Le reptile qui est en nous

Par Christian Lamothe

L’APPRENTISSAGE (faites-le avec votre esprit)

Ref : Maître Henry Plee, Prof. Laborit, Dr. Maclean

La connaissance ne confère pas la capacité d’agir. Connaître ne suffit pas,

il faut savoir appliquer. La volonté ne suffit pas, il faut savoir agir.

Le domaine précis que nous cherchons à L’aparution chronologique de c’est trois cerveaux
expliquer à travers l’apprentissage des s’expliquerait de cet facon:
arts martiaux vise l’intellect, la raison,
la « machine à penser », soit le cerveau qui Le premier est le cerveau reptilien ou paleo-
est a la source de toute action et qui, para- cortex. Il sert de canal aux informations entrantes
doxalement, serait également le pire obstacle et sortantes, expédiées par les muscles, tout en
à l’éfficacité tant en combat qu’en auto- assurant la coordination des mouvements phy-
défense. siques. C’est lui qui est responsable de notre
survie, c’est l’instinct, le moment présent,
Tout peut changer dans votre compréhension des nos “pulsions”.
arts martiaux, si vous comprenez que l’on n’a pas Ce petit cerveau primitif contient (l’hypothalamus
un cerveau, mais trois cerveaux; si vous préférez, ou “cerveau de notre milieu intérieur”)
un “cerveau triunique”. Il représente ce qui pousse le système nerveux
Ces cerveaux sont apparus successivement à agir afin de rétablir l’équilibre des processus
au cours de l’évolution des espèces. Ils vienent vivants dans la colonie cellulaire organique,
des aléas de notre parcours évolutif depuis lorsque cet équilibre a été perturbé par l’action de
l’apparition de la vie animale en mer puis sur l’environnement. Il assure les fonctions
terre, il y a environ 400 millions d’années.La vitales de l’organisme en contrôlant, la fréquence
découverte du cerveau triunique (c’est-à-dire en cardiaque, la respiration, la température
3 parties) et la façon de concevoir sa structure en corporelle, l’équilibre. Il comprend le tronc
relation avec son histoire, par le neurologue Paul cérébral et le cervelet, essentiellement ce qui
MacLean en 1970, a conduit par la suite forme le cerveau d’un reptile. C’est le cerveau
La Violette et Laborit à préciser le fontionement qui travaille au présent, sans faire référence au
traitement de l’information. passé, ni à l’expérience, ni à la mémoire. C’est
pour cet raizon qui est important de souligner que
ce cerveau primitif vivant au present est
seulement capable devant le danger, le déplai-
sir, la douleur, de produir l’unique instinct de fuir
ou de combatre, Lorsque l’on est attaqué avec
menace de mort nous fonctionnons uniquement
sur ce cerveau reptilien. Il concerne donc les Arts
Martiaux de combat à mort, guerriers.
Le second cerveau est le “mammifère”
ou systeme Limbique. C’est le cerveau de
l’émotion, la memoire a long terme, situé au-
dessus et autour du reptilien, il apparu avec les
premiers mammiferes, capable de mémoriser les
comportements agréables ou désagréables, nos
succès et nos échecs, nos récompenses et nos
punitions, ce dernier est egalement responsable
de la gestion de ce que nous appelons les
émotions. C’est le siège de nos jugements
de valeur, souvent inconscients, qui exercent
une grande influence sur notre comportement,
L’amour, la haine, la peur, la colère, la joie,
la tristesse, ainsi que les rituels animaux, qui
comprennent les affrontements destinés à
sélectionner les meilleurs reproducteurs, tout cela
résulte de nos expérience antérieure.
Vous comprenez que cette mémoire “à long
terme” propre au deuxième cerveau des
mammifères leur sera bien utile pour éviter de
reproduire les erreurs passées, de même que
pour répéter les expériences agréables.
Elle ajoute au cerveau primitif, agissant dans
le présent, le cerveau du passé qui peut alors
répondre au présent avec l’expérience favorable
ou défavorable de ce qui lui est déjà arrivé. C’est
aussi l’inconscient et les automatismes, les chose
que nous faisont sans nous rendre compte. Les
Arts Martiaux sportifs, conventionnels,
en dépendent.
Le troisième cerveau, est le “cerveau moderne”,
néo-cortex dit aussi “intelligent” c’est la raison,
la pensée consciente, la memoire a moyen
terme. Grâce a ces deux gros hémisphères que
se développera le langage, la pensée abstraite,
l’imagination, la conscience. Le néo-cortex est
souple et a des capacités d’apprentissage quasi
infinies. C’est aussi grâce au néo-cortex que peut
se constituer la culture. il parle, il lit, il raisonne,
il est conscient, il fait, des associations d’idées
en tenant compte de ses expériences passées et
ce créées des rêves des illusions, on y retrouve
aussi l’ego, qui nous pousse souvent à nous
comporté de façon ridicule.
Or ces trois cerveaux ne fonctionnent pas
de manière indépendante, le traitement de
l’information s’éffectue de bas en haut, soit du
cerveau reptilien (paleo cortex), au manifere (lim-
bique), vers l’intelligent (néo-cortex), et non de
haut en bas, comme on l’avait toujours pensé.
Au point de vue vitesse d’exécution le plus rapide
est le reptîlien, le mammifère est trois fois plus
lent et l’intelligent est dix fois plus lent que le
mammifère, c’est à dire que le cerveau de survie,
le reptilien est trente fois plus vite que le cerveau
intelligent (néo-cortex), On comprends mieux, je
pense, pourquoi l’enseignement martial de base
est “le vide mental” ou le “non mental”, ce qui
permet au reptilien et éventuellement au mam-
mifère de s’exprimer sans être ralentis par le
cerveau “intelligent” néo-cortex.
L’intérêt de la connaissance de ces
trois cerveaux sur le plan martial
devient intéressant, si l’on s’arrête à
la notion du “moment présent” et du
“vide mental” en combat
et de “silence” en salle
Ex.: La Méditation. Le Taiji Quan qui est une
forme de méditation active à l’éveil de
la conscience du moment présent.
“Conduire a toute vitesse, une moto sur une route
en étant attentif au hasard de la route demandera
un état d’esprit du moment présent, en faisant le
vide mental”.
En sachant très bien comment ils fonctionnent
on peut éviter des erreurs pédagogiques. Il n’y
a pas de professeur à l’école ou en salle qui ne
pense pas enseigner son art avec une pédago-
gie tout à fait intelligente, raisoner et explicative.
Mais, même avec un enseignement anti-péda-
gogique sur le plan martial, on ne peut arriver à
se préserver que si l’on sait comment les choses
se font dans notre tête. C’est-à-dire? Nous avons
soulevé que le cerveau intelligent parlait, donc
raisonnait “dialogue intérieur”. En pratique tout “
monte du cerveau reptilien vers le mammifère,
puis ensuite vers l’intelligent, ou du mammifère
a l’intelligent, et jamais, de l’intelligent vers le
mammifère et le reptilien. Par exemple, si on
vous insulte, vous humilie ou vous menace, c’est
votre reptilien qui le reçoit comme une agression
et sa réaction est toujours de fuir ou d’attaquer.
D’ailleurs on dit “je vais le tuer” sans le penser
au niveau “néo-cortex” intelligent. Du reptilien la
réaction monte au mammifère, centre des émo-
tions, et cette pulsion de survie y est amplifiée
ou freinée par la peur, la pitié, l’amour etc... La
colère émotive augmente le désir de vengeance
et de haine. mais s’intègre dans le cadre du Ri-
tuel où la loi, pour toutes les espèces, est “tu ne
tueras pas un individu de la même espèce”.
Du reptilien l’influx nerveux est passé au mam-
mifère qui le passe à son tour a l’intelligent “néo-
cortex” qui va insulter - un rituel de provocation
et d’intimidation mélangé - et réfléchir, soit à une
stratégie de défense ou d’attaque, soit considérer
les conséquences du passage à l’acte. Le com-
portement final sera le résultat des connexions
reptilien-mammifère-intelligent, variable selon les
individus
Ce qui se passe en combat:
En championnat ou en tournoi on en reste
généralement au cerveau mammifère pur, avec
des montées mammifère-intelligent, mais ceux
qui gagnent sont ceux qui se placent plus ou
moins au niveau reptilien instinctif. Ce sont les
plus agressifs et rapide, surtout dans les disci-
plines dites de “du poing”, coup frapper et simi-
laires, cela est moins vrai dans le Judo et les
luttes similaires, comme le Sambo ou le jujuitsu,
car la lutte est le rituel de base de l’animal-
homme. Mais en vrai combat de survie tout se
passe au niveau du cerveau reptilien, et ce n’est
qu’après que le cerveau mammifère reçoit l’influx.
Tous ceux qui ont été menacés dans leur vie ont
réagis au niveau reptilien, une fois le danger est
passé le cerveau mammifère s’est manifesté la
sueur est venue, le cœur s’est emballé, et les
jambes ont tremblé. Intéressant non ?
De connaitre ce foncionement
change tout dans l’apprentisage des
arts martiaux.
L’enseignement est connu. Car en périodes
d’enseignements accélérés, comme en temps de
guerre, la formation de jeunes querrier ou soldat
pour aller au champ de bataille par exemple,
en un an on faisait progresser l’individu comme
on le fait maintenant en cinq ou dix ans. Parce
qu’on inverse les choses. nous avons compris
que l’action a sa source dans le cerveau reptilien,
pour la survie, ou le cerveau mammifère, pour le
Rituel, pour aboutir dans le cerveau intelligent,
éventuellement car ce n’est pas nécessaire. C’est
même plus nuisible qu’utile.
Dans l’enseignement “traditionnel” en fait fausse-
ment traditionnel - on commence par expliquer
à notre cerveau “intelligent” ce que le cerveau
“mammifère” ou “reptilien” doit faire. On com-
prend mais on ne peut pas faire, parce que le
cerveau “intelligent”, qui raisonne, ne peut ab-
solument pas donner d’ordres ni d’indications aux
cerveaux du dessous qui, eux font.
Le cerveau intelligent peut, avec de
l’entraînement, ne pas tenir compte des
messages de peur, d’inquiétude, d’émotion, de
recherche de plaisir (des 5 sens + sexe),
envoyés par le cerveau mammifère et même par
le reptilien, mais il ne peut rien leur “enseigner”.
Autrement dit, enseigner en expliquant en
premier c’est, à coup sûr, ralentir la progression.
Après chaque explication, le pratiquant essaie de
répéter le mouvement, mais pour l’application il
doit sentir et trouver l’opportunité. Autrement dit il
doit oublier ce qu’il a appris “intellectuellement”.
En fait c’est en regardant les plus avancés et en
subissant lui même qu’il apprend.
L’idéal serait de montrer sans expliquer, ça le
cerveau mammifère comprend, puis d’exécuter
et de faire exécuter tout de suite en assauts,
combat. Il y aurait des “fautes” selon le dogme ou
le “canon” de la Discipline ou du Style mais il y
aurait du vécu, c’est à dire des expériences répé-
tées dans le temps. Et seul le vécu est engrangé
dans la mémoire à long terme. Par contre,
acquérir une base solide physique mécanique
et une bonne coordination est primordial avant
d’accéder à un entraînement instinctif et impulsif
sensoriel. et tous doit être fait dans un état de
plaisir et de securité pour que le cerveau
mammifère émotif puise enregistrer l’information
de façon permanente. Or, on le sait, la mémoire
à long terme est située dans le cerveau mam-
mifère. La mémoire à moyen terme est dans le
cerveau intelligent (c’est ainsi que l’on retient et
oublie un numéro de téléphone). La mémoire à
très court terme, elle, est située dans le cerveau
reptilien. Quelques minutes à quelques heures
après, ce dernier a tout oublié, comme un croco-
dile ou une tortue de mer qui fonctionnent avec
seulement un cerveau reptilien.
Donc, lorsque l’on nous enseigne des techniques manière optimale, notre cerveau reptilien
sophistiquée “d’auto-défense” contre une agres-
sion à risque mortel, elle concernent le cerveau
intelligent et non le cerveau reptilien, pour les ex- cerveau mammifère (système limbique)
plications souvent oubliées immédiatement ou ne doit éprouver ou anticiper un minimum
laissant qu’un vague souvenir... (inutilisable par
le cerveau) des quelques gestes effectués après
? Mais, pendant l’entraînement, le pratiquant a
l’impression d’apprendre à survivre. Il ne réalise
pas qu’après le cours il ne lui restera rien dans
les cerveaux qui devraient avoir appris, tout est
dans le cerveau intelligent “néo-cortex”, une
illusion. En fait, on n’apprend jamais vraiment
“grand chose”. Du moins pas de la façon dont ont
l’imagine. Et ce qu’on apprend en Art Martial ne
passe pas du tout par l’entendement et la parole.
Pas étonnant qu’en cas d’attaque vraie, il est
fréquent qu’un pratiquant expérimenté perd tous
ses moyens, comme s’il s’agissait du premier
passant venu. S’il n’a pas été mis KO ou n’a pas
été tué, la première réaction “reptilienne” passée,
il pourra parfois appliquer ces techniques sophis-
tiquées, mais pas en réaction spontanée; cela
est impossible, elles sont trop élaborées pour
les cerveaux primitifs. D’ailleurs, si ces derni-
ers étaient malléables à nos utopies ce serait un
désastre. Notre bagage génétique “animal” est
inchangé depuis l’aube de l’humanité et se trans-
met de génération en génération.
En outre il y a des choses qu’il vaut mieux ne
pas dire pour laisser une chance aux gens de les
découvrir tout seul, et ainsi pouvoir réellement
les appliquer. Donc, en pratiquant nos reflexes
tout en construisant nos techniques de combat,
en se concentrant sur le moment présent en
faisant le vide mental, nous enregistrerons dans
notre cerveau reptilien-mammifère notre réaction
spontanée sans nous en rendre contre, et ainsi
pouvoir les utiliser dans une situation réelle sans
penser pour ne pas être ralentis par le cerveau
intelligent néo-cortex
En conclusion, nous pourrions presque
dire qu’un être vivant est une mémoire qui
agit. Nous devrions apprendre comme un
bébé à force de répétition et de stimulus
sensoriel. Pour aprendre à foncionner de
a besoin de se sentir en sécurité, et notre
de plaisir pour qu’il puisse comprendre
l’information qui lui est fournie.
L’enseignement qui n’entre que dans les yeux et les oreilles
ressemble à un repas pris en rêve. (Proverbe Chinois)
Nous sommes plus curieux du sens des rêves que des choses que
nous voyons éveil (Pensée taoiste ).
Le vide comme point de départ La finalité se résume dans la vacuité.

Si vous voulez goûter mon eau, vous devez Je dois prendre congé de vous maintenant,
d’abord vider votre tasse. Débarrassez-vous, amis. Il vous reste un long chemin à accomp-
mon ami, de toutes vos idées préconçues et lir et il vous faut voyager léger. Dès à présent,
restez neutre. Savez vous pourquoi cette tasse débarrassez-vous du fardeau de ces conclu-
est si utile ? Parcequ’elle est vide. sions toutes faites qui appartiennent au passé.
(Pensée taoiste) Montrez-vous ouverts aux choses du monde et
aux personnes et enrichissez-vous de nouvelles
Paradoxalement le cerveau n’accepte pas de expériences. Souvenez-vous amis, que l’utilité de
nouveaux concepts ou opinions. D’abord ce que la tasse se révèle dans la vacuité. (Pensée)
nous disent les autres n’est entendu et compris
que si ça s’accorde avec ce que nous savons
déjà. Si ça ne s’accorde pas, ça ne devient que
ce que les linguistes appellent “signifiant” un mot
sans sense concret pour le cerveau, ça ne signi-
fie quelque chose que si nous pouvons le mettre
en rapport avec un apprentissage antérieur.
“Un être vivant, c’est une mémoire qui agit.”
Dans un discours quelconque, dans une opinion
émise, nous retenons simplement ce qui cor-
respond à ce que nous savons déjà. On peux
l’enrichir d’ailleurs mais ça n’est valable que si ça
s’accorde. Finalement, on entend que ce qu’on
veut bien entendre.