Vous êtes sur la page 1sur 8

Entretien n°5: Pierre, 17 avril 2019

M: On va commencer par un résumé de ta trajectoire personnelle, donc que tu me parles de


ta politisation et finalement de ce qui t’as amené à te tourner vers le militantisme au sein de
l’Action Française?

P: A la base j’ai toujours été dans une famille de droite, droite libérale tu vois… (il soupire)
Mes grands-parents étaient des gaullistes convaincus; j’ai toujours été, même enfant tu vois,
j’avais une espèce de conscience nationaliste, enfin patriote parce que nationaliste ça
demande de réussir à théoriser tout ça. Donc je suis devenu nationaliste plus tard les
évènements, l'actualité ont dû jouer. En fait très longtemps j’étais gaulliste tu vois et en gros
j’en suis venu au monarchisme avec l’idée que bon bah (il lève les yeux au ciel) le gaullisme
ça dure le temps d’une vie, c’est pas très stable un peu comme le bonapartisme. Et donc
j’en suis surtout venu au nationalisme par des auteurs comme Barrès. Et après une fois
dans le milieu étudiant parisien il y avait une multitude de groupe politiques, et en fait au
départ ce qui m'intéressait c’était surtout le débat d’idée, les conférences et me faire une
culture politique et pas tellement le militantisme. Donc j’ai traîné dans pas mal de petits
groupes avant d’arriver à l’AF, alors c’est sûr que ce qui m’a intéressé à l’AF c’est qu’il y a
une tradition qui s’est toujours un peu conservé d’école de pensée avec des conférences
très régulières et à la base je venais à l’AF vraiment que pour ça. (il réfléchit)
Et en fait ce qui a fait que j’ai franchi le pas du militantisme, ça c’est fait un peu par hasard
parce que ça c’est fait au moment des blocages de facs. Et l’AF été l’un des seuls groupes à
bouger un peu pour ça, et du coup j’avais uniquement l’intention de bouger sur des gros
trucs comme ça (il hoche la tête) et j’avais pas l’intention d’avoir un engagement militant
régulier. Mais, bah, de fil en aiguille j’en suis venu à militer pour l’AF très régulièrement (il
hésite) à y prendre goût en fait. Avec le militantisme quand tu commences à faire des gros
trucs on y prend assez rapidement goût.

M: Tu m’as dit que tu t’étais plutôt politisé par tes lectures Barrès, Maurras, etc. Tu établis un
lien entre ses lectures qui décrivent souvent des types militantismes assez précis et ton
mode d’engagement au sein de l’AF?
(Il reprend vivement)
P: Pas nécessairement tu vois. J’ai été nationaliste avant d’être militant tu vois, je penses
qu’on peut très bien essayer de développer des idées, essayer de se cultiver sans pour
autant être militant, ça suppose vraiment un état d’esprit totalement différent tu vois. tu vas
avoir des militants assez peu politisé et tu as parfois des gens très cultivés avec beaucoup
de lectures qui vont pas forcément aller dans la rue ( il plisse les lèvres ironiquement) et
prendre des risques physiquement pour ces idées là; ça suppose un autre état d’esprit. Ce
qui m’a amené au militantisme c’est vraiment pas mes lectures en soit; (il réfléchit) enfin si
nécessairement c’est ce qui a fait que j’ai voulu pousser dans tout ce qui était nationalisme
et c’est comme ça qu'initialement je me suis interessé à l’AF. Mais c’est vraiment un
évènement précis qui fait que j’y ai pris goût tu vois. Malesherbes. Mais il y a pas forcément
de lien évident entre un parcours intellectuel et un parcours militant.
M: D'accord,dans ta modalité de militantisme, “prendre des risques physiquement”, tu
donnes quelle valeur à cette violence là en tant que militant?

P: Ouais, je vois ce que tu veux dire, en fait, comment dire (il hésite un peu). Je crois qu’il
faut revenir au départ, la première action un peu violente que j’avais fait c’était, enfin c’était
pas revendiqué de l’AF, c’était, en gros, on était allé à Tolbiac et ,en fait concrètement, tu
sais c’était au moment des blocages, etc. Donc c’était la nuit tout le monde avait des
casques, etc. C’était parti à l’émeute, c’était un peu violent tu vois. Mais concrètement tu
vois quand j’allais là-bas je tapais pas sur des innocents (il me sourit) si tu veux, il y a un
moment j’étais quand même face à des gens d’extrême gauche qui eux aussi utilise
sûrement cette culture politique là, utilise cette violence. Et si tu veux, comment dire, c’est
pas totalement illégitime. Déjà en plus ( il fait un geste de dédain) ils s’étaient pas gênés
pour éclater la figure de gens, qui par la suite sont en plus devenus des potes, militants de la
Cocarde; c’est assez facile après pour les gens à l’intérieur de se victimiser alors que
concrètement quand tu saccages une fac, quand tu la bloque ça suppose une certaine
violence parce que physiquement t’empêche de rentrer dans la fac. Et puis derrière en plus
à l’intérieur de Tolbiac les types faisaient vraiment une espèce de Gestapo quand t’étais pas
d’accord avec eux tu te faisais facilement éclater la figure. Tout ça pour dire que moralement
en fait j’ai pas de problème moral avec le fait d’être violent avec des gens eux-mêmes
violents, qui pratique ça au quotidien. Tu vois j’aurais pas agressé un type juste militant
d'extrême gauche, j’aurais pas attaqué des militants UNEF (il rit) ou des types qui joue le
jeu de l’élection ou de la non-violence finalement. Tu fais pas ça avec n’importe qui tu vois.

M: Tu vois plus ça comme une réaction en fait?

P: Oui, clairement, dans le cas des blocages de facs c’est clairement une réaction à
minorités d’étudiants qui bloquent des facs et qui hésitent pas à tabasser un mec pas
d’accord avec eux.

M: Tu ne fais donc vraiment aucun lien entre l’utilisation de la violence et une idéologie, de
droite ou de gauche?

P: Non, vraiment pas, je vais te donner un exemple, à l’extrême droite en plus. Tu vas avoir
des gens qui partent d’une même origine idéologiques et arrivés à des conclusions en terme
de manière de faire progresser leurs idées totalement différentes. Si tu prend le rapport
entre la Nouvelle Droite et les Nationalistes Révolutionnaires, en gros les NR: le GUD,
Occident tout ça, ils ont une même origine intellectuelle, le nationalisme européen, un type
comme Dominique Venner. A partir de ces idées là t’as vraiment deux courant la Nouvelle
droite très combat d’idées et ils ont même une librairie. Et de l’autre côté un autre courant le
courant révolutionnaire, rien d’intellectuel en fait, un fond vaguement idéologique et
esthétique et après ça se résume à de la bagarre de rue. D’une idée tu peux avoir un tas de
stratégies politiques différentes.

M: D’accord, on va passer à autre chose plus en rapport avec l’actualité, le mouvement des
gilets jaunes où l’Action Française est…
P: Ouais, bien sûr

M: … apparue, notamment en marge de certains débordements, quelle valeur tu donnes à


cette violence plutôt liée à la manifestation du coup?

P: Ok, oui, oui juste avant je voulais revenir sur un truc, à la base ce qui m'intéressait
vraiment c’était le débat d’idée, la violence en soit c’est pas ce que je recherche. Un type
d’extrême gauche, même un antifa (légère moue) qui vient pour avoir une vraie discussion
moi ça me pose aucun problème; L’AF nous la violence c’est quelque chose de purement
pragmatique tu vois. La politique en soit c’est quelque chose de violent, mais parfois quand
tu fais un colloque, ça nous est arrivé deux fois de suite hein, et que tu te retrouves avec
une quarantaine de mecs avec des barres de fers qui attaquent le colloque t’as pas 15000
solutions quoi. Et il y a une phrase que Alex a dû te dire c’est une phrase qui datait de l’AF
des années 30 c’est: “ la violence mais au service de la raison”.(regard fuyant)
C’est une option parmi d’autres mais c’est pas un principe on est pas violent par amour de
ça, par une espèce d’esthétique romantique, non.

M: Très bien, et pour les gilets jaunes…

P: Oui, et bien je crois que c’est la première fois dans une manifestation que t’avais des
groupes politiques radicalement opposés. C’était assez logique que cela se produise, mais il
y avait un vrai décalage entre ses gens là et le reste de la manifestation si tu veux. moi les
bagarres ça me paraît très logique, je vois qui est qui, etc. Je le voyais venir, mais tu prends
le gilet jaune lambda qui est dans une vraie précarité, qui monte sur Paris pour exprimer une
vraie colère sociale si tu veux, et qui voit au milieu de la manifestation des espèces de
jeunes de 18-25 ans (il sourit) se foutre sur la gueule le type évidemment comprend pas et
ça fait un vrai décalage. Tu voyais très souvent des gens sur les vidéos (il mime): “C’est qui
qui qui qui? Quoi? Pourquoi?” ce genre de réactions là. Ils ont pas d’avis sur un camp ou
l’autre, ils en ont rien à foutre. C’est marginal et il y a une indifférence de la part des gilets
jaunes voir une incompréhension. Des vrais gilets jaunes, enfin de l’archétype du gilet jaune
disons.

M: Et quelle différence tu vas faire entre des actes de violences comme ceux qu’on a pu voir
sur les Champs-Elysées par les Blacks Blocs et des actes violences entre groupuscules
d’extrême-droite/gauche?

P: Alors, donc d’un côté une même idéologie peut donner lieu à de moyen d'action
différents. Et d’un autre côté c’est vrai qu’il y a une certaine culture politique, ça date pas
d’hier, sans même parler du Black Bloc. Avant le Black Bloc tu avais une tradition de bagarre
à l’extrême gauche. Pour en avoir parlé avec d’anciens militants c’était 15 fois plus violent
autrefois, la société est plus pacifié, enfin les bagarres sont d’une intensité bien moins
grande. Tout le monde a des portables. Je vais répondre hein.

M: Vas-y, je t’en prie.


P: Et puis aujourd’hui la police est partout dans Paris en moins de 3 min quoi. Et puis dans
les années 60 t’avais pas de réseaux sociaux, les gens pouvait pas se scandaliser pour un
type qui se serait pris une baffe (il plisse les lèvres); ça pouvait être beaucoup plus violent
pour en avoir discuté c’est hallucinant qu’il n’y est pas eu de mort à l’époque. Exemple,
Meeting d’Ordre Nouveau, un groupe fasciste très anti-système, très bagarre de rue, qui
avait exceptionnellement présenté un candidat à la mairie de Paris pendant un meeting t’as
eu une bagarre entre 300 mecs fascisant et 50 mecs d’AF qui avaient rejoint contre 1000
trotskystes, complètement hallucinant, une centaine de blessés rien que dans la police.
Aujourd’hui on imagine plus un truc pareil. Pour revenir à ce que tu disais, le Black Bloc c’est
pas toujours des antifas tu vois, t’as aussi deux trois mecs de droite radicale qui traînent,
des mecs plus ou moins apolitiques. On peut pas vraiment faire de lien entre ça et les
violences FA AntiFA, il y a un côté un peu, (il réfléchit) c’est pas très politique, pas
beaucoup d’impact en réalité et il y a un côté un peu match de rugby ou tu vois match de
foot quoi. T'affrontes une équipe, bon tu te prends une branlée et tu essaie vraiment de leur
en mettre une la fois prochaine. En fait si tu veux c’est un concours de bites permanent tu
vois. Qui a eu le plus de victoires? Après ils se font les comptes rendus sur Internet et puis
ils font des photos de groupes, tu pourras regarder ça s’appelle Ouest Casual (NA: Site
d’extrême gauche antifasciste) ils font des espèces de compte rendus de bagarre, ils
comptent les militants, etc. En plus c’est très drôles parce qu’ils ont tout un tas de pratiques
venues du hooliganisme qui consistent à chopper la banderole des gars d’en face. Ils ont
d’ailleurs le même code vestimentaire, tous des marques comme NorthFace, Lyle & Scott ce
qui est très con en soit (il sourit) parce que tu te ramène pas dans une bagarre avec des
trucs super chers, mais bon. Mais tout l’enjeu c’est d’arriver à chopper des trophées sur le
camp d’en face, de typiquement prendre une casquette, ou même de voler des chaussures
ça, ça se fait aussi. Là où la violence du Black Bloc à mon avis est visible, médiatique.

M: D’accord, je voulais juste revenir c’était très intéressant, à un moment tu as parlé


d’époque, tu disais que notre époque était moins violente, tu vois une résonance sur la vie
politique actuelle de cette “baisse de violence”? Est ce qu’elle est néfaste pour le débat
politique?

P: Je sais pas, la cause principale à des effets énormes… En fait le militantisme de base
c’est tout simplement, c’est devenu quelque chose de très marginal, de moins important.
T’as plus un militant dans les partis traditionnels, Parti Socialiste, bon, Les Républicains,
tous ces gens là (il fait une moue prononcé) concrètement sont des partis technocrates, de
cadres. Même aux extrêmes le Front, (il inspire fortement) les communistes tout ça, t’as plus
un seul militant. En soi le militantisme est mort du coup, les gens sont moins prêt à mourir
pour leurs idées, tu prends les années 60 c’était fou à ce niveau là, les gens sont bien
moins politisés. Et puis aussi les réseaux sociaux et la capacité de la police à être plus
efficace, et le fait effectivement que tout le monde est des portables tu peux te faire tracer
beaucoup plus facilement. Est ce que c’est néfaste? (il réfléchit) La France on a beau eu
avoir un niveau de violence assez élevé, la France est jamais partie en mode Années de
Plombs si tu veux. Où les types allez vraiment se tuer. Un type comme Bernard Lugan, un
ancien militant d’AF, qui à vécu cette époque là se sont retrouvés à dire bon est ce qu’on
fait comme en Italie de sortir des armes et d’aller tuer nos ennemis en face, est ce que ça va
nous apporter quelque chose, ou alors est ce qu’on essaye de mettre ça de côté, d’avoir
nos carrières à droite à gauche et d’avoir un impact politique plus concret. Bon en fait ils ont
choisis évidemment la deuxième solution. Après est ce que c’est néfaste? (il réfléchit plus
longtemps) Honnêtement j’aimerais pas vivre une époque comme les Années de Plombs où
ça part dans une violence complètement incontrôlée, on a beau avoir l’impression que les
bagarres entre FAFs et AntiFas sont violentes, t’as quand même des règles implicites. Ils
vont pas se balader avec des armes tu vois, enfin ils vont pas avoir un taser, un couteau sur
eux à la limite ça va être des gazeuses. Déjà des téléscos (NA: Matraque télescopiques)
moi j’en ai rarement vu, ils savent très bien que s'ils emploient une arme ils savent que
l’adversaire va s’adapter. Il y a des règles, enfin ils se connaissent très bien tu vois, ils
pourraient très bien si tu veux demain, alors Paris c’est les Zouaves c’est des anciens du
GUD et de GI, ils pourraient très bien aller attendre des antifas en bas de chez eux et leur
péter la gueule sauf qu’ils savent très bien que ça leur arriverait et que ça deviendrait un truc
incontrôlable; Donc effectivement, si ça partait… Je penses, ce niveau de violence me
convient, parce qu’on est pas à l’abri d’un mort et d’une suite de meurtres en chaîne et qu’on
ait pas les clés pour arrêter ça quoi.

M: Ces violences là elles ne sont quasiment plus politique en fait.

P: Ouais, en fait, (il hésite) je crois qu’on peut faire plusieurs distinctions, enfin les FA et les
AntiFa sont pas tous les mêmes non plus mais c’est vrai que pour beaucoup de groupes
AntiFa, beaucoup de groupes FAF, le politique est plus secondaire finalement; enfin c’est du
même niveau que les hooligans de la tribune d’Auteuil (NA:Ultra supporters du PSG) ou
du KOP de Boulogne dans le cas parisien qui se battaient. Alors effectivement il y avait des
idéologies qui étaient très différentes, mais il y avait un côté un peu sport extrême si tu veux.
Ces groupes là reprennent tous les codes du hooliganisme, il y a aussi beaucoup de haine
personnelle. Mais on peut considérer qu’un acte et peut-être un peu plus politique quand il y
a un objectif concret derrière qui va au-delà de simplement péter la gueule à ton adversaire.
C’est rarement très utile mais parfois ça a un certain but si tu veux, parfois, euh, (il hésite)
quand des colloques, des meetings se font attaquer pour le coup là ça peut avoir... C’est
une obligation si tu veux; En fait on fait vraiment gaffe si tu veux, c’est à dire l’AF c’est un
vrai mouvement, il y une vraie structure, un local, etc. On est différent d’autres groupes qui
sont des associations de fait, qui peuvent pas être dissous parce qu’il existe pas
évidemment. L’AF on sait que si demain on se coordonne, on commence à se prendre pour
les Zouaves, qu’on se met à aller attaquer des communistes, à faire exploser un local de la
CGT, on sait très bien que demain on se fait dissoudre et c’est fini quoi. T’hésites forcément,
enfin, tu privilégie pas nécessairement cette solution là quand t’es face à des gens,
typiquement des espèces d’AntiFas à moitié sorti du hooliganisme (il me fait un regard
entendu) qui objectivement sont des déchets sociaux des fois qui ont dédiés leurs vies à un
truc hyper con en soit, t’as pas envie de risquer de la prison pour tes militants tout ça pour
des gens qui sont objectivement des déchets, sans projet politique. L’AF a un projet politique
et on ne se décrit pas comme anti-AntiFas, ces gens-là (geste vague de la main) pour le
coup en ont pas tu vois. Les Zouaves non plus d’ailleurs.

M: Alors dans ce cas tu peux me repréciser le rapport de l’AF à la violence notamment par
rapport aux Zouaves et AntiFas?
P: Zouaves et AntiFas c’est une logique de sport, de concours permanent, de (il hésite)
enfin c’est un jeu, c’est presque un jeu finalement; politiquement il servent pas à grand
chose et donc ça… c’est du hooliganisme, ça en est très proche. Dans le cadre de l’AF c’est
différent, on part du principe que la politique est naturellement violente, et si c’est pas
nécessairement violent physiquement ça le sera de manière symbolique dans la manière
dont tu vas qualifier ton adversaire, dont tu vas chercher à l’humilier. Quand Mélenchon ( il
sourit ironiquement) va demander notre dissolution en qualifiant l’AF de groupement
terroriste, ça c’est une chose qui suppose une certaine violence quand même tu vois. Là
plus symbolique que physique. On est pas pacifistes, il y a longtemps eu à l’AF, elle est
toujours là hein, une logique de renverser la République, toujours une petite pensée
révolutionnaire, qui n’exclut pas du tout l’idée du coup d’état, enfin l’idée d’utiliser la force en
fait. Parce que de toute façon les régimes politiques se font rarement pacifiquement. La
violence est une possibilité, c’est toujours par rapport coût-avantage, est ce que on va avoir
intérêt à…? Est ce que tu vas revendiquer que c’est de l’Action Française? Typiquement
quand une bonne partie de nos militants vont à Tolbiac pour aller, disons, emmerder
l’extrême gauche on avait créer un truc qui s’appelait le Comité Anti-Blocage, enfin c’était
pas l’Action Française tu vois. Faut savoir jouer sur plusieurs plans, essayer de pas
revendiquer, prendre des groupes coquilles vides pour essayer de cacher ça, puis, bon,
enfin, tu vois.

M: D’accord, alors quelle frontière tu établis du coup entre cette violence symbolique et la
violence physique? Tu établis une frontière très claire ou?

P: Typiquement, un truc intéressant, on avait entartré Eric Coquerelle (il rit) tu vois, c’est con
hein, tu prends une part tu lui fout à la gueule quoi. C’est très drôle mais, euh, c’est vrai à ce
moment là la frontière est un peu floue. Honnêtement, la crème ça tue pas, on a rarement
tué quelqu’un avec une tarte à la crème (il sourit). Lui justement avait joué sur ce côté là,
enfin tu vois France Insoumise, ils avaient joué la carte là de dire (il mime un ton haut-
perché):”Non ce n’est pas une violence symbolique c’est une agression physique;
Physique!”; a ce moment là tu peux considérer que la limite est un peu floue, moi je crois
pas. La violence symbolique ça va surtout jouer au niveau de la communication tu vas
qualifier ton adversaire, ça a été reproché, ce que le camp national avait fait de relayer tant
que possible les propos de cette militante de l’UNEF (il sourit) qui avait dit à propos de
l’émoi autour de la Cathédrale: “ ah c’est un délire de sales blancs” et qui avait dit par le
passé il faut “baiser les blancs, tu vois. Enfin, bref. Derrière justement certains militants
UNEF avait qualifié ça de harcèlement; peut-être hein, en tout cas... (il hésite longtemps)
La violence symbolique n’exclut pas la violence physique, enfin tu prends les AntiFas, les
Fafs quand ils se rentrent dedans si tu veux, derrière tu le revendique, derrière tu cherches à
humilier l’adversaire. C’est vrai que d’une certaine manière la frontière est assez floue;

M: C’est intéressant, une question sur la temporalité de cette violence, est ce que tu vois un
futur qui serait avec les phénomènes de radicalisation politique de notre époque un retour
de la violence des années 60 dont tu parlais?

P: On est tous d’accord pour dire que clairement, c’est pas de ce niveau là et que, bah, c’est
cyclique, je veux dire, il y a une dizaine d’années il y avait déjà des trucs assez violents,
même à Sciences Po t’avais eu une descente du GUD, c’était passé à la télé et tout. Tu la
retrouves toujours cette violence là. Mais il n’y a plus assez de militants, et ça n’est plus
possible avec les capacités que donnent les nouvelles technologies, qui permettent de
pister, de savoir où tu es en permanence. J’ai même entendu dire là avec les caméras de
surveillance qu’ils envisagent d’installer le même programme de reconnaissance faciale
qu’on a en Chine. Là si tu veux, comment dire, l’Etat est beaucoup plus puissant en terme
de sécurité la police est beaucoup plus efficace que à l’époque. Moi ça me paraît impossible
d’arriver à des niveaux de violence que l’on a pu connaître dans les années 60, comme mai
68, en plus tu avais dans ce contexte la part du coup d’état communiste, enfin… T’as eu des
atmosphères de pré-guerre civile, t’avais une actualité internationale en Europe qui était
peut-être un peu plus chaude quand tu avais le bloc communiste qui était là; le communisme
en soit incarnait quelque chose qui faisait que tu avais… Enfin les gens avaient peur de cet
empire, de voir un jour les colonnes de chars soviétiques traverser l’Europe. c’étaient des
sujets de dispute qui justifiaient les bagarres. La politique est plus pacifiée, il y a quand
même une certaine hégémonie du libéralisme (il sourit), qui est peut-être en train de tomber,
des oppositions idéologiques au sein de la population moins violentes que autrefois qui font
que. Moi je ne vois pas ça revenir au niveau des groupes politique. Au niveau des gilets
jaunes c’est autre chose, ça se rapproche plus de jacqueries que de bagarre de groupuscule
avec des projets politiques.

M: Une dernière question, tu m’as un peu parlé de l’action de l’Etat via les caméras
notamment, est ce que pour toi il y a une violence politique de l’Etat?

P: (Il soupire) Une violence politique de l’Etat? (il réfléchit) Juste, un autre détail très
important aussi, je penses à ça hein,c’est la capacité à surveiller les gens, les conversations;
Un exemple très précis, c’est par exemple les Zouaves avaient été hyper présent au
moment de l’Acte III des gilets jaunes, le plus violent, ils avaient prévu pour l’Acte IV une
descente avec plein de hooligans français, plein de groupes politiques français, on est passé
à côté d’une émeute de plusieurs centaines de nationalistes armés. De ce qu’on m’avait dit
ils avaient donné aucune consigne spécifique sur les armes, genre: “Prenez ce que vous
pouvez.”. Il y a avit un vrai projet d’aller à la manif et de foutre un zbeul, ça aurait été
absolument inimaginable. Et ce truc là ne s’est pas fait parce que les types étaient hyper
surveillés, durant la semaine avant la manif la police est allé tous les chercher chez eux et
ils sont passés en comparution immédiate quoi. Tout ça pour dire qu’il y a une répression de
l’Etat qui est assez forte; Une violence politique (il soupire) de l’Etat, en tout cas moi j’ai eu
l’impression d’une violence politique et d’une répression de l’Etat beaucoup plus forte sur les
gilets jaunes, parce qu’il y avait un caractère politique dans cette répression, que sur des
groupes politiques. Après, comment dire, (il soupire) je saurais pas dire jusqu'à quel point je
considère, enfin si tu veux… (il hésite) Quand tu as un projet politique assez radical, que tu
veux vraiment renverser le système et que tu es violent, bah tu te plains pas que derrière
l’Etat t’arrête ou se comporte de manière plus ou moins légale avec toi. Je veux dire, tu t’en
étonnes pas si tu veux. C’est ce qui arrive à vrai dire à la plupart des militants, comment
dire… (il soupire) J’ai vraiment pas l’impression d’une répression politique juste d’une
surveillance, une capacité assez efficace à te surveiller. Alors, c’est vrai que si peut être,
mais je sais pas si c’est lié à l’Etat en lui-même mais plus à une perception par la
population, mais je penses qu’il est beaucoup plus correct d’être une AntiFa qu’un
nationaliste. Et derrière la dissolution va être une arme de répression politique en ce sens
qu'ils réagissent par rapport à l’opinion publique, ils vont être plus facilement tentés de
dissoudre des mouvements d’extrême droite.
M: Vous êtes perçus comme plus violents?

P: La plupart des gens à mon avis pensent que c’est bonnet blanc et blanc bonnet, ce qui
est assez vrai pour la plupart des groupes Faf et AntiFa. Mais c’est là que l’on est peut-être
pénalisé, c’est qu’on va mettre l’AF sur le même plan. Bref.

M: D’accord, une dernière chose que tu veux ajouter ou alors repréciser?

P: Si toujours vis-a-vis de l’AF, le problème de ces bagarres, c’est que le peu que tu vas
vivre c’est très, très amusant. Effectivement c’est très jouissif d’éclater la gueule d’un type
qui te déteste et que tu détestes (il sourit). C’est très amusant cette espèce de sensation,
après une bagarre, une action politique c’est très grisant quoi. et le problème vis-a-vis de ça
c’est que tu peux assez facilement tomber dedans... Surtout avec des jeunes militants c’est
pour ça qu’on évite qu’il tombe là-dedans, parce que des jeunes militants après avoir vécu
des trucs comme ça vont devenir accro. C’est une vraie addiction ce genre de trucs. Et tu
perds facilement des jeunes militants pour en faire des gens stables c’est pas ce qu’il faut.
Clairement c’est amusant, clairement c’est excitant mais c’est le constat qu’on fait souvent
est ce que ça apporte quelque chose pour le projet.

M: Très bien, merci beaucoup.

P: Un plaisir.

Vous aimerez peut-être aussi