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Université de Lausanne
Faculté de théologie et sciences de Religion
Remerciements
À la fin de ce parcours, je suis conscient des forces supérieures qui m’ont accompagné pour
tenir l’équilibre entre la foi et la théologie comme science. Je voudrais exprimer ma gratitude
d’abord envers mon Dieu, source de toute sagesse et toute connaissance pour sa présence bien
souvent invisible mais très réelle chaque fois que la science a questionné et enrichi ma foi.
Mes remerciements vont très particulièrement à mon directeur de mémoire le Professeur Olivier
Bauer, pour sa rigueur et son sérieux dans la conduite de cette recherche. Qu’il trouve ici
l’admiration d’un disciple convaincu par le maître.
L’idée d’enquête sur les méthodes d’évangélisation est venue de mon ancien Professeur de
Théologie pratique Felix Moser à qui je suis reconnaissant pour tout l’apport pendant mon
parcours et au travers de lui tous ceux qui ont pris du temps pour notre formation de théologien
aux universités de Lausanne, Genève, et Neuchâtel.
Je remercie aussi mon frère David Kabamba Tchyombo pour sa relecture mais aussi mon cousin
Alain Tchyombo pour son accompagnement et son amitié.
Je dédie ce travail à ma mère, Marie Louise Yowa pour être la première à me faire lire la Bible.
Je le dédie aussi à mon épouse Marceline TCHYOMBO et mes enfants Marie-Ange, Deborah,
et Rebecca pour leurs sacrifices tout au long de ces années universitaires.
Ils sont nombreux mais ne peuvent être tous cités qui ont accompagné mon être tout au long de
ma vie universitaire. Que chacun de vous reçoive l’expression de ma gratitude.
Chapitre 1. Introduction
Parmi les plus anciens auteurs sur les questions de méthodes et d’évangélisation, il nous
faut citer Paul Bardes, pasteur de l’Église reformée de France et ancien directeur de la
Société évangélique de France, qui écrivit en 1923 un petit livre intitulé « Méthodes
d’Évangélisation »1. Il commence par définir l’évangélisation dans le contexte de son
époque, puis explique les raisons pour lesquelles il faut évangéliser. Ce livre témoigne de
deux choses : Le contexte du développement de la mission protestante en France et le fond
anticatholique du protestantisme à l’époque. En effet, après avoir avancé comme première
raison le devoir imposé à tout chrétien, il dit ensuite qu’il faut évangéliser parce que le mal
est partout. La dernière et troisième raison est étonnante : il faut évangéliser « parce que les
erreurs, les infidélités, les superstitions de l’Église Romaine ont voilé la vérité et la sainteté
de la Bible »2. Ceci montre le climat dans lequel on évangélise au début du 20ème siècle en
France : Il s’agit de combattre les erreurs présumées de l’Église catholique romaine. La clé
de ce livre se trouve aux points III, IV, et V où les trois méthodes d’évangélisation selon
Paul Bardes sont données. Il s’agit de ce qu’il appelle : 1° Méthode négative qui est
l’Anticlécalisme : elle consiste à détruire dans le cœur de l’homme toutes les vices et erreurs
introduites dans l’homme par l’Église Romaine. Cette méthode est pourtant exposée en
soulignant ses plus grandes faiblesses à savoir que s’il était possible de vider un cœur de
tous les vices du monde entier, et si même on corrigeait en son sein toutes les erreurs et
déviations du christianisme, il ne deviendrait ni religieux ni chrétien aussi longtemps qu’on
1
Paul BARDE, Méthodes d’Évangélisation, Ed. La Cause, Paris, 1923.
2
Paul BARDE, ibid., p. ?
4
Le développement de la recherche sur le sujet a pris tous les sens au cours du 20ème siècle
surtout en relation avec les idées du Conseil Œcuménique sur « l’unité dans le témoignage
et le renforcement des activités de mission et d’évangélisation »3. Cependant le 21ème siècle
semble être une époque prolifique sur la question de l’évangélisation étant donné les réalités
difficiles des Églises en Occident.
- Les théologies derrière les pratiques et celles à préconiser bibliquement. Tout passe par
le microscope du théologien avec l’examen des textes.
3
http://www.oikoumene.org/fr/about-us/ , consulté le 29 sept. 2016
4
Éric McNeelly, Méthodes d'évangélisation : la fin justifie-t-elle les moyens ? L’Harmattan, Paris, 2013.
5
5°. Le message de l’évangile doit être en constant dialogue avec Dieu, ses semblables, et
lui-même.
De manière général, ce livre est un instrument et une référence théologique très utile
lorsqu’on s’engage dans la pratique d’évangélisation. Il cadre les motivations et les actions
dans l’esprit de l’Évangile biblique.
Plusieurs colloques de recherches et échanges ont produits des collections d’essais sur la
question. De ce nombre se trouve la publication en 2008 par Paul C. Chilcotte et Laceye
C. Warner de « The Study of Evangelism : Exploring a missional Practice of the Church
». Ce livre est une étude dans laquelle les chercheurs spécialisés réexaminent les textes liés
à l'évangélisation afin d'obtenir des informations plus claires.
Ce collectif vise à permettre aux chercheurs ainsi qu'aux pratiquants de trouver des réponses
concernant les connections ecclésiastiques et académiques traditionnelles. Le but est de
donner une plus grande importance à la théologie liée à l'évangélisation plutôt qu'aux
modèles sociaux et universitaires d’évangélisation de certaines confessions religieuses.
Pour définir l’évangélisation, le livre fait six propositions que nous reprenons librement ci-
après :
1°) L'évangélisation fait partie de la missio Dei, mais elle ne constitue qu'une part de la
grande mission de Dieu dans le monde.
4°) L’évangélisation est orientée vers le règne de Dieu. Le but ultime étant d'accomplir
la volonté de Dieu au sein de l'humanité. Bien que soucieux du salut individuel de ses
6
5°) Comme pratique missionnaire, l’évangélisation n’est pas seulement une activité,
mais aussi une façon de vivre en communauté.
6°) L’évangélisation ne peut être séparée du contexte social et des Écritures. La culture
du pratiquant façonne l'évangélisation et la culture des évangélisés détermine la nature
de leurs pratiques.
La Suisse et particulièrement la Suisse Romande n’a pas été en reste dans cette recherche
étant donné que les Églises traditionnelles subissent de manière continue la crise de
dégression dans la fréquentation des cultes.
Jorg Stolz et Edmée Ballif ont publiés en français chez Labor et Fides « L’avenir des
Reformées, Les Églises face aux changement sociaux »5. Cette étude publiée d’abord en
allemand sous le titre originale Die Zukunft der Reformierten en 2010, est une recherche de
sociologie appliquée sur le domaine de la FEPS (Fédération des Églises Protestantes de
Suisse). Elle avait pour objectifs : - d’observer les tendances générales du changement
social et l’implication de ces dernières sur le présent et l’avenir des églises ; - d’établir de
manière concrète la situation dans laquelle ces églises se trouvaient et leurs réactions face
aux changements sociétaux, et orienter stratégies.
Après une longue analyse basée sur les données, enquêtes, et entretiens ; nos chercheurs
ont fait les constats suivants :
5
Jörg STOLZ & Edmée BALLIF, L'avenir des Réformés. Les Églises face aux changements sociaux, Labor et Fides,
Genève, 2011.
7
La plupart des Églises ont déjà commencé à agir sur différents domaines de leur qualité de
service. Mais, elles seraient globalement efficaces si elles prenaient le temps d’étudier ce
que font les Églises sœurs et d’échanger dans la mesure du possible les stratégies tout en
établissant une bonne cohésion entre les directions cantonales et les paroisses. Ainsi
devient-il impératif que la FEPS établisse une communication transparente et qu’elle ait une
stratégie d’ensemble pour toutes ses Églises.
De ces constats, Stolz et Ballif recommandent aux Églises cantonales et aux paroisses une
coordination des stratégies entre la base et la direction, une communication et un échange
d’informations pour s’inspirer des expériences positives des autres, et une continuation dans
les stratégies déjà mises en œuvre. Il s’agit donc de renforcer l’affirmation de l’identité
réformée, le marketing et la mission intérieure, l’amélioration du service cultuel, les
relations avec le public, et la modernisation du management. Et pour la FEPS elle-même
une vision claire en coordination avec les Églises cantonales en vue de défendre
politiquement et dans la société l’identité reformée.
Toujours la même année 2011, Henry Mottu publie chez Labor et Fides son livre intitulé
« Recommencer l’Église »6, avec un sous-titre beaucoup plus parlant « Ecclésiologie Reformée
et philosophie politique ». En d’autres termes, dans une période caractérisée socialement par
l’individualisme et le désamour de la majorité des citoyens ; comment l’Église peut-elle
retrouver une parole publique qui intéresse le peuple, une parole qui soit citoyenne et civique ?
Comment traiter la question de l’autorité dans l’Église de manière à ce qu’elle soit incitative
avec une parole prophétique et un témoignage audacieux dans l’espace politique ?
Faisant appel aux philosophes (Hanna Arendt, Alexandre Kojève) pour définir ce qu’est
l’autorité et en quoi elle est différente du pouvoir, Mottu propose les points suivant pour le droit
6
Henry MOTTU, Recommencer l’église, Labor et Fides, Genève, 2011.
8
Ayant toujours en filigrane la pensée d’Hannah Arendt, l’auteur passe en revue ce qui est en
jeu pour la nouvelle génération, c’est-à-dire non pas les problèmes liés aux fondements mais
ceux liés aux finalités de l’église. Il examine ainsi « l’intention ecclésiale de Dieu sous cinq
rubriques : Le pardon, la promesse, l’espérance, l’appartenance, et l’intercession »7. La teneur
forte de cette intention divine pousse notre théologien à avoir une vision renouvelante de
l’église vers laquelle il faut tendre : Une église cosmopolite. C’est cette église qu’il définit
comme « lieu singulier, là et quand l’Évangile retentit et les sacrements sont célébrés, là et
quand chacun-e est reconnu-e en son unicité, là où l’on peut expérimenter ce que Arendt
appelle la grâce rédemptrice du compagnonnage »8
Ainsi faut-il donc recommencer l’église avec des stratégies suivantes : Une laïcité ouverte et
non celle qui s’oppose à toute religion, travailler pour que la foi retrouve une envergure
culturelle dans toutes les sphères de la vie réelle des gens, et s’inspirer des riches atouts du
protestantisme que sont liberté spirituelle et quête de la justice.
7
Henry MOTTU, ibid., p.115.
8
Henry MOTTU, ibid., p.159.
9
Darrell Likens GUDER, Called to witness : doing missional theology, William B. Eerdmans Publishing Company,
Grand Rapids-Michigan, 2015.
9
France, « missionnel signifie formé et orienté par la mission. C’est un changement profond de
regard non seulement sur les actions de l’Église, mais sur son identité même. »10
Les essais rassemblés dans ce volume couvrent un large spectre de questionnements liés aux
implications théologiques de l'église, des problèmes liés à l’herméneutique de l’évangélisation
dans les églises et le mouvement œcuménique.
Les thèmes évoqués sont des indicateurs : - de la compréhension propre à chaque confession
religieuse de ce qu’est le témoignage chrétien, - des facteurs interdisciplinaires de la théologie,
- ainsi que de la signification potentielle des différents aspects des témoignages chrétiens dans
le monde. La théologie et la pratique démontrent avec clairvoyance que la mission n'est pas
uniquement un cahier rempli d'idées mais plutôt un mode de vie. Ainsi, le volume représente le
commencement d'un projet visant à étendre le développement de la mission en réunissant pour
la première fois les écrits les plus cruciaux.
Dans le cadre de notre travail un article intéressant se trouve dans ce collectif : « The Church
as a missional community11 ». Il reprend les idées du livre de Darell Guder12 publié en 1998 où
il présentait l’idée du choix du terme « missionnel » comme caractéristique du fondement
missionnaire de l’église. Comme père du concept « d’église missionelle », il reste au travers
de ce livre un des leaders incontestés de la théologie missionnaire dans sa génération.
Du côté de la France, est aussi publié sous la direction de Jérôme Cottin et Élisabeth
Parmentier « Évangéliser, Approches œcuméniques et européennes »13. Les contributeurs,
catholiques et protestants, y traitent avec sérieux la question nouvellement théologique de
l’évangélisation en contexte de l’Europe occidental. Partant des modèles missionnaires relevés
par Christian Grappe dans le Nouveau Testament (modèle centripète, modèle centrifuge,
l’immersion, et la contagion), le livre traite la question de la nouvelle évangélisation par la
recherche des langages capables d’atteindre ceux qui n’ont pas été touché par la première
annonce de l’évangile. La concrète préoccupation de la question vitale de "comment faire vivre
ou revivre l’église dans un monde déchristianisé", est étudié au travers des rapports et
recherches sur les nouvelles expressions d’églises dites églises émergentes mais aussi des
10
Andy BUCKER, « L’Église émergente en contexte anglophone », in Jérôme COTTIN & Élisabeth PARMENTIER
(Éds.), Évangéliser : Approches œcuméniques et européennes, LIT Verlag, Zurich, 2015, p. 83.
11
Darell Likens GUDER, ibid., pp.63-73.
12
Lois Y BARRET & Darrell Likens GUDER, Missional Church : A Vision for the Sending of the Church in North
America, W.B. Eerdmans Publ., Grand Rapids, 1998.
13
Jérôme Cottin et Élisabeth Parmentier, Évangéliser, Approches œcuméniques et européennes, LIT Verlag
GmbH &Co. KG Wien, Zurich, 2015.
10
concepts pratiques qui vont avec. Ces études vont des constats sur ce qui se fait en monde
anglophone et germanophone pour en tirer ce qui différencie une église missionnelle d’une
église traditionnelle. Gabriel Monnet en particulier explique que l’église missionnelle est une
Église liquide, messianique, plurielle, et dont la pratique liturgique vise la bénédiction de tous.
Pour terminer la réflexion, une ouverture clôture ces contributions par l’étude d’une part de ce
qu’on peut apprendre des églises issues de la migration, et d’autre part ce qu’on peut recevoir
sur le plan de l’évangélisation de ceux qui sont en situation de précarité, les oubliés de la société.
L’étude que nous menons est une enquête sur les méthodes d’évangélisation disponibles sur le
Canton de Vaud dans le but de faire une proposition concrète à l’Église Évangélique Reformée.
Après avoir défini ce concept actuellement à la mode sur le plan théologique, c’est-à-dire celui
de l’évangélisation, notre enquête observera les pratiques d’évangélisation en milieu
évangélique en vue de questionner la faisabilité dans l’Église Évangélique Reformée du canton
de Vaud. Il va de soi que questionner la faisabilité en milieu reformée exige aussi d’observer et
d’analyser ce qui s’y fait et ce que l’on comprend par évangélisation via une enquête sur terrain.
La méthode que nous utilisons ici est une de celles qui sont en vue dans le cadre de la Théologie
Pratique qui travaille par induction, il s’agit de la Méthode Praxéologique.
clairement logos de l’action, logos de la culture et logos de la foi ; mémoire, promesse et action
dans le présent. »14.
Partant de l’observation des pratiques pour en interpréter le sens, nous voulons finir par
proposer une pratique qui ait du sens en milieu cible, c’est-à-dire au sein de l’Église évangélique
du canton de Vaud. Dans le présent travail, les chapitres 2 et 3 sont analysés sur base des fiches
praxéologiques pour établir les pôles structurels (Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Combien ?
Comment ? Pourquoi ?). Le but est de saisir la compréhension propre des communautés
pratiquantes, de ressortir les valeurs éthiques, et d’en examiner la fidélité évangélique. C’est
plutôt au chapitre 4 que nous présenterons quelques propositions comme intervention et avis
susceptibles selon nous d’encourager l’Église évangélique reformée du canton de Vaud, sur la
voie et les pratiques de l’évangélisation.
L’Analytical Lexicon of Greek New Testament 15 dit que εὐαγγελίζω généralement, peut être
traduit par apporter ou annoncer de bonnes nouvelles (Luc 1,19) ; principalement dans le
Nouveau Testament, comme faisant connaître le message du salut de Dieu avec autorité et
puissance. L’action et voire l’activité organisée pour dire des bonnes nouvelles, ou faire
connaître l’Évangile, est ce qu’on appelle « évangélisation » (Actes 5, 42).
14
Nadeau, J.-G. (1993). « La praxéologie pastorale : faire théologie selon un paradigme praxéologique. »
Théologiques, 1(1), 79-100 : p. 80.
15
Timothy FRIBERT (dir.), Analytical Lexicon of Greek New Testament, Trafford Publishings, Victoria(Ca.), 2006.
16
Jean COMBY, « Évangélisation » dans « Dictionnaire œcuménique de missiologie. Cent mots pour la mission »,
par Ion BRIA et Co.(dir), ©Les Éditions du Cerf, Paris, 2001, pp.125-129.
12
1. Usage Théologique
Évangile est le terme néotestamentaire du message de Jésus-Christ. Les auteurs des Évangiles
en parlent sans passer aux explications. L’Évangile de Marc débute par une proclamation :
« Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ » (Marc1, 1). Dire ceci sous-entend
qu’il y a nouveauté dans le message mais une nouveauté qui réjouit les cœurs. « Comme de
l'eau fraîche pour une personne fatiguée, Ainsi est une bonne nouvelle venant d'une terre
lointaine. » (Proverbes 25, 25).
Cette Bonne Nouvelle est d’abord annoncé par Jésus-Christ. Elle exige une repentance, un
changement de mentalité, et de se tourner vers elle pour l’accueillir : « Repentez-vous et croyez
à la bonne nouvelle. » (Marc 1,15).
À partir des Actes et des épitres, l’usage des expressions « Évangile », « Évangéliser » est
abondant. D’abord les apôtres tiennent à lier le terme à la personne de Jésus-Christ : « Chaque
jour, au temple comme à domicile, ils ne cessaient d’enseigner et d’annoncer la Bonne Nouvelle
de Jésus Messie. » (Actes 5, 42). Et Paul en fait plusieurs usages : « Évangile du salut »
(Éphésiens 1, 13), « Évangile de paix » (Éphésiens 6, 15), « Évangile de la grâce de Dieu »
(Actes 20, 24). Il s’agit d’accoler au terme des attributs qui expriment en quoi ce message est
une bonne nouvelle. En effet, c’est un message qui communique le salut, la paix, et la grâce de
Dieu ; c’est une annonce de la grâce divine.
Mais Paul va même plus loin que cela, il s’approprie carrément le terme et le lie au contenu
qu’il donne à sa prédication et à la manière dont il proclame le message. Ainsi il parle de « Mon
Évangile », « Notre Évangile » (voir Rom 2 :16, 2 Co 4 :3 et 2 Th 2 :14) qu’on peut opposer à
« Un autre Évangile » dans 2Corinthiens 11,4.
13
L’apôtre veut souligner le centre du message qu’il a prêché à savoir Jésus-Christ. L’expression
« Un autre Évangile » revient maintes fois au premier chapitre de la lettre aux Galates où Paul
mène un combat contre l’infiltration du légalisme juif dans la communauté en son absence. Les
Galates se sont ainsi détournés de Christ qui apporte l’Évangile de la grâce pour « Un autre
Évangile ».
Jean COMBY stipule donc à propos du sens théologique : « Au sens biblique, l’évangélisation
est donc la première annonce à ceux qui n’ont jamais entendu parler de Jésus. En ce sens,
"évangélisation" est synonyme de "mission" au singulier et au pluriel. L’évangélisation se
poursuit dans l’histoire et elle n’est pas finie. On peut ainsi parler indifféremment d’une
"histoire de l’évangélisation" ou d’une "histoire de la mission" ou "des missions" »17.
2. Usage institutionnel
Sur le plan institutionnel, Jean Comby souligne la différence d’accents entre d’une part l’usage
en milieux protestants et au Conseil œcuménique des églises COE, et d’autre part en milieux
catholiques.
C. De manière assez concrète, évangéliser est un processus qui doit être mené de manière
organisée en vue d’atteindre les objectifs tout en gardant la cohérence entre éthique et
normativité. Dans son exposé sur l’évangélisation lors de la cinquième assemblée du Conseil
œcuménique en 1975, Mortimer ARIAS, évêque de l’Église évangélique méthodiste de Bolivie
définit l’évangélisation autour de cinq critères expérimentaux capables de la rendre plus
efficace. Il dit ainsi de l’évangélisation :
17
Dictionnaire œcuménique de missiologie. Cent mots pour la mission, ibid., p.125.
14
a. Qu’elle est un tout aux éléments indissociables. Il s’agit de lier la parole et le signe pour que
le témoignage soit complet. Pas de signe sans parole et aussi pas uniquement de parole sans
signe.
b. Qu’elle doit être contextuelle (interculturalité chez les catholiques) : il s’agit de tenir compte
de chaque situation particulière dans laquelle chaque personne peut se trouver, son vécu social
et ce qui peut être appât pour lui amener la bonne nouvelle.
Arias insiste aussi sur le fait que la contextualisation du message exige l’ouverture à recevoir
aussi de son interlocuteur comme dans un dialogue. Il dit en effet ceci au sujet du contexte : «
L’Église doit avoir conscience que le Christ nous précède dans l’Évangélisation. Dieu n’est pas
resté démuni de témoins. La lumière du Verbe illumine tout homme venu au monde. L’Esprit
de Dieu ne fait pas acception de personnes. La grâce de Dieu n’est pas confinée dans l’Église.
De même qu’il y a solidarité dans le péché, il y a solidarité en Christ qui vient de l’incarnation,
la Croix, et la Résurrection. Évangéliser c’est amener les hommes à découvrir le Christ caché
en eux et révélé dans l’Évangile. Tous les hommes et toutes les valeurs humaines sont appelés
à être récapitulés en Christ »18
c. Elle a des priorités et des tâches urgentes. La question ici est de savoir si on peut annoncer
de la même manière l’évangile à l’homme blasé, suralimenté, et fuyant son ennui dans la drogue
de la même manière que celui qui cherche désespérément à survivre. Il s’agit aussi de savoir
par quoi commencer entre une âme pourvue d’oreilles et un ventre affamé. Et quel message
faut-il alors transmettre lorsque se posent les questions de l’humanisation de l’homme et de la
mondanité de Dieu. Arias propose de ne pas rester stagnant au 16ème siècle, car pour lui, il faut
dépasser la simple dogmatique de la justification par la foi. Y rester fidèle, c’est s’arrêter auprès
de ceux qui souffrent et luttent sans espérance et sans Dieu dans le monde.
d. Elle est couteuse et vulnérable : C’est l’une des couteuses entreprises que d’être témoin dans
ce monde. Car le chrétien qui rend témoignage, vit dans le monde et est susceptible à la même
faiblesse et fragilité. Voici ce que déclare Arias :
18
Mortimer ARIAS, « l’évangélisation, tâche essentiel et prioritaire » dans Marcel HENRIET, Briser les barrières,
L’Harmattan, Paris, 1976, p.56
15
2° « Le témoin et la communauté des croyants sont eux aussi insérés dans le monde, sujets au
péché et à l’erreur, tributaires du jugement et de la miséricorde de Dieu. L’Église est interpellée
par la parole de Dieu à travers laquelle elle prétend interpeller le monde. Et comme celui-ci,
elle a besoin de la pédagogie divine qui agit dans l’histoire. Nous devons donc être attentifs aux
"signes des temps" et ouverts au dialogue avec le monde dans l’évangélisation. Le témoin doit
renoncer à toute prétention à une sainteté qu’il n’a pas et admettre pleinement sa vulnérabilité
».20
Arias illustre son propos avec une citation de D.T. Niles selon laquelle celui qui évangélise est
un mendiant qui va dire à un autre mendiant où ils pourront tous les deux trouver à manger.
Cette préoccupation est essentielle car bien des chrétiens ne prennent pas le risque de témoigner
car ils se considèrent indignes et oublient la dignité que seul le Dieu Tout-puissant nous accorde
au travers du Christ. C’est l’œuvre de Jésus en effet qui nous rend dignes d’être reçu au rang de
fils de Dieu ; c’est aussi en comptant sur la même miséricorde qu’il nous accorde la dignité
d’être ses témoins.
Il est important de savoir que l’évangélisation n’est pas une réalisation des sociétés
missionnaires dévouées à la cause, ni le fait des colloques universitaires sur le thème quoique
la nécessité de ces topoï soit nécessaire pour une action réfléchie et rationnelle. Mortimer Arias
propose deux hypothèses21 fondamentales en matière de pratiques d’évangélisation sur
lesquelles nous reviendrons plus tard :
19
Mortimer ARIAS, Ibid., p. 58.
20
Mortimer ARIAS, Ibid., p.59.
21
Briser les Barrières, ibid., p.60.
16
De ces deux hypothèses, il sied d’inscrire l’évangélisation localement en utilisant ces deux
instruments suscités. C’est au travers des communautés chrétiennes qu’on évangélise les
communautés indigènes, et c’est au travers du Chrétien que l’évangile parvient à ceux qui
l’entourent.
Pour conclure les idées de Mortimer Arias au sujet de l’évangélisation, j’aimerais apporter deux
remarques en discussion avec certains points de ses thèses.
22
Mortimer ARIAS, Ibid., p.76-77
17
Le verbe être au verset 12 d’Éphésiens chapitre 2 qui est à l’imparfait indique un état
continue d’ignorance dans le passé. Mais cet état est ici clairement défini par χωρὶς
χριστοῦ (=Sans Christ, séparé de Christ). Le verset 13 commence par l’expression «
Νυνὶ δὲ ἐν χριστῷ Ἰησοῦ » qui signifie « Mais maintenant, en Jésus Christ ».
Il est donc fondamental de considérer la position de celui qui est sans Christ comme un
état de perdition. C’est ainsi que Martin Luther a présenté l’état de l’homme sans Christ
avant de démontrer que l’homme ne peut être sauvé que par la grâce au moyen de la foi
en Jésus-Christ.
Par ailleurs, le rapport de M.M. Thomas, président du comité central du COE relève la
critique du patriarcat œcuménique sur la dimension sociale de l’évangélisation, en ces
termes : « Le Saint Synode de l’église orthodoxe russe a estimé que le COE n’avait pas
toujours inséré assez solidement sa réflexion sur la dimension sociale du salut dans la
perspective du " but ultime du salut…la vie éternelle en Dieu ", arrivant parfois à faire
dépendre en fin de compte la vie éternelle des conditions sociales, et non l’inverse. »24
Et le patriarcat œcuménique de renchérir en mettant en garde le COE : « Le Conseil
œcuménique…dans son souci de répondre à l’angoisse de l’homme d’aujourd’hui, ne
doit pas oublier cette vérité fondamentale : l’homme recherche lui-même
passionnément une réponse à la question qui se pose à lui par-delà sa vive préoccupation
des problèmes socio-politiques d’aujourd’hui. Cette question est la suivante : quelle est
la raison de l’existence sur la terre de l’homme, être vivant, personnalité éthique, entité
qui tend vers quelque chose se situant au-delà de la vie présente pour rejoindre
finalement l’eschaton ? »25.
23
Bible Louis Segond, Éphésiens 2,1-2 et 11-12.
24
Briser les Barrières, ibid., p. 343.
25
Ibid., p.343.
18
Dans les deux cas, la position des patriarcats des églises orthodoxes souligne le fait que
la question du salut de l’homme ne peut pas se limiter à ses besoins matériels où à son
droit naturel de vivre la liberté ; au contraire, le point culminant du salut se trouve sur
la corde raide de la relation de l’humain face à son Créateur maintenant, et
particulièrement en considérant les moments ultimes de l’éternité et l’après de cette vie.
Cette relation détruite lors de la chute trouve restauration par le moyen de la
réconciliation qui est en Jésus-Christ.
Ainsi, la question de contextualisation n’annule en rien la préoccupation ultime de
l’homme, où qu’il se trouve et quelle que soit sa condition. Le contexte doit toujours
être conjugué avec l’eschaton et la préoccupation ultime des hommes dans toutes
conditions où ils peuvent se trouver. Enfin, considérer le contexte dans l’évangélisation
ne doit pas dénaturer le message de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ qui nous enseigne
que c’est dans l’ouverture de l’homme à un Tout Autre, qui est hors de soi qu’il y a la
vie. L’homme ne se comprend pas par rapport à lui-même et ne trouve pas sa justice en
lui-même. Il ne peut recevoir la justification qu’au travers d’un autre en s’ouvrant à cet
Autre qui est plus grand que lui et qui possède la capacité de le justifier 26.
2. Il nous faut considérer avec attention l’idée que l’évangélisation est couteuse et exige
un prix à payer. En effet, elle est si exigeante qu’il nous faut réfléchir un peu plus sur
le vrai prix à payer aujourd’hui, car évangéliser aujourd’hui doit tenir compte du
contexte pilonné par les notions historiques de laïcité et d’anti-prosélytisme, qui ont pris
place après les guerres de religion qui tuèrent des centaines des milliers de personnes.
Le but après ces guerres de religion, était alors d’amener une paix politique par le moyen
de paix religieuse. La laïcité était la possibilité pour une nation de sortir d’un État
théocratique vers un pouvoir étatique réellement sécularisé. Elle est pourtant
aujourd’hui la serrure que nous mettons dans les structures ecclésiastiques pour
enfermer le message de la Bonne Nouvelle.
« Dans une perspective laïque, les croyances et convictions qui ont rapport à la religion
(religions proprement dites, croyances sectaires, déisme, théisme, athéisme,
agnosticisme, spiritualités personnelles) ne sont que des opinions privées, sans rapport
26
L’idée de la justification hors de l’homme est non seulement scripturaire mais elle est aussi tirée de
l’anthropologie luthérienne dans Martin LUTHER, « De Homine » (trad. De Pierre Buhler), in ETR, 1994/4, p.531-
534.
19
direct avec la marche de l'État. C'est là considérer la politique comme une affaire
humaine, seulement humaine. Réciproquement, la liberté de croyance et de pratique doit
être entière, dans les limites de l’ordre public »27.
Or les termes ont dangereusement évolué au sein des sociétés particulièrement
occidentales pour finalement s’assoir dans une opposition totale. Laïcité veut désormais
dire ne pas faire du prosélytisme et ne pas surtout parler de sa foi.
Cependant nous pouvons observer que l’évangélisation n’est pas nécessairement contre
la laïcité. Le contenu de l’évangile et la foi chrétienne même exigent que nous
recherchions la paix civile. Ce qui est important en laïcité, c’est de respecter l’ordre
public. En effet, il est toujours possible de partager une information sur les bienfaits de
ses convictions avec la possibilité d’ouverture sans pour autant violer le principe de
laïcité. Ce partage peut se faire dans un cadre privé, entre deux personnes, dans un
groupe d’individus ou alors en milieu public sous autorisation des services étatiques
compétents. C’est à ce point à notre avis que se trouve le prix à payer aujourd’hui. Ce
prix est le courage prophétique de l’Église à revisiter la conception erronée de la laïcité
devenue handicap à l’annonce simple de l’amour de Dieu dans l’humanité.
27
Etienne PALLE, Retour aux fondamentaux -Vers une République civique, Éditions Baudelaire, Paris,©2015,
p.23-24.
20
Les méthodes d’évangélisation dites individuelles sont celles qui se pratiquent d’individu à un
autre individu. Elles n’ont besoin ni de structure particulière, ni d’organisation spéciale pour
l’annonce de la Bonne Nouvelle. Dans tous les cas, la communication est directe et passe sans
transition du locuteur à l’auditeur. Quoiqu’ayant retenu cinq d’entre elles pour l’observation,
ces méthodes peuvent être classifiées autour deux points essentiels : le témoignage et l’exposé
des points clés de la doctrine du salut.
1° Le témoignage individuel :
Quelques techniques suivantes inspirées par le « Manuel du faiseur des tentes »28 et différentes
brochures d’évangélisation produites par « Campus pour Christ », aident le locuteur à organiser
son témoignage dans le contexte de la personne destinatrice du message. Les références
bibliques jointes servent à montrer au témoin que ces techniques ont leur soubassement dans
les Saintes Écritures :
- Dire les simples faits de sa conversion et du changement constaté dans la vie (Psaumes
51 :12-13).
- Parler des réponses positives reçues suite aux intentions de Prière (Psaumes 50 :15)
28
Willys BRAUN, Manuel du Faiseur des tentes, Éditeur : Great Commission Challenge Camps, Kinshasa, 2012.
21
- Dire comment Christ vous satisfait complètement et concrètement dans votre vie
(Psaumes 107 :8-9).
- Parler de victoire personnelle sur le péché et les tentations (1Jean 5 : 4-5).
- Parler de vos versets favoris dans la Bible, et comment Dieu vous a parlé ce matin à
partir d’un passage particulier de l’Écriture.
- Donner à ses amis une portion de l’Évangile de Christ. Leur parler de Jésus (Rom. 1
:16)
- Inviter les connaissances et amis à venir voir l’action divine lors d’un service cultuel
par exemple (Jean 1 :29-51)
- Enseignez-les à suivre Jésus (Matthieu 4 :12-25 ; Marc 1 :16-20).
2° Les points clés de la doctrine du salut
Cette pratique vise à communiquer à l’auditeur ayant accepté de prêter son attention, les points
essentiels de la sotériologie à savoir que :
1. Lieu de l'expérience :
Les pratiques d’évangélisation regroupés sous « méthodes individuelles d’évangélisation »,
ont été observés au sein de la Mission Chrétienne du Léman sise Couchant 4, 1022
Chavannes-Près-Renens au sein de laquelle une catéchèse d’évangélisation a été organisée
avec expérience sur terrain à la gare de Renens comme exercice pratique d'évangélisation.
Nous avons en outre observé quelques témoignages à but évangélisateur en posture émique
dans les familles sur les rendez-vous pris par les membres de cette communauté.
2. Quand ?
Les pratiques d’évangélisation individuelles font partie de la vie normale des chrétiens selon le
milieu observé. Ainsi, ces méthodes peuvent être utilisées à temps et à contretemps selon
22
Ce qui est conseillé par les responsables de l’évangélisation dans la communauté pour des
telles discussions, est de consacrer 15 minutes pour l’exposition du témoignage, 20 minutes
pour l’échange sur le texte et la discussion avec la personne cible, et enfin 15 minutes environ
pour laisser s’exprimer l’interlocuteur sur des sujets à caractère religieux. Environ 50 minutes
devraient suffire pour cet échange à moins que l’interlocuteur souhaite prolonger.
3. Qui ?
Ces méthodes que nous avons nommées individuelles ne nécessitent pas une organisation
particulière mais des opportunités pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. Elles sont
individuelles parce qu’un seul individu discute avec un interlocuteur à qui le témoignage est
annoncé. Mais parfois deux personnes peuvent répondre au rendez-vous du témoignage en vue
de s’encourager mutuellement. Les praticiens font alors référence au texte de Luc 10, 1 :
« Après cela, le Seigneur désigna soixante-douze autres disciples et les envoya deux par deux
devant lui dans toute ville et localité où il devait aller lui-même. »29 Toutefois, dans le récit du
texte, l’auteur semble présenter non une évangélisation personnelle du chrétien mais un envoi
missionnaire planifié par le maître.
4. Quoi et Comment ?
4.A) Description des pratiques
Dans cette série, nous avons observé et découvert cinq techniques qui sont
presqu’arbitrairement nommées selon le choix des initiateurs de la méthode. Nous gardons la
nomenclature d’origine, telle qu’elle se trouve dans le livre Manuel du Faiseur des tentes30. Ce
livre a l’ambition d’équiper le croyant ordinaire au témoignage chrétien dans sa vie de tous les
jours, à l’image de l’apôtre Paul qui évangélisait et subvenait à ses besoins en vivant du
29
Traduction œcuménique de la Bible(TOB).
30
Willys BRAUN, Manuel du Faiseur des tentes, Éditeur : Great Commission Challenge Camps,
Kinshasa, 2012.
23
commerce des tentes. C’est l’intérêt de l’évangélisation comme service de tout croyant qui
motive le choix de notre observation via ces méthodes qui sont :
Cette technique d’évangélisation enseigne quatre lois spirituelles pour le salut. Elle donne aux
auditeurs l’opportunité de considérer leurs réponses.
Pour être efficaces, ces lois doivent être présentées dans le même ordre où elles sont reprises
ci-dessous, parce que chacune se construit sur base de la précédente :
1ere loi : Dieu vous aime et vous offre un plan merveilleux pour votre vie (Jean 3 :16
; Jean 10 :10).
2ème loi : L’homme est pécheur et séparé de Dieu. Ainsi, il ne peut pas connaître et
expérimenter l’amour et le plan de Dieu pour sa vie (Romains 3 :23 ; Romains 6
:23).
3ème loi : Jésus est la seule provision de Dieu pour le péché de l’homme. C’est au
travers de Lui que vous pouvez connaître et expérimenter l’amour et le plan de Dieu
pour vos vies (Romains 5 :8 ; 1 Cor. 15 :3-6 ; Jean 14 :6).
4ème loi : Nous devons individuellement recevoir Jésus-Christ comme notre Seigneur
et Sauveur ; alors nous pourrons connaître et expérimenter l’amour et le plan de
Dieu pour vos vies (Jean 1 :12 ; Éphésiens 2 :8-9 ; Jean 3 :18 ; Apocalypse 3 :20).
31
Bill BRIGHT, Quatre lois spirituelles, Edition Campus pour Christ, Kinshasa, 2000. Cette brochure est éditée en
Suisse par Campus pour Christ sous le titre « Connaitre Dieu personnellement ».
24
Signifiant Signifié
Le Pouce Jean 3,16 : Dieu vous aime
L’index Romains 3,23 : Tous ont péchés
Le majeur I Corinthiens 15, 3-4 : Christ a payé le prix
L’annulaire Jean 1,12 : Croire en Jésus-Christ
L’auriculaire Romains 6,23 : La vie éternelle
Le livre sans mots est une autre métonymie utilisée pour se rappeler les clés doctrinales de la
sotériologie ; mais cette fois-ci le petit livret utilise les pages colorées différemment comme
signifiants et chacune des couleurs comme symbolisant un dogme. En tournant les pages ainsi
classées du petit livre nous retrouvons les signifiants et signifiés comme suite :
Signifiants Signifiés
Page couleur d’or ou jaune Amour de Dieu
Page noir État de péché et besoin de l’homme
Page rouge Le salut par la mort et le sang du Christ
Page blanche La part de l’homme, croire en Jésus
Page verte Nécessité d’une croissance spirituelle
Plusieurs personnes ont pris du temps d’écouter les chants en attendant leur train ou en
descendant du train. Peut-être que certains étaient à la gare pour autre chose que le voyage,
26
toutefois, la distribution du matériel s’est bien passé et un nombre limité de personnes s’est
intéressé à la discussion ou à l’échange avec le groupe.
5. Pourquoi ?
L’objectif principal de cette pratique était de trouver l’opportunité de diffuser le message
de l’évangile par le moyen du témoignage oral et des brochures, et dans la mesure du
possible créer des contacts avec les personnes ouvertes afin de pouvoir approfondir le
témoignage.
La tension entre objectifs explicites et implicites est la question que bien des personnes se
posent à juste titre d’ailleurs, à savoir si l’évangélisation devrait viser le témoignage de
l’amour divin en Christ ou alors le fait d’avoir des temples remplis lors des cultes en
paroisses. Toutefois il nous faut relever que l’évangélisation fait partie des objectifs32
principaux des politiques de la plupart des Églises qui font partie du mouvement de
l’évangélisme33.
Sur les brochures sont imprimés des messages qui interpellent les lecteurs et les encouragent
à se décider pour suivre Christ la seule voie du salut. Pour les acteurs, c’est seulement
l’adhésion à la foi chrétienne qui ouvre les portes du bonheur. Les Nouveaux Testaments
est le texte sacré pris dans le sens littéral comme en milieu évangélique, ils ont valeur directe
de parole de Dieu. Cette parole aurait la force magique de changer par elle-même la vie de
32
Voir par exemple les buts de la Mission Chrétienne du Léman sur
http://www.vd.ch/themes/economie/registre-du-commerce/recherche-dentreprise-ou-de-titulaires-dans-le-
canton/
33
Évangélisme est ici compris comme l’ensemble des églises dites « évangéliques », courant protestant issue du
piétisme et qui insiste sur la conversion personnelle.
27
• Dans le groupe observé, tous les acteurs se considèrent dotés de la mission de gagner les
âmes des autres qui sont perdues. Cependant les rôles ont été distribués sur terrain de
manière à attirer l’attention, distribuer les tracts, et discuter l’évangile. Chaque acteur se
sent aliéné vis-à-vis du devoir chrétien d’annoncer le message du salut. Tous ces acteurs
ont la conviction que l’évangile doit être entendu par toutes les nations avant le second
retour du Christ.
•Ce groupe se sent très proche de tout le corps de Christ avec lequel il est solidaire mais se
considère comme d’une mission divine spéciale à double titre : - comme membre de la
famille protestante large ils travaillent fraternellement avec l’Action Commune d’Églises
Lausannoises34. Chaque année par exemple, les églises évangéliques possèdent une action
commune à but évangélisateur intitulé service paque. Celui-ci consiste à faire du bénévolat
en faveur de la commune pour montrer leur attachement à la cité. – comme communauté
d’origine africaine, elle se considère comme dotée de responsabilité de réveiller
spirituellement l’Europe endormie comme juste retour à l’évangélisation de l’Afrique par
les européens.
34
Cette organisation en sigle ACEL a déjà eu l’ambition à notre connaissance de faire une grande action avec
des églises catholiques, protestants, et évangélique sur la région lausannoise. Elle est actuellement dissoute
dans le REL (Réseau évangélique vaudois) qui est la branche lausannoise de l’Alliance évangélique Suisse.
28
l’ouverture. Il y a au fond toute une éthique de responsabilité basée sur l’amour comme
vertu. En effet, le besoin de témoigner et l’effort observé dans cette pratique semblent être
non seulement une élaboration intérieure de ce qu’un autre, le Christ a fait et continue de
faire pour ceux qui sont ouverts, mais aussi la manifestation même de ce qu’il a fait au
travers de l’agir du croyant.
La compréhension propre des acteurs est que l’évangile est un message d’amour qui ne
peut-être vécu que dans la mesure où il est communiqué à ceux qui sont autour de nous.
Pour eux sans cet amour de Dieu manifesté dans la personne historique de Jésus-Christ, le
monde va à la perdition. Ce qui rend le croyant responsable de véhiculer le message de
Dieu.
• Il m’a semblé parfois difficile de cerner une image claire de l’absolu. Quoique croyant en
la trinité, les acteurs parlaient tantôt de Dieu et tantôt de Jésus. Qu’ils le nomment Dieu ou
Jésus-Christ, il est le maître et les acteurs se considèrent comme dépendant de lui, mais
responsables dans leurs actions. Cette dépendance se manifeste par exemple par le besoin
de prier avant et après la pratique et la responsabilité dans la joie de pouvoir raconter ce que
l’Absolu a fait dans leurs vies. Les cantiques chantés lors de l’exercice étaient non
seulement une affirmation de leur conviction vis-à-vis de Dieu ou de Jésus-Christ mais aussi
une annonce de son amour pour l’humanité. Par exemple : « Je crois au soleil même s’il ne
brille pas, oui je crois en Dieu même s’il je ne le vois pas, je crois en l’amour même si je ne
le sens pas, etc… ». Ces affirmations visaient à s’encourager soi-même dans la confiance
envers Dieu qui sous-entendu existe ; mais aussi une annonce de cette confiance nouvelle
aux auditeurs potentiels. Enfin l’ouverture comme valeur est malheureusement utilisée mais
dans le but de pouvoir convaincre le vis-à-vis de la justesse de leur profession de foi.
Le cours véhicule la vision générale de la famille protestante, c'est à dire que l'homme
a été créé bon mais par la chute, il a perdu la communion avec le Créateur. Mais il est
sauvé par la grâce et justifié par sa foi en Jésus-Christ qui s'est substitué à toute
l'humanité par sa mort et sa résurrection pour expier le péché. L'acception de l’œuvre
rédemptrice du Christ renoue la communion avec Dieu et donne à l'homme le droit
d'entrer dans le Royaume de Dieu. Dieu est amour et il veut que tous les hommes soient
sauvés par le message de l'Évangile.
• Dans la plupart des lieux observés, il faut au minimums deux salles : une pour le repas
et l'autre pour la leçon du jour. Dans la mesure du possible un troisième ou quatrième
local est prévu pour des échanges en petits groupes. Le local destiné au repas est disposé
de manière à avoir des étudiants en petits groupe sur des tables différentes en vue de
30
• L'un des moments clés du parcours Alpha est le repas avant les leçons. Passer à la
cuisine avant le cours vous met dans l'ambiance de ce qui se prépare. Vous pouvez sentir
les odeurs des aliments, des condiments, et des repas lorsqu'ils sont apprêtés. L'olfaction
est aussi sollicitée par les produits de nettoyage pour la vaisselle. Parfois à table sont
placées des bougies pour masquer les odeurs des plats.
• L'audition est sollicité lors des conversations entre participants et encadreurs. Ensuite
lors du deuxième moment clé où parle l'animateur principale du jour qui enseigne. Dans
certains groupes d'études se trouvent des encadreurs qui sont musiciens, ce qui donne
plus du tonus lors des chants. Écouter est donc fondamental pendant ce parcours, car il
est un moment d’échange qui doit amener le participant à percevoir le sens de la vie en
rapport avec le message évangélique.
Pour chaque personne faisant ce parcours il y a un ajout culturel par les conversations
et différents plats. Le psychologique est atteint par le changement de la façon de
concevoir la vie qui découle du parcours. Quoique nous ne puissions le vérifier dans le
temps, des témoignages d’une nouvelle éthique de vie et un engagement religieux
ressortent d’un bon nombre des participants observés.
Ces acteurs viennent des milieux hétérogènes et multiculturels. Parmi les formateurs,
nous avons observé que certains étaient ecclésiastiques mais pour la plupart, ce sont des
laïcs engagés. Un des formateurs était fonctionnaire aux impôts, un autre était médecin.
De même que parmi les participants il y avait toutes les classes sociales, majoritairement
de type européen. Ceux qui travaillaient à la cuisine étaient souvent des retraités rendant
services à l’église. En définitive, nous pouvons dire que le participant au cours Alpha
vient du milieu autochtone de l’église, de type européen et d’âge compris entre 17 à 60
ans. Quelques exceptions sortent du lot selon que l’église est dans une cité urbaine,
village, ou campagne.
Du point de vue des ressentis, toutes les personnes interviewées pendant et après le
parcours sont content de l’avoir accompli. Ils déclarent avoir appris des choses et
renforcés leur relation avec Dieu. D’autres rendent témoignage du changement moral
intense et du bien-être profond dans leurs cœurs. Il y a chez tous les participants un
sentiment que leur relation à Dieu a connu une augmentation en qualité et en
considération. Leur connaissance sur Dieu et sur le salut chrétien est au clair et que leur
éthique a pris un élan positif.
• Les relations observées entre les différents acteurs sont définies par la fraternité, étant
donné que l’évangile est un message d’amour, d’égalité et de fraternité. Toutefois
l’équipe des encadreurs joue son rôle de référent auprès des participants étudiants.
32
Lors du repas, les formateurs et les étudiants sont tous à table et servis par l’équipe de
cuisine.
Étant une méthode d’évangélisation ecclésiale, le projet peut être soutenu ou pas par le
conseil de l’Église étant donné qu’il exige une implication sérieuse et des budgets
consistants selon le nombre des participants à nourrir plus ou moins 12 à 13 fois. Dans
certaines églises, ce sont les responsables ecclésiaux qui ont du mal à faire passer la
pratique car désirant peut-être une autre méthode.
Notre observation s’est tenue principalement dans trois églises évangéliques. Deux sont
issues des mouvements de réveil du 19ème siècle en Suisse et au Danemark. Il s’agit de
l’église Évangélique du Réveil et l’Église Évangélique Apostolique. La troisième église
est une assemblée issue des libristes vaudois. Elle fut ensuite influencée par le
mouvement darbyste et finalement, étant sorti du darbysme, elle a intégré les assemblées
évangéliques de suisse romande (AESR).
Toutes ces églises sont autonomes mais dépendent de leurs fédérations respectives qui
se retrouvent toutes au sein du Réseau Évangélique suisse, une branche suisse romande
de l’Alliance Évangélique. Dans ces milieux il y a une influence de l’évangélisme
américain et anglo-saxon. Les églises sont soutenues financièrement par les libres
contributions des membres et des amis.
l’évangile. Mais au contraire, nous avons constaté que le cours Alpha est un contrat de
ne pas orienter la démarche des candidats vers une église. Ce contrat est toutefois plus
ou moins respecté de manière obligatoire. Reste juste à savoir si cela est bien ou pas de
ne pas les orienter vers l’église.
• Durant notre observation, la pratique se déroulait toujours dans la soirée entre 19h00
et 21h45. Les responsables spirituels se rencontrent à 18h15 pour préparer la soirée dans
la prière. Ceux qui font la cuisine s’organisent aussi en conséquence. Dans tous les cas
le programme35 proposé en soirée est le suivant :
19h00 Repas
20h00 Enseignement
20h50 Café
Cette pratique peut être utilisée par des Églises pour un programme à court terme, moyen
terme, et même un programme permanent d’évangélisation. Cependant il faut environ
six semaines dans l’organisation avant le premier cours. En effet les préparatifs
nécessitent avant le lancement, un travail important en amont pour la publicité et la
formation des équipiers et du personnel impliqués.
Le cours Alpha est né en Angleterre dans une église anglicane, la Holy Trinity
Brompton, qui offrait à la base des repas pour personnes sans-abris. L’idée du pasteur
de cette église, Révérend Charles Manrham fut ensuite de vouloir profiter de ce moment
pour faire découvrir dans une ambiance conviviale les bases de la foi chrétienne à ceux
35
Nicky GUMBEL, Le Dire aux Autres : Le concept du cours Alpha-un moyen pour atteindre notre génération, ©
Éditions Jeunesse en Mission, Burtigny(Suisse), 1999, p.30.
34
qui loin de l’église se posent multiples questions. C’est Nicky Gumbel, avocat de métier
et devenu à la suite de sa conversion théologien de l’université d’Oxford, qui mit en
place les bases du parcours Alpha. Il est considéré comme le père du cours Alpha, suivi
aujourd’hui par des milliers des personnes dans plus de 165 pays et organisations
chrétiennes différentes.
• Comment : Parti d’une église locale, le cours Alpha est aujourd’hui une grande
organisation mondiale. Ce parcours qui a commencé dans la grande métropole de
Londres, est aujourd’hui enseigné dans plus de 70 pays dans le monde. Alpha
international chapeaute et initie les structures nationales dans différents pays. Au niveau
de la Suisse, le cours Alpha se trouvent dans la structure Alphalive réunissant tous les
organisateurs des cours : Églises, privés, et autres associations compris. Alphalive en
Suisse romande est placé sous la direction de « Campus Pour Christ », une autre
organisation multiconfessionnelle d’évangélisation. Chaque organisateur du cours est
obligé de s’inscrire auprès d’Alphalive suisse et d’y prendre formation afin que la
philosophie du cours ne puisse pas être changé.
36
Le Manuel de l’invité est réalisé d’après l’ouvrage « Les questions de la vie » et les enseignements oraux de
Nicky Gumbel et traduit du titre original anglais : Why am I here, Alpha International, London, ©2014.
35
- L’équipe des responsables : Elle est composée de ceux qui enseignent et des
responsables des petits groupes. Un groupe de 12 participants au cours, doit
comprendre un tiers de personnes responsables, c’est-à-dire trois ou quatre
responsables : Un responsable et son adjoint, puis deux personnes qu’on désignent
comme co-responsables. Ces derniers peuvent être un couple ou deux personnes
célibataires qui ne se fréquentent pas. Quand le cours a déjà été pratiqué, il est
préférable de prendre ceux qui viennent de finir la session précédente et qui auront
manifesté la capacité d’ouverture à l’évangélisation. Ils seront ainsi plus sensibles
au questionnement des étudiants dans l’échange lors des petits groupes.
Les responsables sont formées durant trois soirées avant le cours. Pour un cours qui
commence à 19 heures, ils ont l’obligation de se rencontrer au moins 45 minutes avant
pour un moment d’échange et de prière.
- L’équipe de cuisine : Un groupe des gens s’engagent à préparer les repas, à servir,
et à faire la vaisselle. Souvent des personnes à la retraite comme le cas à l’église
d’Aigle font bonne affaire, ils ont fait découvrir les différents petits plats locaux.
• Pendants les repas seule l’équipe cuisine s’occupe du service de manière à laisser les
autres membres développer l’échange à table. Selon l’organisation, celle-ci s’occupe de
vaisselle et rangement après le repas.
Après le repas le responsable fait des annonces et expose le sujet du jour. Viendra
ensuite le moment d’échanges en petits groupes.
• Objectifs : Le parcours Alpha vise clairement à proposer les bases de la foi chrétienne
à ceux qui ne sont pas chrétiens et aux nouveaux convertis. De manière implicite, le
parcours vise à créer une convivialité, fraternité, et amitié basée sur les principes
bibliques entre les participants.
37
Nicky GUMBEL, ibid. p.34-42.
36
Cette réalité prend sens dans le fait que le cours est un « lieu d’écoute et d’échanges. Le
repas en commun permet de faire connaissance et de se faire des amis, car il est
important que le cadre soit convivial ». 38
• Les organisateurs du Cours Alpha savent bien que chaque participant possède un
questionnement sur le sens de la vie hier, aujourd’hui, et demain. Ils ont le devoir de
montrer de manière naturel et pratique le fait qu’il est possible d’être accueilli et aimé
en Christ, malgré notre échec, réussite, faiblesse, etc… Ainsi le parcours lui-même
propose une série des questions autour desquelles exposé et échanges se nouent. En
voici quelques-unes : - Le christianisme : faux, ennuyeux, dépassé ? – Qui est Jésus ? –
Pourquoi Jésus est-il mort ? – Comment savoir si j’ai la foi ? – Prier, pourquoi et
comment ? Lire la bible, pourquoi et comment ? – Comment Dieu nous guide-t-il ?
Comment tirer le meilleur du reste de ma vie ?
L’engagement dans un cours Alpha est une occupation bénévole et une exigence de la
foi. Il est visé que chaque participant au Cours finisse par accepter l’amour de Dieu au
travers de Jésus-Christ et adhère à la foi chrétienne. Mais au moins il doit être au
courant de tous les fondements de la foi chrétienne.
• Le cours Alpha est organisé pour ceux qui sont intéressés de savoir davantage sur la
vie chrétienne et ceux qui sont en questionnements multiples. Un ensemble de 15
leçons sur 10 semaines permettent à la personne d’acquérir la compréhension
chrétienne de la vie et le cas échéant d’y adhérer de manière claire et intégrer une église.
38
Nicky Gumbel, ibid. p.29.
37
La différence entre le programme Alpha et d’autres offres chrétiennes est que malgré
son objectif qui est l’évangélisation, le cours Alpha se donne comme contrat de ne pas
proposer un engagement dans la foi ou dans l’église, à moins que la personne elle-
même fasse cette démarche suite à un besoin personnel.
• Le devenir collectif est caractérisé par la poursuite des amitiés et relations établies
lors de ces moments partagés ensemble. De manière générale, ceux qui participent au
cours Alpha, finissent par adhérer ou renouer avec l’église.
Les valeurs chrétiennes sont multiples mais résumées en un seul mot, celui de l’amour.
Le témoignage évangélique résume l’amour comme étant le plus grand
commandement. Le récit de Matthieu raconte que Jésus a fermé la bouche aux
sadducéens et que les pharisiens lui posent une question pour l’éprouver, à savoir quel
était le plus grand commandement. La réponse de Jésus est assez claire : « Tu aimeras
le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est là
le grand, le premier commandement. Un second est aussi important : Tu aimeras ton
prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les
Prophètes. »39
L’amour est donc la valeur absolue de la qualité de vie recherchée dans le christianisme.
Subséquemment, la pratique du Cours Alpha privilégie plusieurs autres valeurs en
relation avec l’amour Agape. Nous en citons quelques exemples relatifs à l’attitude des
formateurs et responsables des petits groupes quant au travail pastoral 40: Il s’agit de
l’encouragement, l’écoute, et la paix.
39
Matthieu 22, 37-40 (TOB, Alliance Biblique Française, 2010).
40
Nicky GUMBEL, ibid, pp. 51-59.
38
La paix veut dire qu’il faut amener ceux à qui l’on parle à recevoir une tranquillité
totale. C’est le but du réconfort, redonner l’équilibre psychique perdu à ceux qui
rencontrent la vie chrétienne.
Alpha est donc une pratique d’accueil, d’écoute et d’échanges, dans un climat amical
et fraternel.
Quoique le cours soit travaillé pour ne pas avoir le jugement sur les personnes, la
pratique considère que le monde sans Dieu est un monde qui va certainement à la
dérive. L’homme non réconcilié avec Dieu est sans espérance, raison pour laquelle il
faut lui communiquer le message de la Bonne Nouvelle.
41
Bible en français courant, Alliance Biblique française.
42
Bible Tob, Alliance Biblique française, 2010.
39
L’absoluité ici est celle qui caractérise positivement le Divin43. Notre pratique le
nomme clairement comme Dieu, Seigneur, ou Éternel. Il est l’origine et Créateur de
toutes choses. Il est celui qui s’est révélé au travers de l’incarnation en Jésus-Christ son
Fils Éternel. Ce Dieu continue à agir au travers des hommes parle moyen de son Esprit
qui est l’Esprit Saint. C’est donc le Dieu Trine qui est annoncé par la pratique.
43
Michel BLAY (dir.), Dictionnaire des Concepts philosophiques, coll. « Larousse in extenso », 2012, p.2.
40
Le présent chapitre vise à relater l’avis de l’EERV sur les pratiques d’évangélisation en milieux
évangéliques, et de rendre compte de ce qui se fait en matière d’évangélisation au sein de
l’Église reformée vaudoise, en vue de pouvoir proposer au dernier chapitre une intervention qui
soit adaptée à son fonctionnement et à sa sociologie.
2° L’observation pendant une journée entière de 9h à 17h du Labo Khi à la retraite du conseil
de la paroisse de Sauteruz/Vaud qui s’est tenue à la maison des sœurs de Saint-Loup.
3° Pour éviter une pensée monolithique, nous avons sollicité aussi par questionnaire les avis
par écrit de deux paroisses, l’une traditionnelle et l’autre lieu phare44. Malheureusement, il nous
semble que la question de l’évangélisation n’est peut-être pas encore au centre du penser
quotidien des pasteurs de l’EERV. En effet, sur plusieurs questionnaires adressés aux pasteurs
y compris ceux qui comprennent bien la démarche académique, tous ont à la dernière minute
trouver une échappatoire pour ne pas répondre clairement par écrit. Nous avons cependant tout
fait pour soutirer des avis par des conversations extérieurement désintéressés.
44
Lieu phare qualifie particulièrement le besoin « d’adapter de manière régulière d’autres formes profilées de
célébrations en fonction des lieux et des contextes, à l’échelon paroissial ou régional » selon le programme de
législature EERV 2014-2019 sur la vie spirituelle. Ces lieux se veulent être un phare qui éclaire au milieu de la
nuit et une ouverture à rencontrer la spiritualité autrement. Par exemple sur Lausanne l’église de Saint François
propose les cultes et moments de prière animés par le biais de la musique et Saint Laurent église veut vivre
l’ouverture à la diversité par des cultes vécus autrement.
41
manière libre et orale lors d’un long entretien enregistré, alors que Jean-Christophe Emery nous
a répondu par écrit après un premier entretien orale.
Après avoir présenté les résultats du chapitre 2 en milieu évangélique, ces différents
responsables ont été soumis au questionnaire suivant :
Le service qui s’occupe de la question de l’évangélisation est considéré par ses responsables
comme un projet de recherche et développement pour l’institution entière. Pour montrer son
ouverture à la direction de Dieu en la matière, il est appelé Labo ou Projet Khi. L’appellation
Labo montre son côté expérimental alors que celle du « Projet Khi » fait probablement allusion
à la lettre grecque Khi (Χ) qui symbolisait le Christ dans les monogrammes grecs anciens.
Ses pistes de recherche sont axées autour : - de la recherche active sur comment adapter les
offres en fonction des changements rapides dans la société, - des outils à proposer aux paroisses
sur le diagnostic et l’aide à la croissance des groupes, - de la sensibilisation et la formation sur
la thématique de l’évangélisation, - et de la création des synergies entre personnes intéressées
42
par l’évangélisation. De ces synergies surgissent des outils à proposer sur la plateforme
commune.
De deux entretiens que nous avons eus avec les responsables, nous pouvons retenir les faits
suivants :
45
L’approche mimologique signifie que le Projet Khi ne se positionne pas sur ce qui a été fait mais essaie de
trouver par imitation ce qui est possible aujourd’hui.
46
http://www.vpge.ch/fresh-expressions-leglise-sort-de-ses-murs/ : Fresh expressions Church ou en français
église émergente est une nouvelle façon de faire église. L’église émergente cherche à être missionnaire,
contextuelle, éducative, et ecclésiale. C’est-à-dire qu’elle veut servir ceux qui ne sont pas dans l’Église, tenir
compte du cadre de la vie des gens, produire des disciples afin de former église.
43
Comprendre ce qui se passe au niveau du conseil synodal comme organe exécutif de l’église
nécessite non seulement de visiter le département d’évangélisation mais d’observer de plus près
et par nous-même ce qui se pratique au niveau de paroisse. C’est pourquoi nous avons accepté
l’offre de pouvoir assister à la retraite du conseil de paroisse de Sauteruz. Nous avons voulu
expérimenter cette pratique non pas à cause de la retraite mais afin de pouvoir tester l’efficacité
des techniques au sein d’une paroisse déterminée.
La pratique que nous avons observée est appelée Labo Khi. Le terme de Labo signifie d’abord
que les pratiques ne sont pas figées, elles sont en expérimentation dans un laboratoire sur
l’évangélisation au sein de l’Église. Le labo Khi consiste en des séances de travail entre les
responsables du Projet Khi et le conseil d’une paroisse.
Nous n’avions aucune préconception de la pratique étant donné que nous ne comprenions pas
tous les instruments utilisés nonobstant les entretiens qui sont restés théoriques. Tout ce que
nous savions était que le responsable du Labo Khi, en l’occurrence ici Simon Weber jouerait le
rôle de motivateur ou formateur pour les membres du conseil.
La vision de l’humain qui traverse le Labo Khi est celle de l’homo faber–ludens47 dans une
société moderne, c’est un homme dont l’identité se confond avec la productivité et le loisir. Il
est replié sur lui-même et vit dans une société qui est devenue liquide. « Par homo faber, nous
entendons l’homme dont le contenu essentiel de l’existence est déterminé par le travail en tant
que processus de production. Par homo ludens nous entendons l’homme dont le contenu
essentiel de l’existence est déterminé par le jeu en tant que processus de création. La vie entière
de l’homo faber se déroule sous le signe de la lutte pour l’existence et la nécessité. La vie de
l’homo ludens est marqué par la gratuité et la liberté. Elle est ordonnée vers la joie et la
jouissance. »48 En reprenant l’expression homo faber-ludens pour nommer la vision
anthropologique du Projet Khi, nous sommes d’accord sur le fait que l’homme du 21ème siècle
47
L’expression homo faber-ludens est de Gervais Deschênes, Le loisir : une quête de sens. Essai de Théologie
Pratique, Presses de l’Université de Laval, 2007. C’est moi qui utilisons ce terme pour designer la vison
anthropologique du Projet Khi et non le Labo lui-même.
48
Éric Volant cité par Gervais Deschênes, ibid., p.24.
44
est ainsi absorbé par la productivité et la jouissance. La production protège son existence alors
que le loisir le fait échapper à cette lutte. En même temps qu’il est otage de sa survie, il essaye
de fuir l’ennuie de ce combat au travers du plaisir et de la jouissance. C’est ainsi que ses repères
sociologiques ont été modifiés et tendent à se retrouver autour des nouvelles valeurs qui sont
production et loisir.
L’Absolu est nommé clairement comme Dieu dans cette pratique, le Dieu biblique et qui s’est
révélé par l’incarnation de son fils Jésus-Christ. La vision de l’Absolu est Christo-centrée car
la pratique préconise le besoin de montrer à l’humain qu’il a besoin de renouer par la foi en
Jésus-Christ sa relation avec Dieu. Ici comme l’indique l’intitulé du service (Projet Khi), tout
est projeté pour la connaissance et la relation avec le Christ indiqué par le « Khi ».
La pratique s’est faite dans l’enceinte d’une salle au sein de la communauté des diaconesses de
Saint loup. Le bâtiment est réputé comme lieu qui historiquement est habité par la prière. En
effet, la prière, le recueillement, la méditation font partie du ministère des diaconesses de Saint
Loup. En arrivant dans la salle, on observe les tables et chaises de l’équipe du conseil de la
paroisse de Sauteruz (participants) disposées en forme de U, et l’animateur du Labo devant eux.
Les perceptions sollicitées par la pratique sont : la perception visuelle, la perception auditive,
et la perception tactile. Les perceptions olfactive et gustative ne font pas vraiment partie de la
pratique quoiqu’un repas soit partagé avec les diaconesses et tous habitants du moment à la
pause. Quelques boissons chaudes et amuse-bouche sont nécessaires pour prendre l’énergie au
moment des petites pauses. Selon le choix il y avait à disposition du café, du thé, de l’eau, des
biscuits salés et sucrés. Pour l’animateur et les participants, la vision est sollicitée pour la
lecture des documents, et pour l’usage des différents outils de diagnostic et formation. Durant
la pratique plusieurs échanges se font aussi par des signes et sollicitent également la vision et
c’est aussi au travers d’elle que l’on se regarde mutuellement.
La principale perception est l’audition car les séances de Labo Khi avec les conseils de paroisse
sont en réalité des moments de motivation, et de formation : les participants écoutent les
discours de l’animateur, ils s’écoutent aussi entre eux lors des séances en groupes plus
restreints. L’animateur doit être à l’écoute des participants en vue de pouvoir les orienter. Le
toucher est sollicité par les salutations, les gestes d’amitié, et la manipulation de différents outils
45
de travail conçus par le projet Khi. Par exemple le test appelé Contact GPS, un jeu sur le site
Internet du Projet Khi, est un ensemble de questions pour chaque participant, et servant à
détecter par ordinateur, le modèle d’orientation personnelle dans la propagation de l’évangile 49.
Pour la journée d’observation du Labo Khi, nous pouvons retenir qu’il y a trois principales
activités qui sont : le GPS Khi, le jeu de cartes avec 32 affirmations pour un nouveau regard
sur la paroisse, et le temps de management par l’animateur du Labo.
Quoi ?
Le GPS Khi est un diagnostic personnel sur ordinateur composé de 12 questions, qui ont pour
but de vérifier l’orientation personnelle dans l’évangélisation. Les réponses sont organisées
selon un pourcentage sur le curseur de manière à ce que l’ordinateur calcule à quel pourcentage
on est orienté soit vers l’église(centripète), soit vers l’extérieur(centrifuge) ; le but étant de
discuter ensemble sur ces orientations au sein du conseil et de comprendre le pourquoi des
décisions des uns et des autres.
Il s’agit de connaître quel modèle de transmission de l’évangile parle le plus aux participants
parmi les quatre modèles missionnaires du Nouveau Testament50 tels que les présente Christian
Grappe qui est professeur des Sciences Bibliques à l’Université de Strasbourg et qu’ici je
reprends librement :
- La transmission par greffe : Ici la progression se fait par greffe selon que le Christ a
voulu que nous soyons le sel de la terre et lumière du monde. Il s’agit de travailler par
contagion de la vie et de la manière chrétienne d’être. Il s’agit ici d’avoir une
communauté exemplaire selon l’exhortation la deuxième épître pétrinienne : « Ayez au
milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme
49
Sur le site : http://projetkhi.eerv.ch/category/outils/gps/
50
Christian GRAPPE sur le site du Projet Khi : http://projetkhi.eerv.ch/les-modeles-missionnaires-du-nouveau-
testament-maj/ . Cet auteur développe sa pensée dans son article « Modèles missionnaires en présence dans le
Nouveau Testament » in Jérôme Cottin, Elisabeth Parmentier(Eds.), Évangéliser : Approches œcuméniques et
européennes, LIT Verlag, Zurich, 2015, p.48-60.
46
si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes œuvres, et glorifient Dieu, au
jour où il les visitera. » 1Pi 2,12.
Gerhard Von Rad parle lui de « la communauté eschatologique des disciples comme la
ville sur la montagne, la Nouvelle Jérusalem qui diffuse la lumière du chandelier à sept
branches. Les disciples sont la cité de Dieu et ont la responsabilité d’accomplir la
loi.51 »
- La transmission par dissémination : la progression se fait par ensemencement. Sa
théologie est basée sur les signes johanniques pour un christianisme non religieux dans
un monde adulte. Non seulement il y a des signes inhabituels mais Jésus rencontre aussi
des personnages syncrétistes et non juifs. C’est le modèle missionnaire par immersion
selon Christian Grappe, ici les croyants doivent tenir compte de la situation des
interlocuteurs et rejoindre les personnes sur leur propre terrain pour leur offrir des
éléments de réponse.
- La transmission par déplantation : la progression se fait par dépotage selon le modèle
centrifuge dans le but de bâtir des nouvelles communautés. Il s’agit ici de mettre du
sacré dans les lieux profanes. Ce modèle est révélé dans les écritures par la manière dont
Jésus réserve d’abord sa mission exclusivement à la communauté juive (Mt 10, 5-15),
puis à toutes les nations (Mt 28, 16-20). Il y a bien d’autres textes qui montrent que la
mission s’inscrit dans la durée et dans une dynamique centrifuge à partir de Jérusalem.
Aussi appelé transmission par dépotage, ce modèle, « s’emploie à fonder des
communautés nouvelles, à l’image de la plante que l’on place dans un pot ou un
terreau »52.
- La transmission par traitement : la progression se fait par croissance et de manière
centripète et se concentre sur la communauté à faire grandir. Actes 2, 5-11 avec sa liste
des peuples, présente une « première mondialisation proleptique de la parole – juive –
et centrée sur Jérusalem. L’Église primitive a envisagé le pèlerinage des nations de
façon exclusivement centripète 53». Mais le mouvement de Paul est inverse, de
Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre (Actes 1, 8).
51
Gerard VON RAD cité par le website de projet Khi : http://projetkhi.eerv.ch/les-modeles-missionnaires-du-
nouveau-testament-maj/
52
Christian GRAPP, Ibid.
53
Christian GRAPPE sur le site du Projet Khi : http://projetkhi.eerv.ch/les-modeles-missionnaires-du-nouveau-
testament-maj/
47
Le jeu de 32 affirmations est inspiré sur la base des recherches menées en Angleterre. En effet,
entre 2011 et 2013, cette Église a mené une recherche sur la croissance de l’Église à travers
trois prestigieuses institutions de recherche : The Institute for Social & Economic Research 54,le
Cranmer Hall, St John's Collège, Durham Consortium55 , et The Oxford Centre for
Ecclesiology and Practical Theology (OxCEPT)56.
Un rapport succinct des résultats de cette recherche se trouve consigné dans un document
intitulé « From anecdote to evidence. Findings from the Church Growth Research Program
2011-2013 57». L'analyse des données recueillies systématiquement par l'Église d'Angleterre
auprès des paroisses et des diocèses par le biais de déclarations annuelles, ainsi que d'autres
sources (y compris les statistiques de recensement), a permis de mettre en lumière les facteurs
associés à la croissance, pour explorer ce qui peut être appris à partir des données déjà détenues.
Ces facteurs rationnellement établis, sont pour l’EERV des portes d’entrées pour développer un
secteur d’activité et particulièrement pour favoriser la croissance dans une paroisse, et nous les
reprenons tels que présenté durant la séance du Labo Khi avec la paroisse de Sauteruz :
1. La Conviction : il s’agit de la motivation qui est facteur moteur de toute action. Il est
important pour le développement de la paroisse que les acteurs soient convaincus de la
nécessité et la pertinence de l’évangile aujourd’hui.
2. Le leadership ou profil des responsables : il est démontré que les leaders qui ont la
capacité à motiver et entraîner les autres dans les projets sont les plus aptes pour le
développement d’une communauté.
3. La formation spirituelle et le développement personnel : Il s’agit de savoir évaluer où
se trouvent les membres sur le plan spirituel. Des entretiens personnels ont montré que
la conjonction des éléments suivant prépare à la croissance : le nombre de cours et
54
The Institute for Social & Economic Research : Son équipe prestigieuse de chercheurs a une large gamme
d'expertise dans les disciplines des sciences sociales, y compris l'économie, la sociologie, la démographie, la
géographie et les statistiques.
55
Cranmer Hall est un collège de théologie anglicane faisant partie intégrante de l'Université de Durham en tant
que partie constituante du St John's College.
56
OxCEPT est un centre d’expertise prépondérant qui réfléchit avec l'Église - de manière critique, réflexive,
empirique, théologique, académique et empathique.
57
Website :http://www.churchgrowthresearch.org.uk/UserFiles/File/Reports/FromAnecdoteToEvidence1.0.pdf
48
58
Reprise libre du site http://projetkhi.eerv.ch/les-huit-facteurs-croissance-dun-groupe/
59
Laurent SCHLUMBERGER, Sur le seuil. Les protestants au défi du témoignage, Éditions Olivétan, Lyon, 2005.
49
3°. Sensibiliser : Est-ce qu’on a sensibilisé au problème ou bien l’a-t-on gardé juste entre
soi et dans les tiroirs ?
4°. Anticiper : Est-on dans l’anticipation pour proposer des solutions lorsque des
problèmes similaires sont identifiés ?
De ces huit facteurs et ces quatre niveaux d’enjeu, les trois chercheurs (Weber, Emery, et
Gonzalez) du Labo Khi ont travaillé 32 affirmations (Voir Annexe 2) sur la base desquelles les
membres du conseil paroissial peuvent en petits groupes répondre par « oui » ou « non ».
Chaque carte contient donc une affirmation et les réponses positives constituent déjà un premier
niveau d’accord sur le diagnostic. Mais le plus important reste la possibilité d’échange pour
identifier les points sur lesquels il est possible de travailler davantage sur le plan paroissial.
60
Voir le site Projet Khi sur le lien suivant : http://projetkhi.eerv.ch/les-huit-facteurs-croissance-dun-groupe/
61
Philippe Gonzalez est Maitre d’enseignement et de recherche à l’Institut des Sciences sociales de l’Université
de Lausanne où il s’occupe de Théorie sociale, Enquête critique, Médiations, Action publique (THEMA). Il
apporte son expertise comme sociologue à l’équipe du Projet Khi.
50
○ Ces activités touchent aux champs d’existence psychologique, mais principalement au champ
du religieux et de l’ecclésial. En effet les pratiques visent à faire un diagnostic sur soi-même,
afin d’avoir un nouveau regard sur le besoin de propager la Bonne Nouvelle, sur la nécessité de
renouveler les stratégies de travail en paroisse, ainsi que de recentrer la vie des paroisses sur la
question de l’évangélisation et du témoignage chrétien. Changer de mentalité est dans le champ
psychologique d’existence, et trouver des stratégies d’évangélisation est dans le champ du
religieux. Quoiqu’il soit difficile d’évaluer directement l’impact de ces pratiques, à la fin de la
journée, une motivation sur le besoin de changer les stratégies et le regard sur les pratiques en
paroisse est visible dans le chef des participants.
Qui ?
Comme acteurs principaux de la pratique, il y a l’équipe du Projet Khi et les membres des
conseils paroissiaux. En l’occurrence ici pour la journée d’observation, il s’agit du responsable
du Labo et de sept membres du conseil de la paroisse de Sauteruz : quatre femmes et trois
hommes, tous âgés de plus de 40 ans et parmi lesquels les deux pasteurs.
Pendant au moins l’une des activités, soit le jeu de 32 affirmations pour renouveler le regard
sur la paroisse, les participants avaient le sentiment que ces questions n’étaient pas les bonnes
pour leur paroisse, et qu’elles montraient les réalités d’une autre église. Par ailleurs, certains
membres du conseil ont exprimé le fait qu’ils n’étaient que des bénévoles et donc pas assez
capables d’avoir un engagement plus important. Et enfin l’équipe a souligné qu’il n’y avait pas
un grand besoin de faire autrement dans cette paroisse.
1. Où ?
La pratique Labo Khi se fait particulièrement au sein des conseils de paroisse comme micro-
milieux, le méso-milieu c’est la paroisse, et le macro-milieu est l’EERV. Le labo travaille avec
le conseil de paroisse sous la direction des praticiens du Projet Khi. L’EERV au travers de son
organe exécutif initie et organise la pratique dans le but de déployer les pratiques à caractère
évangélisateur dans la paroisse. Cette pratique est nouvelle au sein de l’EERV. Le conseil
synodal appuie la pratique via l’équipe du projet Khi mais parfois les résistances sont palpables
bien souvent au sein même des conseils de paroisse, sensés atteindre la capacité
d’évangélisation.
51
L’EERV est une église traditionnelle qui a été pendant longtemps l’un des piliers de la société
traditionnelle vaudoise. Dans bien des villes et villages, on naît presque dans l’EERV et on y
grandit. Vivre dans certains villages signifiait être membre de l’église. Dans ce contexte social,
il était difficile de réfléchir sur la question d’évangélisation comme priorité. C’est la raison pour
laquelle, nous avons pu observer des résistances avec des paroles telles que : « Dieu n’est pas
une marchandise, il n’y a pas besoin de le vendre, etc… ». Or comme le fait constater
l’animateur du Labo Khi, les réseaux des villages ne fonctionnent plus selon l’ancien modèle,
nous sommes passés d’une société traditionnelle et solide, à une société liquide et le modèle de
fonctionnement est passé de centripète à un modèle centrifuge. Les gens ne s’intègrent plus aux
réseaux locaux comme les sociétés traditionnelles du village. Les métiers ne se transmettent
plus de père en fils, et on ne fait plus un seul métier toute sa vie.
De notre point de vue, la démarche du Labo est ouverte et ne vise pas à tout recommencer au
sein de l’EERV ; au contraire le Labo Khi veut faire réfléchir les conseils des paroisses sur les
possibilités existantes dans un contexte nouveau de manière à motiver des élans nouveaux sur
le plan de l’évangélisation. En effet, argumente Jean-Christophe Emery : « Au sein de l’EERV
règne une grande diversité de sensibilités, de moyens, et de regards. Nous estimons qu’il n’est
pas d’actualité de proposer une standardisation des dynamiques locales. Il s’agit plutôt
d’encourager au développement d’approches créatives et de les documenter pour proposer à
d’autres de s’en inspirer. La notion de « convenable » n’est pas franchement adéquate puisque
la démarche ne repose pas sur une autorité de validation. Ce qui est « convenable », c’est
probablement ce qui correspond à la charte (très large) de l’EERV62. » Dans cette dynamique,
la confrontation habituelle entre la base et la direction de l’EERV semble ne pas avoir sa place
car c’est avec la base même que le projet peut être construit. Il nous semble donc que les
résistances telles que manifestées dans la paroisse de Sauteruz trouvent leur raison d’être dans
la loi de Le Chatelier selon les idées de Didier Anzieu et Jacques-Yves Martin dans leur livre
« La dynamique des groupes restreints »63. Celui-ci étudie en son chapitre IV, les relations
interpersonnelles et processus opératoires dans les groupes et les phénomènes qui se
manifestent dans les modes opératoires comme par exemple, la résistance au changement. Le
principe de Le Chatelier qui est tiré de ses recherches en chimie peut être exprimé comme
suite : « Toute modification apportée à l’équilibre d’un système entraîne, au sein de celui-ci,
62
Propos de Jean-Christophe Emery recueillis sur annexe n° « Point de vue des responsables du département
d’évangélisation EERV ».
63
Didier ANZIEU & Jacques-Yves MARTIN, La dynamique des groupes restreints, Presses Universitaires de
France, 2000.
52
2. Quand ?
Selon les entretiens avec le Labo, la pratique peut se passer entre un et deux jours suivant la
disponibilité de la paroisse demanderesse. Mais pour notre observation, la pratique a duré une
journée soit de 9h00 à 17h00. Cette pratique étant conçue comme un effort de « Recherche et
Développement », il peut fonctionner à moyen terme. Elle peut subir une amélioration quant à
ses activités, ou une suppression pour d’autres expérimentations.
64
Didier ANZIEU & Jacques-Yves MARTIN, ibid.
53
a produit des résultats positifs avec une croissance remarquable des membres dans les paroisses.
Mais l’EERV ne reproduit pas in extenso ce qui se fait au Royaume Uni, bien au contraire elle
essaye d’adapter certains éléments à sa propre réalité. En l’occurrence ici, nous prenons
l’exemple de « huit facteurs de croissance » qui sont travaillés de manière à savoir comment
identifier les problèmes, les solutionner, et comment sensibiliser les paroisses sur les problèmes
identifiés en vue d’anticiper des solutions. Ainsi, ce travail intéressant des chercheurs du Labo
Khi a produit comme instrument « Le jeu de cartes avec 32 affirmations pour un nouveau regard
en paroisse ».
3. Combien ?
Les vrais coûts de la pratique sont les salaires versés aux membres de l’équipe Khi. Il faut
ensuite comptabiliser les coûts ayant trait à la production du matériel avec lequel on utilise les
outils ; nous les estimons à environs 15 CHF par personne, auxquels il faut ajouter environ 25
francs du repas. Il faut dire que la pratique n’a pas de bénéfice et que tous les coûts sont pris
en charge par l’Église qui est une institution dans le canton de Vaud. Le seul gain espéré est
qu’il y ait plus d’évangélisation et plus de membres fréquentant les paroisses de l’EERV. En
gros pour une journée comme celle passée à la paroisse de Sauteruz, on peut estimer les coûts
à environ 550 CHF. Ces coûts résultent du prix de matériel et repas pour 9 personnes, sans
oublier la location du lieu de retraite. Il va de soi que les estimations changent selon le nombre
de jours et la taille du groupe.
4. Comment ?
L’organisation du Labo Khi est institutionnelle car le Labo est un service de l’Église. Toutefois
le Labo veut travailler de manière incitatrice à partir des conseils paroissiaux qui décident du
fonctionnement de la paroisse. Le membre de l’équipe du Labo Khi joue le rôle du formateur
mais il s’agit ici d’une formation des adultes où ils doivent découvrir les choses par eux-mêmes.
Il modère la prise de paroles et oriente les différentes activités en gérant le temps.
Les participants sont mis dans des situations où ils doivent réfléchir, découvrir des choses et
prendre les bonnes décisions sur le plan paroissial.
La pratique utilise le mode de communication oral, et parfois gestuel, et les sens sollicités sont
l’ouïe et la vue.
Après que chaque participant ait répondu aux 12 questions, chacun avait des résultats avec une
orientation personnelle selon le calcul de l’ordinateur. Mais de manière globale, il a été constaté
que l’EERV est une église centripète qui est centrée sur les paroisses. Tout est organisé par et
autour des paroisses.
En réalité depuis 1967, les choses ne marchent plus au sein de l’Église, car il y a une situation
nouvelle mais l’on continue pourtant à travailler avec les automatismes d’il y a 50 ans 65. D’où
le besoin de trouver des solutions ou d’avoir un regard renouvelé par la situation nouvelle.
•L’idée du jeu est de ressortir ce qui a été fait, et de proposer par le conseil lui-même avec l’aide
de la modération (formateur Labo Khi), ce qui peut être fait au niveau de la paroisse. Lors de
notre observation au sein du conseil de paroisse de Sauteruz, 3 petits groupes ont été formés :
Le premier constitué de deux pasteurs, un deuxième avec 2 membres du conseil, et le dernier
par 3 autres membres du conseil.
•Après avoir travaillé en petits groupes, la question a été posée de savoir si ces cartes
interpellaient les membres du conseil de paroisse, et les réactions suivantes ont été enregistrées :
1° Ces cartes sont bien interpellantes mais nous sommes bénévoles et ne pouvons pas
nous engager plus.
2° On dirait que ce ne sont pas les bonnes questions pour notre paroisse ; c’est comme
si ces questions nous montrent une autre église.
•Après discussion et coaching du responsable au Labo Khi sur les réponses des groupes,
notamment en ramenant les questions au niveau de ce que l’église a accompli ou ce qu’elle
aurait pu faire ; une confiance minimum était revenue et les membres du conseil paroissial ont
pu dissiper les doutes pour se concentrer sur deux points sur lesquels la paroisse pouvait
travailler et que nous citons ci-dessous :
- Le besoin de conviction
65
Ces affirmations dans la bouche de Simon Weber sont probablement tirées des recherches menées sous la
direction du Professeur Jorg Stolz de l’université de Lausanne ou alors des recherches menées au sein de l’Église
anglicane de Grande Bretagne.
55
4.2.1. Conviction
Selon l’explication de Simon Weber aux conseillers de paroisse, il s’agit des récits qui
identifient ou parlent plus à la population du village. Il y a donc réflexion sur quel public, quel
moment, et dans quelle situation se trouvent les paroisses de l’EERV en ce moment :
………………………………….
L’Église est aujourd’hui comparable à un émetteur déconnecté des récepteurs qui ne sont plus
présents dans le circuit de communication ; raison pour laquelle il faut aller les chercher dans
une situation concurrentielle, parce qu’il y a beaucoup d’offres aujourd’hui.
- 20% des « églisés », ce sont ceux qui fréquentent plus ou moins régulièrement et plus
particulièrement à Noël, Pâques, etc…
- 40% des « déséglisés », ou ceux qui ont laissé l’Église et sont passés à autre chose.
- 40% des « non-églisés », ou ceux qui n’ont eu aucun lien avec l’Église ; leur évolution
après 10 ans a atteint 60% de la population.
66
Voir annexe x : « 32 affirmations pour un nouveau regard sur la paroisse », point 1.1.
56
La question est de savoir s’il faut continuer de s’occuper seulement des 18% des ceux qui sont
institutionnels ou bien faut-il aussi regarder les autres franges de la société ? Que doit-on faire
du public cible qui est de 70% de la population (57% des distancés+13% des alternatifs) ? Quels
contacts devons-nous avoir pour rencontrer ce public cible ?
Nous voulons avant d’aller plus loin, faire quelques remarques sur ces statistiques qui sont
lancées à la volée dans le but de donner une idée sur la situation actuelle en Suisse :
1. Ces statistiques qui sont issues des recherches menées par les sociologues de la Religion
autour du professeur Jörg Stolz de l’Université de Lausanne et consignées dans le livre
« Religion et spiritualité à l’ère de l’ego68 ».
2. Les statistiques arrondies par Simon Weber sont en réalité de 17,5 % des institutionnels,
57,4% des distanciés, 13,4% des alternatifs, et 11,7% des séculiers.
3. Ils concernent toutes les religions confondues et non l’Église Reformée de Suisse ni
l’EERV en particulier.
4. Il y a risque de confusion sur la signification des termes choisis pour désigner les
croyances et incroyances dans cette étude, raison pour laquelle nous voulons reprendre
de manière libre les définitions fournies par les auteurs de « Religion et Spiritualité à
l’ère de l’ego ».
a) Les institutionnels sont en Suisse les personnes accordant plus de valeur à la
foi et aux pratiques chrétiennes. Ce sont les membres des églises catholiques,
reformées, et des Églises évangéliques libres. Ils croient en un seul Dieu et
en Jésus-Christ. Dans ce groupe, catholiques et protestant représentent
environ 16,2% de la population. Le reste du pourcentage est occupée par les
évangéliques qui sont plus piétistes.
67
Ces statistiques sont tirés Jörg STOLZ dir., Religion et spiritualité à l’ère de l’ego, © Labor et Fides, Genève,
2015, p.77.
68
Jörg STOLZ dir., ibid., pp. 75-89.
57
Nous attirons donc l’attention du lecteur à ne pas confondre les distanciés avec les
personnes qui se sont éloignées de l’Église uniquement. De même que les institutionnels
ne sont pas uniquement membres des Églises institutionnels, parmi eux il y a aussi le
courant évangélique.
A. Dans la paroisse :
1. Culte de l’enfance
2. Vente paroissiale
3. Enterrements.
4. Mariages, …
B. Contacts individuels :
1. Fêtes villageoises
2. Sociétés villageoises
3. Catéchisme- KT
Toutefois, le conseil de paroisse a constaté que les gens qui viennent aux ventes paroissiales
sont ceux avec qui il y a eu des pré-contacts par le biais du culte d’enfance, ou du catéchisme
des petits enfants. Il y a une difficulté quant à faire quelque chose dans le sens de
l’évangélisation lors de ces ventes paroissiales. Mais enfin de compte ce qui est important c’est
comment faire ?
58
69
Talking Jesus : Perceptions of Jesus, Christians and evangelism in England, Research conducted by Barna
Group on behalf of the Church of England, Evangelical Alliance and HOPE :
https://www.churchofengland.org/media/2392609/talking-jesus_booklet.pdf
70
Grace DAVIE, Religion in Britain since 1945 : Believing without Belonging, Blackwell Publishers, Oxford UK,
1994.
59
A B
NE PAS APPARTENIR
C D
APPARTENIR
Quitter la position (A) pour la position (D) qui est celle de croyant pratiquant et engagé,
peut passer par trois possibilités :
Ce qui est important est que ce schéma peut aider la paroisse à structurer ses offres en
fonctions des caractéristiques du public choisi.
•. Sur cette affirmation deux sous-groupes constitués ont donné des réponses suivantes :
S/groupe 1 :
- axe 2 : garder un lien avec une carte pour les nouveaux arrivants.
S/groupe 2 :
- Enfance et Jeunesse.
- Contacts individuels.
•. Et dans le domaine de l’enfance et jeunesse, il a été constaté que les jeunes étaient bien
contents de suivre et évoluer dans les formations JACKs (Jeune Accompagnant de Camp de
KT) sur les trois niveaux :
- JACK B : animateur-animatrice Autour des 18 ans, après une formation Jacks A ou une
formation jugée équivalente, le jeune peux poursuivre sa formation en devenant animateur-
animatrice !
-JACK C : Jeune en formation, chef-fe de camp. Après deux ou trois ans, le jeune peut devenir
« chef-fe de camp » en poursuivant son engagement.
• Questionnement de l’équipe : Que peut-on faire avec les JACKs étant donné qu’il n’y a pas
de suivi malgré leurs engagements ?
• Proposition de réponses :
- Planifier des cultes organisés par les Jacks ou avec leur appui.
- Se demander quel rôle jouent-ils dans l’église et comment négocier avec la jeunesse qui
a fini la formation.
61
- Imaginer une rencontre avec les Jacks afin de les identifier : Qui sont-ils ? Quelles sont
leurs idées sur comment utiliser leur formation et sur le fonctionnement de la paroisse ?
L’objectif avoué du Labo Khi est de pousser les conseils des paroisses à changer de regard sur
le fonctionnement afin de transformer les actions qui se font déjà en évangélisation.
Implicitement le but est d’ouvrir des pistes à l’évangélisation en paroisse et de susciter une
croissance dans la fréquentation paroissiale des cultes et offres. En effet l’évangélisation est ici
une réponse au constat de la baisse des membres, et de la détérioration générale de la situation
au sein de l’Église. Cette détérioration est étudiée par des spécialistes en sociologie des religions
à la demande de la Conférence Romande des Églises reformées et consignée dans le livre «
L’avenir des Reformés » en 2011. Dans cette étude, il n’y a pas que le constat, mais des
propositions sur le fait que les reformés doivent réagir afin de stopper et infléchir la courbe
descendante. C’est ainsi que se proposent multiples solutions dont le projet Khi au sein de
l’Église Évangélique Reformée du Canton de Vaud.
On peut cependant relever des tensions entre les acteurs-formateurs ou animateurs et les
membres du conseil paroissial ; il s’agit de la distance que les paroisses reprochent au
gouvernement cantonal de l’Église d’être assez éloigné des réalités paroissiales. En effet,
comme nous l’avons déjà signalé, les membres du conseil paroissial estimaient durant le jeu
des cartes avec 32 affirmations qu’il leur semblait que les questions du jeu n’étaient pas les
bonnes pour leur paroisse. En effet, nous pouvons relever trois divergences sur « le
pourquoi » de l’Église, de la paroisse, et de l’évangélisation :
1° Au niveau de l’Église, pour le projet Khi, l’EERV doit retrouver la vocation missionnaire de
l’Église et libérer au sein d’elle des nouvelles énergies pour être attirante. Le projet Khi est déjà
dans la perspective d’une Église centrifuge et d’encourager le témoignage, alors que le conseil
de paroisse pense et fonctionne dans la dynamique centripète de l’Église. C’est pourquoi les 32
questions sont pour les membres de la paroisse de Sauteruz, l’image d’une autre Église 71.
2° Au niveau de la paroisse : une difficulté existe pour suivre la démarche dans laquelle s’est
engagé le conseil synodal en fonction du programme de législature. Ce programme « appelle
71
. Mathieu TCHYOMBO, « Comment : Le jeu des cartes avec 32 affirmations pour un nouveau regard. » in
Évangélisation et réévangélisation : Enquête sur les méthodes disponibles et proposition à l’EERV, p.39.
62
les paroisses à créer des occasions de rencontre ouverts sur le monde »72 et les encourage de
dynamiser la qualité de leur service. Mais le conseil de paroisse trouve qu’il n’y avait pas lieu
de faire autrement dans leur paroisse73. C’est donc une vision statique et renfermée sur leur
mode opératoire du moment.
3° Sur le plan de l’évangélisation : Le conseil synodale ainsi que le Projet Khi veulent inculquer
l’évangélisation comme projet paroissial en encourageant d’abord son conseil qui a pouvoir de
motiver les paroissiens. Cet objectif est aussi défini dans le programme de législature 2014-
2019 en ces termes : « Nous voulons augmenter la capacité de témoignage de notre Église.
Dans la proximité d’abord (la famille, les amis, le voisinage), en paroisse bien sûr, dans les
aumôneries mais aussi dans nos engagements au sein de la société »74. Cependant le conseil de
paroisse du moins pour ses membres non ministres, estime qu’ils ne sont que bénévoles et ne
peuvent donner plus de temps comme bénévoles75.
Nous avons observé qu’il y a plusieurs éléments qui sont impliquées comme réalités matérielles
lors de la séance du Labo Khi dans la retraite du conseil de paroisse de Sauteruz :
Ces outils sont des instruments pour s’identifier sur l’orientation dans l’évangélisation, trouver
les possibilités de développement paroissial, et améliorer les capacités d’être témoin. Le but
final de la pratique du Labo est l’évangélisation et implicitement le développement de la
paroisse.
Il y a comme acteurs deux groupes, l’équipe Projet Khi et les membres du conseil paroissial.
L’équipe du projet Khi pour le jour d’observation fut constituée d’une seule personne qui a joué
le rôle de formateur ou coach alors que les membres des conseils des paroisses sont comme des
poulains ou les protégés du coach qui les pousse à se dépasser. L’équipe du Projet Khi a la dette
72
EERV, Programme de législature 2014-2019, Présenté par le Conseil synodal au Synode du 14 février 2015,
point 3. Vie communautaire.
73
Mathieu TCHYOMBO, ibid.
74
EERV, ibid., point 5. Témoignage.
75
Mathieu TCHYOMBO, ibid.
63
de convaincre le conseil de paroisse à s’impliquer dans l’évangélisation par les canaux existants,
en même temps qu’elle porte aussi la dette de rapprocher le conseil synodal des réalités
paroissiales. Comme département d’évangélisation au sein du conseil synodale, ils lui rendent
compte et au travers du conseil synodale, ils rendent compte à toute l’Église évangélique
reformée du canton de Vaud. Certains membres du conseil de paroisse de Sauteruz ont eu une
bonne impression mais d’autres sont tout même restés méfiant à l’idée de la nouveauté et
d’entrer dans un nouveau projet.
La qualité de vie visée par la pratique Labo Khi favorise le développement psychosocial de la
personne et l’amplification des capacités des individus à communiquer et rendre témoignage.
Les valeurs privilégiées sont celles de l’ouverture à l’autre, l’échange, ainsi que la confiance en
soi. Par contre la pratique rejette le conservatisme religieux, et l’enfermement dans une
religiosité improductive pour les paradigmes nouveaux.
Pour les acteurs le monde est divisé en deux, avec d’un côté les croyants et de l’autre les non-
croyants. Toutefois l’EERV comme le protestantisme en général est influencée par des
ambiguïtés sur certaines notions qui rendent difficile son engagement dans l’évangélisation.
Nous avons discerné ces ambiguïtés sur quatre niveaux :
1° Le refus d’évaluer la foi des gens : l’Église évangélique reformée du canton de Vaud pense
qu’elle a pour mission de dire la parole de l’évangile uniquement et ne veut pas se substituer à
Dieu, qui seul a le droit de dire qui croit et qui ne croit pas.
2° Le caractère multitudiniste de l’EERV : l’Église doit accueillir et servir tous les membres
d’un territoire supposé couvrir une paroisse donnée.
64
3° L’organisation presbytéro-synodale de l’EERV qui créé une lourdeur dans les décisions, et
particulièrement en ce qui concerne l’évangélisation. En effet, le conseil synodal a créé un
département d’évangélisation mais qui ne peut pas agir directement dans la paroisse, car le
pouvoir est dans les mains du conseil de paroisse.
4° Le mal-être face au témoignage public : le protestant vaudois traditionnel considère que sa
foi est une affaire privée et personnelle, il n’y a donc pas lieu d’en parler publiquement.
Ces notions qui entourent l’histoire et l’évolution de l’EERV partent toutes des bonnes
intentions, mais elles ont fini par être des forces d’inertie pour l’évangélisation au sein de
l’Église et diminuent l’espace du courage pour le témoignage. En effet, il y a lieu de se poser
la question suivante : est-il nécessaire d’évangéliser et est-il possible de s’y motiver lorsque
l’on choisit de rester neutre par rapport à l’évaluation de la foi du peuple et que l’on pense que
tous les habitants du territoire paroissial sont implicitement tous membres de l’Église qui est
multitudiniste ? Or Bernard Reymond qui est professeur honoraire à l’université de
Lausanne souligne le fait qu’une Église qui a perdu contact avec les multitudes n’est plus
multitudiniste 76. Non seulement que les Églises ont perdu contact avec les multitudes, mais le
« multitudisme de nom » fait parties des forces qui empêchent l’Église de se lancer dans
l’évangélisation, car elle considère les non-croyants comme croyants à cause de leur situation
géographique alors que les faits sociologiques ont complètement changé. En plus, il y a lieu de
différencier la responsabilité de rendre service à la population sur le plan social et spirituel
d’une autre responsabilité qui est celui d’annoncer l’amour de Dieu à tous ceux qui ne le
connaissent pas encore. Pour nous chercher à évangéliser une contrée fait partie pour de sa
responsabilité comme celle de rendre service sur le plan spirituel.
C’est pourquoi ces quatre notions entraînent un mal-être pour les acteurs membres du conseil
paroissial qui sont liés aux traditions ecclésiales du protestantisme en contexte vaudois où le
témoignage public semble créer un malaise.
Dans l’EERV, la responsabilité de stimuler et influencer se trouve du côté des acteurs membres
du Labo, mais le pouvoir décisionnel quant à l’action évangélisatrice est entre les mains du
conseil paroissial. La finalité est de confier aux membres de la paroisse l’action.
Au niveau où l’on en est, il est difficile de faire l’évaluation des résultats de la pratique, car le
conseil paroissial fonctionne d’une manière autonome et ne rends pas compte au Labo.
76
Bernard Reymond, « Multitudinisme », dans Pierre Gisel (dir.), Encyclopédie du Protestantisme, Labor et
Fides, Genève, 2006, p.1060.
65
La pratique désigne comme absolu le Christ, sauveur des hommes par le moyen de la Bonne
Nouvelle ou message du salut. Elle croit au Dieu Trine, en insistant sur qui est Jésus-Christ par
qui tous les hommes trouvent la connaissance véritable de Dieu. Un Dieu qui veut que tous et
particulièrement ceux qui ne le connaissent pas encore le découvrent par le moyen du message
de l’évangile.
Tous les acteurs supposés par la pratique du Labo Khi (équipe labo, conseil de paroisse, et
membres de la paroisse) ont une relation d’accueil et confiance vis-à-vis du Christ qu’ils
considèrent comme révélation de Dieu aux hommes.
Pour comprendre et évaluer la pratique du Labo Khi, nous avons consulté le programme de
législature 2014-2019 présenté par le Conseil synodal de l’EERV au Synode du 14 février 2015,
comme document institutionnel. Ce programme articule la présentation de l’Église autour de
cinq affirmations et des objectifs dans huit domaines différents de l’activité de l’Église. Les
domaines d’activité ecclésiale sont : vie spirituelle (1), communion (2), vie communautaire (3),
formation (4), témoignage (5), engagement (6) solidarité (7), et ouverture (8).
Une activité nous intéresse plus particulièrement en rapport avec le Labo Khi, il s’agit des points
5 et 6 qui concernent le témoignage et l’engagement.
66
Le problème posé en ce qui concerne le témoignage est la diminution des protestants déclarés
et la non reconnaissance des valeurs reformées dans la société actuelle. Cette situation est due
au fait que l’appartenance à l’Église ne se fait plus par héritage, tradition, ou conformisme mais
par choix. C’est pourquoi elle déclare comme objectif : « Nous voulons augmenter la capacité
de témoignage de notre Église. Dans la proximité d’abord (la famille, les amis, le voisinage),
en paroisse bien sûr, dans les aumôneries mais aussi dans nos engagements au sein de la
société… »77. Les présupposés de cette prise de position sont scripturaires et veulent garder
l’identité et les valeurs reformées. Le contexte de cette prise de position est celui d’une Église
en crise.
L’autorité de ce document vient du fait qu’il a été présenté par l’organe exécutif du synode qui
à son tour l’a approuvé pour la législature en cours (2015-2019). Il permet de comprendre la
démarche utilisée par le Labo Khi en conseil de paroisses. En effet, la démarche proposée par
ce document se déroule de manière suivante :
Il s’agit de partir du diagnostic pour choisir les objectifs à atteindre en abandonnant certaines
choses. Les stratégies définissent de quelle manière le projet sera réalisé, afin de pouvoir
informer et mobiliser dans une large mesure au sein de l’Église. Enfin il y a des techniques de
réalisation et l’évaluation des objectifs du début.
C’est pourquoi à partir du GPS Khi et le jeu de cartes avec 32 affirmations, nous voyons
comment le Conseil de paroisse a discuté pour trouver comme pistes d’approche : le besoin de
savoir comment témoigner et celui d’intégrer la jeunesse(Jacks) en vie paroissiale.
La question reste à savoir si dans ses multiples activités et particulièrement dans notre
observation le Labo Khi a atteint les objectifs poursuivis dans ce programme de législature en
ce qui concerne le témoignage, et implicitement de stopper le manque d’engagements des
nouveaux membres.
77
Doc. Programme de législature 2014-2019, EERV, présenté au synode du 14 février 2015.
67
- Elle ne partirait pas des analyses et observations faites sur terrain lors des enquêtes
dans différentes Églises et particulièrement celle qui s’est tenue au sein du service
voué à l’évangélisation au conseil synodal.
- Elle ne tiendrait pas compte de la situation actuelle de l’EERV qui ne souhaite pas
proposées de méthodes clés en mains mais plutôt former des personnes à développer
leur propre approche créative selon le propos de Jean Christophe Emery responsable au
département de l’évangélisation79.
Il nous semble donc pertinent de proposer à l’EERV cinq principes en vue d’encourager la
démarche en cours au sein du Projet Khi et d’équiper les membres et paroisses EERV, des
instruments susceptibles de dynamiser l’évangélisation. Ces principes que nous étudions ci-
dessous, tiennent donc compte de notre analyse sur le besoin, la position, et l’évolution de la
question d’évangélisation au sein de l’EERV. Il s’agit donc de :
78
Jean-Guy NADEAU, « La pratique comme lieu de la théologie pratique », in Laval théologique et
philosophique (Volume 60, Numéro 2, juin, 2004), p. 205–224.
79
Jean Christophe EMERY, Entretien et avis de l’EERV par Jean Christophe Emery, reçu par email le 20.01.2017.
68
Un des piliers concernant l’évangélisation est une théologie engagée pour la défense de
de l’évangélisation et une logique missionnaire clairement établie. On ne peut s’engager
dans l’évangélisation que lorsque l’Église comprend la nécessité absolue d’annoncer la
Bonne Nouvelle de Christ.
Être convaincu de l’impératif de l’évangélisation a été pour beaucoup d’Églises un
fondement oublié dans l’histoire. Et cet oubli a souvent conduit l’Église à des moments
de faiblesse qui pourtant peuvent devenir une énergie et catalyseur d’un nouveau
dynamisme lorsque de nouveau la conviction sur la nécessité de l’évangélisation se
retrouve au centre de l’action ecclésiastique. C’est ce que nous pensons pour l’EERV
qui est appelée à vivre cette parole du Seigneur que l’apôtre Paul rappelle : « ἡ γὰρ
δύναμίς μου ἐν ἀσθενείᾳ τελειοῦται », « Ma force agit dans ta faiblesse » (2Corinthiens
12,9b). C’est la raison pour laquelle le travail du Projet Khi tourne autour de la question
d’évangélisation.
Pour étayer notre réflexion sur le besoin de conviction sur l’évangélisation, nous partons
du postulat suivant : L’évangélisation fait partie de l’essence même de la Réforme,
qu’elle est scripturaire, et qu’elle est vitalisante pour l’Église. Nous voulons discuter ce
postulat en ses trois points :
1° L’évangélisation est au cœur de la Réforme :
David Bosch est un théologien, et missiologue sud-africain qui a grandi au sein des
familles blanches d’Afrique du Sud, et qui s’est opposé à la confusion entre la mission
et l’apartheid. Il a eu son doctorat à l’université de Bale sous la direction d’Oscar
Cullmann dans le domaine du Nouveau Testament. Il a été professeur d'histoire et de
missiologie à l'École théologique de la NGK (Église reformée hollandaise synode du
Cap, elle est membre de l’alliance reformée mondiale). Il a ensuite enseigné comme
professeur de missiologie à l’université de Prétoria. Son expérience de dix ans comme
missionnaire dans le Transkei et son parcours personnel l’ont conduit à écrire
« Transforming Mission » traduit en français sous le titre « Dynamique de la mission
chrétienne : Histoire et avenir des modèles missionnaires »80.
80
David Bosch, Dynamique de la mission chrétienne, Labor et Fides, Genève.
69
Dans la préface de l’édition française, Bruno Chenu écrit : « L’ouvrage de David Bosch
s’impose comme l’ouvrage de référence pour toute réflexion sur la mission de l’Église,
comme une merveilleuse carte d’orientation dans le dédale des opinions et des
théologies »81.
Dans « Dynamique de la mission chrétienne »82 , David Bosch dit que Luther a
redécouvert Paul pour le 16ème siècle avec la définition de l’Évangile selon un paradigme
nouveau. Il souligne que le texte missionnaire de la période patristique était Jean 3,16,
et celui du catholicisme médiéval était Luc 14, 23. Il ajoute qu’il ne serait pas faux de
considérer Romains 1, 16-17 comme le texte missionnaire de la période luthérienne.
Ce texte est stipulé comme suit : « Car je n'ai point honte de l’Évangile : c'est une
puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec,
parce qu'en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit
: Le juste vivra par la foi. »83 Pour Bosch, « Romains 1,16-17 constitue le texte
missionnaire du paradigme protestant sous ses multiples formes »84.
Pour s’en convaincre davantage, il souligne cinq caractéristiques du protestantisme au
16ème siècle. Ces caractéristiques détaillent selon lui non seulement les points de friction
avec le christianisme médiéval, mais nous aident à mieux saisir « comment la Réforme
protestante avait compris la mission »85. Bosch caractérise donc le protestantisme au
temps de la Reforme par les cinq points suivants :
1. La justification par la foi.
2. L’homme est présenté à partir de la chute. Il est pécheur perdu ne pouvant se
sauver par ses moyens propres.
3. La dimension subjective et personnelle du salut.
4. La redécouverte du sacerdoce de tous les croyants.
5. Le rôle central attribué aux Écritures.
Les trois premiers intéressent la théologie de conviction pour la mission et le 4ème
intéresse la suite dans ce chapitre.
81
Bruno CHENU, « Préface de l’édition française », in Dynamique de la mission chrétienne, Labor et Fides,
Genève,1995, p.5. Bruno Chenu était alors le rédacteur en chef au journal La Croix-L ’Événement.
82
David Bosch, ibid., p.319-348.
83
Bible Louis second 1910, Romains 1, 16-17
84
David Bosch, ibid., p.320.
85
David Bosch, ibid., p.321.
70
1° Bosch relève en effet que la justification par la foi est un articulus stantis et cadentis
ecclesiae86, c’est à dire que son absence fait écrouler toute l’édifice de l’Église. Elle est
le socle et le pivot autour duquel tous les autres points de la doctrine tournent. La
justification par la foi rappelle Bosch n’est pas qu’une doctrine, il s’agit d’une
conviction profonde, d’une expérience existentielle de ce que Dieu a accompli pour les
hommes pécheurs en Christ. Il s’agit de la certitude que ce que Dieu a fait en Christ, est
réel et suffisant à savoir que « C’est en lui en effet que la justice de Dieu est révélée, par
la foi et pour la foi, selon qu’il est écrit : Celui qui est juste par la foi vivra.87 »
Il y a ici pour nous une trilogie autour de la foi : la cause, le but, et l’action de la justice
de Dieu. Cette justice passe au travers de la foi, c’est-à-dire de la conviction et de
l’adhésion. C’est pour cela que la théologie de l’évangélisation doit d’abord être une
théologie de la foi et une théologie de la conviction. L’Église ne peut se lever que
lorsqu’elle est mue par un mouvement divin qui lui communique la foi et la fais agir par
et pour la foi. Agir par la foi, signifie pour nous que c’est sur base de l’acte rédempteur
de Golgotha, tel que les Saintes Écritures nous l’enseignent, que se fonde la passion du
témoignage chrétien, alors qu’agir pour la foi dénote que la grâce ainsi reçue
communique une nouvelle force qui vise l’annonce et la manifestation de l’amour de
Dieu à tous les peuples. La mission du Royaume est mue par la dynamique de la foi,
qui se saisissant des écritures par l’Esprit de foi, rend témoignage à la justice de Dieu
accomplie pour l’humanité en Jésus-Christ.
Ici aussi jaillit le rôle capital que doit avoir « l’éducation de la foi88 » pour la rendre
mature et plus décidée dans la mission ecclésiastique du témoignage. Il s’agit d’amener
la foi à « être orientée vers le royaume de Dieu. Parce que le futur est librement choisi
par Dieu, nous pouvons librement agir dans le présent sans être lié par le passé. 89 » Et
parce que nous parlons de la justification par la foi, il est important toutefois de souligner
que cette foi éduquée « n’est pas le fruit d’un travail humain mais le cadeau de la
providence divine et de son action dans l’histoire 90». Ainsi c’est de Dieu que tout vient,
86
L’article sur lequel repose l'Église et sans lequel elle s'écroule
87
Bible TOB, Alliance Biblique Française, 2010, Paris.
88
Olivier BAUER, « Éducation A, De, Par, Pour la Foi : Cours séminaire Bachelor Université de Genève », 2013.
89
Olivier BAUER, citation lors du cours «« Éducation A, De, Par, Pour la Foi : Cours séminaire Bachelor
Université de Genève », 2013.
90 Olivier BAUER, Ibid. [en ligne], disponible sur
<https://dokeos.unige.ch/home/main/document/document.php?cidReq=6D124f42c > (Consulté le 15 juin
2016).
71
par lui, et pour lui. La foi est ce robinet par lequel coule l’eau de la vie éternelle que
nous communique Jésus-Christ par le biais du message de l’évangile.
Nous observons que cette caractéristique n’est plus à la mode ni en chaire, ni dans la
pensée théologique, le protestantisme refusant un message moralisateur. Pour nous, elle
a néanmoins le mérite de placer l’homme du siècle présent devant la réalité de sa
condition conformément aux Saintes Écritures et à la doctrine chrétienne. Elle a aussi
le mérite d’être une spécificité protestante qui a fait des preuves à travers l’histoire.
Annoncer la repentance ne signifie pas condamner les peuples mais leur annoncer une
voie de sortie que Dieu lui-même a tracée au travers de la croix. C’est puisque la croix
et la résurrection de Jésus-Christ sont une victoire que nous pouvons proclamer la
repentance et le pardon comme offre divine en Christ selon que le texte de l’Évangile
de Luc nous le montre ci-après « Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait,
et qu'il ressusciterait des morts le troisième jour, et que la repentance et le pardon des
91
Mathieu Tchyombo : observation du Labo Khi lors de la retraite du conseil de la paroisse de Sauteruz, le 04
mai 2016.
72
péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.
Vous êtes témoins de ces choses. 92» (Luc 24,46-48).
Le verbe grec traduit par prêcher ici est κηρύσσω (kherouzzo). Il signifie publier ou
annoncer publiquement, proclamer comme un héraut ce qui est déjà accompli en Christ.
Ce n’est pas un message moralisant et culpabilisant, car à la repentance est toujours
associé le pardon des péchés. C’est pourquoi, même sur ce point, le message du Christ
reste une Bonne Nouvelle.
Cet extrait de Luc nous parle de trois choses à savoir sur la mission du Christ : la victoire
sur la croix (v. 46), la proclamation à toutes les nations du kérygme chrétien (v.47), et
la responsabilité des disciples comme témoins (v.48). C’est pour cela que l’Église des
disciples elle-même, consciente du besoin de pardon et de paix intérieure dans
l’humanité, peut avoir le courage et l’amour de recentrer le Christ comme chemin du
salut pour tous les hommes. C’est la responsabilité des croyants vaudois de proclamer
encore aujourd’hui et sur terre vaudoise que l’énigme de l’enfermement de l’homme
dans sa condition de pécheur a trouvé issue en Jésus-Christ par son œuvre rédemptrice.
Mais cette proclamation ne pourra être efficace que dans la mesure où elle est assise sur
l’esprit de I Co.13, 4-9, c’est-à-dire la charité. Car c’est par l’amour de Dieu que celui
qui annonce et celui à qui l’on annonce l’évangile sont tous redevables à l’œuvre de la
croix. C’est aussi à cause de l’amour pour l’humanité que l’Église se sent dans
l’obligation d’annoncer à tout homme l’offre de restauration possible au travers de la
foi en Christ.
92
Bible Louis Second, Société Biblique Française, 1910.
93
David J. BOSCH, Dynamique de la mission chrétienne : Histoire et avenir des modèles missionnaires, Labor et
Fides, Genève, 1995, p.322.
73
Le texte Mt 15,22 utilisé par Alexandre Vinet pour forger l’expression multitudiniste ne
peut pas être considéré de manière isolée mais avec l’ensemble des textes bibliques qui
révèlent la passion de Christ pour les âmes non sauvées. Le texte de Jean 10,16 fait dire
ceci à Jésus : « J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là,
il faut que je les amène ; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul
berger. 94» Sans faire une exégèse de celui-ci, il faut remarquer la volonté attribuée au
maître pour faire entrer ceux qui ne sont pas encore à l’intérieur, afin qu’il y ait un seul
troupeau.
Il est aujourd’hui temps de conjuguer ensemble l’idée d’une église qui soit composée
des membres qui s’identifient de manière libre aux valeurs reformées en même temps
que le fait de rester ouvert à servir toute la communauté vaudoise. C’est vers cette
tendance que nous pousse la déchristianisation de la société occidentale et la perte de
contact avec ces multitudes de notre temps.
C’est pour cela qu’il est souhaitable que l’EERV replace la dimension subjective au
cœur de l’annonce de l’évangile aujourd’hui. Quitter Thomas D’Aquin pour aller vers
Martin Luther, exige des Réformés, toutes tendances confondues de ramener l’évangile
au cœur des hommes, de sortir Dieu de la transcendance pour l’amener dans l’histoire
et la vie des hommes aujourd’hui. Ainsi, le travail d’évangélisation nécessite que l’on
94
Bible LSG 1910.
74
annonce le Dieu de l’incarnation et son amour pour tous les hommes et pour tout
homme.
Chaque humain est un être relationnel, même face à Dieu, il a besoin de se sentir
personnellement en relation même si celle-ci passe par des médiations. Ce qui importe,
c’est qu’il se sente personnellement et de manière individuelle impliqué. C’est pourquoi,
l’homme du 21ème siècle ne veut s’impliquer qu’en toute conscience face à l’offre de
l’évangile, ce qui fera de lui un croyant dynamique et actif. Il comprendra mieux la
justice, la foi, la grâce, mais réalisera plus aisément sa culpabilité loin de Dieu et son
besoin d’être pardonné.
La conjugaison de ces trois caractéristiques, à savoir la justice que Dieu nous impute
par la foi, la culpabilité de l’homme sans Dieu, et la nécessité de personnaliser le
message de Christ face à tout homme nous montre que l’évangélisation est question
centrale de la Reforme. Dans toutes générations, malgré les progrès technologiques, au
fond de tout homme sans Dieu, se trouve une attente que seul le message de justice
gratuite de Dieu en Christ peut combler lorsque celui-ci s’approprie pour lui-même, par
la foi ce que Dieu a fait en Christ !
L’ensemble du Nouveau Testament nous montre qu’on ne peut pas parler du Dieu de
Jésus-Christ tout en ignorant la question de l’évangélisation.
Jérôme Cottin qui est professeur de théologie pratique à l’Université de Strasbourg
soutient que « le mot-évangélisation-est fondamentalement biblique, constitutif de la
75
vocation même de l’Église, qui est d’être une Église pour les autres et pour le monde,
une Église de la rencontre et du témoignage 95 ».
L’analyse de quelques textes au travers des quatre évangiles et des Actes nous montre
de quelle manière est introduite la question de l’évangélisation comme étant au centre
dans la vie de Jésus et des premiers disciples. Nous argumentons ce point de vue au
travers de quelques textes ayant trait à l’envoi missionnaire, à l’évangélisation, et au
témoignage chrétien :
La finale de l’Évangile de Matthieu (chap.28 :16-20) présente Jésus qui fait un envoi
devenu célèbre en milieux anglo-saxons sous l’expression Great Commission (la grande
commission). Il s’agit de l’envoi des onze apôtres restés fidèles pour faire de toutes les
nations des disciples par le baptême et l’enseignement du message de Jésus. Ce texte
est diversement considéré : pour certains l’ordre est uniquement donné aux onze et non
à tous les disciples. Mais la visée eschatologique que Matthieu donne à Jésus au verset
20, montre qu’il s’agit d’un envoi pour les croyants de toutes générations jusqu’à la fin
du monde.
La préoccupation de l’évangélisation dans Matthieu ne se trouve pas qu’à la fin, nous
pouvons observer que le ministère de Jésus dans Matthieu est encadré par l’objectif de
la bonne nouvelle (Mt 4,23 ; Mt 9,35 ; Mt 11, 5 ; Mt 24,14 ; Mt 26, 13). L’appel de
Jésus est de croire en la bonne nouvelle, sa prédication est une bonne nouvelle, qu’il a
laissé aux disciples pour être annoncée au monde entier.
Par ailleurs l’auteur de l’évangile de Matthieu présente un premier envoi au chapitre 10,
mais il s’agit ici uniquement des brebis perdues d’Israël (Mt 10,5-6).
L’évangile selon Marc d’où Matthieu puise une partie importante de sa matière, a
presque la même structure et les mêmes préoccupations quant à la « bonne nouvelle »
que celui de Matthieu. Et la finale de Marc (Mc 16,14-20) est encore plus précise ; elle
parle de « κηρύξατε τὸ εὐαγγέλιον πάσῃ τῇ κτίσει. » Il s’agit ici de proclamer le kérygme
de l’évangile. Mais en tout état de cause c’est aussi un envoi pour les disciples en toutes
générations.
Luc dans son Évangile par contre, n’a pas de texte d’envoi dans la finale, il reprend la
question en relation avec la pneumatologie au chapitre premier des Actes. Mais son
texte nous intéresse sous plusieurs angles : Luc nous montre Jésus qui au
commencement de son ministère s’approprie au chapitre 4,18-19, le texte d’Esaïe 61,1-
95
Jérôme COTTIN & Élisabeth PARMENTIER (Eds.), Évangéliser : Approches œcuméniques et européennes, LIT
Verlag, Zurich, 2015.
76
2. Il se présente lui-même comme l’homme oint venu dans le but d’évangéliser les
pauvres, et de proclamer la délivrance. Au chapitre 9, Luc généralise le motif du
ministère auprès des brebis d’Israël qui est dans Mt 10. En effet Lc 9,2 ne détermine pas
le lieu de destination de l’envoi, il est simplement dit :« Il les envoya prêcher le royaume
de Dieu, et guérir les malades. » De même qu’au verset 6, « Ils partirent, et ils allèrent
de village en village, annonçant la bonne nouvelle et opérant partout des guérisons
». Mais il n’est pas spécifié s’il s’agit des villages d’Israël, de Samarie, ou d’ailleurs.
Au chapitre 10 de Luc, Jésus désigne encore 70 autres disciples qu’il charge par nombre
de 2 personnes de la même mission. Ensuite, il explique qu’il y a urgence et abondance
pour le travail de l’évangélisation, ce qui nécessite plus d’ouvriers que les douze. Luc
n’écrit pas en milieu judéo-chrétien comme Matthieu, c’est pourquoi il ne tient plus aux
seules brebis perdues d’Israël, mais maintient l’envoi missionnaire pour les disciples en
général. Luc a préféré exposer l’envoi missionnaire au travers de son deuxième écrit.
En Actes chapitre 1, Jésus est présenté sur la montagne (Actes 1, 12) comme dans
Matthieu et les disciples lui posent la question sur la restauration du règne de David ;
Jésus leur répond : « Mais vous recevrez une puissance, le Saint Esprit survenant sur
vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et
jusqu'aux extrémités de la terre. » (Ac 1,8). Ce verset est dans le langage de Luc un
ordre missionnaire comme celui de Mt 28, 18-20 et de Mc 16, 16-18. Sauf qu’ici Luc
insiste sur deux choses : premièrement, l’effusion de l’Esprit Saint communique la
puissance pour être témoin ; et deuxièmement ce témoignage se fera dorénavant dans
un ordre déterminé par le ressuscité, commençant par Jérusalem, en passant ensuite par
la Judée, et la Samarie, jusqu’aux extrémités de la terre.
Nous voyons bien comment au travers des évangiles synoptiques est profilé le statut de
l’évangélisation :
- L’évangélisation est le but pour lequel Christ est venu sur la terre, afin d’annoncer
à tous ceux qui sont pauvres, la bonne nouvelle.
- L’évangélisation a été confiée aux douze apôtres de Christ, puis chez Luc, au groupe
de 70 disciples à cause de l’immensité de la tâche.
- L’évangélisation est un ordre missionnaire que le Christ a donné à tous ses disciples
dans toutes générations pour que la Bonne Nouvelle soit annoncée à toutes les
nations.
Ainsi la suite du livre des Actes va tracer le modèle missionnaire tel que Luc l’a compris
comme prioritaire et universel :
77
Ce modèle d’évangélisation qui ressort des évangiles synoptiques et du livre des Actes
possède l’avantage de nous rappeler que l’évangélisation a toujours été centrale partout
où sont arrivés Jésus-Christ et son église. Annoncer la bonne nouvelle du salut fait partie
de l’âme chrétienne, et demeure un des objectifs majeurs du christianisme.
96
David BOSCH, Dynamique de la mission chrétienne, Labor et Fides, Genève, 1995, p.322.
97
Laurent SCHLUMBERGER, Sur le seuil : Les protestants au défi du témoignage, Éditions Olivetan, Lyon, 2005, p.
42.
79
98
Jean-Christophe EMERY, « Interview de la Dr Bev Botting, responsable du département des statistiques du
Conseil de l’archevêque. », 1 mai 2014, [en ligne] Disponible sur : < http://projetkhi.eerv.ch/leglise-anglicane-
britannique-les-statistiques/>. (Consulté le 29.01.2017)
99
André GOUNELLE, Le sacerdoce universel. [ en ligne ] Disponible sur :
< http://www.andregounelle.fr/vocabulaire-theologique/le-sacerdoce-universel.php>, (Consulté le 28 février
2017).
80
texte de 1Pierre 2,9 : « Vous, au contraire, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal,
une nation sainte, un peuple acquis, afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous
a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (LSG,1910). Dans cette perspective,
tous les croyants sont égaux, ils ont accès à Dieu sans médiateur, et ils font tous partie
de la classe des prêtres100. En réalité, le contexte est celui de la contestation du pouvoir
ecclésial du 16ème siècle et sa prétendue position d’intermédiaire entre Dieu et le croyant.
Luther récuse l’infaillibilité de l’Église et son autorité comme seule interprète de
l’Écriture.
Sans entrer dans les querelles et recadrages qui ont suivi, le sacerdoce universel reste un
des principes majeurs du protestantisme, surtout en ce qui concerne la mission et
l’évangélisation. Le texte de 1Pi 2,9 indique le travail caractéristique du sacrificateur
dans la nouvelle alliance : « Annoncer les vertus du Dieu qui appelle des ténèbres à la
lumière ». Le verbe utilisé en grec est ἐξαγγέλλω (ekzangelo) ; il a le sens non seulement
d’annoncer mais d’aller annoncer, de sortir de sa position pour annoncer les vertus du
Dieu qui appelle. Il y a ici quatre éléments essentiels :
1° Le sacrificateur de la nouvelle alliance a l’obligation de sortir pour aller vers
ceux qui sont dans les ténèbres.
2° le sacrificateur de la nouvelle alliance annonce une bonne nouvelle, qui est
celle des bienfaits et vertus de Dieu.
3° L’annonce de la bonne nouvelle est aussi un appel à toute l’humanité pour
quitter les ténèbres de l’ignorance vers la lumière de Christ.
4° Le sacerdoce royal dont il s’agit ici est confié à l’ensemble des croyants.
David Bosch explique dans son livre, Dynamique de la mission chrétienne, que les
missions protestantes ont été dans une large mesure le fruit d’un engagement laïc101. Le
point saillant de cette doctrine dans ce que dit Bosch est que « Les laïcs…, sont la base
opérationnelle à partir de laquelle s’effectue la mission Dei. Et dans la perspective du
Nouveau Testament, l’Esprit (tout comme le sacerdoce) a été accordé à l’ensemble du
peuple de Dieu et non à quelques individus choisis »102.
Pendant longtemps pour des raisons historiques, l’Église Reformée du Canton de Vaud
a peut-être prôné dans les principes le sacerdoce universel, mais la réalité qu’une classe
100
Anick SIBUE, Luther et la Réforme protestante, Edition Eyrolles, Paris Cedex, 2011, p.108-112
101
David BOSCH, Dynamique de la mission chrétienne, Labor et Fides, Genève, 1995, p.630.
102
David BOSCH, ibid., p.631-632.
81
sacerdotale composée des pasteurs et diacres est celle qui a porté le fardeau de
l’évangélisation. Ils ont travaillé comme employés de l’Église, et des paroisses qui elles
étaient composées des membres consommateurs des services des ministres-
sacrificateurs. Étant donné l’évolution de la société et les changements dont nous avons
longuement parlé, il nous semble très opportun pour l’Église de promouvoir la richesse
qui est dans ce principe du sacerdoce universel, afin de mobiliser l’ensemble du peuple
pour le témoignage de l’évangile.
Le pasteur Andy Buckler est responsable permanent à la Coordination nationale chargé
de l’évangélisation et de la formation dans l’Église unie de France. Dans son article sur
« L’Église émergente en contexte anglophone »103, il relève le besoin historique en
contexte anglophone d’aller vers ceux qui n’ont pas de contact avec l’Église en ces
termes : « On commence à réaffirmer que l’évangélisation s’exprime également en
termes d’envoi : il ne suffit pas d’inviter, il faut aller vers les gens, les rencontrer sur
leur terrain. 104». Ceux qui sont sur terrain, ce ne sont pas les ministres ordonnés dans le
contexte actuel de l’organisation avec des régions et des paroisses jumelées ; au
contraire ce sont des paroissiens qui vivent, travaillent, et partagent de manière
quelconque des contacts avec les populations non croyantes. Ils peuvent librement et
selon que l’Esprit leur souffle trouver les stratégies pour aller vers ceux qui n’ont pas la
possibilité de connaître l’évangile par le biais direct des activités dans la paroisse.
103
Andy BUCKLER, « L’Église émergente en contexte anglophone », in Jérôme COTTIN et Élisabeth PARMENTIER
(Eds), Évangéliser : Approches œcuméniques et européennes, Edition LIT Verlag, Zurich, 2015, p. 81-102.
104
Andy BUCKLER, ibid., p.86.
82
missionnelle que missionnaire »105. Nous reprenons ci-dessous, et de manière libre les
points essentiels de son article.
Selon Monet, l’adjectif missionnel est utilisé en théologie pour rappeler la nature
missionnaire de l’Église mais aussi la place unique de l’Église dans la mission. « Le
néologisme missionnel, dit-il, permet d’insister sur la vision renouvelée d’une Église
qui existe non pour elle-même mais pour le bien de tous. »106
Francis Dubose le premier, l’utilise de manière significative en 1983 dans son livre
« God who sends »107. Il est suivi en 1991 par Charles Van Engen qui publie « God’s
Missionary People 108» dans lequel il prône une tonalité locale pour l’Église
missionnelle. Pour Van Engen, l’Église retrouve sa place lorsque toutes les
communautés locales s’engagent de manière intentionnelle dans l’évangélisation. Enfin
Darell Guder installe le vocable sur le plan théologique au travers du livre « Missional
Church »109. Gabriel Monet explique que selon Darell Guder il y a cinq caractéristiques
déterminantes pour qu’une Église soit missionnelle. L’ecclésiologie missionnelle est
celle qui est biblique, historique, contextuelle, eschatologique, et capable d’être mise
en pratique.
En d’autres termes, l’Église missionnelle doit s’enraciner dans les Écritures, elle doit
analyser l’évolution sociétale en tenant compte du passé et présent de la société et de
l’Église(historique). Elle doit être capable de s’incarner quel que soit
l’environnement(contextuelle), elle est en perpétuel mouvement vers la promesse et non
statique(eschatologique), et enfin être à mesure de mettre en œuvre les résultats de toutes
ses analyses. Pour faire asseoir cette ecclésiologie, cette conception passe donc par trois
priorités suivantes :
1. Que l’Église soit considérée comme communauté une communauté des disciples en
mission.
105
Gabriel MONET, « Une Église missionnelle plutôt que missionnaire » in Jérôme COTTIN et Élisabeth
PARMENTIER (Eds), Évangéliser : Approches œcuméniques et européennes, Edition LIT Verlag, Zurich, 2015,
p.121-137.
106
Gabriel Monet, ibid., p.129.
107
Francis DUBOSE, God who send. A Fresh Quest for Biblical Mission, Edition Broadman, Nashville, 1983. En cette
année-là, Francis Dubose fut professeur et directeur du World Missions Center au Golden Gate Baptist
Theological Seminary.
108
Charles VAN ENGEN, God’s Missionary People : Rethinking the purpose of local church, Editions Baker, Grand
Rapids, 1991
109
Darell GUDER(Éd.), Missional Church. A vision for the Sending of the Church in North America, Eerdmans
Publishing Company, Grand Rapids, 1998. Darell Guder est professeur émérite de Théologie missionnaire et
œcuménique à Princeton Theological Seminary.
83
2. Que cette communauté soit capable d’incarner les valeurs du Christ en tout lieu et
en tout temps.
3. Et que les membres osent se positionner dans le monde comme des messagers sûrs
et humbles.
Pour que l’EERV devienne une Église missionnelle, il lui faut adapter les critères que
suggère Gabriel Monet dans son article cité ci-haut :
a) Une Église liquide : Nous avons déjà établi au point 3.3.4. de ce travail, que la
société a changé et qu’elle est passé d’une société traditionnelle et familiale à une
société liquide. Il est donc important que l’EERV qui est une Église traditionnelle
et solide passe à une Église liquide, c’est-à-dire capable de s’incarner selon
l’environnement et le contexte au point de pouvoir faire naître des nouvelles
structures ecclésiales conforme à l’environnement. Quitter l’Église traditionnelle
pour une Église missionnelle, sous-entend qu’il faut quitter l’Église où l’on va pour
celle qui envoie. Ici le mode de fonctionnement paroissial doit avoir des
modifications de sorte à ne plus privilégier seulement des réunions dominicales,
mais donner de la place à d’autres activités parfois pendant la semaine mais qui
répondent mieux aux besoins des pas encore chrétiens. La communauté paroissiale
n’est plus un lieu où l’on va consommer les services mais une rencontre pour un
ressourcement mutuel, une édification, en vue d’un envoie dans la mission de Dieu.
Il ne s’agit pas d’abolir tout ce qui fait partie des structures traditionnelles de l’Église
au contraire, celles-ci peuvent être améliorées et servir à côtés des nouvelles formes
à inventer.
b) Une Église centrée sur la bénédiction de tous : Pour être missionnelle, Gabriel
Monet propose en deuxième lieu que l’Église déplace sa vision dans
l’évangélisation, pour quitter d’une évangélisation centrée sur « salut individuel » à
une évangélisation recentrée sur la « bénédiction de tous ». C’est en principe selon
notre observation ce que l’EERV fait en partie. La proposition des tenants de
l’Église missionnelle ne consiste pas à abandonner la subjectivité du salut, il faudra
au contraire « l’élargir et la considérer comme recherche de la justice »110. Il s’agit
pour l’Église de reconsidérer sa vocation au travers de l’appel d’Abraham en Gn
12,2-3 et plus particulièrement la deuxième pointe de cet appel qui est souvent
oubliée : « Deviens donc sources de bénédiction…toutes les familles de la terre
110
Gabriel MONET, ibid., p. 132.
84
111
Propos recueillis lors de l’exposé de Peter Wagner sur le Réveil en Amérique latine, organisée par la
Fédération des Églises Libres et Pentécotisantes en Suisse (association dissoute), Yverdon, mars 2000. Ce
propos est par ailleurs détaillé dans Peter WAGNER(dir.), Et Dieu alluma des feux…, Éditions Vida, Nîmes, 2001.
85
sort de la sphère d’influence de Dieu »112. Avec une vision messianique, l’Église
sort de son enfermement pour continuer la manière de faire du Christ « qui allait de
lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l'empire du
diable » (LSG, Ac10,38).
d) Une Église plurielle : Une autre approche missionnelle consiste à quitter une Église
uniforme pour une Église plurielle. L’approche missionnelle implique pour l’Église
un engagement dans le dialogue avec les contextes et l’environnement. Alan
Roxburgh stipule que « … La tâche de l’Église locale (paroisse pour l’EERV) dans
notre situation présente est de réinvestir nos voisinages, d’habiter et d’écouter les
histoires des gens. Nous devons faire cela non comme une stratégie pour attirer les
gens à l’Église mais parce que c’est ainsi que Dieu vient à nous en Jésus, nous aimant
sans tirer les ficelles de la relation. Ce sera dans ce type de relation que nous
pourrons distinguer les éléments-clés de ce que l’Esprit nous appelle à faire en tant
qu’Église dans un lieu donné… »113.
L’Église devient alors plurielle en ce que les structures qui émergent de
l’incarnation du message dans l’environnement d’une société liquide en
postmodernité, ne seront pas identiques partout. C’est pourquoi il sera important
pour l’EERV de se préparer à accueillir les structures émergentes qui sortiront de
l’échange entre communauté paroissiale et environnement, de sorte à ce que toutes
fassent ensemble Église dans une pluralité enrichissante. Nous pensons de nouveau
qu’au sein de l’EERV existe déjà cette pluralité : La pastorale de Rue que conduit
la pasteure Roselyne Righetti sur rue Pré du Marché 9 à Lausanne et la Cabane,
aumônerie de rue que dirige la pasteure Hetty Overeem, sont les réalités
commençantes de cette ouverture sur lesquelles on peut analyser les possibilités
diverses d’incarnation de l’Église au sein de divers environnement. À notre avis,
l’incarnation dans les contextes ne doit pas seulement viser les marginaux, il faut
qu’elle soit fruit de la manifestation de l’amour de Dieu par divers groupes et
membres qui composent la paroisse dans l’environnement qui leur est propre à
chacun.
112
Paul HEMES, cité par Gabriel Monet, « Une Église missionnel plutôt que missionnaire » in Jérôme Cottin &
Élisabeth Parmentier(Eds), Évangéliser : Approches œcuméniques et européennes, LIT Verlag, Zurich, 2015,
p.134. Paul Hèmes est théologien, physicien, enseignant, et pasteur en milieu évangélique.
113
Alan ROXBURGH, cité par Gabriel Monet, ibid., p.135.
86
114
Andy BUCKLER, « Église émergente en contexte anglophone » in Jérôme COTTIN et Élisabeth PARMENTIER
(Eds), Évangéliser : Approches œcuméniques et européennes, Edition LIT VErlag, Zurich, 2015, p.101.
87
Dans 2Tim 4,1-5 : Paul prévient Timothée des déviations doctrinales conséquentes aux
changements qui surviennent dans la société le cours du temps. La peinture de cette
période est une société désintéressée par la vérité de l’évangile et qui fabrique des
docteurs enseignant une religiosité tournée vers les désirs et plaisirs de l’homme. Paul
présente ainsi le ministère d’évangéliste, celui de Timothée comme réponse évangélique
à une telle société. De ces portions de texte, nous pouvons établir quelques critères de
discernement pour un ministère d’évangéliste :-prédicateur de la parole (Ac 8,4-5), - le
contenu de son message est centré sur Christ et le kérygme de la foi (Ac 8,5), - capable
de captiver ses auditeurs, il maîtrise la rhétorique notamment les techniques du logos,
du pathos, et de l’ethos (Ac 8, 6 et 8), - charismatique (Ac 8, 7), - apologète (2Tim 4,2),
- capable de supporter les épreuves (Ac 4,5), - d’un esprit positif il veut relever ses défis
I Co 9,19), - capable de s’incarner dans des environnements multiples (I Co9, 20-23).
En dehors de ces critères, le ministère d’évangéliste aujourd’hui a besoin de plus de
compétences :
1° Compétences théologiques : Il doit avoir une bonne formation théologique afin de
garder les fondements dogmatiques placés dans l’histoire de l’EERV.
2° Compétences managériales : En tant que motivateur, il doit être apte à former et
encadrer les personnes sensibles à l’évangélisation.
3° Compétences de leadership : visionnaire, il sait où il va.
Ces trois compétences rejoignent des types de personnalité proposées par Jérôme Cottin
à la suite de l’ouvrage en allemand Diriger spirituellement115. En effet dans son article
« Le développement de l’Église en contexte germanique »116, Jérôme Cottin relève trois
types de personnalité avec des dominances psychologiques pour ceux qui devraient
diriger spirituellement dans l’Église : celui qui se concentre sur les personnes et travail
d’équipe, celui qui développe des compétences techniques, intellectuelles et
théologique, et celui qui est visionnaire ou leader et qui sait où il va »117. Notre
évangélique devrait donc être celui qui veut l’intégration de tous dans une réflexion
théologique sérieuse, et être de type dominant ou leader.
Enfin, les tâches de ce ministère seront : a) La recherche des pistes pour une action
missionnaire paroissiale, b) la formation de la communauté paroissiale ou des laïcs
115
Peter BÖHLEMANN, Michael HERBST, Geistlich leiten, Ein Handbuch, Vanddenhoeck & Ruprecht, Göttingen,
2010. Cité par Jérôme Cottin, « Le développement de l’Église en contexte germanique », in Évangéliser :
Approches œcuméniques et européennes, LIT Verlag, Zurich, p.110.
116
Jérôme COTTIN, ibid., p. 103-120.
117
Jérôme COTTIN, ibid., p.110-111.
88
Il est devenu rare dans les manuels de théologie actuels que la question de la prière
soit abordée plus profondément. Elle est reléguée aux préoccupations ecclésiales et
à ceux qu’on qualifie d’illuminés ou des piétistes. La théologie pratique ne peut pas
elle, se permettre une telle omission. « Elle s’intéresse aux lieux concrets où se vit
et se transmet le christianisme »118. Par lieux où se vit le christianisme, il faut
considérer non seulement les bâtiments et paroisses mais aussi les vies dans
lesquelles s’expérimentent la foi chrétienne. C’est pour cela qu’il nous semble
important de rappeler brièvement le besoin de la prière en générale et
particulièrement en relation avec la question de l’évangélisation.
La question de la prière est liée à toute l’histoire du christianisme, elle est en relation
avec la liturgie et avec les croyants ; la prière est un socle important dans toute la
Bible, elle fait partie importante hormis la parole de la relation quotidienne entre
Dieu et les humains.
Jésus est présenté dans les évangiles comme commençant le ministère après un
temps de jeûne et prière pendant 40 jours (Mt 4, 1-2 et Luc 4,1-2). Toute sa vie est
présentée comme étant une vie de prière (Lc 9,18 et Lc 11,1). Jésus priait avant les
décisions majeures de sa vie, il priait très tôt le matin, et il priait après des actions
de son ministère (Lc 6,12-13 ; Mc 1,35 ; Mt 14,23). À la fin de sa vie et avant son
sacrifice sur la croix, il alla à la Montagne des oliviers avec ses disciples pour prier
et exhorta les disciples à la prière. L’apôtre Paul croyait à la nécessité de la prière,
au point de solliciter des Églises et amis la prière en faveur de son œuvre
missionnaire (Eph 6,18-19 ; Col 4,3-4 ; 2Thess 3,1-2).
118
Jérôme COTTIN, « La nouveauté d’une ancienne question », in Évangéliser : Approches œcuméniques et
européennes, LIT Verlag, Zurich, p.10.
89
119
Justin DAUNER, « Si Dieu sait tout, pourquoi prier ? L’omniscience divine et la prière », [En ligne].
Disponible sur : <http://larevuereformee.net/articlerr/n243/si-dieu-sait-tout-pourquoi-
prier> (consulté le 07.03.2017).
90
capacités. Ainsi tout en étant exigeant quant aux compétences nécessaires à l’action
missionnaire en paroisse et dans l’EERV, nous pensons que l’œuvre ne peut être
efficace que dans la mesure où Dieu en est à la source et l’aboutissement. Avec Paul
que l’Église soit capable de dire, si non de croire que : « Cette assurance-là, nous
l'avons par Christ auprès de Dieu. Ce n'est pas à dire que nous soyons par nous-
mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre
capacité, au contraire, vient de Dieu. Il nous a aussi rendus capables d'être ministres
d'une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’esprit ; car la lettre tue, mais
l'esprit vivifie. » (LSG, 2Cor 3,4-6).
91
Conclusion générale
Chaque fois que vous pouvez observer les pratiques ecclésiales, chaque fois que vous pouvez
les analyser et les confronter aux réalités du terrain, vous avez en ce croisement la possibilité
d’apprendre un peu plus, et de faire évoluer vos pratiques vers l’efficacité et la qualité
nécessaires.
Notre parcours dans cette recherche a été fondamentalement jalonné par des enquêtes sur les
pratiques d’évangélisation sur le canton de Vaud. Nous aurions pu analyser les méthodes au
sein des Églises catholiques, catholique chrétienne, orthodoxe, etc… Notre choix s’est limité
sur la panoplie des Églises dites « évangéliques » à cause de leur capacité à avoir un dynamisme
dans l’évangélisation. Notre but n’était pas d’analyser l’éthique des méthodes, mais de les
observer afin de voir leur faisabilité au sein de l’Église Évangélique Reformée du canton de
Vaud. De cette manière, nous avons commencé par définir au premier chapitre les concepts de
la famille « évangélisation, évangile, et évangéliser » ainsi que celui de la « mission ».
Au chapitre 2, nous avons observé les méthodes d’évangélisation et les avons classifiés en deux
catégories : les méthodes individuelles d’évangélisation et les méthodes ecclésiastiques
d’évangélisation. Il peut être reproché aux Églises évangéliques la position de surplomb de
laquelle elles regardent la société et l’agressivité dans certaines pratiques d’évangélisation, elles
ont pourtant la force de placer la mission au centre de l’action ecclésiastique de sorte à ce que
plusieurs parmi elles possèdent une vitalité dans la fréquentation des paroisses et services
cultuels.
Au chapitre 3, notre enquête s’est effectuée au sein de l’EERV et plus spécifiquement dans le
département qui s’occupe de l’évangélisation au conseil synodal. Il s’agit du service appelé
« Projet Khi ». Ce service est un laboratoire de recherche pour la dynamisation de l’Église en
ce qui concerne l’évangélisation. Nous avons vite compris que l’évangélisation au sein de
l’EERV est un ensemble des postures en recherche et que le but est actuellement de travailler
avec les conseils paroissiaux en vue de les sensibiliser sur le sujet pour qu’ils puissent à leur
tour trouver les possibilités d’amorcer des actions en lien avec l’évangélisation. De manière
claire et pour reprendre l’expression du pasteur Andy Buckler, l’EERV doit encore travailler
« une logique missionnaire claire » et une théologie adéquate.
92
Lorsque nous avons commencé cette recherche, nous pensions trouver des méthodes comme
proposition à l’Église évangélique reformée du canton de Vaud, mais les réalités du terrain nous
ont poussé à procéder autrement. C’est pourquoi notre intervention au chapitre 4 propose cinq
pistes de réflexion dans le chantier de l’évangélisation au sein de l’Église évangélique reformée
du canton de Vaud :
2° Que sur base du sacerdoce de tous les croyants, la question d’évangélisation devienne
une joyeuse tâche pour tous les paroissiens et pour toute l’Église.
3° Une ecclésiologie façonnée par la mission au sein de l’EERV afin de passer d’une
Église missionnaire à une Église missionnelle.
Nous avons ainsi présenté ces pistes non comme venant de ceux qui sont arrivés au terme de
leur marche, mais comme ceux qui sont des étudiants engagés à la recherche des pratiques
d’évangélisation efficaces pour notre génération et conformes à la volonté divine.
93
Bibliographie
A. Théologie
17. Marcel HENRIET, Briser les barrières : rapport officiel de la cinquième assemblée du
Conseil œcuménique des Églises, Nairobi, 23 novembre - 10 décembre 1975,
L’Harmattan, Paris, 1976.
18. Paul BARDE, Méthodes d’Évangélisation, Ed. La Cause, Paris, 1923.
B. Sciences sociales
1. Jörg STOLZ dir., Religion et spiritualité à l’ère de l’ego, © Labor et Fides, Genève,
2015.
2. Jörg STOLZ & Edmée BALLIF, L'avenir des Réformés. Les Églises face aux
changements sociaux, Labor et Fides, Genève, 2011.
3. Anick SIBUE, Luther et la Réforme protestante, Edition Eyrolles, Paris Cedex, 2011.
4. Grace DAVIE, Religion in Britain since 1945 : Believing without Belonging,
Blackwell Publishers, Oxford UK, 1994.
95
Chapitre 1 : INTRODUCTION……………………………………………..3
2.1.1. Définition……………………………………………………...20
2.2.1.1. Objectif………………………………………………….29
au sein de l’EERV………………………………………………40
INTERPRETATION…………..…. …………………………….65