présence d’une insuffisance aortique associée.

Bas débit-bas gradient et dysfonction VG

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La définition du RA en bas débit bas gradient est une surface valvulaire < 1 cm2 associée à
un gradient moyen < 40 mmHg et un dysfonction VG < 40 %. L’ETT de repos ne permet pas
de distinguer un RA serré d’un RA moyennement serré associé à une cardiomyopathie
dont le débit est insuffisant pour assurer une ouverture normale des cusps aortiques.
L’échographie dobutamine est l’examen de choix pour répondre à la question : en présence
d’une réserve contractile (VES augmentant de plus de 20 %) une surface valvulaire restant
à moins de 1 cm2 avec une élévation des gradients moyens à plus de 40 mmHg conclut à
un RA serré.

RA en bas débit-bas gradient paradoxal


La définition du RA bas débitbas gradient paradoxal est une surface valvulaire < 1 cm2
associée à un gradient moyen < 40 mmHg, une FEVG normale et un VES < 35 ml/m2. Cette
discordance entre la surface et le gradient doit d’abord faire suspecter une erreur de
mesure. En l’absence d’erreur retrouvée, le diagnostic de RA serré peut être conforté par
l’étude du score calcique par scanner (> 1 200 chez la femme, > 2 000 chez l’homme).

En pratique
L'échographie cardiaque est l'examen de référence dans l'évaluation du RA et la
décision de prise en charge thérapeutique du RA serré.
Effectuer des mesures rigoureuses et de manière répétée est indispensable.
La confrontation des différentes valeurs entre elles mais aussi avec les données
cliniques et d'autres techniques d'imagerie permet de vérifier leur cohérence et
d'adopter la stratégie la plus adaptée pour chaque patient.

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