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Poésies – CE1

Chanson de la Seine

La Seine a de la chance
elle n'a pas de soucis
elle se la coule douce
le jour comme la nuit
et elle sort de sa source
tout doucement sans bruit
et sans faire de mousse
sans sortir de son lit
elle s'en va vers la mer
en passant par Paris.

Jacques Prévert

On vous dit

On vous dit qu'il faut prendre l'air,


Il faut en prendre et en laisser.

Prendre l'air sans en avoir l'air,


Prenez l'air désintéressé.

Prenez l'air, cléments, comme Ader,


Sans vous laisser influencer.

Si ce n'est par les courants d'air,


Qui sont à prendre ou à laisser.

Jean-Luc Moreau

Les Araignées et les Dictons

Araignée du matin : chagrin,


pensait un bébé coccinelle
cherchant à libérer ses ailes.

Araignée du midi : souci


grognait un rat dans son chagrin
de voir un chat près de sa belle.

Araignée du soir : espoir,


disait au briquet l'étincelle
mourant dans le vent du jardin.

Mais l'araignée dans sa nacelle


prisonnière à vie de sa faim
rêvait qu'elle était hirondelle.

Pierre Béarn

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Poésies – CE1

Îles
Mon petit lapin
Îles
Mon petit lapin
Îles où l'on ne prendra jamais terre N'a plus de chagrin
Depuis le matin,
Îles où l'on ne descendra jamais Il fait de grands sauts au fond du jardin.

Îles couvertes de végétation Mon petit lapin


N'a plus de chagrin
Îles tapies comme des jaguars Il parle aux oiseaux
Et il rit tout haut
Îles muettes Dans l'ache et le thym

Îles immobiles Mon petit lapin


N'a plus de chagrin
Îles inoubliables et sans nom Le voisin d'en face
A vendu ses chiens,
Je lance mes chaussures par-dessus bord car je Ses trois chiens de chasse.
voudrais bien aller jusqu'à vous.
Maurice Carême
Blaise Cendrars

Avant-printemps

Des œufs dans la haie


Fleurit l’aubépin
Voici le retour
Des marchands forains.
Crayons de couleur
Et qu’un gai soleil
Le vert pour les pommes et les prairies,
Pailleté d’or fin
Le jaune pour le soleil et les canaris,
Éveille les bois
Le rouge pour les fraises et le feu,
Du pays voisin !
Le noir pour la nuit et les corbeaux
Le gris pour les ânes et les nuages,
Est-ce le printemps
Le bleu pour la mer et le ciel
Qui cherche son nid
Et toutes les couleurs pour colorier
Sur la haute branche
Le monde
Où niche la pie ?
Chantal Couliou
C’est mon cœur marqué
Par d’anciennes pluies
Et ce lent cortège
D’aubes qui le suit.

René-Guy Cadou

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Poésies – CE1

Le dilemme

Devinette J’ai vu des barreaux


je m’y suis heurté
« Je suis brin de bois noirci c’était l’esprit pur.
et travaille jour et nuit. J’ai vu des poireaux
Je soulève – c'est inouï – je les ai mangés
cent fois mon poids, et sans cric. c’était la nature.
Du grenier jusqu'au fournil Pas plus avancé !
j'engrange des grains de riz. Toujours des barreaux
Ne touchez pas à mon nid toujours des poireaux !
vous feriez venir la pluie. » Ah ! si je pouvais
C'est ce qu'un soir m'avait dit, laisser les poireaux
quand nous étions entre amis, derrière les barreaux
la fourmi. la clé sous la porte
et partir ailleurs
Michel Beau parler d’autre chose !

Jean Tardieu

L'orange des rêves


Récatonpilu ou le jeu du poulet
Tu peux perdre le nord
comme on dit
Si tu veux apprendre
tu peux perdre patience
des mots inconnus,
tu peux perdre ton temps
récapitulons,
récatonpilu.
perdre la mémoire
Si tu veux connaître
et ses chemins aveugles
des jeux imprévus,
locomotivons,
Le sommeil peut glisser
locomotivu.
comme une truite
Je suis le renard
dans tes mains
je cours après toi
plus loin que ma vie.
Tu peux perdre ton sourire
Comme tu vas vite !
Si je m'essoufflais !
Mais ne perds pas
Si je m'arrêtais !
ne perds jamais
l'orange de tes rêves
Jean Tardieu
Jean-Pierre Siméon

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Poésies – CE1

J'ai vu le menuisier

J'ai vu le menuisier
Comme il est bon d'aimer Tirer parti du bois.

Il suffit d'un mot J'ai vu le menuisier


Pour prendre le monde Comparer plusieurs planches.
Au piège de nos rêves
Il suffit d'un geste J'ai vu le menuisier
Pour relever la branche Caresser la plus belle.
Pour apaiser le vent
J'ai vu le menuisier
Approcher le rabot.
Il suffit d'un sourire
Pour endormir la nuit J'ai vu le menuisier
Délivrer nos visages Donner la juste forme.
De leur masque d'ombre
Tu chantais, menuisier,
Mais cent milliards de poèmes En assemblant l'armoire.
Ne suffirait pas
Pour dire Je garde ton image
Comme il est bon d'aimer Avec l'odeur du bois.

Jean-Pierre Siméon Moi, j'assemble des mots


Et c'est un peu pareil.

Eugène Guillevic

Caillou

Caillou noir,
Pas d'espoir.
Caillou rouge,
Rien ne bouge. D'ailleurs et d'ici
Caillou rond,
Pas un rond. Ali bafouille son français
Caillou gris, Giuseppe rêve du soleil
Rien de pris. Kasongo agite une amulette
Caillou vert, Amalia rit de ses lèvres de poivron
On le perd. José gigote sa samba
Caillou rose, Dans la cour
Peu de chose. Ils éclatent en rires clairs
Caillou jaune, Sur la marelle dessinée
On le prône, Et moi Benoît
Caillou blanc, seul dans mon coin
Vif argent. où l’ombre devient fraîche
Caillou d'or, je déballe une sucette
Quel trésor ! parce que mon papa
Caillou bleu, croit que les rois sont blancs.
Qui dit mieux ?
Moi, moi, moi, Michel Voiturier
Dit le fou:
Caillou plat
Et sans trou.

Maurice Carême

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Poésies – CE1

Le o et la dactylo

Quand la vie est un collier Une dactylo


Tape, tape, tape.
Quand la vie est un collier...
Une dactylo
Chaque jour est une perle Tape, tape, trop.

Quand la vie est une cage Un de ses doigts dérape


Sur le mot oiseaux.
Chaque jour est une larme Il a tapé c
N’a pas tapé o.
Quand la vie est une forêt
Ciseaux s’envolent aussitôt,
Chaque jour est un arbre S’envolent, s’affolent
Dans les mèches folles
Quand la vie est un arbre De la dactylo

Chaque jour est une branche Qui sans hésiter,


En gommant le c,
Quand la vie est une branche A la tête sauve.

Chaque jour est une feuille... Si la dactylo


N’eût pu taper o,
Jacques Prévert Elle eût été chauve.

Pierre CORAN

Vent

Vent qui rit, La pluie


Vent qui pleure
Dans la pluie, Une petite pluie fine
Dans les cœurs ; Fertilise le sol
Do – Mi – Sol
Vent qui court,
Vent qui luit Une petite pluie fine
Dans les cours, Rafraîchit le pré
Dans la nuit ; Do – Mi – Ré
Vent qui geint,
Une petite pluie fine
Vent qui hèle
Arrose les lilas
Dans les foins,
Dans les prêles ; Do – Mi – La

Dis-moi, vent Une petite pluie fine


Frivolant, Fait éclater les soucis
A quoi sert Do – Mi – Si
Que tu erres
Une petite pluie fine
En sifflant Abreuve les résédas
Ce vieil air Do – Mi – Fa
Depuis tant,
Tant d’hivers ? Jean- Louis Jacob

Maurice Carême

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Poésies – CE1

L'ogre
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
J’ai mangé un œuf,
J’ai trempé mon doigt dans la confiture turelure Deux langues de bœuf,
Ça sentait les abeilles Trois rôts de mouton,
Ça sentait les groseilles Quatre gros jambons,
Ça sentait le soleil Cinq rognons de veau
J’ai trempé mon doigt dans la confiture Six couples d’oiseaux,
Puis je l’ai sucé Sept immenses tartes,
Comme on suce les joues de bonne grandmaman Huit filets de carpe,
Qui n’a plus mal aux dents Neuf kilos de pain,
Et qui parle de fées... Et j’ai encore faim.
Puis je l’ai sucé Peut-être, ce soir,
Sucé Vais-je encore devoir
Mais tellement sucé Manger mes deux mains
Que je l’ai avalé Pour avoir enfin
Le ventre bien plein.
René de Obaldia
Maurice Carême

Un marteau

Fait pour ma main,


Mes vers fuiraient... Je te tiens bien,
Je me sens fort
Mes vers fuiraient, doux et frêles, De notre force.
vers votre jardin si beau,
si mes vers avaient des ailes, Tu dors longtemps,
des ailes comme l’oiseau. Tu sais le noir,
Tu as sa force.
Ils voleraient, étincelles,
Vers votre foyer qui rit, Je te touche et te pèse,
Si mes vers avaient des ailes, Je te balance,
Des ailes comme l’esprit. Je te chauffe au creux de ma main.

Près de vous, purs et fidèles, Je remonte avec toi


Ils accourraient nuit et jour, Dans le fer et le bois
Si mes vers avaient des ailes,
Des ailes comme l’amour. Tu me ramènes,
Tu veux
Victor Hugo T’essayer,
Tu veux frapper.

Eugène Guillevic

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Poésies – CE1

Vent

Le vent
Fait grincer les chemins
Dans les gonds de la nuit

Il impose
Les manières du soleil
Aux arbres
Une envergure
Le soleil luit pour tout le monde
Mais un peu plus ou un peu moins.
Qui ose résister
Il en est que son chaud inonde
...a vite compris
D’autres ne le voit que de loin.
Il condamne l’inertie
Il luit plus pour le cormoran
Est-ce sa faute
Que pour la taupe ou le cafard.
Il luit plus à Perpignan
Il est des saisons
Qu’à Lille ou à Hénin-Liétard.
Qu’aucun vent
N’ose abuser
Le soleil luit pour tout le monde
Mais plutôt plus ou plutôt moins.
Il est des toits coléreux
Qui ne le supportent
Claude Roy
Il lui arrive
D’aider les fruits
Par nécessité pour eux
Par respect pour les arbres.

Alain Le Beuze

L'illisible Leçon de géographie

C’est folichon L’océan a peur de moi


que tu m’écrives, Quand il me voit arriver
mais quels torchons il se retire très loin.
que tes missives !
Je lui parle doucement
Ton écriture d’une voix de coquillage
n’est que fouillis, pour tenter de l’apaiser.
n’est que ratures
et gribouillis. Mais chaque fois c’est pareil:
il me faut au moins six heures
Je vocifère, pour enfin l’apprivoiser.
j’en perds les yeux :
je n’ai que faire Alors il revient vers moi
d’un cafouilleux. et il me lèche les pieds.

Dénes Kiss Christian Poslaniec

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Poésies – CE1

Chanson du va-et-vient du vent


Maman m'aime
Sur ma joue un baiser.
Oui, le vent passe. Maman m’aime
Sur ma joue nulle trace Me donne la main
Du vent passé. Apprivoise la mer
Autorise quelques vagues
Sur ta joue un baiser. A chahuter avec moi
Oui, le vent passe. Puis me montre des coquillages
Sur ta joue nulle trace Plus beaux que des diamants
Du vent glissé… Puis me montre des poissons
Plus vifs que des étoiles filantes
Sur nos joues un baiser. Puis me montre des crabes
Oui, le vent passe. Qui sont les petits boxeurs
Sur nos joues nulle trace Des grèves.
Du vent glacé.
Gilles Brulet
Paul Fort

Le chat La Mer secrète

Dans ma cervelle se promène, Quand nul ne la regarde,


Ainsi qu’en son appartement, La mer n’est plus la mer,
Un beau chat, fort, doux et charmant ; Elle est ce que nous sommes
Quand il miaule, on l’entend à peine, Lorsque nul ne nous voit.
Elle a d’autres poissons,
Tant son timbre est tendre et discret ; D’autres vagues aussi.
Mais que sa voix s’apaise ou gronde, C’est la mer pour la mer
Elle est toujours suave et profonde. Et pour ceux qui en rêvent
C’est là son charme et son secret. […] Comme je fais ici

Charles Baudelaire Jules Supervielle

« J'aime le rouge » Ne le dis à personne

« J’aime le rouge » Cette nuit, vers minuit,


chuchote la fraise à la cerise J’ai attrapé la lune
« J’aime le rouge » Et je l’ai cachée
dit la cerise à la framboise Sous mon oreiller.
« J’aime le rouge » Mais la souris, gris souris,
répète la framboise à la coccinelle Celle qui vient
« Moi aussi » Pour mes quenottes
mais avec du noir En a fait son festin
répond la coccinelle Et ce matin je n’ai plus rien.
« Le noir éclaire un peu plus le mystère » Plus rien que des miettes de lune
murmure en s’envolant un zygène. Sur une plume d’oreiller.

Patrick Joquel Paul Bergèse

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Poésies – CE1

Fantaisie d'Hiver Le vieux et son chien

Le nez rouge , la face blême, S’il était le plus laid


Sur un pupitre de glaçons, De tous les chiens du monde
L’Hiver exécute son thème Je l’aimerais encore
Dans le quatuor des saisons. A cause de ses yeux

Il chante d’une voix peu sûre Si j’étais le plus vieux


Des airs vieillots et chevrotants ; De tous les vieux du monde
Son pied glacé bat la mesure L’amour luirait encore
Et la semelle en même temps ; Dans le fond de ses yeux

Et comme Haendel, dont la perruque Et nous serions tous deux


Perdait sa farine en tremblant, Lui si laid, moi si vieux
Il fait envoler sa nuque Un peu moins seuls au monde
La neige qui le poudre à blanc. A cause de ses yeux

Théophile Gautier Pierre Menanteau

Chanson d'Automne
Tu me grondes
Les sanglots longs
Des violons
Parce que j'ai les doigts
De l’automne
De toutes les couleurs
Blessent mon cœur
Noir-polar
D’une langueur
Ou jaune-sable des squares
Monotone.
Parfois blanc-banquise
Ou rouge-révolution
Tout suffocant
Et même bleu-contusion
Et blême, quand
Tu me grondes
Sonne l’heure,
Et tu te trompes
Je me souviens
Mes doigts je les ai trempés
Des jours anciens
Dans l'amitié
Et je pleure.
Des mains
Des enfants
Et je m’en vais
Du quartier
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Des enfants
Deçà , delà
Du monde entier
Pareil à la
Feuille morte.
Joël Sadeler
Paul Verlaine

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Allez Scarole
Solitude
Un escargot
Il parlait aux volcans De Bourgogne
Et s’entendait avec les fleuves. Sur une salade
Le soir, il tutoyait les astres malheureux De Gascogne.
Il signait des traités :
Girafe par ici, Vint un escargot
Vautours par là. de Gascogne:
Il écoutait les doléances du caillou - Pousse-toi
Et partageait ses souvenirs ou je te cogne !
Avec tant d’horizons déçus !
A force de comprendre Bien qu'on ne
L’azur et la planète, Lui ait pas parlé,
Il s’éloignait de ses semblables. La salade s'exécuta;
Hommes très droits, hommes très justes, Elle se poussa
Apprenez-lui Laissant les deux bestioles
A être un peu moins seul. Sans une seule feuille
de scarole.
Alain Bosquet
Marion Zor

L'anneau
La ronde
Pour les fiançailles d’amour
Si toutes les filles du monde voulaient
Des peuples redevenus frères
s'donner la main, tout autour de la mer
Les hommes construiront un jour
elles pourraient faire une ronde.
Par-dessus continents et mers
Si tous les gars du monde voulaient
Par-dessus rives et rivières
bien êtr'marins, ils f'raient avec leurs
Un pont sans arches ni piliers
barques un joli pont sur l'onde.
Un pont qui tiendra dans les airs
Alors on pourrait faire une ronde autour
Sans aide aucune à rien lié
du monde, si tous les gens du monde
Comme un grand arc-en-ciel de pierre
voulaient s'donner la main.
Qui fera le tour de la Terre.
Paul Fort
Marcel Béalu

Mon ours

L'escargot Il n’a plus de bouton


À son pantalon.
Est-ce que le temps est beau ? Il a perdu la ficelle
Se demandait l'escargot Qui lui servait de bretelle.
Car, pour moi, s'il faisait beau,
C'est qu'il ferait vilain temps. On voit dépasser la paille
J'aime qu'il tombe de l'eau. Au niveau de sa taille.
Voilà mon tempérament. Et on aperçoit de la mousse
Combien de gens, et sans coquille, Sur sa jolie frimousse.
N'aiment pas que le soleil brille.
Il est caché ? Il reviendra ! Mais moi je l’aime pourtant
L'escargot ? On le mangera. Au moins autant qu’avant.
Je l’aimerai toujours
Robert Desnos Mon ours.

François David

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Je jouais
Le rêve de la lune
Je jouais à grimper à l'arc-en-ciel
Si la Lune brille
comme à l'échelle
Quand tu dors,
Sur le jaune
C'est pour planter
j'ai cueilli des boutons d'or
Des milliers de soleils pour demain.
Sur l'orange
Si tout devient silence
j'ai des clémentines
Quand tu dors,
Sur le rouge
C'est pour préparer
des framboises et des cerises
Le chant des milliers d'oiseaux
Plus haut, j'ai respiré les violettes
Et dorer les ailes des libellules.
Dans le bleu
Si la Lune tombe dans tes bras
j'ai coupé une fenêtre de ciel
Quand tu dors,
pour voir l'indigo
C'est pour rêver avec toi
Et je suis tombé par la fenêtre
Des milliers d'étoiles.
sur l'herbe verte.
Marie Botturi
Luce Guilbaud

Araignée

Araignée grise,
Cheval bleu
Araignée d'argent,
Ton échelle exquise
J’avais un petit cheval bleu
Tremble dans le vent.
Qui se promenait dans ma chambre
En liberté, crinière longue
Toile d'araignée
Et des rayons sur ses sabots.
Émerveillement
Lourde de rosée
Il galopait sur le bureau
Dans le matin blanc!
Sur les bouquins de l’étagère.
Il galopait, tête levée
Ouvrage subtil
Sur la steppe blanche des draps.
Qui frissonne et ploie
Ô maison de fil.
Il vivait d’un reflet
Escalier de soie.
S’endormait chaque nuit
Dans le creux de mes mais
Araignée grise,
Comme font les oiseaux
Araignée d'argent,
Ton échelle exquise
Madeleine Riffaud
Tremble dans le vent.

Madeleine Ley

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Paris blanc Un enfant a dit

La neige et la nuit Un enfant a dit


Tombent sur Paris, Je sais des poèmes
À pas de fourmi. Un enfant a dit
Ch'sais des poasies
Et la ville au vent
Peint l’hiver en blanc, Un enfant a dit
À pas de géant. Mon cœur est plein d'elles
Un enfant a dit
La Seine sans bruit Par cœur, ça suffit.
Prend couleur d’encens
Et de tabac gris. Un enfant a dit
Ils en savent des choses
À l’hiver en blanc, Un enfant a dit
Le temps se suspend, Et tout par écrit.
À pas de fourmi.
Si l'poète pouvait
À pas de géant S'enfuir à tire-d'ailes
Tombent sur Paris Les enfants voudraient
La neige et la nuit. Partir avec lui.

Pierre Coran Raymond Queneau

C'est demain dimanche


Bien au chaud
Il faut apprendre à sourire
Même quand le temps est gris Dans ma maison, bien au chaud,
Pourquoi pleurer aujourd'hui je vois le jour qui s'enfuit
Quand le soleil brille et les étoiles là-haut
C'est demain la fête des amis qui s'allument dans la nuit.
Des grenouilles et des oiseaux J'entends le vent qui s'élance
Des champignons des escargots entre les tuiles du toit
N'oublions pas les insectes et les grands arbres qui dansent
les mouches et les coccinelles à la lisière du bois.
Et tout à l'heure à midi Chez moi, je suis à l'abri.
J'attendrai l'arc-en-ciel Je bois un bon lait bouillant.
Violet indigo bleu vert Je n'ai pas peur de la pluie,
jaune orange et rouge de l'hiver et du grand vent.
Et nous jouerons à la marelle
Ann Rocard
Philippe Soupault

Quand automne en saison revient Le zèbre


Le zèbre, cheval des ténèbres
Quand automne en saison revient,
Lève le pied, ferme les yeux,
La forêt met sa robe rousse
Et fait résonner ses vertèbres
Et les glands tombent sur la mousse
En hennissant d'un air joyeux.
Où dansent en rond les lapins.
Au clair soleil de Barbarie,
Il sort alors de l'écurie
Les souris font de grands festins
Et va brouter dans la prairie
Pendant que les champignons poussent.
Les herbes de sorcellerie.
Ah ! que la vie est douce, douce
Mais la prison sur son pelage,
Quand l'automne en saison revient.
A laissé l'ombre du grillage.
Samivel Robert Desnos

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Locataires
Triangles
J'ai dans mon cartable
(C'est épouvantable !) Isocèle
Un alligator J'ai réussi à mettre
Qui s'appelle Hector. Un peu d'ordre en moi-même.
J'ai tendance à me plaire.
J'ai dans ma valise
(Ça me terrorise !) Équilatéral
Un éléphant blanc Je suis allé trop loin
Du nom de Roland. Avec mon souci d'ordre
J'ai dans mon armoire Rien ne peut plus venir
(Mon Dieu, quelle histoire !)
Un diplodocus Rectangle
Nommé Spartacus. J'ai fermé l'angle droit
Qui souffrait d'être ouvert
Mais pour moi le pire, En grand sur l'aventure.
C'est sous mon chapeau Je suis une demeure
D'avoir un vampire Où rêver est de droit.
Logé dans ma peau.
Eugène Guillevic
Jean-Luc Moreau

Sept couleurs magiques Parallèles


Rouge comme un fruit du Mexique On va, l’espace est grand,
Orangé comme le sable d'Afrique On se côtoie,
Jaune comme les girafes chics On veut parler.
Vert comme un sorbet de Jamaïque Mais ce qu’on se raconte
Bleu comme les vagues du Pacifique L’autre le sait déjà,
Indigo comme un papillon des Tropiques Car depuis l’origine
Violet comme les volcans de Martinique Effacée, oubliée,
Qui donc est aussi fantastique ? C’est la même aventure.
Est-ce un rêve ou est-ce véridique ? En rêve on se rencontre,
On s’aime, on se complète.
C'est dans le ciel magnifique On ne va plus loin
L'arc aux sept couleurs magiques. Que dans l’autre et dans soi.
Mymi Doinet Eugène Guillevic

N'écoute pas L'échelle


N'écoute pas Il mit le premier pied
celui qui répète , Sur le premier barreau.
à part peut-être le ruisseau Il mit le second pied
qui murmure la vie. Sur le second barreau.
Ne redis pas J’y suis arrivé,
ce que le vent t'a soufflé, Dit-il. Il monta encore.
à part peut-être la liberté Le soleil se fit proche.
puisqu'il court après. Il continua de monter.
Ne crains pas Ses jambes tremblaient.
les montagnes qui ne t'ont pas cru, Lentement il montait.
à part peut-être ton cœur Il n’avait pas peur.
qui bat pour l'heure. Aller plus haut, dit-il.
Alain Serres Mohammed Dib

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Voici que la saison


Le point A qui aimait un point B
Voici que la saison décline,
L’ombre grandit, l’azur décroit, Un point A dans l'espace
Le vent fraîchit sur la colline, se sentait solitaire.
L’oiseau frissonne, l’herbe a froid. Un point B dans l'espace
cherchait un partenaire.
Août contre septembre lutte ; Le point A vit le point B :
L’océan n’a plus d’alcyon ; allait-il lui plaire ?
Chaque jour perd un minute, Il tendit une main vers B
Chaque aurore pleure un rayon. tout doucement.
B prit la main
La mouche, comme prise au piège, et sourit à A comme un amant.
Est immobile à mon plafond ; Ils ne se lâchèrent plus
Et comme un blanc flocon de neige, et formèrent un segment.
Petit à petit, l’été fond.
Olivier Hénocque
Victor Hugo

Rêve de vent
A sa mort, un genou Mon pays est une terre nourricière
a légué sa fortune qui a pour symbole l'abeille
aux genoux ronds de son pays. Mon pays est un royaume d'arbres
Deux clavicules qui a domestiqué les vents
ont terminé le tour du monde.
Près d'un vieux fleuve, Mon pays est un rêve de connivences
une lèvre aurait pris le pouvoir. qui trotte dans la tête
Pour qui pourraient voter et danse devant le regard
les paupières de gauche ?
Ta peau, ton corps : Mon pays est un champ de lumière
ces faits divers. qui n'a pas de couleur
et qui porte un nom
Alain Bosquet toi.

Zakari Dramani-Issifou

Trois petits Chinois


Dans un bois Le chagrin du dauphin
Pleuraient sur un rocher
De cristal... « J'aime la Moule
Dit le Dauphin
Quatre plumes d'aigles La moule dans son petit couffin
Noires Je l'épouserai foi de marin
Glissaient en dansant Loin de la houle
Dans l'air... Un soir de juin »

Il naquit une source « Roucoule, roucoule,


Solitaire Pauvre Dauphin ! »
Et quatre nénuphars Réplique la Moule
Brunâtres... D'un air hautain
« J'aime la houle
Ainsi servaient des larmes Et les florins
Et trois cœurs Je n'épouserai qu'un sieur
Quatre plumes, un rocher Requin ! »
Et un miracle...
Andrée Chedid
Pierre Cazalas

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On ne m'aime pas,
disait la guêpe
je comprends ça.

Je n'ai fait aucun mal,


disait la souris, Six sous ici
mais j'ai peur. un billet là
être souris
Moi, le jaune, quel boulat
disait le pissenlit,
ça ne m'étonne pas. Cours par ici
reviens par là
Avec ces couleurs-là, être souras
disait le papillon, quel boulit
ça ne devrait jamais finir.
Sous l'oreiller
Si je faisais des petits, dessous la couette
disait la nuit, sur un papier
ce serait des chats. dans les chaussettes
être souros
Oui, je crie, quel boulot
disait le parquet,
mettez-vous à ma place. Petits enfants
soyez gentils
J'ai été pierre, gardez vos dents
disait le sable, et moi mes francs
et maintenant ?
Patrick Joquel
Laissez-moi seul,
disait le rocher,
laissez-moi rire.

Eugène Guillevic

Zézette

La mouche Zézette sait lire,


Les crocodiles
Elle sait lire et sait écrire.

Elle se trempe sans crier Non, avec une mâchoire comme ça, on n'est pas
Les quatre mains dans l'encrier... le frère des petits moutons. Des dents pareilles,

Puis elle trotte sur la page ça doit forcément vous donner des idées. J'ai
Comme un oiseau dans un nuage. connu un crocodile herbivore. Un jour, il mangea
Elle danse, elle caracole ; un quart d'éléphant et un demi-cornac. Il ne s'en
Elle fait de la haute école était même pas aperçu. C'était pas lui, c'étaient
Et Norge a raison de vanter ses dents.
Une écriture qui s'envole

Quand elle a fini de sécher. Norge

Norge

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Poème pour fêter la mort de l'hiver


Où va l'eau ?
Deux pattes sur un fil
M'ont téléphoné
Où va l'eau Une nouvelle,
qui murmure, qui chuchote Une nouvelle.
qui rit ou qui se tait
où va l'eau Deux pattes sur un fil
j'aimerais m'aventurer. M'ont téléphoné,
Et l'appareil
Dans le ventre de la terre A bourgeonné.
dans les bras des collines
ou les yeux du ciel bleu. Deux pattes sur un fil
M'ont téléphoné
Sur les crêtes des vagues Une nouvelle
un cil d'enfant qui pleure Sensationnelle.
ou dans le calice d'un liseron.
Deux pattes sur un fil
Où va l'eau M'ont téléphoné :
averse, rivière, rosée... « L'hiver est mort
j'aimerais vivre Et enterré. »
le bonheur du chemin.
Depuis je répète à tous vents
Qu'une hirondelle est le printemps.
Jean-Hugues Malineau
Carl Norac

Amour fraise et mandoline

On dit on dit des mots


amour fraise et mandoline
Quelqu'un
amour
Quand la chèvre sourit et notre cœur bondit
quand l'arbre tombe
quand le crabe pince fraise
quand l'herbe est sonore les lèvres sont sucrées

mandoline
plus d'une maison une musique dans la main
plus d'une coquille
plus d'une caverne on dit on dit des mots
plus d'un édredon lilas douceur et mandarine

entendent là-bas lilas


entendent tout près c'est ta joue mon enfant
entendent très peu douceur
entendent très bien le silence est fragile

quelqu'un qui passe et qui pourrait bien être mandarine


et qui pourrait bien être quelqu'un comme un éclat de rire

Raymond Queneau On dit on dit des mots


amour fraise et mandoline
lilas douceur et mandarine

Jean-Pierre Siméon

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École publique Poésies - 6 points mai 2006, dernière actualisation en août 2013

Le soleil rouge
En marchant vers le Mont Tremblant
à Gaston Miron Le soleil rouge
A fait naufrage
Je suis lac, je mélèze,
Je raquette, je harfange, Les baleines
Je portage, j'épinette, Portent son deuil
Je boucane, je castore,
Je saumone, je traineaude, Les cris des mouettes
J'omble, je truite, j'ourse, Piquent son linceul noir
J'orignale, je mirone, De milliers d'étoiles
Je hurone, je rondine, Sonores
J'érablise, je québèque,
Dans la profondeur des abîmes
le coeur en fête, je marche : Où ne perce jamais le jour
là est le Sud, aussi D'autres étoiles leur répondent
En silence
Frédéric-Jacques Temple
Jean-Max Tixier

Hibou et Hippocampes
Fête
Hibou
Frissonnez les érables !
Frémissez les bouleaux !
Tu aimes du hibou la neigeuse innocence
Tressaillez les cytises !
Et tu portes, selon la chasteté des eaux,
Bondissez les osiers !
Un vol d'oiseau
Balancez les cyprès !
Altéré de silence
Chantez les cèdres bleus !
Dansez les peupliers !
Hippocampes
Éclatez les genêts
Criez les cerisiers
Chevaux-marins de mon enfance,
Gueulez les chèvrefeuilles !
Mes souvenirs, mes hippocampes,
Et vous les saules pleureurs,
Vous montez comme font les mots,
Ramassez vos mouchoirs,
Des profondeurs, où les coraux
Demain, c'est le printemps !
De la mémoire se diamantent...
Jean-Claude Touzeil
Louis Daubier

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École publique Poésies - 6 points mai 2006, dernière actualisation en août 2013

Il y a
Les Confitures
Il y a
Les confitures
que l'hiver partira.
« Niam ! Niam ! »
Les confitures
Il y a
Qui nous damnent
que l'été reviendra.
Les confitures
Plein la figure
Il y a
C'est Ça
que l'été est là.
Les confitures !
Il y a
Les confitures
que l'été s'en ira.
Ad vitam
Les confitures
Il y a
Ad æternam
que l'hiver reviendra.
Les confitures
Qui durent / qui durent /
Bien-aimés, le temps n'a-t-il pas de raison ?
C'est pas
Le temps d'une conjugaison
Des confitures !
et déjà c'est une autre saison.
Andrée Chedid
Gisèle Prassinos

Bientôt je n'aurai plus de voix

Bientôt, je n'aurai plus de voix


Disait le voiturier

Puis l'automne... Bientôt, je n'aurai plus de chats


Disait le châtaignier
… Puis l'automne. Puis l'hiver. L'enfouissement
sous la neige. Bientôt, je n'aurai plus de rats
Les lentes journées semblables. Le temps comme Disait le râtelier
une inexorable agonie.
Gagnée par le sommeil de la nature, tu doutes Bientôt, je n'aurai plus de poux
que la neige puisse un jour fondre, le printemps Disait le poulailler
revenir, la vie réapparaître...
Regardez ! Je n'ai plus de rampe
Charles Juliet Disait le rempailleur

Mais tous ceux qui ne disaient rien


Tous ceux-là n'en pensaient pas moins.

Luc Bérimont

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