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« Une étude instructive et utile pour tous ceux qui aspirent à sonder la
signification d’une douzaine des précieuses illustrations de notre Sauveur.
L’exposé du Dr MacArthur sur la justification par la foi seule, à partir de la
parabole du percepteur d’impôts et du pharisien, est remarquable. »
– Dr Joël R. Beeke, président du Puritan Reformed Theological Seminary, Grand Rapids,
Michigan
JOHN MACARTHUR
À Marshall Brackin, un ami loyal qui incarne l’exhortation de Paul dans 1
Corinthiens 16.13,14 : « Veillez, demeurez fermes dans la foi, soyez des
hommes, fortifiez-vous. Que tout ce que vous faites se fasse avec amour ! »
Table des matières
Remerciements
Introduction
Une mauvaise compréhension des paraboles
Pourquoi des paraboles ?
Quelques définitions et détails
À propos de l’auteur
Remerciements
Ne trouvez-vous pas étrange que dans notre discours et dans notre formation homilétique nous
mentionnons rarement le lien entre notre travail et celui du dramaturge, du romancier ou de
l’adaptateur pour la télévision ? […] Je suggère que nous commencions par considérer le sermon
comme une intrigue homilétique, une forme narrative artistique, une histoire sacrée2.
Si les paraboles illustrent et clarifient la vérité pour ceux qui ont des
oreilles pour entendre, elles ont un effet opposé pour ceux qui s’opposent à
Christ et le rejettent. Le symbolisme cache la vérité pour ceux qui ne
s’astreignent pas à la discipline et n’ont pas le désir de découvrir la pensée
de Christ. Voilà pourquoi Jésus adopte ce style d’enseignement. C’est un
jugement divin contre ceux qui font preuve de dédain, d’incrédulité ou
d’apathie à l’égard de son enseignement. Au premier chapitre, nous
approfondirons cette idée, et nous examinerons les raisons pour lesquelles
Jésus a commencé à parler en paraboles.
Cela ne veut pas dire que les paraboles sont simplement un reflet de la
sévérité avec laquelle Dieu condamne l’incrédulité ; elles sont également
une expression de sa miséricorde. Notez bien comment Jésus (qui cite la
prophétie d’Ésaïe) décrit les incrédules parmi ceux qui le suivent. Ils se sont
bouché leurs oreilles et ont fermé leurs yeux, de peur « qu’ils ne
comprennent de leur cœur, qu’ils ne se convertissent, et que je ne les
guérisse » (v. 15). Leur incrédulité est obstinée, délibérée et volontairement
irrévocable. Plus ils entendent Christ, plus ils ont de comptes à rendre à la
vérité. Plus ils endurcissent leurs cœurs à la vérité, plus le jugement qui les
frappera sera sévère, car « on exigera davantage de celui à qui l’on a
beaucoup confié » (Lu 12.48). Par conséquent, en leur voilant les vérités
spirituelles dans les histoires et symboles de la vie quotidienne, Jésus les
préserve d’amasser sur leurs têtes culpabilité sur culpabilité.
Ce style d’enseignement comportait certainement d’autres avantages
charitables. Comme toute bonne illustration, les paraboles devaient susciter
l’intérêt et augmenter l’attention des personnes qui n’étaient pas forcément
hostiles à la vérité, mais n’étaient simplement pas capables de saisir la
doctrine exposée dans un style direct et dogmatique, et n’avaient aucune
attirance pour cette forme de communication. Les paraboles avaient
certainement pour effet d’éveiller l’attention de beaucoup de personnes
frappées par la simplicité des paraboles de Jésus et qui, de ce fait, désiraient
ardemment découvrir les significations sous-jacentes.
Pour d’autres, y compris certainement ceux dont le premier contact avec
la vérité avait entraîné du scepticisme, de l’indifférence, voire même du
rejet, le côté pittoresque et imagé des paraboles a permis que la vérité reste
enfouie dans la mémoire et qu’elle germe ultérieurement sous la forme de la
foi et de la compréhension.
Richard Trench, un évêque anglican du XIXe siècle, a écrit l’un des
ouvrages les plus lus sur les paraboles de Jésus. Il souligne la valeur
mnémotechnique de ces histoires :
Si notre Seigneur avait exprimé explicitement la vérité spirituelle, combien de ses paroles
seraient restées extérieures au cœur et à la mémoire de ses auditeurs, sans laisser de trace, en
partie par manque d’intérêt, en partie par manque de compréhension. Mais communiquées
sous la forme d’images vivantes, de propositions brèves et parfois d’apparence paradoxale, de
récits concis mais captivants, elles ont attiré l’attention et incité à creuser davantage. Si au
moment même, au moyen de l’illustration utilisée, la vérité ne s’est pas imposée à l’esprit, les
paroles, elles, se sont souvent gravées dans la mémoire qui les a ainsi sauvegardées10.
— MATTHIEU 13.11
Vers la fin de la deuxième année de son ministère public et par une journée
très chargée, Jésus a une discussion avec quelques pharisiens hostiles, et
toute la nature de son enseignement change subitement. Il ne délivrera plus
de sermons parsemés de textes prophétiques clés tirés de l’Ancien
Testament. Désormais, chaque fois qu’il enseignera en public, il parlera en
paraboles. Un changement aussi abrupt dans la façon d’enseigner de Jésus
est un présage de jugement contre l’élite religieuse d’Israël et contre tous
ceux qui suivent son exemple.
La vue des miracles était devenue une des principales raisons pour
lesquelles tant de personnes suivaient Jésus (Jn 6.2). Il n’accomplissait pas
ses miracles dans un coin caché ou en de rares occasions seulement. Et il ne
s’agissait pas de maladies vagues et invisibles que prétendent guérir par la
foi les soi-disant guérisseurs de notre temps. Et il ne manquait pas de
témoins oculaires du pouvoir de Jésus. Guérisons spectaculaires et autres
miracles devinrent des événements courants pour ceux qui suivaient Jésus
de près.
Cependant, c’est à nouveau la réaction des chefs religieux à cette
guérison qui est la plus frappante. Marc précise que parmi eux se trouvent
des « scribes… descendus de Jérusalem » (Mc 3.22). Il ne s’agit donc pas
de pharisiens ordinaires, mais des principaux érudits religieux d’Israël –
l’aristocratie sacerdotale. Ils viennent apparemment de faire le trajet de
quatre jours entre Jérusalem et la Galilée principalement pour trouver
quelque chose à redire sur Jésus. Rappelons-nous que d’après Matthieu
12.14, ils complotaient déjà secrètement de le supprimer. C’est la phase
initiale de la conspiration qui aboutira à la mort de Jésus sur la croix.
La guérison instantanée de ce malheureux démoniaque en présence
d’une foule de témoins oculaires contrecarre évidemment la stratégie des
pharisiens. Les gens, en effet, ont une réaction enthousiaste et expriment
leur admiration à voix haute : « Ne serait-ce point là le Fils de David ? »
(Mt 12.23.) Les foules semblent sur le point de faire de lui leur roi par la
force (voir Jn 6.15).
Les chefs des pharisiens répondent aussitôt : « Cet homme ne chasse les
démons que par Béelzébul, prince des démons » (Mt 12.24).
À cet instant précis, tout change. La suite de Matthieu 12 est un bref
discours qui culmine par une mise en garde contre le péché impardonnable :
« Quiconque parlera contre le Fils de l’homme, il lui sera pardonné ; mais
quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce
siècle ni dans le siècle à venir » (v. 32).
Le péché impardonnable
Comme toujours, il faut prêter une grande attention aux paroles de Jésus. Il
ne dit pas que n’importe quel blasphème où le nom du Saint-Esprit est
invoqué, est impardonnable. Il n’annonce pas l’existence d’une catégorie
vaste et mal définie de transgressions impardonnables qui nous feraient
vivre dans la crainte constante de les commettre au cas où, par insouciance
ou accidentellement, nous prononcerions des paroles qui nous placeraient
définitivement hors d’atteinte de la grâce divine. En fait, Jésus précise bien
: « Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le
blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné » (Mt 12.31). Le Seigneur
fait précéder à dessein la mise en garde solennelle contre cet acte
extraordinaire unique de blasphème impardonnable d’une déclaration de
grande envergure qui inclut dans le domaine pardonnable « tout péché et
tout blasphème ».
Mais Jésus ne dit évidemment pas que tout péché est automatiquement
pardonné sans que le fautif se repente et croie. Aussi longtemps que le
pécheur reste impénitent et incroyant, son péché, quel qu’il soit, est
damnable. « Celui qui croit en lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit
pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu »
(Jn 3.18).
Même le péché le plus abject est pardonnable – et le plein pardon est
accordé à tout pécheur qui renonce à son amour du péché et se tourne vers
Christ comme son Sauveur. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et
juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jn
1.9, italiques pour souligner). Autrement dit, lorsque nous partageons l’avis
de Dieu quant à notre culpabilité, le sang de Christ nous purifie de toute
sorte de péché et de blasphème, aussi abominables soient-ils. Jésus en a fait
la promesse formelle : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute
ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient
point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie » (Jn 5.24).
Mais un péché très particulier est damnable de façon instantanée et
permanente. Chaque détail de la déclaration de Jésus concernant le péché
impardonnable montre clairement qu’il parle d’un acte blasphématoire
particulier, flagrant et délibéré, à savoir « le blasphème contre l’Esprit » (Mt
12.31, italiques pour souligner). L’article défini revêt toute son importance.
Il existe un contraste clair et significatif entre « tout péché et tout
blasphème » et ce péché particulier qui « ne sera point pardonné… ni dans
ce siècle, ni dans le siècle à venir » (v. 32).
Le contexte de Matthieu 12 indique visiblement à quoi Jésus fait
référence. Il s’agit du blasphème que cette bande arrogante d’hypocrites
religieux vient de commettre.
Les pharisiens ne croyaient pas leur propre affirmation rusée – ils ne le
pouvaient pas. Ils se trouvaient en effet en présence même de Christ au
moment où il affiche sa puissance et sa gloire. Jamais et nulle part ils ne
contestent ses miracles. Dans le cas présent, ils sont les témoins oculaires
immédiats d’un autre prodige indiscutable. Ils connaissent la vérité à propos
de Jésus, mais non seulement ils le rejettent, de plus ils font tout pour
détourner les autres de lui. Pire encore, ils tentent de le discréditer par une
déclaration blasphématoire flagrante en affirmant qu’il accomplit ses
miracles par le pouvoir de Satan.
La nature intentionnelle profondément ancrée dans le cœur des
pharisiens est le facteur principal qui rend ce péché impardonnable.
Pourquoi mettre au crédit de Satan ce que Jésus accomplit par la puissance
de l’Esprit Saint ? Ils viennent de le voir triompher de démons. Ils ont
pleinement saisi l’identité véritable de Jésus, ils ont vu avec quelle autorité
il parle et agit (Lu 6.10,11 ; Jn 11.47,48 ; 12.9 ; Ac 4.16), ce qui ne les
empêche pas de la haïr d’une haine diabolique. Ils mentent visiblement et
consciemment en disant qu’il est le diable en personne.
Jésus s’adresse directement à eux en disant : « Races de vipères ! […]
par tes paroles tu seras condamné » (Mt 12.34,37). C’est sa réplique finale
époustouflante à ces charlatans religieux menteurs et blasphémateurs. Leur
péché est tellement odieux et haïssable que Jésus les condamne sur-le-
champ et de façon définitive. Il donne ainsi à toute la multitude autour de
lui un aperçu du jugement final de ses accusateurs. Celui à qui tout
jugement a été remis (Jn 5.22) les déclare coupables. Il rend son verdict de
façon publique, emphatique et définitive. Ces pharisiens sont désormais
éternellement scellés dans les ténèbres et la dureté de cœur qu’ils ont eux-
mêmes choisies.
Pourquoi leur déclaration est-elle une offense aussi grave contre le
Saint-Esprit ? D’abord parce que la guérison du démoniaque est autant
l’œuvre du Saint-Esprit que celle de Christ. Jésus accomplissait tous ses
miracles en accord avec la volonté du Père et par la puissance du Saint-
Esprit (Lu 4.14 ; Jn 5.19,30 ; 8.28 ; Ac 10.38). En conséquence, attribuer les
miracles du Seigneur à Satan, c’est associer l’œuvre du Saint-Esprit à Satan.
Comme les pharisiens connaissent bien la vérité, leur outrage abject est un
blasphème direct, intentionnel et diabolique contre l’Esprit de Dieu.
Par ailleurs, le Saint-Esprit est celui qui confirme le témoignage de
Christ et qui fait connaître sa vérité (Jn 15.26 ; 16.14,15). « C’est l’Esprit
qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la vérité » (1 Jn 5.6). Pour ceux
qui ont des oreilles pour entendre, le témoignage du Saint-Esprit est
radicalement et précisément aux antipodes de ce que les pharisiens
déclarent. Et répétons-le, les pharisiens le savent très bien. Les signes et les
prodiges qu’ils ont vus étaient réels et irréfutables. Ils expriment leur
blasphème en sachant bien qu’ils s’opposent à Dieu, dénigrent le serviteur
qu’il a oint et injurient son Saint-Esprit.
Leur sort est scellé. Il n’y a plus d’espoir pour eux « ni dans ce siècle, ni
dans le siècle à venir » (Mt 12.32). Ils ont depuis trop longtemps
délibérément fermé les yeux et bouché leurs oreilles à la vérité. En rejetant
le témoignage le plus puissant rendu à la vérité, ils ont préféré le mensonge.
À partir de maintenant, Jésus leur cachera la vérité de façon péremptoire en
se servant des paraboles dans son enseignement public.
— LUC 8.8
La confrontation décisive avec les chefs des pharisiens avait eu lieu chez
quelqu’un qui habitait près de la mer de Galilée. Peu après la fin de la
discussion animée, « ce même jour (italiques pour souligner), Jésus [sort]
de la maison, et [s’assied] au bord de la mer. Une grande foule s’étant
assemblée auprès de lui, il [monte] dans une barque, et il [s’assied]. Toute
la foule se [tient] sur le rivage » (Mt 13.1,2). À propos du même
événement, Luc souligne également l’ampleur de la foule rassemblée et la
diversité de sa composition : « Une grande foule s’étant assemblée, et des
gens étant venus de diverses villes […] » (Lu 8.4).
À deux reprises, Jésus a nourri les milliers de gens qui le suivaient. Les
nombres indiqués ne tenaient généralement compte que des hommes
adultes, ce qui donne à penser que le nombre total des personnes
rassemblées était au moins deux fois plus élevé. Quelle que soit la manière
dont on dénombrait les foules à cette époque, nous savons que Jésus attirait
de grandes multitudes qui se pressaient autour de lui, chacun voulant être
aussi proche que possible du Maître. Le moyen le plus sûr pour lui de
pouvoir enseigner sans être écrasé sous la pression de la foule agglutinée
autour de lui consistait à monter dans une petite embarcation de pêche et à
s’éloigner un peu du bord. (Les rabbins enseignaient de toute façon en étant
assis ; il n’y a donc rien d’anormal à ce que Jésus soit assis.) La foule
s’entasse le long du rivage pour écouter. Les collines qui entourent
partiellement le lac forment un amphithéâtre naturel ; il suffit de plus
qu’une légère brise souffle et porte la voix de Jésus pour que des milliers
l’entendent clairement.
Mais désormais, seuls ceux qui sont décidés à écouter avec foi capteront
le message.
Il [répond] : Il vous a été donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais pour les
autres, cela leur est dit en paraboles, afin qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en entendant
ils ne comprennent point.
Le « mystère » (au sens où Jésus emploie le terme) est ainsi une chose
partiellement ou complètement cachée à un moment et qui est désormais
pleinement dévoilée. Le Seigneur est sur le point de soulever le voile de
tout ce que l’Ancien Testament avait enveloppé dans la typologie, le
symbolisme et les indices prophétiques.
Mais le dévoilement était intentionnellement subtil de sorte que seuls
l’ont compris les vrais croyants avides de connaître la vérité – ceux qui
avaient des oreilles pour entendre. Ils ont saisi les vérités que Jésus
enseignait, non parce qu’ils auraient possédé une clairvoyance spéciale ou
une aptitude surnaturelle, mais parce qu’ils s’y sont suffisamment intéressés
pour en demander l’interprétation à Jésus. Pour les autres, les mystères sont
restés enveloppés dans le symbolisme parabolique.
En privé, le Seigneur déclare aux disciples : « Il vous a été donné de
connaître les mystères du royaume de Dieu » (Lu 8.10). Il dit en somme à
ceux qui ont des oreilles pour entendre : « Vous êtes élus, vous êtes choisis,
vous êtes bénis. » Quel privilège inouï pour un groupe de personnes
composé en grande partie de pêcheurs d’un village galiléen lointain !
Même si Jésus présente les paraboles d’une manière qui rend inaudible
la vérité pour les oreilles incrédules, personne n’est exclu contre sa volonté.
Quiconque désirait vraiment comprendre pouvait interroger le Maître.
Rappelons que Jésus a exhorté tous ceux qui étaient à portée de voix à faire
l’effort de comprendre : « Prenez donc garde à la manière dont vous
écoutez ; car on donnera à celui qui a, mais à celui qui n’a pas on ôtera
même ce qu’il croit avoir » (Lu 8.18). La réaction des auditeurs établira une
séparation entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Ceux qui
croient chercheront la vérité et la trouveront. Pour ceux qui ne croient pas,
les paraboles ne feront que voiler davantage la vérité. Leur cécité spirituelle
n’avait d’égale que leur propre incrédulité, amplifiée par le jugement divin.
En revanche, aux disciples avides de comprendre, Jésus déclare : « Mais
heureux sont vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles
entendent ! Je vous le dis en vérité, beaucoup de prophètes et de justes ont
désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous
entendez, et ne l’ont pas entendu » (Mt 13.16,17). Des années plus tard,
Pierre encore ébahi par un tel privilège, écrira :
Les prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut
l’objet de leurs recherches et de leurs investigations ; ils voulaient sonder l’époque et les
circonstances marquées par l’Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d’avance les
souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n’était pas
pour eux-mêmes, mais pour vous, qu’ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont
annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l’Évangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel,
et dans lesquelles les anges désirent plonger leurs regards (1 Pi 1.10-12).
Des vérités qui étaient mystérieuses – non seulement pour les prophètes
de l’Ancien Testament, mais également pour les anges – sont sur le point
d’être explicitées à Pierre et à ses compagnons.
L’explication
L’auditeur mondain
Le troisième type de terrain, celui qui est couvert de mauvaises herbes
et d’épines, décrit le cœur trop passionné ou trop préoccupé par les
questions du monde. Jésus explique : « Ce qui est tombé parmi les épines,
ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, s’en vont, et la laissent étouffer
par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils ne portent point de
fruit qui vienne à maturité » (Lu 8.14).
Ceux qui entrent dans cette catégorie (comme les auditeurs représentés
par le terrain peu profond) semblent d’emblée bien réagir à la Parole.
L’analogie suggère que cette personne manifestera probablement un signe
initial de réceptivité. La semence jetée dans les mauvaises herbes germera.
Ces gens « ayant entendu la parole, s’en vont » ; Jésus indique peut-être par
là qu’ils donnent toutes les apparences d’un engagement sur le chemin de la
foi. Marc semble dire qu’au début, ils ont tout ce qu’il faut pour porter du
fruit, mais qu’à un certain moment, « les soucis du siècle, la séduction des
richesses et l’invasion des autres convoitises, étouffent la parole et la
rendent infructueuse » (Mc 4.19, italiques pour souligner).
Il ne s’agit donc pas d’un incroyant endurci ni d’une personne
superficielle et émotive. Dans le cas présent, le terrain est bien labouré et sa
profondeur est suffisante. Mais il contient toutes sortes d’impuretés. Les
mauvaises herbes déjà présentes dans la terre ont commencé à germer sous
la surface. Elles deviendront plus fortes et se développeront plus vite que la
bonne semence. La Parole de Dieu fait figure d’une étrangère dans un tel
cœur. Les mauvaises herbes et les épines occupent déjà le terrain.
Cette personne cultive un lien d’amour trop fort avec le monde – elle est
obsédée par « les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie » – de cette vie
(Lu 8.14). Voilà la clé explicative. Les valeurs cultivées dans le monde
séculier présent (plaisirs coupables, ambitions terrestres, argent, honneurs et
toute une série d’autres distractions) inondent le cœur et étouffent la vérité
de la Parole de Dieu.
« C’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies » (Ja 1.8).
Comme Jésus l’enseigne ailleurs : « Nul serviteur ne peut servir deux
maîtres. Car, ou il haïra l’un et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un et
méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Lu 16.13).
D’ailleurs, dans le récit de Matthieu, l’accent porte sur l’amour de
l’argent qui caractérise l’auditeur mondain : « la séduction des richesses
[étouffe] cette parole, et la [rend] infructueuse » (Mt 13.22). L’apôtre Paul
écrit les lignes suivantes à Timothée : « Mais ceux qui veulent s’enrichir
tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs
insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition.
Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns,
en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes
dans bien des tourments » (1 Ti 6.9,10). Rien n’est plus contraire à la vérité
de l’Évangile que l’amour des richesses et les plaisirs de ce monde. À ceux
dont le principal désir est de consacrer leurs ressources à des plaisirs
mondains, Jacques 4.4 déclare : « Adultères que vous êtes ! ne savez-vous
pas que l’amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui veut
être ami du monde se rend ennemi de Dieu. »
L’apôtre Jean condamne la mondanité avec la même sévérité : «
N’aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un
aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui » (1 Jn 2.15). Voulait-il
dire que c’est un péché d’apprécier les montagnes, les fleurs, la bonne
nourriture et les gens ? Certainement pas. Il parle des valeurs et des vices de
ce monde, tout ce qui est incarné dans l’hostilité pathologique et
autodestructrice du monde contre Dieu : « Car tout ce qui est dans le
monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la
vie, ne vient point du Père, mais vient du monde » (v. 16).
C’est précisément ce que représentent les mauvaises herbes et les épines
dans la parabole : l’égoïsme, les désirs pécheurs et le système de croyance
impie qui domine ce monde. De telles valeurs – et non les valeurs naturelles
qui appartiennent à l’ordre créé lui-même – voilà ce qui étouffe la vérité de
la Parole de Dieu dans les cœurs déchus et qui rend ce monde indigne de
notre amour.
Ne nous y trompons pas. Les richesses matérielles ne sont pas
mauvaises en soi, pas plus que le plaisir d’ailleurs. Lorsqu’ils occupent leur
place légitime dans l’ordre de nos priorités, nous pouvons recevoir avec
reconnaissance les richesses et le plaisir comme des dons gracieux de la
main de Dieu qui est généreux (De 8.18 ; Ec 5.18,19 ; Os 2.10). Mais c’est
mal de préférer les bienfaits au Bienfaiteur, et d’accorder plus de valeur aux
biens tangibles et temporels qu’aux bénédictions spirituelles. Paul écrit à
Timothée : « Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être
orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses
incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance
toutes choses pour que nous en jouissions » (1 Ti 6.17).
Le jeune homme riche est un exemple néotestamentaire classique de
l’auditeur mondain. Il vint à Jésus en cherchant ardemment la vie éternelle,
mais il était matérialiste et aimait l’argent – et Jésus le savait. L’Écriture
rapporte que « le jeune homme s’en alla tout triste ; car il avait de grands
biens » (Mt 19.22). Il aimait les valeurs du monde plus qu’il n’aimait Dieu.
Judas est un autre exemple. Il prétendit suivre Jésus depuis l’appel des
douze jusqu’au jour où il trahit Christ pour trente pièces d’argent.
L’Écriture révèle que son vice était l’amour de l’argent : « Il était voleur et
[…] tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait » (Jn 12.6). Il représente
le pire auditeur parmi ceux dont le cœur est plein de mauvaises herbes et
d’épines.
Les auditeurs symbolisés par le terrain durci du chemin, le terrain de
faible profondeur de terre arable et le terrain rempli d’épines ont tous une
chose en commun : « Ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité »
(Lu 8.14). Or le but de toute agriculture est de produire du fruit. Le terrain
qui ne répond pas à cet objectif est sans valeur. Le chemin piétiné restera
perpétuellement dur, la terre arable de faible profondeur ne sera
probablement pas ensemencée une seconde fois, et le terrain couvert
d’épines sera livré aux flammes. S’il ne peut être entièrement débarrassé de
ses mauvaises herbes et de nouveau labouré pour être ensemencé, il sera
abandonné comme terrain vague.
Ces trois types de terrains stériles représentent les incroyants – incluant
les personnes qui ont initialement laissé entrevoir de belles promesses, mais
n’ont pas porté de fruit.
Puis il dit à tous : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se
charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive.
— LUC 9.23
L’escalade des plus hauts sommets est peut-être le sport extrême le plus
inutile. Chaque année, les pentes du mont Everest sont couvertes des
cadavres de grimpeurs qui ont échoué. L’entreprise est coûteuse, dévorante
et dangereuse. Avant 1996, un quart de ceux qui tentaient l’aventure
mourait en cours d’ascension. Les statistiques sont un peu plus favorables
actuellement, mais sur cent personnes qui atteignent le sommet, quatorze
perdent la vie en cours de route. Et sur dix personnes qui atteignent le toit
du monde, une meurt lors de la descente. Plus de 225 personnes sont mortes
au cours des trois dernières décennies en tentant l’aventure. Avril 2014
marque le jour le plus sinistre dans l’histoire de l’alpinisme lorsqu’une
avalanche a provoqué la mort de seize personnes. Quel autre sport réclame
la vie de tant de participants ?
De plus, l’expédition est onéreuse ; elle coûte entre trente mille dollars
et quatre fois cette somme pour une seule tentative. Sans compter
l’entraînement qui prend entre huit et douze mois complets – au minimum.
La plupart des spécialistes estiment qu’il faut une expérience de plusieurs
années d’escalade.
Compte tenu du prix élevé de ce loisir et de l’issue fatale possible, il est
surprenant que tant de gens risquent tout ce qu’ils possèdent, et même leur
propre vie, pour accomplir un exploit qui ne leur offre pas d’autre
récompense tangible que la satisfaction personnelle et la fierté. L’aventure
ne constitue donc pas un engagement que l’on prend à la légère.
Le Seigneur a dit quelque chose de semblable à ceux qui n’avaient
qu’un intérêt superficiel à le suivre. La vie de disciple (nous utiliserons
désormais le terme technique « discipulat ») ne désigne pas un style de vie
dans lequel on s’embarque avec insouciance. Dans Matthieu 13, Jésus
raconte deux paraboles qui illustrent la nécessité d’évaluer le coût de
l’entrée dans son royaume.
Le trésor caché
Des gens enterraient parfois des biens de valeur par peur lâche,
méfiance ou paresse. Jésus y fait référence dans Matthieu 25.18 dans l’une
de ses paraboles dans lesquelles un serviteur paresseux « alla faire un creux
dans la terre, et cacha l’argent de son maître » au lieu de le déposer à la
banque pour en retirer des intérêts, ou de l’investir dans des opérations
rentables. Jésus disait qu’il aurait dû rendre l’argent avec un intérêt sur la
somme confiée. L’enterrer alors que le serviteur avait la possibilité de faire
fructifier cette somme était une preuve de folie et d’infidélité. (Nous
examinerons cette parabole au chapitre 7.)
Revenons à notre parabole. Un homme découvre un trésor caché dans
un champ qui appartient à quelqu’un d’autre. Peut-être que notre homme
était employé par le propriétaire pour labourer le champ. En le labourant, il
déterre le trésor caché. Il le remet aussitôt dans le trou où il l’a trouvé. Puis
il retourne chez lui et vend tout ce qu’il possède, liquide tous ses biens et
achète ce champ pour acquérir le trésor qu’il abrite.
Nous ignorons la nature du trésor, mais il était de très grande valeur.
Des lecteurs se demandent parfois si l’homme a agi selon la morale. Il
découvre un trésor qui ne lui appartient pas, puis l’enfouit de nouveau sans
rien dire au propriétaire du champ. N’aurait-il pas dû informer le
propriétaire de sa découverte ?
Non. La loi rabbinique juive était très claire dans des cas comme celui-
ci. Lorsqu’une personne trouvait dehors (même si c’était juste devant le
seuil de la maison) un objet de valeur dont elle ne connaissait pas le
propriétaire, le propriétaire du terrain n’avait aucun droit dessus. Voici
quelques exemples d’une collection moderne de sources anciennes :
S’il a trouvé [un objet] entre les planches [sur le seuil d’entrée de la maison], [si l’objet était
situé] entre le chambranle de la porte et l’extérieur, il appartient à celui qui l’a trouvé. S’il
était situé entre le chambranle de la porte et l’intérieur, il appartient au propriétaire de la
maison. Si quelqu’un trouve un objet dans un trou ou dans un nouveau mur, si l’objet se
trouvait plus près de l’extérieur que de l’intérieur, il appartient à celui qui l’a trouvé. [Si
l’objet se trouvait] plus près de l’intérieur que de l’extérieur, il appartient au propriétaire de la
maison. […] Si le mur ou le trou étaient totalement ouverts du côté extérieur, même si l’objet
était plus près de l’intérieur que de l’extérieur de la maison, il appartient à celui qui l’a trouvé.
Si le mur ou le trou étaient complètement ouverts du côté intérieur, même si l’objet est plus
près de l’extérieur que de l’intérieur, il appartient au propriétaire de la maison3.
— ROMAINS 9.14
Le proverbe
La leçon
Le but
La parabole est riche de principes vitaux, parmi lesquels figurent des vérités
évangéliques centrales et la plupart sont évidentes d’emblée.
Elle enseigne avant tout que le salut ne se mérite pas. La vie éternelle
est un don que Dieu accorde par pure grâce selon sa volonté souveraine.
Toutefois, la leçon la plus évidente de la parabole est que Dieu donne la
même grâce abondante à quiconque suit Christ. Collecteurs d’impôts,
prostituées, mendiants et aveugles partageront la même vie éternelle que
ceux qui auront servi Dieu toute leur vie, qui auront prêché l’Évangile à des
milliers ou qui seront morts en martyrs pour Christ. Heureusement qu’il ne
donne pas au croyant ce que celui-ci mérite vraiment !
Quand nous irons au ciel, nous vivrons tous dans la maison du Père (Jn
14.2). Nous sommes tous « héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ » et
nous serons tous glorifiés ensemble (Ro 8.17). Nous ne recevrons pas
chacun une part du ciel ; nous recevrons ensemble la totalité.
Ailleurs, l’Écriture enseigne qu’en plus de la pleine rédemption du
péché et la vie éternelle, il y aura différentes récompenses qu’il plaira au
Seigneur d’accorder à ses enfants pour leur fidélité. Lors du jugement
devant le tribunal de Christ : « Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il
perdra sa récompense ; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du
feu » (1 Co 3.15). Certains subiront des pertes, et d’autres seront
récompensés en fonction de la qualité durable de leur œuvre.
Apocalypse 4.10,11 décrit ce que deviendront toutefois ces récompenses
: « Les vingt-quatre vieillards se prosternent devant celui qui est assis sur le
trône, ils adorent celui qui vit aux siècles des siècles, et ils jettent leurs
couronnes devant le trône, en disant :
Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu,
de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance ;
car tu as créé toutes choses,
et c’est par ta volonté qu’elles existent et qu’elles ont été créées ».
Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain
comme toi-même.
— GALATES 5.14
L’histoire dramatique du bon Samaritain dans Luc 10.30-37 est l’une des
plus appréciées et des plus captivantes de toutes les paraboles de Jésus. Elle
est tellement connue qu’elle est devenue le symbole de la bonté débordante
et sacrificielle. Dire de quelqu’un qu’il est un bon Samaritain, c’est lui faire
un noble compliment. Cependant, cette parabole nous est tellement
familière que nous risquons de penser la connaître mieux qu’en réalité.
Quantité de gens prétendent comprendre parfaitement le contenu du récit et
la leçon qu’il est censé véhiculer. Mais bien souvent, ils ne le savent pas.
L’histoire du bon samaritain n’est pas une simple exhortation à aider les
gens dans le besoin. Ce serait la simplifier à outrance d’affirmer que Jésus
soulignait principalement la nécessité de témoigner de la bonté aux
étrangers. Or, s’il raconte cette histoire, c’est surtout pour illustrer à quel
point nous sommes loin d’observer ce que la loi de Dieu exige. Il explique
pourquoi toutes nos bonnes œuvres et nos mérites sont toujours insuffisants
pour obtenir la faveur de Dieu. Il précise ce que la loi réclame vraiment de
nous ; ce faisant, il réduit à néant les espoirs des gens religieux hyper-
rigoureux qui estiment mériter la vie éternelle par la pratique méticuleuse
des traditions rabbiniques, allant jusqu’au respect minutieux obsessionnel
de la loi de Dieu et en inventant le moyen de contourner les principes
vraiment importants et les parties exigeantes de l’Écriture.
Le nœud de la parabole devient clair si nous prêtons attention au
contexte immédiat dans Luc 10. En somme, Jésus raconte cette parabole à
une bande de légalistes pédants qui s’efforcent de diminuer la force de la loi
de Dieu en discutant sur le mot prochain.
Une question piège
Pendant son ministère en Galilée (la région où il a grandi), Jésus s’est
constamment heurté à l’opposition des principaux chefs religieux et de leurs
disciples. Dans Luc 10, il envoie en mission soixante-dix de ses disciples
pour annoncer l’Évangile une dernière fois aux villes de la Galilée. Il sait
que ses disciples aussi rencontreront de l’opposition. C’est pourquoi il leur
dit :
Mais dans quelque ville que vous entriez, et où l’on ne vous recevra pas, allez dans ses rues,
et dites : Nous secouons contre vous la poussière même de votre ville qui s’est attachée à nos
pieds ; sachez cependant que le royaume de Dieu s’est approché. Je vous dis qu’en ce jour
Sodome sera traitée moins rigoureusement que cette ville-là (10.10-12).
Un cœur endurci
Là encore, le fait même que Jésus continue de répondre à cet homme est
un acte de grâce. Le docteur de la loi a le désir évident d’humilier Jésus.
Que de fois les chefs religieux ont tenté de rabaisser Jésus et ils ont toujours
échoué. Sa capacité de répondre correctement à toutes leurs questions,
même les plus ardues, les mettait hors d’eux-mêmes. Ils avaient beau tout
essayer pour le provoquer, mais le Seigneur gardait son calme.
En cette circonstance tout particulièrement, la réponse de Jésus tranche
par sa retenue chaleureuse, pleine de grâce et d’amour. Son interlocuteur
cherchait, lui, à pousser Jésus à donner une réponse qui ouvrirait la porte à
un débat passionné. Mais parfois « une langue douce peut briser les os » (Pr
25.15). C’est ce qui se passe ici.
Jésus ne relate pas cette histoire comme s’il s’agissait d’un récit
véridique. C’est une parabole, un conte destiné à dramatiser de manière
inoubliable la leçon qu’il veut graver dans le cœur de l’homme de loi – et
dans les nôtres. Comme dans la plupart de ses histoires et paraboles, Jésus
souligne une vérité centrale. Le récit comporte de nombreux détails et
beaucoup d’implications secondaires. Or, ce qui importe ici, c’est la leçon
essentielle, sur laquelle nous devons nous pencher.
Le récit débute par un voyage sur une route extrêmement dangereuse. Elle
conduit « de Jérusalem à Jéricho » (Lu 10.30). Elle est bien réelle. Je l’ai
empruntée moi-même. Les touristes qui se rendent en Israël peuvent faire le
même trajet que les voyageurs du temps de Jésus. Entre Jérusalem et
Jéricho, la dénivellation est d’environ mille deux cents mètres sur la petite
trentaine de kilomètres qui séparent ces deux villes. La route est sinueuse,
traversant des montagnes désertes sur un terrain aride. Par endroits, elle
longe des précipices abrupts d’une centaine de mètres, sans aucun
accotement. La majeure partie du trajet est jalonnée de grottes et de gros
rochers qui offrent des repaires idéaux aux brigands. De nos jours, cette
route est encore risquée.
Dans l’histoire de Jésus, ce que l’on pouvait craindre se produit. Un
homme qui voyage seul est attaqué par une bande de voleurs
particulièrement brutes. Ils ne sautent pas sur lui simplement pour le
dépouiller de ses biens ; ils vont jusqu’à lui prendre ses vêtements et
l’abandonnent presque nu. Ils ne se contentent pas de lui voler sa bourse
avec l’argent ; ils lui ôtent tout ce qu’il possède. Ensuite, ils le frappent et le
laissent à moitié mort. L’homme se trouve dans une situation critique, en
train de rendre l’âme sur cette route désertique.
Lors des fêtes célébrées à Jérusalem, des flots de gens empruntaient
cette voie pour se rendre dans la ville et retourner ensuite chez eux. Mais à
la saison morte, notamment lors des fortes chaleurs estivales ou des
journées hivernales venteuses et froides, le nombre de voyageurs était
sensiblement réduit. Aucune demeure le long de la route, pas de lieu pour
s’arrêter en sécurité. Les environs étaient inhospitaliers, surtout pour un
voyageur seul. En cas d’ennuis, il risquait de devoir attendre longtemps
avant d’être secouru. Aucune assurance que quelqu’un le trouve ou lui porte
secours.
Le sacrificateur et le Lévite
Il n’ignorait certainement pas que « celui qui ferme son oreille au cri du
pauvre criera lui-même et n’aura point de réponse » (Pr 21.13). Le principe
énoncé par Jacques 2.13 s’enracine, lui aussi, dans l’Ancien Testament : «
[…] le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde. »
Le sacrificateur connaît sans aucun doute également Exode 23.4,5 : « Si
tu rencontres le bœuf de ton ennemi ou son âne égaré, tu le lui ramèneras.
Si tu vois l’âne de ton ennemi succombant sous sa charge, et que tu hésites
à le décharger, tu l’aideras à le décharger. » Si donc quelqu’un voyait l’âne
de son ennemi embourbé dans le fossé, il devait le tirer de sa fâcheuse
position, n’est-ce pas ? À combien plus forte raison devait-il venir au
secours de l’homme dans une situation critique.
Mais cette lueur d’espoir est de courte durée. À peine le sacrificateur
aperçoit-il le blessé, qu’il « [passe] outre » (Lu 10.31). Le texte grec utilise
ici un verbe qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans l’Écriture sinon dans ce
verset et dans le suivant : antiparerchomai. Le préfixe « anti » a le sens de «
contre », « opposé ». Ce verbe actif indique que le sacrificateur s’est
délibérément rendu sur le côté opposé de la route. Il a quitté sa trajectoire
pour éviter le voyageur blessé – témoignant ainsi un grand mépris pour
l’homme dans le besoin.
Le sacrificateur ne témoigne visiblement aucune compassion aux gens
dans une profonde détresse. On ne peut tirer aucune autre conclusion de son
attitude. Jésus retourne la question. Le sacrificateur avait demandé : « Qui
est mon prochain ? » Ce n’était pas la bonne question. Jésus lui montre par
cette parabole que la vraie compassion n’est pas mesquine. Elle ne cherche
pas à définir exactement le type de souffrances qui pourraient justifier une
aide. Les devoirs du second grand commandement ne dépendent pas de
l’identité de notre prochain. C’est le contraire : l’amour authentique nous
pousse à être le prochain même des étrangers et des apatrides. La pleine
signification du second grand commandement inclut le principe que Jésus
souligne dans Matthieu 5.44 : Nous devons même aimer nos ennemis. Ils
sont aussi nos prochains et, à ce titre, nous devons les bénir, leur faire du
bien et prier pour eux.
Le sacrificateur insensible de cette parabole ne représente évidemment
pas tous les sacrificateurs. Il n’empêche que beaucoup de sacrificateurs et
d’autres chefs religieux du temps de Jésus étaient dépourvus de
compassion. Mais, ici, ce n’est pas le point que Jésus veut mettre en
exergue. Ce sacrificateur représente tous ceux qui ont une bonne
connaissance de l’Écriture et des prescriptions de la loi, qui devraient donc
aider autrui mais ne le font pas.
Le verset suivant introduit un Lévite. Tous les sacrificateurs
descendaient évidemment de la tribu de Lévi. D’une manière plus précise,
tous ceux qui exerçaient la fonction sacerdotale descendaient d’Aaron (un
des fils de Lévi). Le terme Lévite désigne donc tous les descendants de Lévi
qui ne descendaient pas en même temps d’Aaron. Ils étaient occupés à des
tâches de subalternes. Certains assistaient les sacrificateurs ; d’autres
servaient dans la police du temple ; d’autres encore remplissaient des rôles
secondaires et travaillaient dans les dépendances du temple. Leur vie était
néanmoins consacrée à un service religieux ; ils étaient donc censés avoir
une bonne connaissance des Écritures hébraïques.
Pourtant, lorsque ce Lévite arrive à l’endroit où le blessé gît par terre, il
agit exactement comme le sacrificateur. Dès qu’il voit le malheureux étendu
sur la chaussée, il fait un écart et va du côté opposé. Voilà encore un homme
dépourvu de compassion et de bonté.
Plus haut dans Luc 10, Jésus avait prié : « Je te loue, Père, Seigneur du
ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux
intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue
de ce que tu l’as voulu ainsi » (v. 21). Les deux personnages religieux de la
parabole, le sacrificateur et le Lévite, incarnent ce que Jésus entend par «
les sages et les intelligents ». Ils représentent les dignitaires religieux les
plus cultivés et les plus estimés. Et pourtant, ils ne connaissent pas vraiment
Dieu.
Aucun des deux ne remplit les conditions pour accéder au ciel ; ce sont
des « fils de la rébellion », et donc des objets de la colère de Dieu (Ép 2.2 ;
5.6 ; Col 3.6). Ils n’ont pas de véritable amour pour Dieu ; en effet, celui qui
aime Dieu aime aussi ses commandements. Ils n’aiment pas non plus leurs
prochains, puisqu’en présence d’un homme dans une situation de grande
détresse auquel ils auraient pu témoigner de la compassion, ils ne l’ont pas
fait. Ils sont les illustrations mêmes des religieux hypocrites qui observent
la loi cérémonielle, consacrent leur vie au service du temple mais sont
totalement dépourvus de vraies qualités.
Nos semblables citent parfois l’histoire du bon Samaritain, présentent le
sacrificateur et le Lévite comme des exemples d’inhumanité criante et
referment le livre en se drapant dans un sentiment de supériorité morale.
Ils passent à côté de la leçon que Jésus enseigne.
Il est certes juste de condamner le mépris insensible de ces deux
hommes et de s’emporter contre leur indifférence délibérée. Mais ce faisant,
nous nous condamnons nous-mêmes ! L’attitude de ces deux religieux se
reflète précisément dans la nature humaine aujourd’hui, et notamment dans
notre propre nature ! Ne sommes-nous pas assaillis par des pensées comme
Je ne veux pas me mêler de cette affaire ou Je ne connais pas cette
personne, ou Les gens qui l’ont frappée risquent de se retourner contre moi.
Sans aucunement justifier l’apathie et la dureté de cœur que Jésus
condamne, confessons que nous aussi, nous sommes coupables de la même
indifférence aveugle, d’insensibilité flagrante, de mépris insouciant du
malheureux et du nécessiteux. Même si nous ne nous détournons pas
systématiquement de la personne qui appelle au secours, nous sommes tous
suffisamment coupables devant la loi divine qui réclame une perfection
totale dans ce domaine.
C’est ce que Jésus va maintenant montrer en introduisant le personnage
du bon Samaritain.
Juifs et Samaritains
Un amour illimité
En fait, il y a quelqu’un pour qui vous avez fait tout cela : vous-même.
N’est-ce pas ainsi que nous prenons soin de nos besoins ? Donne-moi ce
dont j’ai besoin. Appelle le meilleur médecin. Conduis-moi dans le meilleur
centre hospitalier où je bénéficierai des techniques les plus modernes, des
meilleurs soins. Subviens à mes besoins aussi longtemps que nécessaire.
Dorlote-moi. Ne lésine pas sur les dépenses. Peut-être irions-nous jusqu’à
ces sacrifices aussi pour un membre de la famille ou un ami très cher. Mais
qui le ferait pour un étranger, voire pour un ennemi ? Personne n’est allé
jusque-là.
Vous avez certainement accompli des choses admirables à un moment
ou à un autre de votre vie. Mais aimez-vous vraiment des étrangers toujours
ainsi ?
Non. Jésus décrit un amour rare et sans limites. Rappelez-vous qu’en
imaginant cette scène, Jésus répond en fait à la question du docteur de la loi
: « Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » (Lu 10.25.) Résumons
l’entretien :
Que dit la loi ?
« Aime ton prochain comme toi-même » (v. 27).
« Tu as bien répondu. Fais cela et tu vivras » (v. 28).
Jésus raconte la parabole du bon Samaritain pour montrer que la loi
nous fixe un niveau inaccessible. Et la condamnation n’atteint pas
seulement le docteur de la loi : nous sommes tous concernés. Si nous
aimions vraiment notre prochain comme nous nous aimons et prenons soin
de nous-mêmes, la générosité du Samaritain ne nous paraîtrait pas aussi
remarquable.
La parabole désamorce tout piège polémique que le docteur de la loi
envisageait de placer devant Jésus. À la fin de l’histoire, Jésus retourne la
question à son interlocuteur : « Lequel de ces trois te semble avoir été le
prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? » (v. 36.)
Compte tenu de la leçon immanquable enseignée par la parabole, le
docteur de la loi n’avait qu’une seule réponse : « C’est celui qui a exercé la
miséricorde envers lui » (v. 37).
La conclusion que tire Jésus aurait dû susciter chez l’homme une
profonde repentance et l’humble confession de son incapacité : « Va, et toi,
fais de même » (v. 37).
Car la loi exige qu’on aime tout le temps de cette façon-là. En tant que
docteur de la loi, l’homme aurait dû savoir qu’il ne pouvait pas accomplir
un seul acte altruiste extraordinaire et imaginer avoir satisfait pour toujours
les exigences de la loi. Car la loi exige la perfection en tout temps. « Maudit
soit celui qui n’accomplit point les paroles de cette loi » (De 27.26). « Car
quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement,
devient coupable de tous » (Ja 2.10).
La recommandation finale de Jésus : « Va, et toi, fais de même », aurait
dû inciter cet homme à implorer grâce et pardon. Si c’est là ce que la loi
veut dire quand elle promet la vie à ceux qui obéissent (Lé 18.5), elle ne
nous laisse aucun espoir. La seule chose qu’elle puisse nous procurer, c’est
la damnation. « Ainsi, le commandement qui conduit à la vie se trouva pour
moi conduire à la mort » (Ro 7.10). Comme la loi exige une perfection
absolue, complète et divine (Mt 5.48), aucun pécheur n’a le moindre droit
personnel à la vie éternelle. C’est ce que le docteur de la loi aurait dû
comprendre. Et nous aussi. Le fait est que même les chrétiens dans le cœur
desquels « l’amour de Dieu est répandu » (Ro 5.5) n’aiment pas
systématiquement comme la loi le réclame.
Il y a cependant encore une leçon plus profonde. La manière dont le bon
Samaritain a pris soin du voyageur reflète celle dont Dieu aime les
pécheurs. En fait, l’amour de Dieu est infiniment plus profond et plus
surprenant que cela. Le Samaritain a sacrifié son temps et son argent pour
secourir un ennemi blessé. Dieu, lui, a donné son Fils pour mourir à la place
de pécheurs qui ne méritaient rien d’autre que la damnation éternelle. « Car,
lorsque nous étions encore sans force, Christ, au temps marqué, est mort
pour des impies. À peine mourrait-on pour un juste ; quelqu’un peutêtre
mourrait pour un homme de bien. Mais Dieu prouve son amour envers
nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort
pour nous » (Ro 5.6-8). Plus même, car « lorsque nous étions ennemis, nous
avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils » (v. 10, italiques
pour souligner).
Ce que Christ a accompli pour racheter son peuple surpasse infiniment
les actes d’extrême bonté décrits dans la parabole. Christ est l’incarnation
vivante de l’amour divin dans toute sa perfection. Il est sans tache et sans
péché – « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs » (Hé 7.26). Au
cours de sa vie terrestre, il a littéralement accompli chaque trait de lettre de
la loi avec une perfection absolue. Et en mourant, il a subi le châtiment du
péché à la place des autres. De plus, sa justice immaculée – y compris tout
le gain de cet amour parfait – est imputée à ceux qui placent leur confiance
en lui au titre de Seigneur et Sauveur. Leurs péchés sont pardonnés, et ils
sont revêtus de la justice parfaite que la loi exige. Ils héritent la vie
éternelle, non comme récompense pour leurs œuvres bonnes, mais par pure
grâce, à cause de l’œuvre de Christ en leur faveur.
Si seulement le docteur de la loi avait confessé sa culpabilité et reconnu
son incapacité à pratiquer ce que la loi exige, Jésus aurait été prêt à lui offrir
une éternité de miséricorde, de grâce, de pardon et de véritable amour. S’il
avait au moins ressenti son besoin, la réponse toute prête et limpide à sa
question se trouvait déjà sur les lèvres de Jésus, qui n’a cessé de répéter des
affirmations comme : « Celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui
m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est
passé de la mort à la vie » (Jn 5.24) ; « Celui qui croit au Fils a la vie
éternelle » (3.36) ; « Mes brebis entendent ma voix ; je les connais, et elles
me suivent. Je leur donne la vie éternelle ; et elles ne périront jamais »
(10.27,28) ; « Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (11.26).
Jésus n’a jamais fait de telles promesses à des âmes imbues
d’ellesmêmes et de leur propre justice. Cet homme et le jeune homme riche
lui ont posé des questions précises sur le moyen d’obtenir la vie éternelle ;
il leur a répondu en leur rappelant les exigences de la loi. En revanche, pour
ceux qui avaient des oreilles pour entendre, il a toujours clairement affirmé
que la vie éternelle ne s’obtenait pas comme une chose méritée, mais
qu’elle est un héritage donné par grâce à tous ceux qui placent vraiment leur
foi en Christ comme Seigneur et Sauveur.
L’homme a-t-il saisi la leçon dispensée par Jésus ? A-t-il confessé son
incapacité quand Jésus lui a dit : « Va, et toi, fais de même » ? A-t-il crié
son besoin de grâce et s’est-il repenti ?
Apparemment pas. C’est la fin de l’histoire. Luc passe aussitôt à un
autre incident du ministère de Jésus. Humilié publiquement par l’échec de
sa joute verbale contre Jésus, le docteur de la loi anonyme sort du récit, et
on n’entendra plus jamais parler de lui. Comme l’individu religieux fier et
imbu de lui-même, peut-être a-t-il redoublé d’efforts dans la pratique de
bonnes œuvres pour se prouver lui-même digne de la faveur divine et de la
vie éternelle. De telles personnes oublient facilement (ou refusent de croire)
ce que la justice de Dieu exige d’elles. Elles cherchent à établir leur propre
justice sans se soumettre à la justice que Dieu a révélée en Christ (voir Ro
10.3). Elles lisent la parabole du bon Samaritain comme s’il ne s’agissait
que d’encourager les œuvres humanitaires.
C’est louable si la parabole nous pousse à parfaire notre amour du
prochain. J’espère que vous êtes sensibles à ce message. Toutefois, si c’est
là votre seule réaction à la parabole, c’est pratiquement la pire réponse que
l’on puisse tirer de la leçon que Jésus a enseignée. Cette parabole nous
pousse à confesser notre faiblesse coupable (révélée par notre manque de
compassion et d’amour prêt au sacrifice), et à implorer la grâce et la
miséricorde en nous tournant dans la repentance et la foi vers Jésus-Christ,
le seul à avoir parfaitement et pleinement accompli ce que la loi exige de
nous. Lui seul est capable de « sauver parfaitement ceux qui s’approchent
de Dieu par lui » (Hé 7.25). Il est la seule vraie source de vie éternelle.
Si le docteur de la loi avait vraiment plongé ses regards dans la loi de
Dieu (en énumérant les commandements) et reconnu son péché au lieu de
s’en aller et d’oublier « aussitôt comment il était » (Ja 1.24), il aurait trouvé
un Sauveur dont le joug est doux et le fardeau léger. Mais le récit s’achève
apparemment sans la moindre repentance.
Que ce ne soit pas notre réponse à cette parabole !
6
Mais, lorsque la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes ont été
manifestés, il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais
selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit. Il
l’a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par
sa grâce, nous devenions héritiers dans l’espérance de la vie éternelle.
— TITE 3.4-7
Luc indique clairement le public que Jésus vise dans cette parabole : « Il dit
encore cette parabole, en vue de certaines personnes se persuadant qu’elles
étaient justes, et ne faisant aucun cas des autres » (Lu 18.9). Le texte grec se
sert d’un pronom indéfini (tis, traduit par « certains ») avec le sens de « tous
ceux, quiconque, n’importe qui ». Il ne pense donc pas à un pharisien précis
(ni même aux pharisiens en général) comme dans la parabole du bon
Samaritain. C’est un message pour tous ceux qui « se persuadent qu’ils sont
justes, et ne font aucun cas des autres. » Cela inclut toute personne non
régénérée. Il y a donc dans cette parabole une note d’évangélisation
délibérée. C’est une leçon pour tous ceux qui se persuadent d’être justes –
au lieu de compter sur Christ pour qu’il leur impute sa justice propre et
parfaite.
Il ne fait cependant aucun doute que cette parabole avait une résonnance
particulière pour les pharisiens. Elle portait un coup au cœur même de leur
système de croyances. Ils se considéraient comme étant justes et ils le
manifestaient odieusement. Ils considéraient constamment les autres avec
mépris (Lu 7.39 ; 15.2 ; Jn 7.47-49 ; 9.34). Et nous savons que les
pharisiens étaient présents partout où Jésus enseignait en public, car ils
étaient à l’affût de ses paroles pour trouver une raison de l’accuser. Deux
chapitres plus haut, dans Luc 16.14, il est dit : « Les pharisiens […]
écoutaient aussi tout cela, et ils se moquaient de lui. » La réplique que leur
adresse Jésus dans ce même contexte est de la même teneur que dans notre
parabole : « Vous, vous cherchez à paraître justes devant les hommes, mais
Dieu connaît vos cœurs ; car ce qui est élevé parmi les hommes est une
abomination devant Dieu » (v. 15).
Même si Jésus veut que nous tirions tous la leçon de cette parabole, il
l’applique surtout aux pharisiens et à leurs disciples qu’ils égarent. Le
personnage qui incarne la propre justice est lui-même un pharisien, il
correspond parfaitement à la description de Luc 18.9. C’est vraiment
quelqu’un qui a confiance en lui-même et méprise les autres.
Le mot grec traduit par « ne faire aucun cas » au verset 9 est
exoutheneō, un terme qui n’est employé qu’une seule autre fois dans les
Évangiles – dans Luc 23.11 où il est dit : « Hérode, avec ses gardes, le
[Jésus] traita avec mépris ; et, après s’être moqué de lui et l’avoir revêtu
d’un habit éclatant, il le renvoya à Pilate. » Le terme exprime la dérision la
plus pitoyable et la plus cinglante – le mépris inculte, la raillerie, la
moquerie, le sarcasme. Les pharisiens avaient tendance à traiter les autres
de cette façon. Ils étaient tellement ancrés dans leur style de piété « plus
sainte que celle de l’autre » qu’ils assimilaient leur mépris d’autrui à un
symbole de leur propre justice. Le mot grec, exoutheneō, associe la
préposition ex (« hors de ») au mot outhen (« rien » ou « sans valeur »). Les
pharisiens considéraient ceux qui étaient en dehors du cercle de leurs
disciples comme des bons à rien. Plus le péché d’une personne était notoire,
plus les pharisiens la méprisaient.
Ils appelaient haberim (« associés ») leurs propres disciples – ceux qui
suivaient l’interprétation stricte de la loi. Les gens qui ne suivaient pas les
règles des pharisiens étaient des am ha’aretz (litt. « gens de la campagne »).
L’expression désignait quelqu’un d’impur, un vaurien.
Commentant cette distinction, Kenneth Bailey écrit :
Aux yeux d’un pharisien pur et dur, le collecteur d’impôts représentait le mieux le type du am
haaretz… Si [le pharisien] frôlait accidentellement un collecteur d’impôts (ou n’importe quel
am haaretz présent parmi les adorateurs), il contractait le midras, l’impureté. Son état de
pureté a trop de valeur. Il ne doit être compromis pour rien au monde. De ce point de vue,
l’annonce de son isolement était importante. C’est pourquoi le pharisien se tenait à l’écart de
ceux qui étaient rassemblés près de l’autel1.
Les contrastes
Voici deux hommes que tout oppose. L’abîme qui les sépare se voit d’abord
dans leur statut social, la posture de prière, le contenu de leurs prières et
leur position finale devant Dieu.
Leur posture
Le contraste dans l’attitude physique que les deux hommes adoptent est
significatif lui aussi. Le pharisien « debout [prie] […] en lui-même » (Lu
18.11). Il lui semblait juste – et même normal – de se tenir debout. Jésus dit
un jour à ses disciples : « Lorsque vous êtes debout faisant votre prière […],
pardonnez » (Mc 11.25). La position debout était et reste la posture normale
sur ou près du mont du temple à Jérusalem. En Israël, les hommes levaient
normalement les yeux et les mains vers le ciel quand ils priaient. Ils avaient
donc le visage tourné vers le ciel pour recevoir du Seigneur. Cette posture
exprimait à la fois la louange et la soumission.
Donc, le fait que le pharisien soit debout ne constitue pas un problème.
Ce qui est révélateur de sa posture est plutôt le lieu choisi pour se
démarquer des autres. Jésus évoque ce trait caractéristique des pharisiens
dans son sermon sur la montagne : « Lorsque vous priez, ne soyez pas
comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux
coins des rues, pour être vus des hommes » (Mt 6.5).
Ce pharisien se tient sans aucun doute debout dans un endroit
proéminent du parvis intérieur, aussi près que possible du lieu très saint,
parce que, selon lui, il appartient à ce lieu. Ce choix transforme ce qui aurait
dû être une position d’adoration en signe ostentatoire d’orgueil qu’il
affiche.
Le collecteur d’impôts se place lui aussi à un endroit particulier, non pas
au milieu de la foule ou sur une sorte de piédestal dans le parvis intérieur,
mais « à distance, [et] n’[ose] même pas lever les yeux au ciel » (Lu
18.13). Autrement dit, le collecteur d’impôts se tient debout à la limite de
l’enceinte du temple. Pourquoi ? Parce qu’il se sait indigne de paraître dans
la présence de Dieu et même dans la présence des autres adorateurs. C’est
un paria non seulement pour la société, mais plus encore pour Dieu. Il le
sait, et cela se reflète dans sa posture. Contrairement au pharisien, cet
homme n’ose même pas lever les yeux au ciel. Il est écrasé par le poids de
sa culpabilité, sa honte profonde, et son grand sentiment de disgrâce. Il se
sait totalement indigne. Il le confesse sans trouver d’excuses ni de
circonstances atténuantes. Il n’y a pas le moindre indice d’autojustification.
Il sent clairement le poids énorme de son aliénation de Dieu. Dans sa
posture, tout le proclame.
Jésus déclare que l’homme se « [frappe] la poitrine » (v. 13). Prier les
yeux vers le bas et les mains sur la poitrine exprimait une attitude
d’humilité. Cet homme va encore au-delà. Il fait de ses mains des poings
avec lesquels il se frappe la poitrine. Ce geste revêt une signification qui ne
nécessite sans doute pas d’explication. L’homme est visiblement dans un
état d’angoisse extrême ; il pleure sur son péché, il éprouve du remords, de
la tristesse, de la honte et toutes les émotions associées. On ne trouve aucun
parallèle dans l’Ancien Testament. Et il n’y a qu’un seul endroit du
Nouveau Testament qui mentionne ce même geste : près de la croix, après
la mort de Christ. Dans Luc 23.48, il est dit : « Et tous ceux qui assistaient
en foule à ce spectacle, après avoir vu ce qui était arrivé, s’en retournèrent,
se frappant la poitrine. » Il est également mentionné dans la littérature
extrabiblique, principalement en liaison avec le chagrin des femmes.
C’est donc un homme qui fait un geste inhabituel qui démontre sa
profonde détresse. Pourquoi se frappe-t-il la poitrine ? Proverbes 4.23
déclare : « Garde ton cœur plus que toute autre chose, car de lui viennent
les sources de la vie. » Notre véritable nature se définit par ce qui se trouve
en dedans, l’être intérieur – le siège de nos pensées, de nos désirs et de nos
affections. L’Écriture englobe tout cela dans le terme « cœur ». Jésus lui-
même déclara : « Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que
sortent les mauvaises pensées, les adultères, les débauches, les meurtres, les
vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard
envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent
du dedans, et souillent l’homme » (Mc 7.21-23). Le Seigneur ne parlait
évidemment pas de l’organe physique dans la cage thoracique. Il utilise un
langage figuré. Se frapper la poitrine est un geste qui exprime le remords de
l’individu pour tout le mal qu’il a conservé dans son cœur. Il avait compris
en somme que « le cœur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant » (Jé
17.9). Se frapper la poitrine était en quelque sorte reconnaître cette vérité de
façon imagée.
Leurs prières
Jésus fait une remarque intéressante concernant la prière du pharisien :
il « priait […] en lui-même » (Lu 18.11). Ces paroles peuvent revêtir deux
sens. L’homme pouvait prier de manière inaudible (comme Anne dans 1 Sa
1.13). Toutefois, nous sommes devant un pharisien, et prier en silence dans
un lieu public n’est certainement pas son style. De plus, le choix des mots
par Jésus, et tout le contexte de Luc 18 semblent indiquer que le pharisien
prie à voix haute, très satisfait de lui-même, car il prend plaisir à s’entendre
faire étalage de ses mérites en public. Il se parle à lui-même, il flatte son
propre ego, plus qu’il ne s’adresse à Dieu. D’ailleurs en l’espace de deux
versets (v. 11,12), il utilise cinq fois le pronom personnel à la première
personne du singulier. Tout en remerciant Dieu de ce qu’il est meilleur que
les autres, le pharisien ne lui rend pas gloire. Il ne demande rien à Dieu : ni
miséricorde, ni grâce, ni pardon, ni secours. Il semble se référer à Dieu
parce que c’est ainsi que toute prière est censée débuter : « Ô Dieu, je te
rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes… »
La seule confession non équivoque adressée à Dieu est cette déclaration
de son propre mérite, appuyée sur l’énumération des péchés des autres. Il la
fait suivre d’un catalogue verbal de ses propres bonnes œuvres.
Rappelezvous, l’homme se tient à un endroit bien en vue. Il prie
certainement de façon audible, sans doute aussi fort que possible sans crier.
Et pour que tous ceux qui sont à portée de voix captent bien le message,
le pharisien se fait aussi précis que possible. Comme le font invariablement
toutes les personnes qui se justifient elles-mêmes, il se compare au pire des
pécheurs. Il mentionne les voleurs, les tricheurs, les débauchés : «
ravisseurs, injustes, adultères » (v. 11). Les collecteurs d’impôts étaient
étroitement associés à ces catégories de péchés.
Tandis qu’il énumère cette liste de fautes morales notoires, son regard
tombe sur le collecteur d’impôts. Il désigne alors cet homme comme
l’incarnation vivante de tout ce que lui, le pharisien, est fier de ne pas être.
Voilà ce qu’est cette détestable propre justice. Le pharisien adresse sa
prière à lui-même, soucieux de faire étalage aux yeux des gens, et oubliant
complètement Dieu. Il ne demande rien à Dieu. D’ailleurs, pourquoi le
ferait-il ? Il ne voit pas ce qui pourrait lui manquer. Il veut tout simplement
que les gens se rendent compte à quel point il est différent de ce am
ha’aretz.
Le pharisien n’est cependant pas au bout de sa prière. Il énumère ses
qualités positives : « Je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de
tous mes revenus » (v. 12). Il fait sans doute partie de ceux qui comptaient
les semences pour être sûr qu’il avait bien donné la dixième partie. Quant
au jeûne, l’Ancien Testament n’exigeait qu’un jeûne annuel, en préparation
pour le jour de la grande expiation (Lé 16.29-31). En revanche, les
pharisiens jeûnaient tous les lundis et les jeudis. Ils croyaient ainsi acquérir
un surplus de mérites en bonifiant la loi de Dieu par une série de règles
fabriquées, de rites et de rituels religieux. De nombreuses fausses religions
agissent de même, estimant qu’elles peuvent faire davantage que ce que
Dieu lui-même exige et obtenir ainsi un crédit supplémentaire. Les
catholiques romains parlent alors d’« œuvres surérogatoires ».
En réalité, la seule chose que le pharisien a en grande abondance est un
surplus d’estime de soi. Il a visiblement de lui-même une idée supérieure à
celle qu’il aurait dû avoir. C’est sur ce point que le contraste entre lui-même
et le collecteur d’impôts est le plus évident.
La prière du collecteur d’impôts est brève et touchante. C’est une
sincère et urgente supplication à Dieu pour qu’il fasse miséricorde. Ce n’est
pas une exhibition de zèle religieux artificiel pour impressionner les
passants. Les mots et la posture témoignent de la honte profonde de
l’homme. Ce sont des paroles de repentance authentique : « Ô Dieu, sois
apaisé envers moi, qui suis un pécheur ! » (Lu 18.13.) Le texte grec original
se sert de l’article défini : « Moi, le pécheur ! » L’expression rappelle les
paroles de Paul dans 1 Timothée 1.15 : « Jésus-Christ est venu dans le
monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier. » Cet homme se
concentre sur sa propre culpabilité, pas sur celle d’autrui. Et il confesse son
besoin de grâce – ce qui ne vient pas à l’esprit du pharisien.
Les ressemblances
La principale différence
Un bref épilogue
Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne le sait, ni les anges dans le ciel, ni le Fils,
mais le Père seul. Prenez garde, veillez et priez ; car vous ne savez quand ce temps viendra. Il
en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison, remet l’autorité à
ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au portier de veiller. Veillez donc, car
vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au
chant du coq, ou le matin ; craignez qu’il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine.
Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez.
— MARC 13.32-37
L’Évangile selon Matthieu est soigneusement structuré, si bien que son récit
détaillé du ministère public de Jésus est encadré entre deux des plus longs
discours du Seigneur : le sermon sur la montagne et le sermon du mont des
Oliviers.
Matthieu 5 ouvre le ministère didactique de Jésus par le sermon sur la
montagne*. Ce sermon qui couvre trois chapitres est le plus long
compterendu ininterrompu des paroles de Jésus de toute l’Écriture. Il ne
marque cependant en aucun cas le premier événement du ministère terrestre
de Jésus. Les meilleures chronologies le situent environ un an et demi après
le baptême de Jésus (c’est-à-dire vers le milieu de son ministère public de
trois ans). Toutefois, Matthieu s’en sert comme point de départ du ministère
de Jésus parce qu’il résume admirablement le contenu de son enseignement
et nous aide à voir le reste de ses paroles sous un meilleur éclairage.
Matthieu dispose ensuite les différents événements de la vie et du
ministère de Jésus de façon assez thématique. Il ponctue les leçons clés par
des discours majeurs, cinq en tout. Un grand mandat est donné par Jésus et
prépare l’envoi des douze au chapitre 10 ; une série détaillée de paraboles
sur le royaume se trouve au chapitre 13 ; une longue leçon sur la foi
enfantine occupe le chapitre 18.
Finalement, vers la fin de son Évangile, juste avant de décrire
l’arrestation et la crucifixion de Jésus, Matthieu conclut son récit du
ministère didactique de Jésus par le discours sur le mont des Oliviers
(Matthieu 24 et 25). Jésus, assis sur le mont des Oliviers (Mt 24.3), parle en
privé à ses disciples les plus proches de sa seconde venue –répondant à leur
question concernant « le signe de [son] avènement et de la fin du monde »
(v. 3).
Comme nous l’avons signalé dans l’Introduction de ce livre, le récit que
Matthieu fait du sermon sur la montagne ne contient qu’une très brève
parabole en conclusion du discours (7.24-27). Cette parabole, qui met en
scène un bâtisseur sage et un bâtisseur insensé, illustre la stupidité de celui
qui écoute les paroles de Jésus sans croire.
À l’opposé, le discours du mont des Oliviers est riche de plusieurs
paraboles dont certaines sont brèves et d’autres plus élaborées. Citons la
parabole du cadavre et des vautours (24.28), du figuier (v. 32-34), du maître
de maison (v. 43,44), du serviteur fidèle et du méchant serviteur (v. 45-51),
des vierges sages et des vierges folles (25.1-13), des talents (v. 14-30), des
brebis et des boucs (v. 32,33).
Dans ce chapitre, nous examinerons trois des paraboles les plus longues
de cette série : le serviteur fidèle et le serviteur méchant, les vierges sages et
les vierges folles, et les talents. Ces trois histoires font le lien entre Matthieu
24 et 25. Elles sont volontairement racontées les unes à la suite des autres et
pointent toutes vers une seule et même leçon : l’importance de la fidélité à
la lumière du retour de Jésus.
Le discours du mont des Oliviers est l’un des passages les plus
maltraités de toute l’Écriture. Certains interprètes annulent pratiquement la
portée de tout le discours en prétendant que toutes les paroles prophétiques
de cette section se sont accomplies en 70 de notre ère, lorsque les armées
romaines ont saccagé la ville de Jérusalem et détruit le temple juif. (On
qualifie cette interprétation de prétérisme.) À l’extrême opposé, il y a ceux
qui estiment que les journaux de notre temps sont la clé de la
compréhension du discours du mont des Oliviers. Ils fouillent dans les
actualités pour trouver les « guerres et les bruits de guerres » (Mt 24.6) ; les
« famines et les tremblements de terre en divers lieux » (v. 7) ; les signes et
les prodiges dans le ciel (v. 29) – ou d’autres échos de ce passage. Ils ne
manquent évidemment jamais de découvrir des nouvelles fraîches qui
semblent confirmer ce passage. D’autres encore semblent voir dans le
discours un immense puzzle contenant un code donnant une réponse voilée
à la question des disciples : « Quand cela arrivera-t-il ? » (v. 3.) Presque
chaque décennie a vu l’apparition de quelque faux prophète qui a
minutieusement décrit le moment précis du retour du Seigneur.
Pourtant, Jésus souligne avec force l’impossibilité de cette connaissance
: « Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des
cieux, ni le Fils, mais le Père seul » (v. 36). D’ailleurs, Jésus répète ce fait
dans le discours du mont des Oliviers : « Vous ne savez pas quel jour votre
Seigneur viendra » (v. 42) ; « Le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous
n’y penserez pas » (v. 44) ; « Le maître de ce serviteur viendra au jour où il
ne s’y attend pas » (v. 50) ; « Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour
ni l’heure » (25.13). Les trois paraboles que nous allons étudier insistent
toutes sur l’impossibilité de connaître le jour et l’heure de son retour.
En d’autres termes, Jésus laisse intentionnellement sans réponse la
question des disciples concernant la chronologie des événements relatifs à
sa venue. Il ne laisse aucune place à la spéculation et au sensationnalisme.
De plus, en révélant les malheurs extrêmes des derniers jours, il avertit
ses disciples : « Gardez-vous d’être troublés » (Mt 24.6).
Jésus ne nous fournit visiblement pas d’indices précis quant au moment
de son retour ; il ne cherche pas nous plus à nous effaroucher par les temps
terribles de tribulation qui précéderont sa venue. Quel est alors le but
principal de ce discours ? La réponse est simple et évidente : il s’agit d’une
exhortation détaillée de Christ à ses disciples pour les inciter à demeurer
fidèles jusqu’à son retour. Au lieu de leur répondre à propos du moment de
son retour, il leur raconte trois paraboles qui envisagent toutes les
possibilités.
Mais, si c’est un méchant serviteur, qui dise en lui-même : Mon maître tarde à venir, s’il se
met à battre ses compagnons, s’il mange et boit avec les ivrognes, le maître de ce serviteur
viendra le jour où il ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il le mettra en pièces, et
lui donnera sa part avec les hypocrites : c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de
dents (Mt 24.45-51).
Une fête nuptiale qui débute à minuit par l’arrivée tardive du marié
semblerait étrange et vraiment désastreuse dans la plupart des cultures du
xxie siècle. Mais le scénario que Jésus décrit n’aurait pas paru tellement
bizarre ou farfelu aux disciples.
Le processus des fiançailles et du mariage dans le judaïsme du premier
siècle comportait trois phases. La première était la promesse de mariage,
habituellement formalisée par contrat. Cet arrangement était conclu par les
parents des deux côtés et scellé par le paiement d’une dot que le père du
futur marié accordait au père de la future mariée. Les fiançailles
constituaient la deuxième phase. Elle commençait par l’échange public des
promesses et des cadeaux. Un couple de fiancés était alors légalement tenu
de se marier ; l’union ne pouvait être rompue que par un divorce (voir Mt
1.19). Mais le mariage n’était pleinement consommé qu’après la troisième
phase, le repas de noces qui pouvait avoir lieu parfois un an après les
fiançailles. Il marquait la fin de la période des fiançailles, par une grande
célébration qui pouvait s’échelonner sur plusieurs jours. C’est seulement
après le banquet, que le mari et sa femme vivaient ensemble.
La parabole décrit le premier jour du banquet. L’arrivée du marié
sonnait le début des festivités ; les demoiselles d’honneur, munies de
lampes à huile ou de torches, sortaient à sa rencontre et l’escortaient à
travers les rues de la ville ou du village jusqu’à sa destination. Il était
courant dans cette culture que la fête commence la nuit. (Elle était
programmée après le coucher du soleil pour les gens qui devaient voyager
jusqu’au lieu des festivités.)
Mais dans notre cas, le marié arrive tard – très tard. Nous ignorons les
raisons de cette arrivée tardive, mais c’était sûrement quelque chose
d’important et d’inévitable. Ce n’est certainement pas parce que le marié se
désintéresse de la cérémonie ou qu’il se tient à distance de sa femme, car à
son arrivée en pleine nuit, il ne veut pas attendre une minute de plus pour
donner le coup d’envoi de la cérémonie. Les invités étaient restés malgré le
retard. Tout est fin prêt, sauf les cinq vierges folles qui sont sorties pour
acheter de l’huile.
Leur absence contrarie le marié. La négligence des vierges folles qui
n’avaient pas prévu assez d’huile est inexcusable. Leur seul devoir était de
veiller à ce que leurs lampes restent allumées. Leur irresponsabilité était
semblable à la négligence de l’homme de Matthieu 22.11-14 qui s’était
présenté à un mariage royal sans avoir revêtu la tenue adéquate pour cette
occasion, voire même pire. C’était une offense très grave faite au marié.
Dès que le bruit se répand que le marié arrive, les filles stupides sortent
de leur torpeur et quittent pour aller acheter de l’huile (chose certainement
difficile à cette heure de la nuit !). « Pendant qu’elles allaient en acheter,
l’époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des
noces, et la porte fut fermée » (Mt 25.10). Elles ratent son arrivée et sont
exclues du repas de noces. Elles auraient dû se préparer à un éventuel retard
du marié.
Finalement, elles reviennent et supplient qu’on les laisse prendre part au
festin, mais le marié reste inflexible. Elles ont négligé leur seul devoir de
demoiselles d’honneur ; et maintenant, elles sont des trouble-fête. La
réplique du marié fait frissonner : « Je vous le dis en vérité, je ne vous
connais pas » (v. 12). C’est un sinistre écho de ce que Jésus dira aux
hypocrites lors du jugement dernier : « Je ne vous ai jamais connus, retirez-
vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt 7.23). La réponse du
marié rappelle également les paroles de Jésus dans Luc 13.24-28 :
Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer,
et ne le pourront pas. Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, et que
vous, étant dehors, vous commencerez à frapper à la porte, en disant : Seigneur, Seigneur,
ouvre-nous ! il vous répondra : Je ne sais d’où vous êtes. Alors vous vous mettrez à dire :
Nous avons mangé et bu devant toi, et tu as enseigné dans nos rues. Et il répondra : Je vous le
dis, je ne sais d’où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité. C’est là
qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et
Jacob, et tous les prophètes, dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors.
Celui qui avait reçu les cinq talents s’approcha, en apportant cinq autres talents, et il dit : Seigneur, tu
m’as remis cinq talents ; voici, j’en ai gagné cinq autres. Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle
serviteur ; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.
Celui qui avait reçu les deux talents s’approcha aussi, et il dit : Seigneur, tu m’as remis deux talents ;
voici, j’en ai gagné deux autres. Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle
en peu de chose, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.
Celui qui n’avait reçu qu’un talent s’approcha ensuite, et il dit : Seigneur, je savais que tu es un
homme dur, qui moissonnes où tu n’as pas semé, et qui amasses où tu n’as pas vanné ; j’ai eu peur, et
je suis allé cacher ton talent dans la terre ; voici, prends ce qui est à toi.
Son maître lui répondit : Serviteur méchant et paresseux, tu savais que je moissonne où je n’ai pas
semé, et que j’amasse où je n’ai pas vanné ; il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à
mon retour, j’aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt. Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui
qui a les dix talents.
Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce
qu’il a. Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des
grincements de dents (Mt 25.14-30).
Il ne faut pas confondre cette parabole avec celle des mines dans Luc
19.11-27. Le fond de ces deux histoires et les leçons qu’elles enseignent
sont très semblables, mais les détails et le contexte sont sensiblement
différents. Chacune corrige l’attente des disciples qui « [croyaient] qu’à
l’instant le royaume de Dieu allait paraître » (Lu 19.11).
Chaque fois qu’elle aborde le sujet du retour du Seigneur, l’Écriture
encourage la vigilance et l’expectative. La parabole rappelle utilement que
tout en attendant le Seigneur, nous devons nous y préparer en travaillant
fidèlement pour le Maître. Les deux paraboles précédentes enseignaient que
l’attente doit être modérée par la patience. La troisième délivre la leçon
suivante : qu’il vienne tôt ou tard, le Seigneur doit nous trouver affairés
pour lui. Elle complète la nécessaire trilogie équilibrée : veiller, attendre,
travailler.
C’est l’histoire d’un homme riche qui entreprend un long voyage. Il
représente manifestement Christ. Il désigne des serviteurs pour s’occuper de
ses affaires et s’attend à ce qu’ils gèrent fidèlement ses ressources. Ils
reçoivent les pouvoirs de mandataires pour administrer les parts de biens
qu’il remet à leurs soins.
Le maître confie à ces trois serviteurs une immense responsabilité. Le
premier reçoit « cinq talents » (Mt 25.15), les deux autres respectivement
deux talents et un talent. Le talent n’est pas une unité monétaire, mais une
unité de poids, assez conséquente**. Le grand chandelier du tabernacle et
tous ses ustensiles pesaient un talent (Ex 25.39). Le talent grec pesait plus
de trente-quatre kilos, le talent romain près de quarante kilos et le talent
babylonien un peu moins. Il s’agissait de talents d’or ou d’argent, ce qui
signifie que les sommes confiées aux serviteurs représentaient beaucoup.
Chaque talent constituait une fortune.
Chacun des hommes reçoit une responsabilité en accord avec sa nature
et ses capacités. Le premier serviteur est visiblement le plus adroit et le plus
fiable des trois, si bien que le maître lui confie la plus grande part, et le
jugement qu’il porte sur lui se révèle juste.
Deux des trois hommes se mettent fidèlement au travail et s’empressent
de remplir leur mission : « Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s’en
alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. De même, celui qui avait
reçu les deux talents en gagna deux autres » (v. 16,17). L’accent porte sur
l’ardeur avec laquelle les deux serviteurs fidèles s’acquittent de la
responsabilité qui leur a été confiée. Ne sachant pas de combien de temps
ils disposent, ils s’attellent immédiatement à la tâche, en faisant du
commerce et en investissant. Les deux doublent ainsi la valeur des
ressources à gérer.
Le troisième serviteur, lui, ne fait rien d’autre qu’enfouir l’argent de son
maître dans la terre (v. 18). Il profite de l’absence du patron pour faire ce
qui lui plait. Peut-être se donne-t-il bonne conscience en se disant qu’au
moins il évite tout risque financier. Peut-être imagine-t-il même un scénario
de crise financière ; il passera alors pour un héros pour avoir préservé
l’argent de son maître, alors que tout le monde aura perdu de l’argent. Mais
en réalité, il esquive son devoir. À cause de son manque d’initiatives
responsables, les ressources qui lui sont confiées sont condamnées à ne pas
prendre de valeur.
Le maître est parti pour un long « voyage » (v. 14), sans doute dans un
pays lointain. À cette époque, il était impossible de prévoir de façon précise
la durée d’un déplacement au loin. Les serviteurs ne savent donc pas
exactement quand leur maître sera de retour. Il semble même que sa tournée
ait pris plus de temps que prévu. Le retard a sans doute favorisé et
encouragé la paresse du serviteur infidèle. Il n’était visiblement pas prêt à
rendre compte de sa gestion au retour du maître.
Mais le jour du règlement des comptes arrive. « Longtemps après, le
maître de ces serviteurs revint » (Mt 25.19). Les serviteurs fidèles reçoivent
les mêmes éloges et les mêmes récompenses. Le maître adresse aux deux
exactement les mêmes paroles : « C’est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as
été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de
ton maître » (v. 21,24). Ils sont félicités pour leur fidélité, et non
proportionnellement au profit qu’ils ont réalisé. C’est ainsi que l’Écriture
présente le jugement devant le tribunal de Christ : « Chacun recevra sa
propre récompense selon son propre travail » (1 Co 3.8, italiques pour
souligner).
La réponse du maître le présente comme un homme plein de grâce et
généreux. Il récompense ses serviteurs fidèles en leur conférant une autorité
accrue, de plus grandes occasions de service et une place de bonheur et de
faveur. Leur récompense décrit les cieux. Il ne s’agit pas d’un lieu d’ennui
éternel et d’inactivité insupportable ; il est rempli d’exaltation et d’honneur,
d’occasions de service infinies, et de la joie suprême entre toutes – la
communion ininterrompue avec Christ lui-même. Les promesses et les
paraboles de Jésus regorgent de descriptions semblables à propos du ciel
(voir Lu 12.35-37,44 ; 19.17-19 ; 22.29,30 ; Jn 12.26).
Notez comment le serviteur infidèle tente de détourner le jugement qu’il
mérite : il prétend avoir été paralysé par la peur devant le caractère du
maître et sa réputation d’homme impitoyable, sévère et injuste, qui tire
profit du travail des autres (Mt 25.24,25). C’est un exemple classique où
une personne fait retomber la faute sur une autre et calomnie honteusement
la bonté du maître. Mais rien n’est vrai. Et même si les accusations avaient
été fondées, elles ne justifiaient en aucun cas l’inactivité du serviteur.
Comme le maître le fait d’ailleurs remarquer, si ce serviteur fainéant croyait
vraiment que le maître était tellement sévère et exigeant, la pire chose à
faire était d’enfouir son talent dans la terre où il était certain de ne porter
aucun intérêt. Manifestement, l’excuse d’avoir été paralysé par la peur est
un mensonge. La vraie cause est la paresse coupable du serviteur infidèle (v.
26,27). Cet homme est vraiment dépourvu de crainte et de respect pour son
maître.
La sanction qui frappe ce serviteur inutile rappelle ce que le serviteur
dissolu de Matthieu 24.51 a reçu. Jésus se sert une fois de plus du langage
qui évoque l’image de l’enfer : « Et le serviteur inutile, jetez-le dans les
ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents »
(Mt 25.30).
Il est donc manifeste que le serviteur inutile est le type de l’incroyant. Il
appartient à la même catégorie que le méchant serviteur et les demoiselles
d’honneur insensées des deux paraboles précédentes. Il représente
cependant une autre image de l’individu mondain insouciant et arrogant
dans son indifférence, désobéissant à son maître, entêté dans sa conduite et
infidèle à ses devoirs moraux. À partir du retour du maître, l’histoire de ce
serviteur suit le même schéma que celui des deux précédents. L’homme est
pris à l’improviste, son infidélité démasquée ; il ne peut pas nier ni
expliquer sa culpabilité. Son châtiment fait frissonner.
Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.
— MATTHIEU 10.16
L’argent est un thème courant dans les paraboles de Jésus. Environ un tiers
des paraboles que Jésus a racontées ont quelque chose à voir avec les
richesses terrestres, les trésors, les pièces de monnaie, ou l’argent en
général. Les faux prophètes et les prédicateurs de l’évangile de la prospérité
s’appuient souvent sur ce fait. Ils s’en servent pour justifier leur propre
obsession de tous les signes de biens temporels. À les entendre, on pourrait
avoir l’impression que Jésus aimait l’argent, ou que la principale (ou seule)
façon dont Dieu bénit les gens fidèles est de les enrichir.
Or, la grande leçon que délivre Jésus (et le thème récurrent de son
enseignement), c’est justement le contraire : « Qu’il est difficile à ceux qui
se confient dans les richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » (Mc
10.24) ; « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6.24) ; « Cherchez
premièrement le royaume et la justice de Dieu » (v. 33). En aucun cas, Jésus
a dit ou fait quoi que ce soit qui put encourager les disciples à orienter leurs
cœurs et leurs espoirs sur la prospérité matérielle ou les possessions
terrestres. D’ailleurs, toutes les paraboles où il est question d’argent
contredisent cette idée.
Ainsi, le riche et Lazare de même que l’histoire du riche insensé dans
Luc 12.16-21 montrent que les richesses peuvent constituer un obstacle à
l’entrée dans le royaume des cieux (Mt 19.23,24). Pensons encore à la
parabole des talents, à celle des mines (Lu 19.12-27) et à celle des méchants
vignerons (Lu 20.9-16). Toutes ces histoires rappellent que nous ne sommes
que les gérants des ressources terrestres que le Seigneur confie à nos soins ;
nous devons donc être sages dans la manière dont nous utilisons les atouts
et les opportunités que le Seigneur met à notre disposition. Le trésor caché
et la perle de grand prix (Mt 13.44-46) ne sont pas là pour nous encourager
à accumuler des richesses terrestres. Au contraire, ils servent à illustrer la
valeur infinie du royaume céleste.
L’Écriture condamne avec force l’amour de l’argent. « Car l’amour de
l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns, en étant possédés,
se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des
tourments. Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice,
la piété, la foi, l’amour, la patience, la douceur » (1 Ti 6.10,11).
Jésus résume son enseignement sur ce sujet par une exhortation claire
dans le sermon sur la montagne : « Ne vous amassez pas des trésors sur la
terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et
dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la
rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car
là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6.19-21).
Dans Luc 16, le Seigneur raconte une parabole qui reprend et illustre
cette exhortation d’une manière particulièrement inhabituelle. C’est
l’histoire d’un serviteur infidèle, menteur et tricheur, qui est dénoncé et qui
apprend qu’il sera licencié. Il se sert alors habilement des richesses de son
maître pour se faire des amis qui contribueront à atténuer sa disgrâce :
Un homme riche avait un économe, qui lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. Il l’appela,
et lui dit : Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton administration, car tu ne
pourras plus administrer mes biens.
L’économe dit en lui-même : Que ferai-je, puisque mon maître m’ôte l’administration de ses
biens ? Travailler à la terre ? Je ne le puis. Mendier ? J’en ai honte. Je sais ce que je ferai,
pour qu’il y ait des gens qui me reçoivent dans leurs maisons quand je serai destitué de mon
emploi.
Et, faisant venir chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier : Combien dois-tu à mon
maître ? Cent mesures d’huile, répondit-il. Et il lui dit : Prends ton billet, assieds-toi vite, et
écris cinquante. Il dit ensuite à un autre : Et toi, combien dois-tu ? Cent mesures de blé,
répondit-il. Et il lui dit : Prends ton billet, et écris quatre-vingts. Le maître loua l’économe
infidèle de ce qu’il avait agi en homme avisé. Car les enfants de ce siècle sont plus avisés à
l’égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de lumière (Lu 16.1-8).
L’histoire
Le personnage principal de cette parabole est un homme que Jésus qualifie
d’« économe infidèle » (Lu 16.8). Il n’y a donc pas lieu de douter de sa
nature tordue. Ses actions révèlent qu’il est pervers, plein d’intrigues,
totalement sans scrupules et honteusement impudent dans sa pratique du
mal.
Mais il en est apparemment arrivé là au terme d’une progression de
compromis qui semblaient anodins au début. Sa chute a commencé parce
qu’il a géré les biens de son maître en les gaspillant – en dépensant trop ou
en utilisant l’argent de la société pour ses dépenses personnelles. Il s’était
peut-être dit qu’il était libre de dépenser sans compter parce que son maître
ne lui demanderait jamais de rendre compte de sa gestion. Mais un jour, une
accusation crédible parvient aux oreilles de son riche patron qui le licencie
et lui commande un audit complet.
L’économe sait désormais qu’il ne pourra jamais dissimuler ses
malversations. Sa mauvaise gestion apparaîtra au grand jour ; il sera
disgracié et discrédité. Et, comme il le reconnaît lui-même, il n’est pas fait
pour un travail de terrassier et il est trop fier pour mendier. Il décide donc
de tromper l’homme riche encore un peu plus. Il falsifie les comptes au
profit des gens qui doivent de l’argent à son maître. Il leur remet
gracieusement de fortes dettes. Ce faisant, il vole son maître pour se faire
des amis et acquérir des faveurs. Il s’assure ainsi qu’une fois congédié, il
sera reçu par des gens qui lui seront redevables.
Il est impossible de faire l’éloge de l’attitude manifestement peu
scrupuleuse de cet homme, ou d’adopter la langue de bois devant l’évidence
que Jésus se sert du comportement d’un chenapan pour enseigner une leçon.
Rappelons que pour Jésus, cet homme est un « économe infidèle ». Il
n’existe aucune circonstance atténuante ni de détails cachés qui pourraient
jeter un éclairage plus favorable sur les actions immorales et malhonnêtes
de cet homme. Si Jésus avait vraiment voulu ne pas être accusé de faire
l’éloge de l’habileté de cet homme pervers, il aurait conçu un autre
scénario. Et il n’est nul besoin d’imaginer un contexte qui ferait apparaître
le comportement de cet économe de façon moins odieuse. Après tout, c’est
une parabole, pas la vie réelle. Jésus a composé cette histoire. Les seules
données à prendre en considération sont celles que Jésus a indiquées. Si
nous sommes scandalisés par la fin surprenante de l’histoire, c’est que Jésus
le voulait. Son auditoire initial l’a également été.
Il avait pour principaux auditeurs les disciples (« Il dit aussi à ses
disciples… » [Lu 16.1, italiques pour souligner]). Cette parabole n’est pas
du même genre que celle du fils prodigue laquelle est un message
d’évangélisation invitant les pharisiens et les scribes à se repentir, à croire à
l’Évangile pour être admis dans le royaume céleste et entrer dans la joie du
Seigneur. La parabole de l’économe infidèle suit immédiatement celle du
fils prodigue dans l’Évangile selon Luc, mais elle s’adresse à des gens qui
sont déjà engagés à suivre Jésus – des hommes et des femmes qui aiment la
justice, se détournent du mal et mènent leur vie avec le souci de la gloire de
Christ. C’est une leçon sur le discipulat, elle est destinée aux croyants.
L’homme riche de la parabole est un magnat immensément fortuné, pas
un petit homme d’affaires. Il est tellement riche qu’il ne daigne même pas
s’intéresser aux opérations courantes et quotidiennes de ses affaires. Il
préfère payer un gérant, un comptable spécialisé pour administrer
l’entreprise en son nom. C’est manifestement une opération d’envergure à
en juger par les dettes que deux au moins de ses débiteurs lui doivent : «
Cent mesures d’huile » et « cent mesures de blé » (v. 6,7). Le riche vivait
probablement dans une demeure éloignée des bureaux de son affaire, car il
n’avait visiblement aucune idée réelle de ce que son économe trafiquait.
Il est non moins évident que l’économe est un administrateur compétent
et ingénieux, et un homme de grande finesse. (De son propre aveu, il n’était
pas un homme habitué au travail manuel.) Il jouissait très certainement de la
considération des gens. Il n’aurait pas atteint cette position s’il n’avait pas
gagné d’abord la confiance totale et inconditionnelle du maître fortuné. Les
deux hommes entretenaient probablement une longue relation de confiance
et d’affection mutuelles. (Les économes étaient souvent des serviteurs
fidèles nés et éduqués dans la maison du maître, et traités comme des
membres de la famille.) Quoi qu’il en soit, l’homme riche avait une telle
confiance dans la compétence et l’intégrité de l’économe qu’il lui avait
remis le contrôle absolu de ses affaires et de ses biens. L’administrateur
était habilité à agir de sa propre autorité sans une surveillance étroite et sans
interférence. Le maître de la maison ne se serait peut-être jamais rendu
compte des malversations de son économe si le fait ne lui avait pas été
rapporté.
Ce fut donc certainement une bien mauvaise nouvelle quand son
économe fut « dénoncé comme dissipant ses biens » (v. 1). À en juger par la
réaction de l’homme riche et par les actions subséquentes de son employé,
l’information comportait une grande part de vérité. Cet économe avait trahi
la confiance que son maître avait autrefois placée en lui. Le fait était
indéniable.
La réaction de l’homme riche est immédiate. Il convoque son employé
et lui dit : « Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton
administration, car tu ne pourras plus administrer mes biens » (v. 2). Cette
parole suggère à nouveau que le propriétaire vit à une certaine distance du
siège des affaires de sa société, car il n’intervient pas immédiatement pour
reprendre les rênes de son entreprise. Il demande un rapport complet à
l’économe et l’informe qu’au terme de son compte rendu, il sera démis de
ses fonctions. L’économe n’aura plus qu’à rassembler ses affaires et à
quitter l’établissement.
Pour l’homme riche, c’est une bien mauvaise décision. Si l’accusation
de malversation financière portée contre lui se révèle fondée, pourquoi lui
accorder un délai supplémentaire avec le risque de dégâts supplémentaires ?
Lorsque des signes clairs révèlent l’inconduite d’un employé, c’est une
bonne chose de le décharger immédiatement de toute responsabilité dans
l’entreprise. En effet, si un économe dilapide les biens de son maître quand
il est encore en fonction, et qu’il y a un prix à payer pour ses fautes
professionnelles, on ne peut évidemment plus lui faire confiance lorsque la
dernière motivation d’agir honnêtement est supprimée.
L’économe n’a évidemment aucun moyen de nier sa culpabilité ; c’est
pourquoi, tout en préparant son bilan final, il imagine un plan audacieux
pour s’assurer qu’une fois congédié, il ne se retrouvera pas dans la rue.
L’entreprise lui avait sans doute fourni le logement, car c’est l’un de ses
principaux soucis (v. 4). Une fois licencié, il n’aura littéralement plus de
revenus ni de domicile. Devant lui se dresse donc le spectre d’une tache
indélébile sur son certificat de travail. Sa situation semble donc sinistre.
Il exprime toutes ses craintes dans son monologue : « Travailler la terre
? Je ne le puis. Mendier ? J’en ai honte » (v. 3). C’est un col blanc. Non
seulement le travail de la terre est pénible, mais l’économe estime que c’est
indigne de lui. Et il ne tenait certainement pas à être réduit à la mendicité.
Eureka ! Il a une illumination. « Je sais ce que je ferai » (v. 4). Le verbe
grec egnon a le sens d’une idée lumineuse soudaine. Elle lui vient à l’esprit
alors qu’il dispose encore des moyens de gagner l’opinion favorable des
débiteurs de l’homme riche. À en juger d’après le montant de leurs dettes,
eux aussi étaient des hommes aux moyens financiers conséquents.
L’économe utilise le restant de son autorité déléguée pour réduire leurs
dettes et s’attirer leurs faveurs.
Voici son plan : dans cette économie agricole, les dettes étaient
normalement acquittées en nature au moment des moissons. L’huile dont il
est question au verset 6 est l’huile d’olive, une denrée de base dans toute
culture méditerranéenne. Le blé est lui aussi évidemment un aliment
essentiel. Il n’était pas rare alors (comme aujourd’hui) qu’un créditeur
renégocie les dettes sur ces marchandises – évitant ainsi les dépôts de bilan
en période de sécheresse, de maladies céréalières ou de difficultés
financières. Ainsi, lorsque de mauvaises conditions météorologiques ou des
invasions de sauterelles entraînaient de grands dégâts dans les champs, le
prix du blé ou de l’huile grimpait malgré tout. En temps de récolte maigre,
un boisseau de blé pouvait valoir cinq fois plus cher qu’en temps de récolte
abondante. Un créditeur pouvait donc estimer avantageux de réduire le
montant des dettes de ses clients plutôt que de les contraindre au dépôt de
bilan.
Mais dans le cas présent, il n’est pas question de fluctuation des prix ni
de récoltes réduites. C’est tout simplement l’économe infidèle qui cherche
un moyen de se tirer d’affaire. En conséquence, avant même que les
débiteurs apprennent son licenciement, il les convoque un par un et
renégocie le montant de leurs dettes en consentant des rabais allant de 20 à
50 pour cent. Ainsi, au moment de la moisson, à l’échéance de la dette, ils
devront moins que ce qui était fixé à l’origine. C’est évidemment une
grande faveur consentie aux débiteurs, et l’économe fait des débiteurs de
son maître ses propres débiteurs. Dans cette société, la réciprocité était
essentielle ; elle garantissait à l’économe déloyal qu’une fois licencié de son
poste, il serait favorablement reçu chez ses débiteurs.
Strictement parlant, l’homme détenait encore l’autorité légale de
consentir de tels rabais. Néanmoins, sous l’angle moral et éthique, ses
actions sont répréhensibles. Il était déjà licencié pour avoir dilapidé les
ressources de son maître. Ces rabais correspondent en fait à un
détournement de fonds. C’est une appropriation abusive des biens du
maître. L’économe infidèle ne pourra évidemment jamais cacher ce qu’il est
en train de faire. Or, cet homme n’a ni conscience ni scrupule. Il est sans
gêne et ne se soucie que d’une seule personne sur la planète : lui-même. S’il
ne peut gagner sa vie honnêtement, il le fera autrement.
Après tout, il n’a rien à perdre. S’il avait été un homme de principes ou
soucieux de son intégrité, il ne se serait déjà pas mis dans cette situation. Sa
réputation sera bientôt sérieusement et durablement ternie. Mais pendant
encore très peu de temps, il détient le pouvoir légal de marchander ces
rabais. Le maître ne dispose d’aucun moyen de le sanctionner davantage. À
quoi bon avoir des scrupules quand on est dans sa position ?
Les remises consenties sont importantes et coûteuses. Cent mesures
d’huile correspondent à environ 2100 litres. Le prix d’une telle quantité
d’huile aurait été d’environ mille deniers. Une remise de 50 pour cent
correspond donc au salaire d’un an et demi d’un ouvrier agricole. Cent
mesures de blé correspondent à environ 21 000 litres. Il fallait environ
quarante hectares pour produire cette quantité de céréales dont la valeur
totale équivalait au salaire d’un ouvrier agricole sur une période de huit à
dix années. Une remise de 20 pour cent signifiait une économie de deux
années de salaire. Et ces deux débiteurs ne sont que des exemples
représentatifs. Le verset 5 déclare en effet que l’économe fait « venir
chacun des débiteurs de son maître », et leur consent à chacun des remises
semblables. Une dizaine de rabais de cette nature, voire davantage,
représente un très important manque à gagner pour le maître, et une
économie considérable pour les clients, suffisante pour mettre l’économe à
l’abri de soucis financiers pour la vie.
Les débiteurs sont évidemment heureux de signer (« vite », comme le
leur demande l’économe au v. 6). Ils supposent certainement qu’il agit avec
le plein accord du maître.
En réalité, l’économe infidèle vient d’escroquer le maître d’une réelle
fortune.
L’horreur
C’est là que l’histoire prend une tournure surprenante. On aurait pu
s’attendre à ce que la parabole se termine comme celle de l’autre méchant
serviteur dans Matthieu 24.50,51 : « Le maître de ce serviteur viendra le
jour où il ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il le mettra en
pièces, et lui donnera sa part avec les hypocrites : c’est là qu’il y aura des
pleurs et des grincements de dents. »
Pas du tout ! « Le maître loua l’économe infidèle de ce qu’il avait agi en
homme avisé » (Lu 16.8).
Jusqu’à ce déroulement de l’histoire, il était facile de prendre le parti de
l’homme riche. Il semblait plutôt victime de la fourberie de l’économe
infidèle. Le fait qu’il admire le stratagème immoral de son employé suggère
toutefois que le riche propriétaire n’était probablement pas lui-même un
modèle d’intégrité.
Il importe de comprendre que, contrairement au maître dans Matthieu
24.45-51 ou au Seigneur dans Matthieu 25.14-30, l’homme riche dans cette
histoire n’est pas un type de Christ. Jésus situe délibérément ce récit dans le
domaine des affaires séculières où cette sorte de manœuvres coupables,
autoprotectrices et machiavéliques est non seulement courante, mais semble
souvent faire partie du jeu. Même dans notre monde actuel, de riches
hommes d’affaires ne tarissent pas d’éloges sur les tactiques habiles mais
sournoises de rivaux et de partenaires. Telle est la nature des affaires dans
un monde qui exclut Dieu.
Notons encore que le langage dans le texte est très particulier. Ce n’est
pas la bassesse de l’économe dont le maître fait l’éloge, d’autant plus qu’il
veut le sanctionner pour la gestion malhonnête de ses biens. Il n’approuve
certainement pas la déloyauté de son employé et n’a sans doute pas
d’estime pour sa malhonnêteté méprisable. Il n’applaudit pas ses manques à
l’honneur. Ce qu’il loue, c’est son ingéniosité à préparer son avenir. « Le
maître loua l’économe infidèle de ce qu’il avait agi en homme avisé » (Lu
16.8, italiques pour souligner).
Le grec traduit par « avisé » est phronimos, qui signifie « prudemment
», « astucieusement ». Le terme est chargé de l’idée de prudence,
d’intelligence vive, de circonspection. Bien que sournois, le plan de
l’économe est à la fois pervers et ingénieux. C’est l’extrême ingéniosité du
plan qui provoque l’admiration du maître. Le gérant a saisi instantanément
l’opportunité passagère qui s’est présentée. Il s’est servi des ressources qui
étaient temporairement en son pouvoir à des fins durablement avantageuses
pour lui. Il a utilisé les biens de son maître pour faire du bien considérable à
ses débiteurs. Il a gagné leur amitié grâce à sa générosité débordante. Et il
s’est acquis non l’amitié d’un seul d’entre eux, mais celle de tous. Il a ainsi
tiré le maximum de ses possibilités, puisqu’il avait l’occasion de gagner
l’amitié de nombreux hommes d’affaires influents, une amitié dont il aura
grandement besoin.
L’économe a fait preuve de prévoyance étonnante. Il n’a pas réfléchi à
la manière de camoufler ni d’excuser ses malversations passées. Il se
souciait avant tout de garantir son avenir.
L’explication
Jésus énonce alors clairement sa pensée : « car les enfants de ce siècle sont
plus avisés à l’égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de
lumière » (Lu 16.8). Les pécheurs ont tendance à être plus sages, plus
réfléchis et plus zélés pour garantir leur bien-être temporel que les saints
pour se constituer un trésor dans l’éternité. Telle est la remarque conclusive
de Jésus lui-même. L’expression « enfants de ce siècle » désigne ceux qui
n’ont ni part ni intérêt dans le royaume de Dieu. Ils n’ont rien à espérer
d’autre que les années restantes de leurs vies terrestres. Mais ils se soucient
davantage et plus intelligemment de leur retraite ici-bas que « les enfants de
lumière » qui ont un avenir éternel à préparer. C’est vrai. Les gens sans foi
consacrent plus d’énergie, d’adresse et de concentration afin de se garantir
plus de confort en vue de leurs dernières années de vie terrestre. S’ils
agissent ainsi, c’est surtout parce qu’ils ne s’attendent à rien d’autre.
L’expression « enfants de lumière » est une tournure néotestamentaire
fréquente pour désigner les vrais disciples de Christ – les rachetés (Jn 12.36
; Ép 5.8 ; 1 Th 5.5). Après tout, « nous sommes citoyens des cieux, d’où
nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Ph 3.20).
Il est donc normal que nous nous attachions « aux choses d’en haut, et non
à celles qui sont sur la terre » (Col 3.2). Mais comparés aux incroyants qui
se servent de toutes sortes de stratégies, manœuvres, manipulations et
entourloupes pour se garantir un avenir dans ce monde, les « enfants de
lumière » font preuve d’un manque évident de sagesse.
Pensons à l’absurdité de cette situation. Les gens qui préparent leur
retraite le font pour à peine trois décennies – généralement même moins. La
vie est courte, car « le monde passe, et sa convoitise aussi » (1 Jn 2.17). Or,
les « enfants de ce siècle » n’épargnent aucun effort pour tirer le maximum
d’avantages de leurs dernières années de vie. Jésus ne fait pas l’éloge de
leur mondanité ni de leur manque de scrupules. Il souligne leur
débrouillardise perspicace. Les « enfants de lumière » destinés à l’éternité
devraient donc être plus actifs, plus zélés, plus réfléchis et plus sages pour
racheter le temps, préparer l’avenir et amasser un trésor dans le ciel.
À partir de cette constatation, Jésus énonce trois exhortations
principales quant à l’attitude du croyant vis-à-vis des « richesses injustes »
(Mammon, le dieu argent). Il montre clairement à ses disciples de quelle
manière leur conception de l’argent doit façonner leurs pensées et leur
comportement à l’égard d’autrui, d’eux-mêmes, et de Dieu (dans cet ordre).
Voici quelques éléments fondamentaux de sagesse que Jésus déduit de sa
parabole de l’économe infidèle.
Leçon 1 : l’argent est une ressource qu’il faut utiliser pour le bien
d’autrui.
Aussitôt après avoir loué l’habileté des enfants de ce siècle pour leur
ingéniosité à assurer leur avenir, Jésus adresse ce conseil à ses disciples : «
Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour
qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à
vous manquer » (Lu 16.9). Utilisez votre argent pour vous faire des amis –
non des amis terrestres, mais des amis qui vous accueilleront dans votre
demeure éternelle. En d’autres termes, soyez généreux envers le peuple de
Dieu. Faites travailler votre argent au profit des autres. Secourez vraiment
les plus démunis parmi les enfants de Dieu, et vous aurez « un trésor dans le
ciel » (Mt 19.21). Rappelez-vous les paroles de Jésus dans Matthieu 25.35-
40 : « Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous
m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu,
et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez rendu visite ; j’étais en
prison, et vous êtes venus vers moi. […] Toutes les fois que vous avez fait
ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les
avez faites » (italiques pour souligner).
L’exhortation du Seigneur souligne également le devoir d’utiliser notre
argent pour le service de l’Évangile. Y aura-t-il des personnes au bord de la
gloire à votre arrivée, prêtes à vous étreindre parce que, grâce à votre
investissement financier dans l’annonce de l’Évangile et à l’extension du
royaume de Dieu, elles auront entendu la Parole de Dieu, y auront cru et
auront obtenu la vie éternelle en Christ ? Voilà l’image qu’évoque
l’exhortation de Jésus.
L’économe infidèle s’est montré prodigue avec l’argent de son maître,
mais d’une manière immorale. Cependant, bien qu’injustes, ses actions lui
ont gagné des amis et garanti son avenir. Jésus rappelle à ses disciples que
nous aussi sommes des gérants. Et contrairement à l’économe infidèle, nous
avons la permission explicite – et même l’ordre formel – d’être généreux
dans l’utilisation des ressources du Maître afin de nous faire des amis pour
l’éternité.
Le Seigneur raisonne du moins au plus. C’était une forme typique
d’enseignement rabbinique. Voici la logique : si un dépravé de ce monde,
fourbe et malhonnête, est assez habile pour utiliser son habileté dans le but
de se faire des amis pour un avenir bref et temporaire, à combien plus forte
raison devrions-nous exploiter les ressources de notre Maître afin de nous
faire des amis pour l’éternité ! C’est une façon de comprendre l’exhortation
que Jésus nous adresse d’être « prudents comme les serpents, et simples
comme les colombes » (Mt 10.16).
Mammon est un terme araméen qui désigne « les richesses ». Jésus
qualifie l’argent de « [Mammon] de l’injustice » (Lu 16.9, NBS) parce que
les richesses terrestres appartiennent à ce monde déchu et éphémère. Toutes
les richesses terrestres seront un jour consumées par le feu. « La richesse ne
dure pas toujours » (Pr 27.24) ; « La figure de ce monde passe » (1 Co 7.31)
; « La fin de toutes choses est proche » (1 Pi 4.7) ; « Les cieux passeront
avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les
œuvres qu’elle renferme sera consumée » (2 Pi 3.10).
C’est à ce moment que Luc 16.9 fait référence : « Faites-vous des amis
avec les richesses injustes, pour qu’ils [les amis] vous reçoivent dans les
tabernacles éternels, quand elles [les richesses injustes] viendront à vous
manquer ». La leçon est évidente : chaque croyant a pour devoir d’investir
la valeur temporelle du Mammon injuste dans une entreprise qui rapportera
une valeur éternelle beaucoup plus importante. Faisons-le en plaçant notre
argent au service du peuple de Dieu et notamment pour la proclamation de
la vérité de l’Évangile. Les relations établies par de tels investissements
enrichiront le ciel pour l’éternité. Rien d’autre que nous pourrions faire
avec notre argent ne durera éternellement.
Jésus veut que ses disciples raisonnent en ces termes. L’accumulation
perpétuelle de richesses personnelles est coupable et en pure perte ; elle
nous prive des bénédictions éternelles. Donnez au Seigneur et « il vous sera
donné, on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui
déborde ; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis
» (Lu 6.38). Cette promesse aura son plein accomplissement dans le trésor
céleste (Mt 6.19,20). Et « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (v.
21).
Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la ; mieux vaut pour toi entrer manchot
dans la vie, que d’avoir les deux mains et d’aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint
point. Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le ; mieux vaut pour toi entrer
boiteux dans la vie, que d’avoir les deux pieds et d’être jeté dans la géhenne, dans le feu qui
ne s’éteint point. Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le ; mieux vaut
pour toi entrer dans le royaume de Dieu n’ayant qu’un œil, que d’avoir deux yeux et d’être
jeté dans la géhenne,
— MARC 9.43-48
De tous les personnages de la Bible, aucun n’avait plus à dire sur l’enfer
que le Sauveur des pécheurs, le Seigneur Jésus-Christ. C’est dans les quatre
Évangiles qu’on trouve les descriptions bibliques les plus détaillées de
l’enfer, et elles émanent de Jésus. D’autres auteurs du Nouveau Testament
font des allusions à la réalité de l’enfer, mais l’essentiel de ce que nous en
connaissons provient principalement des discours publics de Jésus (ainsi
que des références occasionnelles, tirées de l’enseignement privé qu’il a
donné aux douze). Le Seigneur avait davantage à révéler au sujet de l’enfer
que l’individu moyen pourrait le penser – et une grande partie de son
enseignement est profondément choquante.
Il a indiqué, par exemple, que l’enfer sera rempli de gens religieux.
D’après l’Écriture, des multitudes de gens apparemment pieux et
philanthropes (y compris des soi-disant faiseurs de miracles) seront tout
surpris, au jour du jugement, d’être condamnés à l’enfer.
Jésus l’a clairement annoncé : « Ceux qui me disent : Seigneur,
Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement
celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me
diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé par
ton nom ? n’avons-nous pas chassé des démons par ton nom ? et n’avons-
nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? Alors je leur dirai
ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui
commettez l’iniquité » (Mt 7.21-23, italiques pour souligner). Parmi ceux
qui seront repoussés, il n’y aura pas que des gens pris au piège des sectes et
des fausses religions, mais également des gens ayant une confession de foi
orthodoxe qui ne croient pas vraiment ce qu’ils professent de leurs lèvres.
De telles personnes masquent leur incrédulité et leurs péchés secrets sous
un vernis de religiosité hypocrite.
Jésus a par ailleurs indiqué que l’essentiel de l’activité religieuse de ce
monde ne fait que paver la voie large qui conduit en enfer : « Car large est
la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a
beaucoup qui entrent par là » (v. 13). « Mais étroite est la porte, resserré le
chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent » (v. 14).
Il s’écria : Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son
doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement dans cette flamme.
Abraham répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que
Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres.
D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici
vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire.
Le riche dit : Je te prie donc, père Abraham, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père ;
car j’ai cinq frères. C’est pour qu’il leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi
dans ce lieu de tourments. Abraham répondit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les
écoutent. Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils se
repentiront. Et Abraham lui dit : S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se
laisseront pas persuader même si quelqu’un des morts ressuscitait (Lu 16.19-31).
À l’évidence, Jésus ne raconte pas cette histoire pour distraire qui que ce
soit. C’est une parole solennelle d’avertissement – justement le genre de
témoignage que le riche supplie Abraham de transmettre à ses cinq frères.
Si cette histoire vous écrase sous un sentiment d’effroi ou de consternation,
sachez que telle est bien l’intention de Jésus. La gravité du sujet abordé par
le Seigneur n’est dépassée que par l’urgence de la situation. C’est un
enseignement à l’emporte-pièce – à dessein. Jésus ne s’embarrasse pas de
nuance intellectuelle ou de finesse diplomatique. Ne pensez cependant pas
que ses mots ont dépassé sa pensée ou les limites de la bienséance. Ceux
que la vigueur de la parabole ou le caractère déplaisant du sujet
offusqueraient feraient bien de réfléchir à deux fois et de faire face
courageusement à la vérité révélée. On ne juge pas la vérité d’après le bien-
être qu’elle communique aux gens.
Certes, le thème de l’enfer a toujours déchaîné des passions négatives.
C’était déjà le cas du temps de Jésus. Par contre, aujourd’hui, ce sujet est
pratiquement devenu tabou – même dans des cercles jugés évangéliques. La
notion d’enfer embarrasse ceux qui voudraient accommoder le
christianisme au dogme moderne du salut universel et de l’esprit de
tolérance. C’est un obstacle pour ceux qui voudraient que le message
biblique résonne de façon réjouissante aux oreilles des gens qui ne
fréquentent pas les églises. Il irrite ceux qui voudraient d’une religion qui
communique une bonne image d’eux-mêmes à ceux qui l’écoutent. Et il
scandalise ceux qui ne se soucient pas de justice et ne craignent pas Dieu,
tout en désirant afficher une certaine piété.
Comme de telles idées sont largement répandues, d’innombrables
responsables ecclésiastiques contemporains estiment devoir minimiser (ou
même totalement ignorer) ce que la Bible dit de l’enfer. La plupart des
tracts populaires et des programmes d’évangélisation de ces derniers siècles
ont intentionnellement supprimé toute mention des horreurs de l’enfer. Leur
but, dit-on, est d’insister davantage sur l’amour de Dieu – comme pour le
disculper de ce que lui-même a déclaré dans sa Parole.
Ces dernières années, quelques auteurs populaires et responsables
d’églises pseudo-évangéliques sont allés encore plus loin. Ils sont partis en
guerre contre l’enfer et les doctrines qui s’y rattachent. Ils s’opposent à
toute insistance sur les vérités bibliques négatives comme le péché, l’enfer,
la colère de Dieu, la dépravation humaine, l’impossibilité des mérites
humains et le vrai coût de l’expiation. Certains ont même déclaré que des
thèmes négatifs comme ceux énumérés devraient être totalement éradiqués
du répertoire évangélique. Ils estiment que ces idées ont quelque chose de
malsain, de primitif – surtout dans une génération postmoderne illuminée
qui considère comme des vertus supérieures l’estime de soi, l’inclusivisme
et la pensée positive.
Et même certains responsables chrétiens et commentateurs bibliques,
par ailleurs fidèles, estiment que l’idée d’enfer semble cruelle et injuste*. Ils
se demandent comment un Dieu qui aime vraiment peut condamner des
personnes à un châtiment éternel.
Ce sont là des objections à courte vue et insoutenables. Les défendre
équivaut à élever la raison humaine (ou l’émotion à l’état brut) au-dessus de
Dieu lui-même. Or, par définition, Dieu n’est soumis à aucun jugement
autre que lui-même. (Il n’existe évidemment pas d’autorité supérieure à la
sienne.) Le Seigneur définit la justice d’après sa propre nature. Se demander
si Dieu a le droit de faire ce qu’il a promis aboutit à nier son existence
même.
La Parole de Dieu affirme souvent qu’il frappera les malfaiteurs d’un «
châtiment éternel » (Mt 25.46), « d’un feu éternel » (v. 41). La Bible décrit
systématiquement l’enfer comme un lieu « où leur ver ne meurt point, et où
le feu ne s’éteint point » (Mc 9.48 qui cite És 66.24). Apocalypse 14.10,11
déclare que quiconque aura reçu la marque de la bête pendant la grande
tribulation « boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange
dans la coupe de sa colère, et il sera tourmenté dans le feu et le soufre,
devant les saints anges et devant l’Agneau. Et la fumée de leur tourment
monte aux siècles des siècles ; et ils n’ont de repos ni jour ni nuit. »
L’Écriture décrit donc constamment l’enfer comme un lieu de tourments
sans fin : « Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie
éternelle » (Mt 25.46). Le mot grec traduit par « éternel » est aiōnios. Le
même mot est utilisé pour qualifier le châtiment éternel et la vie éternelle,
ce qui signifie que le châtiment éternel infligé au coupable dure aussi
longtemps que la vie éternelle réservée au racheté. Aiōnios est aussi
employé à propos de la gloire de Dieu dans 1 Pierre 5.10 (« appelés en
Jésus-Christ à sa gloire éternelle »). Il est encore appliqué à Dieu lui-même
dans Romains 16.26 (« d’après l’ordre du Dieu éternel »). La manière dont
la Bible utilise cet adjectif prouve suffisamment qu’il ne peut être redéfini
ou réinterprété pour s’accorder à l’idée d’une durée limitée de temps.
La parabole du riche et de Lazare correspond à la description la plus
parlante que la Bible fournit de ce que l’enfer inclut. C’est une histoire
terrifiante et profondément troublante. Et nous sommes censés être troublés
et attristés. Or, si nous confessons Jésus comme Seigneur, nous devons
croire ce qu’il a enseigné et tenir compte des nombreux avertissements
imagés concernant le châtiment éternel des incroyants.
Pour éviter toute confusion, je n’aime pas non plus la pensée de l’enfer.
Je n’ai aucun plaisir à en faire un thème de prédication ou le sujet d’un
écrit. Et n’imaginons surtout pas que Jésus éprouvait un plaisir malin et
pervers à décrire les horreurs de l’enfer. Aucune personne sensée ne peut se
délecter de la pensée de l’enfer. J’ai entendu un jour un conférencier parler
de l’enfer sur le ton de la plaisanterie, de manière frivole et impertinente. Il
est impensable d’aborder ce sujet avec une telle légèreté. Aucun de ceux qui
prennent Jésus au sérieux ne peut adopter une telle attitude désinvolte
devant le thème de l’enfer. Et nous devons encore moins penser à ce sujet
sans ressentir notre profonde responsabilité d’annoncer l’Évangile aux
perdus.
La culture séculière occidentale a pris la direction opposée en réduisant
le mot « enfer » à une interjection, et l’adjectif « infernal » à quelque chose
de désagréable. Le terme enfer se retrouve ainsi souvent sur les lèvres des
incroyants qui l’utilisent avec une extrême légèreté, alors que de nombreux
croyants qui connaissent la vérité enseignée par Jésus dans cette parabole et
qui y croient n’osent plus en parler.
Cela fait évidemment le jeu de Satan. Il ne devrait pas en être ainsi. La
parabole montre que même les gens en enfer aimeraient que leurs proches
soient avertis de l’effroi d’un enfer bien réel. Les chrétiens ne doivent donc
pas rester silencieux. Après tout, la leçon évidente qui se dégage de la
parabole (et le reste de l’enseignement de Jésus sur l’enfer) est de faire
entendre un avertissement clair sur le caractère terrifiant de l’enfer, sur ses
horreurs et sur la menace bien réelle sous laquelle vivent ceux qui
demeurent dans l’incrédulité et le péché non confessé. L’intention première
de Jésus est de faire naître chez les pécheurs une profonde frayeur de l’enfer
éternel – un effroi capable de les pousser vers la repentance et la foi dans
l’Évangile. La connaissance de cette crainte devrait également motiver les
croyants : « Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à
convaincre les hommes… » (2 Co 5.11).
Les personnages
Certains ont prétendu que l’histoire de Lazare et de l’homme riche n’est pas
du tout une parabole mais le récit d’un fait réel. Ils s’appuient sur le fait que
dans ses autres paraboles, les personnages de Jésus sont anonymes : « Un
homme » (Lu 13.6 ; 14.16 ; 15.11 ; 20.9) ; « un roi » (Mt 18.23 ; 22.2) ; «
un homme » (Mt 21.33) ; « un créancier » (Lu 7.41) ; « un sacrificateur »
(Lu 10.31), et ainsi de suite. Ici le mendiant a un nom : « un pauvre nommé
Lazare » (Lu 16.20, italiques pour souligner). Et Abraham, personnage de
l’Ancien Testament tient un rôle central.
Comme nous le verrons, des raisons importantes expliquent pourquoi le
personnage de Lazare est nommé. Il s’agit cependant bien d’une parabole et
non d’une histoire vraie qui se serait littéralement déroulée. N’interprétons
donc pas tous les détails de l’histoire d’une façon trop littérale. C’est ce que
commandent son contexte et son contenu.
En effet, nous savons par d’autres déclarations claires de l’Écriture que
les gens en enfer ne peuvent pas apercevoir le ciel ni reconnaître les gens
qui s’y trouvent, et encore moins entretenir des conversations avec eux.
L’enfer est maintes fois décrit comme « ténèbres du dehors » (Mt 8.12 ;
22.13 ; 25.30) – un lieu d’isolement total et séparé du ciel ; « l’obscurité des
ténèbres pour l’éternité » (2 Pi 2.17 ; Jud 13). L’apôtre Paul décrit l’enfer
comme « une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de
sa force » (2 Th 1.9). Et dans la parabole elle-même, Abraham déclare : «
D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui
voudraient passer d’ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire »
(Lu 16.26). Le terme grec traduit par « abîme » est chasma et désigne un
gouffre béant – une distance aux proportions cosmiques. La notion même
d’abîme gigantesque impossible à franchir exclut l’idée que de l’enfer on
pourrait littéralement apercevoir les sauvés dans le ciel et engager une
conversation avec eux.
Il est donc évident qu’il ne faut pas considérer ce récit comme une
histoire vraie. C’est une histoire inventée dans un but didactique évident,
comme c’est le cas de toutes les autres paraboles. Jésus n’indique ni le
moment, ni le lieu ni des détails précis (autres que le nom du mendiant).
L’histoire ne poursuit qu’un but : prévenir les auditeurs que l’enfer sera
rempli de gens qui ne comptaient jamais s’y trouver ! Et, comme nous le
verrons, Jésus a de bonnes raisons de donner le nom de Lazare à la
personne du mendiant.
Dans ce récit qui donne à réfléchir, Jésus illustre ce qu’est la vie en
enfer. La parabole montre à l’évidence que l’enfer correspond à une
existence d’agonie, de cruels regrets éternels, d’angoisse, de tourments
implacables et brûlants – le tout ressenti en pleine conscience et sans le
moindre espoir d’une fin possible. Aucune échappatoire et aucun répit.
Aucune goutte tombée d’un doigt trempé dans l’eau ne viendra jamais
soulager la souffrance ni atténuer la peine d’une âme éternellement
tourmentée en enfer. C’est un tableau de damnation horrifiant absolu,
propre à émouvoir le cœur le plus endurci.
Toutefois, l’histoire n’est pas seulement une mise en garde contre
l’enfer. Elle décrit un renversement choquant qui a ébranlé les sensibilités
des auditeurs de Jésus, car elle anéantit leur théologie astucieusement
élaborée.
Luc 16.19 présente un homme riche. Tout ce que ce verset dit de lui en
fait un individu d’une richesse prodigue, inhabituelle, extrême. Il « était
vêtu de pourpre et de fin lin » et « chaque jour menait joyeuse et brillante
vie ». Son existence n’était qu’une succession de plaisirs perpétuels.
Comme c’est encore le cas de nos jours, une telle richesse lui garantissait
probablement une grande influence. Dans quelque synagogue qu’il se
rendit, les gens s’inclinaient naturellement devant lui. Il est le type même
d’individu que l’Israélite moyen, influencé par l’enseignement des
pharisiens, croyait assuré du ciel plus que tout autre. Il s’agit d’un Juif et de
surcroît d’un personnage religieux, pas d’un païen. Nous le déduisons du
terme « père » par lequel il s’adresse à Abraham (qui lui répond d’ailleurs
en le qualifiant de « fils »). Il avait donc une connaissance pratique de «
l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses » qui
appartenaient à Israël (Ro 9.4). Pour la plupart des auditeurs de Jésus, cet
homme était particulièrement béni de Dieu.
Quant à Lazare, le pauvre homme, il vivait dans la misère la plus
extrême, paralysé et incapable de se lever et de pourvoir à ses besoins. Le
verbe « était couché » à la porte du riche (v. 20) est au passif et peut
suggérer que quelqu’un l’a abandonné là, devant la riche demeure de
l’homme fortuné. Celui qui l’a allongé là s’est dit que le malheureux
recevrait l’aumône de la part d’un homme vivant dans un tel luxe et qui
était vêtu de pourpre, comme un roi. Mais Lazare est « couvert d’ulcères ».
(Il s’agit peutêtre d’escarres provoquées par la paralysie et la position
allongée depuis longtemps.) Son état lamentable et sa maigreur
repoussaient peut-être les passants, car personne ne lui venait en aide. Il
devait même supporter de voir ses plaies léchées par des chiens errants
dégoûtants, comme s’il était déjà réduit à l’état de cadavre. Combien il
aspirait après une miette de pain sale que les chiens ramassaient par terre,
sous la table du riche !
Les pharisiens et leurs disciples auraient considéré une telle souffrance
comme une preuve que Lazare était maudit par Dieu. Des deux
personnages, c’est Lazare qu’ils auraient jugé digne de l’enfer. Dans leur
esprit, il était aussi abominable que sa condition de vie.
Le grand renversement de situation constitue un choc dans l’histoire de
Jésus. « Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein
d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des
morts… il était en proie aux tourments… » (Lu 16.22,23). L’expression «
sein d’Abraham » désigne une place d’honneur à la table d’Abraham. Dans
la culture de l’époque, les invités à un banquet de cette nature étaient assis
sur des coussins autour de la table, et adoptaient une position légèrement
inclinée. (Tel est le sens littéral des paroles de Luc 13.29 : « Il en viendra de
l’orient et de l’occident, du nord et du midi ; et ils se mettront [inclinés] à
table dans le royaume de Dieu ».) L’hôte de marque, placé à côté
d’Abraham, aurait donc sa tête penchée vers la poitrine du patriarche (voir
Jn 13.25). En d’autres termes, le mendiant qui aurait tant désiré une miette
de pain et qui paraissait tellement répugnant aux yeux des pharisiens
bénéficie d’une place d’honneur au ciel. Et l’homme riche, qui jouissait de
tous les avantages terrestres – auquel les pharisiens auraient aimé
ressembler – est envoyé en enfer où il est humilié, abandonné, sans espoir et
réduit à mendier une goutte d’eau.
Ce renversement de situation s’accompagne de beaucoup d’ironie. Dans
cette parabole, Lazare reçoit un nom précisément pour l’honorer. Son nom
(une forme d’Éléazar) signifie « celui que Dieu a secouru ». Il évoque
l’idée de faveur divine ; en le nommant ainsi, Jésus l’arrache à la honte et à
l’anonymat si caractéristiques des mendiants dans cette situation. Le riche
lui, n’a pas de nom, comme pour bien montrer qu’il n’a plus
d’importance**. Il est dépouillé de tous les signes d’éminence, y compris de
son nom, alors que le pauvre mendiant (auquel le riche n’avait prêté aucune
attention) reçoit tous les privilèges de la bénédiction divine éternelle.
Quelques mois après avoir raconté cette parabole, Lazare, un cher ami de
Jésus, meurt. Lorsque Jésus arrive à Béthanie, le village de Lazare, il y a
déjà quatre jours que le corps de celui-ci repose dans le tombeau. Mais
Jésus le ramène du séjour des morts en disant tout simplement : « Lazare,
sors ! » (Jn 11.43.) L’Écriture raconte la suite : « Et le mort sortit, les pieds
et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit :
Déliez-le, et laissez-le aller » (Jn 11.44).
Ce Lazare authentique est donc un témoin oculaire revenu du séjour des
morts. Ce miracle est incontestable, puisque le tombeau était entouré de
pleureurs quand Lazare en sortit, encore lié de bandes et du linceul.
L’Écriture poursuit : « Plusieurs des Juifs qui étaient venus vers Marie, et
qui virent ce que fit Jésus, crurent en lui » (v. 45). C’était un miracle
étonnant, dont nul ne pouvait nier la réalité, et impossible à ne pas faire
connaître. Quelques témoins allèrent même raconter aux pharisiens ce qui
était arrivé (v. 46).
À votre avis, quelle a été la réaction des pharisiens ? On aurait pu
penser que puisqu’un mort était revenu à la vie, ils croiraient.
Erreur. Ils tinrent conseil pour trouver un moyen de mettre Jésus à mort
:
Alors les principaux sacrificateurs et les pharisiens assemblèrent le sanhédrin, et dirent : Que
ferons-nous ? Car cet homme fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons faire, tous
croiront en lui, et les Romains viendront détruire et notre ville et notre nation.
L’un d’eux, Caïphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là, leur dit : Vous n’y
comprenez rien ; vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme
meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. Or, il ne dit pas cela de lui-même
; mais étant souverain sacrificateur cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour
la nation. Et ce n’était pas pour la nation seulement ; c’était aussi afin de réunir en un seul
corps les enfants de Dieu dispersés.
— PS 55.17,18
Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira.
Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe.
Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ? Ou, s’il demande un
poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez
donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les
cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent (Mt 7.7-11).
Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez (Mt 21.22).
Nous avons auprès de lui cette assurance que si nous demandons quelque chose selon sa
volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu’il nous écoute, nous savons que nous possédons
la chose que nous lui avons demandée, quelle qu’elle soit (1 Jn 5.14,15).
Le Seigneur ajouta : Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferat-il pas justice à ses
élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard ? Je vous le dis, il leur fera
promptement justice. Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?
(Lu 18.1-8)
Le juge
Le scénario de cette parabole était probablement très familier pour les
Israélites du premier siècle. Jésus situe la scène « dans une ville » (Lu 18.2)
sans préciser son nom. Cette mention était inutile, car les veuves et les juges
corrompus étaient des personnages bien connus dans la culture de l’époque.
Il était souvent difficile d’obtenir justice.
La cour religieuse suprême en Israël était le grand sanhédrin qui
comprenait soixante et onze juges (tous étaient des chefs religieux réputés
comme des spécialistes de la loi de l’Ancien Testament et de la tradition
orale). Nous savons par le Nouveau Testament que leur pouvoir était
oppressif et souvent injuste. C’est ce grand sanhédrin qui conçut et déroula
le complot ; nous savons donc que cette instance juridique était truffée
d’injustice et de corruption.
Il existait cependant encore un autre ensemble de tribunaux religieux en
dessous du grand sanhédrin. Les grandes villes du pays d’Israël disposaient
chacune de sa propre instance dirigeante, un petit sanhédrin dirigé par
vingt-trois juges. Comme les principaux chefs à Jérusalem, ils étaient
fortement influencés par la doctrine des pharisiens et la politique des
sadducéens**. Ils se contentaient donc souvent de règles superficielles,
étaient influencés par des normes et des traditions humaines ; étaient enclins
à prononcer des jugements sévères et hâtifs, inspirés par les interprétations
erronées et les applications fausses que les pharisiens donnaient des
commandements de l’Ancien Testament. (Nous en avons déjà vu un
exemple classique dans leurs applications excessives des restrictions
cérémonielles concernant le sabbat.)
Les juges étaient eux-mêmes ancrés dans la propre justice pharisaïque.
Parvenus au sommet de l’échelle d’une hiérarchie rabbinique hautement
politisée, ils étaient souvent notoirement corrompus.
En plus de tous ces juges, Rome avait désigné des magistrats locaux et
des juges de villages – des autorités municipales qui jugeaient les affaires
criminelles et veillaient sur les intérêts de César. C’était les pires de tous –
ils étaient notoirement dépourvus de morale et de scrupules. Ils étaient
grassement payés sur les fonds du temple, alors qu’ils étaient généralement
païens et incroyants. Les Juifs portaient sur eux le même dédain profond
que sur les collecteurs d’impôts. Ils portaient le titre officiel de « Juges
d’interdiction », mais en changeant simplement une lettre du mot araméen,
les Juifs les appelaient « Juges voleurs ».
D’après la description que Jésus donne de ce juge, il semble bien que
c’était un de ces fonctionnaires romains. En effet, « il ne craignait point
Dieu et […] n’avait d’égard pour personne » (Lu 18.2). Voilà un portrait
bien brossé. Des expressions semblables étaient assez courantes dans la
littérature ancienne, même en dehors de la Bible. Un tel tableau désignait
généralement une personne notoirement sans scrupule. Cet homme ne
témoigne aucun respect sincère de Dieu, de sa volonté ou de sa loi. Par
ailleurs, il est totalement indifférent aux besoins des gens et à leurs justes
revendications. Il était devenu juge parce qu’il aimait le statut de la fonction
et l’argent, non parce qu’il défendait la justice. Il n’éprouve pas de
compassion et ne montre aucune compréhension. Et pour mettre le comble
à l’extrême perversité de son caractère, nous constatons qu’il n’est ni naïf ni
dupe ; il est pleinement conscient de la débauche dans laquelle son
caractère est tombé. Il reconnaît en lui-même : « Je ne [crains] point Dieu et
[…] je [n’ai] d’égard pour personne » (v. 4). Il confesse ainsi lui-même
qu’il défie les deux premiers grands commandements (voir Mt 22.37-40).
C’est un être totalement amoral et sa méchanceté a toutes sortes de
répercussions tragiques par les décisions quotidiennes qui touchaient la vie
des gens.
Jésus lui attribue l’épithète laconique de « juge inique » (Lu 18.6). Cet
homme méprise totalement les devoirs de sa fonction ; en effet, le juge est
censé rendre justice selon la loi de Dieu et les besoins des plaignants***. Cet
homme ne s’intéressait à aucune de ces choses. Il n’avait aucune honte – et
dans cette culture moyen-orientale où honneur et honte représentaient tout,
rien n’était plus vil que cette sorte d’impudence. Bref, ce juge est dépourvu
de toute décence élémentaire, de noblesse, d’affection naturelle et de
considération pour Dieu et pour les humains. Son caractère est tellement
aride et privé de toute qualité, que la plupart de ses administrés devaient le
considérer comme inhumain. Il semble insensible à tout appel.
Or, Jésus raconte cette parabole pour enseigner une leçon positive sur
Dieu et sur sa façon de répondre à nos prières – en se servant du mauvais
comportement de ce juge inique comme illustration. Cette parabole
ressemble à celle de l’économe infidèle, car Jésus s’appuie sur des actions
perverses d’une personne pour dépeindre une réalité pure et juste.
Le dilemme de la femme
Dans cette parabole, le seul autre personnage est une pauvre veuve, victime
d’une certaine injustice ou de l’oppression et dont le seul recours est de
demander réparation au tribunal. Quelqu’un l’a escroquée. Elle vit
apparemment seule et dans le dénuement. Dans la culture de l’époque, les
tribunaux étaient exclusivement une affaire masculine. Aucune femme ne se
serait adressée elle-même à un juge s’il y avait eu un homme dans sa vie.
Dans le cas de cette femme, non seulement son mari était mort, mais de
plus elle n’avait apparemment pas de frère, de beau-frère, de père, de fils,
de cousin, de neveu ou de parent masculin éloigné, ni de voisin proche
capable de plaider sa cause. Elle représente donc ce qu’il y a de plus
miséreux, d’impuissant, de démuni, de dépouillé, d’humble, d’ignoré, de
mal aimé, de délaissé, de désespéré.
Jésus construit son illustration autour d’une veuve, car d’après l’Ancien
Testament, le cas de cette femme aurait été réglé d’emblée.
Indépendamment de la valeur légale de sa plainte, le juge aurait dû avoir
compassion d’elle rien que par humanité. La loi de Moïse était explicite sur
ce point. Dieu lui-même avait déclaré : « Tu n’affligeras point la veuve, ni
l’orphelin. Si tu les affliges, et qu’ils viennent à moi, j’entendrai leurs cris ;
ma colère s’enflammera, et je vous détruirai par l’épée ; vos femmes
deviendront veuves, et vos enfants orphelins » (Ex 22.22-24). Ce principe
est repris dans Ésaïe 1.17 :
Apprenez à faire le bien, recherchez la justice,
Protégez l’opprimé ;
Faites droit à l’orphelin,
Défendez la veuve.
Le tournant
Cela a duré « longtemps » (Lu 18.4). Mais un beau jour, le juge change de
dispositions – non parce qu’il se repent de sa méchanceté ou qu’il admet la
pertinence de la requête de la veuve, mais parce qu’il se lasse d’entendre
ses plaintes.
Il tient un bref monologue, comme celui du fils prodigue lorsqu’il
revient à son bon sens (15.17-19). Il rappelle même encore davantage le
discours que se tient l’économe infidèle pour éviter le désastre qui le
menace (16.3,4). De même, le juge inique se parle à lui-même : « Quoique
je ne craigne point Dieu et que je n’aie d’égard pour personne, néanmoins,
parce que cette femme m’importune, je lui ferai justice afin qu’elle ne
vienne pas sans cesse me casser la tête » (18.4,5).
Nous le répétons, il reconnaît qu’il est un scélérat ; il est bien franc.
Mais la femme l’exaspère. Il peut facilement la faire taire en accédant à sa
demande. Il se décide donc à lui faire justice pour qu’elle ne revienne pas
constamment le déranger. L’expression sans cesse correspond à
l’expression grecque eis telos, qui signifie littéralement « jusqu’à la fin » ou
« indéfiniment » et qui revêt le sens de « pour toujours » dans la Bible. En
somme, le juge pense : Elle continuera pour toujours de venir et elle
m’épuisera.
Dans certaines versions de la Bible, on peut lire « à force de venir, elle
finira par m’exaspérer » ou « afin qu’elle ne vienne pas sans cesse me
déranger ». Toutefois, le sens de ces traductions est plus faible que
l’expression grecque hup piaz qui est utilisée ici. Cette expression,
empruntée au sport de la boxe, signifie « donner un grand coup de poing à
quelqu’un juste sous l’œil ». C’est ce même terme que Paul utilise dans 1
Corinthiens 9.27 où il se décrit comme un homme qui frappe fort et non
comme quelqu’un qui frappe dans le vide : « Mais je traite durement mon
corps et je le tiens assujetti […] ». Les requêtes répétées de cette femme
font le même effet que des coups de gourdin verbaux. Elle n’est pas
simplement pénible, elle le fait souffrir. Ce juge puissant et imperméable est
vaincu par une femme sans ressources, tout simplement par sa
persévérance.
Il n’a toujours pas plus d’égards pour Dieu ou les hommes ; il défend
simplement ses propres intérêts. Pour cela, il doit se débarrasser d’elle.
C’est pourquoi il prononce un jugement en faveur de la veuve.
La signification
La leçon est indiquée dès les premiers mots de la parabole : « pour montrer
qu’il faut toujours prier et ne point se relâcher » (Lu 18.1). Toutefois, Jésus
a en point de mire un type particulier de prière.
Gardez le contexte présent à l’esprit. Cette parabole est une sorte de
postscriptum au discours prophétique de Jésus à la fin de Luc 17. Le
passage aborde le thème du jugement terrifiant : « Ce qui arriva du temps
de Noé […] Ce qui arriva du temps de Lot » (v. 26,28). « Il en sera de
même le jour où le Fils de l’homme paraîtra » (v. 30). Christ reviendra pour
exercer la vengeance. Son apparition s’accompagnera de mort et de
dévastation. « De sa bouche sortait une épée aiguë, pour frapper les nations
; il les paîtra avec une verge de fer ; et il foulera la cuve du vin de l’ardente
colère du Dieu Tout-Puissant » (Ap 19.15). Le verset 19 annonce que les
rois de la terre et leurs armées se rassembleront pour faire la guerre à Christ
lors de son retour. Ce sera la guerre finale de l’humanité – la bataille est
parfois intitulée « bataille d’Harmaguédon ». Christ anéantira tous ses
ennemis « et tous les oiseaux se rassasièrent de leur chair » (v. 21). C’est
cette scène à laquelle fait allusion la fin de Luc 17.37 : « Où sera le corps, là
s’assembleront les vautours. »
La parabole du juge inique suit immédiatement. Le changement de
chapitre n’indique pas un changement de décor ou d’audience. Jésus
raconte la parabole alors que ses auditeurs ont l’esprit encore plein du
thème de sa seconde venue (avec les images apocalyptiques de cadavres et
de vautours). À ses élus qui attendent son retour alors que le monde semble
s’enfoncer de plus en plus dans la perversité et la condamnation, Jésus
laisse la leçon suivante : persévérez dans la prière et ne perdez pas courage.
C’est une invitation à la prière eschatologique, un encouragement à prier
pour sa venue et pour avoir la force de tenir bon jusqu’à la fin. Luc 21.36
résume bien l’essence de l’exhortation : « Veillez donc et priez en tout
temps, afin que vous ayez la force d’échapper à toutes ces choses qui
arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »
Comme nous l’avons vu dans un chapitre antérieur, Jésus enseigne à ses
disciples que son retour est imminent – indiquant par là qu’il peut revenir à
tout moment. Mais il peut aussi revenir plus tard qu’on le souhaite. Au
cours de son ministère terrestre, Jésus lui-même, dans sa conscience
humaine finie, ne connaissait pas la date précise de son retour : « Pour ce
qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le
Fils, mais le Père seul » (Mt 24.36, italiques pour souligner). Certes, en tant
que Dieu, il sait (et a toujours su) toutes choses (Jn 16.30 ; 21.17).
Cependant, il est évident que durant sa vie terrestre, il s’est volontairement
privé de faire usage de son omniscience divine entière et souveraine. Il était
un homme normal, pas un surhomme. Il a mené une vie humaine et a connu
des expériences humaines authentiques (Hé 4.15). Il s’est développé et a
appris les choses comme n’importe quel autre être humain (Lu 2.52). Il
s’ensuit que conformément au plan divin, sa conscience humaine n’avait
pas accès à certains faits. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela.
Aussi, comme nous l’avons vu en étudiant les paraboles de Matthieu 24
et 25, sans révéler de date précise pour son retour, Jésus a vivement
encouragé ses disciples à veiller attentivement et à l’attendre patiemment.
Ici, il les exhorte à prier fidèlement jusqu’à la venue de ce jour. Pour cela, il
se sert de cette parabole qui illustre la persévérance sans faille. C’était un
encouragement particulièrement opportun pour les disciples du premier
siècle. Il l’est encore davantage pour nous qui voyons approcher le jour.
La différence entre un temps « long » et un temps « court » n’est rien
dans la chronologie divine. « Devant le Seigneur, un jour est comme mille
ans, et mille ans sont comme un jour » (2 Pi 3.8). En regard de l’éternité, les
temps sont comme un clin d’œil. En revanche, dans notre perspective, le
temps semble parfois traîner en longueur. Pour cette femme le temps qui
séparait l’injustice dont elle était victime et le jugement final favorable
rendu par le juge a dû paraître une éternité. Pour l’apôtre Jean qui dut se
rendre à l’évidence que Jésus n’était pas revenu de son vivant, l’attente a dû
paraître interminable. Pour les croyants qui vivent deux mille ans plus tard,
l’exhortation de Jésus « qu’il faut toujours prier et ne point se relâcher » est
justement l’encouragement qu’il nous faut.
Aujourd’hui, la Parole de Dieu est raillée, diffamée et critiquée à une
allure qui ne cesse de s’accélérer dans le monde entier. Les chrétiens sont
couramment calomniés, persécutés et opprimés, même dans des cultures
occidentales réputées pour leur ouverture d’esprit. Au Moyen-Orient, en
Afrique et dans certaines parties de l’Asie, des chrétiens vivent sous la
menace constante du martyre. Selon les estimations mêmes les plus
prudentes, des milliers de chrétiens sont tués chaque année pour leur foi.
Nous aspirons au retour de Christ pour qu’il mette fin à l’impiété et à
l’oppression, qu’il détruise le péché une fois pour toutes et qu’il établisse
son règne de justice. Jésus lui-même nous a appris à prier : « Que ton règne
vienne » (Lu 11.2). Ici, il nous encourage à formuler cette prière sans
relâche, et à ne pas nous décourager.
Dans le texte grec, le verbe traduit par « se relâcher » ou « se lasser »
(BC) est ekkakeō qui parle de renoncer par épuisement ou pire, de devenir
lâche. Luc 18.1 est le seul endroit où ce verbe apparaît, en dehors de ses
cinq usages pauliniens : « Nous ne perdons pas courage » (2 Co 4.1,16) ; «
Ne nous lassons pas de faire le bien […] si nous ne nous relâchons pas »
(Ga 6.9) ; « Je vous demande de ne pas perdre courage à cause des
afflictions que j’endure pour vous » (Ép 3.13) ; « Ne vous lassez pas de
faire le bien » (2 Th 3.13). La signification sous-jacente est toujours la
même : ne perdez pas l’espoir que Jésus revient.
Dieu ne ressemble évidemment en rien à un juge inique. Une fois de
plus, Jésus raisonne du moins au plus. Si un magistrat aussi dépravé et
mauvais peut être amadoué par la requête insistante de faire justice à une
veuve pour qui il n’a aucune considération ni compassion, « Dieu ne ferat-il
pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard
? Je vous le dis, il leur fera promptement justice » (Lu 18.7,8, italiques pour
souligner). Lorsque Christ reviendra, la vengeance de Dieu contre les
méchants sera immédiate et complète.
Entretemps, il ne tarde pas à accomplir sa justice par apathie ou
indifférence. Il retarde son jugement par compassion. Dans le passage où
Pierre déclare que « devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et
mille ans sont comme un jour », l’apôtre ajoute immédiatement : « Le
Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme
quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas
qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance » (2 Pi
3.8,9). Le retard apparent donne la mesure de la patience de Dieu qui se
choisit « un peuple qui porte son nom » (Ac 15.14) ; il ne réduira pas le
temps d’attente avant que le dernier de ses élus soit sauvé, quand bien
même il y aurait déjà « une grande foule, que personne ne pouvait compter,
de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue » (Ap 7.9).
La preuve que la parabole du juge inique concerne la seconde venue et
qu’elle nous incite fortement à prier fidèlement et avec persévérance en vue
de ce jour se trouve à la fin de Luc 18.8 : « Mais, quand le Fils de l’homme
viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Trouvera-t-il son peuple occupé à
prier avec persévérance et à attendre ? Ou beaucoup se seront-ils relâchés ?
La parabole est un encouragement à tenir ferme et à prier sans cesse.
La veuve de cette parabole représente tous les vrais chrétiens, les élus.
Dans un certain sens, nous sommes démunis, « pauvres en esprit » (Mt 5.3)
; « il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni
beaucoup de nobles » (1 Co 1.26). Nous sommes totalement à la merci du
Juge.
Mais notre Juge céleste ne ressemble en rien au juge de la parabole. Il
incarne la justice parfaite ; il ne peut faire de mal. « Dieu renverserait-il le
droit ? Le Tout-Puissant renverserait-il la justice ? » (Job 8.3.) Certainement
pas ! « Celui qui juge toute la terre n’exercera-t-il pas la justice ? » (Ge
18.25.)
Il est le rocher ; ses œuvres sont parfaites,
Car toutes ses voies sont justes ;
C’est un Dieu fidèle et sans iniquité,
Il est juste et droit (De 32.4).
Car il vient pour juger la terre ;
Il jugera le monde avec justice,
Et les peuples avec équité (Ps 98.9).
Pendant ce temps, nous vivons dans l’attente, comme ceux qui supplient
sous l’autel d’Apocalypse 6.10 : « Ils crièrent d’une voix forte, en disant :
Jusqu’à quand, Maître saint et véritable, tarderas-tu à juger, et à tirer
vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? » Nous faisons partie
de ceux qui sont décrits dans 1 Thessaloniciens 1.10 : « […] pour attendre
des cieux son Fils, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la
colère à venir ».
Il est impossible de mener une vie chrétienne fidèle si elle ne se vit pas
à la lumière de la seconde venue. La connaissance de la fin de l’histoire
nous procure confiance et fermeté. Comme le déclare Paul, « Ainsi, mes
frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en
mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain
dans le Seigneur » (1 Co 15.58).
La question de Jésus dans Luc 18.8 : « Mais, quand le Fils de l’homme
viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? », devrait nous inciter à nous
examiner personnellement et sérieusement, ce qui constitue une note
parfaite sur laquelle terminer notre étude. Faisons-nous de son retour l’objet
de notre prière fidèle ? Je crains que si le Seigneur revenait à l’instant
même, il trouverait quantité de gens qui se considèrent chrétiens et qui ne
sont cependant pas du tout prêts pour son retour, qui ne l’attendent pas
particulièrement avec impatience, qui sont bien trop séduits par cette vie et
les valeurs du monde pour penser à son retour.
C’est l’opposé de la vraie foi. Le cri du cœur du vrai croyant est
Maranatha, « Viens, Seigneur ! » (1 Co 16.22.)
Nous qui aimons Christ et qui languissons après son retour, nous ne
devons pas nous relâcher. « Soyez donc patients, frères, jusqu’à
l’avènement du Seigneur. Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la
terre, prenant patience à son égard, jusqu’à ce qu’il ait reçu les pluies de la
première et de l’arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos
cœurs, car l’avènement du Seigneur est proche » (Ja 5.7,8).
Entretemps, nous continuons de prier et de supplier Christ de revenir
bientôt – pas simplement parce que nous voulons avoir gain de cause, mais
aussi et surtout parce que nous voulons voir Christ glorifié. Si vous vivez
dans cette optique, si vous priez dans cette optique et si vous suppliez dans
cette optique, cela change tout dans votre vie.
Après deux mille ans, notre espoir continue de briller, notre amour pour
Christ reste authentique et pur, et notre confiance qu’il honore sa Parole
demeure ferme et solide. C’est pourquoi nous prions avec persévérance, le
suppliant de venir justifier son peuple, se glorifier lui-même, punir les
pécheurs, détrôner Satan, établir son règne de justice et apporter la paix
éternelle sur la terre. Nous le prions inlassablement de venir pour régner
comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et créer les nouveaux cieux
et la nouvelle terre éternels. Et nous reprenons en écho les derniers mots de
l’Écriture : « Viens, Seigneur Jésus ! »
Cette prière devrait être constamment sur nos lèvres. Et cette espérance
devrait orienter toutes nos pensées. Telle est la leçon que Jésus nous
enseigne dans la parabole du juge inique.
Vivez dans cette anticipation jusqu’à son retour. Et observez les
changements que cela introduira dans votre vie.
Notes de bas de page
* Comparer le verset 26 (« ce qui arriva du temps de Noé ») avec
Matthieu 24.37 (« Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même
à l’avènement du Fils de l’homme »).
** Alfred Edersheim écrit : « Il convient de noter que le péché
particulier reproché à la maison d’Anne est celui de “chuchotement”
– ou le sifflement de la vipère – qui semble désigner l’influence
privée exercée sur les juges dans leur administration de la justice, à
l’origine de « la corruption de la morale, de la perversion des
jugements et du retrait de la Shekhinah d’Israël. » The Life and
Times of Jesus the Messiah, 2 vol., Londres, Longman, Green &
Co., 1896, I.263 (Trad. libre).
*** L’Ancien Testament rapporte que lorsque le roi Josaphat « établit
des juges dans toutes les villes fortes du pays » de Juda, il leur dit : «
Prenez garde à ce que vous ferez, car ce n’est pas pour les hommes
que vous prononcerez des jugements ; c’est pour l’Éternel, qui sera
près de vous quand vous les prononcerez. Maintenant, que la crainte
de l’Éternel soit sur vous ; veillez sur vos actes, car il n’y a chez
l’Éternel, notre Dieu, ni iniquité, ni égards pour l’apparence des
personnes, ni acceptation de présents […] Vous agirez de la manière
suivante dans la crainte de l’Éternel, avec fidélité et avec intégrité
de cœur » (2 Ch 19.5-9).
Appendice
— MATTHIEU 13.11
Jésus était passé maître dans l’art de raconter des histoires, mais il ne s’est
jamais servi de l’histoire pour elle-même. Chacune de ses paraboles avait
une leçon importante à enseigner.
C’est un fait primordial à garder à l’esprit, car il explique comment la
vérité (telle que nous comprenons le concept) est compatible avec la
narration. Même un récit de pure fiction n’est pas totalement incompatible
avec nos idées conventionnelles de la vérité – parce que de toute histoire
bien racontée se dégage une leçon. Et la leçon d’une bonne histoire est
censée être vraie (ou du moins un reflet fidèle de la vie à un certain niveau),
même si le récit lui-même présente un scénario totalement imaginaire.
Telle est la vraie nature des paraboles. C’est la raison principale pour
laquelle une leçon centrale est toujours la caractéristique la plus importante
de chaque parabole, et que nous devons nous focaliser sur elle au lieu de
chercher une signification cachée dans tous les détails périphériques du
récit. Dès lors que vous avez saisi la leçon centrale d’une parabole, vous
avez compris la nature de la vérité que le récit cherche à établir. La leçon
est parfois elle-même complétée ou embellie par d’autres éléments de
l’intrigue, par d’autres personnages et d’autres détails. Mais il est inutile de
chercher plusieurs strates de sens secrets ou de supposer qu’un symbolisme
plus profond ou une autre dimension de la vérité sont cachés dans les détails
accessoires de la narration. Comme nous l’avons signalé dans
l’Introduction, les paraboles ne sont pas des allégories pleines de symboles
du début à la fin. Elles éclairent une vérité importante – comme le fait la
morale d’une histoire bien racontée.
Ceci explique pourquoi la vérité vitale contenue dans une parabole est
définie et objective – et non une masse de pâte à modeler métaphysique que
nous pouvons déformer et reformer à notre guise. Souvenez-vous que
lorsque Jésus a commencé à se servir de paraboles dans son ministère
public, il était seul avec ses disciples et leur avait soigneusement expliqué la
parabole du semeur (Mt 13.18-23). Cette parabole avait une signification
claire, simple, unique, directe, sans détour et objective ; en la leur dévoilant,
il leur fit comprendre que toutes les paraboles pouvaient se comprendre
grâce à une méthode d’interprétation comparable : « Vous ne comprenez
pas cette parabole ? Comment donc comprendrez-vous toutes les paraboles
? » (Mc 4.13.) Il n’y a donc absolument aucune raison de présumer que la
manière dont Jésus utilise les paraboles indique que la vérité est tellement
enveloppée de mystère qu’elle est totalement inconnaissable.
Au contraire ! Comme nous l’avons indiqué au début de cet appendice,
Jésus s’est servi de paraboles dans le but de rendre certaines vérités claires
pour les croyants, tout en les enveloppant d’obscurité pour les incroyants.
Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi il procédait ainsi ?
En voilant la vérité aux incroyants, Jésus accomplissait vraiment un acte
de compassion ; en effet, plus ils entendaient et raillaient la vérité, plus ils
aggravaient leur cas pour le jugement dernier.
En utilisant les paraboles, Jésus prononçait également un jugement
temporel contre eux, car il scellait leur incrédulité opiniâtre en les privant
de la lumière de la vérité. Ils avaient en effet déjà endurci leurs cœurs :
Car le cœur de ce peuple est devenu insensible ;
Ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux,
De peur qu’ils ne voient de leurs yeux,
qu’ils n’entendent de leurs oreilles,
Qu’ils ne comprennent de leur cœur,
Qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse (Mt 13.15).
Désormais, leur incrédulité était irréversible. L’usage des paraboles par
Jésus éclairait cette réalité tout en servant d’avertissement pour les autres,
les encourageant à ne pas endurcir leurs cœurs, mais plutôt à chercher la
vérité.
Jésus déclare cependant à ses disciples : « Mais heureux sont vos yeux,
parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent ! » (v. 16). Il
indiquait ainsi clairement que les paraboles ont une signification objective
et que celle-ci peut être appréhendée. « Il vous a été donné de connaître les
mystères du royaume des cieux » (v. 11). Il révèle ainsi que les paraboles
contiennent une vérité spirituelle éternelle que quiconque a des yeux et des
oreilles spirituels peut voir, entendre et connaître.
Bien que les paraboles aient caché aux incroyants la signification qu’il
leur donnait, Jésus n’enfermait pas pour autant la vérité à jamais dans un
mystère désespérément impénétrable. En réalité, chacune des paraboles
dévoile et illustre la vérité. C’est une vérité vitale, intemporelle, immuable,
non frelatée et sans équivoque – et non quelque vérité éthérée ou
inaccessible. Loin de là, elle est suffisamment simple pour qu’en usant de
moyens ordinaires, tout croyant puisse en saisir une compréhension saine et
sûre.
Narrations et propositions
Introduction
1. Janet Litherhand, Storytelling from the Bible, Colorado Springs, Meriwether, 1991, p. 3, trad.
libre.
2. Eugene L. Lowry, The Homiletical Plot : The Sermon as Narrative, Louisville, Westminster John
Knox, 2001, p. xx-xxi, trad. libre.
3. John MacArthur, Ashamed of the Gospel, Wheaton, IL., Crossway, 2010.
4. Richard Esslinger, A New Hearing : Living Options in Homiletic Method, Nashville, Abingdon,
1987, description de l’éditeur, trad. libre.
5. Ibid., p. 11, trad. libre.
6. William R. White, Speaking in Stories, Minneapolis, Augsburg, 1982, p. 32, trad. libre.
7. Charles W. Hedrick, Many Things in Parables : Jesus and His Modern Critics, Louisville,
Westminster John Knox, 2004, p. 102, trad. libre.
8. Ibid., trad. libre.
9. Ibid., trad. libre.
10. Richard Chenevix Trench, Notes on the Parables of Our Lord, New York, Appleton, 1878, p. 26,
trad. libre.
11. Troisième partie : « Jésus illustre son Évangile », dans L’Évangile selon Jésus, John MacArthur,
Trois-Rivières, Éditions Impact, 2010, p. 160-217.
12. John MacArthur, A Tale of Two Sons, Nashville, Thomas Nelson, 2008.
13. Harvey K. McArthur et Robert M. Johnston, They Also Taught in Parables : Rabbinic Parables
from the First Centuries of the Christian Era, Grand Rapids, Zondervan, 1990, p. 165-166.
14. Simon J. Kistemaker, « Jesus As Story Teller : Literary Perspectives on the Parables », The
Masters Seminary Journal 16, n° 1, printemps 2005, p. 49-50, trad. libre.
15. Charles Haddon Spurgeon, The Metropolitan Tabernacle Pulpit, vol. 53, Londres, Passmore &
Alabaster, 1907, p. 398, trad. libre.
Appendice
1. Cet appendice a d’abord été publié dans A Tale of Two Sons, de John MacArthur, Nashville,
Nelson, 2008, p. 199-211.
2. L’essai, intitulé « Check Out This Chick-Flick », a été posté de façon anonyme dans le blog de la
Première Église luthérienne Trinity (ELCA), Indianapolis, <
http://firsttrinitylutheran.blogspot.com/2007/03/check-out-this-chick-flick.html > (page consultée
le 2 juillet 2016).
3. Shane Hipps, The Hidden Power of Electronic Culture, Grand Rapids, Zondervan/Youth
Specialties, 2006, p. 90 (italiques pour souligner).
Index des sujets
A
abandon, 55
adultère, 201
agriculture au premier siècle en Israël, 52-53
aiōnios (éternel), 205
akantha (épines), 54
alliance, ancienne, opposée à la nouvelle, 200
amour de l’argent, condamnation de l’, 180
amour, 132-136
pour l’étranger et l’apatride, 125
Ancien Testament, observance du sabbat, 36
antiparerchomai, 124
argent, 179-180
amour de, 68-70
économe infidèle et, 189-191
athées, 64
avertissement
contre le péché impardonnable, 45-47
le riche et Lazare, 202-206
B
Bailey, Kenneth, 150
ballō (jeter, grec), 29
Barabbas, 96
béatitude, 32
Bethsaïda, condamnation par Jésus, 116
Bildad, 146
blasphème, 42, 45, 113
bon Samaritain, 32, 115-136
actions charitables, 130-132
Juifs et Samaritains, 127-130
la route de Jérusalem à Jéricho, 123
le sacrificateur et le Lévite, 123-127
bonne terre, 55, 70-73
brebis et boucs, 164
brebis perdue, 31
brigand sur la croix, 95-96
C
cadavres et vautours, 164
Caïphe, 213
Capernaüm, 25, 116
centuple, rendement au, 55
chasma (abîme), 207
châtiment éternel, 204
châtiment éternel. Voir aussi enfer, 204
chefs religieux, 120
cœurs endurcis, 63-64
en enfer, 198
réaction à la guérison opérée par Jésus, 44
Chorazin, condamnation par Jésus, 116
chronologie du ministère de Jésus, 42 cieux. Voir aussi royaume des cieux, 106-107, 176-177
clarté de l’enseignement de Jésus, 32-33
cœur
endurcis, 22-24, 25-26, 119-121, 235
imperméable à la vérité biblique, 63-65
importance de sa condition, 62
orienté vers Dieu, 194
réceptivité du, 61-62
superficiel, 65-67
collecteur d’impôts (publicain), 146
le pharisien et le, 141-142, 148-149
sa justification par Dieu, 158 comparaison, 27
compassion, 130
compréhension, désir de, 59
condamnation par Jésus, 116
confiance, abus de, 182
« cou raide », 63
croyants, idées concernant leurs devoirs de gérants, 191
D
damnés opposés aux sauvés, 161
débiteurs, remises consenties, 185-186
déclarations de vérité opposées aux histoires, 18-19
déconstruction du langage, 21
démoniaque, guérison, 43
démons envoyés dans un troupeau de pourceaux, 48
denier, 100
Dieu
comme juge, 226
comme maître de maison, 106
et justice, 204
objet central du cœur, 194
promesse de, 112
souveraineté de, 112
disciples
leur attention accordée à Jésus, 56-59
récompenses, 108-110
discipulat, son coût, 76
discours du mont des Oliviers, 164-165
divorce, 171, 201
dix commandements et le sabbat, 37-38
docteur de la loi, 146
doctrine et prédication, 17-18
E
« économe infidèle », 181
cœur réservé à l’argent ou à Dieu, 194-195
leçons sur l’argent, 189-191
tout appartient à Dieu, 191-193
économes, 183
économe infidèle, 181
Écriture
sa suffisance, 211
son autorité, 231
Edersheim, Alfred, 218n
egnon (je sais), 184
egogguzon (murmurer), 103
eis telos (sans cesse), 222
ekkakeō («se relâcher»), 225
éléments mineurs, 32
emporos (marchand), 83
endurance, 71
« enfants de lumière », 188-189
enfer
description qu’en donne Jésus, 201
description, 206-207
propre justice et, 201
réaction à la discussion sur l’, 203-206
ennemi, traitement, 120-121
esséniens, 140
Étienne, lapidation, 63, 138
étranger, traitement de l’, 124
être assez bon, 148
Évangiles synoptiques
paraboles dans les, 30
usage de parabole dans les, 28-29
exoutheneō (mépriser), 150
expiation, 145, 157, 204
F
fables d’Ésope ou de La Fontaine, 29
femmes (les) dans les tribunaux au premier siècle, 220
fidélité, 163-178
figuier, 30n
fils prodigue, 27, 232, 240
foi salvatrice, 90
foi superficielle, 66-67
foi, 90-91, 141
superficielle, 66-67
foules, leur grandeur, 51
fruit de l’Esprit, 71
fruit, 67
G
générosité, 101, 189-190
gestion élogieuse, 192
glanage, 39
grâce, 97-99, 122, 142, 147
besoin de, 201
pour les ouvriers dans la vigne, 105-107, 110
grain de sénevé, 30n, 239
grain, cueillir des grains considéré comme travail, 39
grand sanhédrin, 218
guérison, 43-45
le jour du sabbat, 39-40
H
haberim (associés), 110
Harmaguédon, 223
hilaskoti moi (expiation), 157
Hillel l’Ancien, 30
histoire et paraboles, 19-20
homme riche, réponse à l’économe infidèle, 187
huile d’olive, 130
hup piaz (grec pour « coup de poing juste sous l’œil »), 222
hypocrisie, 198
I
impureté, 150
incroyants, 25-26
la signification des paraboles cachée aux, 235
le jugement porté par Jésus sur les, 23
leur description par Jésus, 22
individu et entrée dans le royaume, 87-88
intérêts mondains, 67-70
interprètes des paraboles, 20
Israël (au premier siècle)
agriculture, 52-53
mariage, 170-171
tribunaux religieux, 218
ivraie, parabole de l’, 60
J
jalousie, 103
Jean Hyrcan, 129
Jean-Baptiste, 137-138
Jéroboam, 129
Jérusalem, Josèphe sur les suites de la destruction romaine de, 81
Jésus
contre les pharisiens, 39-42, 138, 198-200
description de l’enfer, 197-198
explication pour l’usage des paraboles, 21-22
questions pièges des chefs religieux, 116-119
sacrifice de, 145
style didactique de, 236-237
vérité dans les récits de, 234-236
jeune homme riche, 70, 107-108, 117, 146
jeûne, 155
joie, 32
le royaume comme source de, 88
Jonas, 212
Josèphe, à propos de la destruction de Jérusalem par les Romains, 81
jouissance égoïste coupable, 193
« Journée chargée », 48n
Judas Iscariot, 70, 95-97
juge inique, 217, 218-220
changement d’avis, 222
le dilemme de la veuve, 220-222
sens de la parabole, 223-228
jugement, paraboles et, 235
juges. Voir aussi juge inique corruption, 219
Juifs et Samaritains, 127-130
justice, 120, 143, 144
des pharisiens, 139
et Dieu, 204
satisfaction de sa, 147
justification par la foi, 90, 137-161
K
Keri’at Shema, 118
L
Lazare (ami de Jésus), 212-213
Lazare. Voir aussi l’homme riche et
Lazare, 208-209, 211
le riche et sa conception de, 212-213
Le voyage du pèlerin, 29
Les commentaires bibliques, de MacArthur, 27
les derniers seront les premiers, 104-105
levain, 15, 239
loi, 143-145, 200-201
condamnation de la, 78
les pharisiens et la, 139-140
« lumignon qui fume », 41
M
maître de maison, 164
mammon (richesses), 190
mariage (en Israël au premier siècle), 171-172
mashal (proverbe, en hébreu), 28
mauvais œil, 103
méchants vignerons, 30n
méchants, vengeance de Dieu contre les, 224-225
Messie, Jésus comme, 40
métaphore, 27
Midrash, 30
miracles, 44, 213 Voir aussi guérison
mise à l’épreuve de la foi, 66
miséricorde, 97-98
Mohler, Al, 239
Mont Garizim, temple samaritain sur le, 129
mystère
dans les paraboles, 26
Jésus à propos du, 57-58
N
narrations, 238-239
de Jésus et leur utilisation pour enseigner, 15, 229
opposée aux sermons, 16-17
signification objective opposée à l’interprétation, 19-20
Nazareth, enseignements de Jésus sur, 25
Nicodème, 117
noms, 209
non-Juifs, 57
nouvelle alliance opposée à l’ancienne, 200
O
œuvre divine, 148
œuvres humaines, 148
oikodespotes (maître de maison), 99
ouvriers dans la vigne, 98-104
contexte de la parabole, 104-105
leçon spirituelle, 105-107
P
Packer, J.I., 160
para (à côté, en grec), 29
parabolē, 28
paraboles
définition, 29
en découvrir la signification, 233
généralités, 26-33
interprétation, 230-231, 234
mauvaise compréhension des, 16
parabole ou histoire? 18-19
premiers usages, 48
valeur mnémotechnique, 23
vérité dans les, 236-237
pardon, 45, 106, 143
Parole de Dieu, 62
comme semence, 59-60
réaction du monde à la, 225
Paul, 138-139
conversion, 89
péché impardonnable, avertissement contre le, 45-47
pécheurs
justification des, 143
l’appel de Dieu aux, 112
leur prudence, 188
perle de grand prix, 83-84
persévérance, 71
Petit catéchisme de Westminster, 90
petit sanhédrin, 218
pharisien et collecteur d’impôts, 141-142, 148
analyse de la parabole, 149-150
contrastes, 151-155
posture, 152-153
statut social, 151
prières, 154-155
principale différence, 156-158
ressemblances, 155-156
pharisiens, 35, 137, 139-141, 231
blasphème des, 46-47
conflit de Jésus avec les, 39-42, 138, 198-200
et le sabbat, 35-39
la justice des, 139
leur besoin de signes, 212
phronimos (prudemment), 187
phylactères, 199
piété, mystère de la, 58
planifier et vivre par la foi, 173
portier, 30n
postmodernisme, 19n
prédication, crise dans la, 17-18
préparation, états de, 61
prétérisme, 165
prières, 215-228
exaucement différé, 216
persévérance dans les, 223
prochain, identité du, 120
promesse de Dieu, 112-113
propositions, 238-240
propre justice, enfer et, 201
prospérité, 55
R
récompenses, 176
rédemption (rachat), 79, 134
et ressentiment, 97
sabbat et, 37
repentance, 156
responsabilité devant Dieu, 191
résurrection, 18
réaction des pharisiens, 213-214
retour de Christ. Voir Seconde venue
riche (le) et Lazare, 180, 201-202
en guise d’avertissement, 202-206
personnages, 206-209
supplication et réponse d’Abraham, 209-212
richesse, et entrée dans le royaume, 78, 180
richesses matérielles, 68-70
Roboam, 72
Rome, ses juges municipaux, 219
« roseau froissé », 41
route de Jérusalem à Jéricho, 123
royaume des cieux, 15, 48, 76-77, 173-174
comme trésor caché, 86-87
coût ou gratuité, 77-80
découverte accidentelle ou intentionnelle, 88-89
d’un prix exorbitant, 84-86
l’obstacle des richesses, 180 source de joie, 88
vérités le concernant, 84-93
S
sabbat
guérison le jour du, 39-40
les pharisiens et le, 35-39
perspective chrétienne sur le, 3n
sadducéens, 140
Saint-Esprit, 26
salaire des ouvriers journaliers, 100
salut, 111-112
comme don, 110
prix du, 79
théologie juive du, 142
Samaritains
et les Juifs, 127-130
la Samaritaine au puits, 89
leurs ancêtres, 127-128
Sanballat, 128
sanhédrin, 218
Satan, 64, 206
Saul, lapidation d’Étienne, 138
sauvés (les) et les perdus, 161
seconde venue, 168, 172, 223-224, 227
cadre temporel, 169
jugement, 225
parabole du juge inique et la, 226
paraboles sur la, 177-178
prédictions, 165
travailler en attendant, 174-175
Sédécias, 63
semence dispersée, dans Marc, 30n
semeur, 48, 52-56, 235
condition du cœur, 63-73
dans Marc, 30n
explication, 59-73
sermon sur la montagne, 24, 163-164
sermons, opposés aux histoires, 16
serviteur (le) fidèle et le serviteur méchant, 164, 166-168
serviteur infidèle, 180-195
serviteurs
infidèles, 180-195
sage et méchant, 164, 166-168
sol du chemin, 53
sol pierreux, 54
sol, couvert d’épines et de végétation
sauvage, 54-55, 68-70
sola fide, 141
sols, types de, 53-55
souffrance, malédiction divine, 208
souveraineté, de Dieu, 112
statut politique, crainte des pharisiens de le perdre, 40
Stott, John, 204n
surérogatoires, œuvres, 155
symbolisme, 22, 31, 230
T
talents, 164, 173-178
définition, 175-176
tempête, calmée, 48n
temple, sa reconstruction, 128
temps de Dieu opposé à celui des humains, 224
tentation, 66
théologie narrative, 233, 237
théorie de la critique du lecteur, 21
travaux interdits le jour du sabbat, 38
Trench, Richard, 23
trésor, 191
parabole du trésor caché, 80-83
tribunaux religieux en Israël, 218
V
vérité, 25, 203, 230, 231
dans les paraboles, 236-237
histoires comme supports de la, 234-236
son importance, 240
subjective, 19n
vie éternelle, 76, 106, 117-118, 135
vierges (demoiselles d’honneur), 164, 168-172
vigne, les ouvriers dans la, 98-104
but, 107-110
contexte de la parabole, 104-105
leçon spirituelle, 105-107
principes de la parabole, 110-113
Z
zélotes, 140
Index des références bibliques
Genèse
2.1-3 36
3.17-19 37,55
15.6 144
18.25 226
22.8 158
26.12 55
Exode
20.9-11 38
22.22-24 221
23.4,5 124
23.7 144
32.9 63
33.19 97
34.6,7 97
Lévitique
16.29-31 155
17.11 158
19.2 143
19.13 102
19.18 118,120,124
19.33,34 124
27.30 140
Nombres
15.38,39 199
Deutéronome
6.4,5 118
8.18 69
24.14,15 102
24.14 221
1 Rois
14.16 129
2 Rois
17.14 63
17.22 122
2 Chroniques
12.14 72
19.5-9 220n
36.12 63
Esdras
4.1-5 128
Néhémie
4.2 128
13.15-22 38
Job
8.3 226
25.4 146
Psaumes
24.1 192
49.7-9 79
51.12 73
55.17,18 215
78.2 28
78.2-4 237
98.9 227
104.24 192
121.4 37n
126.5,6 60
129.6 65
129.7 65
Proverbes
1.7 64
3.9 194
4.23 153
17.15 144
18.2 64
21.13 124
25.15 122
27.24 190
Ecclésiaste
4.8 37
5.18,19 69
Ésaïe
1.17 221
9.6 85
40.28 37n
42.1-4 41
53 145
53.7 96
55.1 79
55.6 87
55.11 60
58.13 36
64.5 78,156,200
66.24 204
Jérémie
4.3 72
17.9 153
17.21-27 38
19.15 63
31.33 73
Ézéchiel
17.2 28
18.20 157
20.49 28
24.3 28
36.25-27 73
Osée
2.10 69
11.4 87
Michée
6.8 124
Nahum
1.3 144
Aggée
2.8 192
Malachie
2.16 201
Matthieu
3.7,8 137
4.23-25 44
5 163
5.3 77,78,226
5.20 143,160,199
5.21,22 144
5.27,28 144
5.29,30 24
5.43 120
5.44 121,125
5.48 78,133,143
6.5 152
6.10 77
6.19-21 180,191
6.22 24
6.24,33 179
6.28,29 24
7.3-5 24
7.6 84
7.7,8 84
7.7-11 215
7.13,14 198
7.21-23 198
7.23 172
7.24-27 24
8.12 167,207
8.28-34 48
10 164
10.16 179,190
10.37-39 92
11.11 77
11.25,26 24
11.28 37n
12 39
12.1,2 39
12.8 40
12.10 40
12.14 41,44
12.15,16 41
12.18-21 41
12.22 43
12.22-37 42
12.23 45
12.24 45
12.25 199
12.30 178
12.31 45,46
12.32 45,47
12.33 67
12.33-37 200
12.34,37 47
12.38-40 212
13 164,236
13.1,2 51
13.3 48
13.8 55
13.10-15 22
13.11 35,229
13.15 235
13.16 236
13.16,17 59
13.18-23 235
13.22 68
13.23 70,71
13.24-30 61
13.33 15,239
13.34,35 48,237
13.37 60
13.38 230
13.41 77
13.44 80,88
13.44-46 80,180
13.45,46 83
13.52 239
15.14 24n
15.15 27
15.19,20 199
16.6,11,12 198
16.24 88,92
16.28 77
18 164
18.13 31
18.23 206
19 104
19.16 107,146
19.20 108,146
19.21 189
19.22 70
19.22,25-27 108
19.23,24 180
19.24 77,78
19.27 108
19.28,29 109
19.30 104
20.1-15 98
20.2 103
20.4 101
20.7 102
20.8 102,105
20.13-15 103
20.15 99
20.16 104
20.20,21 110
21.22 216
21.31,32 151
21.33 206
22.13 167,207
22.29,30 177
22.37-40 108
23.3 139
23.4 36
23.5 139
23.13-15,23,25,27,29 198
23.23 140,199
23.24 141
23.25-28 199
23.27,28 141
23.32 199
24 – 25 164,224
24.3 164
24.6,7 165
24.29 165
24.32 – 25.30 236
24.36 224
24.42 165,168
24.44 178
24.45-51 166,187
24.48 167
24.50,51 186
24.51 177
13 164,170
25.10,12 172
25.13 165
25.14-30 174,187
25.15 175
25.16,17 175
25.18 81
25.18,19 176
25.21,24 176
25.24,25 177
25.30 177,207
25.35-40 189
25.46 204,205
27.38 96
27.44 96
28.11 214
28.12-14 214
paraboles dans, 31
Marc
2.17 43,112,147
2.19,20 30n
2.21,22 30n
2.23 – 3.5 42
2.27 39
3.10,11 43
3.22 44
3.27 30n
4.8 55
4.10 57
4.10-12 230
4.11 77
4.13 235
4.19 68
4.20 71
4.21 30n
4.26-29 30
4.33,34 16,25,48
4.35 48
5.1 48
7.17 28
7.21-23 153
9.35 105
9.43-48 197
9.48 204
9.50 30n
10.23 77
10.24 78,179
10.43,44 105
11.25 152
12.37 40
13.32-37 163
13.35 178
14.21 96
paraboles dans, 30n
Luc
2.52 224
3.7,8 137
4.13-27 25
4.14 47
4.23 28
4.31-37 25
6.1-11 42
6.5 37n
6.6 40,42
6.10,11 46
6.20 77
6.38 191
6.39 24
7.28 77
7.34 151
7.39 149
7.41 206
8.4 51
8.5-8 52
8.8 51,56
8.9,10 57
8.10 58
8.11 230
8.11-15 60
8.12 61,63,64
8.13 65,66
8.14 68,70
8.15 61,70
8.18 49,57,59
9.1 25
9.23 75
9.57-62 91
10.7 102
10.10-12 116
10.13-16 116
10.23,24 32
10.24,25 128
10.25 117,132,146
10.26 118
10.27 118,133
10.28 119,133
10.29 120,146
10.30 123
10.30-37 115-136
10.31 123,124,206
10.33 127,129,130
10.34 32
11.2 225
11.42 140
12 31
12.1 198
12.16-21 180
12.34 192
12.35-37,44 177
12.48 22
13.6 206
13.19 239
13.24-28 172
13.28 167
13.29 209
13.30 105
14.16 206
14.28 92
14.28-30 173
15 217,240
15.2 149
15.4-7 230
15.4 – 16.13 236
15.6 31
15.7 67,240
15.11 206
15.11,32 240
15.16 32
15.17-19 222
16 180-195
16.1 182,183
16.1-8 181
16.2-4 184
16.6 186
16.6,7 183
16.8 181,187,188
16.9 189,190,194
16.10 191
16.10-12 194
16.11,12 193
16.13 69,194,200
16.14 195,200
16.15 120,200
16.16-18 200
16.18 201
16.19 207,208
16.19-31 202
16.20 206
16.22,23 209
16.26 207
16.29 211
16.31 212
17 217,223
17.20 86
17.20,21 76
17.22 216
17.22-37 217
17.26 217
17.37 217,223
18.1 217
18.1-8 216
18.2 218
18.2,4,6 219
18.3 221
18.4 221,222
18.4,5 222
18.7,8 225
18.8 226,227
18.9 120
18.9-14 141,142
18.11 152
18.11,12 154
18.13 152,155
18.14 146,158,159
19.11-27 174
19.12-27 180
19.17-19 177
20.9 206
20.9-16 180
20.47 199
21.36 223
22.24 110
22.29,30 177
23.11 150
23.19 96
23.41 96
23.43 107
23.48 153
24.44 211
28.23 211
16.1-8 180,181
paraboles dans 31
Jean
1.10,11 87
1.29,30 137
3 117
3.3 86
3.16 117
3.18 45,167
3.19 65
3.36 135
4.1-3 138
4.14 117
4.20 129
5.19 47
5.22 47
5.24 46,118
5.30 47
6.15 45
6.44 87
7.47-49 149
8.28 47
8.31 66,71
8.44 64
8.48 129
9 89
9.4 111
9.34 149
10.27,28 135
10.39,40 99
11.25,26 117
11.26 135
11.43,44 213
11.45,46 213
11.46-53 138
11.47,48 46
11.47-53 213
11.48 40
12.5 97
12.6 70
12.9 46
12.10 213
12.26 177
12.36 188
12.46-48 214
13.4-17 110
13.29 95
14.2 110
15.2 72
15.11 88
15.26 47
16.8 72
16.14,15 47
16.24 88
16.30 224
18.36 76
19.30 79
21.17 224
absence de paraboles dans 30
sermons publics dans 25
Actes
1.6 109
4.12 238
4.16 46
7.51 63
7.58 – 8.1 138
8 89
10 89
10.34 111
10.36 238
10.38 47
15.14 226
16.30 146
17 89
23.6 138
23.8 140
26.10 138
Romains
1.13 71
1.16 214
2.28,29 88
3.11 87
3.20 119
3.25 145
3.26 98,143,147
4.1-12 144
4.5 98,147
4.6 147
5.1 158
5.5 73
5.6-8 134
5.10 134
6.23 97,157
8.7 86
8.7,8 72
8.11 72
8.17 110,167
9.4 208
9.6 87
9.14 95,98
9.15 98
9.18 98
10.3,4 147
10.17 212
13.11 169
14.5 37n
14.17 88
15.13 88
16.26 205
1 Corinthiens
1.26 226
1.26-31 112
2.7,8 26
2.9,10 26
2.10 72
2.11,14 86
3.8 176
3.15 111
4.7 192
7.29,31 169
7.31 190
9.27 222
10.31 193
12.13 91
15 18
15.58 227
16.22 88,227
2 Corinthiens
2.11 64
3.3 73
4.1,16 225
4.4 87
4.18 193
5.8 107
5.11 206
5.21 79,145
7.10 156
11.14,15 64
Galates
2.16 119
3.9 144
3.28 111
5.14 115
5.22,23 71
6.9 225
Éphésiens
1.7 106
2.2 126
2.8,9 79,161
2.10 72
3.5 57
3.13 225
3.20 112
5.5 77
5.6 126
5.8 188
6.19 57
Philippiens
1.11 71
2.13 112
3.5,6 138
3.7,8 85
3.8 89
3.20 76,188
4.4 88
4.5 168
Colossiens
1.23 66
2.8 241
2.16 37n
3.1 193
3.2 188
3.6 126
4.3 57
1 Thessaloniciens
1.10 227
5.5 188
2 Thessaloniciens
1.9 207
3.13 225
1 Timothée
1.15 78,155
3.16 58
5.18 102
6.7 193
6.9,10 69
6.10 78
6.10,11 180
6.17 70
2 Timothée
2.12 167
Tite
2.12,13 168
3.4-7 137
Hébreux
3.14 66
4.4-11 36
4.10,11 37n
4.15 224
5.2 124
7.25 113,136
7.26 134
9.9 28
9.22 158
10.14 79
10.37 168
11.19 28
13.15 71
Jacques
1.8 68
1.17 113
1.18-21 60
1.24 136
1.27 130
2.10 78,144,201
2.13 124
4.4 69
4.6 161
5.7,8 227
5.8,9 168
5.16 215
1 Pierre
1.4 85
1.10-12 59
1.18,19 79
1.23 212
1.23-25 60
4.7 169,190
5.5 161
5.10 205
2 Pierre
2.17 207
3.3,4 167
3.8 224
3.8,9 226
3.8-10 169
3.10 191
3.18 92
1 Jean
1.4 88
1.9 45,97,143
2.15 69
2.17 189
2.19 67
5.6 47
5.14,15 216
Jude
13 207
Apocalypse
3.11 168
3.17 112
3.21 167
4.10,11 204
6.10 227
7.9 226
11.15 77
14.10,11 204
19.15 223
19.21 223
20.1-7 77
20.6 167
21.1-8 41
22.7 168
22.11 211
22.12,20 168
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