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MARABOUT SAVOIRS

Afin de vous informer de toutes ses publications, marabout édite des


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ment auprès de votre libraire habituel.
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© 1993, Marabout, Alleur (Belgique).


Toute reproduction d'un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce
soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation
écrite de l'éditeur.
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Lise MILLE

Le livre d'or
des plus belles
lettres d'amour

MARABOUT
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INTRODUCTION

Les correspondances intimes ne sont pas faites pour être


lues par des tiers.
Composées à un seul usage, celui du destinataire, les
lettres d'amour sont destinées au secret ou au sacrifice du
feu. Pourtant, la tendance à considérer le message amou-
reux comme une relique, et à le conserver précieusement,
a fait qu'au hasard des legs ou des découvertes, certaines
de ces lettres sont parvenues jusqu'à nous.
A travers un choix de lettres authentiques, le lecteur
pourra découvrir ici les étapes du sentiment amoureux, de
sa naissance à son épanouissement. Romanciers, chan-
teurs, poètes, philosophes, souverains ou simples particu-
liers, les amants deviennent, le temps d'un bref billet ou
d'une longue épître, des épistoliers. Si, de la Renaissance
à nos jours, les formes de l'écriture épistolaire évoluent, il
semble que les composantes de la passion amoureuse ne
varient pas : déclarations, serments, reproches, réconcilia-
tions, promesse de fidélité éternelle sont l'apanage de
toutes les générations.
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LE DIALOGUE AMOUREUX

Je ne tuerai pas non plus une puce


sans vous en rendre compte.
Diderot
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Le dialogue amoureux

Les lettres d'amour sont une des formes essentielles du dia-


logue amoureux. D'aucuns prétendent que les amants écri-
vent avant tout pour eux-mêmes, s'écrivent à eux-mêmes.
Sans doute à ce prix, le dialogue n'est plus, selon une
formule célèbre, qu'illusoire. Pour réellement entrer en
contact avec l'autre, par le biais de ce moyen de communi-
cation si enclin à s'ouvrir à l'imaginaire, que faut-il donc ?
La sincérité surtout est nécessaire, comme le note
Stendhal dans une lettre à Métilde, la force de repousser
« avec la séduction » « tout calcul, tout manège ». Le « véri-
table amour» ajoute l'auteur de De l'amour refuse de
compromettre l'aimé, en un mot, renonce à son pouvoir
sur lui. Il souhaite pour l'autre la liberté, abandonne toute
mise en scène, les comédies et les chantages.
La « véritable » lettre devrait donc faire tomber les mas-
ques : «voir à travers ce papier, à travers ces mots», se
« voir face à face », telles sont les exigences formulées par
Henry Miller, un infatigable correspondant. Refuser de se
servir de la lettre pour créer un peu de mystère, ne pas
utiliser l'écriture comme un moyen de persuasion exige un
effort de tous les instants : quels amants sont capables de
cette honnêteté-là, sauf les êtres sincères et acceptant
leurs limites et imperfections?
Ainsi les lettres d'amour sont-elles à la fois des délices
et des pièges. Elles mettent fin à des supplices en inaugu-
rant des tourments. Que contiennent ces messages en-
voyés dans la solitude et l'inquiétude et décachetés dans
l'impatience et dans la fièvre?

DES RIENS

Que contiennent les lettres d'amour?


Diderot, prolixe épistolier du X V I I I siècle, considère
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l'abondance du courrier échangé avec son amante Sophie


Volland, et répond par ce biais à notre question :
« Ce volume d'écriture qu'on aura reçu et lu avec tant de
plaisir, que contiendra-t-il? Des riens. Mais ces riens mis
bout à bout forment de toutes les histoires la plus impor-
tante, celle de l'ami de votre cœur. » (26 octobre 1760)

Dans une autre lettre adressée à la même Sophie, il


confirme cette révélation :

«Je ne tuerai pas non plus une puce sans vous en rendre
compte. » (19 juillet 1765)

Ces feuillets que l'on range avec soin et dans le secret,


témoins précieux souvent relus, ne sont-ils donc que le
récit de meurtres de puces ? Tout est prétexte à l'écriture
amoureuse. Il faut tout partager: les riens, les détails
dérisoires qui font partie de la vie des amants. Le senti-
ment ne s'exprime pas seulement par des déclarations.
Nulle monotonie cependant dans ces lettres. Le senti-
ment a le pouvoir de transfigurer la banalité des situations
et ce encore aux yeux des tiers indiscrets que nous som-
mes aujourd'hui.
C'est pourquoi le lecteur ne sera pas surpris de trouver,
dans les lettres d'amour présentées ici, des bulletins de
santé, des anecdotes liées au travail des épistoliers, à la
situation dans laquelle ils se trouvent (voyage, captivité,
campagnes militaires), des remarques d'ordre pratique
parfois associées à la description enthousiaste des senti-
ments. Si les amants partagent un goût pour l'écriture, ils
échangent des conseils, des échos de leurs lectures. Rares
sont les correspondances amoureuses totalement affran-
chies des préoccupations matérielles. Tout échange épisto-
laire amical ou amoureux se développe ainsi sur une trame
de vie quotidienne.
Si l'expression même de la passion la plus vive voisine
avec des minuties, futilités, ou des soucis plus graves, est
combattue ainsi la discontinuité créée par l'absence. Les
épistoliers amoureux ne perdent pas le fil de leur vie
réciproque; car comme on le verra dans ces lettres,
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l'amour est souvent avide d'embrasser la totalité de la vie


de l'autre.

LES MOTIFS DE LA PASSION

L'amour a besoin d'être réaffirmé, confirmé par ces té-


moins de papier, les amants espèrent toujours lire le
même aveu. Pour ne pas devenir ressassement, litanie, il
faut toute la fantaisie et l'imagination des épistoliers.
Cette ingéniosité n'empêche pas que soient repris d'une
lettre à l'autre, voire d'une correspondance à l'autre, des
thèmes et des motifs. Aucun échange épistolaire n'évite
les redites. Les amants emploient des mots identiques,
mais chaque épistolier compose et brode à partir d'une
trame désormais bien connue un cheminement épistolaire
qui lui est propre : c'est tout l'art de ce que les anciens
nommaient la «disposition».
Les correspondants conscients de ce risque de l'unifor-
mité luttent chacun à leur façon. Certains le font avec
humour. Une épistolière passionnée qui fut aussi une sou-
veraine, Catherine la Grande, a joué avec ironie, sur cette
monotonie latente de la lettre d'amour. A la fin d'un
message composé pour ce Potemkine, qu'elle idolâtre et
couvre de décorations, elle note :
« Veux-tu que je te donne l'extrait de cette page en deux ou
trois mots, en biffant le reste? Le voilà : Je t'aime. »

Et à l'exception de la dernière formule, la totalité de la


lettre est barrée d'une grande croix.

L'ABSENCE

Au premier rang de ces lieux communs se trouve la


plainte sur la solitude engendrée par le départ de l'être
aimé; elle apparaît lourde, plombée à Diderot:
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« Votre absence a mis tout de niveau. Je porte partout sur


la poitrine un poids qui me presse sans cesse et qui
m'étouffe quelquefois. » (15 septembre 1760)

Elle s'incorpore cruellement à la vie du roi éloigné de


Gabrielle d'Estrées :
«Je n'ai artère, ni muscle qui à chaque moment ne me
réprésente l'heur de vous voir, et ne me fasse ressentir du
déplaisir de votre absence. » (Henri IV à Gabrielle d'Es-
trées, 10 février 1593)

Souvent les amants décrivent les tourments physiques de


la séparation : elle fatigue le corps, comme le révèle
Albertine Sarrazin à Julien :
«Le l'un sans l'autre n'est qu'épuisement mais notre
amour a beaucoup de chance. » (8 novembre 1959)

Elle peut nourrir de lassants soupçons. «Le soldat de


vingt ans », Jacques Higelin, se bat contre des rêves déchi-
rants :
« L'éloignement donne parfois de si pénibles idées. »
(Epinal, 1960)

La lettre permet conjointement d'exprimer la souffrance


de la solitude et de rechercher une compensation. Dans
les ouvrages consacrés à l'art épistolaire, manuels ou flori-
lèges, recueils des plus belles lettres, on répétait sous des
formes multiples l'adage qui faisait des lettres « la consola-
tion des absents ».
Cependant, cette consolation n'est permise que si la
régularité des courriers est assurée. Aussi les amants sont-
ils souvent tatillons, précautionneux et recommandent au
destinataire aimé la plus grande régularité épistolaire.
C'est Balzac qui assomme Madame Hanska de fiévreu-
ses requêtes :
« Oh envoie moi deux lettres p a r semaine, que j'en re-
çoive une le mercredi, l'autre le dimanche. » (29 octobre
1833)
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Le moindre retard provoque des angoisses sans mesure.


Choderlos de Laclos, depuis sa prison de Picpus, pendant
la révolution, avoue à son épouse Soulanges:
« Je supporte bien le premier jour de retard parce que je
suppose de la négligence du facteur, le troisième je m'in-
quiète; le quatrième, ma tête se perd. » (31 mai 1794)

Afin de ne perdre aucun des maillons de la chaîne épisto-


laire, on date ou l'on numérote soigneusement les lettres :
« Songe à dater toutes tes lettres », recommande Voltaire
séparé d'Olympe Du Noyer qui n'a pu quitter la Hol-
lande.

DES F É T I C H E S

Pour tenter de combler le néant de cette absence, les


épistoliers cherchent à tenir quelque objet entre les mains;
la lettre est accompagnée de reliques amoureuses, boucles
de cheveux, portraits.
Choderlos confie à son épouse des cheveux qu'il nomme
«petit monument de tendresse », à placer avec ceux de ses
enfants. Et Balzac pour «narguer le temps» envoie à
madame Hanska une mèche encore brune de la chevelure
qu'il a laissé pousser pour elle.
Les portraits, le papier parfumé qu'on baise ou qu'on
arrose de pleurs sont autant de preuves d'un sentiment
auquel les mots ne suffisent plus.

LES T E R M E S D E C A R E S S E

Comment dire avec des mots usés ce qui semble si


nouveau à l'âme des amants? Ici encore, les épistoliers
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retrouvent intuitivement une valeur considérée comme


importante par les anciens: «l'invention».
Une jeune femme amoureuse et poète, Mireille Sorgue,
s'exclame :
«Ah, les structures anciennes ne me servent à rien, il faut
inventer le langage, un langage-miroir pour m'y chercher,
un langage-portrait pour que tu me connaisses, un langage-
clef pour t'atteindre. » (13 février 1963)
Balzac souhaite créer pour son amie une langue nouvelle :
« Cher céleste jour! Je voudrais inventer des mots et des
caresses pour toi seule. » (26 octobre 1833)
Ainsi, toute correspondance amoureuse finit par se re-
tourner sur elle-même et réfléchir sur le langage qu'elle
emploie, qu'elle crée.

Les mots les plus souvent imaginés par les amants sont les
surnoms d'affection. De ces noms choisis et tendres, cer-
tains épistoliers font un usage abondant. Les grammai-
riens nomment ces mots tendres des hypocoristiques,
terme savant pour désigner des vocables parfois tou-
chants, parfois étranges.
Certains correspondants restent sobres dans le choix de
leurs appellations : « ma tendre et solide amie », « ma Sophie »
pour Diderot, « mon adorable Olympe, ma chère maîtresse »
pour Voltaire, «mon ami» pour Julie de Lespinasse.
D'autres font varier largement le registre de la symboli-
que animale : du « charmant Castor » de Jean-Paul Sartre au
« Pigeon » de Catherine la Grande, du « lapin » et du « loup »
de Julien et Albertine Sarrazin à «l'oiseau» de Mireille
Sorgue, « Pipouche », « Frimousse » sont inventés par Jac-
ques Higelin et son amie dans leur correspondance juvénile.
Victor Hugo use et abuse du prénom d'Adèle autour
duquel il construit des modulations dans la même lettre du
29-30 août 1822 :
« Mon Adèle bien-aimée... Ô mon Adèle... ma chère et
charmante Adèle... mon Adèle chérie... chère Adèle...
Adèle, Ange... mon Adèle adorée... »
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Quant à Balzac, il imagine mille surnoms dont on dé-


couvrira encore d'autres variantes :
«Mon trésor aimé... chère jour... mon cher souffle...
Ange... mon bon génie... ma chère épouse... »
Henri IV choisit pour Gabrielle une appellation in-
tense : « Mon tout, aimez-moi fort. »

Il arrive également que la représentation des épistoliers


emprunte des métaphores choisies dans la littérature du
temps. Si Héloïse et Abélard servent souvent de point de
comparaison aux amants de l'époque classique, si Julie de
Lespinasse fait souvent référence aux personnages pas-
sionnés de Racine, les amants modernes illustrent leurs
lettres d'images de leur époque : le jeune monarque aux
cheveux d'or créé par Saint-Exupéry est présent dans plu-
sieurs correspondances :
Mireille Sorgue à l'Amant :
« Que devient dans ce paysage ton Petit Prince tant
chéri ? »
« Le Petit Prince tout seul se perdrait, comme un agneau
dans la Crau loin de la brebis-mère... » (22 mars 1963)
Jacques Higelin à Pipouche :
« Vous êtes la rose du Petit Prince et puis aussi mon
renard... » (Epinal 1960)

Bientôt, ces images font figure de code et fondent la


solidité du lien sur la complicité. Toute lettre repose ainsi
sur des jeux d'allusions devant lesquelles le lecteur exté-
rieur, tiers indiscret, est parfois désarmé.

DE LONGUES LETTRES

Les amants aiment écrire et écrire abondamment... Tout


épistolier trop concis peut être soupçonné de froideur ou
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d'insincérité, comme si la longueur du message donnait la


mesure exacte du sentiment. Recevoir une longue lettre
est le souhait de tout destinataire amoureux et rares sont
les destinataires qui se contentent de billets brefs.
Mariana, la religieuse portugaise, se plaint de recevoir
un feuillet à moitié rempli. Victor Hugo accuse Adèle de
couper son papier pour éviter d'avoir à écrire davantage.
Grave accusation que celle de chercher à économiser ses
mots.
Inversement, les amants à la plume éloquente ont des
scrupules à fatiguer leurs correspondants de lettres inter-
minables, car à toutes les époques, les usages, la bien-
séance recommandent la brièveté et la clarté comme les
premières des qualités épistolaires. Même s'ils savent, se-
lon le mot du cousin de madame de Sévigné, Bussy-Rabu-
tin, que « l'amour est un grand recommenceur », il n'est
pas rare que les amants implorent le pardon pour la lon-
gueur de leurs lettres ou la fréquence de leurs envois.
Julie de Lespinasse en a conscience lorsqu'elle écrit à
Guibert :
«Mon ami, je vous fais victime. Je vous écris jusqu'à
vous accabler. » (23 septembre 1774)
Un épistolier ardent, Henri IV, souhaiterait être uni à sa
maîtresse Gabrielle d'Estrées, par une lettre sans
commencement ni fin :
« Mon bel Ange, si à toutes heures m'était permis de vous
importuner de la mémoire de votre sujet, je crois que la fin
de votre lettre serait le commencement d'une autre. »
(26 février 1593)
Une épistolière contemporaine, Anaïs Nin, rêve
d'écrire une lettre d'une telle dimension que seule une
chambre forte pourrait la contenir.
Une lettre sans fin serait la traductrice d'un sentiment
infini.
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«AIMEZ, AIMEZ, TOUT LE RESTE


N'EST RIEN » (La Fontaine)
Les amants s'isolent dans l'écriture. Et même si le décor
de leur vie apparaît en toile de fond, seule compte leur
effusion. Un leitmotiv apparaît qu'on retrouve presque
inchangé d'une correspondance à l'autre :
«Tout le reste n'est rien»
« Vous ne trouverez jamais tant d'amour, et tout le reste
n'est rien », affirme Mariana à l'officier qui a regagné la
France.
Victor Hugo reprend comme en écho pour Adèle :
« Fais de ton Victor tout ce que tu voudras pourvu que tu
l'aimes. C'est la seule nécessité de son bonheur. Tout le
reste n'est rien. » (26-27 août 1822)
Pour Jacques Higelin, l'être aimé occupe tout le champ
de l'imaginaire :
« J'ai presque tout oublié des autres. » (Epinal 1960)
Si cet amour envahit toute la vie des amants, c'est parce
qu'ils nourrissent la conviction de vivre un sentiment hors
du commun et croient former un couple exceptionnel.
C'est ce que Diderot affirme avec force à Sophie :
« Qu'il y a de petitesse et de misère dans les transports
des amants ordinaires. Qu'il y a de charme, d'élévation et
d'énergie dans nos embrassements ! » (2 juin 1759)
Victor Hugo retrouve pour sa fiancée Adèle le même
motif :
« N'en doute pas, chère amie, nous avons une destinée à
part dans la vie. Nous jouissons de cette rare intimité des
âmes qui fait la félicité de la terre et du ciel. » (22 août
1822)
C'est cette conscience qui donne la force de triompher de
la séparation ou de l'attente : la lettre encourage celui qui
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a des moments, dans les longues soirées solitaires, où


s'il était besoin d'assassiner pour vous voir, je devien-
drais assassin. Je n'ai eu que trois passions en ma vie:
l'ambition de 1800 à 1811, l'amour pour une femme qui
m'a trompé de 1811 à 1818, et, depuis un an, cette
passion qui me domine et qui augmente sans cesse.
Dans tous les temps, toutes les distractions, tout ce qui
est étranger à ma passion a été nul pour moi; ou heu-
reuse ou malheureuse, elle remplit tous mes moments.
Et croyez-vous que le sacrifice que je fais à vos conve-
nances de ne pas vous voir ce soir soit peu de chose ?
Assurément, je ne veux pas m'en faire un mérite; je vous
le présente seulement comme une expiation pour les
torts que je puis avoir eus avant-hier. Cette expiation
n'est rien, pour vous, madame; mais pour moi, qui ai
passé tant de soirées affreuses, privé de vous et sans
vous voir, c'est un sacrifice plus difficile à supporter que
les supplices les plus horribles; c'est un sacrifice qui, par
l'extrême douleur de la victime, est digne de la femme
sublime à laquelle il est offert.
Au milieu du bouleversement de mon être, où me jette
ce besoin impérieux de vous voir, il est une qualité que
cependant jusqu'ici j'ai conservée et que je prie le destin
de me conserver encore, s'il ne veut me plonger, à mes
propres yeux, dans le monde de l'abjection: c'est une
véracité parfaite. Vous me dites, madame, que j'avais si
bien compromis les choses, samedi matin, que ce qui s'est
passé le soir devenait une nécessité pour vous. C'est ce
mot compromis qui me blesse jusqu'au fond de l'âme, et,
si j'avais le bonheur de pouvoir arracher le trait fatal qui
me perce le cœur, ce mot compromis m'en eût donné la
force.
Mais non, madame, votre âme a trop de noblesse pour
ne pas avoir compris la mienne. Vous étiez offensée et
vous vous êtes servie du premier mot qui est tombé sous
votre plume. Je prendrai pour juge, entre votre accusa-
tion et moi, quelqu'un dont vous ne récuserez pas le
témoignage. Si madame Dembowski, si la noble et su-
blime Métilde croit que ma conduite de samedi matin a
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été le moins du monde calculée pour la forcer, par le juste


soin de sa considération dans ce pays, à quelque démar-
che ultérieure, je l'avoue, cette conduite infâme est de
moi, il y a un être au monde qui peut dire que je manque
de délicatesse. J'irai plus loin. Je n'ai jamais eu le talent
de séduire qu'envers les femmes que je n'aimais pas du
tout. Dès que j'aime, je deviens timide et vous pouvez
en juger par le décontenancement dont je suis auprès de
vous. Si je ne m'étais pas mis à bavarder samedi soir,
tout le monde, jusqu'au bon padre Rettore se serait
aperçu que j'aimais. Mais j'aurais ce talent de séduire
que je ne l'aurais pas employé auprès de vous. S'il ne
dépendait que de faire des vœux pour réussir, je vou-
drais vous obtenir pour moi-même, et non pour un autre
être que j'aurais figuré à ma place. Je rougirais, je n'au-
rais plus de bonheur, je crois, même aimé de vous, si je
pouvais soupçonner que vous aimez un autre que moi-
même. Si vous aviez des défauts, je ne pourrais pas dire
que je ne vois pas vos défauts; je dirais, pour dire vrai,
que je les adore; et, en effet, je puis dire que j'adore cette
susceptibilité extrême qui me fait passer de si horribles
nuits. C'est ainsi que je voudrais être aimé, c'est ainsi
qu'on fait le véritable amour; il repousse la séduction
avec horreur, comme un secours trop indigne de lui, et
avec la séduction, tout calcul, tout manège, et jusqu'à la
moindre idée de compromettre l'objet que j'aime, pour le
forcer ensuite à certaines démarches ultérieures, à son
avantage.
J'aurais le talent de vous séduire, et je ne crois pas ce
talent possible, que je n'en ferais pas usage. Tôt ou tard,
vous vous apercevriez que vous avez été trompée, et il
me serait, je crois, plus affreux encore, après vous avoir
possédée, d'être privé de vous que si le ciel m'a
condamné à mourir sans être jamais aimé de vous.
Quand un être est dominé par une passion extrême,
tout ce qu'il dit ou tout ce qu'il fait, dans une circons-
tance particulière, ne prouve rien à son égard; c'est l'en-
semble de sa vie qui porte témoignage pour lui. Ainsi,
Madame, quand je jurerais à vos pieds, toute la journée,
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que je vous aime, ou que je vous hais, cela ne devrait


avoir aucune influence sur le degré de croyance que
vous pensez pouvoir m'accorder. C'est l'ensemble de ma
vie qui doit parler. Or, quoique je sois fort peu connu et
encore moins intéressant pour les personnes qui me
connaissent, cependant, faute d'autre sujet de conversa-
tion, vous pouvez demander si je suis connu pour man-
quer d'orgueil ou pour manquer de constance.
Voilà cinq ans que je suis à Milan. Prenons pour faux
tout ce qu'on dit de ma vie antérieure. Cinq ans, de
trente et un à trente-six ans, sont un intervalle assez
important dans la vie d'un homme, surtout quand, du-
rant ces cinq années, il est éprouvé par des circonstances
difficiles. Si jamais vous daignez, faute de mieux, penser
à mon caractère, daignez, madame, comparer ces cinq
années de ma vie avec cinq années prises dans la vie
d'un autre individu quelconque. Vous trouverez des vies
beaucoup plus brillantes par le talent, beaucoup plus
heureuses; mais une vie plus pleine d'honneur et de
constance que la mienne, c'est ce que je ne crois pas.
Combien ai-je eu de maîtresses en cinq ans, à Milan ?
Combien de fois ai-je faibli sur l'honneur ? — Or, j'aurais
manqué indignement à l'honneur si, agissant envers un
être qui ne peut pas me faire mettre l'épée à la main,
j'avais cherché le moins du monde à le compromettre.
Aimez-moi si vous voulez, divine Métilde, mais, au
nom de Dieu, ne me méprisez pas. Ce tourment est au-
dessus de mes forces. Dans votre manière de penser qui
est très juste, être méprisé m'empêcherait à jamais d'être
aimé.
Avec une âme élevée comme la vôtre, quelle voie plus
sûre pour déplaire que celle que vous m'accusez d'avoir
prise ? Je crains tant de vous déplaire que le moment où
je vous vis le soir du 3, pour la première fois et qui aurait
dû être le plus doux de ma vie, en fut, au contraire, un
des plus inquiets, par la crainte que j'eus de vous dé-
plaire.
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13

AMOUR FAMILIAL

Vous m'avez écrit depuis une vingtaine de


lettres qui m'ont été [...] une sorte de
compensation à mes années d'enfance et
tout un petit bonheur.

Paul Léautaud
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Vous m'aimez, ma chère enfant...


Madame de Sévigné à sa fille, Madame de Grignan

Marguerite de Sévigné a épousé le comte de Grignan,


gouverneur de Provence. Elle fait route vers le Midi tan-
dis que sa mère, la marquise, suit, jour après jour sur la
carte, l'itinéraire suivi par sa fille. Tout l'effraie. Et sur-
tout la perspective de la descente du Rhône.

A Paris, lundi 9 février [1671]

Je reçois vos lettres, ma bonne, comme vous avez


reçu ma bague. Je fonds en larmes en les lisant; il semble
que mon cœur veuille se fendre par la moitié. Il semble
que vous m'écriviez des injures ou que vous soyez malade
ou qu'il vous soit arrivé quelque accident, et c'est tout le
contraire. Vous m'aimez, ma chère enfant, et vous me le
dites d'une manière que je ne puis soutenir sans des
pleurs en abondance; vous continuez votre voyage sans
aucune aventure fâcheuse. Et lorsque j'apprends tout
cela, qui est justement tout ce qui me peut être le plus
agréable, voilà l'état où je suis. Vous vous amusez donc
à penser à moi, vous en parlez, et vous aimez mieux
m'écrire vos sentiments que vous n'aimez à me le dire.
De quelque façon qu'ils me viennent, ils sont reçus avec
une tendresse et une sensibilité qui n'est comprise que de
ceux qui savent aimer comme je fais. Vous me faites
sentir pour vous tout ce qu'il est possible de sentir de
tendresse. Mais, si vous songez à moi, ma pauvre
bonne, soyez assurée aussi que je pense continuellement
à vous. C'est ce que les dévots appellent une pensée
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habituelle; c'est ce qu'il faudrait avoir pour Dieu, si l'on


faisait son devoir. Rien ne me donne de distraction. Je
suis toujours avec vous. Je vois ce carrosse qui avance
toujours et qui n'approchera jamais de moi. Je suis tou-
jours dans les grands chemins. Il me semble que j'ai
quelquefois peur qu'il ne verse. Les pluies qu'il fait de-
puis trois jours me mettent au désespoir. Le Rhône me
fait une peur étrange. J'ai une carte devant mes yeux; je
sais tous les lieux où vous couchez. Vous êtes ce soir à
Nevers, vous serez dimanche à Lyon, où vous recevrez
cette lettre.
Je n'ai pu vous écrire qu'à Moulins par Mme de Gué-
négaud. Je n'ai reçu que deux de vos lettres; peut-être
que la troisième viendra. C'est la seule consolation que je
souhaite; pour d'autres, je n'en cherche pas. Je suis
entièrement incapable de voir beaucoup de monde ensem-
ble; cela viendra peut-être, mais il n'est pas venu. Les
duchesses de Verneuil et d'Arpajon me veulent réjouir; je
les prie de m'excuser encore. Je n'ai jamais vu de si belles
âmes qu'il y en a en ce pays-ci. Je fus samedi tout le jour
chez Mme de Villars à parler de vous, et à pleurer; elle
entre bien dans mes sentiments. Hier je fus au sermon de
Monsieur d'Agen et au salut et chez Mme de Puisieux,
chez Monsieur d'Uzès et chez Mme du Puy-du-Fou,
qui vous fait mille amitiés. Si vous aviez un petit
manteau fourré, elle aurait l'esprit en repos. Au-
jourd'hui je m'en vais souper au faubourg tête à tête.
Voilà les fêtes de mon carnaval. Je fais tous les jours dire
une messe pour vous; c'est une dévotion qui n'est pas
chimérique.
Je n'ai vu Adhémar qu'un moment. Je m'en vais lui
écrire pour le remercier de son lit; je lui en suis plus
obligée que vous. Si vous voulez me faire un véritable
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plaisir, ayez soin de votre santé, dormez dans ce joli petit


lit, mangez du potage, et servez-vous de tout le courage
qui me manque. Je ferai savoir des nouvelles de
votre santé. Continuez à m'écrire. Tout ce que vous
avez laissé d'amitié ici est augmenté. Je ne finirais point
à vous faire des compliments et à vous dire l'inquiétude
où l'on est de votre santé. [...]
Mandez-moi quand vous aurez reçu mes lettres. Je
fermerai tantôt celle-ci.
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Moritz von Schwind - La visite - vers 1860 - aquarelle - Bâle,


Kunstmuseum, Cabinet des Estampes.
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Ces aimables lettres qui me pénètrent


le cœur...
Madame de Sévigné à sa fille, Madame de Grignan

Madame de Sévigné était connue pour la grâce et la


vivacité de son écriture épistolaire; elle montre à Fran-
çoise-Marguerite qu'elle apprécie ses lettres, non seule-
ment pour la tendresse filiale qu'elles révèlent, mais aussi
pour leur naturel, ce qui constitue au XVII siècle le plus
apprécié des compliments.

A Paris, le mercredi 11 février 1671

Je n'en ai reçu que trois, de ces aimables lettres qui me


pénètrent le cœur; il y en a une qui me manque. Sans
que je les aime toutes, et que je n'aime point à perdre ce
qui me vient de vous, je croirais n'avoir rien perdu. Je
trouve qu'on ne peut rien souhaiter qui ne soit dans
celles que j'ai reçues. Elles sont premièrement très bien
écrites, et de plus si tendres et si naturelles qu'il est
impossible de ne les pas croire. La défiance même en
serait convaincue. Elles ont ce caractère de vérité que je
maintiens toujours, qui se fait voir avec autorité, pen-
dant que le mensonge demeure accablé sous les paroles
sans pouvoir persuader; plus elles s'efforcent de paraître,
plus elles sont enveloppées. Les vôtres sont vraies et le
paraissent. Vos paroles ne servent tout au plus qu'à vous
expliquer et, dans cette noble simplicité, elles ont une
force à quoi l'on ne peut résister. Voilà, ma bonne,
comme vos lettres m'ont paru. Mais quel effet elles me
font, et quelle sorte de larmes je répands, en me trouvant
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persuadée de la vérité de toutes les vérités que je souhaite


le plus sans exception ! Vous pourrez juger par là de ce
que m'ont fait les choses qui m'ont donné autrefois des
sentiments contraires. Si mes paroles ont la même puis-
sance que les vôtres, il ne faut pas vous en dire davan-
tage; je suis assurée que mes vérités ont fait en vous leur
effet ordinaire.
Mais je ne veux point que vous disiez que j'étais un
rideau qui vous cachait. Tant pis si je vous cachais; vous
êtes encore plus aimable quand on a tiré le rideau. Il faut
que vous soyez à découvert pour être dans votre perfec-
tion; nous l'avions dit mille fois. Pour moi, il me semble
que je suis toute nue, qu'on m'a dépouillée de tout ce qui
me rendait aimable, je n'ose plus voir le monde, et quoi
qu'on ait fait pour m'y remettre, j'ai passé tous ces jours-
ci comme un loup-garou, ne pouvant faire autrement.
Peu de gens sont dignes de comprendre ce que je sens.
J'ai cherché ceux qui sont de ce petit nombre, et j'ai évité
les autres. J'ai vu Guitaut et sa femme; ils vous aiment.
Mandez-moi un petit mot pour eux. Deux ou trois Gri-
gnan me vinrent voir hier matin. J'ai remercié mille fois
Adhémar de vous avoir prêté son lit. Nous ne voulûmes
point examiner s'il n'eût pas été meilleur pour lui de
troubler votre repos que d'en être cause; nous n'eûmes
pas la force de pousser cette folie, et nous fûmes ravis de
ce que le lit était bon.
Il nous semble que vous êtes à Moulins aujourd'hui;
vous y recevrez une de mes lettres. Je ne vous ai point
écrit à Briare. C'était ce cruel mercredi qu'il fallait écrire;
c'était le propre jour de votre départ. J'étais si affligée et
si accablée que j'étais même incapable de chercher de la
consolation en vous écrivant. Voici donc ma troisième, et
ma seconde à Lyon; ayez soin de me mander si vous les
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avez reçues. Quand on est fort éloignés, on ne se moque


plus des lettres qui commencent par J'ai reçu la vôtre,
etc. La pensée que vous aviez de vous éloigner toujours,
et de voir que ce carrosse allait toujours en delà, est une
de celles qui me tourmentent le plus. Vous allez tou-
jours, et comme vous dites, vous vous trouverez à deux
cents lieues de moi. Alors, ne pouvant plus souffrir les
injustices sans en faire à mon tour, je me mettrai à
m'eloigner aussi de mon côté et j'en ferai tant que je me
trouverai à trois cents. Ce sera une belle distance, et ce
sera une chose digne de mon amitié que d'entreprendre
de traverser la France pour vous aller voir.
Je suis touchée du retour de vos cœurs entre le Coadju-
teur et vous. Vous savez combien j'ai toujours trouvé que
cela était nécessaire au bonheur de votre vie. Conservez
bien ce trésor, ma pauvre bonne. Vous êtes vous-même
charmée de sa bonté; faites-lui voir que vous n'êtes pas
ingrate.
Je finirai tantôt ma lettre. Peut-être qu'à Lyon vous
serez si étourdie de tous le honneurs qu'on vous y fera
que vous n'aurez pas le temps de lire tout ceci. Ayez au
moins celui de me mander toujours de vos nouvelles, et
comme vous vous portez, et votre aimable visage que
j'aime tant, et si vous vous mettez sur ce diable de
Rhône. Vous aurez à Lyon Monsieur de Marseille.
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Ecris-moi donc exactement


ce que tu sens...
Stendhal à sa sœur, Pauline

L'affection de Stendhal, qui s'appelait alors Henri


Beyle, pour Pauline se faisait volontiers didactique. On
comprend pourquoi la jeune fille a quelquefois tardé à lui
répondre. Mais tous les conseils prodigués par Stendhal
sont à la mesure de son amour fraternel. A l'époque où il
écrit cette lettre, Henri Beyle a vingt-deux ans; sa sœur
Pauline est de trois ans sa cadette.

Marseille, le 20 août 1805

Ta lettre est charmante pour moi, ma chère Pauline, et


pour tout autre elle serait sublime. Ce qui me charme
surtout, c'est cette peinture naturelle et profonde d'un
caractère sublime et touchant. C'est précisément ce que
tu voulais être. Ne fais donc plus cette faute de jugement
qui te fait croire que les endroits les moins intéressants
de tes lettres sont ceux où tu parles de toi. C'est une
excessive modestie qui te porte à cette erreur. D'abord
pour moi, tu sais, ils sont les plus intéressants. Pour le
public, si tes lettres étaient destinées à être publiées, ils
le seraient encore. Ces endroits développent un grand
caractère, mêlé à une profonde sensibilité, et c'est ce qui
touche le plus. Le reste de tes lettres ne serait intéressant
qu'à proportion de ce qu'il y aurait de toi dedans; enfin,
ce qui ne serait que simple récit serait insuffisant en
général au public, parce que le hasard ne t'a pas encore
rendue témoin d'événements bien intéressants.
Plus on creuse avant dans son âme plus on ose expri-
mer une pensée très secrète, plus on tremble lorsqu'elle
est écrite, elle paraît étrange et c'est cette étrangeté qui
fait son mérite. C'est pour cela qu'elle est originale et si
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d'ailleurs elle est vraie, si vos paroles copient bien ce que


vous sentez, elle est sublime. Ecris-moi donc exactement
ce que tu sens.
Il y a un écueil dans cette habitude qu'il faut prendre.
On ne se trouve pas assez d'esprit pour peindre juste ce
qu'on sent, et, convenant du principe, on se conduit
comme si on ne le croyait pas. C'est une erreur; il faut
écrire indifféremment dans tous les moments. Par exem-
ple, jamais je ne fus moins disposé à écrire que dans ce
moment-ci. J'ai travaillé comme un diable tout le matin à
copier des lettres horriblement cochonnées pour les pen-
sées et pour le style; ensuite j'ai lu un quart d'heure un
livre horriblement enflé (c'est-à-dire dont les expressions
exagèrent les pensées et les sentiments de l'auteur). Ce
défaut est le pire de tous à mes yeux; c'est celui qui
éloigne le plus la sensibilité. Il ne faut écrire que lors-
qu'on a des choses grandes ou profondément belles à
dire, mais alors il faut les dire avec le plus de simplicité
possible, comme si l'on prenait à tâche de les empêcher
d'être remarquées. C'est le contraire de ce que font tous
les sots de ce siècle, mais c'est ce qu'ont fait tous les
grands hommes.
Ce livre, donc, si enflé, est excellent au fond. Il se
nomme : De l'influence des Passions sur le bonheur, par
M de Staël. C'est son meilleur ouvrage. Il est dans ma
portée, et cependant j'ai travaillé péniblement quinze
jours pour le lire. Dès que j'en aurai le courage, je le lirai
en extrayant les bonnes pensées et en les traduisant en
français. Il y a deux ou trois grands défauts dans cet
ouvrage; ils peuvent tous se rapporter à une cause:
l'exagération de l'auteur. M de Staël n'est pas très
sensible et elle s'est crue très sensible; elle a voulu être
très sensible, elle s'est fait, dans le secret de son cœur,
une gloire, un point d'honneur, une excuse d'être très
sensible, ensuite elle a mis là-dessus son exagération.
Elle s'est donc livrée aux passions (je le suppose, ne la
connaissant guère que par ses ouvrages) et a été tout
étonnée de ne pas trouver le bonheur qu'elles donnent
aux âmes passionnées. Une des causes qui, probable-
ment, l'a mécontentée, c'est qu'elle s'était prédit le bon-
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heur (tu vois que je prends son style) différent de ce qu'il


est. Une ou deux fois par an on a de ces moments
d'extase où toute l'âme est bonheur. Elle s'est figuré que
c'était ça le bonheur et a été malheureuse de ne pas le
trouver tel. Un peu d'étude de l'homme moral apprend
la rareté de cet état délicieux; un peu d'étude de
l'homme physique montre combien il est rare. Pour le
produire, il faut un éréthisme (une chanterelle de violon
lâche donne le ré; on la tend à son ton naturel, elle
donne le mi; on la tend encore, elle donne le fa, mais
bientôt elle se casse, elle est en éréthisme); voilà nos
nerfs. L'état d'extase les met dans un état qui ne peut
durer sans produire d'horribles douleurs.
Voilà, ma bonne amie, l'état où j'étais il y a deux ans.
La recherche de ce bonheur, impossible avec notre
corps, m'a donné des dispositions à la mélancolie et m'a
donné une haine tant reprochée pour l'ennui. Ayant
éprouvé cette maladie, je la distingue très bien dans
M de Staël; je m'en suis guéri; la sienne l'a jetée dans
une humeur terrible contre les passions. Si M de Staël
n'avait pas voulu être plus passionnée que la nature et la
première éducation ne l'ont faite, elle aurait fait des
chefs-d'œuvre. Elle a voulu sortir de son ton naturel, elle
a fait des ouvrages pleins d'excellentes pensées, fruits
d'un caractère réfléchissant, et il y manque tout ce qui tient
au caractère tendre. Comme cependant elle a voulu faire
de la tendresse, elle est tombée dans le galimatias. Après
cette longue préface, je te conseille de lire cet ouvrage,
au risque d'être un peu attristée. Elle ne sent pas qu'on a
du plaisir à aimer comme une âme sensible aime la vue
de l'Apollon du Belvédère.
Je suis bien heureux. — Je ne croyais pas qu'un si beau
caractère fût dans la nature. Tu n'as pas d'idée de Méla-
nie. C'est M Roland avec plus de grâce; elle lit dans ce
moment M Roland et trouve qu'elle manque de grâce
et qu'elle a de l'orgueil. Mon bonheur serait assuré si
j'avais quinze mille francs de rente, ce qui représente
quatre ou cinq à Grenoble. J'espère les avoir un jour, et
alors rien ne pourra approcher du bonheur que je goûte-
rai.
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D i r e q u e j e vous a v a i s retrouvée...
Paul Léautaud à sa mère

« Vous ne pouvez pas savoir ce que c'est que d'avoir


grandi tout seul, de n'avoir jamais eu sa mère : on en garde
pour toujours quelque chose de dur et de maladroit », écrit
Paul Léautaud.
La mère de Paul « a planté là », trois jours après sa nais-
sance, cet enfant illégitime. Après une longue séparation
ont lieu des retrouvailles affectueuses, une brève corres-
pondance. Mais elle se dérobe à nouveau, réclame ses
lettres. Il ne lui écrira plus que deux fois par an, pour sa
fête et la nouvelle année. Toujours sans réponse...

P a r i s le 2 f é v r i e r 1 9 0 2

Ma chère m a m a n ,
J e n ' a i j a m a i s r i e n f e i n t a v e c v o u s et s i j e
vous a i écrit c o m m e j e l'ai fait, d e p u i s quel-
q u e s j o u r s , c'est q u e j ' e s p é r a i s v o u s f l é c h i r et
q u e v o u s m e p a r d o n n e r i e z et q u e v o u s o u b l i e -
r i e z la d é s o l a n t e d e m a n d e q u e v o u s m ' a v e z
f a i t e . J e vois b i e n m a i n t e n a n t q u ' i l n ' e n s e r a
r i e n et le c h a g r i n n ' e s t p a s p e t i t q u e j ' é p r o u v e
à v o i r q u e m e s p r i è r e s n ' o n t e u a u c u n effet
s u r vous. Ç a n ' a u r a p a s d u r é l o n g t e m p s , n o -
tre joli r o m a n d ' a m o u r , c o m m e vous disiez
a u commencement, q u a n d vous vous mon-
t r i e z m a v r a i e m a m a n et q u e v o u s m e d i s i e z
d e v o u s d i r e tout, c e r t a i n q u e j e p o u v a i s ê t r e
d'être toujours p a r d o n n é . Ça n ' a u r a p a s d u r é
l o n g t e m p s et n o u s a l l o n s r e d e v e n i r ce q u e
n o u s é t i o n s a u t r e f o i s , il y a t r o i s mois. Q u e l
c o u r a g e , q u e l l e f e r m e t é v o u s a v e z et c o m m e
o n voit b i e n q u e j e s e r a i s e u l à e n souffrir.
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Mais ce n e sont p a s des plaintes que vous


attendez de moi, et j e n e dois plus espérer
vous toucher. Si j ' a v a i s d û y réussir, ce serait
déjà fait.
J e vous d i r a i donc, m a chère m a m a n , qu'il
m'est tout à f a i t impossible de vous r e n d r e
vos lettres. Cela m'est impossible p a r c e que j e
n e veux p a s me f a i r e moi-même de la peine.
La vie se charge assez elle-même de me pro-
c u r e r des chagrins; j e n ' a i p a s besoin de l'ai-
der. Une souffrance que j e me serais causée
moi-même me serait d e u x fois u n e souf-
france. Merci donc de l'occasion. J ' a i eu le
m a l h e u r i r r é p a r a b l e d'être p r i v é de vous pen-
d a n t à p e u près trente années. J e vous a i
retrouvée u n i q u e m e n t p a r c e que j ' a i t e n u à
aller à Calais, où j e p e n s a i s bien que j e vous
verrais; s a n s cela, s a n s cette action de m a
part, j e n e vous a u r a i s presque s û r e m e n t j a -
m a i s revue. Vous m'avez écrit depuis u n e
vingtaine de lettres qui m'ont été q u a n d j e les
ai lues, et qui me sont encore, q u a n d j e les
relis, malgré votre changement, u n e sorte de
compensation à mes a n n é e s d'enfance et tout
u n petit bonheur. Et j ' i r a i s vous les rendre,
comme ça, d u j o u r a u lendemain, et j ' a b a n -
d o n n e r a i s le seul bien que j ' a i de vous, les
seuls témoignages que j ' a i de m a mère!
Voyons, est-ce possible, et n e serais-je p a s
f o u de me désoler moi-même. Je n e vous a i
p a s forcée à les écrire, ces lettres. Vous les
avez écrites p a r c e que vous l'avez bien voulu.
Vous avez de plus été certainement sincère en
les écrivant, vous avez certainement pensé
tout ce qu'elles contiennent, et vous ne pouvez
p a s regretter de les avoir écrites. Que les
m i e n n e s vous a i e n t déplu, soit; m a i s que cela
vous déplaise que j ' a i e les vôtres, voilà ce que
j e ne comprends pas. Je sais bien que c'est
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très laid et très mal de m a p a r t de vous dés-


obéir. Mais p o u r q u o i voudriez-vous que j e me
fasse moi-même de la p e i n e ? Si encore vous
aviez invoqué votre sécurité, j e c o m p r e n d r a i s
que vous fassiez appel à m a soumission et à
m o n obéissance et elles vous seraient tout ac-
quises. Mais vous ne m'avez j a m a i s p a r l é que
de ce que vous appelez m a m a u v a i s e f a ç o n
d'interpréter vos lettres et j e vous a i dit là-
dessus combien vous vous trompiez.
Et puis, vous êtes trop sévère, m a chère
m a m a n , et surtout, vous l'êtes trop tout d ' u n
coup. Moi, j ' a i g r a n d i tout seul, d a n s m o n
coin, sans a u t r e affection presque que celle de
m a vieille bonne, qui me laissait f a i r e tout ce
que j e voulais. Q u a n d elle mourut, m a soli-
tude s'aggrava, m a solitude morale s'entend,
et aussi, m o n i n d é p e n d a n c e morale. A com-
bien de choses j ' a i pensé p e n d a n t ces années,
de combien de songeries était pleine m a tête
d'enfant. Vous ne l'avez j a m a i s su et n e le
s a u r e z jamais. Il est trop tard, p o u r vous et
p o u r moi, p o u r vous surtout, à cause de tant
d'années d'ignorance l'un de l'autre. J e n e
doute p a s de votre cœur, allez; j e suis même
s û r que vous êtes u n e mère parfaite. Mais si
longtemps séparée de moi, vous n e pouviez
m'aimer, comme ça, sans me connaître et la
bonté qui est e n vous a été p o u r d'autres qui
n'ont j a m a i s cessé d'être sous vos yeux.
Je ne sais donc p a s très bien obéir, et cela
m'est u n p e u inhabituel qu'on me dise : Paul,
f a i s ceci, ou si tu n e le f a i s pas, tu n ' a u r a s p a s
cela. — J ' a i trente ans, songez-y, et à cet âge
déjà, on ne change p a s facilement. Et puis, j e
vous le répète, j e n e veux pas, moi-même, me
causer d u chagrin. Si j e vous renvoyais vos
lettres, j e ne les a u r a i s p a s plus tôt mises à la
poste que j e m'en voudrais et serais plein de
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regret, comme q u e l q u ' u n qui laisse s'échapper


u n trésor. Je sais bien que vous allez me dire
que ça m'est égal alors que vous n e m'écriviez
plus. Mais vous savez bien vous-même quelle
p e i n e vous me ferez si vous n e m'écrivez plus.
Ne recevant plus r i e n de vous, j e n'oserai
probablement plus vous écrire. Nous recom-
mencerons à n e plus r i e n savoir l'un de l'au-
tre. Les a n n é e s passeront, nous vieillirons l'un
et l'autre, c h a c u n de notre côté, et u n jour, l'un
de n o u s a p p r e n d r a que l'autre est mort. Si j e
vous disais que j e pleure presque e n vous
écrivant, vous n e me croiriez pas.
Dire que j e vous avais retrouvée, que
j ' a v a i s p u vous embrasser, entendre votre
voix; dire que vous m'appeliez votre enfant,
votre chéri et que j ' e s p é r a i s vous revoir, et
que c'est fini, déjà.
Maintenant, d'ailleurs, après tant de du-
reté, pourriez-vous me dire encore des paro-
les de tendresse.
J e vous embrasse de tout m o n cœur.
P.

Lettre à ma mère, Paul Léautaud,


Ⓒ Mercure de France.
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BIBLIOGRAPHIE

• RECUEILS DE LETTRES

Baudelaire Charles, Correspondance, édition présentée par


J. Ziegler et C. Pichois, Paris, Gallimard - Pléiade, 1973.
Balzac Honoré de, Lettres à Madame Hanska, Paris, Laf-
font (Bouquins), 1990.
Boufflers le chevalier de, Correspondance inédite de la com-
tesse de Sabran et du Chevalier de Boufflers, 1778-1788,
préparée par MM. Magnieu et Prat, Paris, Plon, 1975.
Catherine II, Les Plus belles lettres de Catherine II, présen-
tées par G. Oudard, Calmann Lévy, Paris, 1962.
Chateaubriand François René de, Lettres à Madame Réca-
mier, Paris, Flammarion, 1951.
Constant Benjamin à Madame Récamier, Lettres, 1807-1830,
édition préparée par E. Harpaz, Paris, Champion, 1992.
Diderot Denis, Lettres à Sophie Volland, Paris, Folio, Gal-
limard, 1984.
Flaubert Gustave, Correspondance, édition préparée par
J. Bruneau, Paris, Gallimard, Pléiade, 1973-1991.
Guilleragues, Lettres de la religieuse portugaise, Paris,
Garnier Flammarion, 1983.
Henri IV, Lettres d'amour et écrits intimes, choix et pré-
sentation J.-P. Babelon, Paris, Fayard, 1988.
Henri IV, Les Plus belles lettres de Henri IV, présentées
par P. Erlanger, Paris, Calmann Lévy, 1962.
Higelin Jacques, Lettres d'amour d'un soldat de vingt ans,
Paris, Grasset, 1987. Le Livre de Poche, n° 6499.
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Hugo Victor, Correspondance familiale et écrits intimes,


(comprend les lettres d'Adèle Foucher), sous la direction
de J. Gaudon, Paris, Laffont (coll. Bouquins), 1988-
1991.
Kafka Franz, Lettres à Milena, Paris, Gallimard, Idées,
1956 (actuellement dans la collection Tel).
Laclos Choderlos d e Correspondance in Œuvres complè-
tes, édition présentée par Laurent Versini, Paris, Galli-
mard, 1979.
Léautaud Paul, Lettres à ma mère, Paris, Mercure de
France, 1956, 1987.
Lespinasse Julie de, Les Plus belles lettres de Mademoiselle
de Lespinasse, présentées par C. Roy, Paris, Calmann
Lévy, 1962.
Miller Henry - Nin Anaïs, Correspondance passionnée, Pa-
ris, Stock, 1989.
Rousseau Jean-Jacques, Les Plus belles lettres de Jean-
Jacques Rousseau, présentées par Pierre Sipriot, Paris,
Calmann Lévy, 1962.
Sainte-Beuve, Les Plus belles lettres de Sainte-Beuve, pré-
sentées par André Billy, Paris, Calmann Lévy, 1962.
Sand George, Correspondance, textes réunis, choisis et
annotés par Georges Lubin, Paris, Garnier, 1964-1991
(25 vol. contenant également des lettres d'Alfred de
Musset).
Sartre Jean-Paul, Lettres au Castor et à quelques autres,
(tome 1, tome 2), Paris, Gallimard, 1983.
Sarrazin Albertine, Lettres à Julien, Paris, Pauvert, 1971.
Sévigné Madame de, Correspondance, édition préparée
par R. Duchêne, Paris, Gallimard, Pléiade, 1972.
Sorgue Mireille, Lettres à l'Amant, Paris, Albin Michel,
1985.
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Stendhal, Les Plus belles lettres de Stendhal, présentées


par Jean Dutourd, Paris, Calmann Lévy, 1962.
Voltaire François Marie Arouet, Correspondance, édition
préparée par F. Deloffre, Paris, Gallimard, 1977, 1988.
Les Plus belles lettres manuscrites de la langue française,
coll. Robert Laffont, Bibliothèque nationale, 1992.

• POUR EN SAVOIR PLUS SUR LA LETTRE


Recueils d'articles
Ecrire, publier, lire les correspondances. Publication de
l'Université de Nantes, novembre 1982.
L'Epistolarité à travers les siècles, Stuttgart, Franz Steiner
Verlag, 1990.
La Correspondance, les usages de la lettre au XIXe siècle,
sous la direction de Roger Chartier, Paris, Fayard,
1991.
La Lettre d'amour, Revue Textuel, Université de
Paris VII, diffusion distique, 1992.

Ouvrages spécialisés
Carrell Suzan L., Le Soliloque de la passion féminine ou le
dialogue illusoire, Paris-Tübingen, Jean-Michel Place,
Gunter Narr, 1982 (étude sur la lettre d'amour dans la
littérature et dans la réalité).
Duchêne Roger, Madame de Sévigné et la lettre d'amour,
Paris, Kluicksieck, 1992.
Haroche-Bouzignac Geneviève, Voltaire dans ses lettres de
jeunesse, Paris, Kluicksieck, 1992.
Kaufmann Vincent, L'Equivoque épistolaire, Paris, édi-
tions de Minuit, 1990.

Sur l'iconographie épistolaire


Leymarie Jean, L'Esprit de la lettre dans la peinture, Ge-
nève, Skira, 1967.
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INDEX

Nous donnons en gras le nom des épistoliers, suivi entre


parenthèses de celui de leur correspondant.
Les noms présentés en maigre désignent les destinataires.

«Amant» l', 142, 144, 146 Estrées Gabrielle de


(Henri IV), 49
Baudelaire Charles Estrées Gabrielle de, 48, 108
(Madame Sabatier), 34, 36
Balzac Honoré de Flaubert Gustave
(Madame Hanska), 51, 103 (Louise Colet), 66, 69
Beauvoir Simone de, 56, 152, Foucher Adèle
155
(Victor Hugo), 220
Beyle Pauline, sœur Foucher Adèle, 52, 54, 134, 136,
de Stendhal, 239 216
Boufflers Stanislas, chevalier Forestier Jeanne, mère
de (Madame de Sabran), 88, de Paul Léautaud, 242
90, 176, 177, 178, 179
Boufflers Stanislas, chevalier
de, 168, 170, 172, 173 Grignan, Madame de, 232, 236
Bourges Michel de, 60, 211 Guibert marquis de, 50, 113,
116, 117, 121
Catherine II (Potemkine),
84, 139 Hanska, madame, 51, 103
«Chamilly», 193 Henri IV
Chateaubriand (Gabrielle d'Estrées), 48, 108
François René de Henri IV
(Madame Récamier), 64, 189 (Henriette d'Entragues), 192
Colet Louise, 66, 69 Henri IV, 49
Constant Benjamin Higelin Jacques (Pipouche),
(Madame Récamier), 37 148, 158
Houdetot, Sophie de, 198, 210
Diderot Denis Hugo Adèle, 224
(Sophie Volland), 61, 92, 110, Hugo Victor
132 (Adèle Foucher), 52, 54, 134,
Du Noyer Olympe, 42, 62 136, 216
Entragues Henriette de, 192 Hugo Victor, 220

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