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charismatique de l’Eglise du
Christianisme Céleste
à l’occasion de :
The 2002 CESNUR International Conference
Minority Religions, Social Change, and Freedom of Conscience
Salt Lake City and Provo (Utah),
June 20-23, 2002
Elle est née en 1947 des visions et des prodiges charismatiques d’un «
menuisier devenu prophète », Samuel Bilehou Oschoffa (1909-1985). Au
cours des encore peu nombreuses décades de son existence, elle a
transcendé toutes les frontières géo-ethnographiques en rassemblant des
fidèles se comptant par plusieurs millions, et en créant plus de 5000
paroisses disséminées partout dans le monde.
Sont également tirées des Revenus de Pasteur les aides versées à la famille
du Pasteur Fondateur, à celle Bada, et celles de quelques membres de la
haute hiérarchie de l’église : Ajanlekoko, Salako, Sobowale. Une partie
des redevances est gardée à part pour leurs frais de fonctionnement.
L’entretien financier de Oschoffa ainsi que celui de sa famille avant et
après sa mort, est reconnu avoir été assuré durant toute sa vie au titre d’une
règle intérieure jamais démentie. En 1984, le Pasteur réunit le sommet de
la hiérarchie et donna ses instructions sur la manière dont sa famille devait
être entretenue et ce qu’elle devait recevoir après sa mort. Il stipula que
durant une période de 25 ans après sa mort, tous les enfants de moins de 20
ans devaient recevoir une pension alimentaire correcte de l’église [ 9 ]. Le
fait que ces dispositions sont toujours strictement respectées par les
autorités de l’église est une autre preuve que les charismes d’Oschoffa
restent actifs.
1. la moitié des revenus des Fêtes des Moissons de toutes les paroisses
dans le monde, tant celles des enfants que celles des adultes (quêtes et
ventes de charité),
2. les frais de baptême et d’onction de toutes les paroisses,
3. les revenus de toutes les publications de l’église,
4. les fonds de développement de l’église (tel celui pour le développement
de la Cité Céleste),
L’attitude de révérence adoptée par ses disciples envers Oschoffa n’a pas
disparu après la mort du Pasteur. Au contraire, nous avons constaté durant
notre étude qu’à l’occasion de la grande commémoration annuelle
organisée en son honneur, ou en d’autres circonstances, ou lors de cultes à
l’église, la simple prononciation de son nom pouvait plonger des fidèles en
prière dans des transes, des tremblements et agitations, et des émissions de
cris et de parlers en langues [ 14 ]. Au cours de la cérémonie de ses
funérailles, un journal local rapporta le témoignage d’un membre de
l’église sur cet événement « comme étant celui de la mort d’un Dieu » [ 15
]. Beaucoup de fidèles déclarèrent avoir assisté à des phénomènes
extraordinaires durant cette cérémonie apportant la preuve des pouvoirs
spirituels et surnaturels du Pasteur. La tombe du Fondateur fut assiégée
aussi bien par des fidèles que par la foule des non célestes. Elle est
devenue une cible pour ceux qui sont en quête de pouvoirs spirituels, si
bien que l’église a dû émettre des avertissements envers les fidèles et leur
interdire d’emporter les carreaux de marbre de la sépulture ou le sable qui
entoure la tombe d’Oschoffa [ 16 ].
Bada exerça le pouvoir dans l’Eglise après la mort d’Oschoffa ; il est clair
qu’il ne fut pas le créateur du rôle de leader charismatique qu’il a assumé.
Au contraire, il endossa un rôle dont les perspectives avaient déjà été
définies avec précision, et il l’assuma avec une manière admirable envers
tous ses proches. Le caractère humble de Bada attira des disciples dotés
d’un tempérament similaire. Il fit savoir qu’il était favorable à une
élaboration collective des décisions. Cela permit le développement d’un
système effectif ‘d’autorité institutionnalisée’, auquel Bada lui-même se
soumis dans une large mesure, mais cela lui occasionna d’être critiqué,
affaiblissant ainsi l’aura du deuxième leader charismatique. Bada
introduisit quelques ajustements au niveau de l’institution et intensifia
l’enseignement évangélique au sein de l’église. A côté de ses dons
d’organisateur et d’évangéliste, ‘exceptionnels’ comparés à ceux de son
prédécesseur, Bada manifesta de réels charismes dont il existe de multiples
témoignages par des fidèles ou des non fidèles, qui consolident leur
croyance en lui comme Pasteur charismatique doté de véritables pouvoirs
spirituels de guérison.
Le fait que ces directives furent suivies fidèlement par ses successeurs
montre bien que Oschoffa avait démarré le processus
d’institutionnalisation de son vivant. La démonstration peut-être la plus
significative que l’église était déjà engagée dans ce processus est le côté
imprévu de la mort de son Pasteur –fondateur. Sa mort constitua un
tournant dans l’histoire de l’ECC. S’il avait plus vivre plus longtemps ou
s’il avait pu respecter tous les dispositifs de la constitution concernant la
transmission du pouvoir, il aurait épargné à l’église qu’il laissait derrière
lui les affres inhérents à un interrègne. Oschoffa a-t-il pressenti dans quels
problèmes insolubles il laissait ses successeurs ? Il n’est peut-être pas loin
de la vérité d’affirmer qu’il n’eut aucune prémonition de sa mort, quand
bien même certains prétendent le contraire. Quoi qu’il en soit, avec sa
mort, l’ECC s’est retrouvée dans l’obligation de se confronter avec la
succession du pouvoir, avec le maintien de la continuité, et avec la
pérennisation des charismes. Il est étonnant de relever que pendant environ
deux années l’ECC connut une transition relativement douce et réussie
pour une nouvelle conduite du pouvoir, après la disparition de son
fondateur et chef charismatiques en 1985.
Cependant, quoique Oschoffa n'ait pas désigné et n'ait pas proclamé son
successeur avant sa mort, plusieurs de ses suivants se livrèrent à un
examen minutieux de toutes ses déclarations publiques pour en extraire les
indications qui pouvaient révéler qui serait le successeur. Et c’est
Alexander Bada qui le premier a été officieusement pressenti, puis accepté
par beaucoup comme successeur du Pasteur-Fondateur, en vertu de son
statut de Suprême Evangéliste, qui était le grade le plus élevé après celui
de Pasteur. Il était en fait le seul Suprême Evangéliste que l’église
possédait. On remarqua également qu’il avait été le premier Leader
nigérien à recevoir l’onction par Oschoffa. Par conséquent, en raison de ce
qu’il était proche du Pasteur, et considérant sa longue ancienneté dans
l'église, il fut désigné comme héritier évident, à la majorité des membres,
malgré les dispositions constitutionnelles. Par ailleurs, dans une lettre
d'Oschoffa daté du 29 octobre 1982 nommant Philip Ajose en tant que
Supérieur Evangéliste, il est indiqué : ... « Je vous précise que juste au-
dessus de vous dans l'ordre de l'ancienneté, il y a trois personnes qui sont
sous mon autorité supérieure – à savoir - Suprême Evangéliste A.A. Bada,
Supérieur Evangéliste Agbaosi, Supérieur Evangéliste S.O. Ajanlekoko.
J’ai une confiance absolue en eux, de jour comme de nuit. Lorsque moi-
même, Fondateur Révérend S.B.J. Oschoffa, Bada, Agbaosi, Ajanlekoko,
et vous Ajose, nous nous réunissons, nous constituons la plus Haute
Autorité dans l'Eglise du Christianisme Céleste dans le monde entier »...
Dans une autre correspondance au Supérieur Evangéliste Ajose datée du
23 avril 1984, Oschoffa a réitéré sa précédente remarque quand il a affirmé
entre autres: ... « Je souhaite vous faire savoir... que dans toute l'Eglise du
Christianisme Céleste, il y a seulement un Suprême Evangéliste et trois
Supérieur Evangélistes... Je vous explique maintenant que parmi ceux que
La question qui vient tout de suite à l'esprit devant ces remarques est la
suivante : Pourquoi Oschoffa met-il tant d’importance sur l'ordre de
l'ancienneté dans l’ECC? Cela signifierait-il qu’une lutte interne sévissait
déjà parmi ceux qui se considéraient comme les plus anciens de l’église ?
Quoi qu’il en soit, la plupart des dignitaires déduisirent que ces éléments
constituaient une indication d’Oschoffa sur qui devrait assurer sa cession.
Que ce soit ou non le cas, un point demeure très clair de la directive ci-
dessus du Pastor-Fondateur. D'une part il présuppose au sein de son
"premier cercle" une polémique ou un conflit larvé sur l’ordre d'ancienneté
ou le rang dans la hiérarchie. D’autre part, on verra plus loin qu’elle a servi
à confirmer et renforcer l’ordre hiérarchique ou la ligne de commandement
de l'église. [26]
On doit noter que bien qu'Oschoffa ait utilisé cette occasion pour
revenir sur la question de l'ordre hiérarchique de l'église, il n'y a eu aucune
preuve ou trace qu'il ait nommé et proclamé catégoriquement son
successeur lors de cet événement. Les déductions faites à partir des
déclarations et des indications publiques données par le Pastor-Fondateur
pendant sa vie contredisent l'article III, sous-section (i) de la constitution
de l’ECC qui ne permet à Bada aucune possibilité d’accession automatique
au poste comme successeur. Ce n’est pas que la constitution interdise la
Plus tard, en 1992, dans son témoignage en tant que témoin à charge dans
le procès intenté contre Bada et les autres membres du conseil à la Haute
Cour de l'état de Lagos par un membre de conseil d'administrateur de
l’ECC, Ediemu Blin-Juan confirma comment les fidèles accueillirent la
déclaration d'Amu, et il témoigna que "tout le monde fut heureux et il y eu
des applaudissements par les fidèles lors de la réunion" [ 29 ]. Cependant,
quelques membres se montrèrent incrédules et dénoncèrent l’authenticité
du témoignage d’Amu. Ceci se confirma à l’occasion du procès à la Haute
Cour de Justice de l'état de Lagos en 1992. Certains des témoins à charge
affirmèrent que lors des réunions où Amu a raconté son expérience,
l’église n'a pas procédé à un interrogatoire pour confirmer la véracité de
son témoignage et de son message pour l’église. Ainsi, quelques membres,
dans leur interprétation des clauses constitutionnelles sur la succession, ont
rejeté la déclaration d'Amu au prétexte que la révélation divine en question
devait être faite à Oschoffa dans le monde des vivants plutôt que dans l'au-
delà. Cependant, les messages en provenance d’Amu et de beaucoup
d'autres visionnaires se sont vus accorder la confiance grandissante de la
majorité des membres de l'église. Cela est devenu de plus en plus clair
dans des événements qui ont suivi, et a fini par être évident lors de
l'acceptation de Bada comme Pasteur de CCC. Comme pour ajouter à la
légitimité de la déclaration d'Amu, Bada fit serment sur la Bible devant
une assemblée annuelle de la congrégation qu’il n'avait jamais vu l'homme
nommé Amu auparavant. La pratique du serment est une coutume légitime
dans la sphère culturelle Yoruba, qui a trouvé une place dans la pensée et
la pratique de l’ECC. Il est indéniable que les messages spirituels qui ont
été proclamés ont représenté un des facteurs qui ont facilité le choix et
l'acceptation de Bada comme successeur du dernier fondateur. Et peut-être
que la reconnaissance de la validité de ces communications par la majorité
des fidèles d’Oschoffa est un signe supplémentaire de leur croyance ou de
leur reconnaissance des pouvoirs charismatiques et spirituels attribués au
Fondateur.
Quoi qu’il en soit, à l’issue de toutes les séances du procès sur l’accusation
principale, qui dura plus de quatre années, la Cour Suprême prononça un
jugement complètement inattendu qui surprit pratiquement tous les
membres de l’église. Le 10 janvier 1992, la Cour donna raison à la
démonstration présentée dans la plainte de Owodunni, ainsi qu’à la plainte
demandant à Bada « d’arrêter de se parader en Pasteur et de se revêtir des
habits et attributs attachés au rang de Pasteur de l’ECC » [ 38 ].
Néanmoins, la prétention d’Owodunni à la succession régulière au poste
de Pasteur fut déboutée par cette même cour de justice, et fut qualifiée
d’inauthentique, de falsification, de secret éventé, de mensonges, et de
trucage après-coup [ 39 ].
Imbroglio juridique et destin post-charismatique de l’Eglise du Christianisme Céleste 28
Le Jugement de la Cour Suprême du Lagos du 10 janvier a sans aucun
doute balayé l'église comme une vague, car il l’a prise complètement au
dépourvu. C'est évident lorsqu’on voit la série de messages de solidarité et
les gages de fidélité, d’allégeance et de totale confiance envoyée à Bada
par l’ensemble des paroisses, tant dans le pays que depuis l’étranger [ 40 ].
Des messages d’encouragement furent aussi envoyés par des personnalités
ou des organismes religieux d’autres églises, comme L’Eglise du Nigeria
(de culte anglican), ou l’Association des Eglises Aladura du Nigeria [ 41 ].
Un des traits les plus surprenants de ces témoignages de solidarité est que
malgré qu’ils expriment leur indignation devant le jugement rendu, ils
déclarent et réaffirment leur soutien inaltérable pour Bada en tant que «
Chef Suprême » de l’église. En outre, ils proclament leur sincère
résolution à poursuivre leur route avec le courant officiel de l’ECC.
Quoique Owodunni ait déposé une injonction en première instance en
1992, la décision finale de la demande d'appel instruite par les Trustees
contre le jugement est resté en faveur de Bada, les Trustees et le courant
dominant CCC. Les Trustees déposèrent également une plainte en
préjudice contre l'exécution du jugement concernant la détermination de
l'appel en question. Celle-ci fut acceptée dans une décision du 7 mai 1992
par le même Cour Suprême de Lagos, suspendant en conséquence l'ordre
précédent d'injonction concernant la détermination de l'appel fait dans le
procès [ 42 ].
Malgré toutes ces péripéties, Bada continua de porter les signes et attributs
du commandement de l’église dans le monde jusqu’à sa mort le 8
septembre 2000. Il décéda au Greenwich District Hospital à Londres, et fut
inhumé à côté de la tombe du Pasteur Oschoffa à la Cité Céleste d’Imeko
le 29 septembre 2000. [ 47 ].
1. Les éléments essentiels de cet article ont déjà été publié dans l’ouvrage de A. A.
Adogame : «Celestial Church of Christ: The Politics of Cultural Identity in a West
African Prophetic-Charismatic Movement » (L’Eglise du Christianisme Céleste :
politique de l’identité culturelle dans un Mouvement prophétique et charismatique de
l’ouest africain) publié chez Peter Lang, Francfort sur le Main, 1999.
2. Les éléments chiffrés sont extraits des ‘CCC Biblical Lessons’ et ‘Parish records
(1975-1991)’
3. En 1994, le nombre total de paroisses au Nigeria et en-dehors s’élevait
respectivement à 1605 et 247. En 1995 et 1996 ce nombre était pour le Nigeria seul
de 1468 puis 1744, tandis que en-dehors, on passait à 266 puis 307. pour des
renseignements plus détaillés, voir‘CCC Biblical Lessons’ et ‘Parish records (1994-
1996)’
4. Voir par exemple Adeyemo Tade “Celestial Church of Christ - Inside & Out”
Akure : Ade-Tade Publishing Ltd n.d., p.28
5. Voir le texte complet du discours de Bada à la conférence de presse réalisée lors de
l’anniversaire Jubilé d’Or de l’ECC, dans le Bulletin Pastoral, Vol 4, n°3,
déc.97/jan.98.
6. Voir la liste complète des membre du nouveau Conseil Pastoral dans le Bulletin
Pastoral, Vol. 4, n°3, déc. 97/jan. 98.
7. Voir le détail des activités dans l’article de O.A. Adefeso, ‘Activity Report of the
World Committee and the New administration of Rev. Pastor A.A. Bada during the
decade 1985-1995’ in Celestial Eye, Op. Cit., pp. 15-19.
8. Le district est un groupe de Paroisses à l’intérieur d’un état, administrée par un
représentant du Pasteur d’un rang non inférieur à Assistant Evangéliste. Celui-ci est
basé dans une paroisse d’où il peut diriger dans les paroisses qui lui sont rattachée,
les rituels saints qu’il est de par son rang seul habilité à faire.
9. Interview personnelle de Olatunji Akanje faite le 23 septembre 1995 à la Direction
Mondiale de l’ECC à Ketu-Lagos. Oschoffa avait demandé que ses interviews soient
filmées en vidéo.
Avec le temps, tous ses enfants ont dépassés 25 ans. L‘entretien de sa famille se
limite à ses veuves.
10. Voir Max Weber « Théorie d’organisation sociale et économique » traduit par
Talcott Preston et A.M. Anderson, Oxford University Press, New York, 1947, pages
358-392. Il s’agit de la traduction de la 1ère partie de l’ouvrage de Weber ‘Wirtschaft
und Gesellschaft’