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Collection Espace tbéàtre

dirigée par Sabine Chevallier

Wasbington post, 2l mai 2OO4

ISIIN : 2-u4705-07G1 ; EAN :97A2A47orO7O7 ; ISSN : ll5a-9492


( ) 20 I0, I cr
édition, et réimpression 2013, Éditions Espaces 34
5 lrlace cltr chàte*r,3427O Les Matelles, Frarce.
www.cclitions-cspacesl4. fr
Je suis cette laisse en vérité.
Pendant des semaines je suis cette laisse.
Pendant des semaines j'écrisAu Bord.Je commence au
mois de mars.Je recommence.Trente-neuf fois j'essaie
d'écrire Au Bord.Trente-neuf fois je m'arrête en route.
Je suis cette laisse.

Je suis au bout de cette laisse.

Je suis celle qui tient la laisse.

Je suis celle qui se tait et qui tient la laisse.

J'ai punaisé la photographie sur le mur en face de la


table où j'écris. Je n'écris plus je regarde.
Celle qui tient la laisse m'appelle.
Sans me regarder elle me tient captive.
Regarde-moi.

Je suis cette femme qui regarde cette femme qü tient


en laisse un cotps.
Un corps nu.
(je crois que le corps est nu)
Je suis cette femme dans la contemplation de cette
femme qui tient un cofps en laisse un homme nu.
(je crois que c'est un homme)
Je ne regarde pas l'homme.Je ne regarde pas la victime.
Le mec ttûné au sol.
C'est elle que je regarde. Je la regarde elle son corps On est le 2l aoît 2OO5.
lisse imberbe ses cheveux coufts son treillis ses bottes. Ma mère mourait il y a dix-huit ans.
On dirait un garçon mais je sais je le sais depuis mon Le 2l aoit.
ventre que c'est une fllle. « Je suis cette laisse en vérité ». Je lis cette phrase de

Dominique Fourcade le 21 août.


J'écris au bord.Je n'y arrive pas.Je reste au bord. J'écris la quarantième version de Au Bord à partir du
Je reste à côté de la fille. 2l août.
Debout à côté de la fiIle.Je suis la fille.
À côté de la fille il y a l'homme.Je ne suis pas l'homme. Je voulais parler de la possibilité de la torture de la possi-
Je suis debout tout contre la fille.Je m'attache à la fille. bilité de l'horreur.J'ai lu quelque part qu'on ne pouvait
Je suis cette laisse en vérité. Je suis cette fille que la pas ôter à un être humain la possibilité de torturer sans
fille tient au bout de sa laisse. lui enlever de l'humanité.
J'ai lu beaucoup de choses.
Je regarde la fille et pas l'homme.
Je reste accrochée à la photographie sur le mur. Pendue.
Lhomme je suis incapable de le décrire.
Amarrée. Punaisée. Engluée. Scotchée.
Je me force à le regarder alors je m'aperçois qu'on ne
voit même pas son corps en entier seulement le buste
Je dépunaise la photo du mur.
les bras la tête.Il a des cheveux très noirs une moustache
Je la vois encore.
une barbe.
Je me regarde regarder le mur blanc et voir la photo et
L homme ne m'intéresse pas.
regarder la fille.
C'est elle qui m'intéresse. C'est elle que je regarde. C'est
27 aoit.
elle qui m'attire. C'est elle que je veux.
Les derniers mots de ma mère à l'hôpital (je me penchais
Depuis mon ventre je la veux.
pour l'embrasser) : tu pues.
Regarde-moi dit-elle.
Je regarde.Je ne fais que ça la regarder. Je regarde la femme et je dis la fille.Je vois une femme
et ie pense que c'est une fille.Je dis fille comme je dis
Quand le soir vient dans l'obscurité jela regarde encofe.
garçon. Dans garçon il n'y a pas fils.
Je la vois toujours.
Je dis fille et je pense à la fille que j'ai aimée.
La photo de la soldate américaine qui tient en laisse un
prisonnier irakien dans la prison d'Abu Ghraib la photo Je regarde la femme sur la photographie et je vois la
parue dans le W'ashington Post le 2l mù2OO4la photo fille.Je vois qu'elle a un corps de fille.J'aime les corps
punaisée sur le mur me tient en laisse. de fille.
I-a li:rnme clue j'ai aimée était terriblement une fille. ma petite fllle ma seule fille mon enfant ma chérie mon
amour je n'ai personne d'autre tu es tolrt pour moi je
Dans la fllle et dans le garçon il y a l'enfant.J'aime les suis tout pour toi 1l n'y a personne d'autre que moi il
corps d'enfants. Dans l'enfant il y a toujours la fille il n'y a pas d'autre femme quc moi.
y a toujours la mère dans l'enfant et la mère dans la
fille. Cette femme est tout à fait une fille. Et la laisse lui J'ai dépunaisé la photographie.
va naturellement. La laisse va aux filles. Je suis cette La fille je l'ai dans la tête.Je lui ai fait un visage.
laisse en v&ité. Vous croyez qu'on peut écrire avec Je lui ai fait un corps nu.
des images pareilles sur des images pareilles à partir Déshabillée elle pourrait être dans mon lit.
d'images pareilles ? Déshabillée elle est dans le lit de quelqu'un vraisembla-
blement d'un homme et elle crie.
Je ne peux écrire c1u'à partir de ces images. Je suis
cette laisse en vérité. Quancl j'aimais la fille clue j'aimais une odeur montait
cle nos corps.
J'ai dépunaisé l'irnage de la fille.
Je lui ai fait un visage dans ma tête. Je voudrais mettre ma main dans son ventre. Je vou-
À partir de son corps. drais voir son visage se renverser et ses yeux céder.
Mince et musclé.
L image enfante d'autres images.
Ma mère n'aimait pas que je ftrme.
Elle me clisait : tu pues. Ma mère m'enfantant. Si je voyais l'image je ne recon-
Ma mère n'aimait pas que je sorte. naîtrais pas ma mère je ne me reconnaîtrais pas.
Elle me disait : tlr n'es pas une putain. Limage est dans ma tête.
EIle voulait dire : tu es une putain. Plus l'image est visible dans ma tête moins je reconnais
Ma mère n'aimait pas que j'aime. ma mère.
Elle me disait : tu n'es pas une salope. Plus j'écris moins ma mère me reconnaît.
Elle voulait clire : tu n'aimes que moi je suis celle que Livre après livre je me désenfante.
tu aimes.
La mère de la soldate.Je lui ai fait un visage je lui ai fait
Elle disait aussi : les hommes sont des salauds. Salaud un corps je lui ai fait une mère. Elle dit à sa fille : je
salaucl disait-elle à mon père va voir ta putain. t'aime.
Elle voulait me dire : les hommes il ne faut pas compter Les mères aiment les mères ne peuvent pas s'empêcher
dessus compte sur moi tu n'as que moi tu es ma fille cl'aimer les mères aiment leur progéniture les mères

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:rinr('nt (lu'olt les trahisse qu'on les piétine qu'on les plus repoussant qu'eile lourd et massif elle on dirait
irrrrrr«rlc qu'on les tue. Les mères aiment et cet amouf une enfant le corps de la fille-enfant émeut cette zone
l)Uc. en moi cette zone fragile sensible à la beauté des filles
à leurs lignes.
J'ai dépunaisé l'image mais l'image est à l'intérieur de Je tire mes lignes des filles.
moi gravée.
L'image enfante d'autres images. Je tire mon plaisir au bout des lignes de ma laisse.

La femme nue déshabillée mignonne donr je lèche le


sexe. Je voulais parler de la vérité des images. De leur rela-
Enfile son tee-shirt et son pantalon kaki et ses bottes. tivité. De leur obscénité. De l'image comme une flaque.
Dans la prison de papa la laisse l'attend. Les c«-rups ne suffisent pas. La jouissance est trop brève
il faut faire durer la jouissance par l'image. La des-
Elle est cette laisse en vérité. truction. Faire durer. L image est une illusion. D'autres
photographient le corps de l'aimée. Couchent leur corps
Ma laisse m'attend dans la prison de maman. sur des photographies.Infinie jouissance de l'æil.
Dans mes rêves dans ce que j'écris.
Je fais mes images avec ma laisse. Lafille dans mes lignes je pourrais la coucher sous moi.
Je tire mes images de ma laisse. Au cæur du plaisir je ne haïrais pas la fille qui est sur la
Je laisse mes images me tirer. photo la fille qui traîne un prisonnier en laisse et le
conduit pour l'attacher aux barreaux le cagouler et le
Je laisse la fille me tirer. .
suspendre par les pieds le jeter sur la pyramide de corps
nus déjà entassés le recouvrir de merde le donner aux
Une fille qu'on aura décrite en train de balader un chiens le soumettre à l'électricité le donner à sucer à
prisonnier mâle arabe de le tirer au bout d'une laisse un autre prisonnier.
après une séance de torture et avant la prochaine une La fille sous moi dont je caresse la peau blanche et
fille qu'on aura immédiatement hai'e condamnée rejetée douce dont je mords les seins dont je fouille la bouche
il suffit de la regarder et de découvrir ses traits fins son est mignonne.
visage rond sa nuque fragile il suffit de la regarder le La fille qui tient en laisse le prisonnier irakien dans la
regard s'accommode le regard voit ce qu'il y a à voir prison de papa est séduisante.
une fille jeune svelte une fille-garçon rien d'une carica-
ture rien d'une laideur rien d'une exécutrice et la laisse Regarde-moi et dis si je ne suis pas baisable si je ne
au bout de sa main n'y change rien et l'homme est bien suis pas bandante si je ne suis pas sexy si je ne suis pas

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attirante si ie ne suis pas celle que tu pourrais prendre Je ne suis pltts superstitieuse. Je ne crains
plus personnc'
dans tes bras coucher dans ton lit savonner sous la Je ne suis plus une bonne fille.
douche regarde si tu ne pourrais pas te faire photo- Je serai enterrée. Je pourrirai. Je serai bouffée par les
graphier avec moi sllr une plage regarde si tu ne vefs.
pourrais pas en souvenir de la laisse m'attacher et me
faire connaîffe la zone sensible la zone frontière où le J'ai clépunaisé l'image mais l'image est à l'intérieur de
plaisir sombre dans la douleur où la douleur est du moi gravée.
plaisir la zone au bord à l'abri dans un appartement Limage enfante d'autres images.
cossu et calme après quoi je retournerais à mon travail
avec plus d'allégresse et de précision dans le geste et Ia fitle qui tient la laisse réappafrt sous l'allure de toutes
de désir de comrnettre ce que je n'aurais pas encore les filles aux cheveux courts que je croise clans la rue
commis. La mort peut-être dans la prison de papa? et que j'ai (en souvenir d'une) envie d'inviter dans
Regarde-moi et dis-moi que tu voudrais me tuef et tue- mon lit et dont j'ai envie d'ôter le tee-shirt afin de
moi de plaisir. Mets tes mains sur moi et tombe. Mets poser mes lèvres slrr les petits seins afin d'en frotter les
tes mains sur moi et fonds. Mets tes mains sur moi et pointes du plat de la main (en souvenir de la même)
gémis. Mets tes mains sur moi et deviens-moi. jusqu'à ce qu'elles soient si dures qu'il suffira de les
effleurer pour faire crier la fille faire gicler son ventre
et rouler ses yeux.
J'ai brûlé les photographies. J'ai dispersé les cenclres
La fille est dans toutes les filles que je regarde et dans
par la fenêtre.J'ai attendu la pluie.
celle que j'ai aimée .Celle à qui j'ai dit ne me laisse pas'
Je suis ces cenclres.Je désire la pluie.
Celle à laquelle je me suis attachée et dont |aiadotéla
laissc.Je suis cette laisse en vétité-
Mets tes mains sur moi et brûle. Mets tes mains sur moi
et coule.
Regarde-moi dit la fille.
Ma mère a voulu qu'on l'incinère.
Je ne veux Pas que tu sois.
Je n'ai pas jeté les cendres à la mer comme elle l'aurait
voulu. C'est ça que dit la laisse.
Ma mère voulait retrollver son père disparu en mer. C'est ça que dit la torture.
Ma tante garde les cendres de ma mère et de mon père. La nudité ce n'est rien. La peau et les os ce n'est rien'
Elle ne sait pas qu'elle les garde de moi. Elle ne sait pas qu'à Les insultes ce n'est rien. La souffrance ce n'est rien'
sa mort je jetterai les urnes à la poubelle. Les mâchoires La destruction ce n'est rien. La négation ce n'est rien'
du broyeur se refermcront clessus. Toujours troP. Encore rien.

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L'humiliation n'est iamais assez humiliante. Je suis cette laisse et cette fille.
La nudité n'est iamais assez nue.
La fille qui m'a laissée caressait mon corps et brutalisait
Je voulais pader de l'innommable. De la terreuf. Du le reste.
meuftre. Je suis cette fille et son ventre noir son
ccrur noir ses
Je voulais pader du retournement. DeJanus. Du sourire mots noifs.
et des dents.

Les journaux écrivent que c'est une tragédie.


J'ai dépunaisé la Photo.
L art de la tragédie reposait sur l'art guerrier.
Je la vois encore.
C'étaient des arts politiques. la photo et
Je me regarde regarder le mur blanc et voir
Il n'y a pas de raison politique à l'atrocité de ces images. regarder la femme.
La tragédie n'a plus cours au théâtre.
Même mises en scène ces images sont vraies.
Je regarde la femme et Pas l'homme.
L homme je suis incapable de le décrire.
Qu'est-ce qu'une photographie peut m'apporter cofllme
Lhomme je m'en fous.
preuve ?
C'est elle qui m'intéresse. C'est elle que je regarde' C'est
Comme pfeuve de quoi ?
elle qui m'attire. C'est elle qui m'arrête.
Qu'est-ce qu'une photographie interdit désormais
de faire ? de croire ? d'imaginer ? de rêver ? de désirer ?
Si c'était un homme il ne m'arrêterait pas jour et nuit'
Qu'est-ce qu'une photographie interdit de penser ? Même
Je dis homme.Je ne clis pas garçon.Impossible'
Regarde-moi.Je suis une femme.Dans la prison de papa s'il avait seize ans je dirais homme.
je tiens des hommes en laisse. Dans ton lit je te dis je
Je vais dire femme. Je ne vais plus dire fille' Je
ne vais
t'aime.
plus tracluire fille dans ma tête. C'est femme qu'il faut
Limage ne tient pas compte de la réalité.La réalité ne dire.Je regarde la femme sur la photographie'
tient pas compte de l'image.
Elle jottit.
C'est un vertige. Forcément elle iouit. C'est pour le plaisir qu'elle fait ça'
On dira qu'elle torture le soldat parce qu'il a torturé
Dans mon lit la fille jouit. hommes et femmes garÇons et filles.
Dans la prison de papa la laisse l'attend. Dans mon lit C'est ce qu'on dira.
et dans la prison de papa la fille jouit. Mais c'est Pour le Plaisir.

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graphie n'arrête pas l'impensable f impossible
possiblc
Ma mère venait dans la classe. Elle me déculottait et me
fessait devant les autres filles.Je flnissais devant le mur et que le Pire reste à venir'
mains sur la tête jupe relevée culotte aux chevilles. Les -Je
que la femme sur la photographie arrête en
pense
moi cl'autres images. Je pense que je vais m'arrêter
à
filles recopiaient les phrases de la leçon écrites sur
ces autres images.Je pense qu'écrire c'est m'arrêter
à
le tableau et regardaient les traces des doigts sur mes
ces images
fesses. Les fllles apprenaient la leçon sur le tableau noir ces alrtres images.Je pense que ie vais écrire
de mon cul. qui m'arrêtent. Je pense que la femme sur la photo-
je pense
graphie me met aux arrêts depuis quinze mois
lr. ;'ui aimé une femme jusque dans la prisonseoù
elle
On dira que ma mère veillait à mon éducation. Ma mère
super-
faisait son travail de mère. Son travail de mère consistait nous a enfermées je pense que les images
devenue
à jouir. Les mères ont besoin des filles pour jouir. Les posent en avril i'ai rencontré celle dont ie suis
la femme
pères aident à faire des filles pour jouir. Les mères ont l'amoureuse en mai i'ai vu la photographie de
qui tient la laisse en septembre l'amour s'est refermé
besoin de baiser leurs filles pour ne pas être baisées
peut pas
par les pères. Ma mère faisait son travail de mère qui comme une prison sur moi je pense qu'on ne
ma mère
consistait à me baiser pour jouir. À m'humilier. À me aimer en prison je pense que je n'ai pas aimé
que
frapper. À me faire pleurer. À me faire souffrir.Je suis la je pense que ma mère n'était pas aimable je pense
qui
fille des mains de ma mère. Je suis la fille entre ses désormais je ne pourrai aimer qu'une femme
me
mains. Je suis cette laisse entre ses mains. m'aime je pense que la femme sur la photographie
rouble cle bien des façons je pense que j'écris des choses
pas
J'ai déptrnaisé la photographie.J'ai laissé le mur. troubles ie pense que les hommes ne me troublent
L image est gravée en moi. Enfante d'autres images. je pense qu'en lisant Dominique Fourcade je pensais
que
Une image de femme qui tient une femme au bout de que c'était une femme même si je sais très bien
que j'ai
la laisse. Dominique Fourcacle est un homme je pense
Je suis cette laisse en vérité. terminéuneversiondeAuBorclpouruncomédienqui
que ce
Je suis cette femme au bout de la laisse. Aux deux l'a lu et ie pense que ie lui ai dit que ie pensais
n'était pas le texte que ie voulais écrire que ie
n'y
bouts de la laisse. texte
pas écrire
étais pas arrivée je pense que je ne pouvais
ne
ce texte pour un homme ie pense que les hommes
photo-
LeZl aoitZ005 je relis le texte de Dominique Fourcade m'arrêtent pas je pense que sur l'ensemble des
et ie recommence à partir cle cette phrase « je suis graphies parues clans leWashington Post et reproduites
dans Le Monde c'est la photographie avec
la femme et
cette laisse en vérité ». Je pense à la photographie qui
m'arrête depuis quinze mois je pense que je m'arrête la laisse qui m'a arètée ie pense que c'est plus la
femme que la laisse qui m'a arrêtée je pense
qu'un
au bord depuis quinze mois. Je pense que la photo-

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Ir«rnrme avec une laisse et au bout de la laisse une je pense à la voix douce de mon institutrice cluancl
l'cmme ou un homme ne m'aurait pas arrêtée ie pense j'ai sept ans je pense à la voix grave de Françoise mon
clue les hommes ont assouvi leur soif à ce sujet le sujet professeur quand j'ai quinze ans je pense que j'aime lcs
de la brutalité du pouvoir de l'esclavage de l'humiliation
voix graves des femmes je pense à la voix grave dc la
du meurtre je pense que la soif de baiser l'humanité de fille que j'aiaiméeje pense que sa voix m'a fait chavirer
l'enculer n'est pas assouvie je pense que les femmes avant ses doigts je pense que depuis toujours j'achète
ont assouvi leur soif d'images d'hommes tenant en de la musique chantée par des femmes ie pense que
laisse les femmes je pense que les femmes n'ont pas depuis toujours ie m'arrête sur les femmes dans les
assouvi leur désir d'étreindre des femmes et de les pos-
rues les métros les trains je pense que j'ai'r,rr le film le
séder je pense que je ne suis pas habituée à la brutalité docteur Jivago trois fois de suite quand i'avais quinze
des femmes je pense que je ne l'accepte pas je pense ans parce que Jivago dans le bus essayant de retenir
que je suis habituée à la brutalité des femmes depuis Lara qui passe dans la rue sans le voir c'est moi je
ma mère je pense que je l'accepte je pense que je dois pense que ça a commencé quand |avais quinze ans je
en parler je pense que les femmes n'en parlent pas je pense à Françoise je pense qu'elle est mofte et n'avait
pense que j'aime les filles parce que je suis une fille je plus sa voix je pense au cancer qui a emporté sa voix
pense que ma mère a besoin que je sois cette fille cette je pense combien ie la trouvais belle je pense que les
laisse pour être ma mère je pense à ma mère comme à femmes sont belles je pense que j'ai aimé sans le leur
une fille je pense à la laisse de ma mère je pense que dire deux femmes qui avaient des voix graves et que
ça l'a tuée je pense qu'elle n'a rien lu de moi je pense les cleux sont mortes je pense que j'ai parfois désiré
que ce que j'écris la sauverait je pense que les femmes que la fille que j'ai aimée et qui avait une voix grave
sauvent les femmes quand les filles ne tuent pas les filles soit morte je pense que je lui ai dit ne me laisse pas je
je pense que je ne vois pas les hommes que je ne peux
pense que j'ai mis un an à penser laisse-moi je pense
pas les aimer à cause de ça je ne vois rien des hommes qu'elle ne me laisse pas je pense que je ne suis plus cette
àpanleur sexe rien des hommes ne m'est visible j'aime laisse en vérité je pense que j'ai laissé des hommes et
des hommes ce qui n'est pas visible j'aime des hommes que je n'ai jamais laissé une femme je pense que ie n'ai
ce qui ressemble aux femmes j'aime des hommes Ia aimé aucun homme comme i'ai aimé cette femme je
peau douce je pense que les hommes n'ont pas la peau pense que quand les hommes m'aiment c'est moi que
douce je pense à la peau douce des femmes je pense à j'aime dans leur regard je pense que toutes les femmes
la douceur des femmes je pense que la douceur à aimer sont pareilles je pense que les femmes n'aiment qu'elles-
la femme que j'ai aimée m'a fait pleurer de bonheur je mêmes je pense qu'une femme est ma sæur ma fille
pense que les femmes sont plus douces que les hommes
mon enfant ma mère et que c'est irremplaçable aucun
je pense que je ne suis pas douce avec les hommes je
homme ne peut s'aligner aucun homme rivaliser je
pense que je dis mec et que je ne dis jamais nana pense qu'aimer sa sæur est normal je pense que je n'ai

)) _23_
pas de sæur ie pense qu'on aime ce qui nous ressemble je pense que les femmes se donncnt clrlt't' t'lk's r'l
j'ai ltittt«'t' lrt'rt
et pas ce qui est différent ie pense qu'on finit en disant ça me terrasse ie pense que la fille clue
maman ma mère a dit maman quelques minutes avant perdue je pense que les femmes ont des stratégics tlr'
de mourir mon père disait maman la nuit quand il était tueuses je pense que les femmes sont de mcillcttl'cs
à l'hôpital je pense que les hommes et les femmes tueuses que les hommes je pense qu'elles les ont
redeviennent des enfants je pense que pour les enfants observés et dépassés je pense qu'une tueuse est amotl-
le sexe ne compte pas la peau est imberbe les baisers reuse pour pouvoir tuer je pense que le désir de tuer
sont doux la poitrine est plate je pense que les femmes se confond avec le désir d'aimer ie pense que j'ai aimé
m'auront tout appris je pense à celle que j'ai aimée je une tueuse que j'ai aimé son désir fe pense que j'ai pris
pense que c'est mon premier amour je pense qu'elle mon désir pour son désir ie pense que la femme est
m'a appris qu'on pouvait dire en même temps je t'aime double je pense que l'homme ne l'est pas je pense que
et se déclire je pense que la part violente est dans la la soldate américaine sur la photographie m'arrête à
femme la part absolue l'entièreté la douceur je pense cause de ses cheveux courts de sa petite taille de la
que les mots d'amour sont doux et durs comme les finesse de ses membres je pense que j'aime les femmes
femmes je pense qu'une femme n'est complètement de ce type physique je pcnse que quand i'ét;;is enfant
une femme qu'avec une autre femme je pense que j'avais les cheveux courts et pas de poitrine je pense
je n'ai plus confiance dans les femmes je pense que que je m'aimais beaucoup je pense que je pourrais
j'ai bien plus confiance dans les hommes je pense embrasser la soldate je pense que j'ai aimé à la folie
qu'auclln homme ne trahit comme une femme aucun une femme petite aux cheveux courts ie pense que j'ai
homme ne blesse comme une femme à mort je pense aimé à crevef la laisse cl'une femme je pense que moins
que je ne me suis jamais abandonnée à un homme je elle m'aimait plus je l'aimais je pense que je voulais
pense que i'ai toujours été avec des hommes et que l'adoucir ie pense que je voulais la sauver je pense que
maintenant je serai toujours avec des femmes je pense je veux sauver les femmes pas les hommes je pense
que les hommes ne veulent pas cesser d'être des que si je devais choisir entre un garçon et une fille à
enfants je pense que quand je n'ai plus voulu d'enfant sauvef je n'hésiterais pas je pense que j'ai voulu sauver
je n'ai plus voulu des hommes je pense que les femmes ma mère je pense que l'image de la femme reste idéale
qui ne veulent pas cesser d'être des filles perdent l'en- je pense que la beauté des femmes est indépassable je
fance je pense que les femmes qui perdent l'enfance pense que je vois la laideur des hommes pas celle des
perdent leur cæur je pense que les hommes donnent femmes je pense qu'aimer sauve ie pense que les
même quand ils ne veulent pas je pense que les femmes femmes me protègent ie pense que les hommes ne me
ne donnent pas quand on croit qu'elles donnent je protègent pas je pense qu'une femme m'a sauvé la vie
pense que donner est tout je pense que quand une sans le savoir avec ses dessins je pense que les femmes
femme se donne à une autre femme elle ne se perd pas m'émeuvent à pleurer je pense que j'ai pleuré chaque

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jour pendant une année pour une femme je pense que
Je pense qu'il y a des gens qui ont photographié lrt
ie n'aipas pleuré à Ia mort de ma mère je pense à la laisse soldate.Il y en a qui photographient le corps de l'ain-r('c'
des larmes je pense que la solclate est un monstre Je pense que l'image ne tient pas compte de la réalité.
ie
pense que je n'ai jamais eu envie de tuer un homme La rêalité ne tient pas compte de f image.
mais une femme oui je pense que toute ma douceur je
l'ai gardée pour une femme je pense que la soldate Je pense que c'est un vertige.
n'est pas douce je pense que la fille que j,ai aimée Je pense que j'écris pour ne pas tomber.
a peur de la douceur je pense que de la douleur à la
dotceur / c je pense que savoir n,est pas suffisant je J'ai clépunaisé f image et comme Dominique Fourcade
pense que les photographies et ceux qui les regardent n j'emmène avec moi la laisse et mon poignet et mon coll
ne savent pas je pense que la laisse sait et le ventre sait et la soldate du cauchemar en cas de besoin de réalité '
je pense que les images qui savent ne se montrent j'emmène les images noires en cas de besoin de ftalité
pas
je pense que les images qui savent sont noires je j'emmène le ventfe noir de ma mère la bouche de mon
pense
que j'ai commencé la quarantième version deAu aimée et les mots qui en softent i'emmène mes laisses
Bord
quand j'ai dépunaisé la photographie de la soldate je à ronger.
pense que les images noires ont commencé à monter
sous le mur blanc je pense que si je laisse les images
noires dans le noir c,est moi que je laisse je pense que
les images fantômes sont les images réelles ye pense
que trois images de femmes me hantent.

Le ventre noir de ma mère Ia dernière semaine à


l'hôpital. La peau devenait transparente.Je soulevais le
drap pour voir le ventre noir. Le ventre noircissait de
jour en jour.Je ne croyais pas que c,était possible
de
voir le visage de la mort dans le ventfe de ma mère.
Le sourire de la soldate l,ingénuité de son expression
la
frugilité de son corps sa hargne muette.
Les mots doux de mon aimée ses pfomesses ses câlins
la chaleur de son ventre la beauté de ses mains la
gerçure de sa bouche.
Je pense aux mots durs aux mots cruels aux mots
méprisants et noirs de mon aimée.

-26-

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