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toujours actuelle :
le processus
halakhique
Jeffrey R. Woolf
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et les deux Talmuds (« études »), le Talmud dit de Jérusalem, produit par
la yeshiva de Tibériade vers l’an 400, et le Talmud dit de Babylone, produit
par les yeshivot mésopotamiennes de Sura et Pumbedita vers l’an 500. Ces
deux Talmuds se présentent au premier abord comme un commentaire de
la Mishna et des corpus voisins, les beraïtot (« enseignements extérieurs »
[au corpus mishnique]), qu’on retrouve souvent dans la Tossefta (« complé-
ment ») et dans les midrashim halakhiques ; mais ils en sont venus à englober
l’ensemble des manifestations du judaïsme rabbinique. Cela est particulière-
ment vrai du Talmud de Babylone, élaboré plus tard et sur un laps de temps
plus long, et qui devait s’imposer à partir du milieu du IXe siècle comme la
pierre de touche de tout développement halakhique ultérieur, à la suite des
efforts volontaristes des yeshivot babyloniennes et de leurs directeurs, les
Geonim, dorénavant basés à Bagdad, qui mirent tout en œuvre pour faire
de « leur » Talmud la référence ultime de toutes les communautés juives de
diaspora. Le Talmud de Babylone et, à un degré moindre, le Talmud de Jéru-
salem et les autres corpus secondaires comme les midrashim, furent ainsi
considérés comme l’autorité à laquelle devaient se conformer chaque inter-
prétation et chaque décision halakhiques : ces dernières devaient être fon-
dées sur des sources talmudiques, précisément sur une lecture cohérente de
celles-ci, même si d’autres références restaient envisageables.
Ce dernier point est essentiel. En effet, dès avant la rédaction et la promul-
gation finales du Talmud, il n’existait plus d’instance centrale dont l’autorité
halakhique se serait imposée à l’ensemble du monde juif ; les divergences
d’avis et la controverse en étaient venues à faire partie intégrante du proces-
sus halakhique. Certes, les yeshivot babyloniennes prétendirent un temps
détenir le monopole de l’interprétation correcte du Talmud et se réserver
le privilège de dire la norme pratique ; mais elles échouèrent à faire dura-
blement admettre cette autorité et la halakha connut une décentralisation
incontestable, ce qui fit naître en retour toute une série de questionne-
ments qui marquèrent profondément la jurisprudence juive dans tous les
domaines, et ce, jusqu’aujourd’hui. L’objet de ce chapitre est de mettre en
lumière ces différentes problématiques d’un système juridique décentralisé
et les réponses qu’y ont apportées les principales traditions halakhiques.
Tout ce que nous allons développer est valable autant pour la période
antique que pour le temps présent ; nous nous concentrerons cependant sur
ce qu’on pourrait appeler l’âge classique du judaïsme, entre la clôture défi-
nitive du Talmud et sa diffusion vers l’an 700, et les prémices du judaïsme
contemporain vers 1700.
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Mosaïque d’une synagogue de Re’hov, aux VIe et VIIe siècles. Le texte indique quels produits
agricoles doivent être soumis aux prélèvements bibliques en fonction des saisons et du
lieu de production. Le texte est très proche, dans le fond comme dans la forme, de ce que
nous ont transmis les textes rabbiniques comme le Sifré ou la Tossefta. Placée dans un lieu
de grande affluence populaire, cette inscription illustre l’interpénétration de la culture
rabbinique et de la culture synagogale, ainsi que la place du discours halakhique dans la
vie quotidienne des communautés juives.
L’AUTORITÉ « RABBINIQUE »
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Sanhédrin ch. 4). Ceux des savants qui n’avaient pas reçu la semikha mosaïque
étaient également investis d’un pouvoir décisionnaire, mais celui-ci était
limité aux lois rituelles et à certaines affaires de droit civil relevant de l’arbi-
trage, à l’exclusion de la majeure partie du droit civil et du droit pénal et cri-
minel. De telles contraintes rendaient l’établissement d’un système judiciaire
opérant extrêmement difficile, voire impossible, en dehors de la terre d’Israël.
C’est pourquoi les autorités babyloniennes mirent en place des bases théo-
riques qui faisaient des rabbins de la diaspora des « délégués des Sages de la
terre d’Israël » habilités, à ce titre, à juger un nombre plus étendu, quoique
toujours restreint, d’affaires civiles, matrimoniales et criminelles (T. B. Baba
Kama 84b). Cette théorie de la délégation d’autorité devait servir de modèle à
d’autres entreprises similaires destinées à préserver la viabilité et l’applicabi-
lité futures de la halakha.
En 425, l’office de patriarche (nassi) de la terre d’Israël fut aboli par les
empereurs byzantins. Le nassi, dont la charge était héréditaire, était à la fois
l’autorité politique suprême de la communauté et le président du Sanhédrin
ou tribunal suprême. La disparition de cette charge impliquait la fin abrupte
de la chaîne traditionnelle de semikha, engendrant une crise institution-
nelle d’une ampleur inouïe depuis la destruction du Temple quelque trois
cent cinquante ans plus tôt : de vastes pans de la Loi juive tombaient en effet
théoriquement en désuétude. S’il n’y avait plus de maîtres détenteurs de la
semikha en terre d’Israël, comment les rabbins de la diaspora pourraient-ils
se présenter comme leurs délégués ? La foi profonde en la validité et l’appli-
cabilité éternelles de la Loi amena pourtant les savants de la terre d’Israël et
de Babylonie à mettre en place des palliatifs de l’absence de la semikha. Dans
certains cas, on détermina que la semikha n’était pas, en dernier recours,
indispensable pour juger ; dans d’autres, on adopta des décrets communau-
taires obligeant les membres de la communauté à se conformer aux déci-
sions des tribunaux rabbiniques même si les juges qui y siégeaient n’étaient
pas, faute de semikha, pleinement habilités à y siéger. Enfin, par un tour de
force conceptuel, l’idée finit par s’imposer que les maîtres des générations
antérieures avaient fait de leurs successeurs leurs représentants légaux, et ce,
jusqu’à la fin des temps (Rav A’hai Gaon, Sheïltot, no 58, s. v. baram ; Tossafot sur
Gittin 88b, s. v. de-shekhi’ha).
La disparition de la semikha continua de soulever des difficultés aussi
bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté juive. Son inexistence
fournissait un angle d’attaque idéal aux polémistes chrétiens, puisqu’elle leur
semblait appuyer la thèse supersessioniste, c’est-à-dire la thèse de la caducité
de l’ancienne Alliance et de l’Église chrétienne comme nouvel Israël. C’est
ainsi qu’en ouverture de la célèbre dispute de Barcelone en 1263 l’apostat
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Pablo Christiani insista sur le fait que son interlocuteur, Nahmanide, ne pos-
sédait pas de semikha : cela, arguait-il, mettait en cause sa légitimité à repré-
senter le « vrai » judaïsme et prouvait a contrario la véracité de l’interprétation
chrétienne du verset « Le sceptre ne s’écartera pas de Yehuda jusqu’à ce que
vienne Shilo » (Genèse 49, 10), ce dernier terme désignant le Messie. Pour les
chrétiens, le fait que toute légitimité politique et juridique institutionnelle
ait disparu dans la communauté juive après l’époque de Jésus prouvait la
messianité de ce dernier.
Mais la question de la semikha préoccupait également les Geonim de
Babylonie. À l’époque de leur pleine puissance, soit de 750 environ à la
mort de Rav A’hai Gaon en 1038, ils se consacrèrent pleinement à asseoir
l’autorité du Talmud de Babylone, à préserver leur monopole sur l’étude
et l’interprétation dudit Talmud, à promouvoir les traditions halakhiques
de Babylonie au détriment de celles de la terre d’Israël et à consacrer leurs
institutions comme les arbitres suprêmes dans toute dispute halakhique.
Dans cette optique centralisatrice, ils recouraient avec insistance au langage
de la semikha traditionnelle quand ils procédaient à des nominations ou
mettaient en scène leur autorité. On peut ainsi lire, sous la plume du Gaon
rav Sherira, au Xe siècle, cette audacieuse assertion : « Le premier rang [de
la yeshiva] équivaut au Sanhédrin et son directeur occupe la place de notre
maître Moïse. » (Iggeret Rav Sherira Gaon, éd. B. M. Lewin, p. xxviii.) Cepen-
dant, des cérémonies d’ordination formelles se tiennent également loin de
la Babylonie des Geonim, dans l’Espagne du XIe siècle, au cours desquelles
les étudiants se voient conférer un ersatz de semikha (R. Yehuda al-Barce-
loni, Sefer ha-Shetarot, p. 131-132). Tous ces efforts étaient néanmoins symbo-
liques et ne pouvaient nullement prétendre remplacer réellement la semikha
mosaïque authentique.
On doit à Maïmonide l’élucidation des conditions théoriques d’une réins-
titution de la semikha originelle, d’abord dans son commentaire de la Mishna
(Bekhorot 4, 3) puis dans son Mishneh Torah (Hilkhot Sanhédrin, 4, 11). Ses propo-
sitions devaient fournir les arguments essentiels de R. Ya‘akov Beirav quand
celui-ci tenta de ressusciter et la semikha et le Sanhédrin, à Safed en 1538. Sa
tentative échoua cependant, principalement à cause de l’opposition des rab-
bins de Jérusalem.
Finalement, donc, tant dans les sphères babylonienne et espagnole que
dans le monde franco-germanique, les étudiants méritants se contentaient
de la reconnaissance par leurs maîtres de leur capacité à répondre à des pro-
blèmes halakhiques, ce qui prenait parfois l’aspect formel d’une hatarat horaa
(« autorisation de formuler la Loi »). On considérait cette reconnaissance
comme suffisante pour leur permettre d’officier en tant que législateurs et
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juges, hormis dans les domaines, pénaux et autres, qui avaient toujours été
réservés aux détenteurs de la vraie semikha. Autrement dit, l’autorité rabbi-
nique avait mué, n’étant plus fonction que de l’érudition et de la piété indivi-
duelles attestées par le maître. Ce qui sous-tendait cette mutation, c’était un
charisme de l’étude et de la relation maître-disciple, lui-même rendu opé-
rant par l’adhésion volontaire et sans faille des membres de la communauté
au respect de la halakha (la question du rabbinat officiel et communautaire,
pour être liée, dépasse largement le cadre de ce chapitre ; on se reportera
à celui d’Elisheva Carlebach, « Les institutions juives au début de l’époque
moderne », p. 358).
L’un des marqueurs majeurs de ce changement de paradigme peut être
identifié dans les démarches du maître viennois R. Meïr b. Barukh ha-Lévi
(m. 1404). Dans le sillage de la Peste noire (1349-1350), le judaïsme allemand
avait été secoué par une série de massacres qui rendait nécessaire une réor-
ganisation des structures rabbiniques et la mise à l’écart de figures charis-
matiques à la légitimité douteuse. Il ordonna donc que les seuls individus
autorisés à servir comme rabbins, officiellement ou de manière informelle,
seraient ceux ayant reçu une licence leur permettant d’émettre des avis juri-
diques. Cette licence, qu’on vint à appeler populairement semikha bien
qu’il fût clair qu’elle ne remplaçait pas la semikha mosaïque, redéfinissait
la nature de l’investiture rabbinique qui avait jusqu’alors relevé de la seule
relation entre un disciple et ses maîtres. De nombreuses disputes devaient
naître de cet écart entre l’ancien usage et la nouvelle norme au cours des
deux siècles suivants. La plus célèbre de ces controverses opposa le grand
rabbin de Paris, R. Yo’hanan Treves (m. 1429), et R. Yeshaya Astruc de Savoie.
Ce dernier, qui avait reçu la nouvelle semikha de R. Meïr de Vienne, enten-
dait déposer le premier au motif qu’il ne détenait pas cette nouvelle licence.
La bataille devait faire rage jusqu’à l’expulsion des Juifs du royaume de
France en 1394. Avec le temps, cette notion selon laquelle un rabbin devait
obligatoirement être capable de se prévaloir de la reconnaissance formelle
d’une autorité halakhique reconnue se répandit dans toute l’Europe cen-
trale et orientale.
Dans l’aire séfarade, la situation était sensiblement différente dans la
mesure où un tel rabbinat institutionnalisé semble avoir existé dès le haut
Moyen Âge. Pourtant, la capacité d’un individu à trancher la loi ou à sié-
ger dans un tribunal rabbinique (beit din) restait bien déterminée par la
reconnaissance du maître personnel de l’individu. De plus, même dans les
cercles ashkénazes, la piété et l’érudition continuèrent de se voir accorder
une valeur bien plus grande que n’importe quel diplôme ou certificat, et
l’on connaît maintes autorités halakhiques de premier plan dont on sait
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qu’elles n’ont jamais reçu de tel diplôme, qu’on l’appelle hatarat horaa ou
semikha.
DE L’HUMILITÉ À LA RESPONSABILITÉ
L’acte de rendre une décision halakhique place le rabbin au cœur d’un grave
dilemme religieux. D’un côté, il est extrêmement présomptueux de prétendre
interpréter et trancher la Loi de Dieu, puisque cela revient à dire que l’on
connaît la volonté divine. D’un autre côté, c’est bien au savant que revient
cette lourde tâche d’appliquer la Loi, de « faire connaître [au peuple] la voie
qu’il convient de suivre et ce qu’il doit faire » (Exode 18, 20). Le Talmud (T. B.
‘Avoda Zara 19b) exprime ce paradoxe par une formule frappante : « Le verset
(Proverbes 7, 26) “Car nombreux sont les cadavres qu’elle [la fausse science]
a fait chuter” désigne le disciple qui n’a pas encore atteint le niveau requis
pour rendre des décisions et qui le fait quand même ; la suite du verset “et
imposant ceux qu’elle a tués” désigne celui qui a atteint ce niveau et qui s’abs-
tient cependant de rendre des décisions. » Certes, les conséquences des déci-
sions d’un ignorant peuvent se révéler dramatiques ; mais celles qui découlent
du refus de se prononcer de celui qui est pourtant compétent sont égale-
ment désastreuses. Dans chaque génération, les halakhistes sont amenés à
surmonter cette yir’at horaa, cette « peur de la décision », en prenant appui
sur la conviction qu’ils ont le devoir, malgré leurs limitations, de dire la Loi.
Après tout, comme le dit le Talmud (T. B. Rosh ha-Shana 25b), chaque généra-
tion ne peut que se référer aux autorités contemporaines, et « Jephté [la plus
médiocre figure de l’époque des Juges] en sa génération a autant d’autorité
que Samuel en la sienne ».
Cette dialectique est clairement exprimée dans les propos liminaires du
plus important halakhiste franco-italien de la seconde moitié du XVe siècle,
R. Yossef Colon Trabotto, dit le Maharik (1420-1480) : « Quoique je ne sois pas
un expert public (mum’heh la-rabbim) et que je ne me considère pas non plus
tel, D.ieu préserve, […] néanmoins, dans la mesure où vous m’avez chargé
de cette tâche [de dire quelle est la loi dans tel cas] […], si je m’abstenais de
répondre, je commettrais un péché, D.ieu préserve. Pour autant, ainsi que
tu l’écris toi-même, je ne prétendrai pas, par mon avis, exprimer le verdict
définitif et authentique de la Torah, D.ieu préserve ! Car les autorités ont déjà
écrit qu’aujourd’hui les juges doivent éviter de décider selon la stricte Loi de
la Torah. Si cette maxime était déjà vraie au temps des Tannaïm [les maîtres
de la Mishna], dont le cœur était large, a fortiori était-elle vraie au temps
des Amoraïm, a fortiori au temps des Geonim, et ô combien a fortiori à notre
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Tétradrachme frappé au moment de la révolte de Bar Kokhba, dans la dernière phase des
guerres contre Rome, vers l’an 135. Frappée par les insurgés, cette pièce figure sur une
face le Temple de Jérusalem détruit soixante-cinq ans avant et dont les Juifs espèrent
la reconstruction ; le Temple est surmonté d’une étoile, symbolisant le « messie » Bar
Kokhba, le « Fils de l’Étoile ». Sur l’autre face figure un lulav, c’est-à-dire un bouquet
de palme, de myrte et de saule, et un étrog, c’est-à-dire un cédrat – les quatre espèces
que l’on agite lors de la fête de Sukkot. Il est surtout intéressant de noter que le lulav
comporte une seule branche de myrte et une seule de saule, contrairement à la coutume
actuelle qui requiert trois branches de myrte et deux de saule. Si l’on se réfère à la Mishna
(Sukka 3, 4), le lulav figuré ici est conforme à l’avis de Rabbi ‘Akiva – qui se trouvait être le
principal soutien de Bar Kokhba.
On distingue en réalité deux écoles de pensée quant à savoir ce que doit viser
précisément le rabbin à qui l’on demande de statuer. Y a-t-il une seule et
unique réponse objectivement vraie dont il doit s’approcher le plus possible
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répondu que la tâche serait confiée aux Sages d’Israël de chaque génération
de déterminer la Loi selon leurs vues. » R. Shelomo Luria (Pologne, 1510-1573)
exprima le même sentiment trois siècles plus tard en invoquant le principe
kabbalistique selon lequel chaque Juif présent à la Révélation sinaïtique avait
reçu une Torah légèrement différente et adaptée à sa spécificité et ses capaci-
tés (introduction au Yam shel Shelomo). La conclusion inéluctable est que les
différences d’avis font partie intégrante de la Torah, même dans son expres-
sion céleste, et que c’est ainsi qu’elle a été confiée aux humains.
Cette conviction donna à la littérature halakhique ashkénaze son visage
si particulier. Les érudits ashkénazes produisirent à partir du XIe siècle un
foisonnant corpus de littérature proprement halakhique et non pas vouée
exclusivement à l’exégèse talmudique. Cependant, ces ouvrages ressem-
blaient plus à des recueils jurisprudentiels qui ne disaient pas la Loi dans
l’absolu mais collationnaient verdicts, responsa, interprétations talmudiques
et exempla à partir desquels le juriste était supposé former son propre juge-
ment. Ils étaient typiquement arrangés selon l’ordre des traités du Talmud,
attestant ainsi que la Loi doit idéalement être déduite du Talmud lui-même.
On n’y tentait pas d’organiser systématiquement les sources contradictoires,
encore moins de trancher entre elles : il s’agissait juste de fournir le plus de
grain à moudre aux rabbins des générations futures. Les ‘Amudei ha-Gola de
R. Mosheh b. Ya‘akov de Coucy (milieu du XIIIe siècle), plus connus sous le
titre de Sefer Mitsvot Gadol ou Smag, constituent un exemple parlant de cette
démarche. Son modèle avéré est l’œuvre maïmonidienne, qu’il suit servile-
ment en précisant les sources talmudiques sciemment omises par Maïmo-
nide et en y adjoignant les traditions de la France des Tossafistes. Au surplus,
il met un point d’honneur à préciser, dès son introduction à la partie sur les
commandements positifs, que son œuvre ne doit surtout pas être considé-
rée comme le mot de la fin dans la discussion halakhique ; au contraire, ce
qu’il propose au lecteur, c’est d’y trouver le point de départ d’une étude plus
approfondie. Le contraste est saisissant avec la célèbre proclamation de Maï-
monide dans l’introduction du Mishneh Torah, à savoir que la publication de
celui-ci rendait inutile le recours à quelque autre code halakhique que ce soit
pour décider du permis et de l’interdit.
Ce malaise, sinon ce rejet, face à la prétention d’avoir atteint l’expression
ultime de la vérité halakhique fut à l’origine de la réaction ashkénaze à la
diffusion des codes rédigés dans l’aire séfarade. Cette réaction prit la forme
déjà annoncée par le Sefer Mitsvot Gadol : l’adjonction à ces codes séfarades de
copieuses gloses reflétant les traditions ashkénazes. C’est ainsi que deux dis-
ciples de R. Meïr b. Barukh de Rothenburg (1215-1293), R. Meïr ha-Kohen de
Rothenburg (actif v. 1280), auteur des Hagahot Maïmuniyyot, et R. Mordekhai
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alors il ne doit pas se fonder sur le premier avis mais sur celui qui lui appa-
raît le plus rationnel, qu’il soit plus ancien ou plus récent. » (« Introduction »
au Mishneh Torah, s. v. nimtsa Ravina.)
Néanmoins, partout et en chaque génération, ces halakhistes indépen-
dants témoignaient d’une profonde révérence pour l’avis des savants des
générations précédentes, qu’ils considéraient comme supérieurs à eux-
mêmes. Dans le Talmud même, on trouve fréquemment exprimée la notion
que les générations précédentes étaient d’une plus grande valeur, et cette
idée devint un leitmotiv de la littérature halakhique médiévale : « Le cœur
des Anciens était large comme la porte du ulam [l’antichambre du Temple],
celui des générations suivantes seulement comme la porte du heikhal
[la partie médiane du Temple], et le nôtre n’est pas plus large qu’une tête
d’épingle. » (T. B. ‘Eruvin 53a.) Maïmonide lui-même, pourtant le parangon
de l’indépendance halakhique, se défend dans une lettre d’avoir différé de
l’avis de R. Isaac al-Fassi sur plus d’une dizaine de points (Iggerot ha-Ram-
bam, Jérusalem, Y. Shilat, 1987, p. 435). De même, son contemporain R. Abra-
ham b. David de Posquières (v. 1125-1198), l’un des talmudistes médiévaux
les plus critiques et indépendants, voua aux gémonies son voisin et collègue
R. Zera’hia ha-Lévi de Gérone (auteur du Sefer ha-Maor sur le Rif ), pour avoir
eu l’audace de critiquer les Geonim (Sefer ha-Maor sur Rif 12a s. v. Bava Revi‘a
et Hassagot ha-Raavad, ad loc). Plus tard, Nahmanide composa un contre-
commentaire du même Sefer ha-Maor intitulé Mil’hemet ha-Shem (La Guerre
du Saint Nom), dans lequel il entendait démontrer l’inanité de toutes les cri-
tiques de R. Zera’hia sur les conclusions du Rif.
Malgré tout, il n’y avait pas, avant la seconde moitié du XIVe siècle, d’ob-
jection de principe à la capacité d’érudits, même mineurs, à suivre leurs
propres conclusions, même si ces dernières s’avéraient contraires à l’avis de
géants de la halakha. La logique qui sous-tendait une telle attitude a été for-
mulée sur un mode désormais fameux par un maître tardif du Moyen Âge
italien, R. Yesha’ya dit Trani l’Ancien, dit le Rid (1200-v. 1260). Dans un res-
ponsum souvent repris, il justifie son rejet d’un verdict émanant de Rabbeinu
Tam, qui était déjà une légende à l’époque : « Même quand il me semble
avoir critiqué avec raison l’avis d’un maître des générations précédentes, je
ne pousse pas l’arrogance jusqu’à prétendre, D.ieu préserve, que “ma sagesse
plaide pour moi” (Qohélet 2, 9). Je m’applique plutôt la maxime des philo-
sophes : “Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants” […] Nous
connaissons leur sagesse et nous nous fondons sur elle ; c’est par la vertu de
leur sagesse que nous sommes devenus suffisamment sages pour dire ce
que nous disons ; mais de là il ne découle nullement que nous sommes plus
grands qu’ils ne l’étaient. » (Teshuvot ha-Rid, n0 62.) En recourant à ce proverbe
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La révolution maïmonidienne
Dans les années 1170, alors qu’il réside en Égypte, le talmudiste et philo-
sophe R. Mosheh b. Maïmon, dit Maïmonide ou Rambam, rédige un code
de loi appelé à révolutionner l’étude. Le titre est en lui-même un pro-
gramme : le Mishneh Torah (Récapitulation de la Torah) vise à rien de moins
qu’à synthétiser dans un code logiquement ordonné tout le savoir biblique,
talmudique et post-talmudique – en fait, comme Maïmonide l’exprime
quasi explicitement dans son introduction, à supplanter le Talmud. « Mish-
neh Torah » est aussi un terme qui désigne le Deutéronome, le dernier livre
du Pentateuque, dans lequel Moïse, avant sa mort, récapitule aux enfants
d’Israël toute la Loi donnée au Sinaï… Ce « péché d’orgueil » est encore
aggravé, aux yeux des contemporains de Maïmonide, par le fait qu’il ne se
réfère jamais (à de très rares exceptions près) aux sources talmudiques ou
extratalmudiques auxquelles il prétend puiser, ce qui rend difficile le débat
rabbinique et, surtout, interdit au lecteur d’opérer une lecture critique de
l’œuvre en la confrontant à ses sources. L’ouvrage donne lieu à l’écriture de
gloses critiques notant les divergences possibles, en particulier les Hassagot
de Raavad (III). Il n’en demeure pas moins que l’opus, en quatorze parties
qui couvrent l’ensemble de la Loi, même les aspects non applicables après la
destruction du Temple, s’impose comme une œuvre absolument majeure,
non seulement en tant que référence légale, mais aussi en tant qu’expres-
sion de raisonnements talmudiques implicites, souvent beaucoup plus ré-
volutionnaires qu’il n’y paraît, que les générations de talmudistes ultérieurs
vont s’attacher à expliciter. C’est ainsi que le Mishneh Torah va s’imposer
autant comme l’une des sources principales du Shul’han ‘Arukh que comme
outil privilégié d’étude talmudique, en particulier dans l’école de Brisk.
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Page d’un des manuscrits autographes du Mishneh Torah de Maïmonide retrouvés dans
la geniza de la synagogue Ben ‘Ezra de Fustat (vieux Caire), la fameuse Geniza du Caire.
L’existence de plusieurs de ces manuscrits autographes, portant trace de nombreuses
corrections, atteste de la longue élaboration de ce code qui en est venu, pour les généra-
tions ultérieures, à constituer une grille de lecture privilégiée du Talmud.
époques. Les A’haronim diffèrent des Rishonim selon deux aspects. Tout
d’abord, les Rishonim sollicitent directement le texte talmudique (prenant
seulement appui, à l’occasion, sur le commentaire de Rashi) alors que les
A’haronim lisent le Talmud à travers le prisme des divers commentaires des
Rishonim. De ce fait, l’essentiel de leur tâche consiste à élucider les com-
mentaires des Rishonim et les options exégétiques qui les sous-tendent, et
à les défendre ainsi contre les objections de leurs collègues. Par ailleurs, les
A’haronim considèrent par principe que l’avis des Rishonim est souverain et
ils ne s’autorisent généralement pas à adopter des positions qui n’auraient
pas d’appui explicite ou implicite dans les écrits des autorités médiévales.
Si l’on adopte ces critères, il nous semble que la frontière entre le monde des
Rishonim et celui des A’haronim doit être déplacée en amont dans le temps,
deux siècles plus tôt, dans la seconde moitié du XIVe siècle. Là, on observe tant
dans le monde ashkénaze qu’en Espagne un changement de paradigme qui
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De tous ces outils mis en œuvre pour aussi bien garantir la révérence et la
déférence envers les Rishonim que préserver l’indépendance du décision-
naire, il en est un qui se distingue, c’est la règle énonçant que hilkhata ke-batraei
(« la halakha suit les autorités dernières venues »). Il s’agit d’une règle d’ori-
gine géonique, bien qu’elle ait des antécédents talmudiques (Teshuvot ha-Geo-
nim, Sha‘arei Tsedek IV, 3, n0 31 ; ’Hiddushei ha-Ritva sur Sukka 2a s. v. ve-yesh). La
logique en est que si les Geonim eux-mêmes se déclaraient incompétents pour
trancher un débat entre des Amoraïm des premières générations, comme Rav
et Shemuel, les Amoraïm des générations suivantes, c’est-à-dire du IVe siècle et
après, comme Abayé et Rava, étaient suffisamment proches des premiers pour
évaluer et décider de la validité des avis respectifs. Dans l’exemple donné, la
halakha suivait l’avis de Rav ou de Shemuel retenu par Abayé et Rava comme
base de leurs propres débats. On a vu que c’est le même argument que R. Isaac
al-Fassi avait convoqué pour justifier la préséance du Talmud de Babylone
sur celui de Jérusalem : c’est précisément parce qu’il était venu après qu’on
était fondé à supposer que, quand il optait pour des conclusions différentes,
c’était pour de bonnes raisons, et en pleine connaissance des élaborations
de son prédécesseur. L’application de ce principe resta cependant confinée
aux générations des maîtres cités dans le Talmud, qui relevaient d’un ordre
qualitativement différent de celui des époques postérieures, celle des Geonim
et plus encore celle des Rishonim. On n’aurait jamais songé à préférer l’avis
d’un gaon à celui d’un Amora, même s’il lui était postérieur. Au demeurant,
à l’intérieur du Talmud lui-même, un Amora n’était pas censé s’opposer à un
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Tanna sauf s’il pouvait s’appuyer sur l’avis d’un autre Tanna. La seule exception
était la génération de transition entre Tannaïm et Amoraïm, dont faisait partie
Rav ; c’est ainsi que Rav Tanna u-palig (« Rav est aussi un Tanna, et il peut dès
lors contredire un autre Tanna »). Dans les limites mêmes de la période des
Rishonim, celle-ci voyait foisonner un nombre tellement important d’ap-
proches indépendantes, dans un contexte historique et géographique telle-
ment éclectique, que l’application de ce principe à court terme en était rendue
pratiquement impossible.
Le milieu du XIVe siècle, que nous avons identifié comme la charnière entre
l’ère des Rishonim et celle des A’haronim, vit ce principe revenir en force. Les
massacres endurés par les Juifs allemands après la Peste noire, tout comme
les expulsions répétées des Juifs du domaine royal capétien en 1306, 1322 et
1394, firent naître le sentiment que les maîtres des générations d’avant étaient
les derniers d’une époque qui prenait fin d’une manière abrupte. R. Meïr de
Rothenburg et ses élèves, en particulier, furent considérés comme ayant été les
mieux placés pour évaluer de manière critique les différentes approches des
Tossafistes et autres maîtres des siècles précédents et pour retenir les avis à
suivre dans la pratique. Leurs décisions obligeaient donc les générations ulté-
rieures. Le principal héraut de cette approche, R. Yossef Colon Trabotto, dit
le Maharik (1420-1480), allait jusqu’à préciser que l’avis des derniers décision-
naires faisait autorité même s’il contredisait les conclusions de la majorité des
Rishonim (Teshuvot Maharik nos 84 et 94). Mais ces « derniers décisionnaires »
étaient par définition les ultimes maîtres d’une époque définitivement révo-
lue, en aucun cas des contemporains ni même des quasi-contemporains :
il s’agissait comme toujours de trouver un équilibre entre la révérence des
maîtres anciens et la préservation d’une possibilité vitale de choisir entre leurs
avis contradictoires. Ce sentiment de déférence trouva à s’exprimer sur un
mode ironique dans les limites mêmes de ses conditions d’application. Dans
un responsum qui nous a été préservé par R. M. Isserles, le Maharik note que la
logique même de la règle hilkhata ke-Batraei repose sur le postulat que l’auto-
rité dernière avait connaissance de la totalité des avis de ses prédécesseurs.
Si, à l’inverse, le décisionnaire contemporain se trouvait découvrir l’avis d’un
Rishon dont il était clair que l’autorité dernière n’avait pas, ou pas pu, avoir
connaissance, alors le débat n’était pas clos et l’on pouvait s’appuyer sur le ver-
dict nouvellement découvert en supposant que l’autorité dernière aurait pu
s’y conformer si elle en avait eu connaissance (Rema sur ’Hoshen Mishpat 25, 2).
En se conformant systématiquement à ces règles techniques, les décision-
naires ashkénazes s’épargnaient ainsi de devoir réévaluer l’intégralité de la
jurisprudence et du cheminement halakhique sur un sujet donné, du Talmud
jusqu’aux Rishonim les plus tardifs – et cette attitude fut vigoureusement
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critiquée par les membres du cercle du Maharal de Prague. Les savants séfa-
rades et orientaux, pour leur part, ne les suivirent pas dans cette stratégie
et développèrent diverses méthodes de décision halakhique sur le pourtour
du bassin méditerranéen et au Moyen-Orient, méthodes qui ont été encore
peu étudiées. On peut néanmoins en esquisser quelques traits. La diffusion
de l’imprimerie, en particulier, donna accès à un nombre de sources sans
commune mesure avec ce à quoi les générations précédentes pouvaient avoir
accès. Cette abondance de matériau demandait à être maîtrisée et évaluée,
encourageant les décisionnaires à mettre l’accent sur la maîtrise encyclo-
pédique du plus grand nombre d’avis possible plutôt que sur l’évaluation
critique d’un nombre restreint de sources. De ce fait, on fit également un
usage prépondérant du jugement à la majorité des décisionnaires, tandis
que d’autres règles défendues par les maîtres ashkénazes, telles que hilkhata
ke-Batraei, étaient adoptées avec plus de parcimonie.
CONSIDÉRATIONS MÉTAHALAKHIQUES
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on observe bien que son magnum opus halakhique, le Mishneh Torah, témoigne
d’un profond souci philosophique et reflète sa conviction que la philosophie
constitue la source et l’expression authentiques de la spiritualité juive (Guide
des égarés I, 71 et Mishneh Torah, Hilkhot Yessodei ha-Torah 4, 13) ; pourtant, les
considérations et les idées philosophiques ne jouent pratiquement aucun
rôle dans la détermination des verdicts et des arguments halakhiques qui les
composent. Tout au plus Maïmonide fait-il entrer l’étude de la philosophie
dans l’obligation générale d’étudier la Torah (Hilkhot Talmud Torah 13, 13 et
Hilkhot Rotsea’h 7, 1) et s’abstient-il de codifier (ou alors sur un mode ratio-
naliste) des passages talmudiques qui ont un parfum de superstition ou de
théurgie (Hilkhot Tefillin, Mezuza ve-Sefer Torah 6, 13).
La seule exception à cette étanchéité des disciplines, et c’est une excep-
tion de taille qui devait avoir des conséquences majeures, fut constituée par
la kabbale à partir du Zohar. Le Zohar enseignait que la moindre pointe de
lettre de la Torah, le moindre détail halakhique et rituel, exprimaient, incar-
naient et rendaient présentes des significations ésotériques incommensu-
rables, reflets de réalités célestes éternelles et ineffables. Il était donc d’une
importance cruciale que la halakha fût conforme aux significations secrètes
que les kabbalistes lui attribuaient, ce qui était généralement le cas. Il exis-
tait cependant de nombreux cas où la halakha telle qu’elle se déduisait du
corpus des Rishonim structuré par les règles de décision classiques contre-
disait les impératifs ésotériques. La Torah (Deutéronome 25, 5-10) décrit ainsi
l’obligation du lévirat ou yibbum, qui lie une veuve qui n’a pas eu d’enfants
de son mari au frère de ce dernier, lequel doit soit l’épouser « afin de perpé-
tuer le nom de son frère », soit la délier par la cérémonie du déchaussement
ou ’halitsa. Le Talmud, qui conçoit essentiellement cette institution biblique
comme un moyen de réguler les conflits d’héritage, dispute de savoir s’il
convient, a priori, de privilégier le yibbum ou la ’halitsa (T. B. Yevamot 39b).
Longtemps débattue, la question fut tranchée en pratique différemment
dans le monde ashkénaze, où l’on interdit la pratique du yibbum et où l’on
rendit la pratique de la ’halitsa obligatoire, du monde séfarade et oriental
où l’on donna la priorité au yibbum, la ’halitsa restant possible à défaut. Ces
coutumes divergentes trouvaient cependant l’une comme l’autre leur origine
dans des arguments purement halakhiques. Survinrent alors les kabbalistes
qui, dès Nahmanide (lequel est antérieur à l’émergence du Zohar sur la scène
de l’histoire), affirmaient avec force que le yibbum constituait un devoir spi-
rituel suprême, puisqu’il permettait à l’âme du défunt de se réincarner dans
sa « descendance » (Ramban sur Genèse 38, 8 s. v. ve-yabbem) : il avait donc
halakhiquement priorité sur la ’halitsa.
Dans ce cas comme dans d’autres, les halakhistes d’inclination kabbaliste
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La Mishna (Yoma 7, 1) raconte qu’à Yom Kippour, après avoir lu les passages
prescrits pour ce jour dans le rouleau de la Torah, le grand prêtre déclarait :
« Il y a dans ce rouleau bien plus que ce que je vous ai lu. » La même remarque
s’impose alors que nous concluons ce bref survol des processus de décision
halakhique de l’âge classique. Avant de clore cette discussion, il nous semble
important de dire un dernier mot de l’ambiance psychologique et religieuse
qui vit se développer la halakha de l’époque prémoderne. Il est essentiel
d’avoir à l’esprit que l’inviolabilité, la sainteté et l’intégrité de la Loi juive
étaient bien plus que des hypothèses de travail. Elles constituaient la trame
intime de l’existence quotidienne et unissaient les Juifs du monde entier dans
la conscience d’une unité qui ignorait les distances géographiques et tem-
porelles. Cette conscience psycho-spirituelle et métatemporelle est la toile
de fond de l’univers discursif qui vit la Loi juive se développer génération
après génération. Plus que tout, il faut comprendre que les Juifs du Moyen
Âge concevaient l’étude et l’observance de la Loi, la pratique de la décision
halakhique et du commentaire, comme des modalités très réelles du culte
rendu au Créateur. C’est cette fidélité sans faille qui unissait les différentes
expressions sociales de la vie juive et qui fait toute la différence entre leur
époque et la nôtre.
Frontispice d’une des premières éditions du Shul’han ‘Arukh, imprimée à Venise en 1598.