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Louis Bouyer
Une vie sous le signe de l'oecuménisme
1 Concile Vatican II, Unitatis Redintegratio, η. 1. Cf. Jean Paul II, Ut unum sint, nn. 3-4 ;
Benoit XVI, Tu es Petrus (20.04.2005), n. 5. Le Pape Ratzinger a obtenu, gràce au discours tenu
deux mois après son élection, devant la délégation orthodoxe venue à Rome pour la fète des
saints Pierre et Paul, la reprise du dialogue de la commission théologique catholique-ortho
doxe, interrompu depuis 2000, lors de la réunion de Baltimore.
2 L. Bouyer, Le Métier de théologien. Entretiens avec Georges Daix, Paris, 1979 - Genève,
20052,169 (dorénavant: Métier). La plupart des détails biographiques mentionnés dans la suite
sont tirés de cet ouvrage, dont nous citons la seconde édition augmentée.
3 On trouvera un portrait suggestif de l'auteur dans J. Duchesne, «Qui a encore peur de
Louis Bouyer?» in Communio 30/1 (janvier-février 2005) 73-84.
4 Bouyer ne fut pas invité comme expert du Concile Vatican II. Yves Congar, dans Mon
L'empreinte de la spiritualité pr
journal du Concile (2 tomes, Paris, 2002), mentionne le fait qu'en 1961-1962, il fut consulteur
de la Commission préparatoire des études et des séminaires et qu'en 1963 il travailla avec lui
au «De Ecclesia»; il révèle encore qu'en juin 1964, il fut re<;u avec le p. Duprey par le Pape Paul
VI, pour y parler des questions oecuméniques. Il ne semble pas qu'il ait été appelé par la suite
à participer aux actìvités du Conseil pour l'Unité des Chrétiens.
5 H.U. von Balthasar, «Vorwort» dans L. Bouyer, DieKirche, voi. I, Einsiedeln, 1977,11.
6 Cf. W. Kasper, «La teologia ecumenica. Situazione attuale» in D. Valentini (ed.), In cam
mino verso l'unità dei cristiani, Roma, 2005, 261-278. Comme son ami H. de Lubac, L. Bouyer
entend le terme «catholique», non point au sens confessionnel retreint, mais au sens théolo
gique d'une corrélation radicale du particulier et de l'universel.
7L. Bouyer, La spiritualité orthodoxe et la spiritualité protestante et anglicane, Paris 1965,119.
8 Métier, 25.
9 Ibid., 254. «Par là», poursuit l'auteur, parlant de Wesley lui-mème mais sans cacher sa
propre affinité à l'égard de sa doctrine, «il rejoint non seulement la doctrine catholique, mais
les formes de celle-ci, comme le molinisme, qui font la plus large part à la libertà humaine.
Saint Ignace de Loyola, d'ailleurs, sera pour lui, selon son expression, Tun des plus grands
hommes de l'histoire chrétienne"».
10 Métier, 25. En 1936, trois ans avant sa conversion, il publie un livre, Le Quatrième Évan
gile (19552; 19563; 19634), dans lequel, dans la foulée de ce maitre, alors professeur à la Faculté
protestante de théologie de Strasbourg, il traduit et commente l'évangile de Jean en en souli
gnant, en référence constante à la tradition vivante du Nouveau Testament dont les Pères de
l'Église sont les héritiers et les interprètes dignes de foi, le caractère sacramentel et ecclésial.
Voir aussi l'article de l'auteur: «L'oeuvre exégétique d'Oscar Cullmann et le problème eschato
logique» in La Vie intellectuelle 1948/3, 22-24.
11 Métier, 21.
]2 La spiritualité orthodoxe, 104-105. «À ceci l'on doit ajouter », poursuit l'auteur, «l'enri
chissement indéniable que représentait le chant quotidien ou la récitation d'offices de matines
et de vèpres en langue vulgaire [...], avec d'abondantes legons bibliques rétablies à la place des
capitules médiévaux», et surtout «le produit le plus neuf de la Réforme de Luther: c'est-à-dire
le chant choral» (Ibid105).
13 La spiritualité orthodoxe, 103.
l'Église traditionnelle, s
mouvement d'Oxford, av
dès le XIXe siècle.14
À travers la mère, qui avait longtemps vécu en Angleterre, la famille du
jeune Bouyer avait beaucoup d'amis dans les milieux anglicans. Quand
celui-ci commenga ses études à la faculté de Théologie protestante du bou
levard Arago, à Paris, il chercha tout naturellement à intensifier des contacts
avec ces milieux. Son attrait pour la liturgie, et la spiritualité dont elle est
l'expression, le conduisit à interroger, comme Newman, la tradition de l'É
glise ancienne. Tout en appréciant comme ils le méritent les grands prin
cipes de la spiritualité protestante - il retiendra surtout par la suite «l'auto
rité première et fondamentale des Écritures, la religion personnelle fondée
sur la justifìcation par la Foi dans la gràce de Dieu»15 -, il avait l'intuition que
ceux-ci ne pouvaient donner tout leur fruii qu'à l'intérieur de l'organisme
vivant de l'Église. «J'avais déjà très fortement le sentiment que ces principes
protestante étaient bons, traditionnels, conformes au Nouveau Testament
et à toute la grande tradition médiévale et des pères avant les médiévaux et
que c'était par un accident que leur nouveau développement au XVIe siècle
avait coì'ncidé avec un schisme et finalement avec des hérésies».16 Dès les
premières expériences du ministère, la question de la continuité des
Communautés protestantes nées de la Réforme avec l'Église authentique,
celle voulue et fondée par le Christ, se posa à lui de fagon tout à fait vitale.
L'abandon de l'épiscopat de la part de ces Communautés avait causé,
s'apergut-il toujours mieux, la perte de cette continuité, ce qui rendait leur
existence plus ou moins schismatique et mettait en cause, à ses yeux, son
ministère-mème. Pareils doutes furent confirmés par la lecture d'un opus
cule, clair et dense, datant des années 30, The Gospel and the Catholic
Church, du à un théologien anglican, le Dr Michael Ramsey, futur arche
vèque de Cantorbéry. Ce grand livre, pergut l'auteur, exposait la vision d'«un
oecuménisme protestant-catholique congu comme la réintégration dans
l'Église authentique, à l'Église qui se développe dans l'histoire comme un
ètre vivant à partir du Christ, dans la puissance de l'Esprit, des grandes
14 Sur ce mouvement, dont les représentants les plus connus sont Edward Pusey, John
Keble et bien sur Newman, qui passa en 1845 à l'Église catholique, Bouyer aura probablement
lu très tòt, outre l'Apologia de ce dernier (1864) et le mémoire de R. W. Church, The Oxford
Movement (1891), l'histoire du luthérien suédois Y. Brilioth, TheAnglican Revival (1925).
15 Métier, 23. Nous reviendrons plus loin sur ces thèmes, qui sont au centre de ses deux
études consacrées au protestantisme: Du protestantisme à l'Église, Paris, 1954,19592 et Parole,
Église et sacrements dans le protestantisme et le catholicisme, Paris 1960,19912.
16 Métier, 23-24.
intuitions du protestantisme».17 S
oecuménisme viable est l'effet du maximum de tension harmonieuse entre
d'une part l'Église héritée du Christ et des apótres, pleinement consciente des
gràces qui lui procurent à la fois son existence propre et sa mission spécifìque
dans le monde, et d'autre part la Parole de Dieu, transcendante, dont l'Église
elle-mème n'est jamais que l'instrument au service de cette mission.
Dans la mème ligne de pensée, il faut signaler le nom du grand théolo
gien et penseur chrétien du siècle dernier, Newman. Bouyer n'exagère pas
en parlant, avec son humour habituel, de l'influence «énorme, exercée sur
moi alors par un mort, mais un mort qui est toujours vivant».18 Il écrira sur
lui sa thèse de baccalauréat et il publiera par la suite de nombreux livres ou
articles qui attestent l'importance que revét pour lui cette figure.19 Chez lui
comme chez Ramsey, il découvre ce que signifie l'effort pour discerner de
fagon critique les éléments bons du mouvement protestant et les dévelop
per, les intégrant réellement, en une synthèse vraiment organique, dans les
sources les plus authentiques de la Tradition de l'Église du Nouveau
Testament et des Pères. De nouveau, ce qui le frappe, c'est le ròle que joua
la liturgie dans sa réflexion théologique. Dans la liturgie, selon Newman, on
trouve l'expression vivante de l'Écriture telle que les Pères l'ont interprétée,
en mème temps que de la mise en oeuvre de ce qui en fait l'objet : la réalité
que la Parole de Dieu communique à l'Église dans l'aujourd'hui de son
expérience spirituelle. En 1945, Bouyer relatera un souvenir de Mary
Newman, contenant la réponse significative de son frère qu'elle interrogeait
à propos de son intérèt si prodigieux pour les Pères. «Les Pères», lui explique
John Henry, «nous font saisir directement ce qui constitue les grands objets,
les grands thèmes, les grandes réalités dont parie l'Écriture et [...] nous en
transmettent l'expérience vécue. Ils nous la transmettent justement avant
tout à travers l'expérience liturgique qu'ils ont fagonnée».20 Que les Pères
17 Métter, 24 ; cf. L'Église de Dieu Corps du Christ et Tempie de l'Esprit, Paris, 1970,178.
18 Métter, 25.
19 L. Bouyer, «Newman et le platonisme de l'àme anglaise» in Revue de Philosophie (1936)
285-305; «Actualité de Newman et de sa conversion (1845-1945)» in La Vie intellectuelle 10
(1945) 6-29; «Un Pèlerinage newmanien» in La Vie spirituelle 73 (1945) 418-428; Newman. Sa
vie. Sa spiritualité, Paris, 1952; en collaboration avec H. Tristram et M. Nédoncelle: Textes
Newmaniensr. Écrits autobiographiques, voi. 2, Révision, notes et avant-propos par L. Bouyer, et
Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, voi 4, Introduction de L. Bouyer, notes de
A. Pompen et de L. Bouyer, Paris, 1956; «Newman, le monachisme et saint Benoìt» in
Collectanea Cisterciensia 42 (1980) 244-255; Newman's Vision ofFaith. A Theology for Times of
General Apostasy, San Francisco, 1986 (trad. fr. Le mystère de la foi. Une théologie pour un temps
d'apostasie, Genève, 2005 ; une traduction de la Préface de ce livre était parue précédemment,
sous le titre «Actualité de Newman» in Communio 12/3 [1987] 115-122).
20 Métter, 62. Cf. «Le souvenir de Mary Newman» in Études 246 (1945) 145-159.
33 L'auteur poursuit le portrait par une autre évocation biblique, qui met en relief, après
l'homme, le prétre qu'il a mieux connu par la suite, et surtout lors de leur dernière rencontre,
alors que le grand vieillard était déjà touché par la mort prochaine: «Mais l'on ne comprenai
rhomme que lorsqu'on avait vu le prètre. Le Pseudo-Denys a décrit son initiateur, 'le divin
Hiérothée', célébrant l'eucharistie comme s'il touchait et voyait ce qu'il célébrait et consacrati.
Je n'ai rencontré aucun prètre à qui la formule s'appliquàt aussi bien. Jamais, peut-ètre, ce ne
fut plus vrai, cependant, que vers la fin de sa vie, lorsque, épuisé d'une opération terrible qu'il
avait éprouvée (il l'écrira dans la page sans doute la plus sublime de son oeuvre) comme une
'mort avant la mort', laissé presque sans voix, dans cette chapelie du monastère féminin où se
prolongeait une pénible convalescence, il appelait, comme Elie sur le Carmel, le feu de l'Esprit
sur les saints dons».
34 Nous faisons allusion à ses trois ouvrages Le Tróne de la Sagesse, L'Église de Dieu Corps
duChristet Cosmos. Le monde et la gioire de Dieu, Paris, 1982, qui constituent une trilogie «éco
nomique», tandis que Le Fils éternel. Théologie de la Parole de Dieu et christologie, Paris, 1974,
Le Consolateur. Esprit Saint et vie de gràce (= Consolatemi (Paris 1980) et Le Pére invisible.
Approches du mystère de la divinité (= Pére) (Paris 1976) forment la trilogie « théologique » de
son oeuvre. Cf. Métier, 191-192.
40 Cf. Le Tróne de la Sagesse, 276, et L. Bouyer, «An Introduction to the Theme of Wisdom
and Creation in the Tradition» in Le Messager Orthodoxe 98 (1985) 149-161, ici 155.
41 «Dans la vision intégrale que le Pére a des choses, Sagesse divine et Sagesse créée ne se
confondent pas, comme le voulaient les ariens, mais elles s'épousent» (L'Incarnation et l'Égli
se-Corps du Christ, 145). Voir tout le chapitre IV intitulé «Sagesse éternelle et Sagesse créée».
42 Qu'on lise à ce propos les belles pages de Pére, 219-226.
43 Sur ceci, voir M. -J. Le Guillou, Le mystère du Pére. Foi des apótres. Gnoses actuelles, Paris,
1973, 103ss.
44 L'auteur se réfère à une lettre que le Pape Denys adresse, au IIIe siècle, à Denys
d'Alexandrie. C'est sans doute le De sententia Dionysii d'Athanase qui l'a rendu attentif à cette
formule soulignant que «le Pére et le Fils sont inséparables du Dieu de l'univers, en qui ils sont
récapitulés» (Consolateur, 168 ; cf. Dictionnaire théologique, Paris, 19632, 598).
La conversion au catholicisme
Cinq ans après sa conversion, Louis Bouyer écrit, dans la pure ligne de
Ramsey, le livre au titre significatif, Du protestantisme à l'Église : une confes
sion de foi où il expose de fagon objective sa certitude que l'unité et l'au
thenticité de l'unique Église demeurent dans l'Église catholique. En l'Église
qui est, à ses yeux, avant toute autre chose, un mystère d'origine surnatu
relle qu'aucun effort humain ne peut (re) construire, il reconnait la conti -
nuité de l'unique Église fondée sur les apòtres. À cette Église, le Christ, ori
gine de son mystère, a laissé comme en dépót la Vérité catholique. La certi
tude que l'auteur a acquise par son expérience personnelle, va cependant
pour lui de pair avec la conviction que les communautés chrétiennes sépa
rées du centre et de la structure une de l'Église ont eux-mèmes conservé
certaines valeurs indubitablement évangéliques. Ces valeurs, typiquement
plus accentuées dans d'autres communautés ecclésiales, appartiennent à la
vie de l'Église une où elles sont comme restées à l'état de pierre d'attente. Il
s'agit donc de les reporter dans l'unité mystérieuse, surnaturelle, de l'Égli
se, afin que se maintienne en celle-ci, qui est en principe catholique, un
catholicisme de fait. Tout l'effort oecuménique doit consister à valoriser
dans ces communautés les éléments véritablement issus de la Révélation.
Que ces derniers y soient quelquefois davantage mis en relief que dans la
52 Du protestantisme à l'Église
53 «Pour avoir le droit de dem
que nous, catholiques, nous en
moins urgent, que celui que n
un témoignage clair et décidé
tée de posséder. Mais il faut d'
pas simplement à certains de s
paresse d'esprit nous limitent
té catholique au vrai sens du m
sant cet effort de fidélité inté
serons le mieux préparés à fair
justement chères à nos ffères
54 L'Église de Dieu Corps du
études de Congar.
55 Métter, 173.
56 L'Église de Dieu Corps du
Dvornik, en particulier Le sch
Primauté romaine, Paris, 1964.
et Catholicité, Paris, 1964, qu
empreint de sympathie mais c
57 L'Église de Dieu Corps du Ch
1 Métier, 102.
RÉSUMÉ