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Louis Bouyer: Une vie sous le signe de l'œcuménisme

Author(s): Jacques Servais


Source: Gregorianum , 2007, Vol. 88, No. 2 (2007), pp. 387-406
Published by: GBPress- Gregorian Biblical Press

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/23582471

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Gregorianum 88, 2 (2007) 387-406

Louis Bouyer
Une vie sous le signe de l'oecuménisme

Tout semblait prédestiner Louis Bouyer à jouer un ròle centrai dans ce


que le Concile Vatican II a reconnu comme un de ses buts principaux, et ce à
quoi Benoit XVI non moins que Jean Paul II s'est donné pour tàche de tra
vailler infatigablement: «promouvoir la restauration de l'unité entre tous les
chrétiens».1 L'oecuménisme, confesserà notre auteur en 1979, dans ses entre
tiens avec Georges Daix, fut «un des intérèts les plus constante de mon exis
tence». «Lorsque j'étais encore protestant et que je n'avais pas la moindre
idée que je pourrais ètte un jour catholique, il me semblait cependant que la
division des Églises chrétiennes était quelque chose de scandaleux, d'absolu
ment contrarre à tout esprit du Christ et du Nouveau Testament».2 Né à Paris,
de parente protestante, le 17 février 1913, Bouyer devint pasteur luthérien en
1936. Trois ans plus tard, lors d'un séjour d'étude et de réflexion dans une
abbaye bénédictine, il demanda d'ètre re?u dans l'Église catholique et il entra
quelques années après dans l'Oratoire où il fut ordonné prètte le 25 mars
1944. Il mourra dans sa ville natale, le 22 octobre 2004, au terme d'une longue
carrière de théologien, léguant à la postérité une cinquantaine d'ouvrages
animés d'une intention profondément oecuménique.3
Ce ròle, Bouyer ne le jouera pas, si du moins on en juge sur les appa
rences.4 Il n'est pas impossible que ses dissensions vis-à-vis du Centre

1 Concile Vatican II, Unitatis Redintegratio, η. 1. Cf. Jean Paul II, Ut unum sint, nn. 3-4 ;
Benoit XVI, Tu es Petrus (20.04.2005), n. 5. Le Pape Ratzinger a obtenu, gràce au discours tenu
deux mois après son élection, devant la délégation orthodoxe venue à Rome pour la fète des
saints Pierre et Paul, la reprise du dialogue de la commission théologique catholique-ortho
doxe, interrompu depuis 2000, lors de la réunion de Baltimore.
2 L. Bouyer, Le Métier de théologien. Entretiens avec Georges Daix, Paris, 1979 - Genève,
20052,169 (dorénavant: Métier). La plupart des détails biographiques mentionnés dans la suite
sont tirés de cet ouvrage, dont nous citons la seconde édition augmentée.
3 On trouvera un portrait suggestif de l'auteur dans J. Duchesne, «Qui a encore peur de
Louis Bouyer?» in Communio 30/1 (janvier-février 2005) 73-84.
4 Bouyer ne fut pas invité comme expert du Concile Vatican II. Yves Congar, dans Mon

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388 JACQUES SERVAIS

National de Pastorale Liturgique, d


plus encore son frane-parler con
l'oecuménisme à cette époque, lu
romains. Quoi qu'il en soit, son oe
dans la construction ou la restaur
communautés ecclésiales séparé
écrire qu'elle était comme l'accom
cecuménique, resterà encore longt
faire le bilan d'un labeur immense
traditions occidentales et oriental
spirituel, John H. Newman. Dans
rons d'indiquer quelques balises. D
céder à une évaluation critique de
actuelle et des questions encore ou
communautés ecclésiales en recher

L'empreinte de la spiritualité pr

Dès sa jeunesse, Bouyer entretin


vinistes de l'Église réformée de
mouvement oxfordien de l'anglica
raconte-t-il, lui inculquèrent que
que si elle se traduit dans une san
théologien calviniste Auguste Lecerf, qui enseignait à la faculté de
Théologie de Paris, joua, confesse-t-il encore, un ròle important dans son
itinéraire spirituel : «il m'a admirablement montré comment la recherche
de la vérité doctrinale doit s'accompagner à la fois d'un souci rationnel très
exigeant, très critique, et d'une attitude d'esprit essentiellement religieuse,
essentiellement de Foi».8 Des seconde il recueillit l'enseignement que l'as

journal du Concile (2 tomes, Paris, 2002), mentionne le fait qu'en 1961-1962, il fut consulteur
de la Commission préparatoire des études et des séminaires et qu'en 1963 il travailla avec lui
au «De Ecclesia»; il révèle encore qu'en juin 1964, il fut re<;u avec le p. Duprey par le Pape Paul
VI, pour y parler des questions oecuméniques. Il ne semble pas qu'il ait été appelé par la suite
à participer aux actìvités du Conseil pour l'Unité des Chrétiens.
5 H.U. von Balthasar, «Vorwort» dans L. Bouyer, DieKirche, voi. I, Einsiedeln, 1977,11.
6 Cf. W. Kasper, «La teologia ecumenica. Situazione attuale» in D. Valentini (ed.), In cam
mino verso l'unità dei cristiani, Roma, 2005, 261-278. Comme son ami H. de Lubac, L. Bouyer
entend le terme «catholique», non point au sens confessionnel retreint, mais au sens théolo
gique d'une corrélation radicale du particulier et de l'universel.
7L. Bouyer, La spiritualité orthodoxe et la spiritualité protestante et anglicane, Paris 1965,119.
8 Métier, 25.

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LOUIS BOUYER 389

surance d'une action tout intérieure du Saint-Esprit dans les àmes


croyantes lie organiquement ces deux aspects que les traditions réformées
ont eu tendance à séparer : la justification par la foi et le changement du
coeur, la conversion, la vie changée. Par là méme il était d'emblée mis à
l'abri de l'illusion néfaste que pouvait entralner la prédestination calvinis
te, là surtout où, comme chez Whitefield, elle était combinée avec une pré
dication de la conversion transformante. L'assurance de mon salut par la
foi, comprit-il très tòt, «n'est valide que dans et pour l'instant présent, [...]
elle doit donc nous maintenir et dans l'espérance d'une gràce de persévé
rance qui ne nous est jamais due, et dans l'effort de prière constante et de
sanctification progressive (par l'obéissance de la foi) sans laquelle nous ne
saurions l'espérer».9 Bref, il apprit des uns et des autres que la certitude de
la prédestination personnelle est intimement unie au contenu dogmatique,
objectif, de la foi et aux exigences de transformation intérieure du fidèle.
Quand, dans les années 30, après une licence de lettres à la Sorbonne,
il s'orienta vers le ministère ecclésiastique, il décida de devenir pasteur de
l'Église luthérienne, une communauté qui, dans son pays, était en minori
té. Le motif qui le poussa à ce choix atteste la sensibilité oecuménique de
notre auteur : cette communauté ecclésiale garantissait mieux à ses yeux
une certame continuité avec ce qu'il considérait comme l'Église de tou
jours. L'influence de l'exégète Oscar Cullmann fut à cet égard déterminan
te : il «m'a aidé» écrit-il, «à voir comment l'Église du Nouveau Testament est
visiblement en continuité avec l'Église des Pères car c'est déjà une Église
avec une Foi tout à fait définie, avec une vie sacramentelle, et une Église en
qui c'est véritablement l'esprit qui se manifeste en amenant la conscience
collective des chrétiens à épouser, si Fon peut dire, l'expression de Dieu à
travers cette conscience humaine qu'a été la conscience de Jésus de
Nazareth».10 La découverte, à travers l'étude approfondie du Nouveau
Testament, de la structure essentiellement sacramentelle de l'Église tradi
tionnelle amena Bouyer à porter toujours plus son attention sur la liturgie,

9 Ibid., 254. «Par là», poursuit l'auteur, parlant de Wesley lui-mème mais sans cacher sa
propre affinité à l'égard de sa doctrine, «il rejoint non seulement la doctrine catholique, mais
les formes de celle-ci, comme le molinisme, qui font la plus large part à la libertà humaine.
Saint Ignace de Loyola, d'ailleurs, sera pour lui, selon son expression, Tun des plus grands
hommes de l'histoire chrétienne"».
10 Métier, 25. En 1936, trois ans avant sa conversion, il publie un livre, Le Quatrième Évan
gile (19552; 19563; 19634), dans lequel, dans la foulée de ce maitre, alors professeur à la Faculté
protestante de théologie de Strasbourg, il traduit et commente l'évangile de Jean en en souli
gnant, en référence constante à la tradition vivante du Nouveau Testament dont les Pères de
l'Église sont les héritiers et les interprètes dignes de foi, le caractère sacramentel et ecclésial.
Voir aussi l'article de l'auteur: «L'oeuvre exégétique d'Oscar Cullmann et le problème eschato
logique» in La Vie intellectuelle 1948/3, 22-24.

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390 JACQUES SERVAIS

un intérèt qui avait été, du reste,


«Mes parente», se souvient-il, «avaient été très influencés par M.
Schaffner, un pasteur luthérien de la paroisse de l'Ascension, près de la
gare Saint-Lazare à Paris. Celui-ci avait le souci - assez exceptionnel avant
la guerre de 1914 dans le milieu protestant frangais - de garder ou de réta
blir le contact du protestantisme, et spécialement du protestantisme
luthérien, avec la tradition liturgique de l'Église indivise».11 Le jugement
que, plus tard, devenu catholique, l'auteur porterà sur la liturgie telle qu'il
la connut alors, resterà fondamentalement positif: dans la messe luthé
rienne, «tout ce que la piété médiévale populaire gardait de positif se
trouvait non seulement conservé mais enrichi, tant par l'audition méditée
de la Parole de Dieu que par la communion redevenue fréquente et
comme une partie normalement intégrante de la célébration».12 À l'origi
ne le luthéranisme avait en effet conservé à peu près intégralement l'ex
térieur du eulte catholique, mais il avait tàché de le rénover par l'intro
duction d'éléments aptes à en faire une liturgie réellement populaire, par
exemple «la lecture (ou le chant) des legons de l'Écriture en langue vul
gaire, avec un sermon homilétique sur ces textes (dont on retiendrait tou
jours le choix ancien)».13
L'ouverture d'esprit dont témoigne Bouyer dans les années précédant
son passage au catholicisme, n'est pas seulement due à son caractère ou à
son éducation chrétienne. Les débuts de son adolescence coì'ncident avec
la naissance du mouvement oecuménique moderne. Il suivit le développe
ment des deux organisations, Life and Work (Conférence de Stockholm, en
1925, présidée par l'archevèque luthérien d'Uppsala, Nathan Sòderblom) et
Faith and Order (Conférence de Lausanne, en 1927, présidée par l'évèque
de l'Église épiscopalienne, c'est-à-dire anglicane, des États-Unis) qui se
donnaient pour but le rapprochement des chrétiens. Comme on sait, de ces
organisations qui fusionneront après la seconde guerre mondiale, la pre
mière se proposait de promouvoir l'unité au pian d'un travail d'action
sociale chrétienne commun tandis que la seconde visait directement à
retrouver l'unité au pian de la foi et de la structure sacramentelle de l'Égli
se. Ce qui, d'emblée, motiva Bouyer à sympathiser avec ce mouvement, ori
ginaire des Églises de la Réforme, ce fut, à nouveau, l'espoir de redécouvrir

11 Métier, 21.
]2 La spiritualité orthodoxe, 104-105. «À ceci l'on doit ajouter », poursuit l'auteur, «l'enri
chissement indéniable que représentait le chant quotidien ou la récitation d'offices de matines
et de vèpres en langue vulgaire [...], avec d'abondantes legons bibliques rétablies à la place des
capitules médiévaux», et surtout «le produit le plus neuf de la Réforme de Luther: c'est-à-dire
le chant choral» (Ibid105).
13 La spiritualité orthodoxe, 103.

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l'Église traditionnelle, s
mouvement d'Oxford, av
dès le XIXe siècle.14
À travers la mère, qui avait longtemps vécu en Angleterre, la famille du
jeune Bouyer avait beaucoup d'amis dans les milieux anglicans. Quand
celui-ci commenga ses études à la faculté de Théologie protestante du bou
levard Arago, à Paris, il chercha tout naturellement à intensifier des contacts
avec ces milieux. Son attrait pour la liturgie, et la spiritualité dont elle est
l'expression, le conduisit à interroger, comme Newman, la tradition de l'É
glise ancienne. Tout en appréciant comme ils le méritent les grands prin
cipes de la spiritualité protestante - il retiendra surtout par la suite «l'auto
rité première et fondamentale des Écritures, la religion personnelle fondée
sur la justifìcation par la Foi dans la gràce de Dieu»15 -, il avait l'intuition que
ceux-ci ne pouvaient donner tout leur fruii qu'à l'intérieur de l'organisme
vivant de l'Église. «J'avais déjà très fortement le sentiment que ces principes
protestante étaient bons, traditionnels, conformes au Nouveau Testament
et à toute la grande tradition médiévale et des pères avant les médiévaux et
que c'était par un accident que leur nouveau développement au XVIe siècle
avait coì'ncidé avec un schisme et finalement avec des hérésies».16 Dès les
premières expériences du ministère, la question de la continuité des
Communautés protestantes nées de la Réforme avec l'Église authentique,
celle voulue et fondée par le Christ, se posa à lui de fagon tout à fait vitale.
L'abandon de l'épiscopat de la part de ces Communautés avait causé,
s'apergut-il toujours mieux, la perte de cette continuité, ce qui rendait leur
existence plus ou moins schismatique et mettait en cause, à ses yeux, son
ministère-mème. Pareils doutes furent confirmés par la lecture d'un opus
cule, clair et dense, datant des années 30, The Gospel and the Catholic
Church, du à un théologien anglican, le Dr Michael Ramsey, futur arche
vèque de Cantorbéry. Ce grand livre, pergut l'auteur, exposait la vision d'«un
oecuménisme protestant-catholique congu comme la réintégration dans
l'Église authentique, à l'Église qui se développe dans l'histoire comme un
ètre vivant à partir du Christ, dans la puissance de l'Esprit, des grandes

14 Sur ce mouvement, dont les représentants les plus connus sont Edward Pusey, John
Keble et bien sur Newman, qui passa en 1845 à l'Église catholique, Bouyer aura probablement
lu très tòt, outre l'Apologia de ce dernier (1864) et le mémoire de R. W. Church, The Oxford
Movement (1891), l'histoire du luthérien suédois Y. Brilioth, TheAnglican Revival (1925).
15 Métier, 23. Nous reviendrons plus loin sur ces thèmes, qui sont au centre de ses deux
études consacrées au protestantisme: Du protestantisme à l'Église, Paris, 1954,19592 et Parole,
Église et sacrements dans le protestantisme et le catholicisme, Paris 1960,19912.
16 Métier, 23-24.

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intuitions du protestantisme».17 S
oecuménisme viable est l'effet du maximum de tension harmonieuse entre
d'une part l'Église héritée du Christ et des apótres, pleinement consciente des
gràces qui lui procurent à la fois son existence propre et sa mission spécifìque
dans le monde, et d'autre part la Parole de Dieu, transcendante, dont l'Église
elle-mème n'est jamais que l'instrument au service de cette mission.
Dans la mème ligne de pensée, il faut signaler le nom du grand théolo
gien et penseur chrétien du siècle dernier, Newman. Bouyer n'exagère pas
en parlant, avec son humour habituel, de l'influence «énorme, exercée sur
moi alors par un mort, mais un mort qui est toujours vivant».18 Il écrira sur
lui sa thèse de baccalauréat et il publiera par la suite de nombreux livres ou
articles qui attestent l'importance que revét pour lui cette figure.19 Chez lui
comme chez Ramsey, il découvre ce que signifie l'effort pour discerner de
fagon critique les éléments bons du mouvement protestant et les dévelop
per, les intégrant réellement, en une synthèse vraiment organique, dans les
sources les plus authentiques de la Tradition de l'Église du Nouveau
Testament et des Pères. De nouveau, ce qui le frappe, c'est le ròle que joua
la liturgie dans sa réflexion théologique. Dans la liturgie, selon Newman, on
trouve l'expression vivante de l'Écriture telle que les Pères l'ont interprétée,
en mème temps que de la mise en oeuvre de ce qui en fait l'objet : la réalité
que la Parole de Dieu communique à l'Église dans l'aujourd'hui de son
expérience spirituelle. En 1945, Bouyer relatera un souvenir de Mary
Newman, contenant la réponse significative de son frère qu'elle interrogeait
à propos de son intérèt si prodigieux pour les Pères. «Les Pères», lui explique
John Henry, «nous font saisir directement ce qui constitue les grands objets,
les grands thèmes, les grandes réalités dont parie l'Écriture et [...] nous en
transmettent l'expérience vécue. Ils nous la transmettent justement avant
tout à travers l'expérience liturgique qu'ils ont fagonnée».20 Que les Pères

17 Métter, 24 ; cf. L'Église de Dieu Corps du Christ et Tempie de l'Esprit, Paris, 1970,178.
18 Métter, 25.
19 L. Bouyer, «Newman et le platonisme de l'àme anglaise» in Revue de Philosophie (1936)
285-305; «Actualité de Newman et de sa conversion (1845-1945)» in La Vie intellectuelle 10
(1945) 6-29; «Un Pèlerinage newmanien» in La Vie spirituelle 73 (1945) 418-428; Newman. Sa
vie. Sa spiritualité, Paris, 1952; en collaboration avec H. Tristram et M. Nédoncelle: Textes
Newmaniensr. Écrits autobiographiques, voi. 2, Révision, notes et avant-propos par L. Bouyer, et
Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, voi 4, Introduction de L. Bouyer, notes de
A. Pompen et de L. Bouyer, Paris, 1956; «Newman, le monachisme et saint Benoìt» in
Collectanea Cisterciensia 42 (1980) 244-255; Newman's Vision ofFaith. A Theology for Times of
General Apostasy, San Francisco, 1986 (trad. fr. Le mystère de la foi. Une théologie pour un temps
d'apostasie, Genève, 2005 ; une traduction de la Préface de ce livre était parue précédemment,
sous le titre «Actualité de Newman» in Communio 12/3 [1987] 115-122).
20 Métter, 62. Cf. «Le souvenir de Mary Newman» in Études 246 (1945) 145-159.

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LOUIS BOUYER 393

ont donné sa forme fond


la fois l'interprétation tr
tion de sa vivante réalité
d'un bout à l'autre de sa
Dans son effort pour ré
étude approfondie des so
seuil de l'Église catholiq
éléments positifs du prot
re la rénovation en prof
sera, un siècle plus tard,
1939 dans l'Église. On rev
tisme à l'Église, mais co
spiritualité orthodoxe, il
l'influence qu'exercèrent
russe.

La rencontre avec la théologie orthodoxe

Durant ses études de théologie à la faculté protestante de S


puis son premier ministère à Paris, comme vicaire à la paroiss
de la Trinité, Bouyer rédigea sa thèse de licence sur la not
comme corps du Christ dans la théologie de l'Incarnat
Athanase. Dans cette étude patristique que le p. Yves Congar a
1943 dans sa collection Unam sanctam," il s'efforgait de mett
ce le lien inséparable de l'ecclésiologie et de la christologie
commente-t-il, de «montrer comment chez les Pères [...] la do
glise est absolument inséparable [...] de la vision du Christ, de
ne peut opposer le Christ à l'Église».22 Il est possible que l'aut
vert Athanase par l'intermédiaire d'un éminent théologien,
plus grand esprit de toute l'orthodoxie luthérienne du X
Johann Gerard (1582-1637), disciple du célèbre Johann Arndt
la spiritualité duquel il offrirà comme la justification théolog
oeuvre, qui constitue une véritable somme du luthéranism
sente, selon Bouyer, une compréhension tout à fait exception
vers intellectuel et spirituel des Pères grecs, notamment d
d'Alexandrie. «Comme Érasme», estime l'auteur, «mais ave

21 L'Incarnation et l'Église-Corps du Chrìst dans la théologie de saint Atha


22 Métter, 31.
23 La spirìtualité orthodoxe, 139.

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394 JACQUES SERVAIS

fondeur, il sera, avec le Frangais


à redécouvrir le principe fécond
tique: l'interprétation par rapport
son application au chrétien dans l
Ce que Bouyer cherche et ce qu'
ce dont il ressent le manque chez l
Calvin, dans les éditions postérieu
gné, notera-t-il plus tard, l'impor
des croyants parce que mère de le
restée somme toute assez déceva
modèle supposé donné dans l'Écr
continuité et d'une croissance org
par la succession régulière des évè
tant à leur tour une mission perso
congue il ne voit pas comment l
essentiellement ce qu'il sent qu'ell
historique, croissant organiqueme
que le «corps du Christ» s'entend
mais par elle, de l'humanité entièr
de Dieu a fait sien par son incarna
tous les hommes sont appelés à dev
Les années 1930, où Bouyer s'a
tiques, sont l'époque de sa décou
textes, de caractère fortement bib
Dédicace), de la Vierge Marie, et
le principe herméneutique de l'
divine.27 Les lectures dont il se no
glise - depuis Irénée et Origène

24 La spiritualité orthodoxe, 140.


25 La spiritualité orthodoxe, 128.
26 «Saint Athanase n'a pas à opter
entre
entre un Verbe fait humanité et le Verbe
cette humanité nouvelle dont il est le Seco
un, Athanase les envisage toujours, sans
CL'Incarnation et l'Église-Corps du Christ,
pour affìrmer cela sont tirés du ler Discours
27 L'ouvrage de l'auteur sur ce thème, L
eulte marial, Paris, 1957,19872, reprend et
étude approfondie de la théologie orth
Catholique» in Irenikon 22 (1949) 139-159
Maison-Dieu 38 (1954) 79-94.
28 Dans le chapitre de sa Spiritualité de Citeaux, Paris, 1955, consacré à Isaac de l'Étoile,
l'auteur fait écho aux spéculations de ce moine anglais, disciple de saint Bernard, sur la réalité

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LOUIS BOUYER 395

meni Soloviev (1853-1900


et l'Église universelle, l'i
«l'idée russe» (selon le tit
mais en particulier aux d
première moitié du XX
Boulgakov. C'est d'abord
doctrine de la 9agesse, qu
Dès le commencement
des contacts avec les mil
il, lui furent facilités p
l'émigration russe et sur
devenu célèbre sous le
très apprécié dans ces
démonstration de [...]
doxie».30 Parmi les théol
suite personnellemen
Boulgakov, et peu après
relations très étroites. L
pour lui, nous confie-t-i
et spirituels, mais de vér
les anglicane et Cullmann
Dans la figure imposan
de voir «un moderne O
ses rencontres avec le gr
quelques lignes, qui sont
de ces rencontres fut au
contacts avec l'Orthodox
cathédrale anglicane amé

de l'Église visible - inséparab


temps de notre histoire.
29 Cf. A. Catapano, La Soflolo
ca, Roma, 2001. On sait que la
(1575-1624) que le penseur r
Baader et Schelling (dans sa se
époque, à cette doctrine à trav
Jakob Boehme, Paris, 1929.
30 L'Église de Dieu Corps du Ch
31 Métier, 184 ; cf. 174.
32 L. Bouyer, «La personnal
Vetera (1977/2) 135-144. Nous
déer de la manière qu'il mérite
confrontation entre S. Boulgak

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396 JACQUES SERVAIS

Saint-Serge était venu chanter les


correct qui était le mèdium habituel de ses Communications avec
l'Occident, mais dont sa prononciation rugueuse faisait une étrangeté». Et
de décrire l'effet qu'elle produisit sur lui : «La seule rencontre de l'homme
était une expérience dont il était difficile de ne pas rester marqué pour toute
la vie. Qu'on imagine le Moi'se de Michel-Ange se mettant à marcher et à
parler. Ce n'était point d'ailleurs pour émettre des déclarations oraculaires,
mais toujours pour attester simplement, avec une rare union de modestie
personnelle et d'inébranlable, d'enthousiaste conviction, des vues d'une
ampleur, d'une beauté irrésistible. Lors méme qu'on ne pouvait supprimer
certaines réticences, on restait durablement exalté par cette parole où il
était évident que l'Esprit de Dieu avait fait tout sien l'un des plus indiscu
tables génies de l'époque moderne».33
Les ouvrages de Boulgakov, Le Buisson ardent, traitant de la Vierge
Marie, L'Épouse de l'Agneau, traitant de l'Église, ou L'échelle de Jacob, trai
tant des anges, fourniront une inspiration décisive à la future trilogie de
Bouyer consacrée à l'oeuvre créatrice et salvifique de Dieu.34 Le célèbre livre
intitulé (en russe) L'Agneau de Dieu (et traduit en frangais sous le titre Le
Verbe incarné) laissera une marque indélébile sur sa propre théologie. Tout
en rejetant fermement la sorte d'humanisme divin que le penseur russe a
définie, cédant sans doute à l'emprise d'une illusion idéaliste, Bouyer n'hé
sitera pas à parler comme lui d'«humanité éternelle» à propos du Verbe:
«L'incarnation», expliquera-t-il dans le sens de son devancier, «n'est pas une
arrière-pensée de Dieu: c'est son Dessein éternel qu'il réalise éternelle
ment. C'est inévitablement dans et suivant l'histoire de l'homme et son
déroulement temporel que Dieu se fait homme. Mais c'est éternellement

33 L'auteur poursuit le portrait par une autre évocation biblique, qui met en relief, après
l'homme, le prétre qu'il a mieux connu par la suite, et surtout lors de leur dernière rencontre,
alors que le grand vieillard était déjà touché par la mort prochaine: «Mais l'on ne comprenai
rhomme que lorsqu'on avait vu le prètre. Le Pseudo-Denys a décrit son initiateur, 'le divin
Hiérothée', célébrant l'eucharistie comme s'il touchait et voyait ce qu'il célébrait et consacrati.
Je n'ai rencontré aucun prètre à qui la formule s'appliquàt aussi bien. Jamais, peut-ètre, ce ne
fut plus vrai, cependant, que vers la fin de sa vie, lorsque, épuisé d'une opération terrible qu'il
avait éprouvée (il l'écrira dans la page sans doute la plus sublime de son oeuvre) comme une
'mort avant la mort', laissé presque sans voix, dans cette chapelie du monastère féminin où se
prolongeait une pénible convalescence, il appelait, comme Elie sur le Carmel, le feu de l'Esprit
sur les saints dons».
34 Nous faisons allusion à ses trois ouvrages Le Tróne de la Sagesse, L'Église de Dieu Corps
duChristet Cosmos. Le monde et la gioire de Dieu, Paris, 1982, qui constituent une trilogie «éco
nomique», tandis que Le Fils éternel. Théologie de la Parole de Dieu et christologie, Paris, 1974,
Le Consolateur. Esprit Saint et vie de gràce (= Consolatemi (Paris 1980) et Le Pére invisible.
Approches du mystère de la divinité (= Pére) (Paris 1976) forment la trilogie « théologique » de
son oeuvre. Cf. Métier, 191-192.

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LOUIS BOUYER 397

qu'il assume cette tempo


Cette idée, qui présupp
doxe, une vision patrist
l'unique et parfaite Imag
dans une pneumatologie
terme de l'union en Jésu
mème temps l'agent d
prédestiné en Adam à c
ment.36
Ce qui va attirer d'emb
plus amples que celles de
dont Boulgakov met au c
de Dieu qu'il a en Lui-m
Trinité, et la création, c
mais comme appelée à se
à vivre dans un partage
éprouver à son égard cer
doute une conception de
à s'identifier totalemen
avec l'autre grand théolo
le jeune protestant à d
Soloviev, à «ne plus con
au-dehors de Lui, comm
mème, de telle sorte que
sement gratuit de cette
farouche opposant de B
pas à donner raison : «À
les créatures, il faut to
le faire en rigueur de te
nément d'accord avec Lo
la distinction entre la Sa
une oeuvre de Dieu, la pr
les autres ont été faites
toure, peut atteindre la f

35 Le Fils éternel, 486. Cf. «R


36 Tel est précisément l'objet
a offert un premier stimulant.
37 Métter, 210.
38 Métter, 212.
39 Le Fils éternel, 386, renvo
Paris, 1944, 31ss. Cf. Pére, 267-

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398 JACQUES SERVAIS

à la vie de Dieu telle qu'elle exis


tinction en question ne conduit donc à aucun agnosticisme. Pour
Athanase, en effet, la Sagesse divine, incréée en Dieu, identique au Fils
éternel, prend l'aspect de la Sagesse créée, quand, en raison de la condes
cendance de Dieu, ou mieux son accommodation à ses créatures, elle se
concrétise dans l'oeuvre divine de la création et de la restauration par
l'Incamation. Ce que le Pére de l'Église appelle la «volonté vivante» du
Pére est le dessein d'adoption de l'homme en son Fils, qui se réalise dans
l'expérience de la vie de foi et d'amour avec celui-ci.41 Les deux grandes
trilogies de Bouyer ne seront pas sans analogie avec celles de Boulgakov,
mais plus expressément que ce dernier, le théologien frangais centrerà sa
réflexion sur la vision de Dieu comme Pére, source éternelle d'un amour
qui est essentiellement don de soi.42
Les critiques de Lossky rendront Bouyer attentif au danger de résorber
la transcendance de Dieu dans l'immanence de la vie qu'il veut communi
quer à sa créature. Mais sa doctrine elle-méme ne le convaincra guère: dans
la ligne de Denys l'Aréopagite, celle-ci tend à repousser la Trinité, en son
mystère éternel, hors de la portée de la pensée humaine. Elle est règie par le
principe néo-platonicien de l'«incognoscibilité» négative, selon lequel l'Un
se situe au-delà de l'essence de l'Étre et est par conséquent «indicible».43
Ainsi aboutit-elle à une dissociation, aux yeux de notre auteur tout à fait
néfaste, de la théologie et de l'économie. Car, selon lui, ce que les Pères
appellent la théologie «économique», c'est-à-dire une théologie du dessein
de Dieu sur son oeuvre, suppose une théologie entendue au sens strict du
terme, une vision de Dieu dans la foi ; et cette théologie dont l'objet est Dieu
lui-mème tei qu'il s'est manifesté à nous - comme le Pére invisible révélé
par le Fils éternel qui communique la Vérité et la Vie (indissociablement) et
qui, d'après une antique formule qui lui est chère,44 envoie l'Esprit Saint
procédant en lui du Pére et remontant avec lui au Pére - «ne peut se déve
lopper à son tour qu'à la faveur d'une interprétation conséquente de l'èco

40 Cf. Le Tróne de la Sagesse, 276, et L. Bouyer, «An Introduction to the Theme of Wisdom
and Creation in the Tradition» in Le Messager Orthodoxe 98 (1985) 149-161, ici 155.
41 «Dans la vision intégrale que le Pére a des choses, Sagesse divine et Sagesse créée ne se
confondent pas, comme le voulaient les ariens, mais elles s'épousent» (L'Incarnation et l'Égli
se-Corps du Christ, 145). Voir tout le chapitre IV intitulé «Sagesse éternelle et Sagesse créée».
42 Qu'on lise à ce propos les belles pages de Pére, 219-226.
43 Sur ceci, voir M. -J. Le Guillou, Le mystère du Pére. Foi des apótres. Gnoses actuelles, Paris,
1973, 103ss.
44 L'auteur se réfère à une lettre que le Pape Denys adresse, au IIIe siècle, à Denys
d'Alexandrie. C'est sans doute le De sententia Dionysii d'Athanase qui l'a rendu attentif à cette
formule soulignant que «le Pére et le Fils sont inséparables du Dieu de l'univers, en qui ils sont
récapitulés» (Consolateur, 168 ; cf. Dictionnaire théologique, Paris, 19632, 598).

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LOUIS BOUYER 399

nomie dans les lignes de


échapper au risque de c
humaine, Lossky tend à
satisfait pas les requètes
jeune Bouyer sur l'évangi
tion d'une telle séparation
de confondre ces deux pl
clair qu'à travers l'oeuvr
avons accès au mystère d
La rencontre avec les d
de nouveaux horizons, m
quats pour penser dans l'
son oeuvre. Plus largemen
et l'Orthodoxie qu'il abor
insoluble. Ce n'est qu'ave
embrasser, dans un reg
toire de la théologie, dis
tiples élaborations conv
avec l'expérience de l'Égli
rassembler les fragments
son expression à travers
tive», qui est bien autre c
ou moins a priori : une in
fil de la Tradition.

La conversion au catholicisme

Quelques lignes des Mémoires, dont on attend encore la publication,


nous font saisir sur le vif le retentissement spirituel qu'eut, dans l'itinéraire
à la fois théologique et spirituel de Bouyer, le contact avec l'Église catho
lique. Dans les années 1930, rapporte Daix, le jeune protestant se rendit
chez les Bénédictines de la rue Monsieur «où, à la suite de Huysmans, écri
vains et intellectuels aimaient venir assister aux offices liturgiques». Il y fut
pris, relate-t-il, par l'impression soudaine d'avoir été comme subreptice
ment introduit dans le coeur de l'Église : «tei Perceval au chàteau du Graal»,
commente-t-il, avec l'humour qui lui est habituel, «non point pour y
contempler Sa procession mystérieuse», ajoute-t-il aussitòt, faisant allusion

45 L'Église de Dieu Corps du Christ, 11.


46 Cf. L. Bouyer, «Orthodoxie et Protestantisme» in Irenikon 15 (1938) 208-235.

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400 JACQUES SERVAIS

au sens qu'avait pour lui cette init


la création : «mais tout juste y
direct écho de la Fète sans fin qui
Nous avons déjà fait allusion a
Bouyer à se convertir. Le jeune pa
suada qu'il était impossible de m
dans les Églises nées de la Réform
la redécouverte durant ses année
apparaissait toujours plus illogi
confie-t-il dans ses Entretiens. En
pour se rendre en Angleterre, à
Newman. Les débuts de la guerre
Saint-Wandrille, la fameuse abbay
il y établit tout naturellement de
que les conversations, le témoigna
convainquirent que l'Église du Nou
fait à Strasbourg et à Paris l'étude
glise catholique romaine. Avant
protestante, l'Église qui est cathol
qu'elle l'est de fait, affirmera-t-il
a vu la réalisation dans l'abbaye
hòte, «très fraternellement, sans
[l']amener à une conversion»,49 et
entrée, à la fin du mois de décem
passa-t-il alors en lui ? A Saint-W
pétuellement irrésolu dans le pr
dans la vie fraternelle de prière, d
catholique. Là, il put identifier l'i
lecture de saint Athanase, la figur
Paul la décrit dans son acclamat
l'Esprit de tous ses membres avec
sans le secours d'une gràce spécia
coupables, la Catholica demeura
qu'aujourd'hui, que, dans sa cro

47 Métier, 255. Ce texte, cité sans référen


ses Entretiens sortie un an après la mort d
Mémoires, dont le Card. J.-M. Lustiger a a
des funérailles du Pére Louis Bouyer» in Co
48 Métier, 21.
49 Métier, 33.
50 Du protestantisme à l'Église, 243.

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LOUIS BOUYER 401

Christ continuait à «se c


la prédiction du Seigneur
des temps» (Mt 28:20).
vivante, avec la Bible en
avant lui, l'expérience d
Christ, avec l'assuranc
contenue dans ce don or
À la lumière de cette ex
ment, que cette conversi
tiel à sa foi. Au contrair
croyant d'une communau
licisme, qu'acquérir plus
principes - moins la théo
authentique - trouvère
l'ampleur qu'ils possédaie
l'ancien pasteur luthéri
possibilité de mettre à c
nelles, disséminées dans les communautés ecclésiales nées de la Réforme
come aussi dans l'Orthodoxie, dont il avait vécu ou dont il avait fait la
découverte durant sa formation.

La mise à couvert dans ÉUna Sancta

Cinq ans après sa conversion, Louis Bouyer écrit, dans la pure ligne de
Ramsey, le livre au titre significatif, Du protestantisme à l'Église : une confes
sion de foi où il expose de fagon objective sa certitude que l'unité et l'au
thenticité de l'unique Église demeurent dans l'Église catholique. En l'Église
qui est, à ses yeux, avant toute autre chose, un mystère d'origine surnatu
relle qu'aucun effort humain ne peut (re) construire, il reconnait la conti -
nuité de l'unique Église fondée sur les apòtres. À cette Église, le Christ, ori
gine de son mystère, a laissé comme en dépót la Vérité catholique. La certi
tude que l'auteur a acquise par son expérience personnelle, va cependant
pour lui de pair avec la conviction que les communautés chrétiennes sépa
rées du centre et de la structure une de l'Église ont eux-mèmes conservé
certaines valeurs indubitablement évangéliques. Ces valeurs, typiquement
plus accentuées dans d'autres communautés ecclésiales, appartiennent à la
vie de l'Église une où elles sont comme restées à l'état de pierre d'attente. Il
s'agit donc de les reporter dans l'unité mystérieuse, surnaturelle, de l'Égli
se, afin que se maintienne en celle-ci, qui est en principe catholique, un
catholicisme de fait. Tout l'effort oecuménique doit consister à valoriser
dans ces communautés les éléments véritablement issus de la Révélation.
Que ces derniers y soient quelquefois davantage mis en relief que dans la

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402 JACQUES SERVAIS

conscience actuelle de l'Église c


ceux qui lui appartiennent à raviv
les voies de la réintégration de to
Dans cet ouvrage, l'auteur opè
remonte au protestantisme orig
positivité sur laquelle peut s'app
il suit l'évolution des principes, e
surtout le primat de la foi et la c
més avec des doctrines philosoph
d'un thomisme dégénéré) très p
amené une sèrie de conséquenc
tèmes erronés et la formation de schismes. A moins d'une réconciliation en
profondeur de ces principes avec l'Église catholique, la Réforme ne retrou
vera son orientation primitive foncièrement positive. En réintégrant cern
ei, au contraire, à la tradition apostolique et romaine, qui continue à vivre,
dans sa plénitude, dans la liturgie, le mouvement spirituel qui en est à l'ori
gine trouvera son véritable épanouissement. L'Église est catholique par
principe. Elle accueille toute vérité qui vient du Christ qui est la Vérité. Nul
ne peut mieux qu'elle, de par la gràce transmise par son fondateur, garder
et défendre cette vérité. L'«et-et» catholique tient ensemble les extrèmes: la
gràce offre le salut et la nature en est le réceptacle; la foi est fondamentale,
tout comme les oeuvres qu'elle accomplit; l'autorità doctrinale s'appuie sur
l'Écriture Sainte etc. Dans chacun de ces binòmes, les pòles sont l'un et
l'autre fondamentaux : rejeter l'un au profit de l'autre, c'est assumer une
position en fin de compte intenable, comme le démontre l'histoire du pro
testantisme. Ailleurs Bouyer cite l'exemple de Barth, insistant sur la trans
cendance de Dieu en l'opposant à l'immanence, ce qui va aboutir dans sa
postérité, par une sorte de renversement dialectique, à un christianisme
complètement sécularisé, une théologie de la «mort de Dieu».51
L'oratorien termine l'ouvrage sur un appel aux protestante qui, comme
il l'était lui-mème, sont mus par les exigences d'une vie de foi et d'intimité
avec Dieu. La fidélité à l'esprit et à l'intuition fondamentale des grandes
àmes religieuses du protestantisme, dit-il en faisant allusion aux 'réveils',
ces sursauts ponctuels de l'Esprit en tei ou tei réformateur, les invite à
rejoindre cette unique Église au sein de laquelle seule pourront réellement
étre mis à couvert les principes auxquels ils tiennent. L'invitation n'en reste
pas cependant à ce genre de déclaration unilatérale mais est aussitót com
plétée par son indispensable contrepartie. Aux catholiques eux-mèmes il
revient de (re)découvrir, avec l'aide - pourquoi pas ? - des protestante les

51 Métier, 175; cf. 98-99.

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LOUIS BOUYER 403

trésors de leur propre fo


lement et non pas 'not
té».52 Une exhortation
quelques années après su
l'Église catholique ne gar
pouvoir d'assimilation. L
propre réforme. Qu'on l
mule du théologien Voeti
Dans le mème esprit,
ments fondamentaux d
presque «disparu» «sauf
lique occidentale».55 Da
l'Esprit, il part de l'idé
révèle une mésentente
d'Orient et d'Occident.
ment unilatéral et sépa
quité aussi conscients de
re un Orientai du VIIe si
voyaient aucune antino
témoigne le début du ch
glise orthodoxe et l'Églis
l'autre par l'esprit de d
comme en droit, en dépi

52 Du protestantisme à l'Église
53 «Pour avoir le droit de dem
que nous, catholiques, nous en
moins urgent, que celui que n
un témoignage clair et décidé
tée de posséder. Mais il faut d'
pas simplement à certains de s
paresse d'esprit nous limitent
té catholique au vrai sens du m
sant cet effort de fidélité inté
serons le mieux préparés à fair
justement chères à nos ffères
54 L'Église de Dieu Corps du
études de Congar.
55 Métter, 173.
56 L'Église de Dieu Corps du
Dvornik, en particulier Le sch
Primauté romaine, Paris, 1964.
et Catholicité, Paris, 1964, qu
empreint de sympathie mais c
57 L'Église de Dieu Corps du Ch

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404 JACQUES SERVAIS

stigmatiser, en ce qui concerne l'h


phie» et par suite une «déformati
fatale à partir d'une réaction sain
l'Empire, supposé devenu chrétie
l'autorité ecclésiastique».58 À cet i
de l'Église orientale l'aliénation p
pour conséquence un développe
fìque, de la fonction liturgique. «
dehors de la vie réelle (à part la vi
de rester ce monde sacramentel q
le monde eschatologique du Christ
vie quotidienne, sera toujours t
monde de rève enclos sur lui-mème, souhaitant se substituer au monde
réel, et, faute de le pouvoir, se bornant à en occulter la réalité restée en gran
de partie pai'enne».59 Selon l'auteur, la redécouverte et la reconstitution
d'une pleine unité passe par la «récupération doctrinale de l'harmonie dési
rable dans le ministère apostolique entre sa fonction d'autorité pastorale et
sa fonction liturgique», ce qui ne sera possible que par un commun renou
veau du magistère de l'Église où vérité et amour vont de pair.60
Les schismes, consommés ou non, du passé, continuent à influer sur le
présent. Bouyer n'hésite pas à fustiger les chrétiens qui s'adonnent trop peu
à la tàche, urgente, de supprimer les rémanences actuelles de ces déchi
rures. La faute ici est des deux parties, souligne-t-il à nouveau: si les catho
liques d'une part pèchent par omission, ne valorisant pas suffisamment ces
éléments positifs maintenus dans les autres Églises et communautés ecclé
siales, celles-ci d'autre part se montrent souvent peu capables de séparer le
bon grain de l'ivraie, de discerner clairement dans leurs doctrines l'essen
tiel de la vérité évangélique. Or c'est là précisément que s'impose le véri
table effort cecuménique - qui est bien loin de l'indifférentisme ou du rela
tivisme doctrinal avec lequel nombre de catholiques l'ont confondu, parti
culièrement après Vatican II. L'union entre les chrétiens ne peut que prove
nir d'un dialogue patient, ouvert et en mème temps critique entre les par
ties, permettant à tous - avant tout aux catholiques eux-mèmes - de redé
couvrir la richesse doctrinale laissée en héritage dans la Révélation. Cet
effort est de nos jours à doublé titre indispensable. Premièrement parce que
la division des Églises chrétiennes est quelque chose de scandaleux, totale
ment contraire à l'esprit du Christ («Que tous soient un», Jn 17:21) et des

1 L'Église de Dieu Corps du Christ, 631.


' L'Église de Dieu Corps du Christ, 632.
1 L'Église de Dieu Corps du Christ, 633.

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LOUIS BOUYER 405

Pères (que l'on songe au t


tures du Christ). Et deux
vivants dans l'une ou l'a
cipes sont sur le point de
l'Église catholique. Si on n
«et-et» de la vérité catho
schismes d'hier et d'aujou
on rejette finalement le
apprécier chez les prote
lique, les catholiques aide
ment avec nous à l'invit
nous goutions tous ensem
Unitatis redintegratio:
oeuvre ce mot d'ordre. Le
toute son oeuvre. Le tem
delà l'intuition dont elle s
nouvelles pour notre tem
Seigneur a voulue pour so

Casa Balthasar Jacques Servais, S.I.


Via Nomentana, 234
1-00162 Roma

1 Métier, 102.

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406 JACQUES SERVAIS

RÉSUMÉ

La vie et l'oeuvre de Louis Bouyer s


cuménisme. Protestant par sa naissan
thodoxie au cours de ses années unive
l'Église catholique à l'àge de 26 ans.
humaine et spirituelle auprès des réf
cette Église, le terrain propice à l'érec
il consacrerà toutes ses forces. Sa thé
reconduire au vrai bercail catholique
sées authentiquement humaines ont d
effet que c'est à l'intérieur de l'Église
Apòtres, qu'elles regoivent leur plein

The life and work of Louis Bouyer


nism. Protestant by birth and éducati
college years and asked to be received
fragments of his long human and spir
Orthodox found, in the heart of this
of an intellectual and spiritual edifice
theology was marked by a Constant
tever was best in Christian spiritualit
conviction of this author was that wit
and the Apostles, these things receive

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