Le cancre En sortant de l'école Alors on est revenu à pied

à pied tout autour de la terre

à pied tout autour de la mer
Il dit non avec la tête En sortant de l'école
tout autour du soleil
Mais il dit oui avec le coeur nous avons rencontré
de la lune et des étoiles
Il dit oui à ce qu'il aime un grand chemin de fer
A pied à cheval en voiture
Il dit non au professeur qui nous a emmenés
et en bateau à voiles.
Il est debout tout autour de la terre
On le questionne dans un wagon doré
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Tout autour de la terre
Et il efface tout
nous avons rencontré Être ange
Les chiffres et les mots
la mer qui se promenait
Les dates et les noms
avec tous ses coquillages
Les phrases et les pièges
ses îles parfumées
Et malgré les menaces du maître
et puis ses beaux naufrages
Sous les huées des enfants prodiges Être ange
et ses saumons fumés
Avec des craies de toutes les couleurs C'est étrange
Sur le tableau noir du malheur Dit l'ange
Il dessine le visage du bonheur. Au-dessus de la mer Être âge
nous avons rencontré C'est étrâne
la lune et les étoiles Dit l'âne
sur un bateau à voiles Cela ne veut rien dire
partant pour le Japon dit l'ange en haussant les ailes
et les trois mousquetaires Pourtant
des cinq doigts de la main Si étrange veut dire quelque chose
tournant la manivelle étrâne est plus étrange
Le chat et l’oiseau
d'un petit sous-marin qu'étrange
plongeant au fond des mers Dit l'âne
Un village écoute désolé pour chercher des oursins Étrange est…
Le chant d'un oiseau blessé
Dit l'ange en tapant des pieds
C'est le seul oiseau du village
Revenant sur la terre Étranger vous-même
Et c'est le seul chat du village
nous avons rencontré dit l'âne,
Qui l'a à moitié dévoré
sur la voie de chemin de fer Et il s'envole.
Et l'oiseau cesse de chanter
une maison qui fuyait
Le chat cesse de ronronner
fuyait tout autour de la Terre
Et de se lécher le museau
fuyait tout autour de la mer
Et le village fait à l'oiseau
fuyait devant l'hiver
De merveilleuses funérailles
qui voulait l'attraper
Et le chat qui est invité
Marche derrière le petit cercueil de paille
Où l'oiseau mort est allongé Mais nous sur notre chemin de fer
Porté par une petite fille on s'est mis à rouler
Qui n'arrête pas de pleurer rouler derrière l'hiver
Si j'avais su que cela te fasse tant de peine et on l'a écrasé
Lui dit le chat et la maison s'est arrêtée
Je l'aurais mangé tout entier et le printemps nous a salués
Et puis je t'aurais raconté
Que je l'avais vu s'envoler
C'était lui le garde-barrière
S'envoler jusqu'au bout du monde
et il nous a bien remerciés
Là-bas où c'est tellement loin
et toutes les fleurs de toute la terre
Que jamais on en revient
soudain se sont mises à pousser
Jacques Prévert (1900-1977)
Tu aurais eu moins de chagrin
pousser à tort et à travers
Simplement de la tristesse et des regrets
sur la voie du chemin de fer
Il ne faut jamais faire les choses à moitié.
qui ne voulait plus avancer
de peur de les abîmer
 Page d’écriture Chanson pour les enfants l’hiver

Pour faire le portrait d'un oiseau Deux et deux quatre Dans la nuit de l'hiver
quatre et quarte huit Galope un grand homme blanc
huit et huit font seize… C'est un bonhomme de neige
Peindre d'abord une cage
Répétez ! dit le maître Avec une pipe en bois,
avec une porte ouverte
Deux et deux quatre Un grand bonhomme de neige
peindre ensuite
quatre et quatre huit
quelque chose de joli Poursuivi par le froid.
huit et huit font seize.
quelque chose de simple Il arrive au village.
Mais voilà l’oiseau lyre
quelque chose de beau Voyant de la lumière
qui passe dans le ciel
quelque chose d'utile
l’enfant le voit Le voilà rassuré.
pour l'oiseau
l’enfant l’entend Dans une petite maison
placer ensuite la toile contre un arbre
l’enfant l’appelle Il entre sans frapper ;
dans un jardin
Sauve-moi Et pour se réchauffer,
dans un bois
joue avec moi
ou dans une forêt S'assoit sur le poêle rouge,
oiseau !
se cacher derrière l'arbre Et d'un coup disparaît.
Alors l’oiseau descend
sans rien dire Ne laissant que sa pipe
et joue avec l’enfant
sans bouger...
Au milieu d'une flaque d'eau,
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi mettre de longues années Deux et deux quatre… Ne laissant que sa pipe,
avant de se décider Répétez ! dit le maître Et puis son vieux chapeau.
Ne pas se décourager et l’enfant joue
attendre l’oiseau joue avec lui…
attendre s'il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau Quatre et quatre huit
n'ayant aucun rapport huit et huit font seize
avec la réussite du tableau et seize et seize qu’est-ce qu’ils font ?
Quand l'oiseau arrive Ils ne font rien seize et seize
s'il arrive et surtout pas trente-deux
observer le plus profond silence de toute façon
attendre que l'oiseau entre dans la cage ils s’en vont.
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau Et l’enfant a caché l’oiseau
puis dans son pupitre
effacer un à un tous les barreaux et tous les enfants
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de entendent sa chanson
l'oiseau et tous les enfants
Faire ensuite le portrait de l'arbre entendent la musique
en choisissant la plus belle de ses branches et huit et huit à leur tour s’en vont
pour l'oiseau et quatre et quatre et deux et deux
peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent à leur tour fichent le camp
la poussière du soleil et un et un ne font ni une ni deux
et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été un à un s’en vont également.
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter Et l’oiseau lyre joue
Si l'oiseau ne chante pas et l’enfant chante
C'est mauvais signe et le professeur crie :
signe que le tableau est mauvais Quand vous aurez fini de faire le pitre
mais s'il chante c'est bon signe Mais tous les autres enfants Jacques Prévert (1900-1977)
signe que vous pouvez signer écoutent la musique
Alors vous arrachez tout doucement et les murs de la classe
une des plumes de l'oiseau s’écroulent tranquillement
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. Et les vitres redeviennent sable
l’encre redevient eau
les pupitres redeviennent arbres
la craie redevient falaise
le porte-plume redevient oiseau.
La chanson des escargots qui vont à l’enterrement

A l'enterrement d'une feuille morte

Deux escargots s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne
Hélas quand ils arrivent
C'est déjà le printemps Chanson de la Seine
Les feuilles qui étaient mortes
Sont toutes réssucitées La Seine a de la chance
Et les deux escargots Elle n'a pas de souci
Sont très désappointés Elle se la coule douce
Mais voila le soleil
Le jour comme la nuit
Le soleil qui leur dit
Prenez prenez la peine Et elle sort de sa source
La peine de vous asseoir Tout doucement, sans bruit...
Prenez un verre de bière Sans sortir de son lit
Si le coeur vous en dit Et sans se faire de mousse,
Prenez si ça vous plaît Elle s'en va vers la mer
L'autocar pour Paris
En passant par Paris.
Il partira ce soir
La Seine a de la chance
Vous verrez du pays
Mais ne prenez pas le deuil Elle n'a pas de souci
C'est moi qui vous le dit Et quand elle se promène
Ça noircit le blanc de l'oeil Tout au long de ses quais
Et puis ça enlaidit Avec sa belle robe verte
Les histoires de cercueils Et ses lumières dorées
C'est triste et pas joli
Notre-Dame jalouse, Jacques Prévert (1900-1977)
Reprenez vous couleurs
Les couleurs de la vie Immobile et sévère
Alors toutes les bêtes Du haut de toutes ses pierres
Les arbres et les plantes La regarde de travers
Se mettent a chanter Mais la Seine s'en balance
A chanter a tue-tête Elle n'a pas de souci
La vrai chanson vivante Elle se la coule douce
La chanson de l'été
Le jour comme la nuit
Et tout le monde de boire
Tout le monde de trinquer Et s'en va vers le Havre
C'est un très joli soir Et s'en va vers la mer
Un joli soir d'été En passant comme un rêve
Et les deux escargots Au milieu des mystères
S'en retournent chez eux Des misères de Paris
Ils s'en vont très émus
Ils s'en vont très heureux
Comme ils ont beaucoup bu Jacques Prévert (1900-1977)
Ils titubent un petit peu
Mais la haut dans le ciel
La lune veille sur eux.