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la deuxième
Conférence de
Carême 2010
Introduction
Le Concile a réconcilié l’exégèse moderne et traditionnelle de la Bible dans
une synthèse qui commence à peine à être mise en œuvre. Pour que la
Bible soit lue comme Parole de Dieu et que « l’étude de l’Ecriture sainte »
devienne vraiment « l’âme de la théologie » (Dei Verbum 24), il faut
changer son regard sur la « lettre » et en découvrir « l’esprit ».
Pourtant, la rédaction de Dei Verbum fut tout sauf facile. Elle nécessita près
de trois années pleines et s’étendit sur toute la durée du concile. Une
commission spéciale dut être créée pour en discuter les aspects les plus
techniques [1]. Par deux fois, les débats furent si vifs que Jean XXIII, tout
d’abord, et Paul VI, à la dernière minute [2], durent intervenir
personnellement pour ramener la paix entre les évêques. Au final, le texte
accumule les paradoxes. Cette constitution, si capitale que le cardinal Henri
de Lubac a pu parler d’elle comme du « portique et [du] fondement » [3] de
l’ensemble des documents conciliaires, sera l’une de celles qui auront été
le plus discutées ; résultant de préparations menées par des commissions
d’experts, elle aura besoin des décisions de deux papes successifs pour
trouver son équilibre ; suscitant entre les Pères conciliaires les oppositions
les plus tenaces, elle bénéficiera en son état définitif d’une quasi unanimité,
recueillant 2344 voix contre 6 lors du scrutin de promulgation [4] ; comptant
aujourd’hui parmi les documents les plus importants pour la vie de l’Église,
elle est aussi l’un de ceux qui sont le moins connus du grand public.
Cet incessant renvoi à une vie qui, tout en constituant les Écritures, les
déborde, devient compréhensible à travers la catégorie de la Parole. Selon
les propres termes de Dei Verbum, en effet, « la Tradition sacrée et la
Sainte Écriture constituent l’unique dépôt sacré de la parole de Dieu, confié
à l’Église » [19]. Or une parole, si riche soit-elle, ne se désigne jamais elle-
même mais renvoie au moins à celui qui l’énonce.
Reste alors une question. Si le Christ comme le dit Dei Verbum, « est à la
fois le médiateur et la plénitude de la Révélation tout entière » [25], comment
pouvons-nous, par nos paroles, être des porteurs fidèles de la Parole qu’il
est lui-même ? Sans nous arrêter sur les diverses indications fournies par
la constitution, nous pouvons nous laisser guider par l’analogie que nous
venons de rappeler. La Parole, transmise par les textes, ne s’est pourtant
pas incarnée dans un livre : c’est pourquoi le christianisme est une religion
de la Parole et non une religion du livre, et c’est pourquoi il ne suffit pas de
répéter la Bible pour avoir la foi. Non : la Parole de Dieu se dit dans un
Vivant, un Vivant qui nous parle, par les Écritures et dans son Église. Ainsi,
notre fidélité ne dépendra pas d’abord de nos connaissances techniques,
mais de l’attention personnelle de notre écoute. C’est ce que Dei
Verbum manifeste magnifiquement dans son ouverture : « Dei Verbum
religiose audiens et fidenter proclamans, Sacrosancta Synodis » : « Le
saint Concile, en écoutant religieusement et en proclamant hardiment la
Parole de Dieu » [26]. La première chose que proclament les Pères
conciliaires pour parler de la parole de Dieu… c’est qu’ils écoutent.
La liturgie
Dei Verbum souligne que c’est « surtout dans la sainte liturgie » [45] que
l’Église se nourrit du corps du Seigneur en écoutant sa parole et en
communiant à l’eucharistie. C’est dans la liturgie que ressort le rapport
d’appartenance réciproque entre le Livre et le Peuple, et c’est là que se
produit le dialogue de l’alliance et l’œuvre de réception de la Bible. Ou
mieux, cette réception se produit dans la communauté réunie en assemblée
liturgique. Comme cela ressort du texte de Lc 4,16-21, chaque fois que la
Parole de Dieu est proclamée dans une liturgie, le texte de l’Écriture (« ce
passage de l’Écriture » : Lc 4,21) est lu et proclamé comme une parole vive
pour l’aujourd’hui (« aujourd’hui » : Lc 4,21) pour une communauté précise
réunie en assemblée (« à vos oreilles » : Lc 4,21) : c’est la communauté
rassemblée par la Parole de Dieu, la communauté de l’écoute, l’ekklesía.
La lectio divina
Dans la lectio divina, le croyant lit des paroles bibliques pour écouter la
Parole de Dieu ; sa lecture devient dès lors lecture de soi-même, qui lui
permet de se comprendre de manière renouvelée à partir de la lumière
provenant du texte, du visage du Christ qui émerge de la page biblique. En
lisant, le croyant se sent lui-même lu, radiographié ; il réitère l’expérience
de David qui s’entend dire par Nathan : « Cet homme, c’est toi ! » [53] ; oui,
c’est de toi qu’il s’agit, on parle de toi. Cette lecture constituera également
le cœur et l’essentiel de l’ascèse et de la discipline du croyant : elle exige le
silence, la solitude, la concentration, le travail intérieur, la réflexion,
l’attention, mais aussi la sortie de soi et l’ouverture à l’Autre. Cette lecture
devient l’âme de la vie spirituelle tout court : de la même manière qu’on se
rapporte au texte biblique, de même se rapporte-t-on face à l’autre
personne, aux faits de l’existence, aux événements ecclésiaux et à ceux de
l’histoire.
sources de la Révélation se cristallisent à un point tel que, au lieu de poser la question classique
« Approuvez-vous le schéma afin que la discussion soit poursuivie sur la base de ce texte ? », où il suffirait
qu’un tiers des Pères expriment leur hostilité pour écarter le document romain, le conseil de présidence du
Concile choisit prudemment de poser la question inverse : « Approuvez-vous le renvoi du schéma en
commission pour révision ? », où un tiers seulement des voix en faveur du document évite à celui-ci l’écueil
d’une réécriture. Or, à la surprise générale, le vote du 20 novembre donne 1368 Pères pour l’interruption,
822 pour la continuation. Même si légalement la discussion pouvait se poursuivre (il aurait fallu plus de
1473 voix contestatrices pour la bloquer), le Concile se retrouvait de facto dans une impasse. Pour en
sortir, il fallut que Jean XXIII crée dès le lendemain de sa propre autorité une Commission mixte, groupe
restreint composé de tenants des diverses positions, pour se prononcer sur le schéma controversé et sur
son éventuelle refonte. Cf. par exemple G. ALBERIGO, dir., Histoire du concile Vatican II. 1959-1965. II. La
formation de la conscience conciliaire. La première session et la première intersession (octobre 1962 -
septembre 1963), Paris – Louvain 1998, 300-316 ; ou encore B.-D. DUPUY, « Historique de la
Constitution », in La Révélation divine. I., Unam Sanctam 70a, Paris 1968, 79-81.
Le 17 octobre 1965, à quelques semaines de la fin de la dernière session conciliaire, il faudra que Paul VI
[2]
rédige de sa main une instruction écrite pour dénouer les derniers nœuds de la discussion.
H. de LUBAC, La Révélation divine, Paris 19833, 169 (= Œuvres complètes IV., Paris 2006, 209).
[3]
Le 18 novembre 1965.
[4]
Cf. par exemple JEAN-PAUL II, Discours du 23 avril 1993 aux cardinaux et à la Commission biblique
[5]
Cf. DV 14.
[8]
Cf. DV 17-20.
[9]
Cf. DV 12
[11]
Cf. DV 11-13 (chapitre III). Cf. aussi COMMISSION BIBLIQUE PONTIFICALE, L’interprétation de la Bible
[14]
modo cum legentibus crescit » : PL 76, 135) ou In Ezechielem I, 7 (« Et quia unusquisque sanctorum
quanto ipse in Scriptura sacra profecerit, tanto haec eadem Scriptura sacra proficit apud ipsum » : PL 76,
843 ; « dicta sacri eloquii cum legentium spiritu excrescunt » : PL 76, 846) : commentaires éclairants en
P.C. BORI, L’interprétation infinie, Paris 1991 et H. de LUBAC, Exégèse médiévale. Première partie. Tome
II, Paris 1959, 652-656.
DV 8.
[16]
Cf. DV 1 et 2.
[17]
DV 9.
[18]
DV 10.
[19]
DV 13.
[21]
Déjà proposée dans Divino afflante Spiritu : cf. JEAN-PAUL II, Discours du 23 avril 1993 aux cardinaux et
[22]
DV 2.
[25]
DV 1.
[26]
Cf. H. de LUBAC, La Révélation divine, Paris 19833, 23 (= Œuvres complètes IV., 49-50).
[27]
Mc 12,29.
[28]
DV 24.
[29]
P. CLAUDEL, « L’Écriture sainte », La Vie intellectuelle (mai 1948) 8 ; cité dans H. de LUBAC, L’Écriture
[30]
expectet ex dictis potius quam inponat, et retulerit magis quam adtulerit, neque cogat id uideri dictis
contineri quod ante lectionem praesumpserit intellegendum. [...] Idoneus enim sibi testis est [Deus], qui nisi
per se cognitus non est. [Expectamus, Domine, ut nos] ad consortium uel prophetalis uel apostolici Spiritus
voces, ut dicta eorum non alio quam ipsi locuti sunt sensu adpraehendamus [...]. Tribue ergo nobis
uerborum significationem, intellegentiae lumen, dictorum honorem, ueritatis fidem. Et praesta ut quod
credimus et loquamur ». Nous suivons ici la traduction de G. M. de DURAND –Ch. MOREL – G. PELLAND,
in SC 443, Paris 1999, 241.273.
DV 21
[32]
DV 21
[33]
DV 24
[34]
cf. DV 25
[35]
AS IV/1 relatio du n° 1
[36]
1Jn 1,2-3
[37]
cf. DV 2
[38]
Is 55,10-11 ; He 4,12-13
[39]
Sg 18,15
[40]
Is 40,8 ; 1P 1,25
[41]
cf. Jn 1,14
[42]
cf. He 1,2
[43]
DV 12
[44]
DV 21
[45]
SC 7
[46]
SC 33
[47]
cf. Is 55,10-11
[48]
DV 21
[49]
DV 25
[50]
DV 23
[51]
SC 7
[52]
2S 12,7
[53]
DV 25
[54]
[55]
Conférences X,11
[56]
cf. Lc 1,38
[57]
DV 13
[58]
1P 3,13