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In memoriam
ALAIN MANACH
1949 - 2012
Au moins deux aspects retiennent mon attention sur ces années passées.
- Sa participation aux activités de l’Association est en fait toujours actuelle au travers de sa
présentation artistique de notre sigle figurant dans le logo de la SFO et donc sur tous les
documents que nous diffusons. Ce croquis fut choisi parmi une vingtaine de propositions de nos
membres à l’occasion de la réalisation du pin’s dont il est question ci-dessus. Étant alors dans une
entreprise de développement et de communication, il avait également assuré la fabrication du pin’s
en question.
- Alain fut notre correspondant en Bretagne durant une douzaine d’années peu après la
création de l’Association. Il s’occupa également du programme Invod fournissant de nombreuses
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données notamment sur le Finistère. Il coordonna l’atlas préliminaire des Odonates de Bretagne
avec une cinquantaine d’observateurs ; celui-ci fut publié en 2001.
Nous présentons à ses amis et à toutes les personnes qui ont connu Alain Manach
nos plus sincères condoléances et nous les assurons de notre profonde sympathie.
Jean-Louis Dommanget
Introduction
Présentation
L’aire de répartition d’Oxygastra curtisii (Dale, 1834) s’étend du sud de l’Angleterre
au Maroc à l’ouest, et du Benelux à l’Italie à l’est ; disparu des îles Britanniques et des
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Pays-Bas, l’espèce est très rare en Belgique et au Luxembourg (GRAND & BOUDOT,
2006). L’espèce, protégée en France par l’arrêté du 22 juillet 1993 et inscrite en annexe II
et IV de la directive Habitats, est assez commune dans le sud-ouest de la France et dans la
majeure partie de la région méditerranéenne ; les effectifs semblent aussi importants dans
la péninsule Ibérique (GRAND & BOUDOT, 2006).
Dans les autres régions françaises, les observations de cette espèce étaient rares ou
absentes avant les années 1990. Une extension vers le nord de la France s’est manifestée
depuis, attestée par des observations de plus en plus fréquentes et par la découverte des
sites de reproduction (TERNOIS et al., 2007 ; TERNOIS & LAMBERT, 2011).
Historique des observations
La première observation d’un adulte d’O. curtisii dans le département de la Somme
remonte à 1997 (L. Gavory). Il s’agissait d’un mâle capturé dans les marais de Blangy-
Tronville, en moyenne vallée de la Somme, en amont d’Amiens.
Aucune mention de cette espèce n’avait été relevée de manière certaine avant 1997 en
Picardie. Pourtant, l’odonatologie s’était développée depuis les années 1980 à partir d’un
groupe d’observateurs confirmés et assidus. Depuis 1997, les observations d'O. curtisii se
sont multipliées et étendues et l'espèce atteint actuellement la basse et la haute Somme
ainsi que la partie aval de certains affluents.
La recherche des exuvies
La collecte des exuvies est une activité pratiquée depuis les années 1980 par l’un des
auteurs (G.N.). La découverte d’une première exuvie d’O. curtisii remonte au 17 juin
2005. Elle était solidement accrochée à un Carex lasiocarpa, à 40 cm au-dessus de l’eau,
en position verticale.
Motivé par cette découverte, l’un de nous (GN) a poursuivi, pendant sept demi-
journées entre le 18 juin et le 10 juillet 2005, des recherches qui ont permis la récolte de
sept nouvelles exuvies. Ces résultats ont été obtenus sur deux plans d’eau localisés sur la
commune du Hamel en moyenne vallée de la Somme.
Capture de la première larve
Le 20 mai 2009, une recherche de la macrofaune benthique a été effectuée à des fins
pédagogiques. Cette intervention s’est déroulée sur un fond de vase dans un secteur où
des émergences d’O. curtisii étaient régulières depuis 2005. Ces fonds abritent entre
autres le peu répandu trichoptère à fourreau, Molanna angustata (CURTIS, 1834). En
raclant les premiers centimètres de vase à 1,8 m de profondeur à l’aide d’une grande
épuisette à mailles fines, nous avons pu collecter une larve d’O. curtisii. Il s’agissait
d’une larve proche de l’émergence, remise soigneusement à l’eau après détermination.
Matériel et méthodes
Recherche de sites
Persuadé d’avoir découvert le milieu de développement d’O. curtisii, l’un de nous
(GN) a poursuivi ses recherches sur les deux grands plans d’eau possédant des
caractéristiques hydromorphologiques identiques : berges verticales dégagées de ligneux,
profondeur supérieure à 1,5 m, eau limpide et végétation aquatique rare ou absente. Les
efforts de prospection se sont aussi portés vers les secteurs de berges boisées
essentiellement par des saules. Uniquement alimentés par la nappe phréatique, les deux
plans d’eau possèdent un exutoire commun et permanent d’un débit avoisinant 1 m/s. Un
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petit plan d’eau fortement envasé et eutrophisé d’environ un hectare et distant de moins
de cent mètres était parcouru en berge à chaque sortie de terrain.
Vu la dimension des milieux à prospecter et le but fixé, ont été collectée(s) à chaque
sortie une ou deux exuvies sur les sites dégagés de ligneux ; les zones boisées et le petit
plan d’eau ont été fouillés plus longuement.
Dans les plans d’eau de la Somme, l’utilisation d’une embarcation est généralement
interdite en période de non chasse. La recherche des exuvies s’est donc effectuée
uniquement à pied en parcourant les berges.
D’autres secteurs similaires et proches ont fait l’objet d’une reconnaissance au cours
de l’hiver 2005-2006. Trois sites ont été retenus sur les communes de Morcourt, Proyart
et Bray-sur-Somme, éloignés respectivement de 6, 9 et 10 km des marais du Hamel. La
sélection de ces différents sites reposait sur quelques paramètres et avantages
comparables :
- Grands plans d’eau (pour la région) de plus de 10 ha,
- Une profondeur minimum de 1,5 m dès le pied de berge,
- Une masse d’eau oligotrophe à oligomésotrophe,
- Une accessibilité pour une prospection à pied sur un linéaire de 100 m environ,
- Une absence de ligneux sur ce linéaire,
- La présence de petits plans d’eau à proximité,
- Une ouverture à tout public.
Programmation des sorties sur le terrain
En 2005, la collecte des exuvies s’est prolongée jusqu’au 10 juillet à raison de sept
demi-journées, uniquement sur la commune du Hamel. De 2006 à 2012, toutes les
prospections ciblées se sont déroulées entre le 10 juin et le 10 juillet, à raison de cinq
visites minimum sur la commune du Hamel et de une à deux visites sur les autres
communes.
Résultats
Caractéristiques générales de la vallée de la Somme
Le lit majeur de la Somme, très large, est jalonné d’une multitude de plans d’eau non
vidangeables. Les plus grands, mesurant pour la plupart entre 10 et 100 ha, sont de
création ancienne et proviennent de l’exploitation de la tourbe alcaline. Depuis quelques
décennies, de nombreux plans d’eau ont été créés pour le loisir, la chasse au gibier d’eau
et pour agrémenter les propriétés privées et les campings. Leurs dimensions sont bien
plus modestes et dépassent rarement quelques hectares. D’autres plans d’eau sont issus de
l’extraction de granulats alluvionnaires et présentent des surfaces plus importantes.
Le lit majeur de certains affluents de la Somme présente les mêmes habitats. Si
l’observation des Odonates adultes est intéressante partout, la collecte des exuvies est
plus facile et surtout plus fructueuse sur les petits plans d’eau. Ces petits plans d’eau,
généralement eutrophes, paraissent moins attractifs pour le développement larvaire
d'O. curtisii.
Caractéristiques des micro-habitats
Dans la vallée de la Somme, de 2005 à 2012, toutes les exuvies ont été récoltées dans
des milieux présentant de fortes similitudes. Elles se trouvaient sur des berges de grands
plans d’eau poissonneux très ensoleillées, fauchées régulièrement pour certaines, sans
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ligneux ni système racinaire. La profondeur d’eau était importante (de 1,5 à 3 m) et ce,
dès le pied des berges verticales. Aucune formation végétale importante n’occupait la
colonne d’eau, qui était limpide. Le substrat était vaseux avec quelques taches de
Characées et/ou de myriophylles.
La première exuvie d’O. curtisii a été observée et récupérée le 17 juin 2005,
détermination confirmée le soir même au laboratoire. Sept nouvelles exuvies complètent
l’année 2005. Toutes ces exuvies proviennent de deux plans d’eau situés sur la commune
du Hamel.
De 2006 à 2012, trois autres communes voisines possédant des plans d’eau similaires
ont été prospectées à raison d’une à deux visites annuelles. Si les exuvies sont présentes
dans chaque commune, les effectifs paraissent faibles et jamais plus de dix dépouilles
larvaires, le plus souvent, deux ou trois, n'ont été trouvées sur plusieurs centaines de
mètres de berge. Les berges boisées et les petits plans d’eau n’ont donné aucun résultat.
Discussion
Dans son aire de répartition géographique centrale, on associe généralement
O. curtisii aux écosystèmes d’eau courante. La vie en plan d’eau peut aussi y être
observée (DOUCET, 2009) surtout et peut-être uniquement si ces écosystèmes sont
alimentés. Le même auteur rappelle que cette espèce se reproduit dans les faciès lentiques
des cours d’eau mais aussi dans les zones stagnantes créées par les ouvrages. Les barrages
perturbent fortement la continuité écologique mais sont favorables à de nombreuses
espèces de Coléoptères, Hétéroptères et Odonates. Il n’est pas étonnant de retrouver
O. curtisii dans les milieux stagnants.
Plus on s’éloigne de son aire de répartition centrale et plus les émergences en plans
d’eau sont citées, c’est le cas dans le bassin de la Loire et en Alsace (HERBRECHT &
DOMMANGET, 2006). Les auteurs précisent qu’il s’agit de milieux oligotrophes à
mésotrophes.
Plus récemment et donnant suite à l’augmentation des observations d’O. curtisii en
Champagne-Ardenne, un travail important a mis en évidence la reproduction en gravière
avec la découverte d’une première exuvie en 2007. La poursuite des recherches a
démontré la large distribution en gravières mais aussi en cours d’eau (TERNOIS et al.,
2007 ; TERNOIS & LAMBERT, 2011).
L’apparition d’O. curtisii dans le département de la Somme coïncide parfaitement
avec le développement conséquent en Champagne Ardenne.
Avant la découverte des premières exuvies, se posait la question des sites de
reproduction dans le département de la Somme. Tous les milieux de Picardie sont
susceptibles d’accueillir O. curtisii, mares, étangs, gravières, rivières (GRAND &
BOUDOT, 2006), ruisselets et canaux (HEIDEMANN & SEIDENBUSCH, 2002). Il était peu
vraisemblable de penser aux cours d’eau pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, les
adultes étaient régulièrement observés dans la vallée de la Somme. La Somme n’est plus
un cours d’eau mais un écosystème dystrophe profondément modifié par la canalisation
du fleuve. La grande majorité des contacts étaient réalisés loin des autres cours d’eau,
affluents de la Somme. Ces affluents ont été fortement dégradés par des travaux lourds en
liaison directe avec les remembrements agricoles.
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L’amplitude thermique annuelle de ces cours d’eau est très faible et s’écarte rarement
de la fourchette 7 à 13°C (données personnelles). On peut citer l’exemple de la rivière les
Evoissons où la température instantanée mesurée en août 2012 ne dépassait pas 12 °C
vers le milieu de son cours (données ONEMA, non publiées). La typologie théorique qui
s’applique à ces cours d’eau correspond à la zone à truites supérieure et moyenne. Pour
une espèce à répartition surtout méridionale, associée à la zone à barbeaux, (température
moyenne comprise entre 12 et 18°C) il était improbable que ces cours d’eau, devenus des
« drains », puissent accueillir O. curtisii. Les Odonates sont d’ailleurs très faiblement
représentés dans ces milieux peu hospitaliers. L’absence d’O. curtisii de ces cours d’eau
est suggérée par les nombreuses études hydrobiologiques menées par la DREAL de
Picardie et par l’école de formation de l’ONEMA.
Désignée aussi sous le nom d’épipotamon, la zone à barbeaux typique correspond au
piémont où la sédimentation est supérieure à l’érosion. Tous les types d’habitats
aquatiques et toutes les gammes de vitesse d’écoulement sont présents. La diversité des
macro-invertébrés atteint son maximum dans cette zonation et la température estivale
atteint 18 °C minimum. C’est le préférendum typologique du barbeau fluviatile (Barbus
barbus).
Les efforts de recherche se sont dirigés sur les plans d’eau, sans aucun résultat pour
les petits plans d’eau d’origine récente. Tous les exemples connus (bassin de la Loire et
Alsace) de reproduction hors sud-ouest se sont produits dans des gravières et autres plans
d’eau oligotrophes ou mésotrophes (HERBRECHT & DOMMANGET, 2006). L’absence de
reproduction dans les plans d’eau picards de modeste dimension est certainement liée au
niveau trophique trop élevé.
Sur les grands plans d’eau, la diversité des Anisoptères et les effectifs des populations
sont faibles. Étonnamment, c’est sur les rives les plus dépourvues de ligneux que,
régulièrement depuis 2005, on découvre les exuvies d’O. curtisii. Le nombre d’exuvies
observées est faible, toujours inférieur à 10 pour des rives de plusieurs centaines de
mètres présentant les caractéristiques décrites plus haut. Gomphus pulchellus (Selys,
1840) et Platycnemis pennipes (Pallas, 1771) émergent sur ces mêmes linéaires ainsi
qu’Ischnura elegans (Vander Linden, 1820).
Il faut rappeler que le but n’était pas de collecter un maximum d’exuvies mais de
découvrir si possible les différents milieux de reproduction.
En 2012, un complexe de sites (réserve naturelle nationale de l’étang Saint Ladre,
rivières Avre et Noye, grand plan d’eau Saint Nicolas) en basse vallée de l’Avre a fait
l’objet d’une étude odonatologique encadrée par le Conservatoire d’Espaces Naturels de
Picardie, gestionnaire de la réserve. Cette étude très fine a été le complément révélateur
des constats relevés pendant huit ans en moyenne vallée de la Somme.
HUBERT (2012) a découvert O.curtisii dans la basse vallée de l’Avre sur un site
identique aux milieux décrits en moyenne vallée de la Somme. A moins d’un kilomètre
du site d’émergence d’O. curtisii, s’écoule le plus grand affluent de la Somme, l’Avre,
qui conflue à cet endroit avec la Noye. Cet ensemble d’écosystèmes d’eau courante est le
plus important et le plus intéressant, en termes d’habitats, du département de la Somme.
En rive droite de l’Avre et à l’aval immédiat de la confluence avec la Noye, on se situe au
cœur de la Réserve naturelle nationale de l’Étang St-Ladre, où la diversité des habitats
d’eau stagnante ou peu courante est optimale. La réserve est constituée de mares, de
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fossés, de plans d’eau de dimensions modestes et de zones inondables. L'un de nous (GN)
y a presque chaque jour du printemps et de l'été récolté, déterminé, comptabilisé toutes
les exuvies trouvées dans la réserve et dans les sites voisins. Les six dépouilles larvaires
d’O. curtisii étaient hors réserve et ont été collectées sur le plan d’eau St-Nicolas aux
berges abruptes et dégagées de ligneux. En fait, tous les plans d’eau du département de la
Somme où l’autochtonie d’O. curtisii a été démontrée présentent un ensoleillement
maximum, une profondeur conséquente, des berges abruptes et dégagées de ligneux et
une qualité allant de l’oligotrophie à la mésotrophie.
En s’appuyant sur ces études et sur les publications récentes, on peut émettre
quelques réflexions.
Les Odonates de cours d’eau ne sont pas des rhéophiles stricts, ils s’accommodent de
conditions créées par l’Homme. Les barrages sont favorables à certaines espèces. Les
petits plans d’eau créés directement sur cours d’eau hébergent des Odonates
d’écosystèmes lotiques en nombre important (DOUCET, 2009). Dans ce cas, il y a bien un
très net ralentissement du courant, un renouvellement d’eau rapide mais on reste
globalement dans une « ambiance » de rivière.
En lac, l’approche est différente, il y a bien des courants, des mouvements, des
brassages liés au couple température/densité de l’eau mais le paramètre déterminant
revient à la qualité trophique de la masse d’eau. Les Odonates dits de cours d’eau, dont O.
curtisii fait partie, ne peuvent s’installer que si le milieu est oligotrophe, voire
mésotrophe. Le lac d’Annecy en est l’exemple parfait (BAL, 1996). Le développement
larvaire a lieu en absence de ripisylve et les émergences ont lieu directement sur le
rocher. La situation est identique sur le lac de Lugano (WILDERMUTH, 2005) qui accueille
une population importante d’O. curtisii.
Les grands plans d’eau du département de la Somme créés au Moyen-âge demeurent
oligotrophes pour la plupart. L’évolution trophique est comparable aux lacs et les zones
riveraines fonctionnent de la même manière, seule la nature du substrat et du sol change
(tourbe alcaline stable). Sur les secteurs prospectés, l’examen des exuvies révèle un
nombre d’espèces surtout de cours d’eau sur le lac d’Annecy (BAL, 1996), le lac de
Lugano (WILDERMUTH, 2005), mais aussi dans la Somme. Sur les quatre espèces de nos
milieux étudiés, on retrouve un Gomphidae, un Platycnemididae, O. curtisii et I. elegans.
La comparaison avec les gravières n’est pas du même ordre, leur évolution trophique
est rapide. Le cortège d’espèces accompagnant O. curtisii en Champagne Ardennes
ressemble plus à un peuplement odonatologique d’eau stagnante classique.
Conclusion
Oxygastara curtisii paraît solidement installé dans le département de la Somme. Les
milieux colonisés sont stables dans leur évolution et les activités de pêche et de chasse au
gibier d’eau interdisent ou limitent toute autre forme d’agression. La situation actuelle est
toutefois fragile, les cours d’eau favorables n’existent pas. Il s’agit aussi d’une population
isolée mais des échanges avec la région Champagne Ardennes est tout à fait possible.
L’avenir d’O. curtisii dans ces deux régions est peut-être lié.
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Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier vivement Guillaume MEIRE et Jérémy LEBRUN pour
leur relecture avisée et pour leurs compléments d'informations. Merci également au
Conservatoire d’espaces naturels de Picardie pour avoir permis la réalisation de l’étude
citée dans cet article.
Travaux cités
BAL B., 1996. Oxygastra curtisii au roc de Chère : fin provisoire de l’énigme. -
Sympetrum, 9 : 27-29.
DOUCET G., 2009. Suivi de l’émergence d’Oxygastra curtisii (DALE, 1834) et de
Gomphus graslinii Rambur, 1842 sur un étang du centre de la Dordogne (Odonata,
Anisoptera : Corduliidae, Gomphidae). Martinia, 25 (4) : 157-164.
GRAND D. & BOUDOT J-P., 2006. Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg.
Biotope, Mèze, Collection Parthénope, 480 pp.
HEIDEMANN H. & SEIDENBUSCH R., 2002. Larves et exuvies des libellules de France et
d’Allemagne (sauf de Corse). Société française d'odonatologie, 416 pp.
HERBRECHT F. & DOMMANGET J-L., 2006. Sur le développement larvaire d'Oxygastra
curtisii (DALE, 1834) dans les eaux stagnantes (Odonata, Anisoptera : Corduliidae).
Martinia, 22 (2) : 89-94.
[HUBERT A., 2012. Étude de la fonctionnalité écologique d’un complexe de sites en vallée
de l’Avre (80), par deux protocoles de suivi des populations d’Odonates. Rapport de
stage de 2e année du Master « Gestion des Habitats et des Bassins-Versants », 36 pp.]
TERNOIS V. & LAMBERT J-L. (coord.), 2011. Oxygastra curtisii (DALE, 1834) en
Champagne-Ardenne : bilan du programme régional 2007-2009 (Odonata,
Anisoptera : Corduliidae). Martinia 27 (1) : 45-60.
TERNOIS V., LAMBERT J-L. & FRADIN E., 2007. La Cordulie à corps fin Oxygastra curtisii
(DALE, 1834) : état des connaissances pour le Parc naturel régional de la Forêt
d’Orient (Odonata, Anisoptera, Corduliidae). Courrier scientifique du Parc naturel
regional de la Forêt d’Orient, 31 : 77-87.
WILDERMUTH H., GONSETH Y. & MAIBACH A. 2005. Odonata. Les libellules de Suisse.
Fauna Helvetica, 11. CSCF / SES, Neuchâtel, 400 pp.
____________________
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FRAPNA 07, GRPLS, Parc naturel régional des Monts d’Ardèche (Édit.) avec la participation
financière du Département de l’Ardèche, de la Région Rhône-Alpes et de la DREAL Rhône-
Alpes. Texte en français. Série : Monts d’Ardèche – Horizon patrimoines. Impression par ALPHA
(Peaugres 07). Couverture souple en couleurs. Format : 162x242 mm, 240 pages illustrées. ISBN
978-2-916505-17-6. Prix 20€. Commande à adresser à : Maison du Parc – Domaine de Rochemure
07380 Jaujac <www.parc-monts-ardeche.fr>.
Cet ouvrage richement illustré présente de manière simple et didactique,
une revue complète et détaillée de la richesse odonatologique du
département de l’Ardèche et particulièrement du Parc naturel régional
(PNR) des Monts d’Ardèche. Il s’adresse à un large public de sensibilité
naturaliste, désireux d’améliorer sa connaissance des libellules de ce
territoire contrasté entre influences continentales et méridionales. En
effet, avec 69 espèces recensées en 2009 sur l’ensemble du département
dont 63 pour le PNR, l’Ardèche est un des départements de France
métropolitaine les plus riches en libellules.
Après une première partie plutôt poétique d’une douzaine de pages
présentant « le monde des libellules », la seconde partie de l’ouvrage
s’attache à décrire le contexte de cet atlas en déclinant « le territoire »,
les « résultats généraux » et les « habitats » locaux des Odonates ardéchois. Riche d’une
quarantaine de pages, cette seconde partie retranscrit d’une part, de façon simple et accessible,
l’ensemble des paramètres qui gouvernent la diversité des libellules (paysages, régions naturelles
et habitats). Puis d’autre part, elle retrace l’excellente dynamique collective qui a permis de
compiler plus de 25 000 données départementales pour produire ce travail. Les lecteurs les plus
scientifiques pourront néanmoins regretter l’absence de quelques précisions d’ordres géologiques,
hydrologiques et de quelques descriptions d’habitats plus détaillées… Même si un second niveau
de lecture, apporté par de petites notes de bas de page, vient préciser utilement les éléments
présentés dans le texte principal.
Avec 146 pages, la troisième partie est la plus conséquente et représente le cœur de l’ouvrage. Il
s’agit de la compilation des monographies d’espèce. On y trouvera en premier lieu les espèces
répertoriées au sein du PNR des Monts d’Ardèche puis les autres espèces du département. La
structure des monographies est relativement classique et reprend les éléments et indications (noms
scientifique et vernaculaire, statuts, répartition, milieux fréquentés, menaces…) issus de
l’inventaire départemental. Là encore des notes de bas de page viennent compléter voire étayer le
texte principal. Cependant, les lecteurs les plus académiques resteront sur leur faim vis-à-vis de la
taille des cartes ou de l’absence d’histogramme de phénologie et d’altimétrie, très utiles pour
orienter les prospections. Le graphisme de la mise en page demeure très agréable et les
illustrations photographiques sont remarquables.
Enfin, cet atlas départemental réussit la gageure de concilier esthétisme, découvertes de
connaissances accessibles à un large public et restitution technique d’un programme d’inventaire
départemental mené sur 25 ans. Cette réussite témoigne d’une conception éditoriale aboutie. Cet
ouvrage ravira sans aucun doute les amateurs de libellules et incitera tout lecteur au tourisme
odonatologique à travers l’Ardèche et ses monts, comme le suggère la quatrième partie du livre (6
pages) qui sélectionne quelques sites remarquables à découvrir.
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Brève communication
Leucorrhinia dubia (Vander Linden, 1825) est une espèce boréale à distribution continue du
nord de l'Europe aux Alpes (ASKEW R.R., 1988. The dragonflies of Europe. Harley Books, revised
edition 2004, Colchester, United Kingdom, 291 pp.). Dans le sud de l'Europe, l'espèce est bien
distribuée dans les régions montagneuses (Pyrénées, Massif central, Alpes, Balkans) (BOUDOT J.-
P. et al., 2009. Atlas of the Odonata of the Mediterranean and North Africa. Libellula Supplement,
9 : 1-256 ; MANCI C.O., 2012. Dragonfly Fauna (Insecta: Odonata) from Romania. PhD thesis
abstract. “Babe -Bolyai” University, Cluj-Napoca, Roumanie <http://dragonfly.nature4stock.com/
wp-content/uploads/2012/02/rezumat-teza-doctorat-eng-small.pdf>). L'espèce est présente dans
une grande partie de la chaîne pyrénéenne, où elle se reproduit dans les tourbières à Sphaignes, les
mares tourbeuses et les étangs tourbeux (HEYMER A., 1967. Contribution à la connaissance des
Odonates de la région lacustre du massif du Néouvielle dans les Pyrénées centrales. Annales de
Limnologie, 3 (1) : 75-89) ; BONIFAIT S. et al., 2008. Les Odonates de la Réserve Nationale de
Chasse et de Faune Sauvage d'Orlu (département de l’Ariège, France). Martinia, 24 (2) : 35-45).
Elle a été récemment découverte dans un marais d'altitude dans le département de l’Aude
(LOUBOUTIN B. et al., 2013. Premières mentions pour Leucorrhinia dubia (Vander Linden, 1825)
et Coenagrion hastulatum (Charpentier, 1825) dans l’Aude et observation d’une femelle
andromorphe de L. dubia (Odonata : Libellulidae, Coenagrionidae). Martinia 29 (1) : 65-74). Dans
le département des Pyrénées-Orientales, elle est connue de longue date pour être présente à la
tourbière du Racou (Estany del Racó) (42°33'14'' N, 02°00'30" E, 1998 m) (AGUESSE P., 1958.
Faune terrestre et d'eau douce des Pyrénées-Orientales. Odonates. Vie et Milieux (Supplément).
Ed. Laboratoire Arago, 54 pp.) et s’y reproduire (GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les libellules
de France, Belgique et Luxembourg. Biotope, coll. Parthénope, Mèze, 480 pp.). Deux données
correspondant à cette localité sont en outre présentes dans la base INVOD de la SFO, l'une datant
du 26 juin 1983 (J.-P. Boudot), l'autre du 03 juillet 1999 (D. Grand). Dans cette même région,
d'autres observations ne se rapportent qu'à des adultes rencontrés dans deux sites ne correspondant
pas à l'optimum écologique de l'espèce, à savoir les étangs de Camporells (Estany de la Basseta,
42°37'08'' N, 02°00'41'' E, 2224 m, 21 août 2008 (X. Houard et S. Jaulin, com. pers.) et le lac de
Pradeille (Estany de la Pradella, 42°32'43'' N, 02°00'36" E, 1950 m, 27 juillet 1988 (DUVAL B.,
1989 : Observation d'Odonates dans les Pyrénées-Orientales (66), l'Aude (11), et l'Ariège (09).
Martinia, 5 (2) : 41-42). Il s'agit en effet de lacs et d'étangs de montagne dont le caractère tourbeux
ou marécageux est absent ou à peine ébauché, selon les photos satellites disponibles.
Le 02 juin 2010, nous avons visité le lac de Pradeille et la tourbière du Racou. Les larves ont
été recherchées avec une passoire de cuisine d’un diamètre d’environ 20 cm équipées d’un
manche. Nous avons raclé plusieurs fois le radeau de sphaigne dans un mouvement de va-et-vient
en appuyant à plat sur la passoire.
Au lac de Pradeille, nous n’avons récolté aucune larve de Leucorrhinia en 1 h de prospection.
Bien que certains tronçons du rivage aient été bordés de sphaignes, composantes caractéristiques
88 Martinia
de l'habitat de L. dubia dans le nord de la Suède et plus généralement de l'Europe, il n'y avait ni de
véritable tourbière, ni de marécage. Conformément aux photos satellites, ce site est un simple lac
de montagne et non une tourbière ou un étang acide qui aurait pu convenir au développement d'une
population appréciable de L. dubia. La présence de truites d’élevage (Salmo trutta Linnaeus, 1758)
indiquait par ailleurs des eaux non acides et un milieu biotique défavorable à L. dubia compte
tenu de la sensibilité de celle-ci à la présence de poissons carnivores (JOHANSSON F. & BRODIN T.,
2003. Effects of fish predators and abiotic factors on dragonfly community structure. Journal of
Freshwater Ecology, 18 : 415-423).
La tourbière du Racou correspond par contre tout à fait aux habitats où L. dubia se reproduit
dans le nord de l'Europe. Nous avons là une véritable tourbière acide à Sphaignes qui s'est
développée dans une cuvette lacustre postglaciaire. Une vaste zone tourbeuse comble actuellement
la majeure partie de la cuvette initiale et se termine au centre par des radeaux de Sphaignes, joncs
et Carex flottants. Au total, sept larves de dernier stade et cinq de stades plus précoces de L. dubia
ont été récoltées en 20 mn environ. La plupart d'entre elles ont été trouvées à la limite de l'eau libre
et des radeaux de Sphaignes flottants, ou à la partie inférieure de ceux-ci, à environ 20 cm de
profondeur. A cet endroit, la profondeur totale était d'environ 1,5 m et le radeau de Sphaignes était
épais d'environ 20 cm. Aucune larve de L. dubia n’a été trouvée dans les eaux peu profondes
périphériques à la zone marécageuse. Les autres espèces identifiées sous forme de larves étaient
Enallagma cyathigerum (Charpentier, 1840) (3 ind), Coenagrion hastulatum (Charpentier, 1825)
(23 ind), Aeshna juncea (Linnaeus, 1758) (7 ind) et Libellula quadrimaculata (Linnaeus, 1758)
(2 ind). Ce cortège odonatologique se retrouve – au moins en partie – très généralement dans les
tourbières du nord de l'Europe, qui comprennent néanmoins bien d'autres espèces absentes des
Pyrénées (JOHANSSON F., 1993. The distribution of Odonata in Västerbotten and South Lapland,
northern Sweden. Entomologica Fennica 4 : 165-168 ; JOHANSSON F. & BRODIN, 2003. op. cit.).
Au cours de la journée suivante, nous avons visité plusieurs autres lacs de montagne situés au
nord-ouest de ce site, à savoir l'Estany Negre, l'Estany del Viver, l'Estany Sec et l'Estany de la
Comassa. La taille et la nature de leurs formations végétales étaient assez semblables à celles du
lac de Pradeille, avec parfois encore moins de végétation. Ils étaient probablement tous
empoissonnés et aucun d’eux ne semblait finalement fournir un habitat convenable à L. dubia. Dès
notre retour en Suède, nous avons examiné les prises de vue satellitaires de la région disponibles
sur Google Earth™. Le type d'habitat correspondant à la tourbière du Racou est à l'évidence assez
rare dans ce secteur. Une petite tourbière semble pourtant être présente 2 km au nord-est de la
cuvette du Racou (42°34'11'' N, 02°01'01'' E). Il serait intéressant de savoir si L. dubia se reproduit
également sur cette zone.
En conclusion, la tourbière du Racou demeure le seul site de reproduction actuellement avéré
de L. dubia dans les Pyrénées-Orientales, lui conférant un enjeu primordial pour la conservation
des relictes glaciaires dans ce département.
Remerciements
Nous tenons sincèrement à remercier messieurs X. Houard et S. Jaulin pour leurs indications,
leurs commentaires et la traduction française de cette brève communication.
____________________
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 89
Avant-propos
Un premier bilan des connaissances concernant les Odonates de l'Aveyron a été
publié par DOMMANGET en 1987. Plus récemment, DOMMANGET (2001, 2004, 2005),
LEROY (2003), DOMMANGET & GUILMET (2009) puis DUPONT (2010), ont contribué à
réactualiser cette première vue d'ensemble.
Lors de la participation aux programmes INVOD et CILIF organisés par la Société
française d'Odonatologie (SFO), nous avons récolté de nouvelles données. Cet article
présente les espèces en fonction des régions naturelles de l’Aveyron, ainsi que leur
90 Martinia
abondance. Ce sont surtout les informations collectées dans les régions des Causses et du
Saint-Affricain au cours des 11 dernières années qui constituent la base de ce travail.
Matériel et méthode
Les données ont été collectées selon les protocoles INVOD de la SFO et ONI
(Observatoire National des Insectes) de l'OPIE (Office Pour les Insectes et leur
Environnement). Ce sont 1022 données qui ont ainsi été rassemblées, dont 420 selon les
programmes INVOD et CILIF.
Seuls les milieux humides des Causses et du Saint-Affricain ont fait l'objet d'un strict
suivi odonatologique (observation estivale des imagos, comptages d'exuvies dans certains
cas). Ailleurs, les prospections ont été réalisées en fonction des opportunités
(disponibilité, déplacements, conditions climatiques favorables, etc.). Des informations
ont également été recueillies en 2008 dans les Causses, sur deux mares régulièrement
suivies. Elles font l’objet d’une analyse particulière, mais sont incorporées dans les
résultats globaux.
Régions naturelles - Généralités
Une région naturelle est une région d'étendue réduite ayant des caractères physiques
homogènes. L’Aveyron est constitué de huit régions naturelles (ÉVÉCHE DE RODEZ,
1964) ; il comprend :
1 - L’Aubrac, haut plateau montagnard volcanique et métamorphique de 731 km2 et d’une
altitude générale de 900 à 1000 m. Il domine la vallée du Lot, qui reçoit les rivières
rapides ayant creusé le socle ancien. Le climat est rude, les précipitations fortes (de 1200
à 1400 mm par an) (BERNARD, 2005).
2 - Le Bas-Quercy, constitué de plateaux du Jurassique inférieur et moyen, d’une altitude
d’environ 350 m. Le climat y est plus sec. Sa surface est de 491 km2. Les précipitations
atteignent 800 mm par an.
3 - Les Causses, ensemble de plateaux karstiques érodés d’une altitude moyenne
d’environ 600 à 700 m, recouverts de pelouses naturelles. Le climat est froid, voire très
froid sur les hauts plateaux, mais l'ensoleillement est bon. Leur surface est de 2441 km2.
Les précipitations sont variables (1000 à 1200 mm par an sur le Larzac et le Causse Noir,
900 à 1000 mm sur le Causse Comtal).
4 - Le Lévézou, haut plateau métamorphique hercynien cristallin du centre de l'Aveyron,
d'une altitude moyenne de 900 m environ et occupant une surface de 628 km2. Le climat
est continental, les précipitations fortes (800 à 1400 mm par an).
5 - Le Saint-Affricain, qui occupe un socle ancien primaire de grès rouge adjacent à du
carbonifère houiller. Son altitude varie de 400 à 1120 m. Le climat est méditerranéen et
l'ensoleillement est bon. Sa surface est de 1222 km2. Les précipitations avoisinent
700 mm par an.
6 - Le Ségala, région de collines et de monts d’une altitude variant de 200 à 800 m, avec
une moyenne d'environ 500 m . Le réseau hydrographique est dense, le climat tempéré, la
pluviométrie moyenne est de 845 mm par an. Sa surface est de 1962 km2.
7 - Le Vallon, qui offre une large diversité de roches, de paysages et de reliefs en collines
sur 214 km2. L'altitude moyenne est voisine de 400 m, le climat est doux, voire
méditerranéen. Les précipitations oscillent entre 800 et 1000 mm par an.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 91
a b
Figure 2. Mares de la tourbière de la plaine des Rauzes : (a) mare n°1, (b) mare n°2 (© L. Baliteau).
Ponds of the peat-bog of the Rauzes plain.
92 Martinia
Ces mares, situées à 840 m d’altitude entre les routes D911 et D29 (44°14’30’’N -
2°56’04’’E), sont alimentées en permanence par quelques suintements de micro-zones
tourbeuses et par des micro-fuites de l’ancien canal situé à l’ouest du ruisseau des
Pradines, mais également par les inondations hivernales et printanières du ruisseau
central. Ces mares sont de taille modeste (32 m2 pour la mare n°1 et 135 m2 pour la mare
n°2) et de faible profondeur. Elles s’assèchent habituellement au cours de l’été, sauf en
2008, année de l’étude.
Onze visites se succédant de juin à septembre ont permis d'identifier les exuvies
(faune autochtone) et les imagos fréquentant les mares.
À chaque visite, deux passages ont été réalisés en longeant les berges de chaque mare,
le premier permettant d'identifier les espèces présentes lors de la visite (les imagos ont été
capturés à l’aide d’un filet), le second permettant de compter les imagos des espèces
identifiées.
L’identification des exuvies a été menée après collecte. Les imagos et les exuvies ont
été identifiés par le premier auteur à partir des ouvrages de D'AGUILAR & DOMMANGET
(1998), HEIDEMANN & SEIDENBUSCH (2002), GRAND & BOUDOT (2006) et DIJKSTRA
& LEWINGTON (2007). L’identification des imagos se fonde sur les premiers inventaires
effectués par les deux premiers auteurs sur l’ensemble de cette tourbière, avec
confirmation des échantillons les plus délicats par la correspondante régionale de la Sfo,
Martine Guilmet (programme INVOD).
Résultats
Nombre de données
Au total, nous en avons synthétisé 1022 ; leur détail est donné dans le tableau 1.
Nb Régions naturelles de l'Aveyron*
Familles et espèces fam
spp 1 2 3 4 5 6 7 8
Calopterygidae 160 3
Calopteryx s. splendens (Harris, 1780) 1
Calopteryx virgo meridionalis Selys, 1873 7 1 98 12 10 16 1 2
Calopteryx xanthostoma (Charpentier, 1825) 1 10 1
Lestidae 19 4
Chalcolestes viridis (Vander Linden, 1825) 1
Lestes dryas Kirby, 1890 3 8
Lestes v. virens (Charpentier, 1825) 1 1
Sympecma fusca (Vander Linden, 1820) 2 2 1
Platycnemididae 39 3
Plactynemis acutipennis Selys, 1841 12 1 1
Plactynemis latipes Rambur, 1842 2 1 8 1
Plactynemis pennipes (Pallas, 1771) 2 1 3 6 1
Coenagrionidae 210 10
Coenagrion caerulescens (Fonscolombe, 1838) 2
Coenagrion hastulatum (Charpentier, 1825) 1
Coenagrion mercuriale (Charpentier, 1840) 5 1 1
Coenagrion puella (Linnaeus, 1758) 2 2 32 5 4 1
Coenagrion pulchellum (Vander Linden, 1825) 1 1
Enallagma cyathigerum (Charpentier, 1840) 5 5 3 1 1
Erythromma lindenii (Selys, 1840) 6 2 2 1
Tableau 1. Nombre de données par régions naturelles de l’Aveyron. * 1 : Aubrac, 2 : Bas-Quercy, 3 :
Causses, 4 : Lévézou, 5 : Saint-Affricain, 6 : Ségala, 7 : Vallon, 8 : Viadène-Carladès. Chiffres en gras :
autochtonie (développement larvaire prouvé, pontes régulièrement observées). : espèce protégée aux plans
national et européen (Convention de Berne et directive 92/43 CEE). : espèce présentant un intérêt
particulier (peu fréquente, en limite d'aire, ou espèces déterminantes Znieff MP).
Number of data for each natural region of the Aveyron.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 93
Tableau 1. Suite.
Continued.
Figure 3. Distribution quantitative des données de la présente étude (2001 à 2012) en fonction des
régions naturelles de l’Aveyron (zonation d’après ÉVECHE DE RODEZ, 1964).
Quantitative distribution of the data of the present study (2001-2012) regarding the natural regions of the
Aveyron.
Libellula depressa et P. nymphula abondaient en mai avec 174 et 144 données. Ces
deux espèces restaient présentes jusqu’en septembre. Calopteryx v. meridionalis et C. b.
boltonii abondaient en juillet avec 114 et 43 données. Aeshna cyanea abondait en août et
septembre avec 45 et 41 données et pouvait encore se rencontrer en octobre (21 données);
il devenait très rare en novembre (1 donnée). Sympetrum striolatum était visible dès
juillet (103 données), mais les données ont été deux fois plus abondantes en octobre.
Cette espèce a atteint un maximum de 222 données, ce qui est le record dans cette étude.
96 Martinia
La fréquence de ces six espèces au cours des saisons est donnée dans la figure 4.
250 250
Nombre
150 150
100 100
50 50
0 0
avril mai juin juil. août sept. oct. nov. avril mai juin juil. août sept. oct. nov.
Mois
250 250
Nombre
150 150
100 100
50 50
0 0
avril mai juin juil. août sept. oct. nov. avril mai juin juil. août sept. oct. nov.
Mois
250 250
Nombre
150 150
100 100
50 50
0 0
avril mai juin juil. août sept. oct. nov. avril mai juin juil. août sept. oct. nov.
Mois
Figure 4. Fréquence des six espèces les plus communes en Aveyron au cours de l'année.
Frequency of the six commonest species in Aveyron during the year.
Dates
Espèces Total
20/6 25/6 4/7 12/7 20/7 24/7 27/7 31/7 27/8 29/8 18/9
Coenagrion puella Imagos 0
Exuvies 1 1 7 15 4 2 30
Pyrrhosoma nymphula Imagos 0
Exuvies 1 1 7 15 4 2 30
Aeshna cyanea Imagos 6 6
Exuvies 3 1 1 5
Libellula depressa Imagos 4 2 1 7
Exuvies 2 2
Sympetrum striolatum Imagos 34 2 4 2 42
Exuvies 5 5 4 2 1 17
Total d’imagos 4 8 0 35 0 0 2 4 2 0 55
Total d’exuvies 0 6 8 5 8 16 0 12 6 1 62
Tableau 3. Synthèse des observations de 2008 (imagos et exuvies) de la mare n°1 à la tourbière de la
plaine des Rauzes.
2008 observations (adults and exuviae) at the first pond of the peat-bog of the Rauzes plain.
Dates Total
Espèces
20/6 25/6 4/7 12/7 20/7 24/7 27/7 31/7 27/8 29/8 18/9
Coenagrion puella Imagos 0
Exuvies 10 10 1 5 5 5 2 38
Ischnura. elegans Imagos 0
Exuvies 1 1 2
Pyrrhosoma nymphula Imagos 0
Exuvies 1 1 1 1 4
Aeshna cyanea Imagos 2 2 4
Exuvies 0
Anax imperator Imagos 1 1 2
Exuvies 1 1 2
Libellula depressa Imagos 8 4 2 1 15
Exuvies 1 5 1 1 1 1 10
Orthetrum brunneum Imagos 0
Exuvies 1 1
Orthetrum coerulescens Imagos 0
Exuvies 1 2 3 6
Sympetrum striolatum Imagos 14 1 20 2 2 39
Exuvies 5 1 1 10 2 2 4 25
Total d’imagos 8 6 5 15 0 0 1 21 2 2 0 60
Total d’exuvies 11 0 21 4 4 10 11 15 2 5 5 88
Tableau 4. Synthèse des observations de 2008 (imagos et exuvies) de la mare n°2 à la tourbière de la
plaine des Rauzes.
2008 observations (adults and exuviae) at the second pond of the peat-bog of the Rauzes plain.
Calopteryx splendens
Présent depuis les milieux d’altitude du Lévézou (milieux répertoriés par
DOMMANGET (2001) « marais acides du Lévézou et de l’Aubrac… ») jusqu'au bord du
ruisseau de la Muze (Salsac à Saint-Beauzély).
Coenagrion caerulescens
Peu fréquente en France, cette espèce a été découverte en Aveyron il y a plus de dix
ans (DOMMANGET & JOLIVET, 2001 ; DOMMANGET, 2001). À Camarès, deux imagos ont
également été confirmés (CD) en 2012, sur le petit marais du Dourdou (DOMMANGET,
2001).
Coenagrion mercuriale
De petites populations sont régulièrement observées sur le bassin-versant de la
tourbière de la plaine des Rauzes (environ 800 m d'altitude), près de la commune de
Vézins-du-Lévézou. L’identification d’échantillons in situ a été confirmée par Martine
Guilmet (Sfo), Cyril Denise (Sfo), Dominique Pelletier (OPIE) et Jean-Louis Dommanget
(correspondant Sfo). Le développement des larves est connu de deux stations : sur un très
petit affluent, en rive droite du ruisseau de Bouteille près du lieu-dit le Roucous, ainsi que
sur les zones à joncs des abords du ruisseau des Pradines, Espace Naturel Sensible (ENS),
propriété du Conseil Général de l'Aveyron.
Les habitats utilisés à la tourbière de la plaine des Rauzes sont situés de part et d’autre
du ruisseau des Pradines en contrebas de la route D29. En rive droite, juste en-dessous de
la lande, à partir d’une zone de sources et jusqu’aux abords du ruisseau des Pradines où
s’épanchent trois ruisselets. En rive gauche, à partir de suintements issus de l’ancien canal
qui dévalent jusqu’au même ruisseau. Les abords élargis de ces ruisselets, toujours en
eau, sont colonisés par des joncs (Juncus squarrosus L. 1753), linaigrettes (Eriophorum
latifolium Hoppe 1800), carex (Carex lasiocarpa Ehrh., 1784), menyanthès (Menyanthes
trifoliata L. 1753), menthes (Mentha aquatica L. 1753) et potentille des marais
(Potentilla palustris (L.) Scop. 1771). Ces lieux sont bordés de lysimaque (Lysimachia
vulgaris L. 1753), épilobe hirsute (Epilobium hirsutum L. 1753) et salicaire (Lythrum
salicaria L. 1753). L’ensoleillement est important. À proximité poussent quelques grands
aulnes (Alnus glutinosa (L.) Gaertn. 1790), saules (Salix cinerea L. 1753) et aubépines
(Crataegus monogyna Jacq. 1775) – le long des méandres du ruisseau – protégeant du
vent tantôt rive gauche, tantôt rive droite.
Les adultes marqués (10 individus) et recapturés (six individus) ne se sont pas écartés
de leur site de reproduction. La zone de déplacement maximale observée a été de 200 m
(1 mâle) d’après l'opération de capture-marquage-recapture effectuée sur cette petite
population à la tourbière de la plaine des Rauzes suite à l’Arrêté n°2010-03 du 10 août
2010 relatif à une autorisation de capture, marquage et relâcher à des fins scientifiques
d'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale) (ASSOCIATION DES AMIS DE JEAN-HENRI
FABRE, 2008).
Après des périodes hebdomadaires pluvieuses et fraîches, lors d'accalmies d'une heure
légèrement ensoleillées, jusqu’à 30 individus ont pu être comptabilisés sur 50 mètres de
ruisselet lors du pic de vol, situé de fin juin à début juillet. Cette relative abondance
d’imagos, et plus particulièrement d’émergences, se concentre lors des éclaircies en fin de
journée.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 99
Sur la tourbière des Rauzes, plusieurs petites populations de C. mercuriale ont été
suivies sur la tourbière du Lévézou, en limite des Causses. Le suivi des déplacements
d’une trentaine d’imagos a permis d’identifier plusieurs ruisselets occupés régulièrement
par l’espèce (zones d’émergences), situés de part et d’autre du ruisseau des Pradines. Les
milieux occupés diffèrent de ceux identifiés dans le Saint-Affricain, notamment par la
composition du couvert floristique utilisé par les imagos et les larves. Alors que dans le
Saint-Affricain, C. mercuriale est exposé à la chaleur et au vent sec réguliers, sur le
Lévézou il doit faire face aux aléas climatiques associés à l’altitude (vent froid et pluies
fréquentes), même l’été, ce qui explique sans doute en partie la faiblesse de ses effectifs si
on les compare aux comptages entrepris par DOMMANGET (2005).
Ischnura pumilio
Une femelle au stade aurantiaca identifié à l'ancienne gare forestière de Lapanouse-
de-Cernon.
Aeshna affinis
Un imago au Jardin d'Insectes (le Roube, Saint-Léons-du-Lévézou), en bordure du
Lévézou.
Aeshna cyanea
Les larves abondent dans les mares et pesquiers (viviers à poissons/abreuvoirs) dès
lors qu'ils sont exposés au sud (Lévézou) et qu'ils sont alimentés directement et
constamment par des sources.
Aeshna grandis
Observé sur l'Aubrac de la Vergne-Grande à la source de Brameloup (site Natura
2000 du Plateau central de l'Aubrac aveyronnais FR7300871).
Anax parthenope
Chasse sur les causses à proximité des points d'eau à Creissels (Issis) et en lisière de
forêt à Nant (Cantobre).
Boyeria irene
Vols à l'intersection des cours d'eau : confluence Rance/Grêle, le Liamou, source du
Durzon. Cette espèce est très commune dans le département. Elle passe facilement
inaperçue, contrairement à C. boltonii, du fait de ses mœurs crépusculaires et de ses
couleurs relativement ternes. Elle fréquente de nombreux cours d’eau et il est rare,
lorsque l’on fait des prélèvements en vue de la détermination d'index biotiques, de ne pas
capturer ses larves, dans les systèmes racinaires bordant les cours d’eau permanents (M.
Guilmet, com. pers.).
Gomphus vulgatissimus
Présent à Bertholène (site Natura 2000 des Vieux arbres de la haute vallée de
l'Aveyron et des abords du Causse Comtal FR7302001) en mai 2003 (biotope bocager), à
Espalion et Saint-Chély-d'Aubrac au Lac des Picades à mi-juillet (site Natura 2000 du
Plateau central de l'Aubrac aveyronnais FR7300871). Souvent avec O. forcipatus, espèce
très commune dans les cours d’eau du département (M. Guilmet, com. pers.).
Onychogomphus uncatus
L'espèce est commune sur le Sérieux (Réquista) et la Sorgue (Cornus). Elle a
également été observée sur le bassin-versant du Viaur, en aval de la tourbière de la plaine
des Rauzes.
100 Martinia
Crocothemis erythraea
À Belmont-sur-Rance (ruisseau de la Grêle) et Saint-Georges-de-Luzençon
(confluence du Cernon avec le Tarn).
Cordulegaster bidentata
Il a été répertorié sur le bassin-versant du Viaur, en aval de la tourbière de la plaine
des Rauzes.
Cordulegaster b. boltonii
Omniprésent sur les cours d'eau, où les adultes patrouillent en continu. Ils recherchent
aussi les zones en friche sèche comme les ravins des abords des gorges du Tarn, de la
Jonte et de la Dourbie (Millau), ainsi que les forêts de garrigue à Quercus pubescens
(Combret, la Rouquette). L'imago peut consommer les ouvrières de Bombus lapidarius
(ASSOCIATION ROUSSILLONNAISE D'ENTOMOLOGIE, 2005). Les larves se développent
parfois au bord des routes, dans des fontaines d'eau très oxygénées.
Sympetrum meridionale
Présent à Canet-de-Salars (Lac de la Gourde) et Comprégnac (les Douzes).
Sympetrum striolatum
Abondant le long du ruisseau de la Muze (Lévézou) où les imagos se rassemblent par
dizaines. Les larves se développent parfois par centaines comme aux mares du Jardin
d'Insectes (le Roube, Saint-Léons-du-Lévézou).
Conclusion
Ce travail complète les 1300 données enregistrées avant 2001 sur ce département
(DOMMANGET, 2001) et les inventaires suivants (DOMMANGET & GUILMET, 2009). La
synthèse des 1022 données recueillies et incluant 2235 individus, en fonction des régions
naturelles de l’Aveyron, présente une première tentative de synthèse et résulte d'un effort
de prospections décisif pour les Causses et le Lévézou, jusque-là sous-prospectés, ainsi
que pour le Saint-Affricain (86 % du total des données pour ces trois régions). Ces
données ne modifient néanmoins pas le nombre total d’espèces présentes en Aveyron, qui
reste inchangé.
Aucune prospection n’a été menée, ni sur les grands cours d’eau, en particulier dans
les gorges (Aveyron, Tarn, Jonte, Dourbie, Truyère, Lot), ni dans les cours d'eau plus
modestes des boraldes de l’Aubrac, ce qui explique la faiblesse ou l'absence des données
concernant des espèces lotiques pourtant connues du département comme G. graslinii, G.
simillimus, Macromia splendens (Pictet, 1843) et Oxygastra curtisii (Dale, 1834)
(DOMMANGET, 2001). La raison en est que ces milieux sont déjà très largement connus et
que des prospections complémentaires n'auraient probablement pas apporté de données
nouvelles.
Enfin, l’étude des exuvies a été limitée pour l’essentiel à la tourbière de la plaine des
Rauzes (Lévézou), ce qui explique la faiblesse des données concernant l’autochtonie de
nombreuses espèces rencontrées.
La fréquence des six espèces les plus communes en Aveyron au cours des mois de
l'année confirme la phénologie habituelle donnée pour ces espèces (GRAND & BOUDOT,
2006). Quelques précisions sont néanmoins nécessaires. L’abondance de P. nymphula en
mai est probablement liée au caractère ubiquiste de l'espèce et à sa facilité
d’identification. Libellula depressa n’a par contre pas été observé en août malgré les
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 101
prospections réalisées à cette période. L’espèce est peut-être localisée dans certains
secteurs plus frais, comme par exemple les abords des lacs et des étangs. Enfin, le second
pic de vol pour S. striolatum pourrait correspondre à l’apparition d’une seconde
génération annuelle (GRAND & BOUDOT, 2006), ou plus probablement à l’arrivée de
migrants (D'AGUILAR & DOMMANGET, 1998) puisque nous avons observé du jour au
lendemain des imagos en phase de ponte alors qu'ils étaient absents les jours précédents.
De nouvelles prospections en Vallon, Bas-Quercy et Viadène seront nécessaires pour
compléter les connaissances actuelles sur l’abondance des espèces et affiner les acquis en
termes d'inventaire et d'autochtonie pour ce département.
Remerciements
Les auteurs remercient sincèrement toutes les personnes qui les ont aidés aux
inventaires et déterminations au cours de ces 11 dernières années, principalement dans le
cadre des études proposées par l'association des Amis de Jean-Henri Fabre et le
programme INVOD de la Société française d'Odonatologie.
Une attention toute particulière va à Messieurs Nicolas Cayssiols (ADASEA de
l'Aveyron), Frédéric Delmas (Conseil Général de l'Aveyron), Jacques et Olivier Thomas
(Scop Sagne) pour leurs conseils et leur aide apportés en gestion conservatoire ; à
Dominique Pelletier et Vincent Albouy (OPIE), Philippe Lambret et Jean-Louis
Dommanget (SFO), Gérard Briane et Christian Bernard (Association Mycologique et
Botanique de l'Aveyron) et Pierre Vergely, ainsi qu'à Mesdames Marie-Lise Tichit
(AJHF) et Martine Guilmet (SFO) pour leurs conseils entomologiques, leur relecture et
les compléments apportés lors des différentes études odonatologiques.
Nous remercions également la DREAL-MP, la Préfecture et le Conseil Général de
l'Aveyron pour leur attention portée à l'étude proposée à la tourbière de la plaine des
Rauzes sur l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), opération réalisée sous couvert
d'une dérogation préfectorale s'agissant d'une espèce protégée (Arrêté n°2010-03 du 10
août 2010 relatif à une autorisation de capture, marquage et relâcher à des fins
scientifiques d'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale).
Travaux cités
D'AGUILAR J. & DOMMANGET J.-L., 1998. Guide des Libellules d'Europe et d'Afrique du
Nord. Delachaux et Niestlé, Lausanne-Paris, 2e éd., 463 pp.
ASSOCIATION DES AMIS DE JEAN-HENRI FABRE, 2008. Bilan des suivis entomologiques
effectués à la Tourbière des Rauzes. Saint-Léons, Aveyron (12). Amis de Jean-Henri
Fabre. Dossier bilan, 15 pp. et annexes.
ASSOCIATION ROUSSILLONNAISE D'ENTOMOLOGIE, 2005. Revue de l'Association
Roussillonnaise d'Entomologie. Tome XIV (3), photo de couverture.
BERNARD C., 2005. L’Aveyron en fleurs. Ed. du Rouergue, Rodez, 255 pp.
DIJKSTRA K.-D.B. & LEWINGTON R., 2007. – Guide des libellules de France et d’Europe.
Delachaux & Niestlé, 320 pp.
DOMMANGET J.-L., 1987. Etude faunistique et bibliographique des Odonates de France.
Secrétariat Faune Flore, Muséum National d'Histoire Naturelle, Paris. Collection
Inventaires de Faune et de Flore, fasc. 36, 283 pp.
102 Martinia
DOMMANGET J.-L., 2001. Le point sur les connaissances relatives aux Odonates du
département de l'Aveyron. Martinia, 17 (2) : 95-106.
DOMMANGET J.-L., 2004. Calopteryx haemorrhoidalis (Vander Linden, 1825) dans le
département de l'Aveyron (Odonata, Zygoptera, Calopterygidae). Martinia, 20 (4) :
204.
DOMMANGET J.-L., 2005. Une population de Coenagrion mercuriale (Charpentier, 1840)
à proximité de Saint-Affrique (département de l'Aveyron) (Odonata, Zygoptera,
Coenagrionidae). Martinia, 21 (2) : 69-76.
DOMMANGET J.-L. & GUILMET M., 2009. Odonates nouveaux pour le département de
l'Aveyron. Martinia, 25 (3) : 102.
DOMMANGET J.-L. & JOLIVET S., 2001. Découverte d’une petite population de
Coenagrion caerulescens (Fonscolombe, 1838) dans le département de l’Aveyron
(Zygoptera, Coenagrionidae). Martinia 17 (3) : 88.
DUPONT P. (coord.), 2010. Plan national d’actions en faveur des Odonates. Office Pour
les Insectes et leur Environnement / Société française d’Odonatologie. Ministère de
Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, 170 pp.
ÉVÉCHE DE RODEZ, 1964. Aveyron d’aujourd’hui. La Maison du Livre, Rodez, 102 pp.
GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006. Les libellules de France, Belgique et Luxembourg.
Biotope, Mèze, (Collection Parthénope), 480 pp.
HEIDEMANN H. & SEIDENBUSCH R., 2002. Larves et exuvies des libellules de France et
d’Allemagne (sauf la Corse). Société française d'Odonatologie, 415 pp.
LEROY T., 2003. Coenagrion lunulatum (Charpentier, 1840) et Coenagrion hastulatum
(Charpentier, 1825) : espèces nouvelles pour le département de l'Aveyron (Odonata,
Zygoptera, Coenagrionidae). Martinia, 19 (4) : 154-157.
____________________
Brève communication
Dans le cadre de l'acquisition de données personnelles sur les Odonates des zones
humides de la plaine d'Aléria, nous avons prospecté le 19 août 2013 le réservoir de Teppe
Rosse (42,10741°N, 9,46223°E), une retenue d'eau artificielle destinée à l'irrigation. Cette
retenue présente une très faible profondeur d'eau et des berges boueuses quasiment
dépourvues de végétation (Fig. 1). Les variations du niveau d'eau (marnage) sont très
importantes en fonction des saisons et des années. Une partie des rives est recouverte
d'une végétation d'hélophytes essentiellement constituée de Renouée amphibie
(Persicaria amphibia (L.) Gray, 1821). Cette dernière est également présente en tant
qu'hydrophyte au sein de la retenue.
Vers 17 h, par temps moyennement nuageux, nous avons observé un petit anisoptère
au corps très sombre, mat, avec chacune des ailes marquée d'une large bande sombre dans
sa moitié apicale. Il est resté quelques instants, volant à quelques centimètres du sol le
long des berges recouvertes de Renouée, avant de partir vers le centre du bassin, où il
devint inaccessible. Son mouvement constant et imprévisible a empêché toute
photographie ainsi qu'une capture. Les recherches en compagnie de Cyril Berquier
(animateur de la déclinaison régionale du Plan national d’actions en faveur des Odonates,
Office de l'environnement de Corse) les deux jours suivants autour du lieu d'observation
et dans les milieux équivalents géographiquement proches n'ont pas permis de revoir
l'espèce.
Dans la faune européenne et africaine, le mâle de Brachythemis impartita (Karsh,
1890) présente cette apparence (DIJKSTRA, K.-D. B. & MATUSHKINA N., 2009 : Kindred
spirits: “Brachythemis leucosticta”, Africa's most familiar dragonfly, consists of two
species (Odonata: Libellulidae). International Journal of Odonatology 12 (2) : 237-256).
Sympetrum pedemontanum (O. F. Müller in Allioni, 1766) a une apparence proche,
notamment de par la présence de bandes alaires brunes assez similaires. La couleur des
adultes de S. pedemontanum tend plutôt vers le jaune et le rouge, mais il convient de
préciser que certaines vieilles femelles peuvent avoir l'abdomen sombre, ce qui pourrait
porter à confusion avec B. impartita. Rappelons que ce Sympetrum, comme d'autres
espèces de ce genre, a parfois un comportement erratique et a déjà été observé loin de sa
zone de sédentarité, comme par exemple en Galice et en Grande-Bretagne (GRAND D. &
BOUDOT J.-P., 2006 : Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg. Éditions
Biotope, collection Parthenope, Meze, 480 pp).
Brachythemis impartita est une espèce afrotropicale à large répartition, commune dans la
zone intertropicale mais nettement plus localisée au nord du Sahara (DIJKSTRA &
104 Martinia
MATUSHKINA, 2009, op. cit. ; BOUDOT et al., 2009. Atlas of the Odonata of the
Mediterranean and North Africa. Libellula Supplement 9, 256 pp.). Elle est aussi présente
dans le sud de l’Europe, notamment en Espagne et en Sardaigne. Des populations
autochtones et stables sont connues du sud au nord de cette dernière île. Elle est connue
pour étendre actuellement son aire de répartition vers le nord, notamment dans la
péninsule Ibérique (BOUDOT et al., 2009, op. cit.).
Les populations pérennes les plus proches de B. impartita, sardes, sont peu éloignées du
lieu d'observation en comparaison de celles de S. pedemontanum. Brachythemis impartita
a par ailleurs été observé en pleine mer au nord de la Sardaigne en 2013 (Geert De Knijf,
com. pers.), à moins de 12 km des côtes corses. Il est à notre sens plus que probable que
cet individu ait été un mâle de B. impartita plutôt qu’une femelle hypersénile de
S. pedemontanum.
Ce mâle, solitaire, doit certainement être attribué à un cas d'erratisme, tout comme les
deux espèces observées pour la première fois en Corse ces dernières années, Lindenia
tetraphylla (Vander Linden, 1825) et Orthetrum trinacria (Selys, 1841) (TELLEZ, D. &
DOMMANGET J.-L., 2009. Lindenia tetraphylla (Vander Linden, 1825) en Corse du sud
(Odonata, Anisoptera : Gomphidae). Martinia 25 (3) : 117-118 ; BERQUIER C., 2013.
Première observation en France d’Orthetrum trinacria (Selys, 1841) sur l’île de Corse
(Odonata, Anisoptera : Libellulidae). Martinia 29 (1) : 15-18).
Il s’agira à l’avenir d’être particulièrement attentif à cette espèce sur l’ensemble de
l’île. Des recherches spécifiques pourront être organisées pour tenter de renouveler une
telle observation, avec plus de précision.
Figure 1. Retenue de Teppe Rosse, lieu de la très probable observation de Brachythemis impartita
en Haute-Corse, dans la région d'Aléria : (a) vue générale ; (b) zones de Renouée amphibie
(Persicaria amphibia), présente à la fois sur les berges et au sein de la retenue (© R. Duborget).
The man-made reservoir of Teppe Rosse, where Brachythemis impartita was most likely observed for
the first time in Corsica on 12/08/2013.
____________________
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 105
Introduction
Situé juste au niveau d’une gare de péage autoroutière à une vingtaine de kilomètres
au nord de Toulouse, le pôle multimodal "Eurocentre" de Haute-Garonne est installé sur
300 ha et comprend une centaine d’entreprises. Un bassin de rétention des eaux pluviales
y est présent (43,76333 N, 1,37751 E). En m’en approchant le 5 juillet 2013, il ne
paraissait pas abriter quantité d’Odonates : ce que l'on remarquait en premier étaient en
effet des déchets plastiques traînant dans l’eau, des algues vertes filamenteuses et une
artificialisation importante de l’environnement immédiat.
106 Martinia
Matériel et méthodes
Suite à la détermination formelle de C. caerulescens avec l’examen des appendices
anaux mâles (Fig. 1), le cours d’eau de La Canette, d’un linéaire de plus de trois
kilomètres et d’une altitude comprise entre 150 et 125 m, a été prospecté le 6 juillet 2013
dans ses parties accessibles, de 11 h 30 à 17 h 30. Les conditions météorologiques étaient
idéales pour l’observation des imagos.
La prospection a consisté en la réalisation de transects, avec détection et identification
des imagos aux jumelles, et par un examen rapproché après capture au filet pour les
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 107
spécimens difficiles. Les exuvies n'ont pas été recherchées, l’objectif de cette journée
étant de caractériser la fréquentation odonatologique du milieu et de pointer les zones
éventuellement occupées par C. caerulescens.
a b
Résultats
Habitat naturel
Le réseau hydrographique de La Canette constitue un macro-habitat particulier,
lotique calme en amont, mais lentique ou intermittent en aval et dans certains secteurs.
L’amont présente une ripisylve fournie, et par endroits, l’activité sylvicole ou agricole, en
ouvrant le milieu, laisse place à un système de friche à hygrométrie variable. Le
recouvrement du cours d’eau varie aussi du tout au tout. La figure 2 illustre
l’environnement des secteurs prospectés.
108 Martinia
a b c
Figure 3. Évolution de l’environnement de La Canette : (a) en 1994, la partie aval du ruisseau semble
recalibrée au sein d’un environnement agricole ; (b) en 2002, des terrassements et des voiries sont visibles à
proximité de la nouvelle gare de péage de l’A62 ; (c) en 2013, le ruisseau a été détourné et artificialisé au sein
du vaste pôle multimodal Eurocentre (sources cartographiques : IGN et Google Map).
Evolution of the environnement of La Canette stream.
Espèces recensées
La prospection a permis de dresser un premier état, très incomplet, de la fréquentation
odonatologique du milieu (Tab. 1). Huit secteurs d’observation ont été prospectés de
l’amont à l’aval du cours d’eau (Fig. 2).
Secteur 1
Une belle et dense ripisylve de feuillus et ronciers s’avère difficile à pénétrer lorsque
l'on cherche à rejoindre les sources du ruisseau. Néanmoins, un mâle au stade ténéral de
Gomphus simillimus a été observé en lisière.
Secteur 2
Cette zone est exploitée en sylviculture. Les arbres ont été débités pour laisser place à
une vaste friche plus ou moins humide. Ce linéaire à caractère lotique permet le
développement d'un effectif important de Calopteryx haemorrhoidalis (pattern occasi
dominant). Quelques individus de Calopteryx virgo meridionalis tentent de s’y approprier
les meilleurs perchoirs. Quelques noisetiers en amont du secteur et la lisière du massif
forestier en aval apportent par endroits un peu de fraîcheur et d’ombre, qui profitent à
110 Martinia
Discussion
La prospection du ruisseau de La Canette a permis de recenser 24 espèces en une
seule journée dont six espèces pour lesquelles il existe un enjeu patrimonial à souligner
(DURAND et al., 2004 ; KALKMAN et al., 2009). La richesse spécifique du point de vue de
la fréquentation du milieu par les Odonates y est déjà importante et sera très certainement
augmentée par une pression d’observation précoce et continue. Cette diversité peut
s’expliquer en partie par un macro-habitat mixte – lentique et lotique – qui génère de
nombreux microhabitats diversifiés. La figure 4 donne la localisation des espèces à enjeu
patrimonial.
Si ce travail est largement incomplet pour conclure sur la réalité du peuplement
odonatologique du site, les résultats obtenus et l’analyse globale de l’environnement
permettent de distinguer :
- un cortège odonatologique lotique en amont, surtout dans la partie ouverte du cours
d’eau, dominé par C. haemorrhoidalis, O. coerulescens, P. nymphula et exploité par
C. boltonii. Les Gomphidés ne sont pas en reste, avec la présence à l’amont de
G. pulchellus et de G. simillimus. Ce dernier a été observé au stade ténéral (ailes
brillantes, état de fragilité et de vulnérabilité manifeste, très peu d’aptitude au vol) ce qui
permet d’envisager que l’espèce puisse se développer dans le ruisseau.
- un cortège odonatologique faiblement lotique dans le cours moyen, dominé par
O. coerulescens, O. brunneum, I. elegans, ceux-ci étant accompagnés par C. mercuriale.
- un cortège odonatologique lentique à l’aval, avec C. erythraea, L. depressa,
A. imperator, C. scitulum, C. viridis et E. viridulum.
- la présence de C. caerulescens avec trois tandems au niveau des herbacées
ceinturant le bassin artificiel et un mâle dans le cours moyen faiblement lotique. Cette
observation est plutôt surprenante, compte tenu d’un environnement très anthropisé situé
hors de la zone de répartition connue de cette espèce lotique, et de sa présence plus
marquée au sein d’un bassin de rétention (avec plusieurs tandems et une ponte).
Au regard de cette première approche des cortèges, il est aussi à souligner que
certaines espèces attendues de prime abord sur ce type de milieu en région ne sont pas
notées : Erythromma lindenii, Enallagma cyathigerum, Sympetrum striolatum, ou alors
montrent des effectifs plutôt réduits : O. cancellatum, C. puella et P. pennipes.
Du point de vue écologique, l’hydrosystème est largement modifié par l’activité
humaine. Certaines de ces activités sont sans doute à l’origine d’une partie de la diversité
odonatologique observée grâce à l’ouverture du milieu par la sylviculture et l’agriculture.
D’autres sont par contre manifestement plus destructrices, avec l’empreinte du
remembrement agricole, l’artificialisation des sols du bassin-versant et du cours d'eau. La
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 113
Ainsi, avec des friches humides et des communautés d’herbacées, un régime hydrique
faible voire intermittent, des zones en eau permanente avec des végétaux immergés, un
ensoleillement important, le ruisseau La Canette, malgré un milieu lourdement remanié et
artificialisé, semble constituer un biotope favorable à de nombreux Odonates.
La présence et l'autochtonie de C. caerulescens dans cette région est par contre plus
délicate à considérer. Il est difficile de se prononcer sur le rôle que joue La Canette vis-à-
vis de cette espèce. Constitue-t-il un milieu correspondant aux exigences écologiques de
l’espèce, apparue ici du fait d’un éventuel caractère pionnier (FATON & DELIRY, 2000) ?
En effet il est possible d’envisager que la chenalisation du ruisseau et la création du
bassin aient permis de constituer de nouveaux habitats favorables à C. caerulescens. Cela
est connu en Languedoc-Roussillon, par exemple dans une zone artificialisée au niveau
d’un tronçon de ruisseau dont le lit a été bétonné (Xavier Houard, com. pers.).
D’ailleurs certains cas pourraient contribuer à cette hypothèse puisque une partie de la
littérature présente l’espèce dans une eau peu profonde, faiblement courante voire
stagnante une partie de l’année, avec une densité de végétation aquatique relativement
importante et où le milieu est complètement stagnant pendant la période de vol des
adultes (DUPONT, 2010). La présence d’hydrophytes pionniers y est aussi citée (FATON,
2003). Et une station des Hautes-Alpes montre une configuration assez similaire de
l’habitat, avec un canal étroit et assez profond, abritant C. mercuriale, qui se termine en
formant un marais caractéristique des annexes hydrauliques des ruisseaux torrentiels de la
région, avec des hydrophytes recouvrant en partie l’eau libre, et où se compte une
centaine de C. caerulescens se tenant dans les hélophytes des berges (FATON & DELIRY,
2000).
Néanmoins, l'essentiel de la littérature mentionne l’espèce comme étant typiquement
inféodée aux milieux lotiques ou aux sources permanentes, par exemple avec une extrême
abondance au niveau d’un ruisseau limpide des Corbières et une centaine d’immatures et
d’imagos accouplés sur plus de deux kilomètres (BOUDOT et al., 1990), et les quelque
300 individus comptés principalement sur le ruisseau de la Saudrone, en chasse au milieu
des graminées, sur un cours principal toutefois recalibré dans un environnement agricole
et détourné pour remplir une retenue d’irrigation (ALQUIER et al., 2012). La présence de
l’espèce au niveau du bassin de rétention est donc aussi à considérer par rapport au
tronçon lotique : les quelques individus observés sur La Canette seraient-ils au contraire
les derniers individus d’une population autrefois plus importante sur le ruisseau et
maintenant restreinte par l’artificialisation du milieu ? La période d’étiage a-t-elle une
influence sur cette observation en aval ? Le développement larvaire (s'il existe) a-t-il lieu
dans le bassin, dans le cours faiblement lotique, ou encore plus en amont ? Un travail
d’étude sur l’émergence des Odonates et la collecte d’exuvies pourra apporter des
éléments de réponse.
De plus, une recherche de l’espèce sur les hydrosystèmes voisins et notamment le
ruisseau de la Nauze, fortement impacté par la zone Eurocentre, le ruisseau d’En-Bouet et
celui de Cazeaux, permettra de préciser si les spécimens observés sur La Canette peuvent
aussi être issus d’une population viable à proximité.
Enfin, les données locales sur la faune et la flore par rapport à un état antérieur sont à
rechercher dans des études d’impact liées au développement de la zone Eurocentre. Mais
les seules ressources trouvées signalent le secteur comme « une matrice écologique
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 115
Conclusion
La diversité odonatologique et la patrimonialité élevée de plusieurs espèces dans le
secteur de La Canette est remarquable, avec notamment l’existence de C. caerulescens,
espèce relativement marginale en France car typiquement méditerranéenne et en danger
au niveau national. Cette marginalité et sa présence intermittente, contribuant à sa rareté,
traduisent d’ailleurs l’adaptation de cette espèce à des milieux aquatiques qui sont soumis
à des périodes de chaleur et de sécheresse plus ou moins fortes (Xavier Houard,
com.pers.).
La pérennité du milieu de La Canette est dorénavant contrainte par le développement
continu de la zone Eurocentre, qui exerce une pression anthropique toujours plus
préjudiciable à son fonctionnement écologique. Si cette espèce ne bénéficie pas
directement d’une protection règlementaire en France, elle doit pourtant faire l’objet
d’une attention particulière en tant qu’espèce cible du Plan national d’actions (PNA) en
faveur des Odonates. Se retrouvant sur le site en compagnie de C. mercuriale (espèce
d’intérêt communautaire dont les individus sont strictement protégés en France),
C. caerulescens et le cortège qui lui est associé devraient néanmoins pouvoir bénéficier
de la protection attribuée aux individus de C. mercuriale, suivant une logique d’espèce
« parapluie ». Coenagrion caerulescens, en tant qu’espèce cible inscrite au PNA, doit
faire l’objet d’une amélioration des connaissances (autochtonie, dynamique de
population, habitats et comportements…) ceci dans l’optique d’enclencher des mesures
de conservation.
La répartition de C. caerulescens est mal connue en France (DOMMANGET &
JOLIVET, 2001 ; DUPONT, 2010), ceci étant en partie dû à sa discrétion et à sa
ressemblance avec C. scitulum (BOUDOT et al., 1990 ; GRAND & BOUDOT, 2006). Il est
difficile de dire si la présente population était restée inaperçue jusqu'ici dans un habitat
maintenant de plus en plus dégradé, ou s'il s'agit d'une implantation récente liée aux
116 Martinia
bouleversements du milieu (espèce pionnière). On ne peut pas non plus exclure une
expansion récente de l'espèce en lien avec le phénomène actuel de réchauffement
climatique.
Il est clair qu’un suivi scientifique s’impose pour établir l’autochtonie des espèces
rencontrées, effectuer un état initial complet et compiler les éventuelles données
antérieures pour analyser les tendances affectant les populations odonatologiques locales.
Dans tous les cas, face à cette découverte, il est important de déterminer l’existence ou
non d’une population viable dans le ruisseau et le bassin de rétention, et d'envisager le cas
échéant des mesures de gestion s'appuyant sur une déclinaison régionale du PNA. Ces
mesures de gestion seraient destinées surtout aux acteurs industriels concernés par des
évacuations dans le réseau de rétention, aux gestionnaires du foncier au niveau des friches
humides et aux gestionnaires du système de régulation des eaux.
Notons que des aménagements paysagers avec mise en place de prairies fleuries sont
actuellement menés dans les bassins d'orage. Il serait alors favorable, même sans avoir
conclu sur les raisons de la présence de C. caerulescens, de réaliser une gestion cohérente
du milieu vis-à-vis de l’odonatofaune, notamment en préconisant un entretien sélectif de
la végétation en dehors des périodes de vol des adultes (émergences et reproduction) et un
traitement minimal des massifs d’hydrophytes dans les chenaux et le bassin de rétention,
élément important pour la reproduction de cette espèce.
En conclusion, le fait que la zone Eurocentre apparaisse désormais comme une zone
anthropisée et artificialisée ne doit pas être de nature à écarter l’enjeu de conservation que
peuvent représenter les présences conjointes de C. caerulescens et C. mercuriale sur ce
secteur.
Remerciements
Nos remerciements vont à Peter Winterton pour la correction du résumé en anglais, le
bureau d’études ECOTONE recherche et environnement pour la mise à disposition de
matériels odonatologiques à titre personnel, à Jean-Pierre Boudot, Philippe Lambret et
Xavier Houard pour leurs regards scientifiques et critiques sur cet article, et à Max
Thibault pour son enseignement en odonatologie qui m’a permis de ne pas passer à côté
de cette observation.
Travaux cités
ALQUIER D., DANFLOUS S., FUSARI M., HABER E. & PELOZUELO L., 2012. Observation
d'une importante population de Coenagrion caerulescens (Fonscolombe, 1838) dans
le département du Tarn. Martinia, 28 (1) : 57-63.
BOUDOT J.-P., GOUTET P. & JACQUEMIN G., 1990. Note sur quelques Odonates peu
communs observés en France. Martinia, 6 (1) : 3-10.
DOMMANGET J.-L., 2005. Une population de Coenagrion mercuriale (Charpentier, 1840)
à proximité de Sainte-Affrique. Martinia, 21 (2) : 69-76.
DOMMANGET J.-L. & JOLIVET S., 2001. Découverte d’une petite population de
Coenagrion caerulescens (Fonscolombe, 1838) dans le département de l’Aveyron.
Martinia, 17 (3) : 88.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 117
DUPONT P. (coordination), 2010. Plan national d’actions en faveur des Odonates. Office
pour les insectes et leur environnement / Société française d’Odonatologie –
Ministère de Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, 170 pp.
DURAND C., PONTCHARRAUD L., BERTRAND A., 2004. Modernisation de l’inventaire des
Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (Znieff) en Midi-
Pyrénées. Listes préliminaires d’espèces et cortèges de faune déterminants.
Conservatoire Régional des Espaces Naturels de Midi-Pyrénées – DIREN Midi-
Pyrénées, Union européenne, 116 pp.
FATON J.-M., 2003. Avancement de la prospection dans la Drôme et découverte de trois
nouvelles espèces dans le département : Coenagrion caerulescens (Fonscolombe,
1838), Gomphus graslinii Rambur, 1842, Hemianax ephippiger (Burmeister, 1839).
Martinia, 19 (2) : 61-64.
FATON J.-M. & DELIRY C., 2000. Nouvelle donnée sur la population de Coenagrion
caerulescens (Fonscolombe, 1838) dans les Hautes-Alpes. Martinia, 16 (1) : 11-14.
GRAND D. & BOUDOT J.-P. 2006. Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg.
Biotope, Mèze, Collection Parthénope, 480 pp.
KALKMAN V.J., BOUDOT J.-P., BERNARD R., CONZE K.-J., DE KNIJF G., DYATLOVA E.,
FERREIRA S., JOVIC M., OTT J., RISERVATO E. & SAHLEN G., 2009. European Red List
of Dragonflies. IUCN Red List of Threatened Species, Regional Assessments series.
IUCN, Gland, Switzerland & Cambridge, United-Kingdom & Office for Official
Publications of the European Communities, Luxembourg, 28 pp.
____________________
118 Martinia
La troisième et dernière proposition pour ce concours était une photo de Philippe Jenard.
Il offrait un Crocothemis erythraea dont l’inclinaison de la tête semble adresser un regard
direct au photographe. Il n’a malheureusement récolté aucun suffrage. Un excentrage du sujet,
moins de profondeur de champ – permettant à celui-ci de bien mieux se dégager – et un
contraste plus marqué entre le sujet et son environnement auraient peut-être changé la donne...
La rédaction.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 119
Introduction
La Picardie avait été « épargnée » par l’afflux d’Hemianax ephippiger (Burmeister,
1839) ayant déferlé sur l'ouest de l'Europe en 2011 (LAMBRET & DESCHAMPS, 2013).
Malgré la mobilisation du réseau d’observateurs, aucune observation n’avait été
enregistrée dans cette région (notons néanmoins une observation probable du 19 mai
2011 à Saint-Quentin-en-Tourmont dans la Somme par Benjamin Blondel). Une donnée
plus septentrionale avait pourtant été obtenue dans le département du Nord (Grande-
Synthe le 24 septembre 2011 par Yannick Cher [LAMBRET & DESCHAMPS, 2013]) et 12
individus avaient été enregistrés en Belgique (portail www.observations.be). L’espèce
était néanmoins restée très rare dans le nord-ouest de la France (aucune donnée ni en
Haute- ni en Basse-Normandie en 2011)
C’est finalement le 20 octobre 2013, soit à une date tardive, que j’ai pu effectuer la
première observation picarde de cette espèce nomade.
Observation
Fin octobre, les dunes et pannes dunaires du littoral picard accueillent encore de bons
effectifs de Sympetrum, appartenant très majoritairement à S. striolatum (Charpentier,
120 Martinia
1840) tandis que les Aeschnes tendent déjà à disparaitre. Ce dimanche 20 octobre vers
midi, à marée haute, je parcourais les dunes blanches de la baie d'Authie sud, aux
environs de la Pointe de Routhiauville sur la commune de Fort Mahon dans la Somme
lorsqu’une libellule s’est envolée laborieusement des Oyats Ammophila arenaria (L.)
Link, 1827 et Chiendents à feuille de jonc Elymus farctus (Viv.) Runemark ex Melderis,
1978. Elle s’est posée 5 m plus loin, me permettant un premier regard aux jumelles.
Instantanément, les yeux bruns, le thorax et l’abdomen brun clair avec un unique segment
bleu peu marqué sur le dessus de la base de l'abdomen m’ont fait réaliser qu’il s’agissait
d’H. ephippiger. Sachant que l’espèce n’avait encore jamais été vue en Picardie, j’ai pris
rapidement trois photos. La bête s'est envolée rapidement. Je la poursuivis sur 100 m mais
la perdis derrière une dune et ne la retrouvai plus. Les photos prises ont permis de vérifer
l’identification, et la belle selle bleue et les trois appendices abdominaux de l'insecte
révèlent un mâle mature. Le lendemain, j’ai informé le réseau Odonates de Picardie
nature via leur liste de diffusion et la liste Boyeria (http://fr.groups.yahoo.com/
group/boyeria) de la découverte.
Figure 1. Mâle d'Hemianax ephippiger photographié sur les dunes de la pointe de Routhiauville, au sud
de la baie d'Authie, à Fort Mahon, Somme, le 20/10/2013 (© T. Daumal).
Male of Hemianax ephippiger, Routhiauville’s dunes (south of Authie’s estuary, Fort Mahon city, Somme
department, 20/10/2013).
Discussion
Cette observation est sans doute à mettre en liaison avec les vents chauds de secteur
sud qui, au moment de l’observation, avaient sévi depuis près d’une semaine sur le sud-
ouest de l’Europe et persistèrent encore pendant près d’une semaine après l’observation.
Bien que n’étant clairement pas liée à un phénomène invasif massif comme en 2011
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 121
(LAMBRET & BOUDOT, 2013), cette observation n’est pas isolée en France. À Nice,
Robin Duborget et Frédéric Billi témoignent sur le forum www.insecte.org de la présence
de plus de 40 individus en centre ville le 12 septembre 2013, ce qui, même si cela est
régulier, tend à montrer que l’espèce était relativement abondante en ce début d’automne
2013 dans la zone méditerranéenne. Plus au nord, une observation est réalisée le 1er
octobre 2013 à la station de baguage de Trunvel à Tréogat, Finistère (un individu capturé
dans les filets de la station de baguage, Gaëtan Guyot [Bretagne Vivante], com. pers.) et
une autre le 21 octobre 2013 à Brétignolles-sur-mer en Vendée par Ronan Arhuro (com.
pers.). Enfin, en Belgique, une observation a été faite aux marais d’Harchies (Hainaut) le
22 octobre par Vincent Leirens et Thierry Paternoster (Vincent Leirens, com. pers.), puis
une le 4 novembre par Laurent Bataille à la gare des Guillemons. Deux observations ont
également été faites aux Pays-Bas : une le 17 octobre dans le Flevoland par Bianca de
Graaf et une le 30 octobre en Zélande par M. Knipping (http://waarneming.nl). Mais c’est
tout particulièrement en Grande-Bretagne (www.british-dragonflies.org) et en Irlande
(DragonflyIreland sur Facebook), entre fin septembre et début novembre, que cet afflux
automnal a été remarqué, avec encore plus de données qu’au cours de l’invasion de 2011
en ce qui concerne l'Irlande (sept données en 2013 contre deux en 2011
(DragonflyIreland sur Facebook). En Grande-Bretagne, des observations ont été faites sur
plusieurs comtés du sud de l’Angleterre, de la Cornouaille au Suffolk en passant par le
Devon. Dans ce dernier comté, deux individus sont restés sur un site du 8 octobre au
début de novembre, avec au moins l’observation d’une femelle pondant à deux reprises.
Comme toutes ces données, la donnée Picarde est relativement tardive puisque les
données concernant H. ephippiger au nord de la zone méditerranéenne sont
habituellement concentrées entre juillet et septembre (DIJKSTRA & LEWINGTON, 2007).
En 2011, pour 560 données, on ne comptait que quatre données entre mi-octobre et fin
novembre (LAMBRET & DESCHAMPS, 2013). L’afflux de 2013 semble donc être tout à fait
original et différent de la situation de 2011.
Il s’agit de la 61e espèce d’odonate observée en Picardie dans le cadre de l’atlas des
odonates réalisé par Picardie Nature.
Remerciements
Je tiens à remercier Adrien Leprêtre pour la première vérification des critères par
téléphone suite à l’observation, Benjamin Blondel, Ronan Arhuro, Yannick Cher, Robin
Duborget, Gaëtan Guyot et Vincent Leirens pour la transmission des détails de leurs
observations, Jean-François Delasalle pour la confirmation de l’unicité de la donnée en
Picardie et du nombre d’espèces observées en région picarde.
Travaux cités
DIJKSTRA K.D.B. & LEWINGTON R., 2007. Guide des Libellules de France et d’Europe.
Delachaux et Niestlé, Paris, 320 pp.
LAMBRET P. & BOUDOT J.-P. 2013. Hemianax ephippiger (Burmeister, 1839) (Odonata,
Anisoptera : Aeschnidae) : présentation générale. Martinia, Hors-série Hemianax
ephippiger : migration 2011 : 13-27.
122 Martinia
Sources Internet
[Portail d’information sur la station de baguage de Trunvel : http://www.forumbretagne-
vivante.org/t7463p100-les-actualites-de-la-station-de-baguage-de-trunvel-2013,
consulté le 07/11/2013.]
[Portail d’observation belge : http://waarnemingen.be/soort/view/618?waardplant=0&
poly=1&from=2013-08-01&to=2013-11-07&prov=0&maand=0&rows=20&os=0&hi
de_hidden=0, consulté le 07/11/2013.]
[Portail d’observation néerlandais : http://waarneming.nl/soort/view/618?waardplant
=0&poly=1&from=2013-08-30&to=2013-11-07&prov=0&maand=0&rows=20&os=
0&hide_hidden=0 consulté le 07/11/2013.]
[Forum insecte.org : http://www.insecte.org/forum/viewtopic.php?f=9&t=116885,
consulté le 07/11/2013.]
[Liste de discussion Boyeria : http://fr.groups.yahoo.com/group/boyeria/message/4625,
consulté le 07/11/2013.]
[DragonflyIreland. Vagrant Emperor 2013 : https://www.facebook.com/pages/Dragonfly
Ireland/206848686003391, consulté le 07/11/2013.]
[British Dragonfly Society : http://www.british-dragonflies.org.uk/content/vagrant-
emperors-autumn-2013, consulté le 07/11/2013.]
____________________
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 123
Brève communication
Un individu mâle d’Orthetrum albistylum (Selys, 1848) a été observé le 2 juillet 2012 dans le
parc Georges-Valbon (anciennement parc de la Courneuve), situé au nord-ouest de la Seine-Saint-
Denis, sur le « lac des ruisseaux », lors de la mise en place du Suivi temporel des Libellules
(STELI). Ce lac est un plan d’eau artificiel d’une superficie avoisinant les 3000 m2 bordé de petits
et grands hélophytes. Parmi le cortège odonatologique relevé sur ce lieu et en ce jour, à savoir
Coenagrion puella (Linnaeus, 1758), Ischnura elegans (Vander Linden, 1820), Anax imperator
Leach, 1815, Libellula quadrimaculata Linnaeus, 1758, Orthetrum cancellatum (Linnaeus, 1758)
et Sympetrum sanguineum (O. F. Müller, 1764), un Orthetrum nous parut différent des quelques
O. cancellatum déjà observés.
En effet, sa couleur à dominante bleue beaucoup plus pâle nous interpella. Son comportement
d’appétence sexuelle le long des hélophytes nous permit de nous rapprocher aisément et de le
capturer pour répondre à nos interrogations. Nous fûmes alors étonnés d’avoir à identifier O.
albistylum à une latitude aussi haute en Île-de-France et aussi proche de Paris intra-muros,
d’autant que cette espèce demeure encore relativement rare dans la région
(http://odonates.pnaopie.fr/wp-content/uploads/2013/01/Opie-SfO-Coord-2013-Liste-rouge-
Odonates-IDF-tableau-final.pdf, page consultée le 01/12/2013). A contrario, cet Orthetrum est
relativement commun et bien répandu dans une zone médiane de la France s'étendant du bassin de
la Loire au sud de l’Alsace (GRAND D. & BOUDOT J.-P., 2006 : Les Libellules de France, Belgique
et Luxembourg. Biotope, Mèze, Collection Parthénope, 480 pp.). L'individu observé se trouvait
donc ici largement au nord de son aire de répartition connue. Néanmoins, depuis quelques années
et probablement du fait des changements climatiques, des transgressions sont de plus en plus
fréquemment observées au nord de son aire de répartition (OTT J., 2005 : Libellules et changement
climatique : indicateurs récents. In : LEVASSEUR et al., 2007 : Actes des rencontres
odonatologiques Ouest-Européennes 2005, Société française d’Odonatologie, Bois-d’Arcy, 20 pp ;
TERNOIS V., 2005 : Sur la présence d’Orthetrum albistylum (Selys, 1848) dans le Parc naturel
régional de la forêt d’Orient et le nord-est aubois (Odonata, Anisoptera, Libellulidae). Martinia
21(2) : 59-68 ; SIMON A., CABARET A. & HOUARD X., 2010 : Espèces nouvelles et premières
mentions. Le BAL du CERCION, 5 & 6 : 2.).
Cette première observation porte à 35 le nombre d’espèces observées dans ce département.
Même si l'autochtonie de l'individu d'O. albistylum n’a pu être confirmée, la Seine-Saint-Denis
demeure à ce jour le département le plus riche en Odonates au sein de la petite couronne
parisienne. Une observation à une latitude aussi septentrionale et aussi proche de Paris constitue
une donnée intéressante du point de vue de la faunistique régionale, et plus encore du point de vue
de la dynamique de l’espèce.
____________________
124 Martinia
proposals for the conservation of the species on the site and in the area are
made, including the treatment of the riparian and the surrounding vegetation.
____________
Introduction
Dans le cadre de leurs activités, le Conservatoire d'espaces naturels du Nord et du
Pas-de-Calais et la Fédération des associations agréées pour la pêche et la protection du
milieu aquatique du Nord ont entamé un partenariat sur les étangs de la Forge (étangs
fédéraux), situés sur la commune de Glageon dans l’extrême est de la région Nord-Pas-
de-Calais. L’objectif de ce partenariat est, en particulier, la prise en compte des odonates
dans la gestion de cet étang fédéral.
Situé sur les contreforts des Ardennes, avec un taux de surfaces boisées important
pour la région, le site est inscrit dans deux sites du réseau Natura 2000 qui se superposent
(FR 3112001 et FR3100511), dans la ZNIEFF « Étangs et marais du Pont de Sains » et au
sein du Parc naturel régional de l’Avesnois. Les étangs de la Forge accueillent une
population d’Epitheca bimaculata (Charpentier, 1825) découverte depuis un peu plus de
10 ans ; elle est connue pour être la plus importante de la région.
Les étangs de la Forge se situent sur la commune de Glageon (Nord) à une altitude de
171 m. Ils sont au nombre de deux (l’un a 1,5 ha et l’autre a 3 ha) et sont dédiés à la
pêche de loisir au coup. Deux bassins de pisciculture qui jouxtent les étangs sont utilisés
pour l’élevage du Brochet (Esox lucius Linnaeus, 1758). Ces étangs de type méso-
eutrophe communiquent par l’intermédiaire d’un passage busé et sont alimentés par une
prise dans un ruisseau adjacent au niveau de l'étang 2. L'étang 1 déverse le trop-plein dans
ce même ruisseau grâce à un seuil mobile. L’étang 2 présente un îlot central
historiquement utilisé pour la pisciculture, mais désormais laissé à l’abandon et dominé
par une végétation arborée. L’environnement est forestier, le site se trouvant à la lisière
sud du massif forestier de Trélon. Les étangs sont entourés de ruisseaux forestiers
confluant peu après l'exutoire des étangs. Les berges des plans d'eau sont abruptes et leur
végétation herbacée est tantôt fragmentaire, tantôt bien développée. La végétation de
lisière est de type ourlet intraforestier, dominée par l’Ortie dioïque (Urtica dioica L.) ou
la Reine des prés (Filipendula ulmaria (L.) Maxim., 1879). Cette végétation
s’accompagne d’un couvert arboré dominé par l’Aulne glutineux (Alnus glutinosa (L.)
Gaertn., 1790), mais également de plantations d'épicéas (Picea abies (L.) H. Karst., 1881)
en divers endroits, provoquant la diminution du recouvrement de la strate herbacée en
sous-bois. Les étangs existent depuis une trentaine d'années.
Le développement important des plantes aquatiques flottantes gêne la pratique de la
pêche et l'enrichissement organique provoque le développement très important d'herbiers,
cela constitue la principale problématique du lieu. L’une des perspectives de gestion des
étangs visant à limiter ces développements est la mise en assec des deux pièces d'eau.
Ceci pourrait malheureusement mettre en péril la population d'E. bimaculata, comme cela
a été le cas sur l'étang du Hayon à Trélon (Nord), où l'assec est désormais annuel. L'une
des solutions pourrait être de mettre les étangs en assec alternativement, mais comment
faire pour ne pas risquer de mettre en péril la population ?
L'objectif de l'étude était donc de savoir si les deux étangs abritent l’espèce et si un
étang est plus favorable que l'autre Parallèlement, nous décrivons la dynamique de
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 127
Figure 1. Localisation des placettes disposées le long des berges des deux étangs.
Location of sampling plots along the banks of both ponds.
L’espèce est connue pour se développer dans des étangs forestiers ainsi que dans des
paysages semi-boisés (WILDERMUTH, 2008). La taille et l’usage de ces pièces d’eau sont
très variables, allant de quelques centaines de mètres carrés (KRIEG-JACQUIER, 2010) à
plusieurs hectares. L'espèce n'est pas absente des étangs à vocation halieutique, ce qui est
le cas des étangs de la Forge.
Matériel et méthodes
Les inventaires conduits au cours des années précédentes nous avaient permis de
constater que les effectifs annuels émergeant sur le site étaient bien supérieurs à 1000
individus. Compte tenu des moyens humains disponibles, l'ensemble du site ne pouvait
être exploré à chaque visite. Nous avons donc décidé d'effectuer un échantillonnage
systématique sur le pourtour des étangs. Le linéaire de berges des deux étangs a ainsi été
divisé en tronçons successifs de 50 m au sein desquels les 10 m centraux constituaient la
placette d'échantillonnage (Fig. 1). Nous avons considéré que cet échantillonnage devait
être représentatif de la population statistique. Si la largeur de ces placettes est connue et
invariable, il en va différemment de leur profondeur pour des contraintes administratives
et écologiques, le site étant entouré par deux ruisseaux et un fossé au-delà desquels
s'étendent des propriétés privées non accessibles. Nous partions du principe que les larves
ne traversent pas le ruisseau ou le fossé lors de leur recherche de support d'émergence,
compte tenu du courant dans les cours d'eau et des berges très abruptes du fossé. Aucune
exuvie n'a jamais été trouvée au-delà de ce fossé les années précédentes. Cette hypothèse
n'a cependant pas été testée. La biologie de l'espèce nous a obligés à prospecter le plus
loin possible des berges (COPPA, 1991). Chaque station a de fait une surface différente, et
le temps de prospection a donc été pondéré par la surface de chaque placette de façon à
avoir une pression de prospection équivalente pour chacune d'entre elles.
Les exuvies ont été collectées dans chaque placette à intervalles réguliers afin de
connaître la cinétique des émergences en fonction du temps et d'éviter les doubles
comptages (CORBET & HOESS, 1998 ; BOUDOT, 2010). Le relevé de l'ensemble des
placettes se faisait en une journée. Le nombre d'exuvies par placette a été utilisé pour
comparer les deux étangs.
Un certain nombre d'éléments décrivant les postes d'émergence ont également été
collectés. Les paramètres descripteurs sont la distance à la rive et la hauteur depuis le sol
de l'exuvie ainsi que le type de support. La distance et la hauteur ont été exprimées en
semi-quantitatif et définies à l'avance pour des raisons de gain de temps lors de la prise
des mesures sur le terrain (Tab. 1).
Les types de support ont été définis en fonction de notre propre expérience de l'espèce
et des différents articles relatant l'émergence notamment ceux de Coppa (1990a ; 1991) :
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 129
Résultats
Période d’émergence
Six passages ont été réalisés sur les 20 placettes de collecte. Les collectes ont été
réalisées du 4 au 20 mai 2009, ce qui couvrait la totalité de la période d'émergence. Un
passage le 30 avril, où aucune exuvie n’a été observée sur les placettes, a permis
notamment de faire le zéro sur les exuvies pour ne pas biaiser les premiers résultats. Ont
été collectées 580 exuvies, avec un maximum atteint le 8 mai de 141 exuvies.
L'évolution des effectifs cumulés des exuvies trouvées dans les placettes permet
d'évaluer le temps médian d'émergence (EM50) (Fig. 2), ou le temps nécessaire pour que
50% de la population ait émergé. Il a été de 7 jours au cours de cette étude, ce qui
correspond à une "espèce printanière" sensu CORBET (1999), dont les larves passent
toutes l'hiver en diapause au stade F-0 et attendent de bonnes conditions pour émerger de
manière synchronisée.
En considérant les deux étangs séparément, la cinétique d'émergence est similaire
mais pas égale. Pour l'étang 1, l'EM50 est de 6 j et pour l'étang 2 de 7 j (très proche de
8 j). Pour le calcul de l'EM50, la placette 20, qui se trouve sur une digue entre les deux
pièces d'eau et accueille donc des exuvies appartenant à chacun d'entre eux sans que l'on
puisse les différencier, a été écartée.
Différence entre les populations des deux étangs
Les sept placettes de l'étang 1 ont permis de récolter 293 exuvies tandis que les 12
placettes de l'étang 2 ont fourni 266 exuvies. Les effectifs sont comparables ; pourtant
l'étang 2, deux fois plus grand, dispose d'une plus grande potentialité d'accueil, et a
recueilli moins d'exuvies. L'étang 2 est donc a priori moins favorable que l'étang 1. Les
moyennes sont significativement différentes (test de Student : t = 2,1271, ddl = 17,
p = 0,04835) confirmant l'impression donnée par le nombre total d'exuvies sur les deux
étangs (Fig. 3).
130 Martinia
Figure 2. Cinétique des émergences d'Epitheca bimaculata sur les étangs de la Forge en mai 2009
(le jour 0 correspond au 30 avril).
Kinetic of Epitheca bimaculata emergences at the « étangs de la Forge » ponds in 2009
(day 0 corresponds to 30 April).
80
60
Nombre d'exuvies
40
20
0
E1 E2
Etang
Figure 3. Box plot du nombre d'exuvies par placette dans les deux étangs.
E1 = étang 1, E2 = étang 2. Trait épais : médiane ; boîte : du quartile 0,25 au quartile 0,75 ; moustaches :
percentile 0,95 ; ° : donnée extrême hors percentile 0,95.
Box plot of the number of exuviae per sampling plot at both ponds.
E1=pond 1, E2=pond 2. Bold trait: median; box: from 0.25 quartile to 0.75 quartile; whiskers: 0.95
quantile; °: extreme values except 0.95 quantile.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 131
Distance à la rive
La distance à la berge de chaque exuvie a été comptabilisée dans une des cinq classes
de distance définies a priori au début de nos relevés. Plus de 66 % des 580 exuvies
collectées étaient situées à plus de 5 m de l'eau (Fig. 4).
La différence de distribution des exuvies entre D5 et les autres catégories semble
évidente et est significative (test de Kruskal-Wallis, H = 124,52, ddl = 4, p < 0,001). La
comparaison des classes les unes avec les autres selon SIEGEL & CASTELLAN (1988)
montre que D5 se détache de manière significative de toutes les autres (p = 0,05), comme
cela apparaissait intuitivement.
Hauteur d'émergence
La classe H2 rassemble 60 % des exuvies et les deux premières réunies (0 à 50 cm)
près de 90 % d'entre elles. La différence entre les classes est significative (test de
Kruskal-Wallis, H = 193,23, ddl = 4, p < 0,001). D'autre part, la comparaison des classes
les unes par rapport aux autres selon SIEGEL & CASTELLAN (1988) montre que H1 et H2
se détachent de manière significative (p = 0,05), comme cela était intuitivement évident.
30
25
20
Nombre d'exuvies
15
10
5
0
D1 D2 D3 D4 D5
Classe de distance
25
20
Nombre d'exuvies
15
10
5
0
H1 H2 H3 H4 H5
Classe de hauteur
Supports d'émergence
Les supports d'émergence ont été simplement spécifiés lors de la collecte. Les exuvies
trouvées enserrant une touffe de graminées mélangeant feuilles linéaires et tiges ont été
placées dans la catégorie « tige », qui est une catégorie entrant dans les herbacées (avec
les deux catégories feuilles). Les exuvies collectées sur les troncs et sur les tiges sont le
plus souvent dans une position verticale ou sub-verticale, alors que celles trouvées sous
ou sur la surface des feuilles sont le plus souvent en position horizontale.
Une grande partie des exuvies montre une préférence pour les catégories « face
inférieure des feuilles » ou « tiges » (Fig. 6). La strate herbacée, représentée par les trois
catégories les plus importantes, recueille 94 % des exuvies récoltées. Même si on ne peut
faire abstraction de la détectabilité plus importante des exuvies dans l'herbe que dans les
arbres, il y a une différence significative entre les types de support (test de Kruskall-
Wallis : H = 270,7644, ddl = 6, p < 0,001). Si on compare les différents types de support
entre eux selon SIEGEL & CASTELLAN (1988), la strate herbacée se détache
significativement des autres supports (p = 0,05) (Tab. 2).
On notera que la station 1, qui se situe au niveau de la bonde de l'étang 1, regroupe
plus de 90 % des exuvies trouvées sur un support artificiel (paroi en palplanche verticale
en l’occurrence).
En définitive, si l'on rapporte le nombre d'exuvies à la strate de végétation dans
laquelle elles étaient fixées, on constate que l'espèce semble sélectionner de manière
préférentielle la strate herbacée pour émerger (Tab. 3).
14
12
10 Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 133
Nombre d'exuvies
8
6
4
2
0
Artificiel Branche Face inf. feuille Face sup. feuille Sol Tige Tronc
Type de support
Figure 6. Nombre d'exuvies par placettes en fonction du type de support (n = 580). Trait épais :
médiane ; boîte : quartile 0,25 au quartile 0,75 ; moustaches : percentile 0,95 ; ° : valeurs extrêmes.
Number of exuviae per sampling plot regarding the type of emergence support (n=580).
Bold trait: median; box: from 0.25 quartile to 0.75 quartile; whiskers: 0.95 quantile ; °: extreme values.
Tableau 3. Surface occupée par chacune des strates végétales, nombre et densité d'exuvies trouvées
dans chacune d'entre elles.
Area covered by each vegetation type, number and density of exuviae for each of them.
134 Martinia
Discussion
Les dates d'émergence sont tout à fait comparables à celles des régions voisines
(COPPA, 1987, 1991 ; GOFFART et al. 2006, BOUDOT, 2010 ; TROCKUR, 2004). Les
données présentes dans la base de données régionale SIRF (Système d’information
régionale sur la faune) du GON et dans celle de la SFO donnent une période d’émergence
régionale allant du 3 au 24 mai en se basant sur les données d'observation d’individus
ténéraux (n = 39 ; période 1993-2009), les exuvies pouvant persister plusieurs semaines
sur leur support d’émergence. Les données présentées ici correspondent donc
parfaitement à la synthèse globale des données antérieures. Une certaine variation dans
cette période d’émergence a toutefois été observée en 2007 sur l’étang de la Forge
comme ailleurs en France du fait de la quasi-absence d'hiver climatique. L'espèce a alors
émergé durant la seconde quinzaine d’avril (J.-P. Pépin, com. pers.). Ce décalage a été
attribué intuitivement à un printemps particulièrement chaud en 2007, de nombreux
records de précocité régionale ayant été battus cette année-là. A l'inverse en 2012 où le
printemps a été très froid et pluvieux, les premières émergences se sont fait attendre (18
mai) et le nombre d'individus émergents semblait plus faible.
Le percentile EM50 de 7 j observé en 2009, se situe dans la partie haute de la
fourchette des données européennes (WILDERMUTH, 2008 ; BOUDOT, 2010 ; TROCKUR,
2004). Des variations de l'EM50 dans un même site ont été rapportées par BOUDOT
(2010) et sont déjà perceptibles dans les graphiques de VINCENT et al. (1987) entre les
années 1985 et 1987. BOUDOT (2010) et CORBET (1999 : 246) attribuent ces variations
aux températures précédant ou régnant durant la période d'émergence. Cette variation est
illustrée dans BOUDOT (2010) entre deux années à hiver doux ou rigoureux, qui induisent
une variation sur le début des émergences et sur la valeur du percentile EM50. La
différence entre les deux étangs illustrés ici, pose la question sur les autres facteurs
écologiques à l'échelle des sites qui influent sur cette EM50.
La moyenne d'exuvies par placette de 10 m est de 29 ± 9 (moyenne ± intervalle de
confiance à 95 %). L'effectif global de la population peut être estimé par extrapolation à
la totalité du linéaire de berges (environ 1 km pour les deux étangs) à environ 2900
individus en 2009, bien que la marge d'erreur soit difficile à apprécier. La population des
étangs de la Forge se situe dans les populations assez importantes rapportées dans la
littérature (COPPA, 1990a, 1991, BOUDOT, 2010, VINCENT et al., 1987) mais elle est
l'unique population régionale connue possédant de tels effectifs, ce qui est à mettre en
rapport avec le rattachement de cette région à la zone climatique Champagne-Ardenne.
Epitheca bimaculata choisit visiblement la strate herbacée sur le site des étangs de la
Forge pour effectuer son émergence. Les valeurs de hauteurs et de type de support sont
très concordantes avec la littérature consultée (COPPA, 1991 ; STERNBERG & BUCHWALD,
2000) et en particulier avec TROCKUR (2004). Néanmoins, en analysant (modèle linéaire
généralisé) la description des placettes, leur orientation, le temps de prospection, leur
surface et le nombre d'exuvies collecté au total dans chacune d'entre elles (0 à 95
exuvies), aucun facteur parmi ceux qui ont été recueillis ne semble expliquer la variabilité
du nombre d'exuvies. La seule variable explicative est le numéro de la placette indiquant
des différences entre elles. Ce résultat indique bien que l'habitat larvaire et les relations
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 135
trophiques dans le milieu aquatique sont les facteurs qui jouent sur cette abondance et
cela relativise l'importance de l'habitat d'émergence par rapport à l'habitat larvaire.
Les classes de distances à la rive choisies pour cette étude ne permettent pas d'avoir
une lecture très précise de la distance parcourue par la majorité des larves, et l'on peut
juste avancer que la grande majorité émerge à une distance supérieure à 5 m. Compte
tenu de l'usage au niveau des berges induisant une fréquentation et un certain piétinement
plus important à proximité des rives qu'à 5 m de l'eau (où il est quasi inexistant) et de la
présence d'un chemin carrossable sur le pourtour des étangs se situant entre 3 et 5 m de la
berge, il est vraisemblable que les larves sortant de l'eau se déplacent tant qu'elles n'ont
pas trouvé de support satisfaisant. La distance parcourue pourrait donc être liée à la
disponibilité d’un habitat favorable (TROCKUR & STERNBERG, 2000 ; TROCKUR, 2004).
La vérification de cette hypothèse demanderait une étude de l’éloignement de l’eau lors
de l’émergence des larves dans un milieu homogène qui offre des supports favorables dès
le premier mètre.
L'étang 1 est celui qui accueille, au vu de nos données, la plus grande population,
néanmoins nos données n'ont été collectées que sur une année et il faudrait sans doute
réaliser cette étude de nouveau pour obtenir plus de données. Les raisons de cette
différence doivent être recherchées dans les caractéristiques de l'habitat larvaire, mais
nous ne disposons d'aucune donnée formalisée sur cet habitat larvaire concernant les deux
étangs. On notera toutefois que l'étang 1 dispose de plus de chevelus racinaires
notamment d'aulnes au niveau des berges.
S'il doit y avoir une mise en assec des étangs pour améliorer la pratique de la pêche, il
semble indispensable de le faire de manière alternée et ceci avec un pas de temps de 3 à 5
ans (5 ans étant la durée maximale de développement larvaire dans la littérature). Le
premier étang serait l'étang 2, préservant ainsi l'étang présentant, a priori, les meilleures
conditions pour le développement de l'espèce. Au bout de 3 ans, une évaluation de la
taille de la population devrait être réalisée dans l'idéal selon le même protocole, en
différenciant les deux étangs, afin de s'assurer qu'une population reproductrice d'effectifs
équivalents à l'actuelle continue d'y être présente. Les résultats permettront de déclencher
ou non les travaux de mise en assec sur l'étang 1. Dans la négative, cette opération sera
renouvelée au bout de 5 ans. Des opérations simples de génie écologique pourront être
menées pour favoriser la présence de supports de pontes (herbiers). Suite à la remise en
eau, les étangs seront vraisemblablement rempoissonnés, compte tenu de l'usage sur le
site. Cela évitera de modifier les conditions de compétitions entre espèces qui pourraient
être défavorables à E. bimaculata. Ce dernier est adapté à vivre dans des étangs destinés à
la pêche.
Compte tenu du choix des supports d'émergence, une attention particulière est déjà
portée à la strate herbacée du mois d'avril au début du mois de juin, en évitant les tontes
et le fauchage des berges à cette période. Une sensibilisation devra être apportée aux
utilisateurs afin de prêter attention au piétinement des berges à cette période. La
couverture arborée, lorsqu'elle est composée d'essences indigènes, ne gêne pas la
présence de la strate herbacée. Les essences allochtones comme les résineux empêchent
par contre le développement de cette dernière et devront être supprimées. Une conversion
de ce peuplement vers des essences plus locales serait sans doute bénéfique.
136 Martinia
Cette espèce est considérée comme prioritaire au niveau régional dans le cadre de la
déclinaison régionale du plan national d'action en faveur des odonates et comme espèce
de cohérence nationale pour la trame verte et bleue. Un suivi devra être mis en place sur
le site afin d'évaluer l'impact des travaux de mise en assec, s'ils ont lieu. Il devrait viser, a
minima, à contrôler de manière annuelle l'émergence sur le site et à évaluer l'évolution de
la population dans le temps. Une investigation sur l'habitat larvaire serait sans doute la
bienvenue, afin de mieux appréhender la conservation de l'espèce.
Le site présente une population très importante, connue pour être la plus importante
de la région. Son rôle dans la conservation de l'espèce dans le secteur est sans doute
important, mais inconnu. Des sites avec de telles populations sont inconnus en Belgique
(GOFFART et al., 2006, Fichefet com. pers.). La structure des populations de cette espèce
reste très mal connue et leur fonctionnement en métapopulation reste une hypothèse
(MERLET & HOUARD 2012 ; TROCKUR 2004) qu'il conviendrait d'explorer. La discrétion
de l'espèce au niveau imaginal et sa capacité de dispersion sans doute importante
(BEUTLER, 1987 ; TROCKUR, 2004), rendent les études de capture-marquage-recapture
aléatoires. La caractérisation des flux de gènes par l'utilisation de techniques génétiques
analogues à celles mises en œuvre chez Coenagrion mercuriale en Suisse (KELLER &
HOLDEREGGER, 2013) ou dans les Îles Britanniques (WATTS et al., 2006) semble être
préférable. Cette analyse des flux entre populations à une échelle écologique assez
étendue prenant en compte la Belgique et la région Champagne-Ardenne serait
déterminante pour améliorer notre compréhension du fonctionnement des populations,
dans la région Nord-Pas-de-Calais, en marge de son aire de répartition et d'identifier les
enjeux de sa conservation.
Remerciements.
Les auteurs adressent leurs remerciements à la Fédération des associations agréées
pour la pêche et la protection du milieu aquatique du Nord qui intègre avec intérêt ces
enjeux dans la gestion de ce site fédéral, la Région Nord-Pas-de-Calais, la DREAL Nord-
Pas-de-Calais qui soutiennent les activités odonatologiques régionales, le Groupe
ornithologique et naturaliste du Nord-Pas-de-Calais et la Société française d’odonatologie
pour la mise à disposition des données historiques. Les naturalistes ayant participé aux
prospections de l'espèce depuis la découverte de ce site sont également vivement
remerciés. Enfin, les auteurs remercient le comité de lecture pour ses remarques
constructives ayant permis d'améliorer cet article.
Travaux cités
[BEUTLER H., 1987. Untersuchungen zur Populationsstruktur und -dynamik
mitteleuropäischer Libellen (Odonata). Diss. an der Math.-Nat.wiss. Fakultät der
Humboldt-Universität in Berlin, 101 pp.]
BOUDOT J.-P., 2010. Abondance, synchronisme et sex-ratio à l'émergence chez Epitheca
bimaculata (Charpentier, 1825) en Lorraine (NE France) (Odonata, Anisoptera :
Corduliidae). Martinia, 26 (1/2) : 9-17.
BOUDOT J.-P., GOUTET P., & JACQUEMIN G., 1990. Note sur quelques Odonates peu
communs observés en France. Martinia, 6 (1) : 3-10.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 137
Introduction
Chalcolestes parvidens (Artobolevskii, 1929) (Fig. 1a & b) et C. viridis (Vander
Linden, 1825) sont des espèces très proches. Elles étaient considérées comme des sous-
espèces depuis la description originale de C. parvidens. Des travaux réalisés en Italie au
début des années 90 furent les premiers à proposer une distinction taxonomique au niveau
de l'espèce sur la base de données génétiques (COBOLLI et al., 1994), position confortée
par de récents travaux morphométriques et moléculaires (GYULAVARI et al., 2011). Les
deux taxons peuvent vivre en syntopie (COBOLLI et al., 1994 ; DELL'ANNA et al., 1996;
OLIAS et al., 2007). Des individus hybrides ont été identifiés sur des bases génétiques et
morphologiques concordantes (COBOLLI et al., 1994 ; DELL'ANNA et al., 1996 ;
DELL'ANNA, 1996). Cependant seuls les hybrides de première génération sont
identifiables par des critères structuraux. Ils présentent une forme intermédiaire entre les
deux espèces tandis que ceux issus des rétrocroisements suivants ont la forme de l'un des
deux parents (DELL'ANNA et al., 1996 ; DELL'ANNA, 1996). Les derniers travaux
génétiques sur les deux taxons n'abordent pas cet aspect d'hybridation, des individus
morphologiquement intermédiaires sont identifiés mais ils sont « génétiquement »
140 Martinia
identifiés comme appartenant à l'un ou l'autre des deux taxons (GYULAVARI et al., 2011).
Les deux espèces présentent des périodes d'activités journalières, des phénologies et des
tailles (longueur totale du corps) différentes dans les populations syntopiques, ce qui
supporte la distinction spécifique par isolement reproductif malgré l’existence démontrée
d'hybrides (COBOLLI et al., 1994 ; DELL'ANNA et al., 1996 ; DELL'ANNA, 1996). La
séparation taxonomique est maintenant bien admise ; la SFO a d'ailleurs adopté cette
position dans son référentiel taxonomique (BOUDOT & DOMMANGET, 2012). On notera
que l'usage du genre Chalcolestes est maintenant largement accepté grâce aux travaux de
DUMONT et al. (2010) et GYULAVARI et al. (2011), qui situent le genre Chalcolestes plus
près du genre Sympecma que du genre Lestes dans leur arbre cladistique.
Figure 1. Chalcolestes parvidens au marais de Canniccia, commune de Figari : (a) , (b) , (c)
appendices anaux inférieurs du pointus et nettement recourbés vers le haut, (d) appendices anaux
supérieurs du présentant une petite dent apicale, (e) dents sur la crête ventrale de l'ovipositeur au
nombre de 6 à 8, (f) ptérostigmas sombres (a, b, e, f © P. Lambret ; c, d © R. Duborget).
Chalcolestes parvidens in the Canniccia mershes, Figari city : (a) , (b) , (c) inferior appendages
which are pointy and clearly curved to the top, (d) superior appendages showing a small apical tooth, (e)
6 to 8 teeth on the ventral crest of the ovipositor, (f) dark pterostigmas.
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 141
considère aujourd’hui que cette donnée doit être attribuée à C. viridis et nous ne la
retiendrons donc pas ici.
Conditions d’observation des nouveaux éléments
La SFO a organisé des prospections ciblées sur Lindenia tetraphylla (Vander Linden,
1825) en 2011, sous l'égide du Muséum national d'histoire naturelle de Paris (MNHN).
Cette mission d’inventaire a été déployée dans le cadre de l’évaluation des espèces de la
directive européenne dite « Habitats-Faune-Flore ». Il convenait alors de statuer
rapidement sur l'indigénat de cette espèce, découverte en 2009 (TELLEZ & DOMMANGET,
2009). Nous avons été accompagnés sur quelques sites par Cyril Berquier. Les
prospections se sont concentrées sur les lacs et lagunes de la Corse-du-Sud du 7 au 12
juin 2011.
Des prospections complémentaires ont été réalisées pendant les vacances d'un des
auteurs (CV) du 24 juin au 5 juillet 2013, principalement aux alentours de l'Île Rousse.
Ces prospections ont été l’occasion de réaliser des observations de C. parvidens et C.
viridis et d'en décrire brièvement les sites.
Matériel et méthodes
Les déterminations ont été réalisées sur le terrain avec prélèvement systématique
d'échantillons pour les individus appartenant au groupe C. viridis / C. parvidens. Les
critères utilisés pour différencier les individus sont uniquement les critères structuraux
donnés par DIJKSTRA & LEWINGTON (2006). Vingt-trois stations ont été inventoriées au
cours de ces deux séjours, dont cinq renfermaient des individus du genre Chalcolestes
(Fig. 2). Les informations relatives à l’habitat ont été consignées sur place dans un carnet
de terrain en suivant le protocole du Cilif (www.libellules.org : Méthodologie/ Protocole
Cilif 2010-2015).
Résultats
Les caractéristiques des cinq localités sont données ainsi que leur localisation dans le
système géodésique international WGS84 (degrés décimaux), leur altitude et les dates
d'observation.
1 - Étang de Balistra, commune de Bonifacio (9,20950° E ; 41,43975° N)
Le site, situé au niveau de la mer et prospecté le 9 juin 2011, est une lagune côtière
alimentée par un cours d'eau. La végétation environnante est un maquis. Bien
qu'immatures ou émergents, les trois mâles collectés présentaient clairement les
caractéristiques de C. viridis. Aucune femelle n’a été observée. Les individus ont été
capturés à la lisière du maquis, en bordure des chemins.
2 - Barrage de Figari au niveau de Punta di Torricciola, commune de Figari
(9,15697° E;41,47831° N)
Le site, alimenté par plusieurs cours d'eau, est un barrage situé à une altitude
comprise entre 60 et 70 mètres. Il est entouré de maquis et de forêts. Il a été prospecté le
10 juin 2011. Trois individus ont été collectés : un mâle et deux femelles. Les individus
ont été principalement trouvés au bord de l'eau sur la végétation ligneuse basse. Le mâle
était un émergent. L'individu en collection n'est pas en très bon état, néanmoins les
appendices anaux supérieurs sont bien caractéristiques de C.viridis. Les deux femelles
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 143
présentent chacune huit dents sur l’une des valves de leur ovipositeur et neuf sur l’autre
valve, rendant leur identification hasardeuse.
Figure 2. Localisation des stations visitées en 2011 et 2013 , avec indication des stations historiques.
Localities visited in 2011 and 2013, , with indication of the historical localities.
Discussion
Bien que les données concernant C. parvidens demeurent rares en Corse, la
distribution de cette espèce apparaît maintenant bien plus large qu'au cours des dernières
années. Nos résultats montrent que l'aire d'occurrence de l'espèce s'étend potentiellement
à toute l'île. D'autres stations doivent certainement exister et on peut s'attendre à ce qu'une
prospection de longue durée produise un maillage plus dense de localités le long des côtes
et des cours d'eau de l'île. Lors de la mission de la SFO, la station historique de
C. parvidens a par ailleurs été visitée à deux reprises dans la période favorable (dans l'état
actuel de nos connaissances) sans que l'espèce n’y soit de nouveau observée. Cependant
le taxon n'était pas spécifiquement recherché et il a pu échapper à la vigilance des
observateurs.
La sporadicité des observations de C. parvidens peut s'expliquer par la réelle rareté de
l'espèce sur l'île mais également par une très vraisemblable sous-détection liée à sa
ressemblance avec C. viridis et à la méconnaissance de la période la plus favorable à son
observation. En effet, sa détermination nécessite un examen approfondi des individus à
l’aide d’une loupe de terrain, voire d'une loupe binoculaire. La méconnaissance de
l'existence du taxon en Corse par de nombreux observateurs pourrait également expliquer
cette sous-détection.
OLIAS et al. (2007) émettent l'hypothèse qu'au sud de son aire de distribution
C. viridis préfèrerait les eaux thermiquement plus froides et relativement stables alors que
C. parvidens se cantonnerait dans les eaux chaudes et parfois temporaires. Les stations de
C. parvidens connues aujourd'hui de Corse se situent toutes à des altitudes basses, dans
des sites où la profondeur de l'eau est faible. Il convient d'étudier leur régime hydrique
annuel avant de donner crédit à leur temporalité saisonnière.
Nous n'avons pas trouvé d’individus présentant des critères hybrides évidents, ni de
localités où les deux espèces vivent en syntopie. Pour ces dernières, nous n'excluons pas
qu'elles aient pu nous échapper tant la distinction des deux espèces est ardue sur le
terrain. D'autre part dans le site d'étude de DELL'ANNA (1996), où les deux espèces vivent
en syntopie, moins de 5 % d'hybrides de première génération (moins de 15 % pour les
individus issus de rétrocroisement) ont été identifiés sur des bases génétiques alors que
les conditions d'hybridation y sont les plus favorables. Mais étant donnés les nombreux
cas rapportés dans la littérature (OLIAS et al., 2007), de telles localités pourraient exister
en Corse, d'autant que C. parvidens est ici à la marge de son aire de distribution. Leur
découverte et leur étude seraient particulièrement intéressantes pour mieux appréhender
leur isolement reproductif relatif en se basant sur les travaux précédents (COBOLLI et al.,
1994 ; DELL'ANNA 1996 ; DELL'ANA et al., 1996).
Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 145
OLIAS et al. (2007) proposent des chiffres légèrement différents de ceux jusqu'alors
publiés pour l'identification des femelles sur la base du nombre de dents de l'ovipositeur
(tableau 1). En utilisant ces nouvelles fourchettes, la plupart des femelles identifiées
comme C. parvidens resteraient au niveau d'identification de Chalcolestes sp., tout
comme une partie des femelles de C. viridis. OLIAS et al. (2007) se réfèrent à JÖDICKE
(1997) et OLIAS & SERBEDIJA (1998) pour définir ces critères. La dernière référence
montre que sur une série d'individus de Croatie, seules les femelles avec 9 dents peuvent
appartenir à l'un ou l'autre des taxons. L'utilisation des critères fournis par JÖDICKE
(1997) et DIJSKSTRA & LEWINGTON (2006) semblent aujourd'hui les plus sûrs pour
l'identification des femelles.
Toutefois, leur identification reste délicate, d'autant que le nombre de dents sur
chacune des valves de l'ovipositeur n'est pas toujours identique. Cette variation devrait
être approfondie, notamment dans les cas d'hybridation, en mettant en relation des
caractéristiques génétiques et morphologiques des femelles comme GYULAVARI et al.
(2011) ont pu le faire sur les mâles.
L'espèce, identifiée comme prioritaire par la déclinaison régionale Corse du Plan
national d'actions en faveur des Odonates (BERQUIER, 2013), va faire l'objet de
recherches plus approfondies. Celles-ci se feront sous la coordination de l'Office de
l'environnement de la Corse, notamment via l'Observatoire conservatoire des insectes de
Corse. De nouvelles données sur la distribution et l'écologie de C. parvidens, son
hybridation et sa syntopie avec C. viridis devraient voir le jour.
Remerciements
Les auteurs remercient Carlo Utzeri pour les échanges sur les recherches menées en
Italie, Martin Schorr pour l'aide précieuse dans la recherche bibliographique, Jean-Louis
Dommanget pour la confiance qu'il nous a témoignée concernant la mission SFO/OPIE
en Corse, le MNHN pour son soutien logistique dans la mission de 2011 et Robin
Duborget pour ses photos.
Travaux cités
BERQUIER C., 2013. Plan Régional d’Actions en faveur des Odonates. Région Corse. 2013–
2017. Office de l’Environnement de la Corse – Direction Régionale de l’Environnement,
de l’Aménagement et du Logement de Corse, 67 pp.
[BOUDOT J.-P. & DOMMANGET J.-L., 2012. Liste de référence des Odonates de France
métropolitaine. Société française d’Odonatologie, Bois-d’Arcy (Yvelines). 4 pp.]
146 Martinia
COBOLLI M., UTZERI C., DE MATTHAEIS E. & DELL'ANNA L., 1994. Note preliminari sullo
status tassonomico e la corologia italiana di Chalcolestes parvidens (st. nov.) (Odonata:
Lestidae). Atti XVII Congresso nazionale italiano di Entomologia, Udine. 77-82.
DELL'ANNA L., 1996. Approccio multidisciplinare allo studio dell'isolamento riproduttivo tra
Chalcolestes viridis e Chalcolestes parvidens (Insecta: Odonata). Tesi dottorato, Dipto
Biol. Anim., "La Sapienza", Roma: 57 pp.
DELL'ANNA L., C. UTZERI, E. DE MATTHAEIS & M. COBOLLI, 1996. Biological
differentiation and reproductive isolation of syntopic central italian populations of
Chalcolestes viridis (Vander L.) and C. parvidens (Artobol.) (Zygoptera: Lestidae).
Notulae odonatologicae, 4 (8): 135-136.
DIJKSTRA K.-D. B. & LEWINGTON R., 2006. Field guide to the Dragonflies of Britain and
Europe. British Wildflife Publishing, Gillingham, 320 pp.
[DOMMANGET, J.-L. (2009). Étude complémentaire des Odonates de Corse 2008-2009. Bilan
et synthèse globale. SfO, DREAL Corse. 45 pp.+annexes.]
DUMONT H. J., VIERSTRAETE A. & VANFLETEREN J. R., 2010. A molecular phylogeny of the
Odonata (Insecta). Systematic Entomology, 35 (1) : 6-18.
GRAND D & BOUDOT J.-P., 2006. Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg.
Biotope, collection Parthénope, Mèze, 480 pp.
GRAND D. & ROCHE B., 2003. Complément à la faune des Odonates de Corse et nouvelles
observations de Somatochlora metallica meridionalis Nielsen, 1935 (Odonata,
Anisoptera, Corduliidae). Martinia, 19 (2) : 57-60.
GYULAVARI H. A., FELFÖLDI T., BENKEN T., SZABO L. J., MISKOLCZI M., CSERHATI C.,
HORVAI V., MARIALIGETI K. & DEVAI G., 2011. Morphometric and molecular studies on
the populations of the damselflies Chalcolestes viridis and C. parvidens (Odonata,
Lestidae). International Journal of Odonatology, 14 (4): 329-339.
JÖDICKE R., 1997. Die Binsenjungfern und Winterlibellen Europas. Lestidae. Die Neue
Brehm-Bucherei 631. Westarp Wissenschaften, Magdeburg, 277 pp.
[OLIAS M. & SERBEDIJA M., 1998. Zur Faunistik und Ökologie der Libellen der Kvarner-
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OLIAS, M., WEIHRAUCH F., BEDJANI M., HACET N., MARINOV M. & ŠALAMUN A., 2007.
Lestes parvidens and L. viridis in southeastern Europe: a chorological analysis (Odonata:
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PARR A. J., 2009. The Willow Emerald Damselfly Lestes viridis (Vander Linden) in East
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TAYLOR P., 2013. A change in status of the Willow Emerald Damselfly Lestes viridis (Vander
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TELLEZ, D. & DOMMANGET J.-L., 2009. Lindenia tetraphylla (Vander Linden, 1825) en Corse
du sud (Odonata, Anisoptera, Gomphidae). Martinia, 25 (3) : 117-118.
UTZERI C., DELL'ANNA L., LANDI F., DE MATTHAEIS E. & COBOLLI M., 1994. Nota
preliminare sulla distribuzione di Chalcolestes viridis (Vander Linden, 1825) e C.
parvidens (Artobolevski, 1929) in Italia (Zygoptera: Lestidae). Notulae odonatologicae, 4
(3) : 46-50.
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Tome 29, fascicule 2, décembre 2013 147
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