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L’impact économique de l’immigration au Canada

The economic impact of immigration in Canada


Moulay Omar Mharzi, PhD student
Université d’Ottawa (Canada)

Résumé

L’objectif du présent article est de rendre compte de l’impact de l’immigration sur l’économie
canadienne, au cours de la période 2000-2015. Pour se faire, deux indicateurs ont été mobilisés
pour mesurer cette éventuelle incidence de l’arrivée de migrants sur le sol canadien. En premier
lieu, nous avons mesuré l’impact de l’immigration sur le marché de travail, en particulier, sur le
chômage. En deuxième lieu, nous avons quantifié la corrélation entre l’immigration et le Produit
intérieur brut (PIB). Cette étude est basée sur une approche quantitative en faisant l’usage d’une
régression linaire. Dans les deux cas, le lien statistique est non significatif.

Mots-clés: Immigration, économie, chômage, Produit intérieur brut, l’impact de l’immigration

Abstract

This article aims to explore the effect of the migration on Canada’s economy during the period
2000-2015. The paper mobilizes two indicators. On one hand, it focuses on the impact of
immigration on the unemployment. On the other hand, the effect of immigration on gross domestic
product. This study uses a quantitative approach. In particular, a linear regression was used to
quantify the correlations. In both cases, the relationship observed is not statistically significant.

Keywords: Immigration, economy, unemployment, Produit intérieur brut, impact of immigration

ISSN: 2509-176X REVUE AFRICAINE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES 1


introduction
La migration, en tant que phénomène multidimensionnel, a des racines historiques, comportant
une dimension appartenant au présent et des perspectives pour les enjeux de l’avenir. Face aux
inégalités abyssales qui se creusent entre les États, chaque année des millions de personnes se
déplacent d’un espace géographique à un autre (national ou international) pour améliorer leur sort.
En dépit du verrouillage des frontières appliqué par certains pays, le flux migratoire ne cesse
d’augmenter. D’après les chiffres de l’ONU, le nombre de migrants internationaux en 2015 est
estimé à près de 250 millions, soit 3,4 % de la population du globe. Alors qu’en 2000, le nombre
de migrants ne dépassait pas 170 millions, soit 2,9% de la population mondiale. Outre la mobilité
des capitaux et des biens propulsée par la mondialisation, s’ajoute à cette dynamique la mobilité
internationale du capital humain. Sous une certaine perspective, la mobilité de tous ces facteurs
résulte d’une disparité en termes de dotation en ressources économiques et démographiques. À cet
égard, la migration semblerait un mode de régulation naturel des déséquilibres internationaux pour
reprendre l’expression de Christophe Guilmoto (2013).
De l'aveu général, les migrations sont le moteur de la mondialisation. Elles ont ouvert la planète à
la circulation migratoire. En fait, il existe une relation dialectique entre le flux migratoire et la
mondialisation. L’articulation entre ces deux phénomènes a fait l’objet de nombreux travaux de
recherches et d’analyses politiques. D’ailleurs, « [p]resque tout le monde reconnaît que ces
évolutions de la migration internationale et des politiques d’immigration sont liées à un processus
mondial de transformations économiques, culturelles et politiques auquel renvoie couramment le
terme « mondialisation » » Simmons (2002). À vrai dire, la migration est le corollaire mécanique
de la croissance démographique. Dans une perspective inversée, il n’est pas moins important de
rappeler que les fluctuations migratoires sont appelées à devenir une cause majeure de variation et
de changement dans un univers démographique qui tend à s'homogénéiser Guilmoto, Sandron
(2013). Bref, le flux migratoire est multifactoriel et ses implications prennent plusieurs allures et
se déclinent sous différentes natures.
Tout au long de l’histoire humaine, les pouvoirs politiques ont tenté, selon diverses finalités, de
maîtriser la mobilité des gens. Le Canada fait partie des pays qui déploient des politiques
migratoires volontaristes pour répondre à des besoins essentiellement démographique et
économique. À la fin du XIXème siècle, le Canada recevait en moyenne 17 000 immigrants par an,
et les chiffres ont ensuite constamment progressé : en 1905, 141 464 personnes sont acceptées, en

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1913, plus de 400 000 Paran (2001). Ce pays nordique ne cesse de recevoir de nouveaux
immigrants sur son sol. L'Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011 révèle qu'un
Canadien sur cinq (20,6 %) est né à l'étranger, soit 6 775 800 personnes Statistique Canada (2016).
Cela dit, il est donc légitime de se demander si l’immigration est une source de richesse pour le
Canada. Pour répondre à ce questionnement, nous avons divisé notre travail en deux parties. La
première partie présente les théories de la migration dont nous essayerons de circonscrire le relief.
La deuxième partie présente l’impact du flux migratoire sur l’économie canadienne.
1 Problématique
1.1 Pertinence sociale
Il faudrait « comprendre le monde pour le changer » comme le dit Pierre Favre. Il est donc fort
intéressant de se pencher sur une problématique de recherche rattachée à des questions socialement
pertinentes. Conséquence apparente de la mondialisation, la migration internationale suscite
constamment les débats publics et alimente des polémiques sans cesse dans les pays importateurs
de la force de travail. En effet, partout dans les pays industrialisés, il y a une polarisation entre les
tenants de l’immigration et les détracteurs de celle-ci. En d’autres termes, le débat oscille entre
deux discours. L’un est pro-immigrationniste tandis que l’autre est aux antipodes de cette tendance.
Les deux camps ne cessent de brandir des études scientifiques pour appuyer leur argumentaire ce
que nomme Robert Prost « la scientifisation du politique ».

Toujours est-il que l’immigration exerce une influence qui pèse tant bien que mal sur l’opinion
publique. D’après un sondage réalisé par la firme Environics pour le compte de la Fondation
canadienne des relations raciales (FCRR), 80% des Canadiens disent que l'immigration a des
retombées positives sur l'économie du pays Bellavance (2016). Il n’en est pas moins vrai que, de
manière générale, l’ouverture des Canadiens natifs à l’égard de l’immigration varie constamment
selon le contexte économique et politique national et international. À titre d’exemple, dans la
foulée des attentats de Paris, suite au projet d’Ottawa qui confierait au Québec l'accueil de 5700
réfugiés, une pétition anti-réfugiés a accueilli plus de 50 000 signatures Radio-Canada (2015).
Quoi qu’il en soit, au Canada, y compris le Québec, la tendance générale demeure favorable à
l’immigration. Pratiquement, toutes les formations politiques ne rejettent pas en bloc l’accueil des
nouveaux arrivants, en ce sens que le débat est souvent levé sur le niveau d’immigration annuel.

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1.2 Pertinence scientifique
Lorsque l'on appréhende les implications de l’immigration sur l’économie, on retrouve deux types
d’études : à court et à long terme. L’étude américaine de Carter et Sutch (1997) qui analyse
l’impact économique de l’immigration à long terme qui couvre la période entre le XIXème siècle et
une partie du XXème a conclu sur les retombées positives de l’immigration sur le sol américain.

Dans le contexte canadien, les études convergent à la limite vers l’impact faible, statistiquement
non significatif, de l’immigration sur l’emploi et sur le chômage des Canadiens natifs. Ce résultat
a notamment été démontré par Marr et Siklos (1995), Green (1995) et Beaudry, Green et Sand
(2010). Dans cette optique, nous évoquons l’étude de Akbari et DeVoretz (1992) qui ont fait appel
à une fonction de production agrégée translog en mobilisant trois variables : les travailleurs natifs,
le capital et les travailleurs immigrants. Leur résultat démontre l’absence d’un effet significatif de
la présence des immigrants sur les salaires des natifs. À l’aide des données des recensements,
Grenier (2008) a mené une étude comparative en termes de gains entre certains groupes de
travailleurs : les jeunes, les travailleurs peu éduqués et les femmes. Les résultats montrent
l’absence d’incidences négatives de la présence des immigrants, sauf un peu sur les jeunes
hommes. « Les conclusions des recherches jusqu’à ce point ne confirment donc pas les craintes
qu’on pourrait avoir sur les effets néfastes de l’immigration». Il n’en reste pas moins que quelques
études démontrent des effets négatifs de l’immigration sur les travailleurs natifs. À cet égard,
l’étude de Borjas (2006) sur trois pays : les États-Unis, le Canada et le Mexique est révélatrice. En
ce qui concerne le cas du Canada, bien que l’immigration ait réduit l’inégalité salariale, l’impact
de celle-ci est négatif sur les salaires des natifs. En termes plus précis, chaque variation de 10 %
de l'offre de main-d’œuvre engendrée par le flux migratoire correspondrait à une variation,
inversement proportionnel, de 3 % à 4 % des gains hebdomadaires.
S’agissant de l’impact de l’immigration sur le RNB par habitant des Canadiens, les études ne font
pas l'objet d'un consensus. Un travail réalisé par Marr et Percy (1985) pour la Commission
Macdonald s’est penché sur cette question. Leur résultat débouche sur des effets négatifs de
l’immigration sur le revenu réel par habitant.
Il s’en dégage un certain consensus selon lequel un accroissement de l’immigration se
traduirait par une hausse des variables d’ensemble, telles que la population active,

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l’investissement et les dépenses réelles brutes, mais occasionnerait […] une baisse du
revenu réel par habitant et des salaires réels.

Toutefois, les auteurs de cette étude ont fait part de leurs objections concernant la méthodologie
employée. Les réserves de Marr et Percy se basent sur le fait que cette étude (et d’autres études)
ne tient pas en compte les économies d’échelle réalisées au niveau de la production. Considérant
les effets d’échelle éventuelle de l’immigration, Termote (1978) dans son étude, est arrivé à des
résultats divergents. « C’est dire que l’immigration internationale a permis d’ajouter 129$ ($
constant de 1961) au revenu réel par tête en 1974, ce qui représente 10,3% de l’augmentation du
revenu réel par tête entre 1951 et 1974, et 5% du revenu de 1974 ».
Somme toute, les études en la matière concluent sur des résultats contradictoires entre effets
économiques positifs et négatifs, d’où « la lacune analytique » du présent travail. Selon le
démographe Victor Piché, la problématique ou la limite fondamentale de ces travaux est d’ordre
méthodologique, nous y reviendrons plus tard.
3 Question de recherche
Cette étude vise, principalement, à appréhender l’articulation entre l’immigration et l’économie.
Plus précisément, notre intérêt va porter sur l’impact économique de l’immigration sur le sol
canadien. La question de recherche peut être formulée comme suit : au Canada, de 2000 à 2015,
quelles sont les implications de l’immigration sur le marché de travail et le PIB?
4 Méthode de recherche employée
Le processus intellectuel du présent travail s’inscrit principalement dans une démarche descriptive.
Comme le dit Richard Lefrançois la description et la première démarche de recherche susceptible
de consolider les assises d’un nouveau champ disciplinaire. Pour accomplir ce travail, nous avons
adopté une approche qualitative dans la première partie du travail : « l’observation documentaire »
et « la consultation de spécialistes ». Concernant l’observation documentaire, plusieurs techniques
ont été investies, à savoir le dépouillement1, la codification et l’analyse du corpus (ouvrages,
thèses, articles scientifiques, rapports de recherche, études empiriques, etc.)

1
Action d'étudier et d'analyser de façon approfondie un texte, un ensemble de documents, etc., pour en
extraire quelque chose, pour reprendre la définition de La rousse.

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La consultation de spécialistes, quant à elle, vise à mettre à profit les connaissances et l’expertise
d’un expert sur notre objet de recherche. Dans la présente étude, nous avons consulté Mustapha
Amraoui, consultant interculturel.
La deuxième partie, quant à elle, est basée sur une approche quantitative en faisant l’usage d’une
formule mathématique. Nous avons mobilisé une régression linaire pour mesurer les incidences
économiques de l’immigration sur le pays d’accueil, dans ce cas le Canada, au cours de la période
2000-2015. Pour opérationnaliser notre objet de recherche, nous avons retenu quelques indicateurs
: le taux de chômage, le PIB réel et le PIB par habitant.
5 Les incidences économiques de l’immigration au Canada

5.1 Portrait de l’immigration permanente2


Avant d’aborder les effets économiques de l’immigration sur le Canada, il est fort intéressant de
dévoiler le portait du migrant qui s’installe sur le sol canadien. Il est à noter que le Canada est une
société dont le profil est multiculturel. L’immigration a façonné et continue de façonner la
composition culturelle et ethnique du pays.
Le Canada était et continue d’être une terre d’immigration. Depuis la Confédération (1867), 17
millions d’immigrants se sont installés sur le sol canadien. Annuellement, le nombre d’immigrants
reçus fluctue en raison de l’état de l’économie, des événements internationaux associés aux flux
migratoires, etc. À titre d'exemple, la Grande Dépression des années 1930 a provoqué une chute
fulgurante en termes de nombre d’entrées au pays. Il n’en reste pas moins que depuis les années
1990, le nombre d'immigrants reçus s'est maintenu à un niveau relativement élevé d'environ 235
000 nouveaux immigrants en moyenne par année Statistique Canada (2016). « L’immigration a
augmenté de façon considérable en période d’expansion économique et a connu des baisses
marquées en période de ralentissement économique extrême » Statistique Canada (2017).
Cependant, au cours de la crise 2008-2009, le niveau d’immigration n’a pas été affecté. Somme
toute, il existe un lien dialectique entre le niveau d’immigration et la santé économique.

En ce qui concerne l’époque qui fait l’objet de notre étude (2000-2015), le nombre d’immigrants
accueillis au Canada varie entre 199 170 et 320 932, respectivement en 2002/2003 et 2015/2016.

2
L’intégralité des données de ce portrait provient d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC)
et Statistique Canada.

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Selon Statistique Canada, le nombre de 320 932 immigrants reçus en 2015/2016 n’avait jamais
été atteint depuis 1910, dans le contexte de la colonisation de l’Ouest canadien Statistique Canada
(2016).

Figure 1.1 - Le nombre d'immigrants accueillis au Canada par année.

350000
300000
250000
200000
150000
Le nombre d'immigrants
100000 accueillis
50000
0
1999/2000
2000/2001
2001/2002
2002/2003
2003/2004
2004/2005
2005/2006
2006/2007
2007/2008
2008/2009
2009/2010
2010/2011
2011/2012
2012/2013
2013/2014
2014/2015
2015/2016

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) d’Immigration, Réfugiés et


Citoyenneté Canada (IRCC) divise l’immigration permanente en quatre catégories : l’immigration
économique, le regroupement familial, les réfugiés et personnes en situation semblable et autres
immigrants. Chacune de ces catégories se subdivise en sous-catégories. Dans le cas de
l’immigration économique, on retrouve les travailleurs qualifiés, les gens d’affaires, la catégorie
de l’expérience canadienne (CEC), pour n’en nommer que quelques-unes. À titre d’exemple, en
2014, le Canada a reçu 165 089 immigrants dans la catégorie de l’immigration économique, 66
661 résidents permanents dans la catégorie du regroupement familial et 28 622 personnes pour des
motifs d’ordre humanitaire. Pour la même année, le taux d’immigration était 7,3 pour mille. Il
s’agit l’un des taux les plus élevés depuis 2008. Il est à noter que les principaux pays de naissance
des immigrants en 2014 étaient : les Philippines, l’Inde, la Chine, la République islamique d’Iran
et le Pakistan.

Figure 1.2 - Nombre des immigrants accueillis par catégorie selon les 5 pays principaux de
naissance en 2014

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40000
35000
30000
25000
20000 Economique
15000 Famille
10000 Réfugiérs

5000
0
Philippines Inde Chine République Pakistan
islamique
d'Iran

5.2 Les effets de l’immigration sur le marché d’emploi au Canada

Le Canada comme les États-Unis ont tous deux connu des vagues migratoires importantes qui ont
façonné leur société. Il n’en reste pas moins que le Canada se distingue des États-Unis, ne serait-
ce qu’en raison du système de points3 et la situation géographique particulière du Canada.
En tant que facteur d’accroissement de la population, l’immigration octroie un bassin important
de la population active. Selon l’Enquête sur la population active (EPA), la population active issue
de l’immigration représente, en 2011, 21,2% de la population active totale contre 20% en 2001 et
18,5 % en 1991. Dans son article, Mouna Viprey (2003) estime que si le taux de l’immigration se
maintient, l’afflux des immigrants actifs assurerait la totalité de la croissance nette de main-
d’œuvre entre 2011 et 2016. Cela dit, le constat est clair et sans appel : l’immigration est un moteur-
clé de l’accroissement de la population active canadienne. Bien que la part de la population
immigrante active devienne de plus en plus importante, le taux d’emploi de ce segment de la
population est moins élevé comparativement aux natifs. La figure 3 illustre le taux d'emploi chez
les immigrants et les natifs du Canada âgés de 25 à 54 ans, par province pour l’année 2011
Figure 1. 3 - Le taux d'emploi chez les immigrants et les natifs du Canada âgés de 25 à 54
ans, par province pour l’année 2011.

3
Un mécanisme de sélection des immigrants basé sur des critères préétablis.

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Quand on aborde la thématique de l’immigration, on évoque systématiquement les incidences de
ce phénomène sur le taux de chômage. Les tableaux ci-dessous rendent compte du taux
d’immigration (la proportion des immigrants par rapport à la population totale) et le taux de
chômage (le pourcentage de la population active qui est sans emploi), et ce, dans une perspective
descriptive. Nous avons calculé ces résultats pour des périodes dont la fréquence est de 4 ans en
comparaison avec l’ensemble de la période, en l’occurrence 2000-2015.
À la lumière de ces résultats, nous constatons que seules les périodes de 2004-2007 et de 2012-
2015 ont un taux de chômage moyen respectivement de 6,57% et 7,05%, inférieurs au taux de
chômage moyen de l’ensemble des données, 7,11. La période de 2008 à 2011 a enregistré un taux
de chômage moyen le plus élevé (7,5) de toutes les périodes avec un taux d’immigration
le plus haut (0,765). La période 2004-2007 quant à elle, a enregistré le taux de chômage le plus
bas de toutes les périodes (6,57) avec un taux de chômage supérieur à la moyenne de l’ensemble
de la période (0,76). Bref, de manière globale le flux de l’immigration moyen oscille entre 0,73 et
0,76, alors que le taux de chômage oscille entre 6,57 et 7,5.

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Tableau1.1 Statistiques descriptives de l’immigration et du taux de chômage

Chômage Immigration
Période 2000 / 2015
Fréquence 15 ans
Moyenne 7.112 0.755
Médiane 7.150 0.758
Maximum 8.000 0.824
Minimum 6.000 0.635

Chômage Immigration Chômage Immigration


Période 2000 / 2003 Période 2004 / 2007
Fréquence 4 ans Fréquence 4ans
Moyenne 7.325 0.758 Moyenne 6.575 0.760
Médiane 7.400 0.787 Médiane 6.550 0.761
Maximum 7.700 0.824 Maximum 7.200 0.787
Minimum 6.800 0.635 Minimum 6.000 0.731

Chômage Immigration Chômage Immigration


Période 2008 / 2011 Période 2012 / 2015
Fréquence 4 ans Fréquence 4 ans
Moyenne 7.500 0.765 Moyenne 7.05 0.736
Médiane 7.800 0.759 Médiane 7.00 0.755
Maximum 8.300 0.804 Maximum 7.30 0.762
Minimum 6.100 0.737 Minimum 6.90 0.671

Une analyse comparative nous a permis de tirer quelques constats. Comme le montre la figure 4,
la population canadienne n’est pas affectée de la même manière par le chômage. De ce fait, nous
constatons un écart entre les taux de chômage enregistrés chez des immigrants et des natifs. Dans
l’ensemble du pays, le taux de chômage chez les immigrants était de 8% alors que chez les non-
immigrants il était de 6,8% : un écart de 1,2 point. Une autre donnée mérite d'être signalée : le taux
de chômage est plus élevé chez les femmes immigrantes que chez les femmes non-immigrantes
avec respectivement 8,2% et 6,1%. Il s’agit donc d’un écart de 2,1 points. Alors que chez les
hommes l’écart est d'à peine 0,4 point.
Figure 1.4 - Taux de chômage des 15 ans et plus selon le sexe, le statut d’immigrant, 2013

Pourcentage

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9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
Les deux Hommes Femmes Les deux Hommes Femmes Les deux Hommes Femmes
sexes sexes sexes
Population totale Immigrants reçus Populations nées au
Canada

Le Canada ne forme pas un ensemble monolithique dans le sens où chaque province est dotée de
sa propre réalité et, conséquemment, les dynamiques d’ajustement du marché de travail changent
d’une province à l’autre. Le taux de chômage en est l’une des manifestations palpables. En 2013,
c’est au Québec où le taux de chômage chez les immigrants a atteint le pourcentage le plus élevé.
Le taux de chômage de cette catégorie de la population était de 11,3%, comparativement à 9% à
Terre-Neuve-et-Labrador, 11,1% en Île-du-Prince-Édouard, 9,1% en Nouvelle-Écosse, 7,3 à
Nouveau-Brunswick, 8,1 en Ontario, 5,6% au Manitoba et Saskatchewan, 5,2% en Alberta et 6,9%
en Colombie-Britannique Statistique Canada (2013). Dans cette perspective, une remarque
surprenante mérite d’être soulignée. Pour la même année (2013), dans toutes les provinces
maritimes sauf la Nouvelle-Écosse, le taux de chômage chez les immigrants est moins élevé que
chez les Canadiens natifs. En fait, la Nouvelle-Écosse elle-même enregistre un écart d’à peine 0,1
entre immigrants et natifs en termes de taux de chômage.
Nous pouvons aller encore plus loin pour explorer le lien entre l’immigration et le marché de
travail. Dans une perspective empirique, le marché d’emploi renvoie généralement à plusieurs
indicateurs, à savoir le niveau de salaire, le taux de chômage, le taux d’emploi, etc. Nous allons
donc soumettre une éventuelle corrélation entre le flux migratoire4 et le taux de chômage à un test
empirique, et ce, à travers une régression linaire simple.

4
La proportion des immigrants par rapport à la population totale.

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Le but de cette démarche est de quantifier le lien de cause à effet. Plus précisément, nous cherchons
à expliquer Y, la variation du taux de chômage entre la période 2000 et 2015, par m la variation du
flux de migrants entre les mêmes dates. Le a est la constante. Le b, quant à lui, correspond au
coefficient de régression qui mesure le changement moyen dans le taux de chômage correspondant
au changement d’une unité dans le flux d’immigration. Finalement le e reflète la marge d’erreur.
Pour que le modèle de régression soit solide, nous avons retenu trimestriellement les taux de
chômage et celui de l’immigration. Pour neutraliser les effets du chômage conjoncturel, nous avons
travaillé avec le taux de chômage cyclique qui est l’écart entre le taux de chômage observé à un
trimestre donné et le taux de chômage naturel. Ce dernier s’estime en faisant une sorte de moyenne
des taux de chômage sur la période d’analyse : 2000-2015. L’équation est donc :
Y=a+bm+e
Le tableau ci-dessus met en relief les résultats de la régression. Toutes choses étant égales par
ailleurs, une analyse corrélationnelle entre le taux de chômage cyclique et le flux d’immigration
est inversement proportionnelle : plus le taux d’immigration est élevé, moins le taux de chômage
cyclique l’est à un niveau de confiance de 95%. Il n’en reste pas moins que cette corrélation est
triviale du fait que le coefficient de régression est en deçà de 0,1. Qui plus est, le modèle dans son
ensemble est non significatif du fait que le R carré est collé à 0, (0,007).
Cela signifie que la grande part de l’explication est absente dans le modèle, car les taux de chômage
varient pour de multiples causes. De plus, le conseil économique du Canada « il est très difficile
d’isoler les incidences hypothétiques de la seule immigration ».

Tableau 1.2 - Le taux de chômage selon le flux d’immigration

Variables Coefficient P-value (erreur)


Taux de chômage vs. Flux -0.9 0.47
d’immigration
Le nombre d’observations5 (N) = 64
R-carré = 0.007

5
Le nombre d’observation renvoie à la période d’analyse, en l’occurrence les 64 trimestres entre 2000 et 2015.

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5.3 Effets de l’immigration sur la croissance économique le PIB
Outre le marché de travail, la santé économique est associée à la taille de celle-ci, à savoir le PIB.
Donc, il est fort intéressant de se demander si l’augmentation de la population immigrante a comme
effet sur la valeur marchande totale de la production économique du Canada, laquelle peut être
captée par le PIB à travers ses variantes : le PIB par habitant et le PIB réel.
Dans cette section, la question préalable qu’il faudrait se poser : qu’en est-il de la contribution des
personnes issues de l’immigration à la croissance démographique du Canada? Pour répondre à ce
questionnement, nous avons mis en graphique l’accroissement naturel et migratoire annuel sur le
sol canadien entre 2000 et 2015. Le graphique 5 montre qu’une part importante de la croissance
démographique canadienne est attribuable à la population immigrante. En ce sens, l’immigration
s’avère le principal moteur de l’accroissement de la population canadienne. D’après les projections
de Statistiques Canada, cette tendance se maintiendrait si bien qu’en 2015 l’accueil de nouveaux
arrivants pourrait représenter 100% de la croissance démographique.

Figure 1.5 - L’accroissement naturel et migratoire annuel au Canada, 2000 à 2015

300000

250000

200000
Accroissement
150000 naturel
Accroissement
100000 migratoire
50000

0
20002002200420062008201020122014

Selon la théorie classique de la taille de la population, il existe un lien dialectique entre la taille de
la population et le niveau de vie. Autrement dit, l’accroissement de la population est bénéfique
pour le niveau de vie, dont le PIB per capita est un bon indicateur, à mesure que cette croissance
ne dépasse pas la capacité d’absorption du pays, ce que l’on nomme « la loi des rendements
marginaux décroissants ».

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À la lumière de cette théorie, chaque pays a une taille démographique optimale. Selon Le conseil
économique du Canada, hypothétiquement, si la taille démographique est en deçà de ce niveau
optimal, l’accroissement migratoire pourrait l’aider à s’en approcher, augmentant ainsi l’efficacité
économique et, par conséquent, le niveau de vie aussi bien de la population d’accueil que des
immigrants. Le but de ce travail ne cherche pas à vérifier si le Canada atteint une démographie
optimale. Mais notre entreprise est simplement de savoir l’implication de l’accroissement
migratoire (immigration nette)6 sur le PIB per capita. Pour ce faire, nous avons, dans un premier
temps, mis en exergue des statistiques descriptives et dans un deuxième temps, nous avons fait une
régression simple pour mesurer l’impact de l’accroissement migratoire sur le PIB per capita pour
la période 2000-2015. À cet égard, l’accent sera mis sur les incidences « macroéconomiques » ou
« globales » de l’immigration sur le niveau de vie, dans ce cas le PIB per capita.
Avant de croiser les variables « le taux de chômage » et « le PIB par habitant », il n’est pas moins
important de mettre en perspective quelques statistiques descriptives. À cet égard, nous avons
calculé dans le tableau ci-dessous les mesures de tendance centrale pour l’ensemble de la période
2000-2015. Ensuite, nous avons réparti cette période en 4 segments temporels (2000-2003 ; 20004-
2007 ; 2008-2011 ; 2013-2015) dans le but de mettre en perspective des analyses comparatives.
Nous constatons que seules les périodes de 2008-2011 et de 2012-2015 ont un taux de variation
du PIB per capita moyen respectivement de -0,017% et 0,842%, inférieur à celui de l’ensemble
des données (1,146). La période de 2000 à 2003 a enregistré le PIB per capita moyen le plus élevé
(1,972) de toutes les périodes avec un taux d’immigration supérieur à la moyenne de l’ensemble
de la période (0,755). Tandis que la période de 2008-2011 a enregistré le PIB per capita le plus bas
à cause bien entendu de la crise économique. Cependant, le taux d’immigration n’avait pas baissé.
En ce sens, la récession de 2008 n’a pas poussé le gouvernement à revoir sa politique migratoire.
Au-delà du cycle conjoncturel, le Canada est doté d’une planification à long terme, en ce sens que
ce pays nordique établit un objectif pour les migrations économiques définitives (Chaloff, Dumont,
Spielvogel, 2009). D’ailleurs, « de nombreux pays de l’OCDE n’en sont pas encore venus à limiter
les migrations de travail, et ceux qui se sont dotés d’objectifs d’immigration à long terme (comme
la Nouvelle-Zélande et le Canada) maintiennent leurs objectifs en dépit des prévisions de
récession. » (Chaloff, Dumont, Spielvogel, 2009).

6
immigrant(s)(s)/1.000 habitants

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Somme toute, le flux de l’immigration moyen oscille entre 0.73 et 0.76, alors que le taux de
variation du PIB par habitant oscille entre -0.17 et 1.97.

Tableau 1.3 Statistiques descriptives de l’immigration et du PIB par habitant.

PIB per capita Immigration


Période 2000 / 2015
Fréquence 15 ans
Moyenne 1.146 0.755
Médiane 1.360 0.758
Maximum 4.260 0.824
Minimum -4.051 0.635

PIB per Immigration PIB per Immigration


capita capita
Période 2000 / 2003 Période 2004 / 2007
Fréquence 4 ans Fréquence 4ans
Moyenne 1.972 0.758 Moyenne 1.785 0.760
Médiane 1.440 0.787 Médiane 1.935 0.761
Maximum 4.260 0.824 Maximum 2.190 0.787
Minimum 0.750 0.635 Minimum 1.080 0.731

PIB per Immigration PIB per Immigration


capita capita
Période 2008 / 2011 Période 2012 / 2015
Fréquence 4 ans Fréquence 4 ans
Moyenne -0.017 0.765 Moyenne 0.842 0.736
Médiane 0.925 0.759 Médiane 0.920 0.755
Maximum 2.130 0.804 Maximum 1.440 0.762
Minimum -4.050 0.737 Minimum 0.090 0.671

À présent, il est possible d’analyser plus directement le lien causal entre l’immigration et le niveau
de vie. Nous allons mobiliser un indicateur relatif à l’immigration (l’accroissement migratoire) et
un indicateur reflétant le niveau de vie (le PIB per capita). Pour ce faire, nous avons fait appel à
une régression linéaire simple. Le but est de vérifier statistiquement une éventuelle corrélation
entre les deux variables en question. L’équation peut être écrite comme suit :
Y=a+bM+e
Par cette équation on cherche à expliquer Y (le PIB per capita) par M (l’accroissement migratoire).
Le tableau 1.4 résume les principaux résultats de la régression.

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Tableau 1.4 - Le PIB per capita selon le taux d’immigration

Variables Coefficient P-value (erreur)


PIB per capita vs. -0.5 0.05
L’accroissement migratoire
Le nombre d’observations7 (N) = 64
R-carré = 0.18

Nous constatons que la corrélation entre l’accroissement migratoire et le PIB per capita est
négative (-0.5) et statistiquement non significative à un niveau de confiance de 95%. En termes
plus clairs, plus le taux de l’accroissement migratoire est élevé, plus il y aurait une diminution
légère au niveau de la richesse individuelle (moyenne), mais cette variation est statistiquement non
significative. On pourrait expliquer ces résultats par un phénomène abordé abondamment par la
littérature : l’écart entre les immigrants et les Canadiens natifs en termes de productivité. Outre le
taux de chômage qui est constamment élevé chez les immigrants comparativement au natifs8, les
immigrants sont moins rémunérés que les Canadiens d’origine. La population immigrante s’intègre
lentement sur le marché de travail, en ce sens qu’une cohorte d’immigrants passe plusieurs années
pour rattraper une cohorte ancienne. Selon Statistique Canada,
Les gains d’emploi des nouveaux immigrants sont généralement plus faibles que ceux de
travailleurs non immigrants dont les caractéristiques sont comparables, mais que l’écart
initial entre les gains d’emploi diminue à mesure que les immigrants s’adaptent au
marché du travail dans la société qui les accueille.

Bref, une faible participation des immigrants dans le marché de travail pèse tant bien que mal sur
le PIB par habitant. Dans cette perspective, une question contrefactuelle surgit immanquablement :
qu’est-ce qui se serait arrivé si la productivité des Canadiens natifs et des immigrants sont sur un
même pied d’égalité, c’est-à-dire le même niveau de salaire et le même taux de chômage ? Pour
répondre à cette question, nous évoquons une étude intitulée The Economic Benefits of Improving

7
Le nombre d’observation renvoie à la période d’analyse, en l’occurrence les 64 trimestres entre 2000 et
2015.
8
Radio Canada, Les immigrants toujours discriminés sur le marché du travail, selon une etude, 27
septembre 2016, URL http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/805362/etude-iris-discrimination-immigrants-
emploi-salaire

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Labour Market Outcomes of Recent Immigrants qui a été réalisée par Bouaissa (2003). Selon les
résultats de cette étude, si la situation des immigrants sur le marché de travail était la même que
les Canadiens natifs, le PIB par habitant augmenterait. Cela dit, une amélioration du sort des
immigrations pourrait contribuer à l’élévation du niveau de vie de la population. :
Dans le deuxième scénario, il suppose que la situation des immigrants sur le marché du travail sera
la même que celle des natifs, avec un taux de chômage pour tous de 6,9 %. Le but de l’exercice est
d’estimer les avantages qu’on obtiendrait pour l’ensemble de l’économie si on améliorait la
performance des immigrants. Les résultats montrent que l’amélioration des conditions d’emploi
des immigrants augmenterait le PIB par habitant, mais que cette hausse serait relativement modeste.
(Boudarbat , Grenier, 2014)

Nous allons nous pencher maintenant sur l’effet de l’immigration sur le PIB réel. Pour ce faire,
nous avons repris la même logique de la régression précédente, celle qui mesure l’impact de
l’immigration sur le PIB par habitant. Sauf que cette fois, la variable expliquée sera le PIB réel au
lieu du PIB par habitant. Le tableau ci-dessous met en lumière les résultats de cette régression.
Tableau 1.5 - Le PIB réel selon le taux d’immigration

Variables Coefficient P-value (erreur)


PIB réel vs. L’accroissement 0.09 0.43
migratoire
Le nombre d’observation (N) = 64
R-carré = 0.6

Comme le démontre le tableau ci-dessus, la corrélation entre le PIB réel et l’immigration est
positive (0.09), mais elle est en deçà du minimum des bornes de Cohen (0.1). De là, la corrélation
est triviale. En outre, la relation est non significative avec une P-value >0.05.
On pourrait expliquer ces résultats, de manière schématique, par le fait qu’une croissance de
l’immigration a pour effet d’accroître légèrement l’offre de travail ainsi que la demande globale
des biens et des services et, par conséquent, une augmentation de la taille globale de l’économie.
Cette dynamique engendre un surplus de productivité dont les retombées sont bénéfiques pour la
taille globale de l’économie canadienne, soit le PIB réel. D'ailleurs, plusieurs études abondent dans
ce sens. À l’aide du modèle d’équilibre général fondé sur les cycles de vie, Fougère, Harvey et
Rainville (2011) ont utilisé des simulations pour estimer l’impact d’une hausse de la proportion

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des nouveaux arrivants de 0,75 % à 1 %. Leurs résultats débouchent sur une augmentation du PIB
réel.
Au cours de notre processus intellectuel, nous avons fait appel à l’expertise du consultant
interculturel Mustapha Amraoui (2017). Selon cet expert :
L'immigration est une clé de prospérité pour l'économie canadienne. En fait, sans ce flux
migratoire, la population canadienne âgée de 20 à 44 ans diminuerait. Cette cohorte, qui
constitue la majorité de la population active, est celle qui crée de nouveaux foyers, achète
de nouvelles maisons, a des enfants et paye la plus grande partie des impôts. Sans
l'immigration, la croissance naturelle du Canada ne suffirait pas pour soutenir la croissance
et le bien-être économique. Le Québec par exemple, compte tenu de sa structure
sociodémographique, a surtout besoin d'immigration pour accroître sa main-d'œuvre à
court terme afin de maintenir les coûts de ses programmes sociaux.9

5.4 Objections méthodologiques


De prime abord, force est de rappeler que toute démarche qui tente de mesurer l’impact du flux
migratoire sur le marché de travail canadien se heurte à des obstacles majeurs en raison, entres
autres, des variables explicatives non observables et par conséquent ne sont pas prises en compte
dans l’analyse. En d’autres mots, le sort de la force de travail peut être affecté par d’autres frictions
du marché du travail qui pourraient influer sur le chômage ne serait-ce que la rigidité à la baisse
des salaires qui elle-même est liée à plusieurs mécanismes (le gel salarial, l’inflation, etc). Toujours
est-il que lorsque l’économie fluctue, le chômage fluctue aussi. Il faut donc se rendre compte que
le chômage est imputable à un éventail de facteurs aussi bien structurels que conjoncturels.
S’agissant du PIB réel, nos résultats ont débouché sur une corrélation positive entre l’arrivé d’un
contingent de migrants et le PIB réel. Or il est normal que la taille globale de l’économie augmente
suite à un accroissement du facteur travail, d'où la non-pertinence de cet indicateur.

Il existe une multitude d’agents économiques qui participent à la valeur marchande totale de la
production économique. L’explication du PIB par habitant par un seul facteur, en l’occurrence
l’immigration, met en arrière-plan un vaste arsenal d’agrégats macro-économiques qui sous-
tendent tout le circuit économique. Donc pour mesurer l’impact de l’immigration sur le chômage
ou le PIB, par exemple, il faut développer un modèle économétrique très robuste qui tient en
compte la complexité des processus macroéconomiques et un nombre important de paramètres

9
Entrevue avec Mustapha Amraoui, Ottawa, 15 juin 2017, 30 minute.

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(c’est-à-dire les variables), si tant est qu'on y arrive, les défis méthodologiques y sont de taille. En
dépit de la robustesse d’un tel modèle, celui-ci demeure une représentation extrêmement simplifiée
d’une réalité éminemment complexe.

Une deuxième objection peut être soulevée quant à la portée heuristique des régressions élaborées
dans ce travail. Au-delà des variables non observables, les modèles de régressions que nous avons
utilisés souffrent d’une « homogénéité totale », en ce sens que la population active n’est pas un
bloc monolithique. L’idéal aurait été d’isoler les travailleurs (immigrants et non-immigrant) dans
des catégories au lieu de les considérer comme une seule entité. Dans le même ordre d’idées, il
aurait fallu, en outre, catégoriser les travailleurs sous forme de sous-ensembles en fonction de leurs
secteurs d’activité, de leur expérience, de leur niveau d’éducation, etc. Cette démarche permettrait
de mesurer les incidences de l’arrivée des immigrants sur le chômage de manière précise. Elle
permettrait aussi de savoir s’il existe une complémentarité ou une substituabilité entre les
immigrants et les Canadiens natifs. Si par exemple l’employabilité d’une catégorie professionnelle
est affectée par l’immigration, elle ne l’est pas forcément lorsqu’il s’agit d’une autre catégorie.

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