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ATENEO PONTIFICIO REGINA APOSTOLORUM

Facoltà di Teologia

Ecclésiologie de communion : une analyse


comparée entre saint Augustin et Joseph Ratzinger

Moderatrice: Suor. Daniela Del Gaudio


Studente: Wono Onguene Augustin
Numero di matricola: 00012573
ETEO 2012 Dissertazione di licenza
Roma, 30 aprile 2020
INTRODUCTION GENERALE

État de la question

L’ecclésiologie de communion représente une voie d’accès particulièrement


riche et dynamique pour la théologie de l’Église et la pratique ecclésiale. De fait, la
notion de communion a souvent été ignorée au cours du second millénaire. Pourtant
la catégorie de communion s’est révélée le concept central de l’ecclésiologie du
Concile Vatican II et par elle, on peut recueillir l’essentiel de l’enseignement dudit
Concile1.

Toutefois, il est manifeste que l’Église est une réalité complexe pour qu’une
seule notion soit capable d’en rendre compte de manière complète 2. Elle est à la fois
œuvre divine et œuvre humaine, communion spirituelle des croyants et institution
structurée, donnée la foi et réalité empirique. Justement la principale difficulté à
laquelle toute ecclésiologie est confrontée consiste précisément en l’articulation de
cette double dimension de l’Église. Alors, comment penser théologiquement une telle
articulation ? En outre, qu’est-ce que l’Église en tant que communion de ceux qui
croient au Christ ? En réalité comment la définition de l’Église communion entre -t-
elle en relation avec les autres descriptions de l’Église, peuple de Dieu, Corps du
Christ et temple de l’Esprit Saint, et comment s’accorde -t-elle avec la notion de
l’Église-sacrement ? Par ailleurs, quelles significations concrètement ecclésiologiques
doit-on conférer aux réalités de l’Église Universelle et Locale ? Enfin, comment
éviter la réduction de la communion à un thème de spiritualité sans traduction
ecclésiologique juridique concrète ? Et même, cette communion, ne pourrait-elle
souligner l’aspect sociétaire de l’Église ?

1
Cf. J. RATZINGER, « ecclésiologie de la constitution Lumen Gentium » in Faire route avec Dieu.
L’Église comme communion, Parole et Silence, Paris 2017, 121.
2
Cf. J. RIGAL, l’ecclésiologie de communion. Son évolution historique et ses fondements, éditions du
Cerf, Paris 2000, 9.

2
Choix des auteurs et considérations méthodologiques

Il nous a par conséquent semblé opportun, pour mener à bien un tel dessein de
trouver référence privilégiée chez deux auteurs appartenant certes à deux époques
assez éloignées, mais dont la pensée s’inscrit dans une remarquable perspective de
continuité à savoir, saint Augustin et Joseph Ratzinger. En réalité, saint Augustin est
reconnu par beaucoup comme Docteur ecclésiologique quant à sa riche littérature sur
les questions ecclésiologiques et surtout en raison de son ecclésiologie eucharistique
de laquelle il tire la ligne fondamentale de l’unité de l’Église et dont la pertinence
culmine dans ses démonstrations dans le cadre de la lutte contre les donatistes qui
veulent diviser l’Église. L’évêque d’Hippone pose comme fondement de sa pensée, la
théologie de l’Église-Corps qui est appartenance au Christ-Tête. En fait, pour notre
Docteur, le fait de se séparer de l’Église a pour conséquence la séparation d’avec le
Christ, car « on ne peut pas appartenir à la Tête, si on n’appartient pas au Corps. Le
Christ total, c’est la Tête et le Corps » 3. C’est donc ici que se développe la théologie
du Corps du Christ dans une dimension sacramentelle-eucharistique.

Avec Joseph Ratzinger, nous voulons découvrir la genèse et les implications


d’une telle notion car il nous présente une solide formation théologique et sa fidélité
aux sources scripturaires et à la tradition patristique nous sera d’un immense atout.
Beaucoup plus, il a une littérature assez abondante sur l’Église et les sacrements.
Nous pourrons alors ainsi parcourir avec lui les principales composantes de cette
notion centrale de la théologie de l’Église tout en ne s’éloignant pas de l’itinéraire
augustinien étant donné que leur ecclésiologie eucharistique les unit tous les deux en
dépit des seize siècles qui les séparent. Tous deux mettent en effet le Christ au centre
de leur réflexion théologique. Néanmoins, la raison fondamentale du choix de J.
Ratzinger est basée sur le fait qu’en tant qu’expert du Concile Vatican II, il en est
devenu le plus grand défenseur ainsi que le plus grand interprète de l’ecclésiologie

3
AUGUSTINUS, Sermo CCCXLI 1 = PL XXXIX 1493. (Nous entendons signaler qu’à chaque fois que
nous utiliserons le sigle PL, cela renverra à la Patrologie Latine)

3
conciliaire. Et en tant que pasteur, il sait l’implémenter et la rendre concrète dans la
vie ecclésiale et dans ses écrits. Cette notion de communion, selon J. Ratzinger,
trouve son point de départ dans la rencontre avec le Fils de Dieu fait chair, Jésus
Christ, qui vient aux hommes dans l’annonce de l’Église. Ainsi donc naît la
communion des hommes entre eux, communion qui repose à son tour sur celle avec le
Dieu-Trine4. C’est justement dans cette communion trinitaire que l’Église réalise la
variété des ministères. Cependant, cette communion dont parle J. Ratzinger ne
concerne pas seulement la structure de l’Église en tant que telle, mais surtout l’être
même de l’Église, la source de laquelle provient cette dernière et de laquelle elle vit.
Nous sommes tous appelés à participer à la vie divine dans laquelle nous trouvons
une très grande dignité. Et cette catégorie, le théologien allemand la trouve
manifestement dans la célébration eucharistique qui est source d’unité 5. Dans cette
veine, l’Église se conçoit comme unité de communion dans la Sainte Eucharistie,
dans l’Esprit Saint qui y opère, dans l’administration visible et dans les différents
ministères. L’Église, pour J. Ratzinger, est animée par l’unité du Corps dans la
diversité des membres et des ministères. Elle comprend alors non seulement des dons
charismatiques mais aussi et surtout la hiérarchie ; c’est l’auto-communication de
l’Esprit qui s’incarne dans l’Église et en fait une personne mystique pour enfin parler
en plusieurs personnes.

Il s’ensuit donc que, tout en empruntant une démarche à la fois analytique et


déductive, la présente étude trouvera ses contenus essentiels sur les terrains
argumentatifs respectifs de nos deux auteurs.

Le projet de recherche

En relisant le parcours théologique et surtout ecclésiologique des auteurs sus-


mentionnés, il ne nous a point paru hors propos de poser en ces termes le thème de
notre recherche : l’ecclésiologie de communion : une analyse comparée entre saint
4
Cf. J. RATZINGER, « ecclésiologie de la constitution Lumen Gentium », 125.
5
Cf. J. RIGAL, l’ecclésiologie de communion, 139.

4
Augustin et Joseph Ratzinger. Les deux visions, patristique et contemporaine, nous
permettront de comprendre le mystère de l’Église avec une plus grande clarté. La
préoccupation qu’a eu le Concile Vatican II de parler de l’être de l’Église est
antérieure à lui mais en lui il s’actualise, et de plus la résurgence de la question de la
communion aujourd’hui devient une exigence à laquelle il faut donner une réponse
non seulement théologique mais aussi pastorale. Il faudra justement, pour mieux la
comprendre, rentrer dans la grande tradition des Pères pour poser les bases et saisir
avec les jeunes générations comment ce concept a évolué et ce n’est qu’à ce prix
qu’une réponse sera possible. Nous entrerons donc de cette manière au cœur même de
la vie de l’Église, au sein de ce qui fait son être essentiel et constitue finalement son
mystère.

Structure du travail

Nous avons organisé ce travail autour de trois principaux chapitres. Le


premier chapitre présentera la pensée ecclésiologique de saint Augustin et ses
combats pour l’unité de l’Église. Le mystère de l’Église est abordé par l’Hipponate
dans un sens assez original qui laisse transparaître déjà la réalité de la communion
ecclésiale. Le deuxième chapitre quant à lui s’occupera de nous plonger dans
l’itinéraire théologique de J. Ratzinger, dans la formation de sa pensée
ecclésiologique et ses thèmes choisis pour rendre compte du mystère de l’Église, et
qui plus est, nous analyserons avec lui la réalité de la communion telle qu’elle se
présente dans l’ecclésiologie post conciliaire avec des variations qu’elle y a prises. Le
troisième chapitre, enfin, nous mettra dans une phase de démarche conjointe qui nous
révèlera les soucis d’Église partagés par les deux pasteurs sur la résurgence et
l’actualité de la notion de communion. Nous y verrons les champs d’application
concrets dans la mission de l’Église et mettrons en lumière quelques notes pastorales.

5
CHAPITRE I : L’ÉGLISE DANS LA PENSEE DE SAINT AUGUSTIN

Introduction partielle

Pour poser les jalons d’une telle entreprise, il nous faudra faire ressortir et
analyser le contenu de la pensée de l’Évêque d’Hippone sur la grande question de la
réalité essentielle et constitutive de l’Église : la communion. Elle est fondée et
structurée sur le paradigme de la communion trinitaire.

De fait, pour l’évêque d’Hippone, la communion dans l’Église est à l’image de


Dieu le Père qui se révèle aux hommes par son Fils Jésus-Christ et par l’Esprit Saint.
En s’incarnant, le Fils a bien voulu être le pont entre le Père et les hommes et le lien
des hommes entre eux par le sacrifice eucharistique qui nourrit et fonde
perpétuellement cette communion6. Et comme tout discours sur le Christ devrait
correspondre un discours sur le Saint Esprit, il faut donc dire que c’est cet Esprit qui
nous initie à cette unité trinitaire. C’est donc finalement lui qui est à la base de l’unité
de communion dans l’Église.

1.1. La genèse de la pensée ecclésiologique de saint Augustin

Plusieurs auteurs s’accordent sur le fait que la compréhension de l’Église chez


Augustin est tributaire de son itinéraire spirituel et intellectuel 7, « L’histoire de son
Église est désormais à la fois histoire de son propre esprit. Aussi dans ce sens
Augustin, était-il devenu d’un philosophe obligé uniquement envers une idée, un vrai
théologien lié à la forme concrète de son Église »8. D’ailleurs nous reconnaissons que

6
Cf. Ibidem, 13.
7
Cf. P. ALFARIC, L’évolution intellectuelle de saint Augustin, Tome 1 ; Du Manichéisme au
néoplatonisme, Noury, Paris 1918, 76
8
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu dans l’ecclésiologie de saint Augustin, Artege Lethielleux,
Paris 2017, 9-10.

6
sa conversion a été un cheminement assez long qui est intervenu bien au plan moral et
religieux qu’au plan intellectuel. Et Ratzinger nous dira à propos que les premiers
écrits d’Augustin reflètent une manière fort intellectuelle d’entendre le christianisme,
prenant en compte le mystère de l’Église9.

C’est donc une démarche de foi qui est encore marquée par la philosophie et
la recherche de la métaphysique. De fait, sa manière d’appréhender l’Église est le
passage nécessaire pour l’élévation de l’homme jusqu’à son Seigneur, elle a pour
tâche de donner à l’homme l’invisible sous forme visible. Ratzinger ajoutera
d’ailleurs que ce n’est que progressivement que l’Hipponate découvre les dimensions
de la vie chrétienne et les concepts d’Église Corps du Christ et à la lumière de sa
propre expérience maternelle de Mater Ecclesiae10.

Le terme d’Église chez saint Augustin au temps de sa conversion, se définit ainsi : sous
des formes visibles, Dieu nous transmet en Église l’invisible, jusqu’à ce que nous nous
élevions finalement jusqu’à Lui. Évidemment l’arrière-plan de ces images est
essentiellement intellectuel. C’est la doctrine de la sagesse qui pénètre intérieurement
et se dévoile progressivement. Le caractère pédagogique du terme « Église » et « foi »
qui apparait ici se concrétiser plus tard de plus en plus clairement 11.

D’ailleurs que son disciple Ratzinger nous fera comprendre que le contact
avec le peuple chrétien et les difficultés, tout comme la situation de l’Église
d’Afrique le conduiront progressivement à une vision historique de l’Église et à une
approche plus biblique :

Le monde divin n’est plus l’espace des idées répandues mais une communauté
sainte des anges divins. Mais une partie de cette famille divine pérégrine sur
terre dans l’inconnu, confiante dans une attente vers la réunification de toute la
maison divine. L’Église concrète, le peuple en marche pénètre ainsi dans
9
Cf. Ibidem, 20-22.
10
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, Desclée de Brouwer, Paris 2014, 57.
11
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 9-10.

7
l’espace idéal du Mundus intellibilis a atteint de ce fait le rang d’une dernière
réalité 12.

En fait, Augustin a bien voulu rattacher le mundus intelligibilis par « Regnum


Christi » à ce nouveau monde qui se caractérise par un ciel nouveau et une terre
nouvelle et où sera réalisé la demande « Adveniat Regnum Tuum »13. Augustin de fait,
situe le Royaume de Dieu dans l’Église même si c’est provisoire. Bien plus c’est dans
la foi chrétienne que l’évêque d’Hippone trouve la voie de la purification que Dieu
offre désignée par : credere, auctoritas, humilitas14. C’est donc dans ce sens de la
sagesse que consiste l’abaissement de la foi et l’écoute de la Parole de Dieu
descendue jusqu’à la misère de la chair humaine. A bien y voir, on comprend
véritablement que c’est avec un tel impératif que saint Augustin engage son
appréhension de l’Église et de la foi faisant du magisterium humilitatis un acte de
salut du Christ pour nous15.

1.1.2. La querelle anti-donatistes

Selon des sources traditionnelles fiables, la querelle Donatiste est au début de


l'œuvre d'Augustin. C'est en voulant lui donner une réponse que l'évêque d’Hippone
approfondira sa conception de l’Église et améliorera son ecclésiologie. Cela dit, il est
judicieux d'accorder un peu d'espace à cette hérésie dans notre recherche. De quoi
s'agit-il ?

En réalité, le donatisme est ce schisme qui menace l’« Unité », nom par lequel
l’évêque d’Hippone désigne l’Église du Christ. Alors, Augustin cherche à entrer en
dialogue avec l’Église dissidente menée par Donat pour tenter de les persuader ou

12
Cf. Ibidem, 19.
13
Cf. Ibidem, 40.
14
Cf. Ibidem, 41.
15
Cf. Ibidem, 41-42.

8
même les dissuader si possible. Et ce souci ecclésial et unitaire, conduira à la
conférence de Carthage en 411 qui est le début de la fin du schisme16.

En fait, le donatisme nait en 311/312 à l’occasion de la succession de l’évêque


de Carthage, Mensirius. En effet, Cecilianus qui est son successeur est élu en 309 au
sein du clergé carthaginois en recevant l’imposition des mains de Felix d’Abtungi en
lieu et place de Secundus de Tigisi alors primat de la province de Numidie qui
estimait d’ailleurs être le président de la consécration épiscopale de Cicilianus. Les
tensions subséquentes vont donc malheureusement s’accentuer et créer finalement
une division dans l’Église d’Afrique d’alors. Et ainsi, Donat qui deviendra évêque
quelques temps après créera une église parallèle. Le donatisme se présente donc à la
fois comme une attitude schismatique et une forme d’hérésie marquée par des
divergences doctrinales profondes dans les domaines de l’ecclésiologie et de la
sacramentaire17.

Malgré l'évidence d'un fond hérétique dans cette querelle, Cresconius en


revanche désapprouvait l’existence de différends doctrinaux entre ces deux parties ;
plus encore, il n'admettait pas non plus la différence de pratique chrétienne entre les
schismatiques. Il ne s’agissait donc pour lui que d’un schisme. Augustin parvint
cependant à démontrer que l’attitude donatiste était, au-delà du schisme, une véritable
hérésie. Pour Augustin, reprenant la définition de son adversaire, « l’hérétique est de
la secte qui suit des doctrines différentes, mais le schisme est une division entre
tenants des mêmes doctrines »18. Il prouve qu’ils ont une pratique différente en ce qui
regarde le baptême. En fait, pour lui, la différence entre schisme et hérésie consiste
surtout en la pertinacité : « J’aimerais mieux la distinction faisant du schisme une
division récente que crée dans une société la différence d’opinions, tandis que
l’hérésie est un schisme invétéré »19. Le point de désaccord initial concerne la valeur

16
Cf. D. WAYMEL, J. Ratzinger et l’Église, 60.
17
Cf. Ibidem, 61.
18
Cf. Ibidem, 62
19
AUGUSTINUS, Contra Cresconium Grammaticum Donatistam II 7, 9 = PL XLIII 169.

9
des sacrements conférés par des ministres excommuniés et dépourvus de toute
orthodoxie.

Par ailleurs, Augustin s’accorde avec les donatistes pour dire qu’il n’y a qu’un
seul baptême. Cependant, au lieu d’en déduire comme eux que le baptême conféré par
des schismatiques n’est pas valable, il considère en revanche que le baptême
catholique est le même que celui des donatistes parce que c’est celui du Christ. Dira-
t-il en substance, « Au Christ revient l’unique consécration de l’homme par le
baptême »20. Par conséquent, la valeur du baptême ne dépend donc pas de la sainteté
du ministre comme le pense Petilianus, repris par Augustin dans son texte « C’est la
conscience de celui qui donne le baptême que l’on considère pour voir s’il purifie la
conscience de celui qui le reçoit »21. Mais Petilianus évitera de répondre à l’objection
d’Augustin qui montre l’impossibilité de mesurer la conscience d’autrui sinon selon
une pureté extérieure et formaliste et que, finalement, sa position revient à mettre la
confiance en l’homme22. Ainsi, en attribuant au ministre l’efficacité du baptême, « les
donatistes attribuent aux hommes le bien du Christ »23. Et par conséquent, rebaptiser
revient à renier le nom du Christ : « Comme ce nom-là est le nom de Jésus-Christ,
ainsi ce baptême est le baptême de Jésus-Christ et tous les deux, il faut les reconnaitre
et approuver et non les nier ni détruire, de peur de faire injure à de si grands dons de
Dieu » 24.

Cependant, si le baptême des hérétiques est efficace, dans quel sens faut-il alors
comprendre la formule cyprienne « Hors de l’Église point de salut »25? Augustin
n’évite pas l’objection, à savoir l’illogisme apparent de concéder l’existence du
baptême chez Donat et le fait de ne pas être sanctifié en le recevant chez lui 26. Il
répond qu’en recevant le sacrement hors de l’Église, on n’en reçoit pas l’effet, mais

20
AUGUSTINUS, De unico Baptismo contra Petilianum II 3 = PL XLIII 667.
21
AUGUSTINUS, C.L.P. I1, 2 = PL XLIII 137.
22
Cf. Ibidem. III 27 = PL XLIII 651.
23
AUGUSTINUS, Epistula ad Catholicos XXI 59 = PL XXVIII 671.
24
Cf. Ibidem. VIII, 13, 693.
25
CYPRIANUS, Epistula IV 4 = PL IV; Epistula LXXIV 21, 2 = PL IV.
26
Cf. AUGUSTINUS, Contra Creconium grammaticum et donatistam I 34, 40 = PL XLIII 149.

10
seulement une marque non réitérable appelée caractère 27. Il en va d’ailleurs ainsi du
sacrement de l’ordre28. Mais c’est seulement dans l’Église que sa réception est
profitable car on y reçoit l’Esprit Saint et la grâce de l’unité 29 « Le baptême assure
aux premiers le royaume et aux autres la condamnation »30 ; « Il n’a pas l’amour de
Dieu celui qui n’aime pas l’unité de l’Église ; et par là on comprend qu’il est juste de
dire que l’on ne reçoit l’Esprit Saint que dans l’Église catholique »31. Il est donc
évident que :

En dehors de la communion de l’Église, du lien très saint de l’unité et du don


suréminent de la charité, ni l’homme libéré du démon ni le baptisé n’obtiennent
la vie éternelle, pas plus que ceux qui, participant aux sacrements de l’Église,
paraissent être au-dedans mais que leur mauvaise conduite dénonce comme étant
au dehors 32.

L’Église elle-même est composée de pécheurs et même en son sein on peut ne


pas recevoir le sacrement de manière profitable 33. Les donatistes n’en sont pas
exempts, ils ne forment pas une Église des purs. Leur position est donc sans espoir
car irréaliste.

Enfin, l’Église du Christ se reconnait aux marques corrélatives de l’Unité et de


la Catholicité ou universalité. Saint Augustin a développé l’image du Corps du Christ
uni par le lien de l’unité et de la charité. Ce Corps est un et répandu par tout
l’univers34. Toute dissidence se reconnait à la perte de ce double caractère. On peut
dire qu’il a bâti sa conception de l’Église sur le fondement du Christ qui en est la tête.
La parole des hommes, fussent-ils évêques, n’a pas de valeur si elle est dissonante

27
AUGUSTINUS. Sermo ad Caesariensis. Ecclesiae Plebem II 13 = PL XLIII 421.
28
Ibidem II 13, 30 =PL XLIII 425
29
Cf. AUGUSTINUS, Contra Cresconium grammaticum et donatistam II13,16 = PL XLIII 85.
30
Ibidem. I 22, 28= PL XLIII 125.
31
TERTULLIANUS, De baptismo III 16, 21 = PL II 211.
32
AUGUSTINUS, Caesariensis II 13, 30 = PL XLIII 439.
33
Cf. AUGUSTINUS, Contra. Cresconium III 2 = PL XLIII 413.
34
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 70.

11
avec la parole de l’Église. La parole de l’Église, ses sacrements, même reçus en
dehors, sont d’abord parole et actions divines du Christ. Un parti ne peut pas avoir
raison contre l’Église du Christ : « Il prêche un autre évangile celui qui soutient que
l’Église a péri dans le monde entier et ne subsiste avec le parti de Donat que dans la
seule Afrique »35. Augustin refuse toute vision manichéenne et accepte par contre tout
ce qu’il y a de bon chez les autres puisque ce sont des biens qui sont au Christ et qui
appartiennent indubitablement à son Église. Voilà pourquoi il dit,

Comme dans l’unité de l’aire du Seigneur, il ne faut pas louer les mauvais à cause des
bons, ni quitter les bons à cause des mauvais, comme chez un seul homme la part de
vérité qui est en lui ne doit pas faire admettre sa fausseté ni la part de fausseté qui est
en lui faire nier sa vérité, car les juifs aussi détiennent dans leur iniquité la vérité de la
résurrection des morts et les païens détiennent dans leur iniquité la vérité d’un seul
Dieu qui a fait le monde, et ceux qui n’amassent pas avec le Christ et de ce fait
dispersent détiennent dans leur iniquité la vérité qui leur fait chasser en son nom
l’esprit impur, et dans l’iniquité des temples des hommes idolâtres on a remarqué la
vérité qui leur faisait adorer le Dieu inconnu et dans l’iniquité des démons la vérité qui
leur fit confesser le Christ ; de même on ne doit pas nier la vérité qui se découvre dans
l’iniquité des hérétiques dans laquelle ils détiennent le sacrement du baptême 36.

On notera au passage l’optimisme foncier de ce propos qui cherche d’abord ce


qui réunit plutôt que ce qui sépare. Augustin accepte, par exemple, de dire avec les
païens qu’il partage « la vérité d’un seul Dieu qui a fait le monde »37. C’est déjà
mieux que l’athéisme dira-t-il.

1.1.3. Homélies sur l’Évangile de saint Jean

35
Cf. AUGUSTINUS, Epistula ad Catholicos de secta Donatistarum XII 32 = PL XLIII 595.
36
Cf. Ibidem XVIII 32 = PL XLIII 737.
37
Cf. Ibidem, XVIII 32= PLXLIII 738.

12
L'Évangile de Jean pour Augustin est l'Évangile du Verbe éternel, l'Évangile
du Christ. En même temps aussi, dans ses homélies que ce soit dans l’Évangile ou
dans la première Épitre de Jean, l’Église se trouve très présente. Dans ces textes il est
exposé l’unité et l’universalité de l’Église. En effet, comme nous l’avons dit plus
haut, les donatistes préconisaient que seul un ministre saint pouvait administrer un
sacrement valide. Selon Augustin, cette affirmation des donatistes est extravagante et
prétentieuse à la limite ; puisqu'au niveau analytique, cela reviendrait à déposséder le
Christ de ses prérogatives en les attribuant par le fait même à l’Église et à ces
ministres38. Le faisant, ils enlevaient au Christ toute valeur et réalité salvifiques.
Autrement dit, le Christ n'est plus le garant, le maître du Salut des Hommes. Ainsi
l'Église et ses ministres ne sont donc plus que des "fonctionnaires" du Verbe Éternel.
C'est sûrement pourquoi L’évêque d’Hippone se voit obligé de réaffirmer que le
baptême est don de Christ et que les valeurs de sainteté en dépendent. Bien plus il dit
que c’est en Lui que se trouve l’espérance des chrétiens 39. Pour ce faire, il se servira
de mille et une expressions symboliques pour illustrer et présenter l’Église. Ainsi
donc, elle est l’Épouse du Christ, la Colombe, l’Arche, la Pierre et la pêche
miraculeuse.

Explicitement, en nommant l’Église, l’Épouse du Christ, Augustin indique


avec la plus grande clarté qu’elle fonde son origine et ses prémices dans la chair du
Christ. En réalité c’est là que l’Époux, le Christ, s’est uni à l’Épouse qui est l’Église 40.
Et il va plus loin dans son argumentation en pensant que c’est aux prix de sa chair
qu’il a rompu le pain, c'est d'ailleurs à la fraction du pain et uniquement à ce titre que
les disciples le reconnurent41. Par ailleurs il dit de cette Église qu’elle commence à
Jérusalem et de là, elle s’étendra à toutes les nations. Cette Église donc, a été plantée
aux yeux de tous et elle est sa chair. Augustin peut donc déduire par là même que le
Christ est la Tête de cette Église qui est son Corps et qui restera ici-bas pendant qu’il

38
Cf. M.F. BERROUARD : "Introduction" Œuvres de saint Augustin 9e série vol 73A. des Homélies sur
l'Évangile de St Jean XXX-XLIII, Études augustiniennes, Paris 1988, 356-468.
39
Cf. AUGUSTINUS, In Epistula Ioannis ad Parthos tractatus decem V 4, 18 = PL XXXV 155.
40
Cf. Ibidem, V4, 20 = PL XXXV 156.
41
Cf. Ibidem,V 5, 1= PL XXXV 157.

13
monte au ciel42. En dénonçant donc les chantres de la division de l’Église, le Docteur
de la grâce lance concomitamment cette exhortation :

Où est la rémission des péchés, là est l’Église. Comment est l’Église ? C’est en effet à
elle qu’Il a dit « je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu
délieras sur la terre sera délié dans les cieux, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié
dans les cieux » (Mt 16,19). Jusqu’où s’étend cette rémission des péchés ? À toutes les
nations, à commencer par Jérusalem (Lc 24,47) Voilà : crois au Chris 43 !

Pour Augustin en effet, l’Église composée et des justes et des pécheurs 44.
D’ailleurs Tertullien l’avait déjà noté lorsqu’il fait cette comparaison entre l’arche et
l’Église : « il y’a dans l’arche comme dans l’Église « le corbeau et la colombe, le
loup, le chien et le serpent »45. La position d’Augustin est désormais claire contre les
donatistes qui ont l’intention de diviser l’Église en pensant séparer les justes des
pécheurs et prétendent ainsi que cette rupture les garderait de toute marque de
contamination. Pour l’évêque d’Hippone, ils ont tout faux ! D’ailleurs il va reprendre
à son compte l’image de l’arche donnée par Tertullien lorsqu’il affirme :

Il était donc juste que le corbeau fut lâché de l’arche et qu’il n’y revint pas. La
colombe aussi fut lâchée et elle revint. Ce sont deux oiseaux que Noé a lâchés. Il avait
un corbeau dans l’arche et il avait aussi la colombe. L’arche renfermerait ces deux
espèces d’oiseaux et si l’arche était une figure de l’Église, vous voyez dès lors que le
déluge de ce siècle de l’Église doit nécessairement contenir ces deux espèces
d’hommes, le corbeau et la colombe. Qui sont les corbeaux ? Ceux qui recherchent
leurs propres intérêts. Qui sont les colombes ? Ceux qui recherchent les intérêts du
Christ46.

42
Cf. AUGUSTINUS, Tractatus in Epistolam Ioannis X 9 = PL XXXV 438.
43
AUGUSTINUS, Tractatus in Epistolam Ioannis X 12 = PL XXXV
44
Cf. AUGUSTINUS, Tractatus in Epistolam Ioannis VII = PL XXXV465.
45
TERTULLIANUS, De Idolatria XXIV 4 = PL II 1124.
46
AUGUSTINUS, In Ioannis evangelium tractatus CXXIV 2 = PL XXXV 345-447.

14
Notre auteur va d’ailleurs donner une précision en ce sens que ce ne sont pas
seulement les schismatiques et les hérétiques qui représente le corbeau, mais aussi
tous ceux qui, tout en étant mêlés corporellement à son Unité en sont séparés par une
vie mauvaise47.

Au sujet de l’unité de l’Église, l’hipponate part toujours de la réalité très


significative de la Tête et du Corps, du Christ et de l’Église. Il ne considère pas cette
union comme une simple image encore moins comme une comparaison plate, bien au
contraire, il la prend au sens littéral du terme comme ce qui exprime une réalité
mystérieuse et désigne même l’organisme vivant que forment le Christ et l’Église
avec tous ses membres. Il l’illustre fort bien par cette image de la vigne et des
sarments :

Le Seigneur s’exprime en tant que le Christ Jésus homme, médiateur entre Dieu et les
hommes, il est la Tête de l’Église et que nous sommes ses membres. La vigne et les
sarments sont en effet d’une seule nature : c’est pourquoi, alors qu’il est Dieu, à la
nature duquel nous n’appartenons pas, il s’est fait homme pour que la nature humaine
en lui la vigne dont nous-mêmes, les hommes, nous pourrions être les sarments 48.

Le salut précisément se caractérise ainsi : « Oui, mes frères, Dieu a voulu être
fils de l'homme, et il a voulu que les hommes soient fils de Dieu. Lui-même est
descendu à cause de nous ; nous montons à cause de lui »49. Le Christ tout entier, c'est
la tête et le corps. Le Christ qui monte au ciel, ce n'est pas le sauveur tout seul, mais
la Tête unie aux membres, le Christ uni à l'Église. Ceci est dit sans ambigüité dans les
Enarationes in Ps., 122 :

Notre Seigneur Jésus-Christ l'a dit lui-même : Personne n'est monté au ciel sinon celui
qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est au ciel. Il semble n'avoir parlé que
47
Cf. AUGUSTINUS, De Unico Baptismo I10 = PL XLIII 14.
48
AUGUSTINUS, Tractatus LXXX 1= PL XXXV 69.
49
AUGUSTINUS, Tractatus XXI 17 = PL XXXV 311-313.

15
de lui seul, pour ainsi dire. Tous les autres sont-ils demeurés ici-bas, puisque seul est
monté celui qui, seul, est descendu ? Que doivent faire les autres ? S'unir à son Corps,
pour qu'il y ait un seul Christ qui soit descendu et qui soit monté. Il est descendu
comme Tête, il est remonté avec son Corps, revêtu de son Église qu'il s'est présentée
sans tache ni ride (cf. Eph. 5, 27). C'est donc bien seul qu'il est monté. Mais pour nous,
quand nous lui sommes unis de telle sorte que nous soyons en lui ses membres, même
avec nous il est encore seul, un par conséquent, et toujours un. C'est l'unité qui nous
rattache à cet un, et ceux-là seuls ne montent pas avec lui qui ont refusé d'être un avec
lui50.

1.1.4. Commentaire sur la première Épitre de saint Jean

Augustin commente cette épitre à une période où il combat encore


vigoureusement le donatisme51. Selon les commentateurs de l’évêque d’Hippone,
aucun Père de l’Église n’a su dégager le message de Jean comme lui52.

En effet, le message central de Prima Ioannis est l’affirmation de communion


des croyants avec Dieu. D’ailleurs saint Jean lui-même le présente sous trois réalités :
« Dieu est lumière » (1Jn 1,5), « Dieu est juste » (1Jn 2, 29), « Dieu est amour » (1Jn
1, 1-4). Ainsi qu’au début de l’épilogue (1Jn 5, 13). Cette réalité sera reprise
successivement dans l’ensemble des épîtres sous des expressions telles que : « être en
communion » (1Jn 1,6) « connaitre Dieu » (1Jn 2, 3-4) « demeurer en Dieu » (1Jn 2,
6-8) « avoir le Père et le Fils » (1Jn 2, 23). Toutes ces expressions renvoient à la
participation à la vie divine 53. On y voit tout s’entrecroiser, en elle s'imbriquent tous
les critères d’une communion véritable avec Dieu. Nous avons entre autres, la
renonciation au péché, la charité fraternelle sur laquelle reviendront tour à tour
Augustin et J. Ratzinger faisant de l’Église le vécu de la « Caritas » et enfin la foi au
Christ-Jésus. Pour saint Jean donc, la vie chrétienne consiste à être en communion
avec Dieu et elle n’est possible que par la foi en la révélation apportée par Jésus
50
AUGUSTINUS, Tractatus XX 1= PL XXXV 927-928.
51
Cf. AUGUSTINUS, Tractatus in epistolam Ioannis VIII 5 = PL XXXV 322.
52
Cf. Ch. MUNIER, La tradition manuscrite de l’Abrégé d’Hippone et le canons des écritures des
Eglises africaines, Sacris Erudiri 21, 1972-1973, 43-55.
53
Cf. D. MOLLAT, Jean l’évangéliste, 3. Doctrine spirituelle des épitres, DS VIII, 1972, Col. 242.

16
Christ puisqu’il est celui qui nous révèle l’amour divin. Cette foi est ainsi vécue
concrètement dans l’amour mutuel entre frères ; une charité, une solidarité
désintéressée voire irréversible. L’unique péché étant donc le refus de cette révélation
sans laquelle la charité fraternelle est impossible 54. De fait, lorsque le Docteur de la
grâce entreprend d’étudier cette épitre dans ses Tractatus, il y trouve au centre la
charité. « Jean, déclare-t-il, dès le prologue y parle de beaucoup de choses et presque
exclusivement de la charité »55. C’est donc une herméneutique fondamentale qui fait
de la charité l’unique objet de l’Écriture.

1.1.5. La Cité de Dieu

Nous commencerons cette partie avec les mots d’Augustin lui-même qui
établit le trait de différence des deux types de cités dont il est question dans son
ouvrage. Il dit littéralement ceci : « deux amours ont fait deux cités ; l’amour de soi
jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la
cité céleste »56. En effet, comme le dira un commentateur, c’est la chute de Rome due
à l’invasion des Goths en 410 qui va provoquer chez notre auteur, la rédaction du De
Civitate Dei. Et comment Dieu avait-il permis cela ? J. Ratzinger entend donc
clarifier le contexte en ces termes :

Ce que nous devons attendre de Dieu ou pas de Dieu, quelle est la relation entre
domaine politique et le domaine de la foi, de l’Église. Aujourd’hui aussi ce livre est
une source pour bien définir la véritable laïcité et la compétence de l’Église, la grande
et véritable espérance que nous donne la foi 57.

54
Cf. DE LA POTTERIE, le problème œcuménique du canon et le protocatholicisme, Axes, IV, 1972, 13-
14.
55
AUGUSTINUS, Tractatus in epistolam Ioannis I 75 = PL XXXV 104.
56
AUGUSTINUS, De Civitate Dei XIV 28 = PL XLI 436.
57
BENOIT XVI Audience Générale Mercredi 20 février 2008 « La leçon de saint Augustin sur la véritable
laïcité »

17
La cité de Dieu sera donc rédigée pendant quatorze ans 413-426, elle constitue
ainsi la grande apologie d’Augustin sur le christianisme face aux cultes païens des
faux dieux et en même temps qu’elle présente une théologie de l’histoire opposant
deux cités : la cité de Dieu, l’Église dont « Jésus Christ est le roi éternel »58 et la cité
du diable ou cité terrestre, sans pour autant que cette dernière se confonde avec la cité
temporelle ou cité politique. Bien sûr que l’une comme l’autre désigne une réalité
spirituelle. Et saint Augustin dira à ce propos :

Le genre humain a été désigné en deux ordres, l’un composé de ceux qui vivent selon
l’homme et l’autre de ceux qui vivent selon Dieu. Nous donnons encore à ces deux
cités le nom mystique de cité, par où il faut entendre deux sociétés d’hommes dont
l’une est prédestinée à vivre éternellement avec Dieu et l’autre à souffrir en supplice
éternel avec le diable59.

Au-delà des circonstances de sa rédaction, cet ouvrage est devenu un exposé de


la pensée ecclésiologique de l’évêque d’Hippone et par-delà sa théologie. Le Docteur
s’inspirera principalement de l’Écriture Sainte pour son ouvrage. De fait,

L’histoire de la Cité de Dieu prend pour point de départ la création, faisant d’abord sa
place aux esprits angéliques avant de s’intéresser à l’homme. Puis Augustin va
conduire cette histoire jusqu’à cette fin des temps qui fait entrer la création dans
l’éternité bienheureuse ou dans l’éternité du châtiment 60.

Il est donc clair et évident que le sujet de son livre, soit, en effet, « la très
glorieuse Cité de Dieu, en exil dans le cours des temps » et bien aussi « la Cité de

58
Cf. AUGUSTINUS, De Civitate Dei XIV 20 = PL XLI 428.
59
AUGUSTINUS, De Civitate Dei XV 1= PL XLI 437.
60
H. TEISSIER, « La Cité de Dieu d'Augustin et de quelques autres », Études, 2001/10 (Tome 395), p.
353-364. DOI : 10.3917/etu.954.0353. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2001-10-page-
353.htm.

18
Dieu enfin rendue dans l’éternelle demeure »61; somme toute c’est aussi la Cité
terrestre considérée à la lumière de la foi chrétienne. Mais en réalité,

L’histoire d’Augustin prend sa source en Dieu et trouve son terme en Lui. Elle
se déroule sous le regard bienveillant de Dieu et situe ses évènements particuliers par
rapport à l’action de la Providence divine dans les sociétés humaines. Cependant, il
s’agit bien aussi de l’histoire concrète des hommes 62. (…) Bien plus, la réflexion
d’Augustin a pour point de départ une question théologique enracinée dans l’histoire
concrète. (…) Le Dieu chrétien n’a donc pas su protéger la ville qui avait abandonné
ses dieux ancestraux. Augustin répond longuement à cette critique, puis il élargit le
débat et s’efforce de placer l’histoire humaine entre les deux niveaux suggérés par les
deux expressions : Cité de Dieu et Cité terrestre. Son livre est donc d’abord une
apologétique chrétienne63.

De fait, ce n’est pas toujours avec une simple équivalence qu’on peut observer
entre l’Église visible et l’Église céleste. Seulement en tant que corps mixte, « corpus
permixtum »64, l’Église empirique regorge en son sein, les citoyens de Babylone et
ceux de Jérusalem65. Cependant, cette Église terrestre est aussi eschatologique dans
son essence même et c’est bien pour cela qu’Augustin peut donc l’appeler Cité de
Dieu66. En effet, l’Église comme Cité de Dieu devrait alors être comprise comme
étant en pèlerinage terrestre afin de pouvoir atteindre son accomplissement
eschatologique à la fin des temps. En réalité, l’Église est en pèlerinage et donc en
processus de transformation et de purification jusqu’à la séparation des deux cités.
Nous pourrons bien le comprendre avec cette analyse que nous livre James K. Lee
lorsqu’il dit :

61
AUGUSTINUS, De Civitate Dei XVI 1 = PL XLI 475.
62
Cf. L. GARDET, Dieu et la destinée de l’homme, Vrin, Paris 1967, 411-476.
63
H. TEISSIER, « La Cité de Dieu d'Augustin et de quelques autres », Études, 2001/10 (Tome 395), p.
353-364. DOI : 10.3917/etu.954.0353. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2001-10-page-
353.htm.
64
Cf. AUGUSTINUS, In Iohannis evangelium Tractatus CXXIV 5 = PL XXXV 1976.
65
Cf. AUGUSTINUS, De Civitate Dei I 35= PL XLI 46.
66
Cf. J. K. LEE, Augustine and the mystery of the Church, Fotress Press, Minneapolis 2017, 76.

19
The visible Church is necessary for the formation of the heavenly city, for the city is
built up by the means of the sacrements. Baptism concerts the citizens of Babylon info
membres of Jérusalem. While it is possible for some to return to their sons and so to
bélong to Babylon, the may repent and become citizens of the heavenly city again 67.

En fait, l’évêque d’Hippone construit une ecclésiologie de transformation dans


l’Église visible qui se voit essentielle pour la formation et la plénitude de l’Église
céleste ; puisque la célébration des sacrements dans l’Église entraîne la conversion
dans l’Église terrestre à la Jérusalem céleste68.

C’est finalement une tension qui est maintenue entre les deux royaumes que
présente Augustin : Babylone et Jérusalem. Toutefois, au-delà des images qui y sont
décrites pour l’une et pour l’autre, il y’a un passage qui doit s’opérer, un saut
qualitatif à effectuer. Mais en fait, Augustin souligne que la Cité de Dieu c’est le
royaume céleste dont une part est en pèlerinage sur terre jusqu’au jour où toute chose
sera accomplie. C’est donc à cette fin que se verra visiblement la Jérusalem céleste 69.
Mais entretemps, les citoyens des deux cités cheminent ensemble : c’est le mystère de
l’Église.

En plus le théologien africain ne s’arrête pas une tension pour la maintenir, au


contraire il va plus loin en fondant une ecclésiologie de Cité et du Corps selon les
mots de J. K. Lee, « identifying the king of the city of as the head of the one body of
Christ »70. En effet, c’est le Christ qui a fondé la Jérusalem céleste et en tant que roi,
lui-même y a été fait le plus humble parmi les hommes en devenant serviteur, se
faisant chair à l’incarnation (Ph 2, 5) 71. Cependant, bien avant son incarnation, le
Christ envoya devant lui certains de ses membres, tels les patriarches et les prophètes,
qu’ils annoncent sa venue72. En fait, en tant que Tête, le Christ était déjà connecté à

67
Ibidem, 77.
68
Cf. AUGUSTINUS, Enarrationes in Psalmo LXXXVI 6 = PL XXXVII 1106.
69
Cf. J. K. LEE, Augustine and the mystery…, 82.
70
Ibidem, 83.
71
Cf. AUGUSTINUS, Enarrationes in Psalmo LXI 4 = PL XXXVII 602.
72
Ibidem, LXI 4, 5

20
eux. Et bien que les bras viennent avant la tête, tout le corps entier demeure sous son
contrôle. D’ailleurs comme le dit Augustin lui-même, la seule cité est un seul corps
sous le commandement de l’unique Tête et le tout forme alors le Christ Total
(Christus Totus). Le Christ est donc la Tête de toute la cité de Jérusalem dans laquelle
tous les croyants, du commencement jusqu’à la fin doivent être inscrits, ensemble
avec les anges afin qu’il y’ait une seule cité et un seul roi car, comme le pense J. K.
Lee, « Christ is king of the heavenly city and the head of his body, the Church »73.

L’Église comme corps du Christ est en pèlerinage sur terre en vue de la


Jérusalem. Elle chemine confiante à la suite de son Chef, le Christ, jusqu’au ciel. Et
l’Hipponate souligne cet état de l’Église vers son accomplissement : « we are
travelling to the place whiter Christ has gone before, but it is equally true to say that
Christ is making his way to place when he has already gone in advance, for though
Christ has gone before as head, he follows in his body »74. Mais le but du pèlerinage
de l’Église dans l’histoire est de construire la cité céleste de Jérusalem jusqu’à ce que
le recensement total des citoyens atteigne un nombre défini. Et pour le théologien
africain, ce nombre ne sera atteint précisément que par la conversion des méchants en
des membres de la nouvelle Jérusalem. En fait, cette conversion a lieu par la
médiation de l’Église visible et surtout à travers la célébration des sacrements.

La dialectique des deux cités chez Augustin trouve son accomplissement dans
les mérites du Christ. Les méchants se convertiront graduellement pour entrer dans la
nouvelle Jérusalem grâce à l’œuvre salvifique du Christ ; ainsi, Babylone perd son
identité et devient la Jérusalem75. C’est donc ici le grand mystère (magnum
sacramentum) dans lequel l’Église s’est révélée comme cité en pèlerinage dans un
processus de croissance et de transformation 76. En clair, Augustin affirme qu’on ne
devient pas membre de la Jérusalem de façon immédiate, car tous commencent

73
J. K. LEE, Augustine and the mystery…, 84.
74
AUGUSTINUS, Enarrationes in Psalmo LXXIII (98) 25 = PL XXXVII 945.
75
Cf. AUGUSTINUS, De Civitate Dei X 7 = PL XLI 285.
76
Cf. AUGUSTINUS, Enarrationes in Psamo LXXXVI 7 = PL XXXVII 1106.

21
comme pécheur et déchu qui doit subir la transformation de la vieille cité en la
nouvelle cité céleste77. C’est pourquoi il affirme que :

No single one of us born from Adam immediately belongs to Jerusalem. We each carry
with us the side hoots of iniquity and the munishment due to sin, and we are liable to
death. So in a sense we still belong to the old city. Buti if we are predestinated to
belong to the people of God, the old self be destroyed and the new person will be
built78.

D’ailleurs, Augustin pense que tous sont nés dans un état de captivité au péché
en tant que citoyens de Babylone. En revanche, ceux qui sont sauvés par le Christ
passent pour la Jérusalem céleste79. En somme, il faut noter que la dynamique de la
transformation constitue un aspect essentiel pour le pèlerinage terrestre de l’Église
comme peuple de Dieu en marche 80. Les sacrements assurent dans l’Église, la
médiation de l’œuvre salvifique du Christ et convertissent des méchants en de
citoyens éminents de la cité céleste. Mais c’est le Baptême en particulier selon
Augustin, qui transforme les membres de Babylone en Jérusalem81.

1.1.6. De Trinitate

Dès les premières phrases de son article, Émile Bailleux affirme que « le De
Trinitate de saint Augustin n’est pas loin de constituer une somme de théologie tant il
contient de richesses doctrinales »82. En effet, l’Hipponate pense pour sa part que
pour s’élever à la contemplation savoureuse de Dieu-Trinité et comprendre ce
souverain Bien d’où dépend leur béatitude, il faut que les hommes soient purifiés par

77
Cf. AUGUSTINUS, De Civitate Dei XV 1 = PL XLI 443.
78
AUGUSTINUS, Enarrationes in Psalmo LXI 7 = PL XXXVII 735.
79
Cf. J. K. LEE, Augustine and the mystery…85
80
Cf. Ibidem, 86
81
Cf. Ibidem, 87
82
E. BAILLEUX, « La Christologie de saint Augustin dans le De Trinitate » in
https://www.Brepolsonline.net 10 Octobre 2019 à 18h37, 219.

22
le biais de la foi aux mystères temporels du Verbe incarné qui pour lui, est le seul
Médiateur du salut pour tous puisqu’alors tous ont péché par le péché d’Adam. De
fait, le Médiateur nous dit Augustin, possède, subordonné à sa fonction théophanique,
une exemplarité proprement humaine pour autant que l’homme est Capax Dei83. Et le
même Bailleux continue dans ce sens en précisant que le Christ apprend aux hommes
à se connaitre eux-mêmes selon leur vérité profonde et leur vocation divine. Ainsi il
est logique dans ce sens entre deux églises visible et invisible opération rendue réelle
par son incarnation. L’évêque d’Hippone écrira d’ailleurs :

Notre Verbe devient d’une certaine manière, la voix de notre corps, en


l’assumant pour se manifester aux oreilles des hommes, comme le Verbe de Dieu s’est
fait chair, en assumant cette chair pour qu’en elle aux sens des hommes. Et de même
que notre Verbe devient voix sans se changer en voix, de même le Verbe de Dieu s’est
fait chair, mais n’allons pas croire qu’il se soit changé en chair. C’est en assumant le
sensible, non en se laissant consumer en lui que notre Verbe se fait voix et que le
Verbe de Dieu s’est fait chair 84.

Ainsi pour Augustin, le Verbe dans sa double nature introduit l’Église visible
dans le Royaume du Père. « De fait, il est comme tel, le premier né d’entre les morts
ouvrant à son Église le chemin vers le Royaume de Dieu, vers la vie éternelle, car il
est pour elle la Tête jusque dans l’immortalité corporelle ; il a donc été créé au
commencement des voies de Dieu en vue de ses œuvres »85. Et Benoit XV utilisant
cette même relation fait appartenir l’Église invisible, celle qui porte la Tête du Christ
et en même temps à l’Église visible qui est son Corps. Il dit en effet que pour
Augustin, l’enjeu portait sur la validité du baptême donné hors de l’Église 86. Plus
radicalement,

83
AUGUSTINUS, De Trinitate IV 4 = PL XL 889.
84
Cf. Ibidem, IV 6 = PL XL 892.
85
E. BAILLEUX, « La Christologie de saint Augustin dans le De Trinitate » …, 227.
86
Cf. BENOIT XVI, L’importance de la christologie, l’importance décisive de la résurrection, Audience
générale de Benoit XVI, le 5 novembre 2008.

23
Se séparer du Corps du Christ, comme l’ont fait les donatistes, c’est se séparer du
Chris et se placer hors des conditions du salut. On ne peut pas appartenir à la Tête si on
n’appartient pas au Corps. Le Christ Total c’est la Tête et le Corps. Hors de l’Église on
peut tout avoir sauf le salut 87.

Par ailleurs, comme le démontre bien G. Remy, le rôle actif reconnu au Fils
honore l’axiome trinitaire de la communauté de la nature des personne divines dans
leurs missions ad extra. En fait, le Christ réunit en lui la nature divine et la nature
humaine ou bien comme le préfère le dire Augustin lui-même « forma Dei » et
« forma servi »88. Et c’est justement dans ce sens que le sacrifice du Fils de Dieu sera
envisagé. Ce qui fait de lui le véritable Médiateur. L’évêque d’Hippone fonde la
communion des hommes avec Dieu en ces termes « en nous réconciliant avec Dieu
par le sacrifice de la paix, le Médiateur faisait Un avec celui à qui il offrait, il
réunissait en lui ceux pour qui il offrait lui-même ne faisant qu’Un avec ce qu’il
offrait »89. Remarquons tout de suite avec Remy qu’ici il y a unité du Médiateur avec
Dieu, identification à son sacrifice et union avec le genre humain ; il est donc à la fois
Médiateur, prêtre et victime90.

Et ce sacrifice, acte du Christ est pour ainsi dire inséparable de sa dimension


ecclésiologique. Il s’étend ainsi à toute l’Église. Pour le dire de façon plus claire avec
saint Augustin

La cité rachetée tout entière c’est à dire l’assemblée et la société des saints, est en
offerte à Dieu comme sacrifice universel par le Grand-Prêtre qui s’est offert lui-même
pour nous en sa passion selon la forme d’esclave, pour que nous soyons le corps d’une
telle Tête. En effet, il a offert cette forme à laquelle il s’est offert, parce qu’il est
Médiateur selon elle, en elle Prêtre, en elle Sacrifice 91.

87
V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 107.
88
AUGUSTINUS, De Trinitate XIV 18 = PLXL 1050.
89
Cf. AUGUSTINUS, De Trinitate XIV 19 = PL XL 1051.
90
Cf. G. REMY, “ la christologie d’Augustin : cas d’ambigüité” in Recherches de sciences religieuses,
https://www.cairn.inforevue-recherches-de-science-religieuse-2008-3-pages-401.htm , 409
91
AUGUSTINUS, De Civitate Dei X 6 = PL XLI 284.

24
De cette façon toute l’Église, visible et invisible sont en communion parfaite,
car le sacrifice prend une envergure ecclésiale en raison même de sa Tête, c’est à dire
l’Unique Médiateur. G. Remy conclue en disant « s’il s’exprime en particulier par les
œuvres de miséricorde, il dépasse le plan de l’agir pour s’enraciner dans celui de
l’être, à cause de sa signification communautaire et personnelle au point que le
sacrifice en sa totalité c’est nous-mêmes »92. Il est donc évident que c’est à la
médiation dont le fondement se trouve situé sur l’incarnation, de rendre légitime le
mouvement ascendant de la prière de l’Église vers le Christ et descendant de l’Unique
Médiateur vers nous comme l’exprime fort bien le même G. Remy 93. Cette dimension
inséparablement christologique et ecclésial de la prière relève d’une intuition juste et
profonde qui l’introduit dans une sorte de périchorèse entre les trois fonctions
reconnues au Christ dans la solidarité avec l’Église 94. Dans cette mesure donc la Tête
est associée au Corps ecclésial et ceci se vérifie dans la mesure où l’intercession du
Prêtre en faveur des fidèles se lie l’unique prière. Ainsi donc la prière de l’Église
fusionne-t-elle avec celle du Christ.

Déjà ici nous nous voyons transparaitre le fondement eucharistique de


l’ecclésiologie d’Augustin du Christ-Tête qui se donne en nourriture pour vivifier
l’Église. Une telle ecclésiologie sera au fondement de l’ecclésiologie eucharistique
que développera plus tard le jeune J. Ratzinger et donc la mission finalement sera de
rassembler tous les hommes dans l’unité autour du Christ-Tête95.

92
. G. REMY, « la christologie d’Augustin : cas d’ambigüité » …, 409.
93
Ibidem, 410.
94
Ibidem, 411.
95
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 109.

25
1.2. L ’ecclésiologie augustinienne autour des notions de Peuple de Dieu,
Maison de Dieu, Corpus Christi, Civitas Dei et Caritas.

D’entrée de jeu nous lisons à la suite de l’étude menée par J. Ratzinger sur
l’ecclésiologie de l’Hipponate que celle-ci est structurée par les cinq éléments qui se
renvoient l’un à l’autre de telle manière qu’ils ne s’excluent pas et donc la dernière
l’instance se trouve dans la Caritas qui est pour saint Augustin la concept clef, le
cœur même de sa vision de l’Église. Les notions de Maison de Dieu, de Peuple de
Dieu, de Corpus Christi, de Civitas Dei et de Caritas s’enchevêtrent infiniment et se
complètent mutuellement pour designer la Catholica ou tout simplement l’Ecclesia.
Nous ferons donc cette démarche avec le Docteur Africain pour comprendre toute la
richesse doctrinale contenue dans ces concepts et puiser une unité de sens pour notre
travail afin de comprendre avec lui et par lui la grande richesse de l’ecclésiologie dite
communion qui est aujourd’hui la clef de lecture du dernier Concile du Vatican.

1.2.1. L’Église comme Maison de Dieu

Dans son environnement chrétien, Augustin voyait que la richesse des édifices
sacrés montrait une profusion architecturale et donnait un grand goût dans la
construction d’Églises. Et Ratzinger d’ailleurs nous fait savoir que dans les fouilles
on a pu retrouver une mosaïque tombale sur laquelle était représentée une basilique
complète et donc l’inscription était : Ecclesia Mater. S’en déduit donc à partir de là
que l’édifice sacré dans sa forme visible est la Mère Église 96. Il en découle par voie de
conséquence que le sens de l’édifice ne saurait s’épuiser dans le bâtiment, plutôt il
renvoie à une réalité au-delà même du bâtiment de pierre, elle représente la Mère
Église97. D’ailleurs cet édifice deviendra la forme la plus large en ces temps-là et
même au notre, pour designer et exprimer ce qu’elle représente c’est-à-dire l’Église.

96
J. RATZINGER, Peuple et Maison de Dieu…, 237.
97
Cf. Ibidem,238.

26
Ainsi, pour le théologien africain, l’Église désignée Mater Ecclésia entrevoir déjà
l’Église comme refuge, une protection que peut assurer une maison. C’est en effet
dans un sens beaucoup plus communautaire qu’il le fait et une appréciation
théologique de cette Église est faite dans la Civitate Dei98.

Cependant V. Wilson souligne que le binôme Église-Maison de Dieu n’existe


pas ou mieux que cette expression est peu fréquente dans les écrits de jeunesse de
l’Évêque d’Hippone. Toutefois, dit-il, on la retrouve exprimée dans son ouvrage De
Magistro. Elle exprime ici l’espace visible de l’Église, lieu d’où s’accomplit le
mystère du sacrifice du Christ99. C’est ici la réalité qui entretient une relation avec
l’espace visible de l’Église, comme le lieu concret de son accomplissement. Par
conséquent, le sacrifice et l’Église sont indissociablement liés. Cependant saint
Augustin veut nous amener dans une réalité, un sens de l’intériorité du culte voué à
Dieu. De fait, pour lui, le temple de Dieu spirituel ne peut être qu’un esprit et ce
sacrifice offert à Dieu par conséquent ne peut alors se réaliser que dans le cœur dans
toute sa profondeur100.Et Ratzinger le commenteras dans son étude menée sur
l’ecclésiologie de l’Évêque d’Hippone. Il le dit en ces termes « le sens du culte
extérieur de l’Église est donc uniquement d’amener les hommes à l’intériorité et de
les conduire au culte du Dieu intérieur »101. Par ailleurs il reconnaitra que le culte que
même si le culte ne constitue qu’une idée du temple, en revanche l’idée même
d’habitation de Dieu est tout de même indissociable. À cet effet, dira Ratzinger, « là
où est le temple là est la proximité du Divin »102.

Toutefois, saint Augustin pense plus à l’habitation de Dieu dans une forme
spirituelle et intérieure au point où il trouver un peu osé de penser la présence de Dieu
dans sa forme spatiale, elle est plutôt selon lui de l’ordre de l’être. L’habitation de
Dieu par conséquent chez le théologien africain a le sens dans une condition d’être de

98
Cf. AUGUSTINUS, De Civitate Dei X 15 = PL XLI 290.
99
Cf. V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 54.
100
Cf. J. RATZINGER, Peuple et Maison de Dieu…,72.
101
Cf. Ibidem, 73
102
J. RATZINGER, Peuple et Maison de Dieu…,72.

27
l’esprit. En empruntant à Augustin, Ratzinger conclura que « le temple de Dieu est
dans l’homme intérieur »103. Maison et temple de Dieu prennent donc ici une
signification nouvelle chez Augustin dans la mesure où Dieu habite dans une
communauté visible formée sous l’aspect d’une famille spirituelle 104. Et J. Ratzinger
nous situe ici au cœur même de visée du concept de Maison de Dieu dans sa
démarche ecclésiologique. Il dit en effet que,

Augustin étudie d’abord l’inhabitation de Dieu en chaque chrétien qu’il considère


d’après l’Écriture, comme temple. Cela lui était d’autant plus facile qu’il était habitué
tant par l’Écriture que par la tradition théologique à décrire le corps de l’homme
comme une maison 105.

Finalement, Ecclesia Mater devient la maison du Christ en tant que lieu où se


réalise le sacrifice du Christ. Du coup le binôme Maison de Dieu-Église comme dira
le même V. Wilson, devient une réalité dans laquelle les chrétiens se mettent en
communion avec l’Église céleste106. Mais la synthèse de cette expression Maison de
Dieu nous sera faite par Dominique Waymel,

J. Ratzinger note que l’expression « Maison de Dieu » dans la doctrine de saint


Augustin correspond à l’ensemble assez large des significations, parmi lesquelles, celle
qui renvoie à la communauté chrétienne vivante et à la théologie du peuple vivant de
Dieu, de l’ecclésia. Cette expression « Maison de Dieu » dans la doctrine d’Augustin
sur l’Église n’a pas une signification uniforme et ne désigne pas le centre de
l’ecclésiologie de l’évêque d’Hippone mais tient la place de symbole privilégié pour
une réalité qui peut s’exprimer par d’autres concepts107.

103
Cf. Ibidem, 73
104
Cf. V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 55.
105
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu, 246. Voir AUGUSTINUS, De Civitate Dei XVIII 35, 3 = PL
XLI 594s ; XVII 20, 2 = PL XLI 555s.
106
Cf. V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 56.
107
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 66.

28
Mais en définitive, pour Augustin, la Maison de Dieu comprend en
singulièrement chaque chrétien compris comme temple de Dieu, mais aussi tous les
chrétiens dans leur entièreté qui forment la Maison de Dieu, les concevant ainsi
comme les membres d’une unique famille dont le Christ est la Tête 108. En fait, dans
cette réalité particulière c’est donc l’Esprit Saint qui opère cette unité des membres de
cette maison ecclésiale qui finalement formera un seul Corp dans une dynamique
d’unité autour du Christ-Tête109. Cette maison de Dieu est aussi et en même temps le
temple de Dieu. Terme qui ne renvoie pas au temple païen de l’Ancien Testament,
bien au contraire renvoie à tous les chrétiens devenus par le baptême, fils de Dieu.
C’est alors ici que ce concept de temple revêt le sens du Corps du Christ. Car comme
l’analyse cette étude de J. Ratzinger,

Cette clarification concerne surtout la question de savoir en quoi consiste la différence


de dignité entre le temple païen, temple vétérotestamentaire et temple chrétien, et
pourquoi, corrélativement, ce qui correspond au temple païen n’est pas la basilique,
mais l’ecclesia, c’est-à-dire la communauté vivante. La raison réside dans le sens
totalement différent donné au culte et au rapport à Dieu dans son ensemble. Pour la
religion païenne, le rite visible constitue l’intégralité du culte et la divinité à laquelle il
s’adresse n’est pas conçue comme une réalité de l’au-delà, dont les représentations
visibles qui sont-elles mêmes le numen à qui sont rendus les honneurs et qui est
immédiatement saisissable. Autrement dit, dans le culte païen, il n’y a pas de symbole,
seulement des réalités110.

Ainsi comme nous le montre V. Wilson quand il commente saint Augustin en ces
termes :

Avec le Christ le temple nouveau devient son Corps et ses membres, il est le lieu d’un
culte spirituel et visible qui renvoie à un autre culte spirituel et invisible. Il est
essentiellement un temple non pas des pierres mais, il est surtout une communauté
108
Cf. AUGUSTINUS, De Civitate Dei XV 3, 6 = PL XLI 465. ; voir V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et
l’Église, 55.
109
Cf. Ibidem, 56.
110
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 321.

29
vivante, celle de ceux qui suivent le Christ, unie par l’Esprit Saint sous la
responsabilité des successeurs que sont les évêques, les prêtres et les Diacres 111.

Et puisque le sacrifice du christ a pour but d’unir les hommes à Dieu, cette
notion prend une connotation tant familiale qu’ecclésiale, car alors nous sommes tous
en tant que nous sommes, membres de l’unique Corps qui en Jésus Christ est
rassemblé en Église. Transparaît alors ici de manière conséquente que l’Église en tant
que Maison de Dieu est en même temps aussi le Peuple de Dieu et en même temps
qu’elle est le Corps du Christ. Nous le verrons clairement dans la suite que l’Église
n’est peuple de Dieu que dans et par le Corps du Christ, une explication empruntée à
J. Ratzinger, un enchevêtrement que nous avons annoncé plus haut.

1.2.2. Église comme Peuple de Dieu

Dans sa catéchèse du 18 juin 2014 lors d’une audience générale, le pape


François parlait de concept qui désigne la réalité ecclésiale en ces termes « l’Église a
été fondée par Jésus, mais c’est un peuple qui a une histoire longue sur les épaules et
une préparation qui a son début beaucoup plus avant le Christ même »112. De fait, la
notion de peuple de Dieu apparaît dans l’Ancienne Alliance et signifiait le peuple
d’Israël. Et Anscar Vonier précise dans son ouvrage que déjà avant l’avènement du
Christ, Dieu s’adressait déjà à son peuple, le peuple d’Israël, c’est ce qui convient
d’appeler ici l’économie du peuple de Dieu113.

En effet, dans la théologie augustinienne, cette notion se situe d’abord dans la


logique de l’élection du peuple d’Israël à tracer l’appel d’Abraham. C’est donc à
partir de cette réalité que l’on parle tout d’abord de peuple de Dieu. Et comme le dit
le prophète Jérémie « je serai leur Dieu et ils seront mon peuple », ainsi Dieu fait

111
V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 60.
112
FRANCOIS, Catéchèse, Audience générale du 18 juin 2014 à Rome.
113
A. VONIER, Il popolo di Dio, Roma, Paoline 2018, 180.

30
alliance avec son peuple. Il en formera donc une nation en l’insérant dans le plan du
salut. C’est donc Dieu dans toute sa liberté qui se l’est choisi, un pur don de Dieu
pour le peuple d’Israël. De plus, cette élection contient en même temps un élément de
communion nonobstant l’infidélité de ce peuple qui va jusqu’à la rupture de
l’Alliance avec son Dieu.

Cependant, ce peuple connaitra une expansion plus grande encore. Cette


désignation comme disait les Peres conciliaires de Vatican II, exprimé le passage de
l’Ancien Testament au Nouveau Testament. Elle est donc grosse de conséquence soit
pour l’intelligence profonde du mystère même de l’Église, soit pour l’enseignement à
donner aux fidèles touchant leur dignité surnaturelle et leur ordination à la sainteté.
Puisqu’en fait, l’Église est ordonnée à constituer le peuple de Dieu. Et cette histoire
du peuple de Dieu est déjà présente dans l’Ancien Testament et elle nous apparait
donc comme une histoire de la formation de l’Église. Dans ce sens saint Augustin
dira « la chose même qui s’appelle religion chrétienne existait déjà autrefois et depuis
le commencement du genre humain elle n’a pas fait défaut »114. Poursuit-il, « la loi
quand on la prend dans son sens spirituel devient l’Évangile »115. En effet, Augustin
est toujours parti de l’élection d’Israël comme relation personnelle avec Dieu
« heureux le peuple dont Yahvé est le Dieu, la nation qu’il a élue comme son
héritage » (Ps 32). Cette élection est pour l’évêque d’Hippone, au centre de la foi du
peuple. C’est donc une relation d’amour qui ouvre à la réalisation d’un projet. Et c’est
justement celui de constituer le signe efficace de Dieu sur l’univers. Il y a donc pour
notre théologien africain, une continuité entre le peuple d’Israël et l’Église. Ce n’est
donc certainement pas pour lui une simple analogie, c’est bien plus que cela. De plus
il est question ici chez le Docteur de la grâce, d’appréhender le peuple de Dieu et du
Christ, comme croyant et sacramentel, serviteur de Dieu et des hommes dans
l’histoire, conduit par l’Esprit et dans toute la succession apostolique116.

114
AUGUSTIN, Retractationes I 13 = PL XXXII 603.
115
AUGUSTIN, Sermo XXV= PL XXXVIII 68.
116
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 17.

31
Cette Église selon saint Augustin, est prise dans son sens de Église de Dieu
consciente de provenir de l’Israël de Dieu donc de la descendance spirituelle
d’Abraham. Et bien sûr comme le dit Ratzinger, l’Église primitive se considérait déjà
comme l’Unique peuple de Dieu, constitué définitivement par la mort et la
résurrection du Christ qui apparaît alors ici comme fondateur d’une nouvelle
communauté et l’Église elle-même peut désormais s’identifier au nouveau peuple de
Dieu et au Royaume de Dieu qu’annonçait le Christ 117. Cependant, le Royaume étant
une nouveauté véritablement absolue, ainsi la continuité entre l’ancien Israël et
l’Église s’amenuise. Toutefois, la compréhension de la notion du peuple de Dieu chez
Jésus est étonnante et en même temps éclaire le danger de la discontinuité « je suis
envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15, 24). Il apparait ainsi
clairement que dans la pensée de Jésus, Israël est le peuple de Dieu. D’ailleurs, c’est
vers Israël et seulement vers lui que Jésus et ses disciples se tournent afin de ramener
tout Israël dispersé par le péché. Ceci est par ailleurs confirmé par l’appel des Douze
qui est lié de façon claire à ce fait, et même le fait de ne jamais séparer les siens de la
synagogue et donc du peuple118.

En outre, dans sa lutte contre les donatistes, saint Augustin utilise


régulièrement les expressions, populis et plebs pour parler de la communauté des
épiscopes. Cependant, il fait une nette différence entre les deux, car pour lui, populus
ne saurait designer les masses présentes dans les Églises en dehors d’une
appartenance concrète à une communauté ecclésiale réelle. En effet, populus pour lui
devient par le fait même la véritable appartenance à l’Église, à ce peuple. Il fait
justement cette affirmation en invitant les néophytes à la réalité à laquelle ils seront
incorporés, c’est-à-dire qu’ils seront accueillis dans la troupe des populi119. Cette
conscience d’appartenance crée selon les termes de Ratzinger, une démarcation qui
est à la fois juridique et sacramentelle, suscitant ainsi chez le fidèle, la conscience que
l’unité ne se détermine pas par le fait d’être ensemble dans un même lieu, plutôt dans

117
Cf. Ibidem, 18.
118
Cf. Ibidem, 19
119
Cf. AUGUSTINUS, Sermo XVIII 2= PL XXXVIII 500.

32
un lien juridique et sacramentel qui existe entre les uns et les autres 120. Le terme
populus chez Augustin apparaît donc ici dans une signification sacramentelle non
plus dans le sens des donatistes121.

Pour l’Hipponate donc, il y a d’un côté l’Église des donatistes et de l’autre


côté l’Église catholique, qui sont chacune un populus. Mais l’Église catholique
constitue ce populus, peuple de Dieu, et donc tous ceux qui sont en communion
eucharistique avec l’Église universelle et c’est d’ailleurs très important pour notre
auteur122. En fait, notre auteur fait paraître clairement une différence fondamentale
entre populi qui pour lui désigne la communauté particulière et l’Église universelle
dans tout son ensemble qu’il appelle populus123. Et finalement, c’est Ratzinger qui
nous livrera la synthèse des conceptions de la notion de peuple de Dieu.

Le théologien allemand nous dira que la notion de peuple de Dieu dans la


pensée augustinienne se résume sur trois plans qui se complètent. Premièrement il
parle du peule typique de l’Ancien Testament, qui préfigure le nouveau peuple de
Dieu, le peuple de Dieu à venir, c’est donc un signe qui prend la fonction ici
d’affirmation objective124. Il renvoie à une réalité future. Deuxièmement, dit le
théologien bavarois, il présente le peuple de Dieu comme le vrai peuple pneumatique
de Dieu. Cette réalité a seulement fonction d’image et de plus donne accès à la réalité.
Toutefois cette réalité est même déjà appréhendée par l’image qu’elle projette, bien
sûr de manière analogique. Et ce deuxième cas est éclairé par le dernier point donc
parle J. Ratzinger125. Enfin il parle de la communauté des laïcs qui constitue le peuple
de Dieu. D’ailleurs toute la communauté visible peut être désignée comme peuple de
Dieu. Cependant, la réalité de l’Église ne se dissout pas dans l’image. C’est plutôt la
révélation et l’accomplissement du peuple pneumatique qui est préfiguré. En somme,

120
Cf. J. RATZINGER, Peuple et Maison de Dieu…, 226-227.
121
Cf. AUGUSTINUS, De Baptismo II 13, 18 = PL XLIII 138.
122
Cf. AUGUSTINUS, De Baptismo VI 40, 7 = PL XLV 221.
123
Cf. AUGUSTINUS, Contra Gaudentium I 37, 48 = PL XLIII 736.
124
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 234.
125
Cf. Ibidem, 235.

33
chez Augustin, le peuple se comprend comme accomplissement et révélation de la
véritable Église.

De plus, l’évêque d’Hippone pense que ce qui fait véritablement l’Église de


Jésus Christ se trouve dans la notion même de peuple de Dieu. Il fait donc une
démarche excellente dans ce sens en considérant l’Église populus de l’Ancien
Testament comme une figure de l’Église qui se dévoile dans le sens pneumatique de
Dieu dans le Nouveau Testament. C’est donc elle, l’Église du Christ, le nouveau
peuple de Dieu. Dans cette notion de peuple de Dieu chez l’Hipponate, l’Église dans
sa réalité insiste sur le prolongement entre le peuple de l’Ancienne Alliance et le
peuple de Dieu qui est issu de la Nouvelle Alliance qui se trouve réalisée dans le
mystère pascal. La conséquence dans ce sens est évidente dans la mesure où « cette
Église se comprend non pas comme un groupe de personnes orientées vers Dieu mais
plutôt comme un lien d’amour entre les personnes qui la forment et donc possédant le
Christ comme âme commune »126.

En définitive, la vie de ce peuple dépend de la relation avec le Fils de Dieu. Il


y a donc chez Augustin l’instance de la centralité du Christ dans la vie ecclésiale,
cette communauté vit de l’Esprit du Christ 127. Seulement l’Église est le peuple de
Dieu existant comme corps du Christ. Ce n’est donc que dans ce sens qu’on pourra
comprendre clairement la réalité de l’Église et c’est une voie qui ouvre à
l’ecclésiologie sacramentelle d’Augustin lorsqu’il parle de l’Eucharistie qui fait
l’Église.

1.2.3. L’Église-Corpus Christi

L’évêque d’Hippone, comme nous le dit Jean Rigal, est le principal


représentant de la pensée latine sur l’Église-corps du Christ : « la doctrine du corps
126
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Eglise, 78.
127
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 79.

34
ecclésial atteint avec lui une sorte de sommet »128. En effet pour lui l’idée
fondamentale se trouve exprimée en ces termes « l’Église ne qu’un avec le Christ »129.
Et saint Augustin justement avant lui, posait déjà l’axiome du « Christ total », pris
dans son ensemble, tête et corps. Écoutons en effet l’Hipponate lui-même qui nous
livre sa doctrine :

Pour autant que nous avons pu le remarquer dans les Saintes Écritures, il y a quand
elles parlent de Notre Seigneur Jésus-Christ, trois façons de le considérer et le
designer. Premièrement dans cette nature divine en laquelle il est, avant l’Incarnation,
égal et coéternel avec son Père. D’une autre manière, en raison de l’Incarnation, les
textes et la pensée visent ce qui lui est propre (…) et qui le fait Médiateur et le Chef de
l’Église. En troisième lieu, c’est en quelque sorte le Christ tout entier, dans la plénitude
de l’Église, c’est-à-dire le Chef et le Corps, dans la plénitude d’un homme complet,
dont nous sommes chacun pour notre compte les membres (…) En effet, le Chef et les
membres ne forment qu’un seul Christ, non que le Christ soit incomplet sans ce corps,
mais parce qu’il a daigné former un seul tout avec nous, lui qui est toujours complet
sans nous, non seulement comme Verbe, Fils unique égal au Père, mais jusque dans
cette humanité qu’il a prise et où il est Dieu et homme tous ensemble 130.

De fait, pour notre auteur, le Christ et l’Église ne constituent qu’une même et


unique chose. Ils font selon les mots de Urs Von Balthasar, une seule âme, un seul
homme, une seule personne, un seul juste, un seul Christ et finalement un seul Fils de
Dieu131. En effet, l’Hipponate prend bien à contrepied l’hypothèse des donatistes qui
veulent lier la valeur sacramentelle à la sainteté des ministres. Son intervention est
donc décisive dans ce cas en posant l’unité du Christ et de l’Église. En fait, les
donatistes avaient pour vision une Église qui serait totalement pure et donc les
membres seraient véritablement irréprochables, et de plus ils voulaient limiter cette
même Église à la seule aire de l’Afrique sans ouverture au monde. Saint Augustin
leur oppose donc en ce sens une vision plus élargie et plus claire de l’Église même
128
J. RIGAL, Le mystère de l’Église. Fondements théologiques et perspectives pastorales, Cerf, Paris
1992, 67.
129
Cf. Ibidem, 68.
130
AUGUSTINUS, Sermo CCCXLI 2, 3 = PL XXXIX 1493.
131
Cf. H. URS VON BALTHASAR, Saint Augustin, le visage de l’Église, Cerf, Paris 1958.

35
selon le dessein de Dieu. Car en fait pour lui, selon Dieu, l’Église est universelle et
contient en son sein des bons et des méchants, des justes et des pécheurs, tous réunis.
Ce n’est donc pas une Église close, mais elle est universelle selon son fondateur

Notre Seigneur Jésus-Christ, comme un seul homme entier et parfait, est tête et
corps. Son Corps c’est l’Église ; non pas l’Église qui est ici et seulement mais celle
qui est ici et celle qui est par toute la terre (…) Et le Christ, c’est cela, le Christ total
et universel, uni à l’Église 132.

Par ailleurs, comme nous l’avons annoncé plus haut, l’Eglise populus Dei
s’applique fortement à la communauté des laïcs regroupés autour du Christ comme
étant Corpus Christi qui est en même temps aussi Civitas Dei133 dont le
développement se fera dans la suite de notre recherche. C’est en effet une
communauté d’hommes qui se rassemblent autour du Christ Unique Médiateur
entre l’Église et le Père134. Et Augustin dira,

Il faut annoncer aux anciens justes comme devant venir dans la chair, de même qu’on
nous l’a annoncé comme étant déjà venu, afin que par lui une seule et même foi
conduise à Dieu, maison de Dieu et temple de Dieu. Sans doute toutes les prophéties
d’étrangers concernant la grâce de Dieu qui nous vient par Jésus Christ peuvent être
regardées comme inventées par les chrétiens135.

Le Christ apparaît donc ici comme le trait d’union entre Dieu et l’Église.
Alors seulement l’Église populus Dei se trouve en même temps Corpus Christi.
Puisque c’est lui le Christ, le sacrement qui unit le peuple à Dieu, le porte et le
renouvèle sans cesse136.

132
AUGUSTINUS, Sermo II 3 = PL XXXVII 1159.
133
Cf. V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 86.
134
Cf. V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 87.
135
AUGUSTINUS, Epistula LXIII 13 = PL XXXIII 338ss ; -ID, De Civitate Dei XVIII 36 = PL XLI 657.
136
Cf. V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 87.

36
L’Église est donc chez Augustin comme nous le voyons, corps du Christ, le
corps étant bien sûr à l’image de Dieu, il est donc une créature voulue par Dieu et
que le Christ a assumé. Et lorsque Augustin définit l’Église comme Corps du
Christ, il entend évidemment dire que ses fils en constituent des membres et par
voie de conséquence ont un rôle fondamental à jouer à cet effet. Ils ont dans ce
sens, une seule tête dont ils sont l’unique corps tous ensemble, le Christ (Rm 12, 4-
5). Saint Paul dans cette optique avait déjà devancé l’Hipponate lorsqu’il
appréhende l’unité du corps, constituée par les membres dont ils sont reliés en
même temps qu’à la tête, par le baptême et l’action de l’Esprit Saint qui nous
donne de l’être (1 Co 12, 12-13. 27). Ainsi il faut comprendre qu’il ne s’agit plus
pour le théologien africain d’une simple image, mais bien plus, c’est toute la
réalité spirituelle qui est ici saisissable. Cette unité avec le Christ est source de vie
selon Augustin et le confessera lui-même en des termes qui lui sont chers,

Notre foi n’ignore pas (…) que notre Seigneur Jésus, qui autrefois a souffert pour
nous et est ressuscité, est la tête de l’Église, et que l’Église est son Corps. Dans son
corps, l’union des membres, les liens de charité, est comme la santé. Tout ce qui se
refroidit dans la charité devient malade dans le Corps du Christ 137.

L’Église ne vit donc que par le Christ de sorte que le concile Vatican II ne
peut s’empêcher de préciser que « participant au réellement au Corps du Seigneur
dans la fraction du pain eucharistique, nous élevés à la communion avec lui et
entre nous » (LG n. 17). Il est saisissable de voir comment nait ici une union vitale
entre le Christ et l’Église, comme la tête et les membres et plus encore, à la
manière des époux138.

C’est donc finalement l’Eucharistie qui entretient et renouvèle cette


participation. Et l’évêque d’Hippone dans la réalité du corps du Christ voudrait
tout d’abord insister sur cette harmonie et la complémentarité des membres et leur
137
AUGUSTINUS, Sermo CXXXVII 3 = PL XXXVIII 754-763.
138
Cf. V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 91.

37
réciprocité dans les relations qu’ils entretiennent les uns les autres au sein de ce
même corps qui est l’Église. Écoutons-le quand il affirme, « Les fidèles savent ce
qu’est le corps du Christ s’ils ne le négligent pas d’être le Corps du Corps. Qu’ils
deviennent le Corps du Christ s’ils veulent vivre de l’Esprit du Christ. De l’Esprit
du Christ ne vivra que le Corps du Christ »139. L’accent est alors mis radicalement
sur l’union mystique entre les chrétiens et Dieu qui est source de tout bien. Mais
terminons notre entreprise sur le corps du Christ sur la pensée de saint Augustin
par cette belle synthèse que nous présente Dominique Waymel. De fait,

Lorsque Augustin met l’accent sur l’universalité de l’Église il emploie plutôt le


terme de populus Dei mais cette expression le conduit à appréhender la notion de
corpus Christi comme essentielle pour son ecclésiologie. À partir de l’expression
Unus panis-unum corpus sumus multi, qui constitue le cœur du concept d’Église
chez Augustin, J. Ratzinger relève la place centrale du sacrifice eucharistique pour
saisir le mystère de l’Église comme corpus Christi (…). Corpus Christi exprime la
réalité proprement chrétienne de l’Église qui a son fondement et son centre dans la
célébration eucharistique. C’est la réalité du sacrifice eucharistique qui permet de
saisir dans le concept du corps du Christ la réalité ultime pour parler de l’Église.
Corps du Christ fait donc référence à la réalité chrétienne de l’Église qui offre un
culte à Dieu et s’associe au sacrifice du Christ ; il qualifie ainsi de manière unique
le peuple de Dieu. Ainsi sont remises à l’honneur les dimensions liturgique et
sacramentelle de la théologie du corps du Christ, éludées dans l’entre-deux
guerres140.

1.2.4. L’Église comme Caritas

Dans sa recherche menée sur la pensée ecclésiologique de saint Augustin, J.


Ratzinger nous renseigne que parmi les thèmes qu’utilise l’Hipponate, l’amour
apparait comme le centre de la vie chrétienne.

139
AUGUSTINUS, In Ioannis evangelium tractatus CXXIV 13= PL XXXV 517.
140
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 68-69.

38
De toutes les orientations que nous avons prises pour nous approcher de la notion de
l’Église chez saint Augustin, nous avons toujours été conduits à l’unique et même
noyau dans lequel se rencontrent tous les chemins. Ce centre est caractérisé par le mot
Caritas avec lequel a été exprimé le propre cœur de la notion de l’Église
d’Augustin 141.

L’amour de Dieu pour l’évêque d’Hippone est donc demandé ici et compris
comme summa bonorum et le bonum summum142 . En effet, cet amour de Dieu chez
notre auteur, implique en même temps l’amour du prochain. C’est en fait pour lui le
chemin éminent pour aller à Dieu. « Ut nullus certion gradus ad amorem Dei fieri
posse credatur quam hominis ergo hominem caritas »143. Cet amour de frères est ainsi
comme un état transitoire qui ouvre à un état définitif. Et J. Ratzinger dira que
l’amour du prochain, citant Augustin, devient « le berceau de l’amour de Dieu »144 .

De fait, aux antipodes des donatistes qui avaient les mêmes sacrements que
l’Église catholique, on est venu à poser cette question à Augustin sur la différence
entre les deux ? Ici la réponse du théologien africain est décisive en affirmant que ces
derniers ont rompu la charité145. En fait, dans leur prétention de perfection, les
donatistes ont supplanté l’unité de l’Église. Ainsi, en renonçant à l’unité, par le fait
même ils ont aussi abandonné la charité qui est l’âme de la vie de l’Église. Augustin
prend donc la Caritas dans un sens concrètement ecclésial. Pour lui, dire que l’Église
est Caritas revient à affirmer qu’elle est créature de l’Esprit, un corps du Seigneur
construit par l’Esprit qui deviendra comme l’atteste Ratzinger, le Corps du Christ du
fait que c’est l’Esprit qui établit la communion des hommes 146. Le théologien
allemand intègre cette explication dans la pensée d’Augustin en ces termes « en tant

141
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 318.
142
Cf. AUGUSTINUS, De moribus ecclesiae catholicae et de moribus Manichaeorum I 8, 13 = PL XXXII
1316 voir aussi J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu, 74.
143
AUGUSTINUS, De moribus ecclesiae catholicae et de moribus Manichaeorum I 26, 48 = PL XXXII
1332.
144
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 75 ; voir AUGUSTINUS, De moribus ecclesiae catholicae
et de moribus Manichaeorum I 26, 50 = PL XXXII 1332.
145
Cf. AUGUSTINUS, Epistula ad Catholicos de secta Donatistarum XII 32 = PL XLIII 596.
146
Cf. J. RATZINGER, « Esprit Saint comme communion », 44.

39
que créature de l’Esprit donc, l’Église est le don de Dieu en ce monde et ce don c’est
la charité »147.

De plus, il est véritablement difficile pour l’Hipponate de penser une vie


chrétienne en se séparant des autres. La conséquence est donc évidente, il manquera
de la saveur et une âme qu’il appelle l’amour. La vie chrétienne pour notre auteur est
en même temps charité et humilité, elle est acceptation de l’autre et partant, de toute
la communauté des frères. Et donc si cette charité manque à la communauté,
inéluctablement il lui manquera l’Esprit Saint qui est principe d’unité et d’unification
de l’Église148.

La notion d’Église Caritas chez Augustin entrevoit déjà un dynamisme créateur


d’unité se révélant dans la fidélité des uns envers les autres, dans l’unique Église. Il
est alors évident que pour notre auteur, le schisme constitue par le fait même une
hérésie pneumatologique. Dans le même sens J. Ratzinger parlera de l’ « exode de la
permanence qui est le propre de l’Esprit, exode de la patience de la Caritas, négation
de la charité en refusant de demeurer et ainsi donc refus de l’Esprit Saint qui est la
patience de la réconciliation »149. En fait, Augustin évoque très souvent la réalité de
l’amour dans l’Église en relation avec l’Esprit Saint comme l’Esprit d’Amour, en
l’identifiant d’ailleurs comme le lien d’amour qui unit le Père au Fils dans la Trinité
et par conséquent, il devient lien d’unité dans l’Église et même temps aussi source de
communion.

Il dira donc,

Le lien de l’unité dans l’Église de Dieu, hors de laquelle il n’est pas de rémission des
péchés est comme l’œuvre propre de l’Esprit Saint, avec, bien entendu, la coopération
du Père et du Fils, puisque l’Esprit Saint lui-même est en quelque sorte le lien entre le
Père et le Fils150.
147
Cf. Ibidem, 45.
148
Cf. J. RATZINGER, « Esprit Saint comme communion », 45.
149
Cf. Ibidem, 46.
150
AUGUSTINUS, Sermo LXXI 20, 33 = PL XXXVIII 445-467.

40
De plus, l’Esprit Saint nous faits différents, cependant nous met en
communion avec le Christ et entre nous. Et pour l’Hipponate, il est donc clair que la
charité n’existe que là où il y a l’Esprit Saint. Toutefois note-t-il, qu’il ne se trouve
que dans la communion catholique151.

Par ailleurs, J. Ratzinger nous révèle dans ses recherches sur Augustin que la
notion de Caritas chez l’évêque d’Hippone est l’aboutissement de toutes les voies de
sa conception de l’Église. Aussi, le théologien africain conçoit-il la caritas comme
res tantum qui est de toute évidence aussi le sacramentum pacis donc l’Ecclesiae,
c’est-à-dire l’Eucharistie152. Ce sacrement pour Augustin indique le lien juridique de
l’Église comme organisme sacramentel du Christ. Et le même J. Ratzinger affirmera
que « par ce sacrement, l’Église est Corpus Christi, ce qui implique deux choses : a)
l’Église est Corpus, b) l’Église est Christi »153. Cette Église est donc du Christ en tant
qu’elle est en même temps aussi la communauté des frères qui se manifeste dans la
communion mutuelle. D’ailleurs que J. Ratzinger nous livre la synthèse du cette
pensée d’Augustin sur l’amour dans l’Église en des termes forts de sens. Il dit en
effet, « L’Église de l’amour est l’organisme de Jésus Christ uni dans le corps de cet
amour de manière juridico-sacramentelle. Et cet organisme de Jésus Christ est à son
tour le signe sacré du Vrai corps de Jésus Christ qui s’édifie dans les structures de
l’amour en vue de l’unique homme nouveau »154.

Conclusion partielle

Rendu au terme de ce parcours si riche et dense de la pensée ecclésiologique


de saint Augustin, il n’était pas question pour nous question de rendre au détail près,

151
Cf. J. RATZINGER, « l’Esprit saint comme communion » …, 46.
152
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 409.
153
Cf. Ibidem, 410.
154
Cf. Ibidem, 412.

41
les éléments de sa pensée. Cependant, nous avons voulu mettre en lumière certains ou
plutôt les éléments essentiels et fondamentaux de la conception de l’Église de
l’Hipponate. Il est d’ailleurs à remarquer dans sa démarche théologique que l’évêque
va au creuset même de la nature de l’Église pour en proposer un contenu qui a valeur
salvifique. De fait, Augustin part du mystère trinitaire pour dire la communion
ecclésiale et c’est justement cette communion qu’il défendra toute sa vie durant
pendant ses prédications et ses charges épistolaires, contre les chantres de la division,
les donatistes. Pour nous proposer la beauté de cette Église, il nous plonge dans toute
sa dimension christologie qui est toujours sous-tendue par la dimension
pneumatologique. Et de là découle donc toute la pertinence sacramentelle de l’Église
qui est comprise dans le sacrifice eucharistique, qui fait du peuple de Dieu, un seul
corps, le Corps du Christ qui ne se comprendra que dans cet enchevêtrement des
réalités spirituelles sans exclusion aucune.

C’est dans l’Eucharistie que tout le peuple de Dieu fonde son unité dans la
mesure où nous communion au même Corps et au même Sang, et le Christ constituant
donc par le fait même l’unique Tête donc toute la communauté constitue les
membres, et laquelle communauté est embrasée par un lien d’amour qui les unifie par
l’action du Saint Esprit garant de cette unité de l’Église et dans l’Église. L’amour
devient ainsi le cœur de la réalité et de la vie chrétienne par excellence.

CHAPITRE II : L’ECCLÉSIOLOGIE DE RATZINGER

Introduction partielle

La pensée ecclésiologique de Ratzinger prend naissance dans un contexte


historique en pleine mutation sur tous les plans. Et au niveau théologique, il y’a
comme une sorte de renouveau. La pensée théologique est alors tournée vers
l’Écriture et les Pères de l’Église 155. C’est donc une spiritualité à l’époque, bien
155
Cf. V. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 34.

42
marquée par le christocentrisme et le grand mouvement eucharistique. En outre,
parmi les facteurs pratiques qui ont eu un impact dans la vie de notre auteur, nous
parlerons bien sûr de la dignité des laïcs remise à l’honneur, le grand mouvement
missionnaire, bien sûr aussi le mouvement liturgique et œcuménique156.

Il y’a donc lieu de découvrir le mystère même de l’Église, tâche à laquelle ne


va se dérober le jeune Ratzinger. Mais disons le plus précisément, Ratzinger a une
pensée inclinée vers les Pères. Il construira pensée ecclésiologique fondamentalement
sur ces notions « Peuple de Dieu », « Corps du Christ » qui sont issues de sa
rencontre avec l’évêque d’Hippone, dont il en fera des images pour designer la nature
même de l’Église157. Il affirmera d’ailleurs lui-même que « ce travail infléchit de
façon décisive le cours de ma vie »158. C’est dire que notre auteur est fortement
marqué par l’ecclésiologie des Peres, laquelle constituera par ailleurs son héritage
théologique. Avec lui se notera davantage la mémoire fondamentale que l’Église dont
il devient d’ailleurs l’ardent défenseur jusqu’au concile Vatican II, puisqu’il est l’une
de figure de proue dans le sillage de l’herméneutique conciliaire159.

Il est tout à fait évident de comprendre alors l’ecclésiologie de J. Ratzinger


comme une ecclésiologie fondamentalement sacramentelle selon les expressions de
D. Del Gaudio160. En fait, le pape allemand comprend l’Église comme sacrement de
salut en tant que signe efficace de la présence et de l’action du Christ dans le
monde161. Dans cette veine, on devra comprendre l’Église selon une approche
correcte de sa réalité. Bien plus, considérer pleinement ensemble l’Écriture et la
Tradition et précisément les écrits des Peres dont la lecture biblique est animée par
une foi profonde.

156
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 36.
157
Cf. Ibidem, 40.
158
J. RATZINGER, Ma vie. Souvenirs…, 73.
159
Cf. Ibidem, 75.
160
Cf. D. Del GAUDIO, Il metodo in ecclesiologia. Problemi e prospettive alla luce del Concilio
Vaticano II, Roma, Libreria Editrice Vaticana, 2009, 98.
161
Cf. Ibidem, 99.

43
En effet, dire que l’Église est le corps du Christ, implique que celui-ci s’est
donné un corps communautaire et historique, fondé sur l’eucharistie. 162 Ainsi, la
messe est la loi essentielle de l’Église qui est née à la dernière cène, et qui actualise la
Nouvelle Alliance. J. Ratzinger admet que cette logique s’applique aux Églises
locales orthodoxes. Cependant, il ajoute que l’Église locale présidée par un évêque ne
doit pas être considérée comme une réalité isolée, mais dans sa communion avec le
successeur de Pierre : « L’évêque n’est pas évêque isolément, il l’est seulement dans
la communion catholique de ceux qui l’ont été avant lui, qui le sont avec lui et qui le
seront après lui »163. Et pour écarter toute herméneutique qui considèrerait le texte de
Mt 16, 13-19 comme une réalité métaphysique, Ratzinger écrit de Pierre : « Ce
fondement n’est pas une personne au sens métaphysique et neutre du terme, mais la
personne en tant que porteuse de la profession de foi »164. De la sorte, l’Église
catholique n’est pas une juxtaposition statique d’Églises locales et particulières,
puisque celles-ci ne sont que « des réalisations de la seule et unique Église. La
priorité temporelle et ontologique revient à l’Église universelle ; une Église qui ne
serait pas catholique ne ressemblerait en rien à une Église »165.

L’Église est alors perçue ici dans le sens communionnelle et relationnelle.


Laquelle en effet, se vit sacramentellement dans l’ecclésiologie eucharistique. Par
ailleurs notre auteur définit l’Église comme Peuple de Dieu, notion qu’il tire
d’ailleurs de son tout premier travail théologique et il précise à cet égard que
« l’Église est Peuple de Dieu seulement dans et par le Corps du Christ »166. C’est
toute une ecclésiologie sur l’eucharistie qui se déploie ici. Ces trois notions de
« Peuple de Dieu », « Corps du Christ » et « communion », constituent toute l’édifice
de l’ecclésiologie de Ratzinger qui sera déployée dans notre recherche.

162
Cf. A. FLEYFEL, « Benoit XVI… et la pensée de Joseph Ratzinger », in L’Œuvre d’Orient
18.02.2013.
163
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 380.
164
Cf. Ibidem, 381.
165
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 383.
166
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 395.

44
2.1. La formation de la pensée ecclésiologique de J. Ratzinger
2.1.1. Les sources patristiques

À l’entame de cette partie, écoutons Ratzinger qui parle lui-même de son


attachement à la pensée des Pères. Il dit en effet,

Je n’ai jamais essayé de créer un système de pensée propre, une théologie particulière.
Ce qui m’est spécifique …c’est que je veux tout simplement penser avec la foi de
l’Église, penser avant tout avec les grands penseurs de l’Église…ma théologie est
marquée par la Bible et par les Pères et surtout par Augustin 167.

Par là même, nous comprenons bien le théologien bavarois a un intérêt


particulier pour les Pères. Il veut mener son travail théologique gardant sauf le sensus
ecclesiae dont il se fait l’écho168. Son itinéraire sera donc fortement imprégné par la
patristique qui constitue toute la Tradition même de l’Église, et nous le voyons si bien
dans tous ses écrits comme théologiens aussi bien que comme Souverain Pontife. En
fait, c’est pour lui un retour aux sources qui est gage de fécondité théologique.

De fait, il est bien de noter que ce retour aux Pères est favorisé par deux
facteurs que nous retiendrons importants ici pour notre travail. Le tout premier
consiste dans l’éveil provoqué chez J. Ratzinger par la publication de l’encyclique
Pascendi dominici gregis de Pie X. Le deuxième facteur à noter est donc cette
rencontre avec Henri de Lubac, une autre voix de la patristique. Dans l’encyclique
dont on fait mention ici, il y est indiqué et souligné fortement l’apport important des
Pères dans l’interprétation de l’Écriture. En outre, comme le présente cette étude sur
la pensée ecclésiologique de Ratzinger, menée par Dominique Waymel, la génération
de l’entre-deux guerres sent le besoin de restaurer le christianisme au niveau même de

167
BENOIT VVI, Le sel de la terre. Le christianisme et l’Église catholique au seuil du IIIe millénaire.
Entretiens avec Peter SEEWALD, trad. De l’allemand Nicole CASANOVA, Flammarion/Cerf, Paris, 2005,
165-166.
168
Cf. J. RATZINGER, Ma vie. Souvenirs…, 56.

45
ses énergies essentielles en la restituant dans leur pleine vérité spirituelle. Et les Pères
représentent indubitablement l’essence de cette Église en tant que vie dans l’Église et
cette communion dans l’Esprit169.

Cette ecclésiologie des Pères sera retrouvée à la fin voire au bout d’une
recherche historique ouvrant ainsi à la richesse de la tradition ecclésiale. Les Pères
donc, en véritables commentateurs des Écritures, tiennent compte d’une multitude
d’images bibliques pour saisir le mystère même de l’Église, bien sur en usant du
symbolisme, ils vont approcher l’être de l’Église dans son essence réelle. Et
d’ailleurs, l’exemple d’une telle tâche nous est donné par Ratzinger dans son tout
premier travail ecclésiologique, Peuple et maison de Dieu dans l’ecclésiologie de
saint Augustin. C’et dire que J. Ratzinger se forme dans un contexte patristique bien
marqué par le renouveau patristique qui précède celui biblique comme nous le fait
savoir Dominique Waymel170.

Par ailleurs, disons le bien que l’intérêt qu’a J. Ratzinger pour la théologie
augustinienne va de pair avec son intérêt pour la théologie des Pères. Cet attrait
pourrait bien se comprendre et s’expliquer à partir du contexte qui fut le sien et celui
bien-sûr de l’exégèse moderne au début du XXe siècle. Laquelle exégèse laissait de
coté celle patristique jusque-là considérée comme norme d’une interprétation
canonique des Écritures171. L’exégèse dite moderne en revanche privilégie de façon
exclusive la méthode historico-critique. Et pourtant note-t-on, l’exégèse patristique
émane du sensus ecclesiae. Notre auteur, persuadé que, même si l’exégèse patristique
est relayée au second plan, la voix des Pères reste tout de même incontournable du
fait que, chronologiquement, elle est plus proche des Écritures et surtout du Nouveau
Testament. Car pour J. Ratzinger, les Pères constituent les premiers témoins de la
Tradition. Dans cette tache-là, il fera manifester l’unité des Pères avec le Nouveau
Testament en comparant leur théologie avec les écrits du Nouveau Testament. Il

169
Cf. J. FRISQUE, « l’ecclésiologie du XXe siècle » 147 ; voir D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église
40.
170
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 41.
171
Cf. Ibidem, 42.

46
arrivera à la conclusion que la Parole des Écritures est première et la réponse des
Pères est secondaire. Mais bien sûr qu’on ne peut inverser l’ordre, cependant en
même temps, il n’induit pas une séparation172.

En définitive, pour le théologien allemand, il est évident que dans la théologie


des Pères, la Parole a trouvé une réponse et cette réponse justement est devenue la
Tradition173. J. Ratzinger à propos de la conception de l’Église indivise avant son
pontificat : « La fréquentation des Pères n’est pas un simple travail de catalogue de
musées du passé. Les Pères sont le passé commun de tous les chrétiens et c’est dans
la redécouverte de cette communauté que réside l’espérance pour l’avenir de l’Église,
son devoir-notre vie d’aujourd’hui » 174. Il les comprend en tant que chrétien et
ecclésiologie, comme nos Pères dans la foi et nos frères dans la vie de l’Esprit.

2.1.2. L’héritage augustinien

Selon les mots de Marcel Neusch, faisant allusion à Ratzinger devenu pape,
« Augustin continue à nous parler par son expérience spirituelle, sa passion pour le
Christ et l’Église et son ardeur apostolique »175. Pour lui, notre auteur puise fortement
sa théologie et son enseignement sur le Christ et sa doctrine ecclésiale, dans l’héritage
augustinien. D’ailleurs, Ratzinger lui-même ne se cache pas d’être augustinien en
appelant bien aussi Augustin grand maitre 176. Et comme nous le disions plus haut, cet
intérêt qu’a Ratzinger pour Augustin lui fait tenir le sensus ecclesiae à travers la
Parole de Dieu, le Christ et l’Église. Et Marcel Neusch continue en affirmant de lui
que : « Benoit XVI est manifestement de ceux qui se sentent en affinité avec saint
Augustin. Depuis que jeune étudiant, il lui consacra une thèse de doctorat, augustin

172
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 43.
173
Cf. DANCA, « Benoit XVI, un pape augustinien ? » in Itinéraires augustiniens, n. 53, p. 27-35.
174
J. RATZINGER, Ma vie. Souvenirs…, 76.
175
M. NEUSCH, « Benoit XVI, pape augustinien » in Documentation catholique, n. 2380, 2007,488.
176
Cf. BENOIT XVI, Ma vie. Souvenirs…, 141.

47
ne l’a plus quitté »177. Cette proximité et attachement nous dira Valerry Wilson, se
justifie par le fait qu’Augustin avait un défi à relever face au donatisme, à savoir la
théologie de l’Église-Corps comme appartenance au Christ-Tête. Puisque se séparer
de l’Église pour Augustin, équivaut à se séparer justement du Christ-Tête. Et
Augustin lui-même insistera avec force en ces termes : « On ne peut pas appartenir à
la Tête (Christ) si on n’appartient pas au Corps (l’Église). Le Christ-Total c’est la
Tête et le Corps »178.

C’est donc une thèse qui relève de la lutte qu’Augustin mène contre Donat et
ses disciples, chantres de la division de l’Église. Bien plus, c’est dans cette
perspective que notre auteur voit ainsi émerger dans la pensée du de l’évêque
d’Hippone une saisie claire de l’Église comprise en même temps comme catholica et
caritas179. Lesquelles notions renvoient tour à tour à la définition même de l’Église
comme extension dans le monde manifestée par la communion au corps du Christ et
en tant que telle, elle est aussi bien le peuple de Dieu. En effet, Dieu est amour et
l’Église est le véritable lieu de la Caritas. Ainsi écrivait-il que « celui qui est dans
l'Église catholique a de manière évidente la Caritas.

Cependant, cette participation extérieure et visible ne suffit pas. Elle doit


correspondre à une vérité intérieure, celle de la nouvelle naissance dans le
baptême »180, ce qui l'a amené à étudier la théologie augustinienne du baptême et à
conclure que la Caritas n'est autre que la grâce du salut du Christ et le don de l'Esprit
Saint, autant dire que la Caritas, c'est l'amour trinitaire181. Ainsi, l’Église est Caritas,
en ce sens qu’elle est communion et corps construit par l’Esprit 182. De cette manière
elle devient donc Corps du Christ dans la mesure où c’est l’Esprit qui établit la
communion des hommes entre eux et avec le Christ 183. La vie chrétienne de cette

177
M. NEUSCH, « Benoit XVI, pape augustinien » …, 486.
178
AUGUSTINUS, Sermo CCCXLI = PL XXXIX 1493-1501.
179
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 75.
180
BENOIT XVI, Lettre Encyclique Deus Caritas Est, n. 12.
181
Cf. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 140.
182
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 60.
183
Cf. Ibidem, 61.

48
manière ne se construit donc qu’en et avec l’Église. Le montrant avec beaucoup de
précision, Dominique Waymel dira que l’approche augustinienne du mystère de
l’Église est tributaire d’une relecture christologique de l’Ancien Testament et
l’appréhension du vécu sacramentel, fondé par l’eucharistie 184. Et Ratzinger renchérit
en disant : « le peuple de Dieu est la communauté, qui représente l’unité de ceux qui
avec le Christ offrent un sacrifice ; maison de Dieu s’entend comme être un avec
l’Esprit du Christ qui ne peut certainement pas se réaliser sans être un avec le corps
du Christ »185. En effet, il faudra bien comprendre les notions de « peuple de Dieu »,
et de « corps du Christ » comme des clés de voute pour saisir la réalité de l’Église,
sont indubitablement liées par un principe sacramentel. Elles vont par ailleurs
constituer fondamentalement l’ecclésiologie de Joseph Ratzinger.

De plus, le théologien allemand va réussir à montrer comment Augustin


conçoit et appréhende l’Église comme cette communauté de ceux qui croient dans le
Christ et qui sont liés au monde, de telle sorte qu’ils forment l’unique peuple de Dieu
grâce au corps eucharistique du Christ qui devient par là même, le corps ecclésial et
de toute évidence, le sacrement de la présence du Seigneur dans le monde186.

Somme toute, l’Église, saisie comme peuple de Dieu traduit une réalité et une
unité communautaires en nous plongeant profondément dans la dimension
sacramentelle. Et cette unité est avec le Christ. Pour finir on doit arriver à comprendre
que l’image du corps est l’expression de cette relation intime et mystérieuse qui lie la
Tête au Corps, le Christ à l’Église. D’ailleurs qu’Augustin, tout comme Ratzinger
insisteront sur la place centrale du Christ dans l’unité du corps ecclésial. Et cette unité
pour l’évêque d’Hippone est formée sur la charité, qui est à la fois unité spirituelle,
mutuelle et surnaturelle187.

184
Cf. Ibidem,62.
185
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 185.
186
Cf. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 70.
187
Cf. V.D.A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 95.

49
2.1.3. Lecture ratzingérienne de Mystici Corporis de Pie XII

Dans cette encyclique, Pie XII vient conférer à nouveau à l’ecclésiologie, une
vision beaucoup plus intérieure et profonde quant à la conception sociétaire répandue
à cette époque-là. On y trouve peut-on le dire, une compréhension et une
appréhension surnaturelle de l’Église qui s’élabore ici et qui va au-delà de la
définition simpliste qui assimile l’Église à une société. Dans cette encyclique, en cette
formule Corpus Christi Mysticum se voit une manière propre de définir l’Église elle-
même. Pie XII veut donc ici en exprimer l’unité de l’Église dans sa composante
organique et hiérarchique. Pour lui en effet, l’Église est corps unique donc invisible,
en même temps aussi visible dotée des organes vitaux qui sont les sacrements et
formée des membres, donc les catholiques188.

De fait, parler de l’Église Corpus Christi, c’est affirmer par le fait même que
le Christ en est le fondateur, le Chef et le conservateur. Il la soutient donc en effet par
son Esprit, qui est l’âme et le principe vital de l’Église 189. De même par les
successeurs des apôtres, il leur assure une mission juridique. Cependant selon le saint
Père, l’idée de Corps Mystique exclue toute différence de principe entre l’Église de
l’amour et l’Église seulement institutionnelle. En elle, les deux réalités se tiennent. Et
il ira même très loin en précisant bien que, l’Église corps mystique du Christ est
l’Église catholique romaine190. Bien sûr qu’une telle identification a des conséquences
sur l’appartenance à l’Église. Bien entendu que dans cette optique, seuls les
catholiques en sont réellement membres et les autres en sont seulement ordonnés par
un désir inconscient. Et c’est précisément cette insatisfaction qui sera exprimée au
Concile Vatican II auquel participe Ratzinger. Et ce dernier soulignera d’ailleurs que
la théologie catholique devra regarder de façon critique la reprise simpliste des Peres

188
Cf. E. CASTELLUCI, La famiglia di Dio nel mondo. Manuale di ecclesiologia, Cittadella Editrice,
Assisi, 2008, 317-318.
189
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 68.
190
Ibidem

50
selon laquelle ecclesia catholica égal à Corpus Christ 191i. En fait, il pose la nécessité
de reconsidérer les mutations internes des sens de ces deux expressions qui se sont
opérées dans l’histoire. Dit-il, le développement historique a changé le contenu de ces
deux expressions. Elles doivent être comprises selon le mode de compréhension du
Corps du Christ. Il note donc par-là la faiblesse de l’encyclique dans le fait qu’elle
n’a pas examiné suffisamment les trois conceptions Corpus Christi, Ecclesia
catholica et Ecclesia romana catholica, qui s’entrelacent chevauchant leurs propres
domaines192.

Sur le plan œcuménique, Ratzinger trouve que l’encyclique donne des raisons
plus simplistes. Toutefois estime notre auteur, malgré quelques défaillances
conceptuelles, elle a néanmoins présenté une victoire de l’étroite conception
hiérarchologie de l’Église et une approbation officielle de tous les nouveaux acquis
de la théologie depuis Mohler193. En définitive, le débat reste encore ouvert au sujet
de la définition de l’Église puisque beaucoup de théologiens étaient bien conscients
qu’il était difficile de parvenir à la définition de l’Église en partant de la notion de
mystique parce qu’il reste impossible d’appréhender sa réalité tangible.

En somme, l’encyclique a certainement eu le mérite d’offrir des lignes de


référence pour mener à une meilleure intelligence de la nature de l’Église face à
acceptions unilatérales. Mais des difficultés sont malheureusement nées de certaines
affirmations quant au contexte œcuménique au problème de l’appartenance à l’Église.
Donc les frères séparés sont aux regards de l’encyclique que comme ordonnés au
Corps Mystique194.

2.1.4. L’apport de Henri de Lubac : Corpus Mysticum

191
L. CAPPELLETTI, « Soixante ans après l’encyclique Mystici Corporis. La distinction entre Créateur et
créature » in 30 jours dans l’Église et dans le monde, Juin 2003.
192
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 50.
193
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 5051-52.
194
Cf. Ibidem, 58.

51
J. Ratzinger lui-même nous parle de cette rencontre personnelle en de termes
assez émouvants de ses écrits. En effet dit-il,

Le pas décisif pour moi était d’apprendre à connaitre la connexion de l’Ancien


Testament et le Nouveau Testament sur laquelle est fondée toute la théologie des
Pères. Cette théologie dépend de l’interprétation des Écritures ; le centre de leur
exégèse est la concordia testamentorum communiquée par le Christ dans l’Esprit Saint.
J’étais parvenu à cette conclusion par l’œuvre de De Lubac, Corpus Mysticum. J’y
trouvais non seulement la base exégétique de la théologie des Pères, mais aussi sa
dimension liturgique et sacramentelle, qui avait été éluder dans sa théologie du Corps
du Christ l’entre-deux guerres. Elle avait interprété le mot mystique dans le sens actuel
du terme, la contemplation interne du divin et ainsi union interne et mystérieuse avec
Dieu, alors que selon les Pères il est synonyme de sacramentel 195.

Il est donc évident de comprendre la vision ecclésiologique qui se dégage de


notre jeune théologien d’alors dont il trouvera les clefs de compréhension chez De
Lubac. Chez De Lubac en effet, parler de Corpus Mysticum c’est justement parler de
l’Eucharistie en pensant à l’Église 196. Il y’a donc pour lui un lien intrinsèque entre
l’eucharistie et l’Église. Puisque chez les Pères, toute la recherche était même sur le
rapport eucharistie-Église, un rapport qui sera tout aussi au cœur de la vie et de la
réflexion ecclésiale. Ratzinger va donc approfondir cette notion dans ses recherches
ultérieures.

De fait, De Lubac mentionne que « dans la pensée de toute l’antiquité


chrétienne, eucharistie et Église sont liées »197. De cette manière l’eucharistie se
rapporte à l’Église comme la cause à l’effet, comme le moyen à la fin, en même
temps que comme signe à la réalité. Il n’est donc pas étonnant de voir qu’à chaque
fois que l’on veuille parler de l’Église que l’on parle toujours du mystère
eucharistique, en revanche non pas pour parler de l’eucharistie elle-même, mais
195
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, XV.
196
Cf. H. De LUBAC, Corpus Mysticum. L’Eucharistie au Moyen Age. Étude historique. Œuvres
complètes XV, Paris, Cerf, 23.
197
Cf. Ibidem, 23.

52
l’Église que ce mot désigne. En fait, pour Henri de Lubac, la réalité ultime de
l’eucharistie c’est l’Église198.

Par ailleurs ; la pensée théologique en général et la pensée ecclésiologique de


Henri de Lubac a marqué Ratzinger surtout pour l’approfondissement de la
connaissance des Pères et surtout sur sa nouvelle compréhension de l’unité de
l’Église et de l’eucharistie. C’est de la source patristique que notre auteur va
s’investir dans l’étude de ce rapport. En effet, pour Ratzinger, l’Église est peuple de
Dieu seulement dans et par le Corps du Christ 199 et cet énoncé résultera bien entendu
dans son tout premier travail ecclésiologique, ce qui devient comme nous le disions
tantôt, un leitmotiv de sa pensée ecclésiologique centrée sur l’eucharistie.

2.1.5. La question centrale du discours de l’Église dans Catechismus Romanus

Ratzinger est amené à travailler sur un concept clef de l’ecclésiologie


tridentine dont son maître trouve un émerveillement qui pousse à donner une réponse
claire sur ce que les Pères conçoivent comme point fort pour designer l’Église. Il
s’agit de la notion du peuple de Dieu et donc la définition augustinienne éclaire le
cheminement. En effet, le Concile de Trente définissait l’Église comme convocation,
assemblée200. Bien sûr dit le Concile, l’usage ordinaire de la Sainte Écriture à donner
à la designer comme société chrétienne et assemblée des fidèles, autrement dit, ceux
qui ont été appelés par la foi, à la lumière de la vérité et à la connaissance de Dieu et
qui ont dissipé les ténèbres de l’ignorance et l’erreur et qui adorent avec piété et
sainteté, le Dieu vivant, véritable. Dans cette mesure, elle dépasse toute autre société.
Elle repose sur la sagesse de Dieu et son Conseil. Puisqu’alors Dieu nous a appelés
intérieurement par l’inspiration de son Esprit Saint. Et cet Esprit nous ouvre par les
soins des Pasteurs. Et par cette convocation, nous connaissons et nous possédons les

198
Cf. Ibidem, 25.
199
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, XIV.
200
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 72.

53
choses éternelles. En fait, le Concile précise que dans l’Ancienne Alliance, le peuple
fidèle, sous la loi mosaïque se nommait troupeau, synagogue. Mais au contraire, le
peuple de la Nouvelle Alliance, le peuple chrétien n’est plus synagogue mais
assemblée, convocation du fait même de ne s’attacher qu’aux biens célestes201.

De façon éminente, Augustin l’appellera « peuple des fidèles répandu dans


tout l’univers »202. Cependant, saint Paul avant lui l’appela « la maison et l’édifice de
Dieu » (1Tm3,15). Maison de Dieu donc parce qu’elle est comme une famille
gouvernée par un seul père de famille : Dieu et dans laquelle tous les biens sont
communs. Il est à reconnaitre que ces deux définitions données feront toute
l’architecture de la pensée ecclésiologique de l’Hipponate que Ratzinger reprendra
plus tard à son compte pour construire son itinéraire ecclésiologique partant justement
de l’Écriture Sainte et la sagesse des Pères. En effet, les concepts de peuple et de
maison de Dieu constituent à n’en point douter la base de sa recherche en
ecclésiologie. D’ailleurs, son ouvrage portera ces deux notions pour exposer la pensée
d’Augustin sur l’Église et ainsi que son ouvrage intitulé le Nouveau peuple de Dieu.

De fait, dans cette expression maison de Dieu contenue dans la pensée


augustinienne, Ratzinger nous fait savoir qu’elle correspond à un ensemble de vastes
significations et notamment, elle renvoie à la communauté vivante et à la théologie du
peuple vivant de Dieu, donc l’Ecclesia. La maison de Dieu dans cette veine ne
renvoie pas tout de suite à une signification uniforme et comme telle, elle ne désigne
non plus le centre de l’ecclésiologie du « Docteur de la grâce ». Cependant, dans
l’ordre du symbole, elle tient pour une réalité qui peut s’exprimer par d’autres
concepts203.

Par ailleurs, pour Ratzinger, l’expression peuple de Dieu prise dans le


Nouveau Testament n’est pas un concept objectif pour parler de l’Église, seulement,
il devient autorisé par un processus de transposition spirituelle, donc christologique et

201
Cf. CATÉCHISME TRIDENTIN, §1 n° 1, 2,3.
202
V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église… 86.
203
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 66.

54
pneumatologique ou alors typologique204. En fait, dit le théologien allemand, ce n’est
que par une lecture christologique et pneumatologique non pas d’une appréhension
littérale que peuple de Dieu est une expression qui convient pour designer l’Église.
Cependant, le fait que l’on soit de la descendance d’Abraham dans l’Ancien
Testament et soumis à la loi de Moise avait uni les hommes dans le peuple de Dieu.
Ce concept devient désormais l’Église lorsqu’il est rassemblé par le Christ dans
l’Esprit. Par conséquent, c’est cette communion avec le Christ que confère l’Esprit
Saint qui fait que les hommes, fils d’Abraham soient introduits dans la vie divine 205.
Et cette unité avec le Christ par l’Esprit est donnée par les sacrements de baptême et
de l’eucharistie. Puisque l’eucharistie a un rôle central au service de cette communion
réalisée par la participation au Corps du Christ dans l’Esprit. Nous avons ainsi le
résumé de cette ecclésiologie de communion formulée par Ratzinger : « l’Église est le
peuple de Dieu seulement dans et par le Corps du Christ »206.

En somme, l’Église comme peuple de Dieu renvoie à une utilisation


allégorique de l’Ancien Testament et pour lui, le Corps du Christ est une réalité
objective qui constitue une nouvelle assemblée liturgique et ouvre à l’interprétation
pneumatologique. C’est en fait le Christ qui fait de nous, selon Ratzinger, d’un non-
peuple, un peuple207. Ratzinger nous montre par cette étude que saint Paul établit un
lien intime entre le Corps du Christ et le peuple de Dieu car pour ce dernier, la
communauté devient visible par le biais de sa vie liturgique et sacramentelle qui la
distingue ainsi de la visibilité païenne et celle de l’Ancien Testament. En définitive,
c’est donc le corps du Christ qui exprime la réalité chrétienne même de l’Église et qui
a sa source et son centre dans l’eucharistie. Puisque c’est le sacrifice eucharistique
qui donne de saisir la réalité propre de l’Église.

204
Cf. Ibidem, 67.
205
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 68.
206
J. RATZINGER in D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 66.
207
Cf. Ibidem, 67.

55
2.2. Les concepts de l’ecclésiologie de J. Ratzinger
2.2.1. L’Église désignée comme « Ekklesia »

Selon les mots de W. Kasper, la notion de Ekklesia désigne déjà le peuple de


l’Ancienne Alliance qui s’est rassemblé au Sinaï. Et dans la suite, et même
tardivement, dans le Nouveau Testament, il y’a comme une sorte de renouveau,
mieux une continuité dans sa conception qui traduit l’accomplissement de cette
assemblée vétérotestamentaire208. Dans ce sens il n’est donc plus question de la
comprendre seulement dans la perspective de l’Ancien Testament mais de
l’interpréter dans la vision néotestamentaire, comme convocation du milieu de tous
les peuples par Jésus et donc le baptême est désormais la porte d’entrée. L’Ekklesia
dans cette optique devient avec les chrétiens en Jésus-Christ, l’Église dont la
définition est donnée en ce sens par le même Kasper. En effet pour lui, « l’Église est
le peuple de Dieu élu, rassemblé par Dieu qui doit proclamer les hauts faits de Dieu.
Mais le peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance n’est peuple de Dieu qu’en Christ et
comme corps du Christ »209. Et Ratzinger partage bien sur le même avis.

De fait pour le théologien allemand, c’est justement dans un sens


christologique qu’on parvient de comprendre le nouveau peuple d’Israël comme tel.
Et en fait, l’Ekklesia désigne dans le Nouveau Testament, l’Église qui est donc ce
peuple convoqué par Dieu en Christ. On peut alors comprendre la justification de J.
Ratzinger qui s’appuie sur l’histoire que couvre cette notion et la conscience même de
l’Église quant à son origine. Ainsi l’Église se comprend comme la réalisation de
l’attente espérée de l’Ancien Israël après son exil et ses multiples déportations.
L’Église selon Ratzinger, est cette espérance accomplie en Jésus-Christ. Il affirme en
effet que « si donc la communauté des fidèles du Christ se désigne par ce nom, elle
exprime l’idée que, en elle, cette espérance a été comblée ; que, en elle, le

208
Cf. W. KASPER, l’Église catholique. Son être, sa réalisation, sa mission, Cerf, Paris 2014, p. 142-
143.
209
Cf. Ibidem, 144.

56
rassemblement eschatologique d’Israël, opéré par la Parole de Dieu qui l’appelle et le
sauve a déjà commencé »210.

L’Église du Christ est donc comprise ici comme un rassemblement dont sont
faites mémoires la mort et la résurrection de Jésus. Cette assemble vit évidemment de
l’Eucharistie et de la Parole de Dieu. D’autre l’Ekklesia ne se conçoit donc pas
comme une secte, elle est plutôt une réalité ouverte et enracinée dans un territoire.
Aussi se considère-t-elle en même temps comme assemblée du peuple tout entier
comme continuation et son accomplissement. Ratzinger voit donc émerger ici
l’épineuse question de l’universalité de l’Église et la notion d’Église locale. Car en
fait, dans son sens, Dieu rassemble son peuple disséminé par toute la terre.
Cependant, cette même Église existe aussi dans toutes les Églises particulières qui se
réalise dans la liturgie. Et dans cette vue, l’Eucharistie devient dont par voie de
conséquence le centre et le lieu de l’unité des communautés rassemblées au nom d’un
seul Seigneur, Jésus-Christ, par l’action de l’Esprit Saint qui garantit cette unité. Et
saint Paul avant J. Ratzinger, avait déjà fait noter que l’Église qui est cette assemblée-
là est convoquée par Dieu, vit du Corps du Christ et qui finalement, devient elle-
même le Corps du Christ, c’est-à-dire un peuple vivant du Christ.

L’Ekklesia est donc à la fois universelle et locale de sorte que l’Église locale
contient en elle, les mêmes propriétés de l’unique Église de Dieu en la manifestant.
Cependant, elle n’est pas toute l’Église. Mais les deux s’incluent dans une relation
réciproque. En conséquence, qu’i y ait plusieurs Églises locales, cela ne modifie en
rien l’essence même de l’Église. En revanche, elles l’actualisent. En définitive chaque
Église incarne le mystère de l’Église dans sa communion avec les autres, qui elles
aussi, manifestent la nature profonde de l’Église. Il est donc bien évident que l’Église
universelle n’existe que dans les Églises locales. Finalement, la notion d’Ekklesia
contient en son sein les concepts d’unité et d’unicité de l’Église211.

210
J. RATZINGER, Appelés à la communion. Comprendre l’Église aujourd’hui, trad. De l’allemand par
Bruno Guillaume, Fayard, Paris 1993, 26.
211
Cf. W. KASPER, L’Église catholique, 226.

57
2.2.2. La découverte du symbolisme des Douze dans la pensée de J. Ratzinger

Il désigne selon notre auteur un symbole cosmique du fait de la représentation


des douze tribus d’Israël. C’est donc ici le sens de la plénitude du cosmos appelé par
Dieu212. De plus, cette notion mène à penser que Jésus voulait rassembler tout Israël,
l’Israël eschatologique des derniers temps. Ce n’est donc pas constituer à part une
secte mais plutôt élargir le champ du salut non pas seulement les justes mais aussi et
surtout les pécheurs de tout temps et de tout lieu. Hoffmann dira à propos que,

Jésus n’utilise pas le thème du « saint » reste et il évite tout ce qui pourrait conduire à
la constitution d’un groupe particulier, séparé, divisé, et qui, en tant que tel,
représenterait l’Israël eschatologique. Israël dispersé, divisé, pécheur, demeure pour
Jésus le peuple de l’Alliance et de la promesse, il ne doit pas être refondé, bien plus,
rénové, rassemblé et rétabli dans son identité originaire de peuple de Dieu. Destinataire
de la prédication de Jésus et donc Israël en tant que tel, dans sa totalité 213.

Dans ce symbolisme des Douze, J. Ratzinger veut faire référence ici à la totalité
du peuple de Dieu, de tout Israël selon le dessein de Dieu. Il embrasse alors l’Israël
des origines jusqu’à l’Israël eschatologique, donc l’Église et par conséquent toutes les
douze tribus d’Israël. C’est donc dans une ligne de reconstruction des attentes
messianiques, le retour du « nouveau David ». Et ceci prend le sens de la mission de
Jésus qu’il entend d’ailleurs confier à ses apôtres, les Douze, déjà avant la Pâque. Elle
s’ouvre avec sa prédication et bien sur l’œuvre que devront continuer les apôtres.

Par ailleurs, dans l’institution des Douze, J. Ratzinger y voit ce qui devrait être
le mode d’être de l’Église. En fait, « Jésus les institue pour être avec lui et pour les

212
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 147.
213
J. HOFFMANN, «La Chiesa e la sua origine», in Iniziazione alla pratica della Teologia dogmatica,
vol. II, Brescia 1986, 103.

58
envoyer prêcher, avec le pouvoir de chasser les démons »214. De fait si l’Église est du
Christ, elle doit rester à son écoute et à son service et d’ailleurs et surtout demeurer en
lui. Elle pourra donc, ayant écouté et vécu avec le maitre, être envoyée pour la
mission de son Chef. Il s’agit pour notre auteur, d’être avec le Christ et demeurer en
lui. Et comme il le dit si bien, « le peuple de Dieu se réalise comme la communauté
de ceux qui sont associés au destin de Jésus »215. D. Waymel continue dans le même
sens en précisant que c’est pour le service de l’humanité.

L’appel des Douze constitue à n’en point douter chez Ratzinger, un acte
d’espérance eschatologique qui préfigure l’Israël définitif de Dieu et le nouveau
paradigme ici devient le fait d’être avec Jésus non plus un lignage sanguin et
ceci constitue en même temps une condition de salut, salut de toute la
communauté qui lui restera fidèle par la foi en se convertissant. C’est une
manifestation d’ouverture du dessein de Dieu de rassembler en lui tous les
hommes.

2.2.3. Les notions du Corps du Christ et Épouse du Christ chez Ratzinger

J. Ratzinger nous édifié de façon profonde sur cette question en partant


premièrement de la conception de ces notions chez Hilaire de Poitiers qui situe la
notion du Corps du Christ et de son appartenance ontologique à partir du mystère de
l’Incarnation. En effet, le Chris a assumé la condition humaine et nous a rendus
participants de sa nature divine. Et cette réalité a un mode opératoire double que J.
Ratzinger clarifie en empruntant à saint Hilaire.

214
J. RATZINGER, «Das Geschick Jesu und die Kirche », Y-M. Congar, (ed), Kirche heute, Bergen-
Enkheim, Kaffke, 1965, 7-18 ; trad. A. Liefooghe, « La destinée de Jésus et de l’Église », Y-M.
Congar, (ed), in L’Église aujourd’hui, Desclée, Paris 1967, 31-49.
215
J. RATZINGER, « La destinée de Jésus et de l’Église », 39

59
Tout d’abord « le Christ a revêtu notre corps à tous et en raison de cette unité
de corps, il est devenu le prochain pour de chacun de nous »216. Et notre auteur
explicite cette pensée en disant que le corps du Christ est donc aussi et en même
temps la communauté à cause de leur unité radicale dans le Christ 217. C’est en effet
pour le théologien allemand, une communauté d’amour qui a pour fondement
originelle et ontologique dans le Christ. Ensuite, ce mode d’être se situe éminemment
dans le sacrement eucharistique où se vit cette unité « que nous soyons en lui par le
sacrement de la participation au corps et au sang, il en atteste lui-même par ces mots
« et le monde ne me verra plus » (Jn 14, 19)218.

En effet, le Christ est présent en nous par le mystère du sacrement de


l’eucharistie. C’est donc de toute évidence l’eucharistie qui nous donne cette unité.
De fait, l’Eucharistie, dira Ratzinger, se réalise ce que qui était déjà assumé par
l’Incarnation. Par la suite, il est à considérer que saint Augustin offre à Ratzinger de
pouvoir situer son argumentation dans le sens de l’appartenance par la foi. Car pour
Augustin, le mode authentique d’être corps du Christ c’est de considérer le Christus
spiritualis non plus Christus carnalis dans le sens de l’Incarnation219. Cette manière
d’être d’être-un avec lui se situe donc dans la réception de l’Esprit du Christ 220. C’est
du domaine de la foi. Il faut aller à l’Esprit du Christ, au-delà du simple contact
charnel, arriver jusqu’à l’homme intérieur « Notre être dans le Christ est vraiment
dans la foi »221. Ainsi, l’Esprit du Christ est identifié à la Caritas qui pour Augustin
tout comme pour Ratzinger devient la voie d’excellence d’être corps du Christ, ce
passage de l’individu à la communauté et donc à l’Église. De fait, devenir corps du
Christ chez nos deux théologiens, c’est justement devenir un avec l’Église222.

216
HILAIRE DE POITIERS, Commentarium in Mattheum II 5 = PL XIX 1025.
217
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu, 276.
218
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu, 277.
219
Cf. Ibidem, 284 ; Voir l’explication de Ratzinger sur le passage de Christus Carnalis au Christus
spiritualis dans la pensée de saint Augustin, Civitate Dei XXII 5, 30 = PL XLI 756.
220
Cf. AUGUSTINUS, Tractatus in Ioannem XXII 13 = PL XXXV 1581. « Norunt fidèles corpus Christi,
si corpus Christi esse non negligant. Fiant corpus Christi, si volent vivere de Spiritu Chistu. De spiritu
Christi non vivit nisi corpus Christi »
221
Cf. Ibidem, 285.
222
Cf. AUGUSTINUS, Tractatus in Ioannem XXVI 5 = PL XXXV 1666.

60
Dans ces passages, il est signifié que l’Église et l’Eucharistie sont intimement
liées pour marquer comme nous le disions plus haut, une condition d’appartenance au
corps du Christ comme tel. Cette démarche amène J. Ratzinger à conclure cette
appartenance sur un triple plan qui traduit une réalité unique : le sacramentum
corporis Christi, corpus Christi et Caritas. Ces trois notions traduisent la forme
unique et authentique de la manière d’appartenir au Christ. Et en même temps aussi le
mode d’offrir le sacrifice à Dieu que saint Augustin décrit en ces termes « hoc est
sacrificium Christianorum : multi unum corpus in Christo »223. En fait ce sacrifice
constitue la véritable réalité intérieure d’être corps du Christ. Au cœur de cette réalité
se trouve en bon droit la Caritas qui est, comme explicité plus haut, l’Esprit du Christ
même qui réalise ce corps, c’est-à-dire l’unité de l’Église224.

Donc chez Ratzinger, dans l’Eucharistie, s’opère une transformation profonde


de l’homme en Christ par le pain eucharistique qu’il assimile. En fait dira notre auteur
« l’homme qui absorbe ce pas est assimilé à lui, absorbé par lui, fondu en ce pain et
devenant pain comme le Christ lui-même »225. En clair, toute la vie est transformée
dans le sacrifice eucharistique et ouvre donc ainsi l’individu aux autres. De cette
façon, communier au Christ devient en même temps et surtout, communier avec les
autres, tous ceux qui appartiennent au Christ. Ratzinger, nous le voyons pose
l’Eucharistie comme guérison de notre amour. Et dans ce sens H. de Lubac affirmera
lui aussi que « l’Eucharistie fait l’Église tant il est vrai que le Corps eucharistique
nous fait prendre Corps ensemble dans le Christ. Le corps ecclésial devient une
réalité visible et saisissable »226.

Par ailleurs, J. Ratzinger emprunte à Augustin l’image de l’Épouse appliquée


à l’Église et nous en présente un binôme qui pour lui est significatif pour rendre
compte de la réalité profonde de l’Église que la seule notion du corps du Christ
n’exprime pas totalement. En effet l’Église-Épouse, trouve sa profondeur dans le

223
AUGUSTINUS, De Civitate Dei X 6 = PL XLI 284.
224
Cf. AUGUSTINUS, De Baptismo II 14,19 = PL XLIII 138.
225
J. RATZINGER, « communio » in Faire route avec Dieu…, 70.
226
H. de LUBAC, in J. RIGAL, Mystère de l’Église…, 184.

61
Christ et selon cette affirmation « tout comme il existe un seul Christ, il n’a qu’un
seul Corps, une seule Épouse : une seule et unique Église catholique et apostolique »
(cf. Mt 16,18 ; 28, 20). L’Église est ainsi présentée comme l’Épouse du Christ pour
laquelle il s’est sacrifié. Et Augustin avant lui, avait déjà noté ce lien profond et
intime entre le Christ et l’Église au point où il peut affirmer sans hésiter que le Christ
parle par l’Église et de même que l’Église parle pour le Christ. Cette union est
présentée chez l’Hipponate en termes de Tête et membres du corps. V. Wilson dira en
commentant Augustin que « le Christ parle en tant que Tête et en tant que corps, car
ils ne font tous deux qu’une seule chair désormais »227.

Cependant, notre théologien fait noter des conséquences de cette image pour
la vie de l’Église « l’Église ne devient pas identique au Christ ; elle en est la servante,
qu’il élève par amour au rang d’épouse, à la recherche de son visage en cette fin des
temps »228. Cette réalité entend donc définir le statut de l’Église et exprimer en même
temps sa mission. Elle doit répondre à l’amour du Christ en se tournant constamment
vers son Époux et lui rester fidèle dans cet amour unitif qui est alors garant de sa
vocation parmi les peuples. Pour Ratzinger donc, l’Église-Épouse appelle la
conscience de l’Église à se renouveler sans cesse. Ce couple vient rendre visible et
saisissable la réalité que le corps du Christ ne peut exprimer elle seule. Et Dominique
Waymel qui commente le théologien allemand met sur ses lèvres cette belle synthèse
« le mystère de l’Église s’éclaire donc dans la comparaison du rapport du Christ et de
l’Église, de l’Époux et de l’épouse, comme le signe de l’union plus intime avec Dieu
et les uns avec les autres »229.

2.2.4. La redécouverte du peuple de Dieu et dénonciations ratzingériennes des


déformations de la notion du peuple de Dieu

227
V. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 100.
228
J. RATZINGER, Appelés à la communion, 33.
229
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 126.

62
J. Ratzinger pose la signification de la notion du peuple de Dieu sur un double
plan. D’abord il clarifie la condition d’appartenance à ce peuple et ensuite il marque
une distinction entre le Christ et l’Église comme nous l’avons signalé dans la partie
précédente qui traite du binôme Église-Épouse. En fin, il réintroduit la réalité
eschatologique de l’Église. Comme telle, l’Église est appelée à faire mémoire de son
évènement fondateur qui est le mystère pascal et entrer dans la dimension
eschatologique qui est la venue du sauveur dans la gloire. Et Dominique Waymel
nous amène au cœur même de la conception du peuple de Dieu chez J. Ratzinger

Nous pouvons saisir plusieurs éléments importants : le premier est la mise en


perspective de la continuité du dessein de Dieu. Le peuple d’Israël trouve dans la
figure du Christ celui qui vient accomplir son espérance. Le second provient de
l’enracinement historico-salvifique de l’Église, lieu de l’accomplissement de l’histoire
du salut. Cet enracinement souligne le caractère pérégrinant du peuple de Dieu et donc
son devenir et sa dimension eschatologique. L’Église avance dans l’espérance vers son
accomplissement ultime, centré désormais sur la mort et la résurrection du Christ 230.

Dans ce sens on comprend très bien ce qui constitue le nouveau peuple de Dieu,
l’Église. En effet, la dernière cène comme nouvelle Alliance supplante alors le
mémorial de l’Ancien Testament. Et la Nouvelle communauté qui en découle est
l’Église dont le regard est tourné vers le Christ. Son corps offert en sacrifice devient
le corps ecclésial dont il est lui-même la Tête et la communauté entière forme ainsi
les membres de ce corps. Par conséquent la célébration eucharistique devient le lieu
par excellence où l’on célèbre ce sacrifice de rédemption et fondateur de manière
toujours renouvelée et où le peuple de Dieu lui-même se renouvèle en se formant
continuellement en attendant le retour de son Chef dans les derniers temps. J.
Ratzinger peut donc à bon droit parler de la célébration eucharistique comme la « fête
de la vie »231 puisque c’est désormais le Christ qui se donne en nourriture et de façon

230
Ibidem, 149.
231
J. RATZINGER, « l’ecclésiologie du Concile Vatican II », in Église Œcuménisme et politique, trad. de
l’allemand par Philippe Jordan, Philipp-Ernst Gudenus et Beat Muller, Fayard, Paris 1987,18.

63
oblative au peuple constitué par lui, pour qu’il ait en lui la vie de Dieu.
Comparablement au mémorial de la pâque juive, qui fêtait la libération de
l’esclavage, dans l’eucharistie, le sens est encore plus profond et transformé en un
pôle nouveau, le Christ libère son peuple en se livrant lui-même et par son corps et
par son sang, la communauté nouvelle reçoit Dieu de façon plus intime.

Cette notion de peuple de Dieu chez J. Ratzinger est donc étroitement liée à la
notion de Corps du Christ qui lui donne d’exprimer de façon plus claire la nature
mystérique de l’Église. Ce n’est qu’avec ce double sens qu’on pourra comprendre
adéquatement la dimension sacramentelle de l’Église. Seulement notre auteur sera
étonné de la déformation qu’a subi cette notion aux jours d’après Concile. Certains
n’y voyaient alors qu’une dimension purement sociologique.

En effet s’indignera Ratzinger en disant « ainsi la formule peuple de Dieu est


devenue le véhicule d’une notion d’Église antihiérarchique et anti-sacrée, de type
révolutionnaire, utilisable en vue de l’édification d’une nouvelle Église »232. Dans ce
sens on perd toute perd toute référence à Dieu, toute la dimension verticale est
abandonnée. La notion de peuple de Dieu est réduite à une pure société à connotation
démocratique qui n’admet pas en son sein un certain ordre hiérarchique et où le
peuple lui-même serait souverain. Et pourtant comme le note le même Ratzinger,

Cette crise trouve sa racine profonde ultime dans une perte diffuse du sens catholique de
l’Église. (…) L’Église n’est pas la nôtre, dit-il, mais du Seigneur, et que rechercher un climat
vraiment catholique veut dire retrouver le sens de l’Église du Seigneur, comme espace de
présence du mystère de Dieu dans le monde 233.

232
J. RATZINGER, Démocratisation dans l’Église ? Possibilités, limites, risques, trad. G.-P. Nyssen,
Apostolat des Éditions, Paris 1972, 29-32.
233
J. RATZINGER, «presentazione» dell’edizione in italiana du livre de L. SCHEFFCZYK, La Chiesa.
Aspetti della crisi postconciliare e corretta interpretazione de concilio Vaticano II, Jaca Book, Milano
1998, p. 9-10.

64
Pour notre auteur, il est toujours indispensable, pour parler de l’Église de tenir
présent à l’esprit que les notions de peuple de Dieu et corps du Christ sont
inséparables pour sa compréhension totale. Une prise à prise part court le danger
d’une mauvaise interprétation puisqu’elle ne pourra pas rendre compter toute seule de
la réalité de l’Église, de son mystère.

Parmi les dérives que déplore le théologien allemand il y a en premier lieu la


récupération par la théologie de la libération qui a pris la notion de peuple de Dieu en
dehors de cette réalité avec le corps du Christ qui lui donne sa pleine signification
mais à côté il conçoit ce peuple comme société tout court. Ne tenant pas en compte
l’identité chrétienne et trinitaire que confère le corps du Christ à la notion de peuple
de Dieu. Le lien fondamental entre le Christ et l’Église est donc ici abandonné 234. Il
est important de découvrir la dimension historico-salvifique de l’Église et ainsi que sa
tension eschatologique lues dans la continuité avec le peuple d’Israël 235. En d’autres
termes la perte de ces considérations entraîne la perte de la compréhension de
l’Église.

Dans les publications postconciliaires, l’accueil du chapitre sur le peuple de Dieu et


son classement devant le chapitre sur la hiérarchie ont été interprétées comme un
renoncement d’une conception christologique et comme relativisation de la forme
hiérarchique de l’Église. Le terme peuple de Dieu sorti de son contexte ouvrait la voie
à une vision plus ou moins sociologique de l’Église, dans laquelle le mystère n’avait
plus aucune signification236.

Cependant, affirme J. Ratzinger que l’Église est un rassemblement dont la


source est le Christ et non pas Las comme peuple tout simplement. L’Église en effet
est comme telle parce qu’elle reste tournée vers son fondateur, le Christ. C’est lui qui
constitue ce peuple et l’élit par amour. Appartenir donc à ce peuple c’est

234
Cf. D. WAYMEL, Jésus et l’Église, 152.
235
Cf. Ibidem,152.
236
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu, XIX.

65
fondamentalement être pour le Christ et dans le Christ et en imiter les vertus en
répondant bien sûr à cet amour fondateur. Et c’est l’Esprit du Christ qui l’accroit et le
fait vivre dans cette communion avec le Christ. Toute initiative est de Dieu et l’Église
à son terme en lui-seul. Passer à côté de ces considérations c’est alors pour notre
auteur, fonder une Église purement et simplement humaine, sociologique. De plus, la
distinction de ce peuple avec les autres se trouve dans la réalité communionnelle avec
le Christ. La dimension sacramentelle de l’Église fonde ainsi chez J. Ratzinger, la
dimension ecclésiale, car c’est dans l’eucharistie que l’Église se fonde, se vivifie et se
renouvelle sans cesse.

La même dénonciation de la mauvaise appréhension de la notion de peuple de


Dieu est faite ici par W. Kasper pour qui, dans le sens biblique, la notion de peuple de
Dieu ne s’identifie pas au terme Demos qui a une connotation démocratique, mais
plutôt avec Laos tou theou, peuple de Dieu, donc dans le sens de l’Élection divine. De
fait la vie de ce peuple ne dépend pas de lui-même mais de celui qui l’a voulu et
rassemblé et donc exige un devoir d’écoute et de célébration des bienfaits du
Seigneur. Et puis lui offrir le sacrifice de louange 237. En plus, W. Kasper et, J.
Ratzinger avant lui, mettent en exergue l’élément de communion qui caractérise et
signifie cette notion. En fait, tous les membres de l’Église, laïques et ministres
ordonnés sont appelés à un vivre ensemble qui engage à une coresponsabilité dans la
mission du Christ pour la sanctification des hommes. Les différents ministres sont
donc ici exercés selon l’ordre de compétence. Les laïques travaillent à la
sanctification et les ministres sont ordonnés à cette fin. Ici le sacerdoce ministériel et
le sacerdoce commun des fidèles se mettent ensemble pour l’édification du peuple de
Dieu238. Tous deux, ont des droits (laïques et ministres ordonnés) égaux dans l’Église.
Cependant la revendication de ces droits ne saurait se faire dans un mouvement
démocratique qui lui, est étranger à la réalité de la communion ecclésiale, lesquels
droits tiennent d’ailleurs leur fondement et leur légitimité dans le baptême et la
confirmation, ce qui les incorpore dans le peuple de Dieu. Il faut tout simplement une
237
Cf. W. KASPER, L’Église catholique, 293.
238
Cf. Ibidem, 294.

66
participation, une collaboration qui entraîne la coresponsabilité et des ministres et des
laïques. Des ministres à leur tour devront évidemment prendre conscience de la
dignité des laïques qui sont tout autant responsables de la mission de l’Église239.

Par ailleurs, J. Ratzinger trouve dans le Synode de 1985 un élément de


réponse que ladite assemblée a fourni pour pallier les dérives d’interprétation de la
notion du peuple de Dieu, « En plaçant au centre le terme de communion qui renvoie
tout d’abord au centre eucharistique de l’Église, et qui renvoie également à la
compréhension de l’Église dans le lieu le plus intime de la rencontre entre Jésus et les
hommes, dans l’acte de son amour pour nous » 240.

En effet, la notion de communion dans ce sens est de rendre compte du mystère


profond de l’Église. Il faut alors libérer l’Église d’une conception sociétaire et
concevoir la notion de peuple de Dieu comme si elle n’entrait pas dans le mystère du
salut. En fait, l’Église ne saurait être une communauté purement sociologique, elle est
avant tout aussi corps du Christ, Temple de l’Esprit Saint 241. L’urgence comme le dit
J. Rigal, au lendemain du concile Vatican II était de,

Choisir un terme englobant capable d’intégrer et d’harmoniser un ensemble de


concepts juxtaposés et disséminés à l’intérieur de l’enseignement conciliaire et d’autre
part, fournir un enracinement théologique à différentes questions soulevées par l’après
concile et susceptibles de nouveaux approfondissements 242.

Au demeurant, la notion de communion vient donner tout son sens à la notion


de peuple de Dieu et pour la compréhension de la dimension mystérique de l’Église.
Elle sauve ainsi l’expression peuple de Dieu de toutes interprétations abusives et
introduit dans le peuple de Dieu la réalité de l’union à Dieu qui est de toute évidence
le principe par excellence de l’union aux frères. Et Lumen Gentium de dire « Tous
239
Cf. Ibidem, 307.
240
J. RATZINGER, Chemin vers Jésus, Parole et Silence, Paris 2004, p. 118.
241
Cf. J. RIGAL, L’ecclésiologie de communion, 54.
242
Ibidem, 56.

67
ceux qui sont du Christ est possèdent son Esprit, constituent une seule Église et se
tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ » (LG n. 49).

Conclusion partielle

De fait, poursuivant l’itinéraire théologique de J. Ratzinger, nous découvrons


en même temps toute la pertinence de la pensée ecclésiologique d’Augustin. En effet,
lorsque, pendant le Concile et même quelques temps après les débats font surface sur
les deux notions de peuple de Dieu et communion sur le fait de désigner la réalité de
l’Église c’était précisément parce qu’elles avaient été vidées de leur sens plénier.

Les considérations courantes leur affectaient des connections sociologiques et


politico marxistes et par conséquent sans lien aucun avec le Christ et les
sacrements243. Cependant, J. Ratzinger revient donner une signification adéquate
partant de la pensée de saint Augustin quant aux notions de peuple de Dieu et de
communion. Pour lui, la notion de Peuple de Dieu est surtout entendue dans son sens
pneumatologique. C’est-à-dire, un peuple réuni par plusieurs peuples par l’Esprit
Saint pour le culte de Dieu 244. Par ailleurs, la communion, elle, est comprise comme
communion qui nait en vertu de la foi et de la charité entre les croyants et le Christ, et
les croyants entre eux. Ils forment ainsi un seul et unique corps en Christ, ce qui se
réalise dans l’eucharistie. Et finalement unissant les deux notions, il ressort comme le
souligne d’ailleurs J. Ratzinger que « l’Église est justement le peuple de Dieu existant
comme corps du Christ »245. Ces conclusions sont de fondamentale importance pour
la théologie de l’Église, et proviennent des textes d’Augustin et qui constituent
finalement l’ecclésiologie de J. Ratzinger246.

243
Cf. J. RATZINGER, La comunione nella Chiesa, Paoline, Roma 2004, 133-135.
244
Cf. J. RATZINGER, Il nuovo popolo di Dio, 175-176; 287-288.
245
Ibidem, 177.
246
Cf. C. NELLO, “Sant’Agostino nella riflessione di J. Ratzinger” in Pontificia Academia Teologica,
Colloquio sugli aspetti della teologia di J. Ratzinger, Vol. 6, Roma 2007/1, 9-26.

68
Augustin tout comme Ratzinger voit l’histoire du salut comme mystère de
l’unité. Et donc, des chemins élaborés par le théologiens africain, Ratzinger se fera
l’écho et l’actualisation selon les nouvelles urgences qui se posent à l’Église du
monde de notre temps.

CHAPITRE III : LA COMMUNION CHEZ SAINT AUGUSTIN ET JOSEPH


RATZINGER

Introduction partielle

Il nous paraît alors nécessaire de reprendre ici les concepts d’Église tels que
nos deux auteurs les ont utilisés, cette fois pour traduire en des termes qui nous
conduisent à une réalité que tous deux partagent et qui sera dans toute la pensée
ecclésiologique, une notion centrale, l’âme même de la vie ecclésiale : la communion.
De fait, cette notion a toute sa résonance spirituelle et pratique dans l’ecclésiologie
post conciliaire pour interpréter et comprendre l’essence et toute la réalité de l’Église
en un terme si ample et englobant mais cependant ne manque pas de crise de
perception. Déjà saint Augustin, en son temps avait vu cette notion comme une idée,
un concept qui englobe l’unité même qui détermine la vie de l’Église 247. C’est cette
communion qui résulte de l’amour mutuel des membres mais donc l’image parfaite
vient de la réalité de la vie trinitaire. En fait, comme le présente B.D. de La Soujeole,
« l’Esprit procédant du Père et du Fils comme leur unique amour, il les unit dans leur
charité réciproque. Le Christ, par le sacrement de son corps et de son sang nous
introduit dans cette communion trinitaire »248.

247
Cf. AUGUSTINUS, De Trinitate XV 37 = PL XLII 1087.
248
B. D. de La SOUJEOLE, Le sacrement de la communion. Essai fondamentale, Éditions Universitaires
Fribourg Suisse, Cerf, Paris 1998, 118.

69
Dans un sens plus large, J. Ratzinger ira jusqu’à poser cette notion dans la
totalité de sa dimension universelle avec des conséquences profondes dans le plan de
vécu concret de l’Église. Il dit en effet « l’Église vit du fait qu’il y’a une communion
ultime impersonnelle du monde, mais une communion vivante, personnelle, ouverte à
l’homme »249. Et il ajoute, « communion dans et au corps du Christ signifie donc
aussi communion des uns avec les autres. Elle inclut, selon sa nature, que l’on
s’accepte les uns les autres, que l’on donne et reçoive dans un mouvement réciproque,
que l’on soit prêt à partager »250.

Ainsi dans ce chapitre nous allons nous investir à retrouver le sens profond de
la communion de l’Église au-delà de sa réalité sociétaire et institutionnelle. Car elle
est essentiellement communion selon les termes de Y. Congar « l’Église n’est pas
seulement un cadre, un appareil, une institution ; elle est une communion »251.

3.1. La question fondamentale de la communion

Nous nous occuperons à réfléchir sur la forme concrète de l’Église dans tous ses
aspects. Cependant il faudra d’abord être sûr de la compréhension du sens même de la
notion de communion dans les Écritures et dans la large tradition chrétienne.

3.1.1. La Koinȏnia dans l’Écriture

3.1.1.1. Chez saint Paul

Lorsque Paul dit « il est fidèle le Dieu qui vous a appelés à la communion
avec son Fils Jésus Christ, notre Seigneur » (1Co1,9), nous y voyons une forte
concentration christologique. En effet, cette communion au Christ entraîne une

249
J. RATZINGER, Faire route avec Dieu…, 8.
250
Ibidem, 9.
251
Y. CONGAR, Vraie et fausse réforme dans l’Église, Cerf, Paris 1950, 15.

70
communion au Père qui appelle, et cette implication ira jusqu’à la communion avec
l’Esprit Saint. Il le dira en effet lui-même, « appliquez-vous à garder l’unité de
l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4,3). La vie de communauté a ainsi tout son sens.
Son fondement est une vie de foi, une participation à cette foi comme le précise si
bien l’épître aux Éphésiens : « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ». (Ep
4, 3-4). En réalité cette communauté naît de la foi au Christ et dont la porte d’entrée
est le baptême. Par conséquent vivre en communion voudrait dire partager la même
foi en Jésus Christ en qui et au nom de qui nous sommes baptisés. De plus, comme
nous le dira l’apôtre, cette communauté participe à l’unique corps du Christ qui
rassemble tous les croyants, « la coupe de bénédiction que nous bénissons n’est-elle
pas communion au Sang du Christ ? Le pain que nous rompons est-il pas une
communion au corps du Christ ? Puisqu’il y’a un seul pain, nous sommes tous un seul
Corps, car tous nous participons à cet unique pain » (1Co11,17-34).

L’idée de l’eucharistie chez Paul devient donc ici la source de cette


communion d’abord avec le Christ et puis entre les frères de la même communauté 252.
Être corps du Christ c’est exactement être en communion avec lui et avec les autres.
Ainsi, l’eucharistie devient fondamentale dans la vie de la communauté en tant
qu’elle nous rassemble dans l’unique corps auquel nous participons tous. Elle nous
rend frères. En fait, la théologie de Paul vient clarifier toute la signification
christologique, ecclésiologique et eucharistique par cet énoncé. Et cela entraîne des
conséquences dans la dépendance des membres et l’unité de chaque membre de la
communauté et même la solidarité et le destin de chacun à l’égard de tous 253. Jean
Rigal en donne une explication obvie : « l’adhésion à la personne de Jésus Christ
devient la porte du Royaume, l’accès à la communauté de la table avec le Père.
L’eucharistie sera le signe et l’établissement de cette pérennité de la communauté de
la table avec Dieu »254. Il est donc évident que la communion au corps du Christ nous
introduit dans son mystère et nous assimile en lui et en même temps nous met en

252
Cf. J. RIGAL, Ecclésiologie de communion, 115.
253
Cf. J. RATZINGER, « Eucharistie et mission » in Faire route avec Dieu, 93.
254
J. RIGAL, Ecclésiologie de communion, 117.

71
relation avec nos frères dans la même communauté chrétienne. En réalité,
l’eucharistie c’est le point de départ et le sommet de nos réseaux de communion
comme communauté ; c’est véritablement à ce moment-là que nous formons un corps
unique, le corps du Christ.

La communion avec le Christ est source de communion avec les autres


fidèles. Elle ne s’accueille alors que dans le fait de participer et dans le fait de rendre
participant mais une telle participation est basée sur l’unique foi et la même partagée
par tous au sein de la même communauté. C’est donc une réciprocité des rapports que
l’on rencontre dans ce terme Koinonia chez saint Paul.

3.1.1.2. Chez saint Jean

Ce que nous avons vu et entendu nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous
soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et
avec son Fils Jésus-Christ (…). Si nous disons que nous sommes en communion avec
lui alors que nous marchons dans les ténèbres, nous ne faisons pas la vérité. Mais si
nous marchons dans la lumière (…), nous sommes en communion les uns avec les
autres. (1Jn 1, 3 et 6-7)

Ici le terme Koinonia apparaît 4 fois. Saint Jean a le souci de relever


l’importance de la notion de communauté. C’est en effet elle qui lie les hommes avec
Dieu et les hommes entre eux. Ici, est indiquée la communion dans l’agape qui est la
nature profonde même de l’Église et la mission des disciples. Ces, derniers sont
porteurs de la bonne nouvelle et témoins du Verbe Incarné, du Seigneur ressuscité et
en même temps de l’expérience de la communion dans l’Esprit Saint qui est aussi
avec le Père et le Fils. Cette communion ici se trouve dans une dimension trinitaire. Il
faut vivre et partager l’amour qui est entre le Père et le Fils et le Saint Esprit à toute
l’humanité. Pour cette raison, la joie et le cœur plein de confiance, caractérisent la
communauté des croyants ou selon l’expression de Gianfranco Calabrese «la
comunità di coloro che dalla Pasqua dell’agnello immolato e glorioso vengono

72
chiamati e convocati a formare il nuovo popolo d’Israele di Dio, che vive della stessa
comunione e della mutua relazione tra il Padre e il Figlio» 255. Et c’est précisément
cette communion trinitaire qui constitue l’origine du mystère de l’Église et qui révèle
sa réalité profonde.

De fait, la communion en tant que telle constitue l’origine du mystère de


l’Église et ainsi que sa réalité profonde. Et B.D. de La Soujeole commente « mais
l’origine de cette koinonia se fonde sur ce qui a été vu et entendu par saint Jean, c’est-
à-dire sur le fait que Dieu, dans le Christ a fait part à disciple de son mystère et que ce
dernier l’a communiqué à son tour à ses auditeurs. Ceux-ci prennent ainsi part au
mystère et sont unis de ce fait entre eux » 256. Bien plus, J. Ratzinger lui, y voit des
éléments essentiels de la notion chrétienne de communion et le fondement même de
la communion. Il peut alors affirmer « la rencontre avec le Fils de Dieu fait chair,
Jésus Christ, qui vient aux hommes dans l’annonce faite par l’Église. Ainsi naît la
communion des hommes entre eux, la communion qui repose à son tour sur la
communion avec le Dieu-Trine »257. Les chrétiens restent donc reliés au Père par le
Fils Jésus, lui-même attaché au Père par l’Esprit qui est leur commun amour. Il s’agit
là d’une union mystique des chrétiens que saint Augustin qualifie de source de tout
Bien « m’attacher à Dieu, écrit-il, c’est mon bien »258. En effet, cette communion dont
l’idéal est proposé à l’Église a finalement une source trinitaire. Les chrétiens sont
appelés à imiter une telle relation entre les trois personnes de la sainte Trinité dont la
périchorèse dans l’Église est traduite en geste d’amour et de solidarité mutuels, c’est
l’essence même de l’Église : la communion ecclésiale259.

Cette communion à laquelle les chrétiens sont appelés est le reflet de la


communion trinitaire. Elle est sa source et son paradigme : vivre en communion. Et
Augustin dira « c’est par ce qui est commun au Père et au Fils qu’ils ont voulu établir

255
G. CALABRESE, “comunione” in Dizionario di ecclesiologia, Citta Nuova Editrice, Roma 2010, 275.
256
B. D. de La SOUJEOLE, le sacrement de la communion, 279.
257
J. RATZINGER, « Ecclésiologie de Lumen Gentium » in Faire route avec Dieu, 119.
258
AUGUSTINUS, De Civitate Dei XVII 17= PL XLI 551.
259
Cf. G. CALABRESE, “comunione” in Dizionario di ecclesiologia, 276.

73
la communion avec nous et entre nous, et par ce don, ils nous rassemblent dans
l’unité ; il s’agit du Saint-Esprit, le don de Dieu »260.

C’est donc lui, le Saint-Esprit qui réalise cette communion du Père et du Fils.
« A qui donc dans la Trinité est attribuable cette communio societatis, si ce n’est à cet
Esprit qui est commun au Père et au Fils »261. De fait, la manifestation et même la
réalisation de la communion ecclésiale tirent leur source dans le fait d’être, de vivre
ensemble entre chrétiens car ayant en commun les biens spirituels. On peut donc lire
avec grande attention dans les Actes des Apôtres celle belle expérience de
communion « la multitude de ceux qui étaient devenus croyants avaient un seul cœur,
une seule âme ; aucun d’eux ne considérait comme sien ce qui lui appartenait, mais
ils mettaient tout en commun » (Ac 4, 32).

Nous retiendrons ici que la koinonia révèle trois aspects d’une même réalité.
Telle qu’elle nous apparaît dans les cas étudiés, la notion de Koinonia se traduit par
les expressions telles que donner part, faire part et mettre en commun. Toutes ces
références comme le dit si bien de La Soujeole, nous mettent au cœur même de la
doctrine du corps mystique ;

La vie à laquelle, nous participons et qui nous est partagée n’existe que dans la
dépendance par rapport à sa source. Le thème du corps du Christ nous a montré que la
vie de l’Église est la vie divine elle-même participée, telle que manifestée dans le
Christ et communiquée par son Esprit. De même Koinonia est tout entière fondée sur
le Christ et son Esprit : le faire part divin dans du Christ est la clef de tout le reste 262.

260
AUGUSTINUS, Sermo LXXI 18 = PL XXXVIII 454.
261
AUGUSTINUS, Sermo XXIX 2,6 = PL XXXVIII 185-187.
262
B. D. (de La) SOUJEOLE, Introduction au mystère de l’Église, 457.

74
Cependant, il reste que le que le critère de cette communion reste la foi en tant
qu’elle est une affaire communautaire. Et l’eucharistie acquiert donc une fonction
d’engendrement, et elle manifeste cette vie communautaire263.

3.1.2. La communion dans la tradition de l’Église

Dans la pensée ecclésiologique de la grande tradition patristique, on retrouvait


la concentration des notions ecclésiologiques pour parler de la nature mystérique de
l’Église sans traités particuliers. Mais ils vivaient la réalité de l’Église comme
mystère. Cependant, la notion d’unité était vécue avec beaucoup de profondeur.
Seulement cette réalité est approchée selon l’usage des symboles, des images et des
métaphores pour traduire le mystère de ‘Église.

Toutefois, il se construira en cette période-là les premières expériences de la


catégorie de communion même si elle n’est pas encore clarifiée comme nous la
voyons aujourd’hui. Erio Castellucci peut nous livrer une distinction qu’il perçoit de
la nature mystérique de l’Église et la notion de communion ecclésiale.

Si ‘mystère’ exprime la dimension théologique originaire et plus profonde de


l’ecclésiologie patristique, ‘communion’ dit le mode en lequel l’Église s’entendait
spontanément elle-même à partir de sa vie concrète, comprise dans sa structure
organisative. Communion et mystère sont d’ailleurs concepts corrélatifs et inséparables
pour les Peres, qui ne divisaient jamais la réalité empirique de l’Église de sa réalité
spirituelle et céleste264.

En effet, en Orient la notion de communion indique principalement la


communion eucharistique ; pourtant dans la partie Occidentale, le terme prend le sens
263
Cf. B. D. (de La) SOUJEOLE, Le sacrement de la communion, 289.
264
E. CASTELLUCCI, La Famiglia di Dio nel mondo, 155.

75
de la communion ou l’unité de l’Église universelle selon les termes d’Augustin
d’Hippone265. En fait ces deux aspects de la chose expriment tout simplement une
réalité unique. Que ce soit communier au sacrifice eucharistique ou bien la
communion avec l’Église tout entière. Et dans ce sens alors, l’excommunication
devient cette rupture de la communion avec l’Église et qui plus est, une non-
participation au banquet eucharistique. Découle donc ici toute la signification de la
réalité sacramentelle de la communion.

3.2. Communion : fondement de la vie de l’Église

Selon Jean Rigal, « la relation de communion entre Dieu et l’humanité constitue


un thème central des Écritures » 266. Cette relation dit-il, avec les hommes émane de la
volonté même de Dieu de rassembler à Lui tous les hommes. C’est donc un signe de
l’amour de Dieu pour l’humanité. De fait, cette notion a connu de sérieuses variations
et des interprétations peu ou prou édulcorées. Cependant lors du dernier Concile
œcuménique Vatican II, ce concept est revenu à l’honneur non pas de manière
ouverte ou explicite mais sous des réalités qui la comportaient. C’est finalement au
Synode des Évêques de 1985 qu’une clef de lecture a été trouvée pour comprendre
l’ecclésiologie conciliaire comme une ecclésiologie de communion. De là découle
cette belle synthèse de compréhension des pères synodaux ;

The communio ecclesiology is the central an d fundamental idea of the counciliar


documents. Koinonia/communio, which has its basis in Sacred Scripture, was highly
regarded in the early Church and is so to this day in the Eastern Churches. Much has
happened since the second Vatican Council to make the Church as communio better
understood and implemented more concretly in everyday life267.

265
Cf. AUGUSTINUS, De Unitate ecclesiae contra Donatista XX 56 = PL XLIII 470.
266
J. RIGAL, Ecclésiologie de communion…, 130.
267
K. HEMMERLE, Gemeinschaft als Bild Gottes : Betrage zur Ekklesiologie, ed. R. Feiter, Ausgewalhlte
Schriften 5, Frieiburg im Breisgau : Herder, 1996, 60-80.

76
En effet, la nécessité de cette notion apparaît décisive pour comprendre les relations
qui existent entre l’unité et la multiplicité dans l’Église. Dans ce cas l’unité ne
désigne plus l’uniformité, cependant acquiert la signification du don de Dieu. Elle
désigne en effet la dimension visible de l’Église, sa profession de foi, les sacrements
et sa hiérarchie. La communion pour Grillmeier acquiert ainsi cette dimension ;

The Church is the unity of communion in the Holy Eucharist, in the Holy Spirit, in the
visible (hierarchical) administration, and in the various ministries. She is the animated
unity of the body in the diversity of the membres and ministries. Not only the
charismatic gifts, but the hierarchical order, too, is a self-communication of the Spirit.
He thus become incarnate in the Church and forms a mystical person, so to speak, out
of mamy persons268.

La communion consiste donc moins dans la structure de l’Église que dans son
essence, son fondement et sa vie. Tous les hommes en effets sont appelés à participer
à la vie divine qui constitue leur dignité269. Et cela doit véritablement se vivre dans
cette intime relation avec la sainte Trinité et l’entière communauté des fidèles puisque
ceux-ci sont déjà sauvés par le Christ et dont l’expansion s’étend à l’humanité entière.
Il s’agit donc ici de tout le mystère de l’Église270.

Toutefois J. Ratzinger, faisant une interprétation et une lecture minutieuse


dudit synode, arrive à préciser clairement le fondement même de la communion
ecclésiale. D’ailleurs, c’est dans la première épitre de saint Jean qu’il ira tirer son
argument pour le poser comme une norme de compréhension pour la communion
chrétienne « ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous
aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père
et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit
parfaite » (1Jn 1, 3 ss). Pour Ratzinger, c’est le point de départ de la communion. Elle
268
A. GRILLMEIER, « Kommentar zu LG Kap. I» in Leixikon für Theologie und Kirche. E I:156-76.
Freiburg im Breisgau: Herder, 1966.
269
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 162.
270
Cf. M. H. HEIM, Joseph Ratzinger, 292.

77
est donc rencontre entre le Fils de Dieu fait chair, Jésus Christ, qui vient aux hommes
dans l’annonce faite par l’Église. Et de là donc, naît la communion des hommes entre
eux et elle repose à son tour sur la communion avec le Dieu-Trine. De fait dit-il en
substance « la communion avec Dieu est communiquée par la communion de Dieu
avec l’homme, qui est le Christ en personne, la rencontre avec le Père dans l’Esprit
Saint ; de là elle unit les hommes entre eux. Tout cela vise la joie parfaite. L’Église
porte en elle un dynamisme eschatologique »271. En plus, saint Jean précise que la
mission du Christ est de nous rassembler et de nous conduire au Père. Ainsi, l’union
avec le Christ entraîne inéluctablement l’union au Père. Et cette communion au Christ
entraîne elle aussi la communion avec son Esprit. Saint Paul dans le même sillage
voit dans l’Esprit Saint, l’agent par excellence de l’unité de l’Église (Ep 4, 3). Nous
sommes donc ici au cœur même du fondement de la communion dans l’Église.

J. Ratzinger vient repréciser la compréhension nouvelle de l’idée de


communion ecclésiale quant aux Églises locales et universelle. En effet, pour
comprendre le vrai sens de l’application analogique de cette catégorie dans
l’ensemble des Églises particulières, il est nécessaire de prendre en compte le fait que
ces Églises, en tant que « part de l’unique Église du Christ » 272 ont avec l’Église
universelle, un rapport particulier d’infériorité mutuelle.

En fait, toute l’ecclésialité ne dépend que de ce rapport, puisque les Églises


locales ne sont pas séparables de l’Église universelle de telle sorte que chaque
chrétien entre dans l’Église par la foi et le baptême, appartient en même temps à
l’Église locale et à l’Église universelle tout entière 273. D’ailleurs qu’il n’y a pas de
contradiction entre les deux réalités. Ce rapport de communion pour finir, est
profondément compris dans la célébration eucharistique et surtout aussi par le
ministère épiscopal qui garantit l’unité entre les Églises particulières et l’Église
universelle274.

271
J. RATZINGER, Faire route avec Dieu…, 117.
272
Cf. Ibidem, 118.
273
Cf. M. SEMERARO, “Chiesa universale “in Dizionario di ecclesiologia, 179.
274
Cf. Ibidem, 180.

78
3.2.1. Le mystère trinitaire : essence de la communion

Il nous a paru intéressant de commencer cette partie par cette belle déclaration
de J. Rigal : « de l’Église, la Trinité est à la fois la source, l’œuvre et le terme »275. En
fait, Dieu est communion dans le mystère même de son être. Dans ce sens
l’ecclésiologie de communion est prioritairement fondée sur une théologie
trinitaire276. Et Basile de Césarée précisait déjà que « Dieu est communauté de
l’Esprit avec le Père et le Fils » 277. Seulement, c’est une communion dans la
différence. Augustin déjà relevait la différence et la distinction des relations qui
unissent les personnes divines et à l’intérieur d’une même essence. Il dit à propos « le
Père n’est appelé père que parce qu’il a un fils, et le Fils n’est appelé fils que parce
qu’il a un père. Ainsi, ni l’un ni l’autre ne se réfère à soi-même mais à l’autre » 278. En
réalité, parler de l’Église comme communion c’est précisément signifier la
participation des membres de l’Église à la communion qui existe entre le Père, le Fils
et l’Esprit Saint.

La catégorie de communion dans ce sens, concerne avant tout la réalité la plus


profonde et intime, l’essence même de l’Église bien au-delà de l’institution ecclésiale.
En effet, lorsque Jésus dit à son Père, « qu’ils soient un comme nous sommes un, moi
en toi et toi en moi, pour qu’ils parviennent à l’unité parfaite et qu’ainsi le monde
puisse reconnaître que c’est toi qui m’as envoyé et que tu les as aimés » (Jn 17, 22-
23), cela révèle la source même de la communion et la nature missionnaire de
l’Église. En adhérant à Jésus, les croyants participent à la communion d’amour qui
unit le Père et le Fils et de cette manière ils sont aussi unis entre eux. Cette
communion ne connaît donc pas de frontière dans la mesure où elle est théologale. En

275
J. RIGAL, Mystère de l’Église, 100.
276
Cf. B. D. de la SOUJEOLE, Le sacrement de la communion, 118.
277
BASILE DE CESAREE, Sur l’Esprit Saint XIV 38 = SC XVII 377.
278
AUGUSTINUS, De Trinitate XV 11= PL XXXVIII 1066.

79
fait, c’est à la source même que la communauté ecclésiale ne cesse de puiser la force
qui la constitue279.

J. Rigal nous livre une synthèse de cette réalité trinitaire quand il dit : « c’est
l’Esprit qui, envoyé par Jésus, anime l’Église et c’est dans l’Esprit qu’elle nous fait
connaître le Christ de sorte qu’avec le Fils nous puissions remonter avec confiance
jusqu’à la source, c’est-à-dire au mystère du Père »280. En réalité,

L’Église est fondamentalement une comme Dieu est Un. Et cette unité procède de celle
même de Dieu de telle sorte qu’elle rassemble en Dieu et avec Lui, une famille de fils
et de frères. C’est sa source trinitaire qui l’ouvre sur une mission trinitaire et qui lui
permet d’être le unitas sacramentum281. Et Vatican II peut donc déclarer qu’elle est
comme « le sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre
humain (LG1)282.

L’Église est donc icone de la Trinité dont la communion a la source et le


principe de vital dans la communion trinitaire. Toutefois, l’Église est animée par un
dynamisme de rassemblement et de dispersion selon les termes de Jean Rigal, et
chaque mouvement conduit à l’autre et l’anime. Ainsi l’adresse du Concile vient à
propos lorsqu’il dit « l’Église se compose des hommes, des membres de la cité
terrestre qui ont pour vocation de former, au sein même de l’histoire humaine, la
famille des enfants de Dieu » (GS 40).

De fait, cette communion dont on parle se construit dans une communion des
Églises particulières qui elles même représentent la communion des communautés.
L’Église dans ce sens est donc en même temps locale et universelle. Cependant
chaque Église particulière est pourvue des caractéristiques de l’unique Église de Dieu
et la manifeste par conséquent. En effet, l’Église universelle et l’Église locale

279
Cf. J. RIGAL, Ecclésiologie de communion, 130.
280
J. RIGAL, Le mystère de l’Église, 100.
281
Cf. CIPRIANUS, De Unitate Ecclesiae III 1= PL IV 125.
282
J. RIGAL, Le mystère de l’Église, 100-101

80
s’incluent mutuellement et partant, elles entretiennent une véritable réciprocité sans
que la diversité des Églises particulières ne modifient l’essence de l’Église, bien au
contraire elle l’actualise283.

De plus, dans Communionis Notio284 Ratzinger fait remarquer que la


communion est un concept adéquat pour exprimer le noyau du mystère de l’Église. Il
comporte en lui, dit-il, les dimensions horizontales et verticales et les dimensions
visibles et invisibles, c’est donc une communion avec la Trinité même et avec les
hommes. En fait, cela implique automatiquement dit J. Ratzinger, une solidarité
spirituelle entre les membres de l’Église puisqu’ils sont membres d’un même et
unique corps.

L’Église est dans cette mesure appelée sacrement de communion trinitaire.


Puisque la communion elle-même indique toute la communauté chrétienne qui est en
même temps le sacrement du règne de Dieu comme cet espace-temps de la réalisation
du mystère même de la vie d’amour qui existe entre le Père, le Fils et le Saint Esprit.
Il est donc évident de percevoir la dimension constitutive et essentielle de la théologie
sacramentelle285. Et notre auteur défunt d’ailleurs l’Église en tant qu’elle est le
mystère de la communion divine, elle est en même temps le sacrement du règne de
Dieu qui selon lui est cette communion définitive entre Dieu et les hommes 286.

Saint Augustin de son côté affirme que la communion ecclésiale découle de la


communion trinitaire qui elle, est issue de la surabondance d’amour de Dieu et
partant, elle fonde la communication entre les personnes divines. Par voie de
conséquence, cet amour intra-trinitaire devient possible ente Dieu et les hommes 287.
L’évêque d’Hippone dégage le lien profond qui existe entre le mystère de la sainte
Trinité et le mystère de l’Église. En effet, il provient de l’amour trinitaire, dira-t-il en

283
Cf. J. RIGAL, Le mystère de l’Église, 143.
284
H. DE NORONHA GALVAO, Le Mystère de l’Église dans la théologie de Joseph Ratzinger, « Croire
l’Eglise » in Communio n. 212 novembre-décembre 2010, 67.
285
Cf. S. PIE-NINOT, Ecclesiologia. La sacramentalità della comunità cristiana, Brescia 2008,184-222
286
Ibidem, 198.
287
Cf. AUGUSTINUS, De Trinitate IV 15 = PL XXXVIII 902.

81
substance288. Puisque dans cet état de choses, Dieu fonde l’Église par le Christ et qui
est en même temps Médiateur, l’unique, entre Dieu et les hommes. En fait, c’est en
lui et par lui que les hommes vont au Père par le biais de l’Esprit Saint qui les
sanctifie continuellement. En effet, du passage du mystère trinitaire à la communion
ecclésiale, l’Église devient ainsi le don de Dieu 289. Cette Église est donc
conjointement la mission du Père et du Fils et du Saint Esprit, tous les trois à la fois.
L’Hipponate conclue par ces belles paroles que V. Wilson lui attribue : « Le christ-
Jésus notre Médiateur crée un lien entre le mystère divin et le mystère ecclésial, la
relation entre l’humain et le divin, entre le spirituel et le temporel. Car, l’amour
trinitaire rejaillit dans l’Église et provoque la communion ecclésiale »290. La
communion ecclésiale est donc manifestée par cette communion qui existe entre
l’unité des personnes divines.

Par ailleurs l’Église est perçue et définie comme icone de la Trinité selon les
termes du Décret sur l’Œcuménisme : « Tel est le mystère de l’unité de l’Église, dans
le Christ et par le Christ, sous l’action de l’Esprit Saint qui réalise la variété des
ministères. De ce mystère, le modèle suprême et le principe est dans la trinité des
personnes, l’unité d’un seul Dieu Père, et Fils, en l’Esprit Saint »291. Cette dimension
comporte donc des implications pratiques dans la vie de l’Église en ses multiples
structures et dans sa vie. C’est ainsi qu’est rendue visible la communion ecclésiale
dans une unité dans sa multiplicité de ses formes et ministères. En vérité, il s’agit de
la participation dans une responsabilité partagée à la vie du corps ecclésial, dans une
attitude de transparence et de liberté donc devraient être animés ses membres.

Dans sa nature même, l’Église est communion et dialogue 292. Tous les
membres sont inclus dans ce corps et vivent par une interdépendance et une relation
mutuelle selon l’image de la perichorese. L’Église comme communion est l’unité qui
288
Cf. Ibidem, IV 20 = PL XXXVIII 915
289
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 30.
290
Cf. Ibidem, 31.
291
CONCILE VATICAN II, Décret sur l’œcuménisme, Unistatis Redintegratio,21 novembre 1964, n.2.
292
Cf. P. NEUNER, « Die Kirche : Mysterium und Volk Gottes » in Erinnerungen an einen Aufbruch :
Das II. Vatikansische Konzil, ed. N. Kutschki, 46 (Wurzburg : Echter, 1995)

82
a donc sa structure trinitaire « that consists of the perichoresis of what has been
distinguishesd, in the mutual recognition, communication, and sharing of what is
propre to each »293.

3.2.2 L’Eucharistie source et sommet de la communion dans l’Église

Joseph Ratzinger nous fait savoir que la communion a aussi un fondement


sacramentel en empruntant aux paroles de saint Paul « la coupe de bénédiction que
nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous
rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Parce qu’il n’y a qu’un pain, à
plusieurs nous ne sommes qu’un corps » (1Co 10, 16 ss). Cette communion est au
regard de Ratzinger, intrinsèquement une ecclésiologie eucharistique 294. En effet,
dans l’eucharistie, le Christ se fait présent dans le pain et le vin et il se donne toujours
de nouveau en construisant l’Église comme son corps et par son sang, il nous unit au
Dieu Trine et entre nous. Par conséquent, l’Église et l’eucharistie sont unies par des
liens de communion. C’est donc par le corps eucharistique que les baptisés peuvent
entrer dans la communion au corps du Seigneur et il advient donc par voie de
conséquence, le corps ecclésial. L’église de l’eucharistie s’ouvre au don de Dieu et
ainsi elle devient un peuple de frères qui constituent les membres les uns des autres et
solidaires de l’humanité. Ratzinger conclue en disant ;

La célébration du sacrifice eucharistique dans une communauté particulière n’est


jamais une célébration de communauté. Dans la célébration eucharistique, la
communion devient Église dans l’accueil du don sacramentel entier de grâce et la
communion avec l’unique et indivisible corps eucharistique du Seigneur ; elle implique
l’unité et l’indivisibilité de son corps mystique qui est l’Église 295.

293
G. GRESHAKE, Dreieine Gott. Eine trinitarische Théologie. Herder, Freiburg im Bresgau 1997, 391.
294
Cf. J. RATZINGER, Faire route avec Dieu, 120.
295
CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Lettre aux évêques de l’Église Catholique sur certains
aspects de l’Église vus comme communion, Communionis Notio, Rome 28 mai 1992, n.26

83
En résumant toute l’ecclésiologie eucharistique de J. Ratzinger, Gerd Lohaus
affirme « l’Église, comme Corps du Christ dans l’Eucharistie est le sacrement de la
communion de Dieu »296. En effet, le sacrement dans ce sens veut dire que l’Église est
Eucharistie et c’est cette voie essentiellement eucharistique qui s’actualise et ainsi
devient le signe sacré de la communion des hommes avec Dieu et entre eux.
D’ailleurs dans le commentaire que J. Ratzinger fait de la Lumen Gentium, il affirme
de façon éloquente que l’Église, dans sa catégorie du Corps du Christ s’avance dans
le cœur même de la vie ecclésiale, vers le mystère de l’eucharistie et donc à travers ce
mystère, elle devient elle-même sacrement, le signe salvifique de Dieu dans ce
monde. Il dit en substance

The two meanings of body of Christ, the Eucharist and the ecclésial, are mot identical,
yet, they are thoroughly interrelated : the Church is bilt up from the eucharistical
meal, and conversly the whole purpose of the Eucharist is to gather people info the
body of the Lord and thus info the spirit of the Lord, so as to transform yhem info the
living Body of Christ, the place of the concrete and mighly présence of Christ in the
world297.

Intéressante cette intuition de Ratzinger dans son ecclésiologie eucharistique


qui peut tout de même aussi être appelée ecclésiologie de communion qui est
d’ailleurs le cœur même de l’Ecclésiologie du Concile Vatican II. Et déjà H. de
Lubac298, avant le Concile, avait souligné importance de l’eucharistie dans la vie de
l’Église en la considérant comme fondant la communion ecclésiale par l’expression
« Corpus Mysticum », le corps mystique. Cette expression est inspirée de la théologie
paulinienne et qui signifie à partir des Écritures et de la Tradition, la sainte
Eucharistie. Cette image du corps mystique est aussi indissolublement liée à l’idée de
l’Eucharistie.
296
G. LOHAUS, « Das Verhaltnis von Ortskirche und Universalkirche bei Joseph Ratzinger : Ein Beitrag
zum nachkonziliaren Streit um die universale und partikulare Kirche », Pastoralblat fur die Diozesen
Aachen, Berlin, Essen, Hamburg, Hildesheim, Koln, Osnabruck 45, n. 8 (1993), 234-45.
297
J. RATZINGER, « Einleitung zur LG » in Dogmatische Konstitution uber die Kirche. Lateinisch und
deutsch, Munster, Aschendorff 1965, 10.
298
Cf. H. DE LUBAC, Corpus Mysticum,89.

84
Le Christ est donc présent en son Église et lui donne son corps en nourriture.
De fait, cet acte est perçu à la fois comme représentation et son évènement de
fondation. Et J. Ratzinger peut dire « the Church came into being when the Lord had
given his body and his blood under the forms of bread and wine, wherupon he said
‘Do this in memory of me’ »299. Le Christ est alors identifié à l’agneau pascal qui
meurt pour donner sa vie en rançon pour le salut du monde entier. Nous voyons
clairement la signature d’alliance dans le sang du Christ qui crée par le fait même un
peuple nouveau, l’Église, désormais rassemblée pour faire mémoire de la Pâque du
Seigneur qui est en même temps le salut de l’humanité entière. Dans la célébration de
ce mystère, l’Église célèbre non pas seulement l’évènement de sa fondation mais
surtout aussi sa rédemption.

Jesus gives those who are his own this liturgy of his death and résurrection and thus
gives them the feast of life. In the last supper he recapitulates the covenant of Sinai, or
rather what had there been an approximation is symbol now becomes reality : the
community of blood and life between God and man. When we say this, is clear thar the
last supper anticipates and at the same time necessarily présupposés the cross and the
résurrection, singe otherwise everything would remain empty gestures. Hence the
Fathers of the Church were able to use a striking image to say thar the Church sprang
out of the wound in the Lord’s side from which blood and water flowed. In reality this
is the same, though seen only from anther point of view, as when I say thar the last
supper is the origin of the Church300.

C’est par l’Eucharistie qu’est alimentée et soutenue toute l’Église, par la


mémoire du sacrifice du corps et du sang du Christ. D’ailleurs Jean Damascène disait
déjà en son temps que c’est par la communion avec le corps eucharistique que grandit
et se forme la communauté ecclésiale301.

299
J. RATZINGER, Called to communion. Understanding the Church today, trans. Adrian Walker, 2nd ed.
Ignatius Press, San Francisco 1996,75.
300
Ibidem, 75.
301
Cf. J. DAMASCENE, De Fide orthodoxa IV 2,1= PG 94 115a. ( le sigle PG est utilisé pour Patrologie
Grecque).

85
Par ailleurs, pour J. Ratzinger, l’Église trouve son origine dans les paroles
même du Christ lors de la dernière Cène, sa mort sur la croix et sa résurrection. En
effet, c’est dans le mystère pascal que se forme l’indivisible Trinité. Car, célébrer
l’eucharistie pour le théologien allemand veut signifier entrer et participer à l’unité du
Dieu trine. En fait, il s’agit d’entrer en union avec toute l’Église universelle qui est
avec l’unique Dieu et aussi son unique corps. La raison est alors simple explique
Maximilian H. Heim « that is why there belongs the eucharist not only the whole of
sacred history but also the anamnesis of the whole comununity of the saints, of those
who have died and all living believers throughout the world »302. Un lien universel de
l’Église que Ratzinger trouve dans la célébration eucharistique et qui embrasse toute
la communauté et la détermine en tant que corps du Christ.

Il se réfère au concept de sacrifice dans l’antiquité qui trouve son écho


profond dans l’expression oblatio ratinabilis303 dans le Canon Romain de la Messe.
En effet, le sacrifice de la Divinité n’a pas lieu dans un transfert de propriété, mais
par une offrande de soi-même, d’esprit et de cœur, exprimé en paroles. La prière
eucharistique est donc une entrée dans la prière de Jésus-Christ lui-même 304. En fait,
c’est l’Église qui entre dans le Verbe, la Parole du Père, dans l’abandon de soi du
Verbe au Père, qui à la croix, a été aussi l’abandon de soi à l’humanité de l’humanité
au Père305. Il y’a donc, d’un côté, l’eucharistie qui fait le pont entre les paroles de
bénédiction de Jésus à la dernière Cène, dans laquelle il subit effectivement, d’une
manière intérieure et anticipative, sa mort sur la croix ; de l’autre côté cette notion fait
aussi bien le pont avec la théologie du Verbe d’où un approfondissement trinitaire de
la théologie de l’Eucharistie et de la croix. Et en fin de compte, elle a facilité la
transition a un concept spirituel du sacrifice306.

Écoutons-le qui dit ;


302
M. H. HEIM, Joseph Ratzinger…, 274.
303
Cf. J. RATZINGER, God is near Us : The Eucharist, the heart of the life, ed. Stephan Otto Horn and
Vinzenz Pfnur, trans. Henry Taylor, Ignatius Press, San Francisco 2003, 49.
304
Cf. M. H. HEIM, Joseph Ratzinger…, 275.
305
Cf. Ibidem, 276
306
Cf. J. RATZINGER, God is near Us…, 50.

86
The direct descendant and continuation of this prayer of Jésus at the Last Supper and
it is thereby the heart of the Eucharist. The Roman Canon is the genuine vehicle of the
sacrifice, since thereby Jésus Christ transformed his death info verbal form, into a
prayer, and, in so doing, changed the world. As a result, this death is able to be
présent for us, because it continues to live in the prayer, and the prayer runs right
down throught the centuries. A further consequence is that we can share in his death,
because we can participate in this transforming prayer307.

Pour notre théologien, partout où l’eucharistie est célébrée, le Christ y est


totalement présent, en cette représentation de ce mystère tout entier, qui est en même
temps le mystère de toute l’Église 308. Le fidèle entre dans cette structure de la
communicante du Canon Romain qui signifie concrètement qu’ils sont unis en
communion non seulement avec le Seigneur mais aussi avec la création tout entière et
les hommes de tous les confins de la terre et de tous les âges. Ainsi chaque
célébration comporte intrinsèquement une unité concrète comme un élément
structurel essentiel309.

En outre, Ratzinger pense que la légitimité de l’eucharistie est garantie par la


succession apostolique qui est à son sens véritablement l’accomplissement de son but
vital. En effet, par la succession apostolique, notre théologien réitère que l’évêque ou
même le prêtre, non seulement préside dans la communauté qui célèbre l’eucharistie,
mais aussi et en même temps est pris dans ce lien de l’Extra-nos du sacrement310. Et
cette unité dans le sacrement eucharistique a une structure universelle. Dans ce sens
Maximilian H. Heim nous donne les raisons de l’insistance de J. Ratzinger quant à la
réalité de la succession apostolique ;

307
J. RATZINGER, The Feast of Faith : Approches to a Theology of the Liturgy, trans. Graham Harrison
Ignatius Press, San Francisco 1986, 37.
308
Cf. M. H. HEIM, Joseph Ratzinger…, 274
309
Cf. Ibiem, 275.
310
Cf. Ibidem, 276

87
For this reason, he emphasizes that the episcopal ministry, because of its apostolic
provenance and its collegial constitution, is at the same time service to the univesral
Church. Episcopal ministry and Eucharist belong together by their vert nature,
because the episcopal ministry is understood as a service to unity that follows
necessarily from the character of the Eucharist as sacrifice and reconciliation. At the
same time this forms the sacramental basis for episcopal collegiality, for a Church
understood eucharistically is a Church constituted episcopally 311.

L’Église est fondée sur l’eucharistie 312. C’est d’ailleurs une affirmation que
porte en lui tout le Concile Vatican II. Donc dans la présence réelle du Christ à
travers les paroles du sacrement, cette Église expérimente sa profonde mission 313.
Ainsi toute l’Église est accomplie dans chaque rassemblement puisque le corps du
Seigneur est toujours entier de même que la Parole de Dieu 314. Et donc chaque
communauté reçoit l’unique Christ dans la communion de l’Église parce que le
Seigneur est toujours un, indivis non seulement dans un endroit mais dans tout le
monde entier315. Et cet égard, cependant il existe une condition intrinsèque de l’unité
« I can only have the one Lord in the unity thar he is himself, in the unity with the
others who are also his body and are continually to become his body anew in the
Eucharist »316.

Par ailleurs, lorsque saint Augustin parle de l’eucharistie, il la définit comme


le vrai et le plus parfait sacrifice offert à Dieu, c’est d’ailleurs l’unique sacrifice du
Christ sur la Croix que rend présent le culte eucharistique de l’Église 317. En effet, par
sa mort il est donc à la fois victime et vainqueur. Donc comme unique médiateur, il se
tint pour nous comme prêtre et sacrifice, prêtre parce que sacrifice 318. Le Christ est

311
M. H. HEIM, Joseph Ratzinger…,283.
312
Cf. J. RATZINGER, « l’ecclésiologie de la Constitution Lumen Gentium », 120.
313
Cf. Ibidem, 123
314
Cf. J. RATZINGER, Principles of Catholic theology : Building Stones for a Fundamental theology,
trans. Sister Mary Frances McCarthy, S.N.D. (San Francisco : Ignatius Press, 1987), 292.
315
Ibidem, 293.
316
J. RATZINGER, The Church, Ecumenism and politics : New essays in Ecclesiology, trans. Robert
Lowel and Dame Frideswide Sandemann, O.S.B. (New York : Crossroad 1988), 11.
317
Cf. AUGUSTIN, Confessionum IX 12, 32 = PL XXXII 777.
318
Cf. Ibidem, X 12,35

88
donc comme prêtre s’offrant lui-même comme sacrifice et victime. Et Augustin peut
donc affirmer que l’Eucharistie est l’unique et vrai sacrifice qui a le pouvoir non
seulement de laver la conscience mais aussi de pardonner les péchés. L’évêque
d’Hippone fait ce témoignage intéressant de l’Eucharistie « Ton Fils unique en qui
sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance m’a racheté par son
sang. Je suis conscient de ma rançon. Je le mange, je le bois, le distribue aux autres.
Et puis ceux qui le cherchent louent le Seigneur »319.

De fait, l’eucharistie est identifiée par notre Docteur, comme la rançon même
payée par le sacrifice Christ. En fait, cette compréhension du sacrifice trouve son
apogée dans de Civitate Dei. En outre, le théologien africain, dans son ecclésiologie
eucharistique trouve que l’Église en célébrant l’eucharistie, participe en même temps
à l’économie sacramentelle de l’Église visible et au sacrifice du Christ. Pour lui en
effet, l’eucharistie est l’unique sacrement contrairement à certains autres, qui
préfiguraient le sacrifice du Christ. La res de ce sacrement est la chair et le sang du
Christ320.

Dans ses Sermons, l’évêque d’Hippone, apporte une signification pertinente


de l’eucharistie pour l’Église. Sa pensée de l’eucharistie comme Corps du Christ est
très évidente. En fait, l’Église se reçoit elle-même dans le corps du Christ puisque
c’est ce qu’il nous fait nous-mêmes. Augustin peut donc exhorter ses fidèles en ces
termes « être ce que vous pouvez voir et recevoir ce que vous êtes »321, donc le corps
du Christ.

Nous comprenons donc bien que l’eucharistie soit le corps du Christ comme
mémorial du sacrifice du Christ et de la passion une fois pour toutes. Et l’Église est
évidemment partie de ce sacrifice comme corps du Christ tout entier selon les termes
d’Augustin322. C’est toute l’Église qui est prise ici comme corps communautaire du

319
AUGUSTINUS, Confessionum X 43,70 = PL XXXII 809.
320
Cf. J.K. LEE, Augustine and the mystery…, 23.
321
AUGUSTINUS, Sermo XX 4= PL XXXVIII 137-141.
322
Cf. J. K. LEE, Augustine and the mystery …, 34.

89
Christ et non des chrétiens individuels. Dans cet optique, le culte ou l’adoration
acquiert des dimensions éthique et communautaire323. Donc le culte chrétien n’est pas
seulement un sacrifice mais plutôt une offrande de toute l’Église à l’autel où le pain et
la coupe sont faits sacrements pour nous par le fait d’une consécration particulière 324.
Ainsi le don de l’eucharistie par laquelle « nous bénissons et rendons grâces au
Seigneur pour chacun de ses dons, non seulement spirituels mais aussi corporels »325.
Seulement affirme l’évêque d’Hippone, il faudra lier l’eucharistie à l’amour
« déclarer que les chrétiens sont unis dans l’amour ferme et inséparable les uns pour
les autres »326. Une idée que saint Augustin emprunte à saint Cyprien qui utilise
l’eucharistie pour relever l’unité de l’Église 327. En effet, dit-il que le Seigneur a
appelé pain, son corps, qui est un seul peuple, donc l’Église. Et de la même manière
affirme quant au vin que c’est son sang, ce vin qui est pourtant pressé de plusieurs
branches et de plusieurs raisins et mis ensemble, signifie par-là, plusieurs en un.
L’idée de notre auteur se concrétise bien lorsqu’il établit finalement ce nœud entre le
sacrifice de charité et le culte eucharistique de l’Église328.

Par ailleurs, en tant que Médiateur, le Fils de Dieu, dit Augustin, veut que ses
disciples soient en lien afin qu’ils fassent qu’un avec le Père, comme l’unique Christ.
Cela veut en quelque sorte dire être lié dans la même communion d’amour 329. Donc,
le Christ purifie les membres de son corps du péché afin qu’ils puissent être en
communion unie dans la charité. La purification de l’Église conduit à la
transformation d’une communauté rendue possible par le sacrifice du Médiateur car,
« par sa mort il nous a offert le sacrifice le plus vrai possible et ainsi purgé, aboli et
détruit la culpabilité pour laquelle, les principautés et les Puissances avaient le droit
de nous tenir liés au paiement de la pénalité »330.

323
Cf. Ibidem, 35.
324
Cf. AUGUSTINUS, Contra Faustum I 20 = PL XLIII 552.
325
AUGUSTINUS, Contra Faustum I 20, 13= PL XLIII 553.
326
AUGUSTINUS, De Baptismo VII 50 = PL XLIII 182.
327
Cf. J. K. LEE, Augustine and the mystery …, 37.
328
Cf. Ibidem, 38.
329
Cf. AUGUSTINUS, De Trinitate I 5= PL XLII 825.
330
Ibidem, I, 11

90
Finalement c’est le sacrifice du Christ qui offre une purification distincte par le
biais des sacrements de l’Église. Comme corps du Christ, l’Église est unie avec sa
Tête comme un seul corps, un unique sacrifice et donc le sacrifice des chrétiens est le
sacrifice du Vrai Prêtre et Médiateur. Le culte chrétien est le sacrifice du Christ tout
entier comme un unique corps. Et James K. Lee nous offre ici une belle synthèse de
cette pensée d’Augustin ;

The visible Church on the earth offres work of mercy in conformation to Christ the
head, and in this offering, the Church learns to offre herself to God as sacrifice. The
Church’s célébration of the Eucharist enables the membres to grow in mercy and
charity while on pilgrimage. Thus for Augustine, the Eucharistic worship of the
Church is intrinsic to the christian life, for there is no substitude for true worship. Far
from discarding the empirical Church Augustine places greater importance upon
participation in the visible community in his mature work. For the Church learns how
to become a sacrifice of mercy, pleasing and acceptable to God, participating in the
Eucharist life of the visible community331.

3.2.3. La redécouverte de la notion du peuple de Dieu

J. Ratzinger pense que l’idée de peuple de Dieu se concentre sur la personne de


Jésus, il s’agit d’être avec lui et vivre de lui. Il dit dans ce cas : « le peuple de Dieu se
réalise comme la communauté de ceux qui sont associés au destin de Jésus »332 qu’il
identifie d’ailleurs au service de l’humanité. De fait, la catégorie de peuple de Dieu
est devenue le concept central de l’ecclésiologie du théologien de Bavière, une
ecclésiologie qu’il tire d’ailleurs de la pensée de saint Augustin. En effet, dans le
commentaire qu’il fait de la Lumen Gentium, Ratzinger apporte des accents et des
nuances dans la compréhension nouvelle de la notion du peuple de Dieu et des
spécificités. Écoutons-le encore dans cette synthèse éclairante ;

331
J. K. LEE, Augustine and the mystery of the Church, 121-122.
332
J. RATZINGER, « La destinée de Jésus et de l’Église » …, 38.

91
If one wants to sum up in brief phrases the outsatanding éléments of the concept of the
people of God, that were important for the Council, one coule say thar here was made
clear the historical character of the Church, the unity of God’s history with mankind,
the inner unity of the people of God even across sacramental class-distinctions, the
eschatological dynamism, the provisional and fragmentary nature of this Church thar
is always in nerd of renewal, and finally also the ecumenical dimension, that is the
différent ways in which being linked and related to the Church are possible and
effective outside the bounderis of the Catholic Church333.

De fait, après le Concile Vatican II, cette catégorie a connu beaucoup de


dérapages sur le plan conceptuel, elle a même été prise comme un slogan et dont les
dérives sont allées jusqu’à vouloir en faire une notion démocratique au sein de
l’Église pour des revendications corporatistes et politiques sous la base d’un principe
de majorité334. L’Église était alors vue seulement dans une dimension purement
sociologique et la dimension sacramentelle se voyait ainsi vidée de son sens. Mais
allons dans l’histoire pour ressasser un peu la signification qu’a revêtu cette catégorie
pour comprendre l’intérêt nouveau que nous en propose Ratzinger au lendemain du
concile. Déjà avons d’entrée de jeu que Augustin et Ratzinger s’accordent pour dire
que cette catégorie est un élément fondamental pour dire la communion de l’Église 335.

En fait, cette notion introduit dans la lumière de la foi le rapport étroit entre
Dieu et son peuple ou bien sa communauté. Et c’est à partir de l’élection du peuple
d’Israël que se comprendra une telle relation. Cependant le visage nouveau que lui
donne le Nouveau Testament prend racine dans le mystère pascal qui est en continuité
avec la célébration de la pâque juive 336. Cette alliance nouvelle justement dans le
corps et le sang du Christ, une alliance définitive que signe le nouveau peuple de
Dieu. Dans cette veine, la catégorie de peuple de Dieu tire sa signification dans
l’histoire du salut dont l’expérience est vécue dans le monde et qui révèle en même
333
J. RATZINGER, Church… 7.
334
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 154.
335
Cf. V.D.A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 161.
336
Cf. Ibidem,71.

92
temps l’unité des deux testaments dans l’unique peuple que Dieu a lui-même
constitué337. Toutefois, pour Ratzinger, cette continuité va au-delà de l’histoire.
Comme peuple de Dieu, l’Église vient est dans la ligne de l’héritage de l’Ancien
Testament. Et notre théologien dit en conséquence que « there is no access to Jesus
and thereby there can be no entrance of nations into the people of God, without the
acceptance in faith of the révélation of who speaks in the sacred Scriptures that
christians term the Old Testament »338.

En outre, partant de l’unité dans l’histoire du salut, J. Ratzinger nous montre


que le peuple de Dieu existe non seulement comme réalité empirique, mais aussi
comme réalité mystérique et spirituelle. L’Église en effet, est une réalité de la
promesse. Par l’élection que Dieu a faite, il s’est constitué un peuple en ayant bien sûr
en vue de réunir tous les fils d’Abraham. Et cette promesse faite à Abraham est une
garantie pour la continuité intérieure de l’Histoire d’Israël, jusqu’au Christ et
finalement jusqu’à l’Église. Donc la conclusion de cette alliance avec Abraham
indique ainsi mystérieusement à quel point Dieu tient sa promesse en Jésus Christ,
fidèle à sa vie jusqu’à la mort sur la Croix339.

C’est donc en Jésus Christ, dira le théologien bavarois, que l’espérance du


peuple s’accomplit. Nous comprenons dès lors toute la portée historico-salvifique de
l’Église selon ces termes de Dominique Waymel, « lieu de l’accomplissement de
l’histoire du salut »340. L’Église acquiert par ce fait une dimension eschatologique
dans son cheminement sur la terre, portant en elle l’espérance de son
accomplissement définitif dans le mystère pascal. Dans ce sens, J. Ratzinger peut
dire : « en se mettant à table avec les siens pour le repas de l’Alliance, et en
annonçant une nouvelle communauté de table, le Seigneur a, selon le sens du

337
Cf. M. H. HEIM, Joseph Ratzinger, 245.
338
J. RATZINGER, “Die Grosse Gottesidee, ‘Kirche’ ist keine Schwarmerei: Nicht nur eine Frage der
Kompetenzversteilung, Das Verhaltnis von Universalkirche und Ortskirche aus der Sich des Zweiten
Vatikanischen Konzils” FAZ 298 ( Décembre 22, 2000) 46.
339
Cf. D. WAYMEL, Ratzinger et l’Église, 344.
340
Ibidem, 149.

93
Nouveau Testament, institué ce qui constitue la véritable Église »341. Il est donc
évident que Jésus a fait de son corps sacramentel le fondement même de l’Église,
plaçant ainsi l’Eucharistie comme évènement dans lequel l’Église s’actualise sans
cesse342.

Cette position de J. Ratzinger vient ainsi battre en brèche la conception


sociologique de l’Église en restaurant les dimensions sacramentelle et hiérarchique de
l’Église. En fait, cette catégorie fut conçue dans le sens du droit de tous à avoir une
détermination démocratique commune343. Toutefois, Dieu en tant que créateur de ce
peuple était délaissé au profit des constructions purement humaines. Ainsi fut abolie
la dimension verticale de l’Église. Et pourtant, dit J. Ratzinger, la notion de peuple de
Dieu doit se lire et se comprendre à partir du corps du Christ qui donne au peuple
toute la profondeur de toute son identité chrétienne trinitaire 344. Il faut alors tenir
compte de ce lien fondamental qui unit le Christ à l’Église. De plus, la notion de
peuple Dieu est utilisée pour designer sa dimension historico-salvifique en continuité,
bien entendu avec le peuple d’Israël d’où son accomplissement eschatologique. Tout
oubli, dira notre auteur, de ces deux dimensions christologique et eschatologique
conduit à une méprise des égarements dans la considération juste, due à cette
catégorie et al conséquence est donc la perte justement de as réalité mystérique.

3.2.4. Le sens sacramentel du corps du Christ

Valery D. A. Wilson nous situe dans cette démarche de nos deux auteurs en
nous exposant la réalité du corps du Christ comme une notion qui donne de pouvoir
expliquer l’Église dans la diversité de ses membres et bien-sûr dans la particularité de

341
J. RATZINGER, « La destinée de Jésus et de l’Église » …, 39.
342
Cf. J. RATZINGER, « Vom Ursprung und Wesen der Kirche » in Das Neue Volk Gottes : Entwurfe zur
Ekklesiologie. Düsseldorf : Patmos-Verlag, 1969 ; 75-89 ; trad. R. Givord et H. Bourboulon, « De
l’origine et de l’essence de l’Église » in Nouveau Peuple de Dieu, 5-21
343
Cf. J. RATZINGER, Démocratisation dans l’Église ? Cerf, Paris 1970, 43.
344
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 152.

94
chaque membre dans une mission unique qu’il identifie au fait de faire connaître
Jésus-Christ345. En fait, dit-il « c’est une société qui se reçoit du Christ et qui se donne
aux hommes. Son aspect visible justifie aussi la nécessité de son organisation interne,
pour mieux réaliser son unité et accomplir sa mission »346. Donc cette image devient
expression de la relation intime et mystérieuse qui lie la Tête au corps, le Christ à
l’Église. Ainsi toute participation à ce corps et son maintien sont garantis par
l’Eucharistie qui en est le centre. Saint Augustin dira en son temps que « les fidèles
savent ce qu’est le corps du Christ s’ils ne négligent pas d’être le corps du corps.
Qu’ils deviennent le corps du Christ s’ils veulent vibrent de l’Esprit du Christ. De
l’esprit du Christ ne vivra que le corps du Christ »347. Se dégage donc ici la place du
Christ dans l’unité du corps ecclésial. En fait, il apparaît évidemment que le Christ et
l’Église sont un seul corps ou mieux ce que Augustin appelle le Christ Total, Christus
Totus348. C’est une unité qui a pour base l’amour entre le Christ et son Église, une
unité spirituelle. On trouve dans cette démarche une certaine analogie entre le Christ
et les chrétiens, du fait que le Christ ait reçu une onction du Père pour être à la Tête
des croyants349, les chrétiens à leur tour, par le baptême, sont oints et deviennent des
« Christs »350. Ils ne sont plus qu’un avec la Tête, le Christ. Le renvoi est fait ici à la
relation qui existe entre le Christ et le Père, ainsi les chrétiens sont liés au Père par
l’entremise du Christ.

L’évêque d’Hippone nous porte là sur une dimension du corps du Christ qu’il
tire des vertus de l’Incarnation du Verbe. En effet, la Tête qu’est le Christ, est entré
en solidarité avec les membres dans leur pèlerinage terrestre si bien qu’ils ne sont
plus seul dans ce cheminement puisque « le Christ ne les abandonnera pas, car la
Colonne ne se retire pas »351. Le Christ intervient donc solidaire du peuple de Dieu et
comme Verbe descendu dans l’Incarnation afin d’élever à lui l’humanité. C’est en
345
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus christ et l’Église, 91.
346
Ibidem, 93
347
AUGUSTINUS, In Ioannis evangelium tractatus CXXIV 5 = PL XXXV 1974.
348
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus christ et l’Église, 95.
349
Cf. Ibidem, 96.
350
V. D.A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 95.
351
AUGUSTINUS, Contra Faustum XII 30 = PL XLIII 144.

95
effet lui le Médiateur qui est au Ciel comme Tête et qui est actuellement sur terre
dans les membres de son corps, l’Église 352. « Car en lui il y a un escalier de la terre au
ciel, car le Fils de l’homme est au-dessus de nos têtes, lui qui est le Sauveur lui-
même, et le Fils de l’homme est au-dessous de de son corps qui est l’Église »353. En
fait, c’est pour mettre en évidence que le Christ est uni à l’Église dans ce mystère de
solidarité, laquelle union est rendue possible par l’Incarnation. Cette relation a un
sens obvie chez Augustin qu’il peut arriver à affirmer que le Christ transfigure en lui
les membres de son corps. L’évêque d’Hippone peut alors dire « Christ is both head
and body. The head is in heaven, the body on the earth. The Lord is the head, the
body is the Church…So if they are two in one flesh, they are two in one voice »354.

Ainsi par le biais de la charité la Tête et les membres sont unis, ils peuvent
parler une seule personne, le Christ est en fait mystérieusement dans ses membres sur
terre. On comprend donc ici toute la pertinence de la question que le Christ ressuscité
pose à Saul « pourquoi me persécutes tu ? » (Ac 22,7). L’église est dans l’autre sens
la présence mystique ou mystérieuse du Christ sur terre. Même si la Tête reste
distincte des membres, il y a en profondeur une si grande unité entre le Christ et les
chrétiens qui sont membres de son corps. James K. Lee nous livre une belle synthèse
de cette pensée de l’Hipponate à ce sujet ;

Without him we are nothing, but in him we can too are Christ. Why ? Because the
whole Christ consiste of Head and body. The head is who is the savoir of his body, he
who has already ascended info heaven ; but the body is the Church, toiling on earth.
Where it mot for the body’s linkage with its head through the bond of charity, so close
a link that Head and body speak as one, he coule no have rebuked a certain persecutor
from heaven with the question, Saul, Saul, why are you persecuting me ? (Acts 9 :4)355.

352
Cf. J. K. LEE, Augustine and the mystery of the Church, 52.
353
Ibidem, 53.
354
AUGUSTINUS, Sermo, XCIV 1= PL XXXVIII 580-581.
355
J. K. LEE, Augustine and the mystery of the Church, 54.

96
L’Église comme le dit alors le théologien africain, ne fait qu’un avec le Christ
« le Christ Total », ce n’est donc ni la tête seule, ni le corps seul, mais les deux pris
ensemble356. C’est justement pour Augustin d’exprimer le lien fondamental entre
l’Église et le mystère chrétien. Par l’incarnation,

Le Christ a bien voulu s’unir à nous pour nous élever à la dignité de Dieu. Il a fait de
nous par ce canal les membres de son corps et lui étant la Tête de ce corps. Il est tout
entier dans ce corps, cependant il est bien complet même en dehors de ce corps mais il
a bien voulu former avec nous un seul tout. Il est à la fois Dieu et homme tous
ensemble357.

Par conséquent, pour Augustin, le Christ et l’Église ne constituent qu’une seule


et unique chose, une seule âme et une seule personne et finalement un seul Christ 358.
Et dans sa lutte contre les donatistes il étend les horizons de l’Église et son unité au
seul Christ en prenant le contrepied de la thèse des donatistes qui réduisaient cette
Église à une aire géographique le Docteur Africain affirme que : « notre Seigneur
Jésus Christ, comme un homme entier et parfait, est tête et corps. Son corps, c’est
l’Église ; non pas l’Église qui est ici seulement, mais celle qui est ici et celle qui est
par toute la terre. Et le Christ c’est cela, le Christ Total et universel, uni à l’Église »
359
.

En réalité, J. Ratzinger, en reprenant le sens de l’ecclésiologie de l’Hipponate,


la transporte dans une dimension eucharistique pour en comprendre la profondeur
quant à la catégorie de l’Église comme corps du Christ. C’est d’ailleurs Dominique
Waymel qui nous livrera le passage de la pensée de nos deux auteurs ;

356
Cf. J. RIGAL, Mystère de l’Église, 168.
357
V. D.A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 40.
358
Cf. AUGUSTINUS, Sermo CCCXLI 1, 2 = PL XXXIX 1493-1501.
359
AUGUSTINUS, Enarrationes in Psalmo XC 2 = PL XXXVII 1159.

97
Lorsque Augustin met l’accent sur l’universalité de l’Église il emploie plutôt des
termes de popolus Dei mais cette expression le conduit à appréhender la notion de
corpus Christi comme essentielle pour son ecclésiologie. A partir de l’expression Unus
panis-unum corpus sumus multi, qui constitue le cœur du concept de l’Église chez
Augustin, J. Ratzinger relève la place centrale du sacrifice eucharistique pour saisir le
mystère de l’Église comme corpus Christi (…) Corpus Christi exprime la réalité
proprement chrétienne de l’Église qui a son fondement et son centre dans la
célébration eucharistique. C’est la réalité du sacrifice eucharistique qui permet de saisir
dans le concept du corps du Christ la réalité ultime pour parler de l’Église. Corps du
Christ fait donc référence à la réalité chrétienne de l’Église qui offre un culte à Dieu et
s’associe au sacrifice du Christ ; il qualifie ainsi de manière unique le peuple de Dieu.
Ainsi sont remises à l’honneur les dimensions liturgiques et sacramentelles de la
théologie du corps du Christ, éludées dans l’entre-deux guerres360.

En effet, dans le commentaire que J. Ratzinger fait de la Lumen Gentium, il


mentionne que parmi les multiples images de l’Église il y’en a deux qui ont une place
incontestablement prééminente à savoir, le corps du Christ et le peuple de Dieu.
Ainsi, ces deux expressions constituent pour lui des métaphores à travers lesquelles la
nature cachée de l’Église brille le plus. Ces images se complètent mutuellement en
produisant une vue holistique de l’Église, car elle est le peuple de Dieu uniquement
par et dans le corps du Christ361. Cette ecclésiologie de fait, nous l’avons déjà signalé
plus haut, est l’héritage d’Augustin sur le Corpus Christi auquel le théologien
allemand donne un sens nouveau. Car en fait, Augustin comprenait la nature de
l’Église comme le corps sacramentel du Christ communion qui est corpus Christi.362
L’eucharistie en constitue alors le principe d’unité des chrétiens puisqu’il voit dans la
célébration eucharistique, une concrétisation de cette communion où tous mangent eu
seul corps. Et donc il s’y manifeste la communion au Christ et entre les chrétiens eux-
mêmes. Augustin commentant donc le texte de saint Paul ressort cela de façon claire

360
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 68-69.
361
Cf. J. RATZINGER, Einleitug, in Zweites Vatikanisches Konzil, Dogmatische Konstitution uber die
Kirche : Authentischer lateinischer Text : Deutsche Ubersetzung im Aufrag der deutschen Bischofe, 7-
19, (Munster : Aschendorff, 1965)
362
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 159.

98
Puisque vous êtes le corps du Christ et ses membres, c’est le sacrement de ce que vous
êtes qui est placé sur la table du Seigneur ; c’est le sacrement de ce que vous êtes que
vous recevez. À l’affirmation de ce que vous êtes, répondez Amen, et votre réponse est
votre signature. On vous dit corps du Christ et vous répondez, Amen. Soyez membres
du corps du Christ, pour que votre Amen soit vrai363.

C’est donc une communauté des chrétiens qui s’édifie dans la multiplicité des
membres364. Mais dans l’axe ecclésiologique de l’Hipponate, du Christ Tête qui est la
plénitude, il s’agit de considérer le Christ comme Tête de son corps qui est l’Église et
donc les chrétiens sont membres. C’est lui qui donne vie à ce corps dans sa
distinction avec les membres, mais gardant l’unité profonde avec eux, car c’est lui qui
en fonde la cohésion365.Ainsi que le montre l’épître aux Éphésiens « confessant la
vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête, Christ. Et
c’est de lui que le corps tout entier, coordonné et bien uni grâce à la mesure de
chacun, réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour » (Ep
4,16). C’est donc lui, le Christ qui fonde l’Église et cette Église chemine pour le
rejoindre pour son accomplissement définitif. Cette plénitude est dynamique car elle
tend à la sanctification des chrétiens moyennant leur adhésion et leur participation.

De plus, J. Ratzinger voit en l’Église cette communion qui confirme et


accomplit sa nature invisible en tant que corps du Christ dans l’assemblée de culte
visible et ordonné366. Chez notre auteur, cette compréhension sacramentelle de
l’Église comme corps du Christ contient en elle-même l’œuvre et la présence de
l’Esprit Saint. Cependant il faut comprendre cet aspect sacramentel dans la pensée de
J. Ratzinger qui entre en étroit lien avec la première épître de Paul aux Corinthiens
qui lie la célébration de l’Eucharistie avec la communion à l’Esprit Saint. Dans cette
veine, l’Église qui veut se comprendre comme corps du Christ n’est seulement une
Église de ceux qui pratique la charité. Elle est, et nécessairement, une Église de

363
AUGUSTINUS, Sermo CCLXXII = PL XXXVIII 1246-1248.
364
Cf. J. RIGAL, Mystère de l’Église, 159.
365
Ibidem. 160.
366
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 20.

99
l’ordre sacré, un organisme hiérarchiquement constitué367. Cette conception liturgique
du corps du Christ, disait Ratzinger nous porte au mystère trinitaire 368. Et c’est
d’ailleurs ce mystère qui détermine le développement de l’Église de ses débuts d’où
la formule paulinienne Corps du Christ. Il apparaît donc clairement dans cette logique
que l’Église est plus grande que son aspect extérieur, elle ne peut pas seulement être
la somme de ses membres, ni même une structure simplement sociologique. Elle n’est
non plus selon Ratzinger une association369. Son don c’est l’unité qui est garantie à
son tour par l’Esprit Saint. Car, l’Esprit Saint unit tous les membres de l’Église avec
le Christ Tête du corps, quel que soit leur différence. Ainsi, Maximilian H. Heim
nous plonge au cœur de la pensée de J. Ratzinger pour nous faire percevoir la nature
sacramentelle de l’unité du Christ dans la catégorie du corps du Christ que J.
Ratzinger emprunte à saint Paul ;

For the Church is the ‘Body of Christ in the way in which the woman is one body, or
rather, one flesh, with the man. Put in others terms, the Church is the Body, not by
virtue of an identity without distinction, but rather by means of pneumatic-real act of
spousal love. This should be kept in mind when Ratzinger speaks of the Church as the
organism of the Holy Spirit, yet at the same time, refers to the Pauline thème of the
love of Bride and Bridegroom as definition of the relationship between Christ and his
Church. Both métaphore point to the sacramental unity of the Church, which is
bestowed on her only in the Holy Spirit370 .

C’est dans ce corps que nous sommes profondément unis, dans une commune
constitution du salut371. Le Christ comme Nouvel Adam nous unit en faisant de nous
un corps unique en lui dans l’Esprit Saint. C’est donc une humanité nouvelle qui
commence en lui. Et cela comporte des obligations ou mieux des devoirs, il faut
accepter l’amour de Dieu qui est notre Vérité 372. Cette incorporation se fait donc par
367
Cf. Ibidem. 23.
368
Cf. M. H. HEIM, Joseph Ratzinger…, 248.
369
Cf. J. RATZINGER, Appelés à la communion, 33.
370
M. H. HEIM, Joseph Ratzinger…, 249.
371
Cf. J. RATZINGER, Einleitung, 10.
372
Cf. Ibidem, 10-11.

100
la force de l’Esprit qui engendre toute communion. Et ici le fait d’être chrétien est
exprimé par J. Ratzinger à l’acceptation de la communauté entière des fidèles
croyants. Sinon alors on manque d’Esprit Saint, qui est principe d’unité373.

Cette catégorie de personnalité corporative dont parle Ratzinger exprime le


rapport et la dynamique diachronique et synchronique dans laquelle se trouve chaque
personne à l’intérieur de la communauté à laquelle il appartient. Mais le Christ dans
sa relation avec l’histoire du salut exprime un moment d’une nouvelle concentration
et une nouvelle genèse. En effet, « de l’Adam originel, il est le point de départ pour
une solidarité qui se réalise dans l’évènement salvifique en son corps livré pour nous.
Toute la communauté participe alors à son mystère de grâce et prend part à son corps
sacrifié en devenant à son tour le corps du Christ »374.

Cette catégorie de corps du Christ nous offre dit J. Ratzinger, une suggestion
d’une identité synchronique, caractéristique de l’Église rassemblée ici et maintenant,
dans la conscience de demeurer inhérente au seul évènement, au seul rassemblement.
Et Cettina Militello vient préciser “Laddove la comunità si raduna, è veramente
presente l’una santa cattolica apostolica Chiesa di Cristo”375. De fait, parler de
l’Église comme Corps du Christ, c’est exprimer la réalité du mystère de communion
qui se vit en son sein. Les baptisés sont véritablement membre du Christ du fait que
c’est son corps qui les nourrit et par sa Parole et par son sang. On y voit toute la
portée mystérique de cette union entre les Chrétiens et le Christ lui-même. Cette
communion est symbolisée par la communion eucharistique et nourrie par elle 376.
Dans la cette réalité du corps du Christ, J. Ratzinger y voit également toute la
diversité au sein même de l’unité. C’est dans cette mesure qu’il entrevoit cette
ouverture de la communion à toute l’Église universelle en tant qu’elle est
concrètement vécue dans chaque église locale selon la Lumen Gentium. Si le texte

373
Cf. Ibidem, 12.
374
C. MILITELLO, «Corpo di Cristo» in Dizionario di ecclesiologia, 371.
375
Cf. Ibidem, 372.
376
Cf. P. TIHON, « l’Église » in. B. SESBOUE, Histoires des dogmes tome III, 528.

101
n’en parle pas clairement, il y’a néanmoins une vision qui s’y dégage qui prend en
compte l’ensemble des baptisés.

J. Ratzinger précise avec insistance que le mystère de l’Église est véritablement


appréhendé dans sa dimension communautaire au cœur de l’action liturgique. Car
pour lui, c’est dans la célébration eucharistique que l’on découvre avec netteté le vrai
sens de la notion du corps du Christ. C’est elle, l’Eucharistie, qui rend compte du
contenu de l’Église. « L’Église est rassemblement cultuel »377, dira Dominique
Waymel à la suite de J. Ratzinger. Pour notre théologien de Bavière, c’est le culte qui
est constituant fondamental de l’adoration du Père. Puisque l’homme comprend alors
le monde comme étant celui de Dieu et par conséquent, il s’engage à son service.

L’Église est une communauté liturgique car là se trouve présent le Christ de


manière totalement complète. C’est dans l’action liturgique que « l’Église est plus
elle-même, c’est là qu’elle est en contact avec le Seigneur qui la renouvelle »378. En
somme, parler de l’Église comme corps du Christ, c’est en même temps dire qu’elle
est communion. Et cette communion l’est avec le corps tout entier ; elle est
communion ecclésiale. Nous sommes donc plongés ici avec Ratzinger, au cœur de la
réalité de l’unité et la pluralité de cette dimension de communion dans l’Église. Il
souligne d’ailleurs que dans ce cas, la place de l’Église locale dans cette entreprise et
qui ouvre à toute la communauté ecclésiale dans tout son ensemble. Cependant dira
notre auteur, ontologiquement, cette unité est à voir dans l’Église universelle,
toutefois les églises particulières en vivent de manière tout aussi totale. En revanche,
il faudra préciser que la source de cette unité reste l’Eucharistie. L’Église est comme
telle que parce que communiant au Corps et à la Parole du Seigneur. De plus, en son
sein, la rectitude de la communion et la pureté de la Parole sont maintenues par la
succession apostolique379.Ici, J. Ratzinger nous immerge dans les questions de droits
et d’amour, « l’institution ecclésiale, les sacrements, la succession apostolique ne sont

377
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 184.
378
Ibidem, 185.
379
Cf. Ibidem. 186

102
pas de simples structures qui n’auraient rien à voir avec la réalité de la foi. Ces
formes de corporéité appartiennent à l’Église elle-même »380.

En effet, c’est la succession apostolique qui introduit dans la dimension


sacramentelle. Elle est constitutionnelle de l’Église. Elle rappelle que la communauté
ne se donne pas l’Eucharistie, mais elle la reçoit de l’Église. C’est donc ainsi que
chaque Église particulière s’ouvre aux autres par le biais de l’Évêque qui en garantit
la communion. Il est une figure essentielle de cette communion universelle 381. Et
selon J. Ratzinger, garant de l’unité de l’Église dans son diocèse, il fait le pont avec
l’Église universelle. Saint Ignace d’Antioche avant lui disait déjà que,

Ayez donc soin de ne participer qu’à une seule Eucharistie, car il n’y a qu’une seule
chair de Notre Seigneur Jésus Christ, et une seule coupe pour l’union en son sang, un
seul autel, comme un seul évêque avec le presbyterium et les diacres mes compagnons
de service : ainsi, tout ce que vous ferez, vous le ferez selon Dieu382.

Le corps eucharistique est vraiment le corps du Seigneur. Il assume en lui toute


la totalité des croyants et ainsi chaque célébration eucharistique construit en même
temps l’Église locale et cependant fait communier à l’Église universelle 383. Car, c’est
dans la célébration eucharistique que l’Église universelle est immanente à l’Église
locale. Elle est alors sacramentellement communion de l’Église en sa totalité.
Cependant comme le dit Jean Rigal, « le Christ se donne à l’Église, mais le Christ ne
s’absorbe jamais dans son corps »384.

3.3. L’Église temple de l’Esprit Saint

380
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 186.
381
Cf. Ibidem. 187
382
IGNATIUS, Épitre Aux Philadelphiens IV = SC X 123.
383
Cf. J. RIGAL, Mystère de l’Église, 187.
384
J. RIGAL, Mystère de l’Église, 196.

103
Dans les deux premières catégories de peuple de Dieu et Corps du Christ, nous
avons voulu parler de la nature même de l’Église, telle qu’elle s’entend dans sa
dimension mystérique. C’est une définition qui n’épuise pas son sens. On a pu relever
en fond la grande relation qui existe entre la catégorie de peuple de Dieu et du Corps
du Christ avec cette synthèse convaincante de Ratzinger « l’Église n’est peuple de
Dieu que par et dans le Corps du Christ »385. A ce titre on évoque une transposition
christologique et pneumatologique pour appréhender de façon concrète le mystère de
l’Église. Et c’est bien ici que nous voulons comprendre cette catégorie de l’Église
prise comme Temple de l’Esprit Saint dans les travaux de saint Augustin et J.
Ratzinger. On voudra bien cerner le lien entre l’ecclésiologie et la pneumatologie. En
d’autres termes, il s’agit de comprendre le rôle de l’Esprit Saint dans la vie ecclésiale,
un élément qui vient renforcer la dimension trinitaire de l’ecclésiologie 386. C’est
justement parce que le peuple de Dieu est l’œuvre de l’Esprit Saint qu’il est Corps du
Christ. Voilà qui synthétise cette partie que nous commençons. Mais posons les bases
d’une recherche adéquate en précisant les interactions entre les différents éléments
constitutifs de notre discours sur cette catégorie qui, elle aussi dit l’Église. Et c’est
Jean Rigal qui nous en livre le contenu,

Les rôles du Christ et de l’Esprit Saint dans l’Église, tout en étant particulièrement
proches et liés, ne sont pas identiques. Ainsi aucun texte de l’Écriture ne permet de
parler de notre incorporation à l’Esprit, alors que cette réalité est expressément
affirmée quand il s’agit du Fils. En revanche, il est dit explicitement que si nous
appartenons de plus en plus au Christ, que nous devenions des fils, que nous entrions
dans le Corps, et que nous le faisions de plus en plus grandir. « Nous avons tous été
baptisés dans un seul Esprit pour un seul Corps » (1Co12,13). Inversement, « si
quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas » (Rm 8,9). C’est donc par
l’Esprit Saint que nous devenons fils et que nous entrons dans le Corps, afin de
constituer avec le Christ, un seul Fils pour aller vers le Père387.

385
J. RATZINGER, Il nuovo popolo di Dio, 85.
386
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 88.
387
J. RIGAL, Mystère de l’Église, 200.

104
Nous n’avons pas quitté le mystère de la Trinité qui tient une place fondamentale en
ecclésiologie. Toutefois, l’action de l’Esprit Saint vient concrétiser la mission du Fils
et œuvrer pour la construction du Corps388. Selon ces mots de J. Rigal, « il donne le
souffle à ce que le Christ a fondé et continue de fonder dans son Église » 389.

De fait, ce rôle de l’Esprit Saint dans l’Église est fondamental chez Augustin.
Il conçoit d’ailleurs l’Esprit Saint comme Caritas, qui est pour lui le signe distinctif
des chrétiens. En effet, l’évêque d’Hippone affirme contre les donatistes que quitter
ou rompre avec l’Église c’est inéluctable avec la Caritas. Et cette Caritas dira
Ratzinger, revêt un sens ecclésial concret390. Chez Augustin l’Église est Caritas en
tant qu’elle est créature de l’Esprit et en tant qu’elle est Corps du Seigneur, construit
par l’Esprit qui, précisément devient le Corps du Christ par le fait que par le pneuma
établit la communion des hommes, en tant que créature de l’Esprit donc, l’Église est
le don de Dieu en ce monde et don c’est la charité391.

Déjà dans l’Église naissante, le rôle de l’Esprit Saint est reconnu comme
fondamentalement nécessaire pour l’édification du Corps du Christ. Il est le premier
acteur de l’histoire et de la communauté ecclésiale 392. Il agit, décide et conduit
l’Église. Toute l’activité apostolique de l’Église se rend visible par le souffle de
l’Esprit. En fait c’est par lui que l’Église se renouvelle sans cesse et se construit 393. De
fait, depuis la Pentecôte, l’Église s’est vue de façon visible et manifeste au point où
les chrétiens orthodoxes ont fait de l’Esprit Saint l’élément fondamental de leur
ecclésiologie. D’ailleurs N. Afanassief peut l’affirmer de façon éclatante ;

L’Église s’est actualisée le jour de la Pentecôte par l’Esprit et dans l’Esprit. L’Église
est le lieu où agit l’Esprit ; et l’Esprit est son principe de vie et d’activité. L’Église agit
et vit par l’Esprit, à l’aide de dons charismatiques que Dieu distribue en elle, comme il
388
Cf. Ibidem.,201
389
Ibidem., 200
390
Cf. J. RATZINGER, « Esprit Saint comme communion » …, 43.
391
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 87.
392
Cf. A. NISUS, L’Église comme communion et comme institution. Une lecture de l’ecclésiologie du
cardinal Congar à partir de la tradition des Églises des professants, Cerf, Paris 2012, 281.
393
Cf. Ibidem, 282.

105
le veut. La grâce est l’unique moteur de tout ce qui se passe au sein de l’Église (…) Au
premier jour de la Pentecôte, l’Église se présente déjà avec les principes fondamentaux
de son organisation, qui se fonde, elle aussi, sur le même Esprit qui la fait exister. Par
conséquent, le principe organisateur dans l’Église, c’est l’Esprit ; et il exclut tout autre
principe parce qu’il serait extérieur à elle394.

C’est donc ici toute la place qu’occupe l’Esprit dans la communauté ecclésiale.
Il la gouverne depuis la vie terrestre du Christ jusqu’après l’Ascension, c’est encore
le même Esprit qui la sanctifie continuellement pour son accomplissement
eschatologique. Son pèlerinage terrestre est guidé par sa motion et son conseil.

En plus, Irénée de Lyon pose très bien ce rôle sanctificateur de l’Église dans
les termes qui sont riches de sens. Il dit que l’Esprit a été donné à l’Église comme un
souffle à la nature formée afin que tous les membres qui y participent soient sanctifiés
et vivifiés. En l’Église, a été déposée la communion avec le Christ, c’est-à-dire
l’Esprit Saint, dépôt d’incorruptibilité et confirmation de notre foi et escalier de notre
montée vers Dieu395. En effet, là où est l’Église, là aussi se trouve l’Esprit de Dieu, là
est l’Église et toute grâce. Ainsi l’Esprit Saint agit sacramentellement dans l’Église à
travers les sacrements, les ministères et les charismes qu’il suscite. En fait, l’Esprit
Saint est largement au-dessus de l’Église mais en même temps se trouve unit à
l’Église. Il actualise dans l’Église, l’amour de Dieu pour les hommes. Cette activité
ou cette œuvre est liée au mystère de l’Incarnation et demeure dans son Corps qui est
l’Église. C’est sa présence qui fonde toute l’existence de la vie ecclésiale en engage la
vie missionnaire de l’Église. Ce lien entre le Christ et son Esprit Saint est exprimé par
Y. Congar dans une profonde conséquence réciproque

Le Seigneur Jésus et l’Esprit Saint sont ensemble les auteurs du Corps, c’est-à-dire
l’Église en son unité, mais le Christ l’est comme Tête du Corps, homogène à ses

394
N. AFANASSIEF, L’Église du Saint Esprit, Ed. Cerf, Paris 1975, 349.
395
Cf. IRENAEUS, Adversus Haereses V 6, 1. 28, 4 = SC 153, 31. (nous utilisons SC pour Sources
Chrétiennes)

106
membres, de façon absolument propre et strictement personnelle, c’est pourquoi
l’Église est le Corps non du Saint Esprit, pas même du Verbe, mais du Christ 396.

Cependant, le Corps du Christ représente le lieu d’une pentecôte perpétuelle et


à ce titre, il est une créature de l’Esprit Saint. On se trouve ici face à un rapport
dialectique qui se vit entre l’Esprit Saint et l’Église. Il embrase l’Église et la pénètre
dans toutes ses réalités. Elle reste ouverte à son inspiration. Puisque c’est lui qui
fonde dans la communauté ecclésiale, les relations interpersonnelles. Par le fait même
il est perçu comme instigateur de la communion dans l’Église, cette communion qui
se vit entre les fidèles et le Christ et les fidèles entre eux. C’est encore le même Esprit
qui maintient l’Église dans son œuvre de salut. Et Novatien dans son ecclésiologie en
ressortait quelques traits de l’œuvre ecclésiale de l’Esprit Saint

Cet Esprit est donné aux disciples (…) Ce même Esprit fait des dons semblables,
comme des joyaux, à l’Épouse du Christ, l’Église. C’est lui qui suscite dans l’Église
des prophètes, instruit les docteurs, anime les langues, procure force et santé, y
accomplit des merveilles, procure le discernement des esprits, assiste ceux qui dirigent,
inspiré les conseils, dispose les autres dons de la grâce. Ainsi, il parfait et parachève
l’Église du Seigneur partout et en tout397.

Par ailleurs, Augustin nous transpose sur un tout autre plan pour comprendre
le rôle de l’Esprit Saint dans l’Église. Il emprunte à l’anthropologie pour montrer les
relations entre l’âme et le corps. Et analogiquement nous fait percevoir comment
l’œuvre de l’Esprit embrasse toute la communauté ecclésiale. Pour lui en effet,
l’Esprit Saint est l’âme de l’Église « vous voyez ce que fait l’âme dans le corps. Elle
vivifie tous les membres. Ce que l’âme est au corps l’Esprit Saint l’est au Corps du
Christ qui est l’Église. L’esprit Saint opère dans l’Église entière ce que l’âme opère
dans divers membres d’un même corps »398. Il devient alors clair pour l’Hipponate
396
Y. CONGAR, Je crois en l’Esprit Saint, Ed. Cerf, Paris 1980, t II, 33.
397
NOVATIANUS, De Trinitate XXIX 9 = PL III 943.
398
AUGUSTINUS; Sermo CCLXXVI, 4 = PL XXXVIII 1231.

107
que c’est l’Esprit Saint qui anime le Corps du Christ, il lui donne vie et garantit son
unité. Et en même temps, il nous introduit dans une communion profonde avec le
Christ et entre nous.

Toutefois, pour émettre certaines réserves à cette analogie d’Augustin, il faut


juste se rendre à l’évidence qu’elle ne va pas sans risques. En revanche il est à noter
que l’Esprit Saint habite les institutions ecclésiales et les anime, même si le corps lui-
même reste faible. Mais il en est la source de fécondité et leur est uni 399. Et l’Église
devra donc prendre conscience de ce fait car, « l’Esprit n’est pas l’Esprit de l’Église,
mais l’Esprit de Dieu »400. Toutefois G. Cislaghi établit un lien de conséquence entre
l’Esprit Saint, le Christ et l’Église. Pour lui en effet, l’Esprit Saint se lie à l’Église et
de ce fait relie l’Église au Christ et par voie de conséquence à l’uni-Trinité de Dieu et
finalement la relie au service du monde que Dieu a tant aimé jusqu’à en faire
destinataire de sa propre communication en Christ. C’est d’ailleurs ce qu’il appelle le
nœud du mystère « Nexus Mysteriorum »401.

3.4. La notion de Caritas au cœur de la communion ecclésiale

Augustin et Ratzinger ont fait de la Caritas, une notion centrale dans leur
ecclésiologie. Elle détermine toute la concrétude de la communion dans l’Église.
C’est le principe de la vie chrétienne. J. Ratzinger de l’Hipponate que,

De toutes les orientations que nous avons prises pour nous approcher de la notion
d’Église chez Augustin, nous avons toujours été conduits à l’unique noyau dans lequel
399
Cf. J. RIGAL, Mystère de l’Église, 213.
400
H. KUNG, Qu’est-ce que l’Église, Cerf ; Coll. Foi Vivante n. 251, Paris 1990, 240.
401
G. CISLAGHI «Spirito Santo e Chiesa» in Dizionario di ecclesiologia, 1355.

108
se rencontrent tous les chemins. Ce centre est caractérisé par le mot Caritas avec
lequel a été exprimé le propre cœur de la notion d’Église d’Augustin402.

De fait, la Caritas, ou mieux l’amour se perçoit comme forme de l’Église. Elle


dénote l’identité et la caractéristique du service dans l’Église. C’est elle qui actualise
les différents rapports des hommes au sein d’une même et unique communauté. La
Caritas engage dans un vivre ensemble. C’est une force unitive et la parfaite
réalisation de la communion dans le vécu ecclésial. Cependant, il faut d’abord la
concevoir comme un commandement de Dieu qui définit les devoirs et les exigences
que devront observer les hommes à l’intérieur de la communauté pour garantir la
cohésion communautaire.

En revanche, il est à comprendre la Caritas comme forme ecclésiale selon


l’Esprit du Concile Vatican II « forma Caritas ». Elle est constitutive et structurante
de l’Église403 en tant que l’Église est caritative. Elle nait comme communauté des
confessants de l’amour de Dieu révélé et donné en Christ. Quand S. Dianich parle de
l’Église comme forme, il veut faire percevoir l’être même de la vie ecclésiale. On
entend bien que la Caritas est ce qui porte à la plénitude de l’être ecclésial. Par la
force de l’Esprit, cette Caritas engagée sur les chemins de relations réciproques qui
ont une connotation d’humilité et d’abaissement, elle est ouverture et accueil de
l’autre qui est un autre moi qui fait que toute la communauté soit un « Nous »
concret. Cette Caritas, au niveau communautaire et personnel devient critère de
témoignage et de véracité de la foi crue et condition pour l’accueil du message
évangélique404. De fait, en commentant la pensée de l’Évêque d’Hippone et de J.
Ratzinger sur la définition de l’Église, D. Waymel arrive à cette conclusion,
« l’Église est Caritas en tant que Corps du Seigneur construit par l’Esprit qui réalise
la communion entre les hommes »405.

402
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 318.
403
Cf. S. DIANICH, De Caritate Ecclesiae,107 in AA VV., Dizionario di ecclesiologia, 123
404
Cf. A. MASTANTUONO, «Caritas» in Dizionario di ecclesiologia, 130.
405
D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 171.

109
Par ailleurs, Augustin lie la Caritas à l’Esprit Saint. Cette interprétation de
Caritas chez l’Hipponate le pousse à avoir une vision plus large de l’Église qu’il la
considère entièrement comme communion, l’unité des croyants. Et il est donc clair
pour Augustin qu’aller hors de l’Église c’est rompre la Caritas, un reproche qu’il fait
d’ailleurs aux donatistes406. La Caritas est un mouvement de soi, une ouverture à
l’amour de Dieu qui nous associe au sacrifice du Christ avec l’ensemble des
fidèles407. C’est elle, cette Caritas dont parle le pape allemand, qui est en effet la
communauté des chrétiens. Ainsi pour J. Ratzinger, « devenir chrétien consiste à
devenir communio, à entrer dans la manière d’être de l’Esprit. Être chrétien est
inséparable de l’acceptation de toute la communauté des croyants, du fait de se
supporter les uns les autres »408. A cet égard, la Caritas exprimé toute la vie de
l’Église en même temps fait paraître l’aspect fraternel de la communauté ecclésiale.

De fait, Ratzinger, dans ses études sur Augustin nous renseigne que l’évêque
d’Hippone a introduit dans la notion de Caritas, une dimension juridique. Car dit-il,
lorsque Augustin définit l’Église comme Caritas, il l’appréhende aussi comme une
communauté juridique puisqu’alors les deux s’enchevêtrent, « en effet, la communion
fraternelle fondée sur le don du Christ a une double dimension : l’union avec le
successeur romain et les porteurs de la Succesio apostolica, et l’union avec la
communion catholique, avec tous les membres de la catholicité »409. Car en fait, la
Caritas est le contenu authentique du Sacramentum pacis, donc de l’Église et par
conséquent l’Eucharistie. Ainsi l’Eucharistie exprimé cette unité juridique de l’Église
en tant qu’organisme sacramentel du Christ. Déplus, l’Eucharistie fait que l’Église est
Corpus Christi, car elle contient véritablement en elle une double réalité, elle est
Corpus et elle est Christi410. Et donc, l’organisme qui est l’Église, est dans l’unité de
l’Esprit de communion avec le Christ411.

406
Cf. AUGUSTINUS, Contra Cresconium grammaticum et donatistam II 13= PL XLIII 185.
407
Cf. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 71.
408
J. RATZINGER, « Esprit Saint comme communion », 35.
409
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 319.
410
Cf. J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 320
411
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église,73.

110
Augustin parle du fruit de l’Eucharistie dans sa réalité visible et invisible en
tant qu’elle est communion des cœurs et en même temps communion avec la structure
juridique de l’Église « parce qu’elle est Église, de la charité, l’Église est
juridique »412, et J. Ratzinger de renchérir en disant que « l’Église est juridique par la
force de sa nature »413. Cependant on ne saura parler d’opposition entre les deux
dimensions de cette Église Caritas et juridique. Elles se définissent entre elles pour
donner une nette définition de la communauté ecclésiale. D’ailleurs que Ratzinger
dira de l’Eucharistie qu’elle présente des fruits que dans la dimension
communionnelle qui est réelle au sein de la structure de l’Église et dans les cœurs des
hommes. C’est une communion structurée414.

Toutefois il est à comprendre cette notion de Caritas comme une pratique


ecclésiale. Elle fait partie de l’être profond de l’Église. Dans ce sens, l’Église devient
le lieu de l’amour de Dieu pour le monde. Les évêques italiens l’ont bien exprimé en
parlant de l’Église «configurata alla croce, la Chiesa è il sacramento della carità di
Dio nella storia degli uomini»415. Donc, là où se vit la Caritas, toute la société
humaine se transforme et entre dans une dimension nouvelle. Elle rend concrète la foi
dans la communauté chrétienne et fait que l’Église donne un témoignage au monde.
Et comme le présente encore S. Dianich. C’est cette Caritas, dans sa dimension de
réciprocité entre les fidèles qui configurent à la Caritas du Christ et implique donc
l’annonce et le service aux pauvres. C’est elle, enfin de compte qui manifeste l’Église
comme amour de Dieu pour les hommes. L’Église-Caritas se révèle au monde
comme sacrement du salut416.

412
Cf. Ibidem. 73.
413
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 320.
414
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 74.
415
CONFERENZA EPISCOPALE ITALIANA, Evangelizzazione e testimonianza della carità, n. 24, in
Enchiridon CEI, 4, 2742.
416
Cf. ASSOCIAZIONE TEOLOGICA ITALIANA, De Caritate Ecclesia. Il principio “amore” e la Chiesa,
Padova, 1987, 106-107.

111
3.5. Les instances de communion dans l’Église

La réalité de la communion ecclésiale est une dimension profonde de l’Église


qui a son fondement dans la célébration eucharistique et qui se manifeste visiblement
dans toutes les structures de l’Église 417. Elle concerne alors toute l’Église dans son
ensemble non pas seulement une communauté ecclésiale spécifique, mais toute
l’Église du Christ répandue sur tout l’univers418. Nous pouvons alors lire dans la
prière eucharistique en la communicante du dimanche « c’est pourquoi nous voici
rassemblés devant toi, et dans la communion de toute l’Église… ». Bien qu’elle se
célèbre dans une communauté donnée, elle a une dimension universelle en tant que
toute l’Église célèbre ce même sacrement dans toutes les communautés chrétiennes 419.

Déjà Augustin avait clairement signifié cette dimension communionnelle de


l’Église dans sa querelle contre les donatistes qui voulaient réduire la catholica à une
aire géographique. L’évêque d’Hippone a compris la catholica dans le sens de
l’universalité420. En d'autres termes l’Église a une dimension universelle et ce de
façon concomitante. Non pas une association d’Églises locales comme le souligne J.
Ratzinger, mais de manière simultanée. En effet, J. Ratzinger voit déjà dans l’Église
locale, l’Église universelle ontologiquement présente421. Et il va plus loin dans cette
recherche en posant le ministère épiscopal comme garant de cette communion. En
fait, c’est autour de l’évêque que se construit une ecclésiologie de communion 422. Car
il garantit l’unité de l’Église locale et par le fait même il étend cette communion en
tant qu’il est membre du collège épiscopal et en communion avec le successeur de
Pierre qui est lui, Pasteur de l’Église universelle 423. C’est donc cette dynamique que
nous voulons étudier dans ce passage avec l’évêque africain et le pape allemand. Il
faut déjà signaler ici la complémentarité des points de vue.
417
Cf. J. RATZINGER, « eucharistie et mission » in Faire route avec Dieu…, 86.
418
Cf. Ibidem, 87.
419
Cf. Ibidem, 88.
420
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 135.
421
Cf. Ibidem, 136.
422
Cf. Ibidem, 136-137
423
Cf. J. RATZINGER, Appelés à la communion, 78

112
3.5.1. L’Église universelle et les Églises locales

D’entrée de jeu, regardons cette phrase de Marcello Semeraro “la Chiesa è


unica società sottomessa all’autorità del papa. Egli è vescovo universale e le altre
chiese esistono in quanto il papa chiama i vescovi in patrem sollicitudinis”424. Ici le
problème est posé dans un sens purement institutionnel qui ne contredit sûrement pas
la réalité de l’Église. D’ailleurs sur le plan ontologique, c’est l’Église universelle qui
existe d’abord. Et cette dimension institutionnelle nous introduit dans la communion
qui existe entre le pape et les évêques, autrement dit, la profonde communion
existante entre l’Église universelle et l’Église locale dont les évêques sont des ponts
d’unité communionnelle. C’est un peuple unique, l’Église qui est répandue en Églises
épiscopales. Ce qui fait de cette Église un peuple structuré cependant gardant sauve
sa dimension d’unité universelle425.

J. Ratzinger lui-même reste attaché à l’idée que la fonction épiscopale est une
fonction d’unicité et par conséquent toute l’idée de communion qu’on pourrait
évoquer ne peut dépendre que de la communion avec l’Évêque 426. En effet, c’est
Lévêque, nous le disons encore une fois, qui garantit la communion avec l’ensemble
de l’Église. Et dans cette mesure, notre auteur lie la célébration eucharistique à la
fonction épiscopale. Car comme l’Eucharistie a un caractère public, « elle est la
liturgie de toute l’Église du Christ Unique »427. De fait, c’est dans l’Eucharistie que se
réalise pleinement l’Église en tant que service d’unité. Et puisqu’elle est présidée par
l’évêque, elle nous ouvre à l’Église universelle.

Cette réalité de l’Église locale entrevoit de façon concrète, tout le mystère de


l’Église, puisque c’est le Christ tout entier qui y est présent. En effet, c’est Lévêque

424
M. SEMERARO, «Chiesa universale» in Dizionario di ecclesiologia, 171.
425
Cf. Ibidem.,172
426
Cf. J. RATZINGER, Appelés à la communion, 68.
427
Ibidem. 68-69.

113
qui fait l’Église locale non pas le territoire 428. J. Ratzinger puise ses arguments dans
les conclusions du synode extraordinaire de 1985 qui place au centre de la
compréhension de l’Église, la notion de communion. C’est elle seule qui pourra
rendre compte du mystère de l’Église en partant justement du sacrement du Corps du
Seigneur429. Et le théologien bavarois dira en effet,

L’Église est Eucharistie, avons-nous dit. On peut aussi traduire cela par la formule :
l’Église est communion, à savoir le Corps du Christ tout entier. En d’autres termes,
dans l’Eucharistie, je ne peux jamais désirer communier seul avec Jésus. Il s’est donné
un Corps. Quiconque communie avec Lui communie nécessairement avec tous ses
frères et sœurs, qui sont devenus membres du Corps unique. La communion inclut
l’extension catholique du fait même de la portée du mystère christique. Elle est
catholique ou elle n’est rien du tout430.

Mais qu’est-ce que la catholicité dont on parle ? En effet, Robert Repole nous
informe que dans la prospective ecclesiogenetique et selon le Concile Vatican II, on
ne peut pas prendre référence de l’Église que dans son universalité.

Le Chiese locali sono esse stesse cattoliche, poiché “la Chiesa è cattolica in ragione
di una identità completa, che è essenzialmente la stessa ovunque e sempre senza che
questo lo porti ad una permanente fissità su sé stessa. In questo senso dà una parte, la
cattolicità garantisce l’unione tra le Chiese locali in una Chiesa una e le preserva dà
ogni tentazione di autarchia e auto concentramento, dall’altra, l’essere in comunione
tra le Chiese locali (…) garantisce a ciascuna di esse la nota cattolica 431.

En fait, la catholicité en question traduit de façon profonde la nature


missionnaire de l’Église. Elle s’étend à toutes les cultures. Par ailleurs, lorsque nous
parlons d’Église locale et universelle, on est tenté de voir un certain ordre
428
Cf. J. RATZINGER, Appelés à la communion, 69
429
Cf. Ibidem. 71
430
Ibidem.71-72
431
R. REPOLE, «Cattolicità» in Dizionario di ecclesiologia, 144; voir Aussi S. DIANICH-NOCETI, Trattato
sulla Chiesa, Brescia 2002, 359-360.

114
chronologique ce qui biaiserait toute compréhension ecclésiologique. De fait la pleine
compréhension de l’idée de catholicité chez R. Repole nous a permis d’éviter le
concept d’autarcie qui pourrait se trouver dans l’appréhension de l’Église locale 432. Il
est à souligner cependant à la lumière des analyses de J. Ratzinger et de l’évêque
d’Hippone qu’autant dans l’Église locale que dans l’Église universelle, c’est
véritablement l’Église du Christ qui est présente. En revanche, il faudra éviter le
danger de dire que l’Église particulière est tout entière l’Église de Dieu 433. On devra
toutefois reconnaitre qu’en elle, tous les éléments qui la composent sont présents dans
les autres Églises. D’ailleurs Nicolas Bux insistera fortement en ces termes,

Lo Spirito Santo offre i suoi doni al di là dei confini di ogni Chiesa particolare, il
vangelo non è sua proprietà, l’Eucaristia l’inserisce nel Corpo indivisibile di Cristo.
Anche il ministero episcopale ha un’indole collegiale tale da non permettere alcuna
concezione autonoma delle Chiese particolari cui è posto434.

En effet, il y a une communion qui se vit entre les Églises locales entre elles,
et ceci induit donc logiquement à une communion universelle qui passe par la
célébration de l’unique Parole de Dieu et les mêmes sacrements, au sommet desquels,
l’Eucharistie, qui sont donc assurés par les successeurs des apôtres d’où la dimension
de l’Église universelle. C’est donc comme le dit si bien Communionis Notio « la
communauté universelle des disciples du Seigneur, qui se fait présente et active dans
les particularités et les diversités des personnes, groupes, temps et lieux » (Cf. CN n.
7). Il paraît alors évident aux yeux de J. Ratzinger que, vu cet aspect de choses,
l’Église universelle ne peut être entendue comme la somme des Églises locales,
encore moins une confédération. Les Églises locales non plus ne sauraient se
comprendre comme fragmentations de l’Église universelle qui existerait
antérieurement à elles435. L’Église est Une, elle est conjointement locale et
432
Cf. Ibidem, 145.
433
Cf. J. RATZINGER, Appelés à la communion, 76-77.
434
N. BUX, «Chiesa locale» in Dizionario di ecclesiologia, 153.
435
Cf. A. NISUS, l’Église comme communion…, 285.

115
universelle, totale dans leurs structures respectives. C’est l’évènement de la Pentecôte
qui a manifesté visiblement cette unique Église. En fait, l’Église universelle et les
Églises du Christ existent et se coïncident dans cette dimension de l’Église Une,
l’Église du christ qui s’accroit et se reprend sur toute la face de la terre436.

Toutes ces Églises ou communautés portent en elles la même image de


l’Église de Pentecôte et qui s’est fondée dans l’Eucharistie. À partir de l’Eucharistie,
toutes ces deux dimensions forment organiquement un seul corps ecclésial (Corpus
ecclesiarum) (Cf. LG n. 23). De plus « l’Église universelle est donc le Corps des
Églises pour lesquelles il est possible d’appliquer le concept de communion de
manière analogue, également à l’union des Églises particulières et de comprendre
l’Église universelle comme une communion d’Églises » (Cf. CN n. 8).

L’évêque d’Hippone et J. Ratzinger sont bien d’accord qu’il existe une


intériorité mutuelle entre l’Église particulière et l’Église universelle. Puisque l’Église
universelle existe dans chacune des Églises locales. Chaque Église locale est
qualitativement l’Église disait H. de Lubac 437. En fait, chaque Église locale est une
cellule vivante dans laquelle on trouve présent tout le mystère vital du Corps unique
de l’Église. Ainsi chacune est ouverte sur tous les côtés par le lien de la communion
et ne garde son être Église qu’à travers cette ouverture. Bien sûr, cela implique aussi
une corrélation radicale. Et de fait, les Églises particulières sont inclues dans l’Église
universelle par le fait même de leur existence 438. Puisque le peuple de Dieu est
unique, et par conséquent chaque communauté particulière est unique comme l’est
l’unique peuple439.

Cependant, nous sommes amenés à comprendre en profondeur la nature ou la


dimension sacramentelle des rapports entre l’Église universelle et les Églises locales
au-delà de la forme juridique. Ce rapport insistons nous, reste possible par
436
M. SEMERARO, «Chiesa universale» in Dizionario di ecclesiologia, 170
437
Cf. H. de LUBAC, Les Églises particulières dans l’Église universelle, suivie de la maternité de
l’Église, Ed. Cerf, Paris 2019, 63.
438
Cf. H. de LUBAC, Les Églises particulières dans l’Église universelle…, 63.
439
Cf. Ibidem., 67

116
l’Eucharistie et la fonction épiscopale. C’est ici en effet que nous parlons de
communion sacramentelle qui en est la cause efficiente. M. Semeraro nous livre une
synthèse de la communion ecclésiale à ce sujet lorsqu’il dit,

Strutturata dall’intima connessione del sacramentale e del giuridico, ha come


momento emergente la comunione dei vescovi di ogni Chiesa particolare, a sua volta
radicata nel legame che singolarmente tutti li congiunge nel collegio episcopale cui,
unitamente al suo capo, è affidata la guida della Chiesa universale si comprende cosi
come l’unita dell’Eucaristia e l’unità dell’episcopato cum et sub Petro sono la radice
sacramentale-istituzionale che sostiene la realtà della Chiesa universale quale
communio ecclesiarum e ne fanno, insieme con le Chiese particolari, l’altro polo nel
quale si manifesta il mysterium ecclesiae440.

3.5.2. La collégialité et la synodalité

Ces deux concepts renvoient inéluctablement à l’exercice de la communion


dans l’Église. En effet, la collégialité exprimé ce lien qui existe entre les évêques et
l’action qui leur est commune. En revanche, la synodalité, elle, regarde cette réalité
dans laquelle sont pris tous les chrétiens. Elle est basée sur le sacrement de l’ordre
pour certains qui le reçoivent de quelques-uns. Mais aussi elle dépend des sacrements
reçus et surtout la fraternité chrétienne qui correspond à l’ensemble de la vie de
l’Église441. Et la vie synodale dans l’Église est beaucoup plus manifestée par la
collégialité. Ces termes sont alors profondément liés. Et E. Correco abondant dans le
même sens déclare,

La sinodalità si realizza (…) nel suo senso proprio, solamente nell’esercizio del
ministero episcopale. Essa si esprime in modo pieno e supremo, valido per tutte la
Chiesa, nell’attività ordinario o collegiale dei coetus episcoporum e si realizza con un
440
M. SEMERARO, «Chiesa locale» in Dizionario di ecclesiologia, 155.
441
Cf. W. KASPER, L’Église catholique, 387.

117
valore coinvolgente, limitato a un raggruppamento di Chiese particolari nei Concili
minori e nelle Conferenze episcopali442.

L’Église en sa nature et sa définition est synodale, puisqu’elle n’est rien d’autre


que le cheminement du peuple de Dieu dans l’histoire allant à la rencontre du
Christ443. Par ailleurs, la collégialité est appelée à rendre possible, de façon
permanente, la vie de communion entre Dieu et les hommes. Le ministère épiscopal,
dans cette veine acquiert un caractère communionnel et unificateur. Les évêques ont
la lourde charge d’intégrer de nouveaux membres dans l’Église et paitre le troupeau
du Seigneur et en plus, ils sont dispensateurs des grâces de Dieu 444. De plus, ils
annoncent la Parole de Dieu au peuple et célèbrent les sacrements de la foi. Nous
pouvons donc comprendre pourquoi J. Ratzinger insiste tellement sur la
sacramentalité de la collégialité445. C’est d’ailleurs le même point d’honneur que l’on
retrouve dans Lumen Gentium où on trouve des bases sacramentelles de l’ordination
épiscopale qui donne plénitude de l’ordre et intègre dans le collège épiscopal en
communion avec le pontife romain.

Maiximilian H. Heim nous livre la pensée de J. Ratzinger en la matière dans


son ouvrage,

The collegiality of the apostles, Ratzinger says is characterized by four essential


features. First it indicates that the officeholders and the people of God bélong together
inseparably. Second, it was institutes sacramentally by Jesus at the Last Supper. Third,
with the sending of the Holy Spirit on the Pentecost, it becomes apostolic in the strict
sense ; that is, it has a missionary purpose to proclaim the gospel, and not just a
symbolic mission. Linguistically this is expressed by the identification of the Twelve
with the names of the Apostles, because of which they are called the Twelve apostles in
the Lucan tradition. Fourth, the three aforementioned characteristics of the Collegium,
442
E. CORRECO, Ontologia della sinodalità, in A. AUTIERO-CERENA (a cura di) Pastor Bonus in Popolo.
Figura, ruolo e funzioni del vescovo, Città Nuova, Roma 1990, 303-329.
443
Cf. FRANCOIS, Discours 17 octobre 2015 à l’occasion du 50e anniversaire de l’institution du Synode
des évêques
444
Cf. W. KASPER, L’Église catholique, 389.
445
Cf. Ibidem, 390.

118
or of Collegiality, stand on the foundation of the primatial structure of the Church’s
hierarchical constitution446.

Ainsi pour le pape allemand, l’appel des Douze constitue le fait central de la
collégialité, et en même temps constitue le nouveau peuple de Dieu, mais surtout un
peuple uni aux pasteurs, par conséquent pour notre auteur, les évêques et le peuple de
Dieu sont inséparablement unis, ils s’appartiennent mutuellement 447. Et de plus,
Ratzinger nous renseigne sur le fait que la dernière Cène scelle l’alliance entre Dieu
et son peuple et là l’ecclésiologie eucharistique prend tout son sens 448. C’est
l’Eucharistie qui vient rendre effective cette relation entre la collégialité et la
sacramentalité de l’épiscopat. L’évènement fondant étant la dernière Cène, par le fait
même est constituée le collège449. C’est la communion eucharistique qui unit et qui
fonde la communion du collège. Ainsi,

The institution of the most Holy Eucharist on the evening before the Passion…is the
making of a Covenant and as such is the concrete foundation of the new people of
God, the people come sinto being through its covenant relation to God…By his
eucharistic action, Jesus draws the disciples into his relationship with God and
therefore, info his mission, which aime to reach, teh ‘many’ the humanity of all places
and all times450.

Par ailleurs, J. Ratzinger, pense la collégialité dans un sens plus large qu’on
peut appeler sens spirituel. Car selon que nous l’exposions plus haut, dans le cadre
des relations entre l’Église universelle et les Églises locales. On voit bien que
l’évêque ne peut pas guider son Église particulière en marge des autres Églises. Il le
fait toujours dans une dimension toujours élargie dans l’unité et en communion avec

446
M. H. HEIM, Joseph Ratzinger, 445.
447
Cf. J. RATZINGER, Appelés à la communion, 67.
448
Cf. Ibidem, 68.
449
Cf. Ibidem, 69.
450
J. RATZINGER, Called to communion, 28.

119
les autres. Bien sûr que chaque Église particulière se réalise totalement et a en son
sein toute la réalité de l’Église. Dans ce cas la communion se vit avec toute l’Eglise
« it is complete only when the bishop does not stand alone, but is himself in
communion with the other bishops of the other Churches of God »451. Cependant,
cette communion implique également la communion avec le Pontife Romain. De fait,
il ne s’agit pas d’un certain centralisme romain, au contraire que dans ces réseaux des
Églises qui sont en communion les unes les autres à partir desquelles l’Église de Dieu
est édifiée, il y a en effet, un point fixe duquel on ne peut se passer, le Siege Romain,
duquel prennent source l’unité de la foi et la communion 452. Et Ratzinger lui-même
énonce dans ce sens deux devoirs qui découleraient de la relation entre le primauté et
l’épiscopat « first they are ordered to totality of the Church and in his way bear a
responsability for the universal Church. Second, in their particular Churches, the
totality of the Church is realized ‘most importantly’ in the Eucharist and the
proclamation of the Gospel »453.

La collégialité devient alors visible dans la mesure où le « nous » ecclésial


devient une réalité. C’est une structure de communion avec les autres. Ratzinger
déduit d’ailleurs cette communion de la réalité trinitaire, une unité qui embrase toutes
les personnes trinitaires454. « Being we as the fundamental form of God précédés all
earthly forms of this relationships and being made in the image of God is from the
start referred to this kind of being we »455. Cette collégialité porte donc ses fruits
uniquement quand la communion est mise en pratique par chaque évêque et
l’accomplissement ecclésial est effectif en une unité ecclésiale. La figure de l’évêque
acquiert dans ce sens, une réalité de témoignage à l’unité et une solidarité fraternelle
dans l’Église456. Nous comprenons finalement que les notions de collégialité et de
synodalité vont bien au-delà des simples rencontres décisionnelles, amis elles
451
J. RATZINGER, New people of God. Questions of Ecclesiology, trans. Brian McNeil, Ignatius Press,
Sans Francisco 1995, 43-70.
452
Cf. M. H. HEIM, Joseph Ratzinger, 451.
453
J. RATZINGER, Collegiality, 55.
454
Cf. J. RATZINGER, The Church…, 31.
455
Ibidem. 45.
456
Cf. J. RATZINGER, New people of God, 59.

120
touchent la pratique même dans la vie de l’Église. Elles touchent en fait, l’être même
de l’Église manifestant ainsi la communion ecclésiale457.

3.6. La question de la communion aujourd’hui

Ainsi que nous l’avons indiqué à l’entame de notre entreprise, J. Ratzinger


pense que la notion de communion n’est pas centrale dans les débats du Concile
concernant la réalité ou la nature de l’Église. Elle devient la clef de lecture de
l’ecclésiologie conciliaire458. Elle exprime de façon éloquente l’essence même de
l’Église et sa vie. Cependant, cette notion a connu beaucoup de déformations et
d’interprétations qui l’ont vidé de son sens. Elle est devenue pour certain un pur
slogan ou même une réalité à connotation politico-démocratiques où certaines
velléités se sont avérées ostentatoires réclamant une égalité pour tous et voulant nier
toute sacramentalité inhérente à cette notion 459. Il s’agit donc de trouver des véritables
chantiers ecclésiaux dans lesquels s’appliquent et se révèle fructueuse une notion
aussi riche et qui actualise la vie de l’Église et rend effectif son discours au monde. Il
faut surtout comprendre la communion en tant que manifestation de la réalité de
l’Église dans le mystère de Dieu. On va donc la clarifier en partant de la Révélation
chrétienne et accéder à la compréhension de la communauté chrétienne et en
pénétrant le complexe mystère de l’Église. Toutefois, cette catégorie devra être prise
à l’intérieur de l’auto-conscience croyante et historico salvifique de l’Église elle-
même et du Christ, dans sa dimension d’accueil d’elle-même et sa mission dans le
monde460.

Nous allons élargir la compréhension dans les réalités humaines et divine qui
composent l’être de l’Église. Elle sera alors prise dans cette partie dans ses
dimensions de solidarité humaine et de partage de la communauté chrétienne. De fait,
457
Cf. W. KASPER, L’Église catholique, 387.
458
Cf. J. RATZINGER, « ecclésiologie de la Constitution Lumen Gentium », 122.
459
Cf. J. RATZINGER, Démocratisation de l’Église ? 87.
460
Cf. G. CALABRESE, «comunione» in Dizionario di ecclesiologia, 270.

121
cette dynamique est une participation à la communion trinitaire, communion en
Christ et dans l’Esprit, elle est ferment, signe et sacrement de la nouvelle humanité et
de l’unité du genre humain461. D’ailleurs, cette catégorie dépasse toute intention
humaine mais rend possible par la grâce toute idéologie. Cependant, la catégorie est
encore nouvelle, elle a besoin d’un usage correct surtout en lien avec la Révélation et
ses conséquences socio-institutionnelles462. Elle fait encore son chemin. En fait elle ne
désigne pas la structure de l’Église, au contraire, elle manifeste son essence même.

3.6.1. Le mystère de Dieu et le mystère de l’Église

C’est Augustin qui, de manière profonde nous fait percevoir le mystère de


l’Église. Elle est en effet pour lui non seulement mystère mais le lien total des
sacrements, en tant que grand sacrement, elle célèbre les autres sacrements 463. En fait
comme le dit l’évêque d’Hippone, c’est le sacrement de Jésus Christ « de la même
manière que Jésus Christ est lui-même le sacrement de Dieu pour les hommes »464.
L’Église en tant que sacrement entre dans la dynamique missionnaire, Médiatrice des
grâces du Christ pour les hommes. Et R. Coffy peut alors dire à ce propos,

Dans l’église-sacrement, le salut réalisé est signifié par la vie des communautés par
l’existence des chrétiens, par les institutions (…) c’est dans la célébration des
sacrements que l’Église révèle son visage, elle dit le mystère de Dieu et le mystère de
l’homme. Il faut ajouter aussitôt que c’est dans le témoignage qu’elle porte au milieu
des hommes que les sacrements manifestent la puissance de Dieu agissant par le salut
du monde465.

461
Cf. Ibidem, 283.
462
Cf. Ibidem, 284.
463
Cf. V. A. D. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 159.
464
AUGUSTINUS, Epistola CLXXXVII 34 = PL XXXVIII 878.

122
Lorsque nous parlons de communion, nous faisons percevoir l’être profond de
l’Église et surtout aussi le mystère et sa mission dans le monde, puisque finalement la
catégorie de communion indique une communauté chrétienne, donc le sacrement du
règne de Dieu pris comme le temps et l’espace, le mystère même de la vie d’amour de
la Sainte Trinité. Cependant, c’est bien Jésus qui fait son Église, c’est donc lui qui en
fait la sacramentalité, elle est donc aussi sacrement de son Royaume 466. Cette
description a une suite de conséquences logiques. En fait, en suivant le Christ c’est
cheminer avec lui dans son Église, se nourrir des sacrements du Christ. Et ces
sacrements nous immergent dans le Christ, lui qui est sacrement du salut et dont le
sacrement des sacrements est l’Eucharistie. Car « le mystère de Dieu n’est autre
chose que le Christ »467.

Le concept de communion exprime la dimension trinitaire qui révèle le


mystère de l’Église. Elle, la communion, est d’abord sacramentelle et bien sur aussi
institutionnelle. Nous y trouvons la dimension hiérarchique ministérielle de l’Église
et dans cette logique, les charismes et les différents ministères ne sont plus en conflits
mais s’unissent pour signifier la communion ecclésiale. Et G. Calabrese d’ajouter,
«la comunione divina dono e ministero forma la comunione istituzionale e
garantisce, ne anima la dimensione storica e giuridica nella tensione escatologica
verso la realizzazione piena e definitiva del Regno di Dio»468. Une ecclésiologie de
communion n'a donc pas tout son sens que lorsqu’on conçoit le dessein de Dieu en
premier et la réponse que l’homme donne. En fait, l’unité dont il s’agit résulte de la
communication réelle de l’unité de la Trinité469.

465
R. COFFY-R. VARRO, Église, signe de salut au milieu des hommes, Éditions le Centurion, Paris 1972,
33.
466
Cf. Ibidem, 34.
467
AUGUSTINUS, Epistolae CLXXXVII 11= PL XXXIII 845 ; voir aussi J. RATZINGER, les principes de
la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Paris, Ed. Téqui, Coll, « croire et savoir » 1982 Trad.
Dom J. Maltier, 48.
468
G. CALABRESE, «Comunione» in Dizionario di ecclesiologia, 285.
469
Cf. B. D. de la SOUJEOLE, le sacrement de la communion, 119.

123
Cette unité est réalisée dans le Christ. C’est finalement le Verbe incarné qui
est en même temps la communication de cette unité divine et plus encore le terme
même de cette unité. C’est une ecclésiologie trinitaire qui a pour centre le Christ et
par conséquent l’Eucharistie. C’est en effet dans ce sacrement que l’unité se donne et
s’exprime en plénitude. En effet, « cette ecclésiologie pour ce motif ne sépare pas
l’unité dans la vie divine, et l’unité dans les manifestations tant personnelles que
communautaires de cette vie de charité de Dieu en forme le tout et la contrarier sur un
point diminue le tout »470. C’est le tout de l’Église qui est communion 471. On devra
donc insister fortement sur le fait que c’est la vie trinitaire elle-même en ce qu’elle est
unique qui communique et rassemble les hommes avec Dieu et entre eux. La
communion est un don à recevoir, l’unité n’est pas à faire. Et l’homme qui répond à
ce don, reçoit cette vie et y participe. En d’autres termes, dans la communion,
l’homme participe à la vie de Dieu. L’Eucharistie rend donc possible une telle réalité.
Cependant, c’est le Christ qui, par le sacrement de son Corps et son Sang, nous
introduits dans cette communion trinitaire 472. Et pour Ratzinger, cette communion
embrase tout le corps entier du Christ et c’est elle qu’il appelle Communio
Ecclesiarum, elle est une communauté fraternelle des croyants473.

L’Église a son essence dans le Christ. Elle reflète le visage du Christ et en


même temps le signe visible du Christ dans le monde. Valery Wilson l’exprime en
ces termes « le Christ est la voie que suit l’Église, il est le chemin que Dieu prend
pour venir vers nous mais aussi le chemin nécessaire et indispensable pour aller à
Dieu »474. C’est lui le Christ dont parlait saint Augustin en disant qu’il apprend à
vivre475. En fait, l’évêque d’Hippone exprime son ecclésiologie en la concentrant sur
la personne du Christ de qui l’Église est le signe et la lumière 476. Cette lumière qui
éclaire les hommes comme il est dit à l’entame de la Constitution Dogmatique sur
470
Ibid., 120
471
Cf. J. HAMER, l’Église est une communion, 125.
472
Cf. B. D. de la SOUJOLE, le sacrement de la communion, 118.
473
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 186.
474
V. A. D. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 162-163.
475
Cf. AUGUSTINUS, Sermo VII 2, 3 = PL XXXVIII 997-999.
476
Cf. Cf. AUGUSTINUS, Sermo VII 2,3 = PL XXXVIII 997-999.

124
l’Église, Lumen Gentium. C’est le Christ Total « l’unique et identique réalité que sont
le Christ et l’Église »477. Pour Augustin, le Christ Tête a pour corps l’Église tout
entière de tous les temps et de tous les lieux. Cette Église est le Corps du Christ et
« dont le Christ est la Tête »478. Le théologien africain entend donc bien dire que
l’Église est sacrement du Christ et il nous indique par le fait même que le salut
apporté par le Christ est universel479.

Le Docteur d’Hippone exprimé de façon étonnante le lien de complémentarité


entre la mission du Christ et celle de l’Église. Car en fait, c’est du Christ que l’Église
tire son énergie vitale. Et c’est dans l’Eucharistie. Une position que partagera bien sur
J. Ratzinger « l’Eucharistie constitue le fondement de l’Église : elle se constitue dans
le rassemblement eucharistique »480. L’Eucharistie est alors la source de communion
et d’unité dans la mission de l’Église. Et de plus, dans l’Église, c’est l’Eucharistie qui
nous incorpore et en même temps elle incorpore l’Église au Christ. Augustin en fait
une note synthétique « ce que le chrétien doit en effet redouter plus que tout, c’est
d’être séparé du Corps du Christ, car s’il est séparé du Corps du Christ, il n’est plus
membre du Christ, il n’est plus aimé par son Esprit »481.

3.6.2. La tension œcuménique et missionnaire

G. Calabrese nous livre une observation sur la tension œcuménique de l’Église


au sujet de la communion,

la comunione trinitaria, forma ed essenza del mistero della comunione ecclesiale,


sacramento universale di salvezza, è la ragione prima e ultima della stessa tensione

477
V. D. A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 163.
478
AUGUSTINUS, Enarrationes in Psalmo XC 2,1 = PL XXXVII 1159.
479
Cf. AUGUSTINUS, Civitate Dei X 6, 7= PL XLI 284-285.
480
J. RATZINGER, La gloire de Dieu aujourd’hui. Découvrez la pensée de Benoit XVI, Parole et Silence,
Paris 2006, 45.
481
AUGUSTINUS, In Ioannis evangelium tractatus XXVII 6, 7 = PL XXXV 1619.

125
missionaria della Chiesa, chiamata a essere segno e sacramento del Regno di Dio nel
mondo, a estendere la salvezza, la vittoria di Cristo, la signoria di Dio e il suo amore,
la sua comunione fino ai confini del mondo e fino alla fine della storia482.

Cette communion est celle du Père, du Fils et avec le Saint Esprit qui trouve
sa plénitude dans le Christ. Et la manifestation est rendue visible par l’Église qui
indique les deux dimensions de la personne du Christ, la nature divine et la nature
humaine. Cette réalité est assumée par le Christ, l’Unique Fils de Dieu et donc les
sacrements de baptême et de l’Eucharistie en sont l’incorporation 483. Le Christ est le
Chef de ce Corps. Cette communion est une réalité missionnaire en tant que, Dieu
dans son dessein salvifique veut que tous les hommes soient sauvés unis en Lui. Et
l’essence de la mission de l’Église est justement de faire du monde un seul troupeau
dont le Christ est l’unique Pasteur, c’est une exigence à laquelle l’Église ne peut se
soustraire, elle est constitutive de l’Église 484. En tant que sacrement, c’est-à-dire signe
universel du salut, elle doit annoncer la Bonne Nouvelle du salut et manifester la
victoire du Christ sur la Croix485. Elle n’est pas le salut, mais tous sont sauvés par elle
grâce à sa médiation. L’Église comme communion révèle et étend à tous les hommes,
cet amour qui existe entre les personnes de la Trinité. Et J. Ratzinger précise dans ce
sens, « le dialogue œcuménique est une exigence liée à la fonction médiatrice et à
l’action unificatrice de l’Église dans son ouverture au monde et à l’humain, en vertu
de la loi de l’Incarnation »486

La réalité de l’œcuménisme devra être enracinée dans l’annonce de la Parole


de Dieu. Car elle contient en elle les valeurs humaines pour toute l’humanité « de
sorte que toute culture authentique doit être en faveur de l’homme et s’ouvrir à la

482
G. CALABRESE, «Comunione», Dizionario di ecclesiologia, 285.
483
Cf. W. KASPER, l’Église catholique, 288.
484
Cf. Ibidem, 289.
485
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus-Christ et l’Église, 152.
486
Cf. J. RATZINGER in J. NORDJOE, Le mystère de l’Incarnation en rapport à l’histoire humaine et
ecclésiale. La contribution de M. D. CHENU à l’élaboration de la Gaudium et Spes, Pontificia
Università Urbaniana, Roma 2011, 103-104.

126
transcendance et à Dieu »487. En fait, l’Évangile va au-delà des barrières. Il les purifie
et fait rayonner l’amour de Dieu. La démarche œcuménique a pour finalité de
conduire les chrétiens vers l’unité de la Parole de Dieu « grâce à la fidélité, grâce à la
communion fraternelle, grâce à la prière et à la fraction du pain » (Ac 2, 42). En
effet, pour le pape allemand, il est question de chercher la vérité qui seule peut être
source de réconciliation et de conciliation488. Déjà l’évêque d’Hippone en son temps
était très attentif à l’unité de l’Église dans ses multiples enseignements. Surtout
encore dans cette polémique avec les donatistes et les pélagiens, il tenait ferment à
garder indivise l’Église du Christ mais engageait toujours un dialogue de conciliation
basé sur l’unité de l’incarnation et de l’Eucharistie489.

L’œcuménisme fait partie de la tension missionnaire de l’Église afin de rendre


tangible la communion. Il indique les chemins pastoraux et sociaux de la
collaboration. Cependant, il permet de purifier la mémoire car c’est un chemin de
conversion 490; il facilite l’élaboration d’un nouveau langage et une doctrine partagée
par toutes les Églises et les autres communautés chrétiennes 491. En fait, c’est la notion
de communion qui vient donner vigueur à une telle entreprise afin d’emprunter un
chemin nouveau et une vision commune et unitaire, structurelle et pragmatique,
cependant essentielles entre les différentes Églises et communautés ecclésiales 492.

Par ailleurs, Ratzinger conçoit la mission de l’Église comme ce qui lui permet
de redécouvrir sa nature profonde. La mission a pour lui une dynamique de
conversion qui engage à un témoignage de vie évangélique. Car en fait, l’ouverture à
Dieu constitue le fondement d’une possibilité d’ouverture au monde 493. En fait, « la
mission provient du mystère de Dieu, de son amour et doit conduire à Lui, elle a un
objectif précis : annoncer Dieu »494. L’Église est donc naturellement missionnaire du
487
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 155.
488
Cf. BENOIT XVI, Exhortation Apostolique Post-synodale, Africae Munus, n. 22.
489
Cf. V. D. A. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 155.
490
Cf. J. RATZINGER, Église, œcuménisme et politique, 112.
491
Cf. Ibidem, 113.
492
Cf. Ibidem, 115.
493
Cf. J. RATZINGER, Appelés à la communion, 123.
494
Cf. D. WAYMEL, Joseph Ratzinger et l’Église, 537.

127
fait même de son origine, laquelle mission est confiée au Fils par le Père et qui se
réalise dans l’Esprit Saint (Cf. AG n. 2). L’illustration la plus forte nous la trouvons
chez l’Évêque d’Hippone dans sa quête pour l’unité de l’Église contre les disciples de
Donat. La mission en fait est structurelle dans l’Église et en constitue une fonction.
« Elle est aussi et fait l’Église, même si elle ne révèle qu’un aspect. Toute l’activité
doit être mue par un élan missionnaire. L’Église missionnaire est régie par l’Esprit
Saint »495. Cette mission de l’Église vise le salut des hommes. La communion
ecclésiale trouve tout son sens et son fondement dans l’action des personnes
trinitaires qui est à son tour communion trinitaire. Ainsi, Augustin et Ratzinger,
fondant leur ecclésiologie sur le Christ, s’accordent sur la mission salvifique du
Christ, car l’Église est originellement et intrinsèquement liée au Christ « elle est
Maison de Dieu, Corps et Épouse du Christ ; elle est peuple de Dieu qui a pour Tête
le Christ Jésus »496.

3.6.3. La construction prophétique de l’unité du genre humain

Toute l’histoire du salut trouve son fondement dans le fait que dans son
dessein, Dieu veut rassembler toute l’humanité pour vivre en communion avec par
son Fils Jésus Christ. Et ainsi l’Église se trouve comme instrument pour réaliser ce
dessein, puisqu’elle et en elle se vit et se reflète la communion du Père et du Fils. De
fait, l’Église doit constituer, promouvoir et réaliser la fraternité humaine. Son rôle est
alors de manifester Dieu au monde, de l’annoncer, de le témoigner afin que tous
croient en servent l’unique Dieu en son Fils Jésus Christ par l’Esprit Saint qui les unit
et les unifie. La communauté chrétienne se donne pour tâche de proclamer l’Évangile
aux hommes, de vivre cet évangile qui transformera le monde entier. En effet, la
Concile Vatican II exprimait déjà une telle idée,

495
Cf. V. A. D. WILSON, Jésus Christ et l’Église, 116.
496
Cf. Ibidem, 119.

128
De même que Dieu a créé les hommes non pour vivre en solitaires, mais pour qu’ils
s’unissent en société, de même il lui a plus de sanctifier et de sauver les hommes non
pas isolement, hors de tout lien mutuel ; il a voulu au contraire faire un peuple qui le
connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté (LG n. 9) .

Bien sûr que la vocation à la communion de l’Église appelle la responsabilité


des croyants dans le but de transformer et réaliser des structures cohérentes à sa
réalité essentielle. Benoit XVI affirmait dans son Encyclique Caritas et Veritate que
« Paul VI comprit clairement que la question sociale était devenue mondiale et il
saisit l’interaction existant entre l’élan vers l’unification de l’humanité et l’idéal
chrétien d’une unique famille des peuples, solidaire dans une commune fraternité »
(Cf. CV n. 20). Le monde aspire à un certain sens à l’unité et à la fraternité
universelles, amis il perçoit dans le même temps que ce n’est pas là le but,

D’engagements personnels, mais qu’elles sont en un sens « données » ; la conviction


chrétienne, en effet est que cette unité puisse venir seulement quand on se convertit au
Christ. Toutefois, les efforts qui se font en de nombreux endroits quand ils proposent
de nouveau la présomption de la ‘Tour de Babel’, c’est-à-dire de construire l’unité du
monde en faisant abstraction de Dieu, pourraient se révéler tout à fait inefficaces et
porteurs d’une unité inachevée qui risque de s’écrouler sur elle-même (CV n.14).

En fait, s’ils sont sincères, ces efforts humains pourraient être des signes de
cette recherche d’unité que l’Église annonce depuis deux millénaires, en sachant bien
sur quel fondement elle doit s’appuyer pour demeurer solide. De fait, tel que nous
l’enseigne le catéchisme de l’Église Catholique, l’unité du genre humain à son origine
dans la création même en raison de son origine commune, le genre humain forme une
unité (CEC n. 362).

En plus, sur le plan de la Rédemption, Jésus fonde l’Église pour faire d’elle le
signe et les prémisses de l’unité du genre humain qu’il a racheté par son sang pour
qu’elle parvienne à son accomplissement l’œuvre du salut. On peut donc lire dans les

129
textes du Concile Vatican II « l’Église est dans le monde comme un sacrement de
l’union intime avec Dieu, et de l’unité de tout le genre humain : voilà la première fin
de l’Église…signe et instrument de la pleine réalisation de cette unité qui doit encore
s’accomplir » (cf. LG1). Ainsi le témoignage chrétien doit manifester la communion
avec Dieu dans la communauté ecclésiale et en même temps sollicite à maintenir la
tension à la fraternité dans la société, une communion universelle 497. C’est ce
témoignage et cette communion fraternelle vécus qui obligent et conduisent les
gouvernants et les autres de la société à pouvoir construire une civilisation de
l’amour498. En effet, dans cette logique tous sentiront la responsabilité de réaliser des
œuvres de justice et d’accueil et de paix, le faisant, ils pourront lutter au nom du
Christ, contre toute division et s’activer pour le respect de la dignité humaine, au nom
même de l’appel universel à la communion avec Dieu (Cf. CV n. 16).

Dans ce sens la catégorie de communion s’entend profondément comme une


reconstruction d’une société et une communauté plus unie et solidaire. C’est là le sens
prophétique de cette communion qui stimule à la création des institutions qui aident
au développement culturel, social, civile et religieux de toute l’humanité (Cf. CV n.
67).

Saint Augustin, dans la Cité de Dieu, avait posé le problème de l’unité du


genre humain en Jésus Christ. En effet,

Dieu prévoyait aussi un peuple pieux appelé par la grâce à l’adoption divine serait
associée aux saints anges dans la paix éternelle (…). A ce peuple il serait utile de
considérer le fait que Dieu a fait sortir le genre humain d’un seul homme pour montrer
aux hommes combien il appréciait l’unité de leur pluralité 499.

497
Cf. G. CALABRESE, «Comunione», 287.
498
Cf. Ibidem, 288.
499
AUGUSTINUS, De Civitate Dei XII 23, 25 = PL XLII 373-374.

130
En effet, Adam représente ce premier homme duquel nous descendons, mais en
réalité il préfigurait le Christ ressuscité autour de qui sera réalisée l’unité définitive.
Le Christ est mort pour nos péchés et cet évènement vient garantir l’unicité de tous
les évènements. Il est le Médiateur entre la temporalité humaine et l’éternité divine, il
possède ainsi un double statut, Dieu sans commencement et homme depuis un
commencement. C’est le Christ, Nouvel Adam qui est cet accomplissement. Étant le
seul à échapper à l’origine viciée, il peut donc réparer pour l’humanité les traces de
son origine pécheresse500. Il assure enfin l’unité du peuple chrétien, corps dont il est
la Tête « Avec leur Tête qui est montée au ciel, les chrétiens ont un seul Christ ; il ne
faut pas comprendre que lui est unique et que nous sommes beaucoup, mais que nous
aussi, nous sommes beaucoup, nous qui sommes en Lui, qui est unique »501.

De même que l’unité d’Adam faisait signe vers l’unité du genre humain,
l’unicité du Christ assume l’unité de l’Église. Cette unité est aussi synonyme d’unité
et de sociabilité qu’illustre le premier homme et qui prend la figure de la concorde
chez leurs descendants. L’Église, en tant que signe et instrument de communion, n’a
pas de fin en elle-même, elle sert d’instrument de rédemption et la recherche de
l’unité de l’espérance et le salut, elle est donc dans ce sens modèle de communion de
tous les hommes et de tous les peuples (Cf. AG n. 11).

Et Maximilian Heim en commentant J. Ratzinger affirme,

In accordance with her divine mission of renewing all things in Christ, the Church has
the task of being sacrement for the world, so as to prepare for the definitive kingdom
of God. Her commitment to justice and peace and to a new civilisation of love is
consequently a fundamental perspective for the Church today. Prcesily as a communio
unity, as unity in reconciled diversity, the Church is the messianic people, the
universal sign of salvation502.

500
AUGUSTINUS, De Trinitate IV14,19 = PL XLII 901.
501
AUGUSTINUS, Enarrationes in Psalmo CXXVII 3 = PL XXXVII 1679.
502
M. H. HEIM, Joseph Ratzinger, 288.

131
CONCLUSION GENERALE

Au terme de notre entreprise sur l’ecclésiologie de communion dans la pensée


de saint Augustin et de J. Ratzinger, il convient de retenir que la catégorie de
communion désigne la réalité vivante et profonde de l’Église. Elle est fondée par
l’amour trinitaire, manifestée dans la célébration eucharistique qui illustre
profondément le Corps du Christ qu’anime l’Esprit Saint et dont la charité fraternelle
est le vécu quotidien des chrétiens, membres de ce Corps et qui a pour tête, le Christ.

Cette pensée de saint Augustin révèle que la finalité de la communauté


chrétienne c’est la charité qui fait de nous des frères en Christ, membres d’une seule
Église qui est le Corps du Christ. Et dans cette Église, c’est le Christ lui-même qui en
est la Tête et nous, les membres de son Corps. Cette logique conduit Augustin à
déduire son argument du Christ Total (Christus totus), tête et membres, au point où il
pourra dire qu’il ne peut guère être possible d’appartenir à la tête sans appartenir aux
membres. D’ailleurs il va plus loin dans l’identification du Christ à l’Église, car pour
lui, les deux sont une seule personne. Par conséquent se séparer de l’Église équivaut
chez le saint d’Hippone à se séparer du Christ par le fait même. Le Christ Total dit-il
de façon incisive, c’est le corps et la tête.

132
L’on comprend bien par ces mots de l’évêque africain, toute la pertinence de
l’union des chrétiens et du Christ à l’intérieur de l’Église qui est son Corps. Et ce
projet, Augustin l’a défendu pendant tout son ministère épiscopal et surtout dans sa
polémique avec les donatistes. Et de fait, lorsqu’il convoque la notion de Caritas, il
veut encore insister sur la réalité de la vie chrétienne qui nous unit entre nous et nous
unit à Dieu. La même relation profonde se voit lorsqu’il appelle l’Église, la Caritas.
En réalité, l’Église est Caritas ; elle est l’âme de la communauté chrétienne qui met
les membres en relation et en marche vers Dieu car Dieu lui-même est Caritas dira J.
Ratzinger à la suite d’Augustin. Dans cette optique, l’Église se comprend comme le
fruit de l’amour de Dieu pour les hommes. C’est un tel amour qui nous a valu le
Rédempteur, Jésus-Christ, que Dieu a envoyé pour sauver les hommes et les unir à
Lui. L’Église est ainsi le prolongement de cet amour de Dieu au milieu du monde.
Puisque Dieu n’a pas voulu que l’homme soit sauvé en solitaire, isolement, mais dans
une communauté de frères. L’Église devient donc pour le monde, le sacrement du
salut. Il se perçoit dès lors toute la pensée augustinienne sur l’Église. En effet, à
chaque fois qu’il cherche Dieu, il passe par Jésus-Christ, qui est d’ailleurs le cœur de
sa découverte503. Tout son cœur de pasteur est porté à la recherche et à la sauvegarde
de l’unité de l’Église, Corps du Christ, peuple de Dieu et Épouse du Christ.

J. Ratzinger, à la suite de l’Hipponate, a le même zèle pastoral que son maître.


On peut de ce fait comprendre pourquoi le Christ est le centre de leurs réflexions
respectives. Chez lui, on doit concevoir l’Église de deux manières : « le Christ
confère sa mission à l’Église. L’Église apporte le Christ aux hommes »504. Nous
avons montré dans le corps du travail comment le théologien allemand met en branle
toute la théologie du Dieu Amour qu’il puise inextricablement de son ecclésiologie
eucharistique. De fait, c’est Dieu qui s’offre à nous dans l’Eucharistie et nous nourrit
et en même temps, nourrit son Église. C’est donc dans la célébration de ce mystère
que se manifeste visiblement l’Église, une assemblée liturgique constituée. Elle réunit
les hommes, les lie entre eux et simultanément au Christ. Et par extension, tous les
503
Cf. V. D. A WILSON, Jésus Christ et l’Église, 230.
504
Cf. Ibid.,232

133
chrétiens qui célèbrent ce mystère partout sur la terre sont en communion, les uns
avec les autres. Voilà le mystère de la communion ecclésiale. Tout comme Augustin,
J. Ratzinger trouve la source de la communion dans la Sainte Trinité. En effet, l’esprit
et le Corps du Christ, ouvrent à J. Ratzinger, le mystère trinitaire de l’unité de
l’Église, unité qui se saisit universellement. Et dans ce sens, la totalité de l’Église se
réalise dans chaque célébration eucharistique puisque l’universalité elle-même chez le
pape allemand, a une base eucharistique505. De fait, le théologien bavarois, reconnaît
dans la communion eucharistique, cette ecclésiologie des Pères qui est devenue le
cœur de la Constitution Lumen Gentium, et la voie de prédilection de sa propre
pensée ecclésiologique.

L’ecclésiologie de communion devient dans la ligne de nos auteurs un concept


en opposition avec le modèle de fonctionnement de l’Église qui obstrue l’essence de
l’Église comme mystère. L’Église trouve, chez J. Ratzinger, sa grande expression
dans l’action liturgique pendant laquelle les fidèles peuvent participer activement.
Cette action liturgique ne saurait être comme le dit J. Ratzinger, faite par la
communauté, au contraire elle doit être une œuvre communautaire 506. C’est l’œuvre
du Christ que personne ne pourrait prendre pour soi-même. Elle est
l’accomplissement de son œuvre salvifique dans la communion du Père dans l’Esprit
Saint. Et c’est dans ce sens que le Christ dans l’Eucharistie construit l’Église comme
son Corps et par ce corps, transparaît notre communion avec lui et avec Dieu Trinité
et en même temps une communion avec les frères. Cette communion, pour Augustin
et J. Ratzinger, se trouve exprimée dans cette réflexion : « l’Église est le peuple de
Dieu qui vit du Corps du Christ et qui devient elle-même le Corps du Christ dans la
célébration eucharistique »507.

L’ecclésiologie de communion qui est aussi proprement l’ecclésiologie


eucharistique se comprend dans le sens où l’Église n’a tout son statut que par son
union au Christ. Toute la réalité de la communion qui se conçoit alors ici ouvre des
505
Cf. M. H. HEIM, Joseph Ratzinger, 502.
506
Cf. J. RATZINGER, Esprit de la liturgie, 172.
507
J. RATZINGER, Peuple et maison de Dieu…, 211-215.

134
perspectives à une humanité réconciliée. La communion pour Augustin et J.
Ratzinger, est une mission tout autant qu’elle définit la réalité de l’Église. La
construction du Corps mystique en est la finalité, elle qui engage un dialogue avec les
autres familles chrétiennes et nous décide à une civilisation de l’amour. Car en fait, la
communion consiste en cette joie dont parle l’apôtre Jean dans son épître : « ce que
nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons afin que vous soyez en communion
avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus-
Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète » (1Jn 1, 3
ss). En fait, c’est dans et par l’Église que se réalise le dessein du Père, elle porte le
témoignage au monde et sa mission consiste en la réconciliation des hommes et des
femmes dans le Christ. Ainsi, la communauté des chrétiens devient la fraternité des
disciples du Christ. De plus, c’est dans la communauté que se réalise la mission que
Dieu a confiée à l’Église. Elle est une affaire communautaire et se manifeste dans une
synodalité authentique508. Cet appel incombe à tous dans l’Église, chacun selon son
état. Nous voulons parler ici d’une communauté de rapports.509

Il en découle alors ceci que la communion exige qu’on passe d’une


concentration des responsabilités entre les mains d’un petit groupe à une pluralité de
services. Cependant, elle concerne aussi et surtout « des liens de communion intime
quant aux richesses spirituelles et aux ouvriers apostoliques » (LG n. 13). De surcroît,
comme l’a si bien mentionné J. Rigal, « l’amour fraternel, la réconciliation, la
communication, la réciprocité, le partage, constituent une dimension de la catholicité
de l’Église »510. De fait, la mission de communion va au-delà de l’institution
ecclésiale. La communion se comprend comme une bonne nouvelle et une promesse
adressée à l’homme du monde de ce temps. Dieu veut que les hommes soient en
communion entre eux pour la réalisation du salut : « Il a plu à Dieu que les hommes
ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel. Il a

508
Cf. J. RIGAL, Mystère de l’Église, 215.
509
Cf. Ibidem, 216
510
J. RIGAL, Ecclésiologie de communion, 69.

135
voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait
dans la sainteté » (LG n. 9).

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TABLES DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE...........................................................................................1
CHAPITRE I : L’ÉGLISE DANS LA PENSEE DE SAINT AUGUSTIN........................5
Introduction partielle.........................................................................................................5
1.1. La genèse de la pensée ecclésiologique de saint Augustin....................................5
1.1.2. La querelle anti-donatistes.......................................................................................7
1.1.3. Homélies sur l’Évangile de saint Jean...................................................................11
1.1.4. Commentaire sur la première Épitre de saint Jean.............................................15
1.1.5. La Cité de Dieu.......................................................................................................16
1.1.6. De Trinitate.............................................................................................................21
1.2. L ’ecclésiologie augustinienne autour des notions de Peuple de Dieu, Maison
de Dieu, Corpus Christi, Civitas Dei et Caritas................................................................25
1.2.1. L’Église comme Maison de Dieu...........................................................................25
1.2.2. Église comme Peuple de Dieu..........................................................................29
1.2.3. L’Église-Corpus Christi....................................................................................33
1.2.4. L’Église comme Caritas..........................................................................................38
Conclusion partielle.........................................................................................................41
CHAPITRE II : L’ECCLÉSIOLOGIE DE RATZINGER...............................................42

144
2.1. La formation de la pensée ecclésiologique de J. Ratzinger.....................................44
2.1.1. Les sources patristiques.....................................................................................44
2.1.2. L’héritage augustinien.......................................................................................47
2.1.3. Lecture ratzingérienne de Mystici Corporis de Pie XII....................................49
2.1.4. L’apport de Henri de Lubac : Corpus Mysticum..............................................51
2.1.5. La question centrale du discours de l’Église dans Catechismus Romanus.....52
2.2. Les concepts de l’ecclésiologie de J. Ratzinger........................................................55
2.2.1. L’Église désignée comme « Ekklesia »..................................................................55
2.2.2. La découverte du symbolisme des Douze dans la pensée de J. Ratzinger......57
2.2.3. Les notions du Corps du Christ et Épouse du Christ chez Ratzinger................58
2.2.4. La redécouverte du peuple de Dieu et dénonciations ratzingériennes des
déformations de la notion du peuple de Dieu.................................................................62
Conclusion partielle.........................................................................................................67
CHAPITRE III : LA COMMUNION CHEZ SAINT AUGUSTIN ET JOSEPH
RATZINGER.......................................................................................................................69
Introduction partielle.......................................................................................................69
3.1. La question fondamentale de la communion...........................................................70
3.1.1. La Koinȏnia dans l’Écriture..................................................................................70
3.1.1.1. Chez saint Paul................................................................................................70
3.1.1.2. Chez saint Jean................................................................................................72
3.1.2. La communion dans la tradition de l’Église.....................................................75
3.2. Communion : fondement de la vie de l’Église.........................................................76
3.2.2 L’Eucharistie source et sommet de la communion dans l’Église.....................83
3.2.3. La redécouverte de la notion du peuple de Dieu..............................................91
3.2.4. Le sens sacramentel du corps du Christ...............................................................94
3.3. L’Église temple de l’Esprit Saint...........................................................................103
3.4. La notion de Caritas au cœur de la communion ecclésiale...................................108
3.5. Les instances de communion dans l’Église............................................................111
3.5.1. L’Église universelle et les Églises locales........................................................112
3.5.2. La collégialité et la synodalité..........................................................................117
3.6. La question de la communion aujourd’hui...........................................................120
3.6.1. Le mystère de Dieu et le mystère de l’Église..................................................121

145
3.6.2. La tension œcuménique et missionnaire.........................................................125
3.6.3. La construction prophétique de l’unité du genre humain.................................127
CONCLUSION GENERALE...........................................................................................132
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................136

146

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