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Revue Canadienne de Géographie Tropicale

Canadian Journal of Tropical Geography


RCGT (En ligne) / CJTG (Online)
ISSN: 2292-4108
Vol. 8 (2):33-38
https://revuecangeotrop.ca

Riziculture irriguée et mutations socio-économiques dans la vallée du Logone à Bongor (Tchad)


Irrigated rice growing and socio-economic changes in the valley of Logone with Bongor (Chad)

Romain GOUATAINE SEINGUE, Magloire DADOUM DJEKO & Issa DOUBRAGNE


@ 2021 CJTG-RCGT Tous droits réservés / All rights reserved

Résumé:
La vallée du Logone à Bongor fait depuis 1964, l’expérience d’une agriculture irriguée, pour faire face aux contraintes climatiques. Ce
périmètre est mis en place grâce à la coopération chinoise. L’introduction des techniques de culture, l’utilisation raisonnée et suivie des
engrais et pesticides, le contrôle du niveau d’eau, l’introduction des engrais à haut rendement sont à l’origine de l’accroissement des
productions et rendements agricoles. Cet accroissement s’est accompagné d’une amélioration du niveau de vie, avec ses conséquences
socio-économiques. L’objectif de cet article est d’évaluer les mutations socio-économiques dues justement à l’introduction de la riziculture
irriguée. La méthodologie a consisté essentiellement à l’analyse des facteurs qui ont conduit à cette riziculture et les conséquences socio-
économiques qui en découlent. Il ressort de cette analyse que l’introduction de la culture irriguée du riz a générée des revenus
substantiels et a engendré des mutations dans cette vallée. Il est important pour les décideurs d’apporter un appui considérable aux
activités de riziculture irriguée pour relever davantage le niveau de production de la vallée du Logone à Bongor.

Abstract:
Since 1964, the Logone Valley in Bongor has been experimenting with irrigated agriculture to cope with climatic constraints. This
perimeter was set up thanks to Chinese cooperation. The introduction of cultivation techniques, the reasoned and monitored use of
fertilisers and pesticides, the control of water levels, and the introduction of high-yield fertilisers have led to an increase in agricultural
production and yield. This increase has been accompanied by an improvement in the standard of living, with its socio-economic
consequences. The objective of this paper is to assess the socio-economic changes that have occurred as a result of the introduction of
irrigated rice cultivation. The methodology consisted essentially of an analysis of the factors that led to the introduction of irrigated rice
cultivation and the resulting socio-economic consequences. The analysis shows that the introduction of irrigated rice cultivation has
generated substantial income and has brought about changes in the valley. It is important for decision-makers to provide considerable
support to irrigated rice activities in order to further raise the level of production in the Logone Valley in Bongor.

Mots clés / Keywords

Vallée du Logone, riziculture irriguée, mutations, revenu, développement rural, Bongor, Tchad
Valley of Logone, irrigated rice growing, changes, income, rural development, Bongor, Chad

Histoire de l’article/Article history


Reçu /Received: 31 décembre 2018 Accepté /Accepted: 15 mars 2021 Publié en ligne /Published online: 25 décembre 2021

Introduction irriguée dans cette vallée, ainsi que les mutations socio-économiques
qu’elle a engendrées.
L’agriculture tchadienne est avant les indépendances, totalement tributaire
des pluies (Baohoutou, 2007 ; Romain G., 2014). Cette agriculture nourrit La localisation de la ville de Bongor
une population relativement peu nombreuse et l’accès à ces ressources est
facile. Au fil des années, juste après les indépendances, les pays africains La ville de Bongor est située au sud-ouest du Tchad, entre le 9e et 11e degré
francophones font face à un double problème : celui de la variabilité de latitude nord et 14e et 16e degré de longitude ouest (cf. figure 1). Avec
pluviométrique et d’assurance de l’autosuffisance alimentaire. Cette une population de 553027 habitants en 2009, c’est l’une des zones les plus
situation a justifié l’intensification des cultures irriguées dans tout le Tchad peuplées du Tchad avec une densité moyenne de 40 habitants au km 2.
afin de faire face à la diminution progressive des productions et
rendements agricoles. C’est ainsi qu’en 1965, les premières installations Méthodes
pour les cultures irriguées ont eu lieu (Bezot P., 1966 ; Bezot P., 1969 ;
Ministère de l’Agriculture, 1999 ; Romain Gouataine, 2010). La vallée du Les données utilisées sont les suivantes : 1) les statistiques climatiques
Logone fut l’une des zones ayant connu le projet de production de riz par (précipitations et températures) de 1960 à 2015. Ces données sont issues de
l’irrigation et avec des outils agricoles modernes, lequel est destiné à la base des données de la Direction Générale de la Météorologie Nationale
déclencher une révolution technologique en milieu paysan et à améliorer (DGMN) ; 2) les données agricoles proviennent de l’ANADER (Agence
le niveau de vie de la population rurale. Cinq décennies après, on constate Nationale de Développement Rural) et de Nuttens (2002) ; 3) les données
que le projet n’a pas réussi à imposer l’irrigation comme la voie du issues des archives ; 4) les données socio-économiques issues des enquêtes
développement rural, et est même à l’origine de certains problèmes de terrain. Pour être enquêté, l’agriculteur doit être âgé de plus de 50 ans,
sociaux. Cependant, il a permis une intensification de la culture du riz dans avoir résidé dans le milieu depuis plus de 30 ans, être riziculteur depuis plus
la vallée, et une évolution de la région tant sur le plan économique que de 20 ans. Sur cette base, 225 personnes ont été enquêtées.
social.
La méthodologie utilisée pour déterminer les variabilités climatiques ont
L’objectif de cet article est d’évaluer les mutations socio-économiques consisté à déterminer les fluctuations interannuelles de la pluie et des
engendrées par l’introduction de la riziculture irriguée. Il s’agira de
présenter les facteurs et le processus de mise en place de l’agriculture

CJTG/RCJT, Sudbury,
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Sudbury, P3E 2C6, Canada.
P3E ISSN : 2292-4108.
2C6, Canada. Vol. 8(2):
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Analyse des données primaires
Les autres outils tels qu’Excel, Instat et Kronostat sont utilisés pour le
traitement statistique des autres données et Map info est utilisé pour la
cartographie.

Résultats
Les facteurs naturels de l’introduction de la
riziculture irriguée
À Bongor, la pluviométrie est très variable dans le temps et dans l’espace.
Le graphique suivant rend compte de cette variation (cf. figure 2).

Figure 2. Variation interannuelle des pluies dans le Mayo-Kebbi

Globalement, cette figure montre une fluctuation interannuelle marquée.


Source : Carte topographique de Bongor Réalisation : Gouataine, 2018 La pluie évolue en dents de scie. Sur ces graphiques, on remarque que la
première décennie est excédentaire alors que la seconde et la troisième
Figure 1. Situation de la plaine du Mayo-Kebbi
sont déficitaires. À partir de 1990, on observe une hausse des quantités dans
températures. Elle passe par l’analyse de l’évolution des productions et les différentes stations même si cette bonne pluviométrie cache de
rendements des différentes spéculations. Enfin, elle a aussi consisté en nombreuses disparités. Cette même situation est évoquée par Gouataine
l’analyse des données issues des enquêtes de terrain. et Baohoutou (2015), Abdoulaye B. et al (2013 et 2015), Baohoutou (2007).
Il est à noter aussi que la saison pluvieuse commence avec un retard dans
Moyenne arithmétique cette vallée et s’arrête le plus tôt à tel point que le riz n’arrive pas à boucler
Elle a été utilisée pour étudier les régimes pluviométriques aux différentes son cycle végétatif de 100 à 120 jours.
stations. C’est le paramètre fondamental de tendance centrale, représentée Le déficit hydrique est d’autant plus considérable que l’insolation est
par la « normale », moyenne calculée sur la période d’étude. Elle s’exprime importante. Les valeurs moyennes de l’insolation varient entre 10 heures en
de la façon suivante : février à 6 heures en août. Il en résulte une chaleur constante avec une
température moyenne de 28°C. Une situation analogue est observée pour
les températures de 1985 à 2013 (cf. figure 3).

Le calcul de l’écart type


Ce calcul a permis d’évaluer la dispersion des valeurs autour de la moyenne
« normale ». Il se détermine par le calcul de la racine carrée de la variance:

où V est la variance. L’écart-type est par excellence l’indicateur de la


variabilité. Il constitue avec la moyenne, les deux éléments permettant de
calculer les anomalies centrées-réduites.

Figure 3. Anomalies et tendances thermométriques à Bongor


Les anomalies centrées-réduites
La figure 3 montre que la tendance des températures est excédentaire de
À partir de l’écart type, ont été calculées les anomalies centrées réduites
1985 à 2013. On constate une augmentation considérable des températures
pluviométriques interannuelles, en standardisant les données. Les
moyennes qui est de 0,4°C. Cette augmentation montre que d’une année
anomalies sur chaque station se calculent par la formule suivante :
à une autre, la température ne cesse de croitre, signe d’un changement
climatique notoire. Cette augmentation influe d’une manière ou d’une
autre le développement des cultures.

En saison sèche, le déficit hydrique assèche et durcit les différents types de


Où sols (les sols peu évolués, les vertisols et les sols ferrugineux tropicaux) à
travers lesquels le fleuve Logone a ouvert son lit et sur lesquels les
communautés rurales exploitent afin de satisfaire leur besoin.

Ces contraintes du milieu physique imposent alors l’irrigation comme la


solution au problème agricole de la région, en particulier celui de la maitrise

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de l’eau. Cette irrigation pourrait se faire à partir des prélèvements du L’aménagement du périmètre rizicole
fleuve Logone.
Le processus d’aménagement du périmètre rizicole à Bongor s’est fait
Les facteurs humains d’une manière progressive. Les superficies consacrées au riz sont limitées
aux villages les plus démunis de terres exondées et auxquels la culture
L’origine de la culture du riz au Tchad est très lointaine. Des formes imposée du coton n’a pu être maintenue. Les villages situés sur le bourrelet
sauvages appartenant aux espèces Oryza barthien A. CHEV. et O. de berge du fleuve sont les seuls jusqu’en 1958 à pratiquer la culture
breviligulata A. CHEV. et Roer., existent dans les zones d’inondation des contrôlée. Avant l’endiguement des plaines Nord-Bongor (casier A), les
fleuves et en bordure des lacs ; les grains de paddy de ces formes sont plaines étaient largement submergées (1 à 2 m) en direction de Ba-Illi et
récoltés par les riverains. La présence dans beaucoup de rizières de plants toute activité agricole y était impossible (Cabot, 1965 :193).
appartenant à O.glaberrima St. montre que des introductions de cette
espèce originaire d'Afrique occidentale ont eu lieu dans le sens ouest-est. Les premiers casiers rizicoles furent aménagés en pays Massa avec les
Toutefois, il est probable que, par l'intermédiaire des caravanes venant de moyens traditionnels. L’endiguement du fleuve sur ses deux rives à l’aval
l'est et du nord, du riz appartenant à l'espèce sativa ait été introduit au de Bongor a depuis, permis la création par des moyens mécaniques.
Tchad il y a plusieurs décennies (Bezot, 1969 :2). À partir du XXe siècle, des
introductions un peu moins anarchiques furent réalisées. Elles furent le fait Le casier B de Bongor est créé en 1965 sur l’accord de coopération entre la
soit d'administrateurs désireux de lancer la riziculture dans les immenses République du Tchad et celle de Chine Taiwan. La première mission
plaines inondées du Tchad, soit de tirailleurs revenant dans leur pays et taiwanaise est installée dans la même année à Fressou dans le canton Telmé
ramenant, d'Extrême-Orient surtout, des semences de riz (Bezot, 1969 :2). à 18 km au nord de Bongor. En 1964, les travaux d’aménagement d’un
À partir de 1940, les difficultés de ravitaillement découlant de l'état de la périmètre de 500 hectares en maitrise parfaite de l’eau ont été envisagés
guerre mondiale et de l'impossibilité pour le Tchad de recevoir de avec les premières semences qui sont la IR-8. Après les phases
l'extérieur du riz pour l'alimentation des troupes imposèrent les premières d’expérimentation et d’aménagement en 1965, les premières opérations de
tentatives organisées de riziculture. Le rapport annuel du service de la culture du riz ont débuté avec deux cycles : un cycle humide et un cycle
l'Agriculture pour la campagne 1940-1941 décrit l'état de la riziculture dans chaud. À cette époque, les producteurs sont regroupés par quartier et
le pays et précise que cette culture est alors en régression. Les semences village. Le périmètre de 500 hectares compte 33 blocs de 15 hectares
de la variété locale avaient presque complètement disparu dans le Moyen- répartis en 6 canaux secondaires. Les engrais, le labour, les semences et
Logone, aussi fallut-il faire venir des semences du Cameroun (une centaine l’irrigation étaient gratuits. À la récolte, le riz paddy était acheté par le casier
de tonnes de semences fut ainsi distribuée aux cultivateurs en 1940). Par la A qui disposait d’une machine de décorticage. Sur les 500 hectares
suite, le développement de cette culture se fit par étapes successives. aménagés, 495 hectares sont réellement exploitables.

Pour les casiers A et B de Bongor, cinquante-sept mille hectares protégés Après la rupture des relations diplomatiques avec la Chine Taiwan en 1973,
par une digue le long du Logone, avec 22.000 ha environ cultivables mis en la relève du casier B est assurée par la Chine populaire qui de son côté, a
valeur semi-mécanisé par le Secteur Expérimental de Modernisation aménagé 300 autres hectares en maitrise partielle d’eau juxtaposés avec le
Agricole de Bongor (SEMAB). Tombé en faillite, ce secteur est cultivé d’une périmètre irrigué. La situation au casier B est restée favorable jusqu’en 1979
manière désorganisée avec quelques tentatives de reprise de la culture où la guerre civile éclata, obligeant la Chine populaire à se retirer. En 1981,
irriguée. Actuellement, la majeure partie de ce secteur est en train d’être quelques producteurs se sont organisés pour reprendre partiellement les
réaménagée pour une culture irriguée. activités de ce casier. À l’issue de ces tentatives, le casier B a obtenu un
appui de certains organismes tels que : CARE-TCHAD, Africare, Sahel-Vert
Le canton de Katoa, situé immédiatement au nord des 22000 ha aménagés et la FAO qui ont réhabilité le casier en 1990.
par la SEMAB, est non endigué et cultivé de manière traditionnelle. Ces
deux zones forment aujourd’hui un ensemble. Actuellement, c’est moins de Après la reprise de la mission de la Chine Taiwan, un comité de gestion
23136 ha qui sont cultivés en riz. tripartite composé de la mission technique taiwanaise, de l’ONDR et des
producteurs est mis sur pied avec un cahier de charges bien défini.
La modernisation de l’agriculture est devenue une priorité pour les
autorités nationales. Celles-ci se sont fixées pour objectif de doter Après de nombreuses difficultés, la mission taiwanaise a démissionné. En
l’agriculture tchadienne de techniques et moyens de production modernes 2004, le comité est destitué et un comité de crise composé d’un Chinois
et performants (tracteur, intrants modernes, assistance technique par taiwanais, du responsable de l’ONDR (Office National pour le
l’encadrement agricole). Cette modernisation avait plusieurs finalités : Développement Rural) et du chef de canton est mis en place pour
superviser le fonctionnement du casier B. De 1965 à 1999, le périmètre du
1) Elle devrait permettre de surmonter les obstacles liés à la faiblesse du casier a énormément contribué au développement socio-économique de
capital technique en permettant la mise en valeur des terres marginales la région de Bongor. Jusqu’au aujourd’hui, le casier B est victime de la
difficiles à exploiter dans le cadre de l’agriculture traditionnelle paysanne ; mauvaise gestion de ses ressources financières (ONDR, 2014).

2) Elle devrait contribuer à l’accroissement des surfaces cultivées par Ce casier compte deux périmètres rizicoles exploitables chaque année. Il
exploitant. Les documents d’archives et les enquêtes de terrain (2018) ont s’agit :
montré que 35% des exploitants ont moins d’un hectare, 52% entre 1 et 3
hectares et 13% seulement avaient plus de 5 hectares ; 1) Du périmètre irrigué à maitrise totale : le premier canal fait 180 carrés et
les cinq autres ont chacun 360 carrés, le total fait 1980 carrés soit 495
3) L’usage d’intrants modernes (semences améliorées, engrais chimiques, hectares.
produits phytosanitaires) aurait pour finalité d’accroitre les productions et
rendements agricoles. Il en résulterait une satisfaction des besoins 2) Le périmètre pluvial à maitrise partielle : ce périmètre en maitrise partielle
alimentaires des populations rurales et des excédents agricoles dont la d’eau est le prolongement naturel du périmètre irrigué. Il est subdivisé en
commercialisation augmenterait les revenus monétaires ; cinq (5) blocs et composé de 1200 carrés répartis dans 20 sous-blocs de 15
hectares chacun. Ce périmètre est seulement opérationnel en période
4) La réduction des importations de vivres serait la conséquence logique humide.
de l’accroissement des productions et rendements.
Au regard des objectifs à lui assignés et la situation actuelle du casier B, on
La vallée du Logone à Bongor présente des avantages indiscutables pour peut estimer que le projet a connu un échec. Cet échec ne signifie pas
l’implantation de la culture irriguée. Ce site est destiné premièrement à la l’abandon du casier, mais une exploitation du réseau d’irrigation par le
culture du coton, mais à cause des conditions pédologiques, il est converti groupement des producteurs avec un encadrement technique, si infime
en rizière. Le choix de ce site, fait par l’État tchadien est appuyé plus tard soit-il. La riziculture constitue en fait une source de revenus non
par la mission chinoise et taiwanaise qui se sont relayée successivement négligeables et un facteur de transformation socio-économique des
pour apporter un appui technique et d’encadrement. populations de la région.

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Les mutations sociales et économiques
Les mutations nées de l’introduction de la riziculture irriguée sont
nombreuses dans la vallée du Logone à Bongor. Cette introduction a créé
des dysfonctionnements profonds dans cette région et a bouleversé le
mode de vie local. Elles sont de deux ordres : les mutations économiques
et les mutations sociales.

Les mutations économiques

Intensification des systèmes de production


La mise en route du projet rizicole de Bongor a marqué le début de
l'intensification de la culture du riz. D'abord, la correction temporelle
assurée par les apports d'eau artificiels aux plantes permet aux riziculteurs
de faire une double récolte sur la même parcelle. Le calendrier rizicole de Figure 4. Évolution de rendement du riz à Bongor
la région (tableau 1) montre deux saisons de culture: une première saison L'agriculture irriguée permet donc ici d'obtenir un surplus de 3 à 4 tonnes
va de décembre à mai avec une importante irrigation et une deuxième qui de riz paddy par hectare par an, par rapport à la riziculture pluviale
commence de juin à novembre avec une irrigation d’appoint en traditionnelle. Ces rendements moyens sont atteints grâce à l'utilisation de
complément de la pluviométrie. fortes doses d'engrais et de produits de traitement tels que les herbicides
et les insecticides, mais aussi du fait de l'adoption d'un nouveau système
de mise en place de la culture qu'est le repiquage. Cette opération consiste
à mettre en place les plantules par touffes de trois séparées les unes des
autres de 20cm, et en lignes séparées de 25 cm. Cette disposition permet
d’aérer le champ et d’avoir un bon rendement.

Augmentation des revenus


Tout comme dans le périmètre rizicole de la vallée de l'Amou (ABOTCHI,
2004), de la SEMRY à Yagoua au Cameroun, c'est surtout au temps des
Chinois que la culture du riz dans le casier B a été prospère et a suscité tous
Source : Enquête de terrain, 2018
les engouements. Bien que les Chinois n'aient laissé à leur départ en 1979
Tableau 1. Calendrier de production du riz aucune information relative à ce projet rizicole entre 1965 et 1979, en
Les enquêtes de terrain (2018) ont montré que 52% cultivent plus le riz en particulier concernant leur gestion du périmètre, les statistiques sur la
saison pluvieuse qu’en saison sèche à cause de l’insuffisance des moyens production du riz, les facteurs de production et les revenus, c'est cependant
pour irriguer les champs. À cela, s’ajoute le chevauchement de la fin d'une bien pendant leur gestion que la riziculture a bien profité à toute la
saison agricole sur le début de la suivante. Cette situation ne laisse pas population de la zone, et que les réalisations socio-économiques les plus
suffisamment de temps aux paysans pour effectuer les opérations de visibles ont été enregistrées par les paysans (Enquête de terrain, 2018).
préparation des champs qui précèdent les semailles, pour faire deux saisons Comme le coton, la riziculture dans la vallée de Bongor produit du riz
successives. La deuxième raison concerne l'insuffisance des motoculteurs. essentiellement pour la vente. L'énorme demande urbaine de riz et
Les motoculteurs fournis par le PNSA (Programme National de Sécurité l'augmentation de son prix qui en résulte en font une spéculation
Alimentaire) sont en panne et certains emportés vers N’Djamena. Cette intéressante surtout depuis la dévaluation du franc CFA en janvier 1994. Les
situation ralentit les travaux de suivi des champs, car les quelques rares plus gros bénéficiaires de la nouvelle spéculation sont principalement les
motoculteurs ne peuvent labourer tous les champs. La troisième raison, ce paysans nantis. Les enquêtes de terrain ont aussi montré que le sac de riz
sont les faibles moyens financiers dont disposent les villageois qui doivent paddy se vend à 10000 F CFA à la récolte ; il en résulte un revenu d’environ
attendre à chaque début de campagne agricole un éventuel apport 200 000 F CFA par hectare. De toutes les autres cultures, le riz rapporte plus
d'argent provenant d'usuriers locaux ou des femmes commerçantes de riz. si l’itinéraire technique est respecté convenablement.
Aussi, en saison sèche, le niveau de l'eau du Logone baisse
considérablement et conduit à des pertes considérables de l'eau Les Brasseries du Tchad constituent la grande partie de la clientèle. Elles
d'irrigation. Celle-ci n'arrive donc plus à circuler jusqu'au niveau des achètent le riz pour la fabrication de « Gala », la bière nationale. Les grands
exploitations situées en aval qui, alors, ferment. À toutes ces raisons, enfin, producteurs de riz vendent directement leur récolte aux Brasseries qui
il faut ajouter l'importance des travaux de préparation du sol avant les viennent chercher dans les magasins de stockage, réduisant ainsi le
semis. Ces travaux comprennent l'essouchement des labours (deux ou déplacement des riziculteurs. Elles offrent ainsi l’occasion d’augmenter
trois), le planage-nivellement en vue d'obtenir une surface uniforme devant considérablement les revenus des paysans.
permettre une bonne répartition de l'eau d'irrigation dans les casiers, et le
défrichement des digues. Tous ces travaux prennent du temps; ils ne Les revenus des petits exploitants (moins d’un hectare) s’améliorent
considérablement ainsi que leur niveau de vie. De 5500 à 6000 F CFA en
permettent donc pas, bien souvent, au niveau de la plupart des
1990, le sac de riz paddy coûte 10000 F CFA aujourd’hui (Enquête de terrain,
exploitations, le cadrage des différentes opérations de la culture du riz sur
2018). Cette situation a permis une augmentation des recettes des
le tableau 1.
exploitations de petite taille, ce qui autorise quelques investissements dans
Accroissement des rendements la production et l’achat des biens de consommation, améliorant ainsi leur
niveau de vie. Bien que la situation de ces petits exploitants ne soit guère
Dans la vallée du Logone, la riziculture était une pratique bien connue bien enviable, il faut toutefois noter une amélioration de leur niveau de vie.
avant l'arrivée des Chinois. C'était une riziculture pluviale reposant sur
l'exploitation de cette vallée temporairement inondée pendant la saison Mutations sociales
des pluies, avec un outillage archaïque (pioche, houe, daba, machette,
faucille) et le semis à la volée. Les variétés cultivées étaient le Garoua ou Lai Accroissement de l’offre d’emploi agricole
II (110-140 jours), le Dokol (150-180 jours) et le Maroua (130- 140 jours)
L'intensification de la production dans le casier B implique le recours à une
(Cabot J., 1965 :194). Les rendements étaient alors compris entre 1200 et
main-d'œuvre agricole d'une importance jamais connue dans la région.
1400kg/ha, avec généralement une seule récolte annuelle (Cabot J., 1965 :
D'abord, entre 1965 et 1980, les Chinois et l'État tchadien avaient recruté
194). Mais depuis l'introduction de la riziculture irriguée, les rendements se
des paysans comme ouvriers au moment même de l'aménagement du
sont beaucoup accrus (cf. figure 4).
périmètre et aussi pour l'exploitation des terres. Ceux-ci percevaient entre

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40000 F et 60000 F CFA par mois, par hectare et par groupe de 15 Exacerbation des inégalités sociales
personnes (Documents d’archives, 1990). L'offre de travail est considérable
: d'après Gouataine (2010 : 85) et les enquêtes de terrain (2018), les Le développement de l'économie monétaire dans la région engendré par
opérations culturales telles que le repiquage nécessitent en moyenne deux l'introduction de la riziculture irriguée a altéré ou aggravé la structure
ouvriers par casier et par jours. Cela signifie que, pour cette opération de sociale des communautés villageoises. Dans la société traditionnelle, ce
repiquage seule, un riziculteur disposant de deux hectares de terre peut sont les plus vieux, appelés chefs de lignage, qui régentaient les familles.
employer 8 ouvriers pendant 10 jours. Au moment du désherbage, les Désormais, ce sont les personnes riches, ceux qui détiennent le pouvoir
exploitants ont recours à deux ou trois personnes par casier et par jour, et financier qui sont les plus écoutées et qui commandent dans les cercles et
cela deux à trois fois par saison du fait d'une extrême sensibilité des Variétés réunions de famille. Dans la vallée de Bongor, les riziculteurs sont les
à Haut Rendement (VHR) aux adventices et aux parasites (insecte et personnes les plus riches, les plus solvables et les plus respectées. Ainsi, le
chenille). L'effarouchement des oiseaux nécessite de son côté une demi- pouvoir des « anciens » se trouve ainsi bafoué au profit d'une nouvelle
douzaine de travailleurs pendant 40 jours par hectare par saison. Quant à classe de privilégiés que sont les riziculteurs. Ceux-ci, jeunes, sont plutôt
la récolte, elle emploie 7 ou 8 personnes par casier et par jour, les uns enclins à rechercher obstinément à s'affirmer par la réussite dans le travail
travaillant à la coupe du riz à la faucille, les autres au battage. Par ailleurs, qu'à s'occuper de la gestion des affaires familiales ou lignagères. Il en
les opérations de labour, d'épandage d'engrais et de pesticides, font aussi résulte un éclatement des cellules familiales traditionnelles et un certain
appel à un nombre d'ouvriers relativement important (cf. photo 1). individualisme avec des rivalités de toute sorte qui minent les relations
sociales dans les villages.

Discussion
Les résultats obtenus dans cette étude sont semblables à ceux obtenus par
Ogouwalé (2006), Baohoutou (2007), Romain G. (2014) et Romain G. et
Moctar (2015). En effet, les variabilités climatiques sont au cœur des débats
internationaux, car elles perturbent les systèmes agricoles et bouleversent
les activités paysannes. Tous ces auteurs ont relevé le rôle combien
important que joue le climat sur les activités agricoles obligeant à des
cultures irriguées, dont le riz ! Cette riziculture irriguée, loin d’apporter des
solutions au problème de la faim, bouleverse elle aussi les systèmes
multiséculaires. Les travaux menés sur le sujet notamment au Cameroun
par Gnassamo et Kolyang (2002), Cabot J. (1965), Baohoutou (2007) et
Romain G. (2010) au Tchad, Abotchi (2004) au Togo ont aussi montré les
mutations qui ont suivi l’implantation de la riziculture irriguée. Ces
Cliché : Gouataine, 2010 mutations ont conduit à une amélioration globale du niveau de vie même
si les résultats tant attendus de cette riziculture irriguée ne sont pas obtenus
Photo 1 : Deux ouvriers dans un champ de riz
totalement. Il serait important de relancer cette riziculture pour un
La modernisation de l'outillage agricole avec l'introduction des changement global du niveau de vie. Les résultats actuels ont confirmé les
motoculteurs et des batteuses n'a pas provoqué une réduction de la résultats antérieurs. Le développement local des communautés dans
quantité de main-d'œuvre utilisée dans l'agriculture. Au contraire, c’est un lesquelles est implantée la riziculture reste un autre aspect du sujet à
accroissement de l'emploi rural qui est observé dans le cadre du projet de développer. Aussi, la comparaison des mutations nées de cette
riziculture irriguée dans la vallée de Bongor. L'offre d'emploi est tellement implantation dans deux rizières irriguées du Tchad permettrait de
élevée dans les périodes de grande consommation de main-d'œuvre telles comprendre les obstacles majeurs à la riziculture.
que les périodes de désherbage et surtout de récolte, que parfois les
paysans ont du mal à trouver la main-d'œuvre nécessaire. Le manque de Conclusion
main-d'œuvre est surtout crucial lorsque les périodes de besoin de
travailleurs dans les rizières coïncident avec les périodes d'intenses activités Au terme de cette étude, il convient de rappeler que l’irrigation a permis
agricoles dans les exploitations paysannes traditionnelles des villages de la un développement économique de la vallée du Logone à Bongor. Bien que
région. On comprend donc les raisons de la ruée de jeunes déscolarisés sa mise en place soit le fait d’une décision extérieure, elle a permis
vers les rizières où ils trouvent à s'employer dans la production du riz. l’intensification de la culture du riz. Elle est aussi à l’origine de
l’accroissement de la production et des revenus agricoles, augmentant ainsi
Changements du niveau alimentaire le niveau de vie des populations rurales.

Au niveau de la satisfaction des besoins alimentaires, la population tire un Il faut toutefois souligner que les conditions d’installation du périmètre
avantage considérable de la production du riz. Comme les apports d'eau agricole, les difficultés d’encadrement des paysans par l’État tchadien et
artificiels grâce à l'irrigation permettent de produire du riz pendant une d’autres obstacles locaux ont constitué des entraves au succès de
longue période, la période de soudure se trouve raccourcie. Des réserves l’opération. Par ailleurs, cette intensification a permis d’accroitre les revenus
de riz existent toujours permettant d'éloigner le spectre de la famine. Une de bon nombre des habitants de Bongor.
modification des habitudes alimentaires est observée chez les riziculteurs.
82,4% affirment consommer le riz pendant toute l’année sous diverses La riziculture irriguée a permis un accroissement de l’offre d’emploi et une
formes. Le riz est aujourd'hui plus souvent consommé accompagné d'une hausse de revenu agricole, mais elle engendre aussi des problèmes sociaux.
sauce de légumes, au détriment du sorgho rouge « digari » qui constitue Il est important d’accompagner de bout en bout les riziculteurs par des
l’aliment de base dans le Mayo-Kebbi. La modification des habitudes mesures techniques, scientifiques et financières destinées à l’identification
des problèmes et à leur solution. Aussi, la réparation du réseau d’irrigation
alimentaires engendrée par la production du riz se manifeste aussi dans
l'adoption d'autres produits alimentaires importés. En effet, l'acquisition de et l’aménagement d’autres casiers doivent être envisagés. Ceci pour
l'argent grâce à la vente du riz permet par ailleurs aux agriculteurs l'achat permettre un bon développement de la riziculture pour l’atteinte de
de produits étrangers parmi lesquels des vivres. Les enquêtes de terrain l’autosuffisance alimentaire.
(2018) ont montré que 98,5% des paysans consomment aujourd'hui divers
produits (pain, lait, sucre, condiments importés, bière, etc.). Les mutations Référence bibliographique
sociales du fait de la culture du riz sont remarquables. Elles se manifestent
beaucoup plus chez les riziculteurs qu'auprès des paysans non riziculteurs, ABOTCHI Tchégnon., 2004. «Riziculture irriguée et développement rural
et sont par ailleurs plus frappants auprès des gros exploitants fortunés que dans la vallée de l'Amou (Togo) », Annales de l'Université de Lomé, Série
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Pour citer cet article

Référence électronique
Romain GOUATAINE SEINGUE, Magloire DADOUM DJEKO & Issa
DOUBRAGNE (2021). «Riziculture irriguée et mutations socio-économiques
dans la vallée du Logone à Bongor (Tchad) ». Revue canadienne de
géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne],
Vol. (8) 2. En ligne le 25 décembre 2021, pp. 33-38. URL:
https://revuecangeotrop.ca

Auteurs

Romain GOUATAINE SEINGUE


Département de Géographie
École Normale Supérieure de Bongor, Tchad
E-mail: heritier1986@hotmail.fr

CJTG/RCJT, Sudbury, Ontario, P3E 2C6, Canada. ISSN : 2292-4108. Vol. 8(2): 33-38. Décembre 25, 2021. Copyright @ 2021 CJTG-RCGT, All rights reserved/Tous droits réservés.
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