Vous êtes sur la page 1sur 244

Témoignages

« Une étude instructive et utile pour tous ceux qui aspirent à sonder la
signification d’une douzaine des précieuses illustrations de notre Sauveur.
L’exposé du Dr MacArthur sur la justification par la foi seule, à partir de la
parabole du percepteur d’impôts et du pharisien, est remarquable. »
– Dr Joël R. Beeke, président du Puritan Reformed Theological Seminary, Grand Rapids,
Michigan

« Dans ce nouvel ouvrage, le Dr John MacArthur réoriente tout ce que vous


pensiez savoir sur les paraboles en expliquant leur signification et leur
pertinence pour la vie des croyants. En commentant ces récits profonds et
dynamiques pour ceux qui se trouvent à l’intérieur du royaume de Christ,
MacArthur déclare que les paraboles ne font pas connaître la vérité à ceux
qui sont en dehors du royaume, mais elles la leur voilent. Paraboles est un
livre fascinant et stimulant par sa façon de déchirer l’épais nuage
d’incompréhension exégétique concernant la pédagogie illustrative de
Jésus. John MacArthur fait œuvre de sentinelle sur les remparts, et nous
oriente vers Christ, l’abri protecteur à l’intérieur des murailles de la vérité.
»
– Steven J. Lawson, président de OnePassion Ministries et professeur d’homilétique, The
Master’s Seminary

« Après plus de 40 ans de ministère pastoral fidèle, John MacArthur s’est


révélé être un guide sûr à travers l’Écriture et un commentateur averti de la
Parole de Dieu. Ce nouvel ouvrage, Paraboles : les mystères du royaume de
Dieu révélés à travers les histoires racontées par Jésus, est une riche
présentation biblique, théologique et méditative des paraboles du Seigneur.
»
– R. Albert Mohler, fils, président du Southern Baptist Theological Seminary
« Dans cette génération, nul n’a présenté mieux que John MacArthur une
apologie héroïque et solide de l’autorité et de l’inspiration de l’Écriture. Je
considère cet érudit comme l’un des meilleurs commentateurs bibliques de
notre temps. Peu ont accordé autant de soin et d’attention à l’interprétation
et à l’application des paroles de Jésus dans les évangiles. Je recommande
chaleureusement Paraboles. Il s’agit d’une œuvre maîtresse qui nous vient
d’un pasteur aimé et chevronné. »
– Dr R. C. Sproul, fondateur et président de Ligonier Ministries
PARABOLES
Les mystères du royaume de Dieu révélés à travers les
histoires racontées par Jésus

JOHN MACARTHUR
À Marshall Brackin, un ami loyal qui incarne l’exhortation de Paul dans 1
Corinthiens 16.13,14 : « Veillez, demeurez fermes dans la foi, soyez des
hommes, fortifiez-vous. Que tout ce que vous faites se fasse avec amour ! »
Table des matières

Remerciements

Introduction
Une mauvaise compréhension des paraboles
Pourquoi des paraboles ?
Quelques définitions et détails

1. Une journée sinistre en Galilée


Les pharisiens et le sabbat
Le conflit de Jésus avec l’élite religieuse
Une guérison et une délivrance miraculeuses
Le péché impardonnable
La journée charnière se poursuit

2. Une leçon sur l’accueil de la Parole


Une histoire étonnamment simple
Quelques points subtils à noter
Prenez garde à la manière dont vous écoutez
L’explication

3. Une leçon sur le coût du discipulat


Qu’est-ce que le royaume ?
L’entrée dans le royaume est-elle gratuite ou payante ?
Le trésor caché
La perle de grand prix
Six vérités vitales à propos du royaume

4. Une leçon sur la justice et la grâce


La parabole
Le proverbe
La leçon
Le but
Les principes

5. Une leçon sur l’amour du prochain


Une question piège
Un cœur endurci
Une réponse douce avec une leçon inoubliable
Le chemin dangereux et l’agression
Le sacrificateur et le Lévite
Juifs et Samaritains
La manière d’aimer du Samaritain
Un amour illimité

6. Une leçon sur la justification par la foi


Deux hommes au temple
Le problème des pécheurs
Justifié !
Analyse de la parabole
Les contrastes
Les ressemblances
La principale différence
En règle avec Dieu
Un bref épilogue

7. Une leçon sur la fidélité


L’histoire des deux serviteurs
Les dix vierges
Les talents
Qu’est-ce qui unit ces paraboles ?

8. Une leçon sur la prudence du serpent


L’histoire
L’horreur
L’explication
9. Une leçon sur le ciel et l’enfer
Jésus et les pharisiens
Le contexte de cette parabole
Éprouver la crainte du Seigneur
Les personnages
La supplication de l’homme riche et la réponse d’Abraham
Même si un homme ressuscitait d’entre les morts

10. Une leçon sur la persévérance dans la prière


Le juge
Le dilemme de la femme
Le tournant
La signification
Appendice
Les histoires comme supports efficaces de la vérité
La richesse de la vérité dans les paraboles de Jésus
Narrations et propositions
Notes

Index des sujets

Index des références bibliques

À propos de l’auteur
Remerciements

Le ministère pastoral exercé dans la même église pendant près de cinquante


ans s’accompagne d’une récompense particulièrement appréciée : l’amitié
et l’amour loyaux de l’assemblée et de ses fidèles bergers. Aucun d’entre
eux ne m’a été plus précieux que Phil Jonhson pour le rayonnement de ma
prédication. Il a servi fidèlement à mes côtés pendant plus de trente ans et
m’a fait bénéficier ainsi qu’à Grace Church de son partenariat et de son
leadership de milliers de façons différentes. En outre, il a édité la plupart de
mes livres majeurs, à commencer par le matériau des sermons oraux, les
adaptant à la prose écrite et me laissant mettre quelques touches finales.
Seule l’éternité révélera l’impact de son travail pour faire connaître la
vérité.
Introduction

Pourquoi Jésus a-t-il enseigné en utilisant des paraboles, et


comment les interpréter correctement ?

Les paraboles de Jésus étaient des scènes ingénieusement simples de la vie


courante destinées à illuminer de profondes leçons spirituelles. Ses
enseignements regorgeaient de ces histoires quotidiennes. Certaines
paraboles n’étaient que de brèves remarques à propos d’incidents, d’objets
ou d’individus familiers. D’ailleurs, le plus condensé des brefs récits de
Jésus ne remplit même pas un verset complet de l’Écriture. Il se trouve dans
Matthieu 13.33 : « Le royaume des cieux est semblable à du levain qu’une
femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la
pâte soit levée. » Dans l’original grec, cette parabole ne compte que dix-
neuf mots. C’est la plus ordinaire des anecdotes décrivant la plus ordinaire
des activités rapportées dans le minimum de mots. Mais elle contient une
profonde leçon sur les mystères du royaume de Dieu. Comme toutes les
paraboles de Jésus, elle a captivé ses auditeurs et a nourri l’intérêt des
étudiants de la Bible depuis deux mille ans.
Jésus était passé maître dans l’art de raconter des histoires. Il n’existait
pas un truisme trop familier ou une doctrine trop compliquée auxquels il
n’aurait pas pu conférer une profondeur et une richesse nouvelles par une
histoire toute simple. Ces récits illustrent parfaitement la profondeur claire
et puissante de son message et le style de son enseignement.

Une mauvaise compréhension des paraboles


Malgré la popularité des paraboles, la méthode que Jésus utilise et la
signification que revêtent ces paraboles sont souvent mal comprises et mal
exposées même par des savants bibliques et des spécialistes des genres
littéraires.
Beaucoup estiment, par exemple, que Jésus a parlé en paraboles pour
une seule raison : rendre son enseignement aussi simple, accessible et
agréable que possible. Après tout, les paraboles contiennent beaucoup de
caractéristiques familières – des scènes facilement reconnaissables, des
métaphores agricoles et pastorales, des objets domestiques, et des gens
ordinaires. Ce genre narratif devait permettre à son auditoire provincial de
s’identifier aux personnages des récits et d’en comprendre la portée. C’était
sans conteste une méthode didactique lumineuse, capable de dévoiler des
mystères éternels à des esprits simples. Les paraboles de Jésus montrent à
coup sûr que même les histoires et les illustrations les plus simples peuvent
être des outils efficaces pour enseigner les vérités les plus sublimes.
Pour d’autres, la manière dont Jésus se sert des paraboles prouve que la
narration est une meilleure méthode que le discours didactique ou le sermon
exhortatif pour enseigner les vérités spirituelles. Ils déclarent que les
histoires « sont plus percutantes que les sermons. Vous voulez faire une
remarque pertinente ou soulever une question ? Racontez une histoire. Jésus
l’a fait1 ».
Certains vont encore plus loin. Ils soutiennent que la forme habituelle
du discours dans l’Église devrait toujours être narrative, et non exhortative
ou didactique. Ils s’appuient sur Marc 4.33,34 qui décrit le style
d’enseignement de Jésus dans la dernière partie de son ministère galiléen : «
C’est par beaucoup de paraboles de ce genre qu’il leur annonçait la parole,
selon qu’ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur parlait point sans
parabole. » C’est pourquoi, continuent-ils, la narration devrait être la
méthode préférée de tout pasteur, et même le seul style de prédication à
utiliser. Pour reprendre les mots d’un de ces auteurs :
Un sermon n’a rien d’une conférence doctrinale. C’est un événement situé dans le temps, une forme
narrative plus proche d’une pièce de théâtre ou d’un roman que d’un livre. C’est pourquoi nous ne
sommes pas des génies scientifiques, mais des artistes professionnels de la narration.

Ne trouvez-vous pas étrange que dans notre discours et dans notre formation homilétique nous
mentionnons rarement le lien entre notre travail et celui du dramaturge, du romancier ou de
l’adaptateur pour la télévision ? […] Je suggère que nous commencions par considérer le sermon
comme une intrigue homilétique, une forme narrative artistique, une histoire sacrée2.

C’est d’ailleurs ce genre de prédication qui prédomine dans bon nombre


d’églises et de méga-églises (églises comptant des milliers de membres)
évangéliques. Dans certains cas, la chaire a même complètement disparu
pour laisser place à une scène et un écran. Les principaux responsables du
comité ont pour tâche primordiale de diriger l’équipe de théâtre ou l’équipe
de tournage du film. La présentation de la vérité sous forme de propositions
est passée de mode. Ce qui est désormais en vogue, c’est de raconter des
histoires – ou de les mettre en scène – pour encourager le public à se situer
dans le récit. On prétend que les auditeurs accueillent plus facilement les
histoires, car elles sont plus parlantes, plus raffinées que les faits bruts des
énoncés clairs de la vérité.
Cette nouvelle perspective de la prédication gagne en popularité depuis
trois ou quatre décennies, de même que d’autres stratégies pragmatiques sur
la croissance de l’Église (une tendance que je combats ailleurs3). Voici la
publicité d’un éditeur religieux à propos d’un livre important qui traite de la
révolution apparue à la fin du XXe siècle dans la philosophie de la
prédication et du ministère : « La prédication est en crise. Pourquoi ? Parce
que l’approche traditionnelle et conceptuelle ne réussit plus. […] Elle ne
parvient plus à capter l’attention des auditeurs4. » Le livre lui-même
contient ce jugement : « L’ancienne approche fondée sur la prédication par
thèmes ou par concepts est gravement malade, peut-être même en phase
terminale5. »
D’innombrables ouvrages récents sur la prédication font écho à ce
jugement ou à des opinions semblables. Le remède ? On nous rabâche sans
cesse que les prédicateurs doivent se considérer comme des narrateurs, non
comme des enseignants de doctrine. En voici un exemple typique :
Contrairement à ce que certains veulent nous faire croire, c’est l’histoire et non la doctrine qui
est le principal ingrédient de la Bible. Nous n’avons pas une doctrine de la création ; nous
avons plutôt des récits de la création. Nous n’avons pas un concept de la résurrection, mais les
sublimes récits de Pâques. Il y a, dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau,
relativement peu de matière qui ne repose pas sur une narration ou un récit, sous une forme ou
une autre6.

Des affirmations comme celles-ci sont dangereusement trompeuses.


C’est pure aberration d’opposer histoire et doctrine, comme si elles étaient
antagonistes, ou (pire encore) de dresser la forme narrative contre la forme
propositionnelle, comme si elles étaient mutuellement exclusives*. L’idée
qu’on ne peut établir « une doctrine de la création » ou « un concept de la
résurrection » à partir d’une narration est tout simplement et manifestement
erronée. Il est franchement erroné également de prétendre que « nous
n’avons pas un concept de la résurrection » qui est enseigné dans les
Écritures en dehors des récits narratifs. Prenons l’exemple de 1 Corinthiens
15. Ce long chapitre qui est consacré à la défense systématique,
pédagogique et polémique de la doctrine de la résurrection corporelle est
rempli d’exhortations, de preuves, de syllogismes et d’une abondance de
déclarations propositionnelles.
Par ailleurs, il existe une différence limpide et de taille entre une
parabole (une histoire imaginée par Jésus pour illustrer un précepte, une
proposition ou un principe) et une histoire (une chronique d’événements qui
se sont vraiment produits). La parabole aide à expliquer une vérité ;
l’histoire livre un récit factuel de ce qui s’est passé. Même si les récits
historiques sont racontés sous une forme narrative, ils ne sont pas une
fiction destinée à illustrer, mais le compte rendu de la réalité. L’un des
principaux moyens de la préservation et de la transmission jusqu’à nous des
propositions essentielles de la vérité chrétienne a été leur inclusion dans le
récit infaillible de l’histoire biblique. C’est sur ce même principe que Paul
fonde son raisonnement relatif à la vérité de la résurrection corporelle dans
1 Corinthiens 15.
Son apologie de cette doctrine commence par le rappel de faits
historiques largement confirmés par de nombreux témoins oculaires.
D’ailleurs, les doctrines qualifiées de « première importance » (v. 3 ;
Semeur), sont toutes des faits narratifs fondamentaux de la dernière semaine
pascale : « […] Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; il a été
enseveli, et il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures » (v. 3,4).
Dire que les histoires sont toujours meilleures et plus utiles que les
affirmations de la vérité abstraite procède d’une idée postmoderne bien
défraîchie. Différencier les histoires des propositions de manière aussi
catégorique et les opposer (comme s’il était possible de raconter des
histoires autrement que par des propositions) est pur non-sens – un vrai tour
de passe-passe. Ce charabia intellectuel est un outil typique de la
déconstruction du langage. Le véritable objectif d’un tel exercice est de
rendre la signification confuse, d’éliminer les certitudes et de rejeter le
dogme**.
Mais le mauvais traitement flagrant que des commentateurs modernes
infligent aux paraboles de Jésus va parfois encore plus loin. Selon une
conception encore plus radicale qui gagne rapidement en popularité à notre
époque postmoderne, les histoires, en raison de leur nature même, n’ont pas
de signification précise ou objective ; elles dépendent entièrement de
l’interprétation de l’auditeur. Dans cette façon de penser, l’usage que Jésus
fait des paraboles vise à répudier les propositions et le dogme au profit du
mystère et de la conversation. Un commentateur déclare : « Il est dans la
nature de la narration de se prêter à l’imagination de l’auditeur et de devenir
ce que celui-ci décide – en ignorant délibérément l’intention de l’auteur.
Les narrations sont fondamentalement polyvalentes et se prêtent donc à une
vaste palette d’interprétations7. »
Ce même auteur cite les interprétations divergentes de commentateurs
des paraboles de Jésus et déclare cyniquement : « Les paraboles disent ce
que les interprètes et les auditeurs veulent leur faire dire – sans tenir compte
de l’intention de Jésus […]. Nous ignorons tout simplement comment Jésus
a utilisé les paraboles et nous n’avons aucun espoir de découvrir un jour son
intention8. »
Ce n’est pas tout :
Les interprètes des paraboles ne disent pas aux lecteurs ce que Jésus avait à l’esprit en les
racontant ; ils ne le savent pas et ne peuvent pas le savoir. Ils décrivent ce que selon eux Jésus
pensait – ce qui est tout à fait différent. Le face à face avec une parabole suggère une
explication au lecteur, et les réponses dépendent autant de ce que le lecteur contribue à la
parabole que de ce que la parabole elle-même dit – et peut-être davantage. Si l’interprète avait
été présent dans l’auditoire lorsque Jésus a raconté la parabole, sa situation n’aurait pas été
différente. Mon interprète moderne hypothétique, que je viens de ramener aux pieds de Jésus,
aurait dû chercher le sens de la parabole comme l’interprète contemporain. Et dans l’auditoire
de Jésus, comme aujourd’hui, d’autres personnes auraient trouvé des réponses différentes. De
ce point de vue, l’interprétation des paraboles est identique aujourd’hui à ce qu’elle aurait été
au premier siècle. Il n’y a donc jamais eu d’interprétations « exactes » des paraboles de Jésus.
Par « exactes », j’entends des interprétations qui saisissent parfaitement l’intention de Jésus.
Compte tenu de la nature de la narration, aucune explication ne peut annuler les autres9.

Pourquoi une personne adepte de cette idée s’efforcerait-elle d’écrire un


livre sur les paraboles ? C’est un mystère pour moi. Pour un individu qui
rejette le fait que la parabole illustre une vérité propositionnelle, la parabole
reste évidemment une énigme ! Le problème n’est pas l’absence de vraie
signification de la parabole, mais l’incrédulité profonde de celui qui rejette
a priori la vérité que Jésus voulait illustrer.
L’idée que cet auteur prône est une version extrême de la théorie de la
critique du lecteur, un autre outil privilégié du langage postmoderne de
déconstruction. L’idée sous-jacente est la suivante : c’est le destinataire et
non l’auteur qui confère un sens à un texte ou à une narration. C’est une
épée à double tranchant. Si on applique ce principe à l’herméneutique, il
dénonce l’incompréhensibilité de la prose du commentateur. En fin de
compte, c’est simplement une autre expression du programme postmoderne
qui, inspiré par le rejet opiniâtre de l’autorité et de l’inerrance biblique, est
de rendre le sens du texte plus trouble au lieu de le clarifier.

Pourquoi des paraboles ?

Toutes les conceptions précédentes sont erronées, et elles le sont


dangereusement parce qu’elles ne prennent en compte qu’un aspect de la
vérité. Considérons par exemple l’idée largement répandue que la seule
raison pour laquelle Jésus a parlé en paraboles était de rendre des vérités
ardues aussi limpides, familières et faciles que possible à saisir. Lorsqu’il a
expliqué pourquoi il parlait en paraboles, il a en fait indiqué une raison
contraire :
Les disciples s’approchèrent, et lui dirent : Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? Jésus leur répondit
: Parce qu’il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux, et que cela ne leur a
pas été donné. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on
ôtera même ce qu’il a. C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce qu’en voyant ils ne voient
point, et qu’en entendant ils n’entendent ni ne comprennent. Et pour eux s’accomplit cette prophétie
d’Ésaïe [6.9,10] :

Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point ;


Vous regarderez de vos yeux, et vous ne verrez point.
Car le cœur de ce peuple est devenu insensible ;
Ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux,
De peur qu’ils ne voient de leurs yeux, qu’ils n’entendent de leurs oreilles,
Qu’ils ne comprennent de leur cœur,
Qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse (Mt 13.10-15).

Si les paraboles illustrent et clarifient la vérité pour ceux qui ont des
oreilles pour entendre, elles ont un effet opposé pour ceux qui s’opposent à
Christ et le rejettent. Le symbolisme cache la vérité pour ceux qui ne
s’astreignent pas à la discipline et n’ont pas le désir de découvrir la pensée
de Christ. Voilà pourquoi Jésus adopte ce style d’enseignement. C’est un
jugement divin contre ceux qui font preuve de dédain, d’incrédulité ou
d’apathie à l’égard de son enseignement. Au premier chapitre, nous
approfondirons cette idée, et nous examinerons les raisons pour lesquelles
Jésus a commencé à parler en paraboles.
Cela ne veut pas dire que les paraboles sont simplement un reflet de la
sévérité avec laquelle Dieu condamne l’incrédulité ; elles sont également
une expression de sa miséricorde. Notez bien comment Jésus (qui cite la
prophétie d’Ésaïe) décrit les incrédules parmi ceux qui le suivent. Ils se sont
bouché leurs oreilles et ont fermé leurs yeux, de peur « qu’ils ne
comprennent de leur cœur, qu’ils ne se convertissent, et que je ne les
guérisse » (v. 15). Leur incrédulité est obstinée, délibérée et volontairement
irrévocable. Plus ils entendent Christ, plus ils ont de comptes à rendre à la
vérité. Plus ils endurcissent leurs cœurs à la vérité, plus le jugement qui les
frappera sera sévère, car « on exigera davantage de celui à qui l’on a
beaucoup confié » (Lu 12.48). Par conséquent, en leur voilant les vérités
spirituelles dans les histoires et symboles de la vie quotidienne, Jésus les
préserve d’amasser sur leurs têtes culpabilité sur culpabilité.
Ce style d’enseignement comportait certainement d’autres avantages
charitables. Comme toute bonne illustration, les paraboles devaient susciter
l’intérêt et augmenter l’attention des personnes qui n’étaient pas forcément
hostiles à la vérité, mais n’étaient simplement pas capables de saisir la
doctrine exposée dans un style direct et dogmatique, et n’avaient aucune
attirance pour cette forme de communication. Les paraboles avaient
certainement pour effet d’éveiller l’attention de beaucoup de personnes
frappées par la simplicité des paraboles de Jésus et qui, de ce fait, désiraient
ardemment découvrir les significations sous-jacentes.
Pour d’autres, y compris certainement ceux dont le premier contact avec
la vérité avait entraîné du scepticisme, de l’indifférence, voire même du
rejet, le côté pittoresque et imagé des paraboles a permis que la vérité reste
enfouie dans la mémoire et qu’elle germe ultérieurement sous la forme de la
foi et de la compréhension.
Richard Trench, un évêque anglican du XIXe siècle, a écrit l’un des
ouvrages les plus lus sur les paraboles de Jésus. Il souligne la valeur
mnémotechnique de ces histoires :
Si notre Seigneur avait exprimé explicitement la vérité spirituelle, combien de ses paroles
seraient restées extérieures au cœur et à la mémoire de ses auditeurs, sans laisser de trace, en
partie par manque d’intérêt, en partie par manque de compréhension. Mais communiquées
sous la forme d’images vivantes, de propositions brèves et parfois d’apparence paradoxale, de
récits concis mais captivants, elles ont attiré l’attention et incité à creuser davantage. Si au
moment même, au moyen de l’illustration utilisée, la vérité ne s’est pas imposée à l’esprit, les
paroles, elles, se sont souvent gravées dans la mémoire qui les a ainsi sauvegardées10.

Jésus avait donc des raisons nombreuses, bonnes et pleines de grâce, de


présenter la vérité sous forme de paraboles compte tenu de l’incrédulité
répandue, de l’apathie et de l’opposition à son ministère (voir Mt 13.58 ;
17.17).
Expliquées, les paraboles sont des illustrations lumineuses des vérités
essentielles. Et Jésus a largement expliqué ses paraboles aux disciples.
Pour ceux qui étaient inflexibles dans leur refus d’entendre, les
paraboles non expliquées demeuraient des énigmes dénuées de signification
claire, si bien qu’elles rendaient les enseignements de Jésus encore plus
obscurs à leurs cœurs déjà engourdis. C’est pourquoi, lorsqu’il enseignait
en public, Jésus exprimait, par la forme de son discours, le jugement
immédiat qu’il portait sur leur incrédulité.
En résumé, les paraboles de Jésus poursuivaient clairement deux buts :
elles cachaient la vérité aux personnes imbues de leur propre justice ou
satisfaites d’elles-mêmes qui se considéraient comme bien trop érudites
pour apprendre de lui, et les mêmes paraboles révélaient la vérité à celles
qui avaient une foi d’enfant, qui avaient faim et soif de justice. Jésus
remercia son Père pour les deux résultats des paraboles : « Je te loue, Père,
Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et
aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te
loue de ce que tu l’as voulu ainsi » (Mt 11.25,26).
Il convient de dissiper encore un autre malentendu : le Seigneur n’a pas
toujours parlé en paraboles. La majeure partie du sermon sur la montagne
est une exhortation directe que rejettent certains des partisans
contemporains de l’homilétique à la mode. Même si Jésus conclut ce
sermon par une brève parabole (le bâtisseur avisé et le bâtisseur insensé,
Matthieu 7.24-27), le contenu du message qui débute par les béatitudes est
délivré sous forme de propositions, de commandements, de raisonnements
polémiques, d’exhortations et de paroles d’avertissement. L’ensemble
comprend plusieurs tableaux pittoresques : un tribunal et une prison (5.25) ;
l’amputation d’un œil ou d’une main coupables de faire tomber dans le
péché (5.29,30) ; l’œil comme lampe du corps (6.22) ; la beauté des lis des
champs qui surpasse Salomon dans toute sa gloire (6.28,29) ; la paille et la
poutre dans l’œil (7.3-5), et ainsi de suite. Ces illustrations ne sont
cependant pas des paraboles. En fait, sur les 107 versets que compte le
sermon sur la montagne rapporté par Matthieu, seuls les 4 proches de la fin
pourraient être considérés comme une parabole.
Luc inclut une parole qui ne figure pas dans le récit parallèle de
Matthieu, et Luc la qualifie de parabole : « Un aveugle peut-il conduire un
aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous deux dans une fosse ? » (Lu 6.39)***.
Ce n’est visiblement pas une parabole narrative classique. C’est plutôt une
maxime présentée sous forme de question. Luc la considère comme une
parabole, probablement parce qu’elle s’appuie sur une illustration qui
pourrait facilement être insérée dans une histoire. Mais même en admettant
que le sermon sur la montagne contienne deux paraboles, il n’en demeure
pas moins que le plus connu des discours publics de Jésus n’a rien d’un
discours narratif. C’est un sermon classique avec ses ingrédients de
doctrine, de reproches, de correction et d’instruction en matière de justice
(voir 2 Ti 3.16). Ce n’est pas une histoire ni un chapelet d’anecdotes. Les
quelques images éparses dans le sermon illustrent le contenu du sermon.
Ailleurs, Jésus prêche et exhorte les foules sans faire le moins du monde
usage du style narratif. Certains des sermons publics les plus détaillés de
Jésus se trouvent dans les discours que rapporte l’Évangile selon Jean, et
aucun n’inclut la moindre parabole. Aucune parabole ne figure dans le récit
de la prédication de Jésus dans les synagogues de Nazareth (Lu 4.13-27) ou
de Capernaüm (v. 31-37). Il est donc inexact d’affirmer qu’il se servait de la
prédication narrative plus que de toutes les autres formes, et totalement faux
de prétendre qu’il parlait toujours en paraboles.
Comment alors interpréter la déclaration dans Marc 4.33,34 : « Il ne
leur parlait point sans parabole. » Elle décrit la façon dont Jésus enseignait
en public durant la dernière année approximative de son ministère public.
Elle indique un changement intentionnel dans le style pédagogique qui s’est
opéré lors de la phase finale du ministère galiléen de Jésus. Comme nous
l’avons signalé plus haut, nous examinerons au début du chapitre 1 les
événements qui ont incité Jésus à adopter ce style oratoire qui marque un
changement soudain et frappant, et une réaction à la dureté de cœur, à
l’incrédulité délibérée et au rejet.
Il est donc vrai que les paraboles aident à illustrer et à faire comprendre
la vérité aux gens simples qui écoutent avec un cœur bien disposé. Mais il
est non moins vrai qu’elles voilent la vérité aux auditeurs rebelles et
incrédules en enveloppant soigneusement les mystères du royaume de
Christ dans des symboles familiers et des histoires simples. Et ce n’est pas
l’effet du hasard. De son propre aveu, la principale raison pour laquelle
Jésus a soudain adopté le style parabolique était davantage de cacher la
vérité aux incrédules aux cœurs endurcis que de l’expliquer à des disciples
qui avaient de la difficulté à comprendre. Jésus avait donc bien la ferme
intention de « [publier] des choses cachées » ; ses paraboles poursuivent les
deux mêmes buts aujourd’hui. Si on a l’impression que les histoires
racontées par Jésus peuvent donner lieu à des interprétations sans fin et
sont, de ce fait, dénuées de toute signification objective perceptible, c’est
parce que leur véritable compréhension nécessite la foi, le zèle, une exégèse
minutieuse et un désir sincère d’entendre ce que Christ dit.
Il importe de savoir que tous les incroyants sont dépourvus de cette
capacité. Les paraboles de Jésus prêchent « la sagesse de Dieu, mystérieuse
et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait prédestinée pour notre gloire,
sagesse qu’aucun des chefs de ce siècle n’a connue, car, s’ils l’avaient
connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire » (1 Co 2.7,8).
Aucun incroyant ne saisira jamais les mystères du royaume en passant ces
histoires au tamis de la sagesse humaine. L’Écriture est claire à ce sujet. «
[…] ce sont des choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point
entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l’homme, des choses
que Dieu a préparées pour ceux qui l’aiment. Dieu nous les a révélées par
l’Esprit. Car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu » (v. 9,10,
italiques pour souligner).
En d’autres termes, la foi née de l’œuvre puissante du Saint-Esprit dans
notre cœur est la condition préalable pour comprendre les paraboles. Les
histoires ont réellement une signification objective. Elles ont vraiment une
interprétation selon Dieu et donc juste. Jésus a lui-même expliqué certaines
paraboles en détail, et son herméneutique reste pour nous un modèle à
suivre pour tirer les leçons du reste de ses histoires. Mais nous devons
aborder les paraboles comme des croyants désireux d’entendre, et non
comme des sceptiques dont le cœur est endurci contre la vérité.

Quelques définitions et détails


Dans les chapitres suivants, nous examinerons une douzaine des paraboles
de Jésus parmi les plus remarquables. L’étude suffisamment approfondie de
toutes les paraboles nécessiterait plusieurs volumes. Les Évangiles en
contiennent approximativement une quarantaine (le nombre exact dépend
de la méthode de comptage). Le lecteur intéressé trouvera les commentaires
de base de toutes les paraboles de Jésus dans la série Les commentaires
bibliques de John MacArthur. Et il y a plus de vingt-cinq ans, j’ai inclus un
sommaire de sept paraboles axées sur l’évangélisation dans un livre
important sur le message d’évangélisation de Jésus11. J’ai inclus ici
quelques-unes de ces mêmes paraboles en les étudiant de manière nouvelle
et plus approfondie. Bien que la parabole du fils prodigue soit l’une des
plus riches, des plus mémorables et des plus importantes de toutes les
histoires de Jésus, elle n’est pas incluse dans cet ouvrage, puisque j’ai
consacré un volume entier à ce passage biblique12. Le but de ce livre est de
dévoiler la profondeur du sens dans un échantillonnage représentatif des
paraboles de Jésus, et d’analyser sa façon géniale d’illustrer des vérités
vitales par des histoires de la vie quotidienne.
Avant d’aborder des paraboles précises, il est peut-être utile de dire
quelques mots concernant ce genre littéraire. Qu’est-ce qu’une parabole et
en quoi diffère-t-elle des autres formes illustratives – métaphores,
comparaisons, fables, allégories et autres ? Une parabole n’est pas une
simple analogie. C’est une comparaison ou une métaphore étirée et
comprenant une claire leçon spirituelle dans l’analogie. Des figures de style
du genre « fort comme un bœuf » ou « rapide comme l’éclair » sont des
comparaisons simples et assez claires pour ne pas avoir besoin
d’explications. La parabole prolonge la comparaison en une métaphore plus
longue ou plus complexe ; son sens (toujours une vérité spirituelle) n’est
pas forcément évident. La plupart des paraboles de Jésus exigeaient une
certaine explication.
Il est pourtant particulièrement difficile de donner une définition
technique qui convienne à toutes les paraboles de Jésus, parce que certaines
maximes éparses dans les Évangiles sont qualifiées de paraboles. Dans
Matthieu 15.15, par exemple, Pierre demande à Jésus d’expliquer « cette
parabole » qui fait l’objet du verset 11 : « Ce n’est pas ce qui entre dans la
bouche qui souille l’homme ; mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui
souille l’homme. » Il s’agit en fait de deux affirmations simples présentées
comme une sorte de proverbe. Cette « parabole » ne contient aucun des
éléments distinctifs d’un récit ou d’une narration : pas d’intrigue, pas de
personnages, pas de succession d’événements. Pourtant, pour l’Écriture, il
s’agit bien d’une parabole (pas seulement dans Matthieu 15, mais
également dans Marc 7.17).
Par ailleurs, dans Luc 4.23, Jésus cite un proverbe : « Médecin, guéris-
toi toi-même ! » Dans le texte grec, le terme que Jésus utilise pour définir
cette parole est parabolē, normalement traduit par « parabole ».
Visiblement, l’idée que la Bible se fait de la parabole est plus large que
la plupart des définitions techniques proposées par différents
commentateurs. C’est pourquoi il est difficile d’indiquer le nombre exact
des paraboles bibliques.
Selon les versions de la Bible, le terme parabole se retrouve plusieurs
fois dans l’Ancien Testament. Regardons, par exemple, ces quatre textes :
Psaumes 78.2 (Darby) et Ézéchiel 17.2 ; 20.49 ; 24.3). Dans ces textes, le
mot hébreu correspondant est mashal qui peut désigner une parole
prophétique, un proverbe, une énigme, un discours, un poème, une histoire
courte, une comparaison, en somme presque toute maxime ou anecdote
concise. On le retrouve une quarantaine de fois dans les Écritures
hébraïques ; il est généralement traduit par « proverbe » (quoique rendu par
« oracle » dans le livre des Nombres et par « discours » dans celui de Job).
Mais c’est seulement dans les trois textes du prophète Ézéchiel cités plus
haut que le contexte dans lequel figure le mot « parabole » semble lui
donner un sens proche de celui dans lequel Jésus l’utilise.
Le terme grec traduit par « parabole » dans les Évangiles synoptiques
(Matthieu, Marc et Luc) est parabolē ; il apparaît cinquante fois dans
quarante-huit versets du Nouveau Testament. Le vocable est utilisé deux
fois dans la lettre aux Hébreux où il désigne un langage figuré : « [Le
premier tabernacle] est un symbole [parabole] pour le temps présent (9.9) ;
et « [Abraham] pensait que Dieu est puissant, même pour ressusciter les
morts ; aussi, il retrouva son fils, ce qui est une préfiguration [parabole] »
(11.19).
Toutes les quarante-huit autres occurrences du vocable dans le Nouveau
Testament se trouvent dans les Évangiles synoptiques, où il est toujours
traduit par « parabole » ou « paraboles », et s’applique toujours aux
histoires racontées par Jésus.
Le mot grec unit deux racines : para (« à côté ») et ballō (« jeter »). Son
sens littéral est « placer à côté ». Il suggère une comparaison entre deux
choses qui se ressemblent d’une manière ou d’une autre. (Ce terme se
retrouve en mathématiques pour décrire une courbe, la parabole, qui
présente un axe de symétrie.) La provenance de ce mot s’applique à
l’analogie qu’on peut établir entre une réalité courante et une profonde
vérité spirituelle. C’est cette juxtaposition de réalités de la vie ordinaire et
de vérités transcendantes, et non l’intrigue, la longueur, la forme, et les
figures de style, qui est l’aspect le plus distinctif de la parabole. Pour être
aussi simple que possible, la parabole est une forme de langage figuré à des
fins comparatives et tout particulièrement pour enseigner une leçon
spirituelle. La parabole peut être longue ou courte. Elle peut s’appuyer sur
une métaphore, une comparaison, un proverbe ou un autre type
d’illustration. (Elle peut même contenir des éléments allégoriques.) Mais
dans tous les cas, elle établit une comparaison avec une certaine vérité du
domaine spirituel.
La leçon mise en évidence dans la parabole est toujours le point central
(et souvent l’unique). La parabole n’est pas une allégorie comme Le voyage
du Pèlerin, ouvrage dans lequel chaque personnage et pratiquement chaque
intrigue revêt une signification concise mais vitale. Il ne faut pas considérer
les paraboles comme une succession de couches superposées revêtues d’une
signification secrète. Leurs leçons sont simples, focalisées et sans beaucoup
de fioritures. (Nous reviendrons bien vite sur ce point.)
Il faut encore souligner une autre caractéristique des paraboles de Jésus
: elles ne contiennent jamais des éléments mythiques ou fantaisistes. Elles
n’ont rien de commun avec les fables (d’Ésope ou de La Fontaine) dans
lesquelles des animaux des forêts enseignent des leçons de morale. Les
paraboles de Jésus sont crédibles et reflètent des situations fidèles à la
réalité. Toutes pourraient vraiment décrire des situations qui ont existé.
Pour le but que nous poursuivons dans ce livre, la définition simple que
j’ai proposée au début de cette introduction est aussi valable que n’importe
quelle autre : une parabole est une scène ingénieusement simple de la vie
courante destinée à illuminer une profonde leçon spirituelle.
Bien que Jésus n’ait pas été le premier à utiliser cette forme littéraire, il
a certainement été le premier à enseigner en parabole de façon si constante.
Les grands rabbins antérieurs à Christ se servaient très peu des paraboles.
On dit qu’Hillel l’Ancien, par exemple, l’un des plus célèbres rabbins de
tous les temps et dont l’influence se fait encore sentir, qui appartenait à la
génération ayant précédé la naissance de Christ, ne s’est exprimé que très
occasionnellement en paraboles. La Midrash contient des homélies, des
commentaires, des anecdotes et des illustrations rabbiniques expliquant des
textes bibliques variés. Le texte de la Midrash remonte au IIe siècle de notre
ère mais inclut quelques paraboles que l’on date d’avant le ministère de
Christ. L’Histoire montre que l’enseignement parabolique a pris une place
de plus en plus importante dans la tradition rabbinique à l’époque de Christ
et après13. Personne ne racontait les paraboles mieux que Christ, et les
autres rabbins s’empressèrent d’adopter cette forme d’enseignement.
On ne trouve les paraboles de Jésus que dans les Évangiles synoptiques.
L’Évangile selon Jean n’en contient aucune. Elles sont rares chez Marc ; il
n’en inclut que six****, et une seule ne figure que dans Marc (4.26-29).
Autrement dit, à l’exception d’une seule, toutes les autres paraboles se
trouvent dans Matthieu et Luc*****.
Il vaut également la peine de faire remarquer que Matthieu et Luc ont
des manières différentes de rapporter les paraboles de Jésus. Matthieu les
relate le plus brièvement possible en se contentant de rapporter les faits.
Luc a tendance à davantage souligner la vie et la personnalité des
personnages inclus dans les paraboles. Simon J. Kistemaker résume ainsi
les différences stylistiques entre Matthieu et Luc :
De la réserve de paraboles de Jésus, Matthieu a choisi celles qu’il présente en croquis noir et
blanc. Ainsi, le marchand de perles est un homme ordinaire qui n’exprime aucune émotion.
En revanche, les paraboles que Luc à choisi de rapporter sont croustillantes, pétillent de vie et
sont riches en couleurs. Dans ces paraboles, les personnages parlent, comme dans le cas de
l’homme riche qui, après une récolte très abondante, construit des greniers plus vastes et
meilleurs (Luc 12). Même dans la parabole de la brebis perdue que rapportent Matthieu et
Luc, la différence saute aux yeux. Après avoir trouvé la brebis égarée, le berger, rempli de
joie, retourne chez lui, invite ses voisins et amis et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, car
j’ai trouvé ma brebis qui était perdue » (Lu 15.6). Matthieu dit simplement qu’il a de la joie
(Mt 18.13). C’est comme si Matthieu choisissait ses illustrations dans un film noir et blanc,
alors que Luc voit défiler un film en couleur14.

Cette différence ne veut absolument pas dire que l’approche de


Matthieu soit inférieure ou moins inspirée que celle de Luc. Il faut garder à
l’esprit le fait que les paraboles de Jésus sont simples à souhait, et que les
leçons qu’elles enseignent sont également limpides. Nous l’avons déjà
affirmé quand nous avons souligné les distinctions entre la parabole et
l’allégorie. Mais c’est un point trop important pour qu’on passe dessus trop
rapidement. Et c’est sur cette note que je conclus cette introduction :
Dans les paraboles de Jésus, le symbolisme n’apparaît jamais en
couches épaisses et il est rarement pluridimensionnel. Dans la plupart des
cas, les paraboles ne se focalisent que sur un seul point. Vouloir trouver un
sens à chaque élément du récit est un exercice de mauvaise herméneutique.
Même les paraboles les plus élaborées (comme le bon Samaritain ou le fils
prodigue) n’enseignent généralement que des leçons simples et limpides. Il
ne faut pas charger d’une signification spirituelle les éléments mineurs du
récit.
Ainsi, l’huile et le vin que le bon Samaritain utilise pour soigner les
plaies du voyageur laissé à demi mort (Lu 10.34) n’ont pas forcément une
signification symbolique ou spirituelle ; ils indiquent simplement que le
Samaritain a pris un tendre soin et a consacré du temps au blessé. Point
n’est besoin non plus de conférer une signification spirituelle secrète aux «
carouges que mangeaient les pourceaux » dans l’histoire du fils prodigue
(Lu 15.16). Ce détail sert simplement à montrer en peu de mots que le jeune
homme était tombé dans une grande pauvreté à la suite d’une vie
corrompue et souillée.
Dans toute parabole, l’important est la leçon centrale ; dans celles où le
symbolisme est moins aisé à percevoir (comme dans la parabole des sols et
dans celle de l’ivraie), Jésus explique presque toujours le symbolisme.
En étudiant les paraboles de Jésus dans les pages suivantes, engageons-
nous à le faire en authentiques disciples de Christ, avides de trouver sagesse
et compréhension avec des cœurs obéissants. Les enseignements que Jésus
a cachés dans ses images sont vraiment profonds et méritent toute notre
attention. Comme Jésus l’a dit à ces premiers disciples : « Heureux les yeux
qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et
de rois ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que
vous entendez, et ne l’ont pas entendu » (Lu 10.23,24). Il y a donc dans ces
récits une promesse de béatitude pour celui qui saisit la vérité qu’ils
enseignent.
Le Sauveur… pensait à ce qu’il disait quand il parlait. Certaines personnes ne savent pas ce qu’elles
disent quand elles parlent ; et lorsque vous ne comprenez pas ce qu’elles disent, c’est généralement
parce qu’elles ne connaissent pas elles-mêmes exactement le sens de ce qu’elles disent. Un discours
imprécis est généralement le résultat d’une pensée imprécise. Si les hommes pensent de façon
brumeuse, ils parleront de façon brumeuse ; le Sauveur, lui, n’a jamais adopté ce style qui fut un
certain temps tellement répandu dans nos chaires, un style importé en partie d’Allemagne et qui était
très brumeux et très fumeux, bien que certaines personnes l’aient jugé merveilleusement profond et
preuve d’intelligence.
Or, on ne trouve aucune phrase de ce genre dans l’enseignement de Christ. Il était le plus clair, le
plus direct et le plus franc de tous les orateurs. Il savait ce qu’il avait l’intention de dire, et il voulait
aussi que ses auditeurs le sachent.
Il est vrai qu’il y a une partie de son enseignement que les Juifs de son temps n’ont pas saisi,
mais c’était en raison de la cécité qui les avait frappés à cause du jugement divin. Ce n’était pas la
faute de la lumière, mais celle de leurs yeux troubles.
Écoutez son enseignement, et voyez si quelqu’un a déjà parlé aussi simplement que lui. Un enfant
peut comprendre ses paraboles. Elles contiennent certes des vérités cachées qui sont un mystère
même pour les disciples à qui Christ a longuement enseigné, mais le Seigneur n’a jamais mystifié ses
auditeurs. Il leur parlait comme à un enfant… Il ne s’est jamais départi de la simplicité de l’enfant,
alors qu’il possédait toute la dignité de l’adulte pleinement développé.
On lisait en lui comme dans un livre ouvert, et il exprimait ce qu’il y avait dans son esprit dans
un langage si simple et si clair que le plus pauvre des pauvres et le plus humble des humbles
aspiraient à l’écouter.
CHARLES HADDON SPURGEON15

Notes de bas de page


* L’appendice répond à l’erreur courante qui oppose
fondamentalement l’histoire à la doctrine.
** Pour une explication et une analyse succincte de la postmodernité,
voir John MacArthur, La guerre pour la vérité, Trois-Rivières,
2010). En résumé, les philosophies postmodernes sont soumises à
l’idée que la vérité est subjective, vague, incertaine – peut-être
même inconnaissable. Ou, pour citer une brève déclaration de La
guerre pour la vérité : « Le postmodernisme, en général, est marqué
par une tendance à rejeter la possibilité de connaître la vérité d’une
manière sure et stable » (p. 35).
*** C’était probablement un dicton habituel de Jésus, car Matthieu
15.14 rapporte une déclaration semblable, mais dans ce cas, il s’agit
d’un commentaire que Jésus adresse en privé aux douze,
sensiblement plus tard dans le ministère galiléen. Pierre réagit
immédiatement : « Explique-nous cette parabole » (v. 15), mais en
fait Jésus explique une autre maxime prononcée peu avant devant la
foule : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille
l’homme ; mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui souille
l’homme » (v. 11). Cet usage large du mot parabole montre que,
compte tenu de l’usage que la Bible fait elle-même du mot, il est
difficile de distinguer, de définir et de dénombrer les paraboles de
Jésus.
**** Les paraboles que rapporte Marc sont celles du semeur (4.3-20), de
la semence répandue (4.26-29), du grain de sénevé (4.30-32), des
mauvais vignerons (12.1-9), du figuier (13.28-32) et du portier
(13.34-37). Quelques commentateurs incluent dans leur liste des
paraboles des expressions figurées simples. Mais des figures de
style concises ne correspondent pas forcément à la forme narrative
classique qui caractérise une vraie parabole ; c’est pourquoi je ne les
ai pas incluses dans la liste ci-dessus. Il vaut toutefois la peine de
signaler qu’il existe plusieurs façons de compter le nombre de
paraboles dans Marc. Certaines listes incluent, par exemple, les
déclarations de Jésus à propos du jeûne quand l’époux est là (Mc
2.19,20), l’image du vin dans les outres neuves (2.21,22), la lampe
sous le boisseau (4.21), et ainsi de suite. On pourrait encore inclure
l’image de l’homme fort lié (3.27), et le sel qui a perdu sa saveur
(9.50). Voilà pourquoi le décompte des paraboles dans Marc varie
généralement de six à onze selon les commentateurs. Cette
différence notable explique pourquoi il est difficile de faire une liste
de toutes les paraboles de Jésus, et pourquoi j’ai renoncé à en
présenter une dans ce livre. Une étude complète sur les différences
entre de simples analogies et des paraboles pleines et entières
pourrait faire l’objet d’une excellente thèse universitaire, qui
dépasse le cadre de ce volume.
***** Pour certains, deux paraboles sont particulières à Marc : la semence
répandue (4.26-29) et le portier (13.34-37). Mais cette dernière n’est
qu’une version abrégée du récit de la même parabole rapportée dans
Matthieu 24.42-51.
1

Une journée sinistre en Galilée

Parce qu’il vous a été donné de connaître


les mystères du royaume des cieux,
et que cela ne leur a pas été donné.

— MATTHIEU 13.11

Vers la fin de la deuxième année de son ministère public et par une journée
très chargée, Jésus a une discussion avec quelques pharisiens hostiles, et
toute la nature de son enseignement change subitement. Il ne délivrera plus
de sermons parsemés de textes prophétiques clés tirés de l’Ancien
Testament. Désormais, chaque fois qu’il enseignera en public, il parlera en
paraboles. Un changement aussi abrupt dans la façon d’enseigner de Jésus
est un présage de jugement contre l’élite religieuse d’Israël et contre tous
ceux qui suivent son exemple.

Les pharisiens et le sabbat

Matthieu introduit ce tournant dans le ministère public de Jésus en


rapportant une série de conflits publics provoqués par les chefs religieux
juifs ardemment désireux de discréditer Jésus.
Le terrain qu’ils choisissent est celui de la bonne observance du sabbat,
le symbole même de leur système légaliste. Les pharisiens se prenaient pour
des spécialistes chargés de faire respecter les lois, tout particulièrement
celles relatives au sabbat. Ils avaient superposé aux règles
vétérotestamentaires inspirées applicables au sabbat une longue liste de
restrictions mesquines d’invention humaine. Ils en avaient fait leur cheval
de bataille principal et ils ne ménageaient pas leurs efforts pour imposer une
forme extrêmement rigoureuse et minutieuse de respect du sabbat sur toute
la nation.
Une raison primordiale inspirait les pharisiens : pour éviter de violer le
sabbat par insouciance ou de façon accidentelle, le mieux était d’interdire
tout ce qui était douteux et de restreindre les activités permises le sabbat
aux activités les plus indispensables. Même si leur but était louable, ils
avaient fait du sabbat un désagrément oppressif. Pire encore, leur système
rigide était source d’orgueil considérable pour eux – une arme pour
tourmenter les autres. Le jour « de repos » était devenu l’épreuve la plus
pénible dans la longue liste « des fardeaux pesants » que les pharisiens
étaient décidés à mettre sur les épaules des gens (Mt 23.4).
Dans l’Ancien Testament, l’observance du sabbat ne devait pas être
pesante ; elle devait même être le contraire, faire « les délices » du peuple
(És 58.13) et être un jour de répit pour les personnes lasses. Les
commandements canoniques concernant le sabbat étaient définis de manière
approfondie et précise. Le septième jour devait être mis à part comme un
rappel hebdomadaire plein de grâce que l’humanité est constamment invitée
à entrer dans le repos du Seigneur (Hé 4.4-11). L’Écriture introduit ce thème
dès le commencement. Le sabbat est le couronnement et l’apogée du récit
de la création : « Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et toute leur
armée. Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite : et il se
reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite. Dieu bénit le
septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son
œuvre qu’il avait créée en la faisant » (Ge 2.1-3, italiques pour souligner).
Dans ce passage, la progression des verbes est significative. Lorsque
Dieu acheva son œuvre de création, il se reposa – non parce qu’il avait
besoin de récupérer, mais parce que son œuvre était achevée*. Ensuite il
sanctifia le sabbat – comme une faveur accordée à l’humanité. Le travail est
fastidieux. C’est la conséquence de la malédiction que le péché a value à
toute la création (Ge 3.17-19). De plus, l’homme livré à lui-même découvre
que « son travail n’a point de fin » (Ec 4.8). Le sabbat célèbre le travail
achevé du Seigneur, et toute l’humanité est exhortée à entrer dans le repos
de l’Éternel. Cette vérité a en premier lieu été illustrée par le propre repos
de Dieu le dernier jour de la semaine de création. Mais la pleine gloire du
sabbat est finalement dévoilée dans l’œuvre achevée de Christ (Jn 19.30)**.
Le sabbat est donc d’une importance vitale dans l’histoire biblique de la
rédemption. Il était censé être un rappel hebdomadaire de la grâce de Dieu
qui s’oppose toujours fermement à l’œuvre humaine.
La loi de Moïse incluait un certain nombre de préceptes sur
l’observance du sabbat. Toutefois, le principal commandement à se
souvenir du sabbat et à le sanctifier est le quatrième commandement du
décalogue. C’est le dernier commandement de la première table du
décalogue. (La première table contient les commandements qui traitent de
nos devoirs vis-à-vis de Dieu. La seconde table, du cinquième au dixième
commandement, indique nos devoirs vis-à-vis de notre prochain.)
Avec ses quatre versets dans Exode 20, le quatrième commandement est
le plus long du décalogue. (Le deuxième commandement s’étend sur trois
versets. Les huit autres comptent un verset chacun.) Pourtant, malgré sa
longueur particulière, le commandement du sabbat n’est pas très compliqué.
Le voici :
Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos
de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur,
ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l’Éternel a
fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour :
c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié (Ex 20.9-11).

Remarque : la longueur inhabituelle du quatrième commandement est


due au fait qu’il interdit expressément aux propriétaires terriens et aux
maîtres de maison d’esquiver les restrictions imposées en faisant travailler
les autres à leur place. Toutes les échappatoires sont condamnées. Le texte
indique ensuite la base biblique et doctrinale du commandement, montrant
comment le sabbat illustre l’entrée dans le repos de Dieu.
À part cela, le quatrième commandement est simple. Ce qui était interdit
le jour du sabbat était le travail, plus particulièrement le labeur quotidien.
Tout labeur devait être interrompu ; même les bêtes de somme étaient
exemptes de travail en cette journée consacrée au repos. Le sabbat était un
don et un bienfait de Dieu à son peuple ; le Seigneur le lui avait accordé
pour empêcher que la vie terrestre ne se transforme en une corvée pénible et
ininterrompue.
Tout au long de son histoire, Israël a sans cesse enfreint le sabbat et
s’est permis de faire du commerce y compris le dernier jour de la semaine.
Sa violation du commandement était motivée soit par un désir
d’enrichissement matériel, soit par pure indifférence aux choses spirituelles,
par l’apostasie, l’idolâtrie ou par des combinaisons obscures de ces raisons.
Néhémie 13.15-22 décrit les luttes du gouverneur pour contraindre les
habitants de sa province à observer le sabbat. Jérémie 17.21-27 rapporte
l’exhortation du prophète aux habitants de Jérusalem à se reposer le jour du
sabbat. Ils refusent, et Jérémie reçoit un message prophétique du Seigneur
qui menace de détruire la ville si ses habitants ne cessent pas de profaner le
sabbat.
À l’époque de Jésus, le balancier était allé à l’extrême inverse, grâce à
la prédication et aux manœuvres politiques des pharisiens. Les habitants
d’Israël étaient obligés d’observer le sabbat en se conformant à un code
restrictif le plus scrupuleux, soi-disant pour honorer Dieu ; ils le faisaient
sous la contrainte et le contrôle rigoureux des pharisiens, et non avec joie et
gratitude comme Dieu le voulait. Le sabbat était devenu une œuvre
fastidieuse, pesante – un rite laborieux plus qu’un vrai jour de repos. Les
gens vivaient dans la crainte, car s’ils transgressaient accidentellement ou
négligeaient une règle sabbatique, ils risquaient d’être convoqués par les
pharisiens et menacés d’excommunication voire, dans le pire des cas, de
lapidation. Cette menace planait sur Jésus et ses disciples.

Le conflit de Jésus avec l’élite religieuse

Matthieu 12 s’ouvre sur une rencontre avec un groupe de pharisiens chargés


de contrôler le respect des règles sabbatiques. Ayant faim, les disciples qui
traversaient un champ de blé ou d’orge avaient cueilli quelques épis, les
avaient froissés dans leurs mains pour en séparer les grains et les manger.
Or, c’était un jour de sabbat. Scandalisés, les pharisiens s’adressent à Jésus
et contestent le bien-fondé du geste des disciples (Mt 12.1,2). D’après les
règles établies par les pharisiens, même l’arrachage de quelques épis pour
en extraire les graines de céréales était assimilé à du glanage, c’est-à-dire à
un travail. C’est précisément ce genre d’action apparemment sans
conséquence que les pharisiens surveillaient attentivement et sanctionnaient
; ils avaient édicté des centaines de préceptes sabbatiques non écrits pour
codifier les activités les plus banales de la vie. Celui qui voulait les observer
dans leur totalité marchait vraiment sur un champ de mines !
Jésus leur répond en leur montrant la stupidité d’une règle qui interdit
de satisfaire un besoin élémentaire le jour mis à part pour le bien de
l’humanité : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le
sabbat » (Mc 2.27). Il reproche aux pharisiens de condamner des innocents
et ajoute cette déclaration qui révèle son autorité : « Le Fils de l’homme est
maître du sabbat » (Mt 12.8).
Les pharisiens sont furieux, mais ils n’ont pas fini de défier Jésus sur la
question du sabbat.
Luc raconte : « Il arriva, un autre jour de sabbat, que Jésus entra dans la
synagogue, et qu’il enseignait. Il s’y trouvait un homme dont la main droite
était sèche » (Lu 6.6). Les pharisiens aussi sont là, prêts à intensifier le
conflit à propos du sabbat. Dans une synagogue remplie de témoins, ils
observent attentivement l’homme à la main sèche, et mettent Jésus plus ou
moins au défi de violer une fois de plus leurs prescriptions relatives au
sabbat. « Et voici, il s’y [trouve] un homme qui avait la main sèche. Ils
[demandent] à Jésus : Est-il permis de faire une guérison les jours de sabbat
? [C’est] afin de pouvoir l’accuser » (Mt 12.10). Ils ont déjà été témoins de
plusieurs miracles opérés par Jésus si bien qu’ils le savent capable de guérir
toutes sortes d’infirmités et de maladies. Ils ont également eu de
nombreuses preuves qu’il est vraiment le Messie promis.
Toutefois, il n’est pas le genre de Messie qu’ils ont toujours espéré. Il
s’oppose clairement à leur ensemble de traditions humaines. Il conteste
courageusement leur autorité et revendique l’autorité suprême. Ils savent
que s’il prend sa place légitime sur le trône en tant que Messie d’Israël, c’en
est fini de leur position et de leur influence sur le peuple ordinaire. Au cours
d’une sorte de conclave secret réuni pour discuter du sort de Jésus, ils ont
candidement reconnu ce qui était en jeu. Ils craignaient de perdre leur
pouvoir et leur statut politique : « Si nous le laissons faire, tous croiront en
lui, et les Romains viendront détruire et notre ville et notre nation » (Jn
11.48). Ils étaient déjà en train de perdre l’estime des gens simples de la
Galilée.
Il n’y a rien d’étonnant à cela. « Et une grande foule l’écoutait avec
plaisir » (Mc 12.37). Toutefois, la haine des chefs religieux est telle qu’ils
ne cherchent pas vraiment à savoir si ses prétentions messianiques sont
fondées ou non. Ils sont décidés à empêcher à tout prix le peuple de le
suivre.
C’est pourquoi, lorsque Jésus répond à leur défi en guérissant
instantanément le malade à la main sèche, les pharisiens sortent
précipitamment de la synagogue pour s’entretenir à l’écart et s’interroger
sur ce qu’ils allaient faire de Jésus. Leur but ultime est clair : « Les
pharisiens sortirent, et ils se consultèrent sur les moyens de le faire périr »
(Mt 12.14).
La haine de tout le système religieux établi à Jérusalem a désormais
atteint le niveau du meurtre, et Jésus connaît évidemment leurs intentions.
C’est pourquoi, comme son heure n’était pas encore venue, il s’est fait plus
discret sur ses déplacements et plus prudent dans son ministère public,
comme en témoigne Matthieu : « Mais Jésus, l’ayant su, s’éloigna de ce
lieu. Une grande foule le suivit. Il guérit tous les malades, et il leur
recommanda sévèrement de ne pas le faire connaître » (12.15,16).
Matthieu fait suite au récit du conflit à propos du sabbat en citant Ésaïe
42.1-4 :
Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui mon âme a pris plaisir. Je mettrai
mon Esprit sur lui, et il annoncera la justice aux nations. Il ne contestera point, il ne criera
point, et personne n’entendra sa voix dans les rues. Il ne brisera point le roseau cassé, et il
n’éteindra point le lumignon qui fume, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher la justice. Et les
nations espéreront en son nom (Mt 12.18-21).

Tout comme Ésaïe, Matthieu attire l’attention sur le fait que,


contrairement à toute attente, le Messie d’Israël n’apparaîtra pas comme un
conquérant militaire ni comme un personnage politique puissant, mais
comme un homme humble et doux. Le « roseau cassé » est un instrument de
musique, une flûte réalisée à partir d’une tige de roseau qui poussait en
abondance au bord des étendues d’eau. Lorsque cette flûte s’usait et perdait
de sa rigidité, nécessaire pour la fiabilité du son, on la pressait dans la main
pour l’écraser et la jeter. Le « lumignon qui fume » désigne une mèche de
lampe à huile qui arrive en bout de course et n’éclaire plus correctement.
On éteignait la mèche pour pouvoir couper le bout brûlé et la lampe
redonnait de la clarté.
Le roseau cassé et le lumignon qui fume dont parle la prophétie d’Ésaïe
sont symboliques de gens brisés et incapables d’assumer leurs fonctions. Au
lieu de rejeter les laissés-pour-compte, le Messie les accueillera, les
instruira, les guérira, les réparera et les entourera de ses soins. Même les
païens apprendront à se confier en lui.
Cette prophétie d’Ésaïe fait le lien entre le récit que Matthieu rapporte
des deux controverses jumelles à propos du sabbat et le conflit explosif qui
domine la seconde partie de Matthieu 12. Les auteurs des quatre Évangiles
disposent parfois les récits de la vie terrestre de Jésus selon un ordre
thématique plutôt que chronologique. Quand les auteurs fournissent une
précision temporelle, elle est importante, mais quelquefois la chronologie
entre un incident et le suivant n’est pas déterminante et n’est donc pas
indiquée dans le texte. C’est le cas entre les deux moitiés de Matthieu 12.
L’arrachage des épis et la guérison de l’homme à la main sèche sont
présentés comme s’ils s’étaient succédé immédiatement. Non seulement
Matthieu 12, mais également Marc 2.23 – 3.5 et Luc 6.1-11 rapportent les
deux incidents comme s’ils s’étaient enchaînés. Toutefois, Luc 6.6 montre
clairement que les deux événements se sont produits en deux sabbats
distincts. Marc et Luc font suivre leur récit de ces incidents de l’appel des
douze disciples, ce qui donne à penser que les deux incidents conflictuels à
propos du sabbat se sont produits au début du ministère galiléen de Jésus.
Matthieu s’intéresse davantage au conflit proprement dit qu’au moment
où il a eu lieu. Son but dans le chapitre 12 est de montrer la violente
hostilité que ces événements survenus un jour de sabbat ont fait naître chez
les chefs religieux juifs contre Jésus. Leur mépris le plus total de Jésus
culmine dans la détermination de le supprimer, une intention qu’ils scellent
d’un blasphème impardonnable.
Matthieu 12.22-37 relate ce blasphème outrancier et la réaction de
Jésus. Cet incident est la goutte qui a fait déborder le vase et incité Jésus à
changer de style d’enseignement. En rassemblant les données
chronologiques éparses dans les Évangiles, nous savons que cet incident
s’est produit plusieurs mois après les deux querelles sur la question du
sabbat. L’adverbe alors au début du verset 22 sert de transition entre la
prophétie d’Ésaïe et une nouvelle journée près de la fin du ministère
galiléen de Jésus. C’était une journée charnière à plus d’un titre. C’est
même l’une des journées les plus documentées sur le ministère de Jésus en
Galilée.

Une guérison et une délivrance miraculeuses


La journée débute de façon sinistre. Les Juifs amènent à Jésus un homme
dans une situation désespérée, un des cas les plus compliqués, les plus
déchirants et apparemment les plus impossibles de la misère humaine. Il est
dans une situation beaucoup plus difficile que l’homme à la main sèche.
Chez cet homme, c’est l’âme qui se desséchait. Il n’avait pas seulement un
besoin urgent d’être guéri physiquement, il était asservi de façon
permanente à un certain esprit mauvais. Il est le type même de roseau cassé
et de lumignon qui fume évoqués dans la prophétie d’Ésaïe.
Tel que Matthieu décrit la scène, on amène à Jésus « un démoniaque
aveugle et muet » (Mt 12.22). Cet homme est l’exemple par excellence de
ceux qui sont « malades… qui ont besoin de médecin » (Mc 2.17). Il est
incapable de voir, incapable de communiquer et cruellement asservi à un
démon puissant. Ensemble, les meilleurs médecins et les docteurs en
théologie les mieux armés n’avaient aucun moyen à leur disposition pour
soulager ce pauvre misérable. Y avait-il situation plus désespérée et plus
urgente ?
L’Écriture décrit dans le langage le plus simple et le moins sensationnel
ce que Jésus fait : « Il le guérit de sorte que le muet [parle] et [voit] » (Mt
12.22). Aucun délai d’attente, aucune période de convalescence. La
délivrance est complète et instantanée. C’est indéniablement un acte de
Dieu – l’un des exemples les plus frappants et glorieux du pouvoir que
Jésus détient pour guérir et chasser des démons.
Néanmoins, Matthieu se montre très avare de détails propres au miracle
lui-même. Car ce qui est le plus remarquable dans ce récit, c’est son
prolongement. Jésus avait évidemment déjà opéré d’innombrables miracles
de guérison et d’exorcisme dans toute la Galilée. Comme le rapporte Marc,
« Car, comme il guérissait beaucoup de gens, tous ceux qui avaient des
maladies se jetaient sur lui pour le toucher. Les esprits impurs, quand ils le
voyaient, se prosternaient devant lui, et s’écriaient : Tu es le Fils de Dieu »
(3.10,11). Des foules nombreuses avaient vu Jésus guérir des malades et
délivrer des démoniaques. La source de son pouvoir était incontestable ;
même les démons expulsés attestaient que Jésus est le Fils de Dieu.
Marc ajoute que la foule agglutinée autour de Jésus comprenait des
personnes venues de toute la Galilée et des pays limitrophes, notamment de
la Syrie au nord, de la Décapole et de la Pérée à l’est ; d’autres venaient de
Jérusalem et de la Judée, au sud. Pour citer Matthieu,
Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant la bonne nouvelle
du royaume, et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple. Sa renommée se
répandit dans toute la Syrie, et on lui amenait tous ceux qui souffraient de maladies et de
douleurs de divers genres, des démoniaques, des lunatiques, des paralytiques ; et il les
guérissait. Une grande foule le suivit, de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée,
et d’au-delà du Jourdain (Mt 4.23-25, italiques pour souligner).

La vue des miracles était devenue une des principales raisons pour
lesquelles tant de personnes suivaient Jésus (Jn 6.2). Il n’accomplissait pas
ses miracles dans un coin caché ou en de rares occasions seulement. Et il ne
s’agissait pas de maladies vagues et invisibles que prétendent guérir par la
foi les soi-disant guérisseurs de notre temps. Et il ne manquait pas de
témoins oculaires du pouvoir de Jésus. Guérisons spectaculaires et autres
miracles devinrent des événements courants pour ceux qui suivaient Jésus
de près.
Cependant, c’est à nouveau la réaction des chefs religieux à cette
guérison qui est la plus frappante. Marc précise que parmi eux se trouvent
des « scribes… descendus de Jérusalem » (Mc 3.22). Il ne s’agit donc pas
de pharisiens ordinaires, mais des principaux érudits religieux d’Israël –
l’aristocratie sacerdotale. Ils viennent apparemment de faire le trajet de
quatre jours entre Jérusalem et la Galilée principalement pour trouver
quelque chose à redire sur Jésus. Rappelons-nous que d’après Matthieu
12.14, ils complotaient déjà secrètement de le supprimer. C’est la phase
initiale de la conspiration qui aboutira à la mort de Jésus sur la croix.
La guérison instantanée de ce malheureux démoniaque en présence
d’une foule de témoins oculaires contrecarre évidemment la stratégie des
pharisiens. Les gens, en effet, ont une réaction enthousiaste et expriment
leur admiration à voix haute : « Ne serait-ce point là le Fils de David ? »
(Mt 12.23.) Les foules semblent sur le point de faire de lui leur roi par la
force (voir Jn 6.15).
Les chefs des pharisiens répondent aussitôt : « Cet homme ne chasse les
démons que par Béelzébul, prince des démons » (Mt 12.24).
À cet instant précis, tout change. La suite de Matthieu 12 est un bref
discours qui culmine par une mise en garde contre le péché impardonnable :
« Quiconque parlera contre le Fils de l’homme, il lui sera pardonné ; mais
quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce
siècle ni dans le siècle à venir » (v. 32).
Le péché impardonnable
Comme toujours, il faut prêter une grande attention aux paroles de Jésus. Il
ne dit pas que n’importe quel blasphème où le nom du Saint-Esprit est
invoqué, est impardonnable. Il n’annonce pas l’existence d’une catégorie
vaste et mal définie de transgressions impardonnables qui nous feraient
vivre dans la crainte constante de les commettre au cas où, par insouciance
ou accidentellement, nous prononcerions des paroles qui nous placeraient
définitivement hors d’atteinte de la grâce divine. En fait, Jésus précise bien
: « Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le
blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné » (Mt 12.31). Le Seigneur
fait précéder à dessein la mise en garde solennelle contre cet acte
extraordinaire unique de blasphème impardonnable d’une déclaration de
grande envergure qui inclut dans le domaine pardonnable « tout péché et
tout blasphème ».
Mais Jésus ne dit évidemment pas que tout péché est automatiquement
pardonné sans que le fautif se repente et croie. Aussi longtemps que le
pécheur reste impénitent et incroyant, son péché, quel qu’il soit, est
damnable. « Celui qui croit en lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit
pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu »
(Jn 3.18).
Même le péché le plus abject est pardonnable – et le plein pardon est
accordé à tout pécheur qui renonce à son amour du péché et se tourne vers
Christ comme son Sauveur. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et
juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jn
1.9, italiques pour souligner). Autrement dit, lorsque nous partageons l’avis
de Dieu quant à notre culpabilité, le sang de Christ nous purifie de toute
sorte de péché et de blasphème, aussi abominables soient-ils. Jésus en a fait
la promesse formelle : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute
ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient
point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie » (Jn 5.24).
Mais un péché très particulier est damnable de façon instantanée et
permanente. Chaque détail de la déclaration de Jésus concernant le péché
impardonnable montre clairement qu’il parle d’un acte blasphématoire
particulier, flagrant et délibéré, à savoir « le blasphème contre l’Esprit » (Mt
12.31, italiques pour souligner). L’article défini revêt toute son importance.
Il existe un contraste clair et significatif entre « tout péché et tout
blasphème » et ce péché particulier qui « ne sera point pardonné… ni dans
ce siècle, ni dans le siècle à venir » (v. 32).
Le contexte de Matthieu 12 indique visiblement à quoi Jésus fait
référence. Il s’agit du blasphème que cette bande arrogante d’hypocrites
religieux vient de commettre.
Les pharisiens ne croyaient pas leur propre affirmation rusée – ils ne le
pouvaient pas. Ils se trouvaient en effet en présence même de Christ au
moment où il affiche sa puissance et sa gloire. Jamais et nulle part ils ne
contestent ses miracles. Dans le cas présent, ils sont les témoins oculaires
immédiats d’un autre prodige indiscutable. Ils connaissent la vérité à propos
de Jésus, mais non seulement ils le rejettent, de plus ils font tout pour
détourner les autres de lui. Pire encore, ils tentent de le discréditer par une
déclaration blasphématoire flagrante en affirmant qu’il accomplit ses
miracles par le pouvoir de Satan.
La nature intentionnelle profondément ancrée dans le cœur des
pharisiens est le facteur principal qui rend ce péché impardonnable.
Pourquoi mettre au crédit de Satan ce que Jésus accomplit par la puissance
de l’Esprit Saint ? Ils viennent de le voir triompher de démons. Ils ont
pleinement saisi l’identité véritable de Jésus, ils ont vu avec quelle autorité
il parle et agit (Lu 6.10,11 ; Jn 11.47,48 ; 12.9 ; Ac 4.16), ce qui ne les
empêche pas de la haïr d’une haine diabolique. Ils mentent visiblement et
consciemment en disant qu’il est le diable en personne.
Jésus s’adresse directement à eux en disant : « Races de vipères ! […]
par tes paroles tu seras condamné » (Mt 12.34,37). C’est sa réplique finale
époustouflante à ces charlatans religieux menteurs et blasphémateurs. Leur
péché est tellement odieux et haïssable que Jésus les condamne sur-le-
champ et de façon définitive. Il donne ainsi à toute la multitude autour de
lui un aperçu du jugement final de ses accusateurs. Celui à qui tout
jugement a été remis (Jn 5.22) les déclare coupables. Il rend son verdict de
façon publique, emphatique et définitive. Ces pharisiens sont désormais
éternellement scellés dans les ténèbres et la dureté de cœur qu’ils ont eux-
mêmes choisies.
Pourquoi leur déclaration est-elle une offense aussi grave contre le
Saint-Esprit ? D’abord parce que la guérison du démoniaque est autant
l’œuvre du Saint-Esprit que celle de Christ. Jésus accomplissait tous ses
miracles en accord avec la volonté du Père et par la puissance du Saint-
Esprit (Lu 4.14 ; Jn 5.19,30 ; 8.28 ; Ac 10.38). En conséquence, attribuer les
miracles du Seigneur à Satan, c’est associer l’œuvre du Saint-Esprit à Satan.
Comme les pharisiens connaissent bien la vérité, leur outrage abject est un
blasphème direct, intentionnel et diabolique contre l’Esprit de Dieu.
Par ailleurs, le Saint-Esprit est celui qui confirme le témoignage de
Christ et qui fait connaître sa vérité (Jn 15.26 ; 16.14,15). « C’est l’Esprit
qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la vérité » (1 Jn 5.6). Pour ceux
qui ont des oreilles pour entendre, le témoignage du Saint-Esprit est
radicalement et précisément aux antipodes de ce que les pharisiens
déclarent. Et répétons-le, les pharisiens le savent très bien. Les signes et les
prodiges qu’ils ont vus étaient réels et irréfutables. Ils expriment leur
blasphème en sachant bien qu’ils s’opposent à Dieu, dénigrent le serviteur
qu’il a oint et injurient son Saint-Esprit.
Leur sort est scellé. Il n’y a plus d’espoir pour eux « ni dans ce siècle, ni
dans le siècle à venir » (Mt 12.32). Ils ont depuis trop longtemps
délibérément fermé les yeux et bouché leurs oreilles à la vérité. En rejetant
le témoignage le plus puissant rendu à la vérité, ils ont préféré le mensonge.
À partir de maintenant, Jésus leur cachera la vérité de façon péremptoire en
se servant des paraboles dans son enseignement public.

La journée charnière se poursuit


La journée est loin d’être terminée. De cette période de vingt-quatre heures,
Marc 4.35 déclare : « Ce même jour, sur le soir, Jésus leur dit : Passons sur
l’autre bord***.» Ce même soir, Jésus calmera une tempête sur la mer de
Galilée. Plus tard encore, lorsqu’ils arriveront « sur l’autre bord de la mer »
(5.1), il délivrera deux démoniaques qui vivaient dans les sépulcres et
enverra les démons dans un troupeau de pourceaux qui se précipiteront
aussitôt dans la mer et se noieront (Mt 8.28-34****).
L’essentiel de cette journée est cependant consacré à l’enseignement de
la foule, et c’est ce même jour que Jésus commence à s’adresser en
paraboles aux foules.
Au chapitre 13 et au verset 3, Matthieu indique clairement dans son
Évangile l’instant où Jésus commence à enseigner en paraboles. La
première parabole que Matthieu rapporte est celle des terrains qui est suivie
de l’explication qu’en donne Jésus lui-même. (Nous l’étudierons en détail
au chapitre suivant.) Matthieu 13 continue par quelques autres paraboles
fondamentales à propos du royaume des cieux. Puis (dans un parallèle très
proche de Mc 4.33,34), Matthieu 13.34,35 déclare : « Jésus dit à la foule
toutes ces choses en paraboles, et il ne lui parlait point sans parabole, afin
que s’accomplisse ce qui avait été annoncé par le prophète : J’ouvrirai ma
bouche en paraboles, je publierai des choses cachées depuis la création du
monde. »
En rejetant délibérément la vérité, les ennemis jurés de Christ ont perdu
le privilège d’entendre toute nouvelle vérité claire sortie de ses lèvres. C’est
ce à quoi Jésus fait allusion lorsqu’il déclare : « Prenez donc garde à la
manière dont vous écoutez ; car on donnera à celui qui a, mais à celui qui
n’a pas on ôtera même ce qu’il croit avoir » (Lu 8.18).
Le changement de style d’enseignement de Jésus est immédiat et
spectaculaire. Tout ce qu’il enseignera en public à partir de ce jour sera
caché à tous ceux qui n’ont pas d’oreilles disposées à entendre.

Notes de bas de page


* « Voici, il ne sommeille ni ne dort, celui qui garde Israël » (Ps
121.4) ; « Ne le sais-tu pas ? ne l’as-tu pas appris ? C’est le Dieu
d’éternité, l’Éternel, qui a créé les extrémités de la terre ; il ne se
fatigue point, il ne se lasse point » (És 40.28).
** Cela explique pourquoi Colossiens 2.16 inclut l’observance formelle
du sabbat dans une liste de cérémonies vétérotestamentaires qui ne
s’imposent plus au chrétien ; ces choses étaient « l’ombre des choses
à venir, mais le corps est en Christ » (v. 17). Tout ce que le sabbat
signifiait a été totalement accompli dans l’œuvre parfaite de Christ.
C’est pourquoi l’apôtre Paul considère qu’il est légitime d’estimer
tous les jours égaux (Ro 14.5). Pour le chrétien, chaque jour célèbre
le principe sabbatique. Nous sommes entrés dans le repos spirituel
accessible grâce à l’œuvre accomplie par Christ (Hé 4.10,11). En
d’autres termes, quand Jésus déclare : « Le Fils de l’homme est
maître même du sabbat » (Lu 6.5) et : « Je vous donnerai du repos »
(Mt 11.28), il ne rejette pas seulement le pouvoir que les pharisiens
se sont attribué sur le sabbat en affirmant sa propre divinité, il
indique aussi que la réalisation ultime de tout ce que le sabbat offrait
à l’humanité se trouve dans le repos de l’âme de celui qui place sa
confiance dans l’œuvre accomplie par Christ.
*** « On l’appelle “la journée chargée” (the Busy Day), non parce que
c’était la seule, mais parce qu’il nous est rapporté tellement de
choses d’elle qu’elle sert d’exemple pour plusieurs autres journées
remplies à ras bord de tension et de fatigue. » Archibald Thomas
Robertson, Word Pictures in the New Testament, 6 vol., Nashville,
Broadman, 1930, 1:100, trad. libre.
**** Matthieu ne livre pas un récit chronologique, mais la déclaration de
Marc 4.35 montre clairement que l’apaisement de la tempête eut lieu
« le même jour, sur le soir ». Puis les séquences dans Marc 4 – 5 et
Matthieu 8 indiquent que la délivrance des deux démoniaques s’est
produite immédiatement après l’apaisement de la tempête et
l’accostage de la barque des disciples.
2

Une leçon sur l’accueil de la Parole

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.

— LUC 8.8

La confrontation décisive avec les chefs des pharisiens avait eu lieu chez
quelqu’un qui habitait près de la mer de Galilée. Peu après la fin de la
discussion animée, « ce même jour (italiques pour souligner), Jésus [sort]
de la maison, et [s’assied] au bord de la mer. Une grande foule s’étant
assemblée auprès de lui, il [monte] dans une barque, et il [s’assied]. Toute
la foule se [tient] sur le rivage » (Mt 13.1,2). À propos du même
événement, Luc souligne également l’ampleur de la foule rassemblée et la
diversité de sa composition : « Une grande foule s’étant assemblée, et des
gens étant venus de diverses villes […] » (Lu 8.4).
À deux reprises, Jésus a nourri les milliers de gens qui le suivaient. Les
nombres indiqués ne tenaient généralement compte que des hommes
adultes, ce qui donne à penser que le nombre total des personnes
rassemblées était au moins deux fois plus élevé. Quelle que soit la manière
dont on dénombrait les foules à cette époque, nous savons que Jésus attirait
de grandes multitudes qui se pressaient autour de lui, chacun voulant être
aussi proche que possible du Maître. Le moyen le plus sûr pour lui de
pouvoir enseigner sans être écrasé sous la pression de la foule agglutinée
autour de lui consistait à monter dans une petite embarcation de pêche et à
s’éloigner un peu du bord. (Les rabbins enseignaient de toute façon en étant
assis ; il n’y a donc rien d’anormal à ce que Jésus soit assis.) La foule
s’entasse le long du rivage pour écouter. Les collines qui entourent
partiellement le lac forment un amphithéâtre naturel ; il suffit de plus
qu’une légère brise souffle et porte la voix de Jésus pour que des milliers
l’entendent clairement.
Mais désormais, seuls ceux qui sont décidés à écouter avec foi capteront
le message.

Une histoire étonnamment simple


En cette occasion, Jésus commence par raconter une histoire familière pour
tous ceux qui sont à portée de voix. D’ailleurs, de l’endroit où ils se
tiennent au bord de la mer de Galilée, ils voient peut-être une scène tout à
fait conforme à ce que Jésus décrit :
Un semeur sortit pour semer sa semence. Comme il semait, une partie de la semence tomba le
long du chemin : elle fut foulée aux pieds, et les oiseaux du ciel la mangèrent. Une autre
partie tomba sur le roc : quand elle fut levée, elle sécha, parce qu’elle n’avait point
d’humidité. Une autre partie tomba au milieu des épines : les épines crûrent avec elle, et
l’étouffèrent. Une autre partie tomba dans la bonne terre : quand elle fut levée, elle donna du
fruit au centuple (Lu 8.5-8).

L’histoire elle-même n’a échappé à personne. Seuls ceux d’entre nous


qui sont habitués à fouler des sols goudronnés, pavés ou cimentés
trouveront cette illustration inhabituelle. Pour les auditeurs de Jésus, elle
correspondait à la vie quotidienne.
Dans le pays d’Israël du premier siècle, les champs avaient la forme de
bandes longues et étroites entourées de sentiers, et non de clôtures ou de
haies. Pour ensemencer son champ, le semeur puisait une grande poignée de
grains dans un sac qu’il portait sur le côté, et les répandait par un large
mouvement du bras. La semence était ainsi dispersée selon un arc aux
limites pas très précises, mais cette méthode présentait l’avantage de
couvrir de grandes surfaces de terrain de manière homogène. Un semeur
adroit ne gaspillait pas sa semence en la laissant tomber sur des espaces
réduits ou s’accumuler en petits tas. Il jetait la semence aussi loin et aussi
régulièrement que possible. Son but était de couvrir tout le champ labouré
en évitant d’avoir des marges non ensemencées sur son pourtour.
En ensemençant manuellement, il était évidemment impossible de
s’assurer que toutes les graines tombent à l’intérieur des limites du champ.
Une partie de la semence tombait à l’extérieur de la surface labourée. Et
même à l’intérieur du champ, certaines graines tombaient sur des parcelles
de terre moins propices à l’agriculture. Seule la semence qui tombait dans
une bonne terre prenait racine et donnait une récolte intéressante. Tous les
auditeurs qui avaient tant soit peu cultivé une parcelle de terre comprenaient
bien ce principe. Ce n’était pas difficile à saisir.
Jésus décrit quatre types différents de terrains.
Le premier est celui du chemin piétiné : « Une partie de la semence
tomba le long du chemin. » Il s’agit des chemins qui séparaient les champs,
et qu’empruntaient les piétons. Ce terrain n’était évidemment pas labouré,
si bien que dans ce climat aride et par temps sec, les chemins étaient aussi
tassés et durs que du béton. Lorsque le semeur répandait la semence vers les
bords du champ labouré, une partie tombait inévitablement sur le terrain
compact du chemin.
La semence qui atterrissait sur le chemin n’avait aucun espoir de
pénétrer dans le terrain durci. Elle restait en surface, était piétinée par les
passants ou mangée par les oiseaux. Elle n’avait aucune chance de germer.
Les oiseaux sont étonnamment intelligents et implacablement agressifs
quand il s’agit de prendre la semence éparpillée. J’ai essayé un jour
d’ensemencer une partie de mon gazon abîmé par de fréquents passages de
piétons, mais mes efforts étaient sans cesse contrariés par les oiseaux. J’ai
appris qu’il ne servait à rien de répandre de la semence sur les parties de
terre nue. Sur le sol impénétrable d’un sentier ou d’un chemin, la semence
est piétinée et écrasée, donc privée de vie, et les oiseaux viennent picorer la
moindre trace restante.
Le deuxième terrain que Jésus désigne est un roc (v. 6). Il ne s’agit pas
d’une dalle rocheuse à la surface du sol, ni d’endroits pierreux (comme
l’indiquent certaines traductions) pour désigner un espace jonché de grosses
pierres. Aucun fermier digne de ce nom ne laisserait des pierres dans son
champ labouré. Au moment de retourner la terre, lorsque des pierres
venaient à la surface, il les ramassait et les emportait ailleurs.
Jésus évoque ici une couche rocheuse sous-jacente recouverte d’une
mince couche de bonne terre. Lors du labour, le fermier ne voyait pas cette
couche rocheuse, car le soc de la charrue ne pénétrait qu’à une profondeur
de vingt à vingt-cinq centimètres. Une couche rocheuse granitique située à
trente centimètres de profondeur était difficilement décelable, mais la
couche de bonne terre qui la recouvrait était d’épaisseur insuffisante pour
conserver l’humidité nécessaire à la semence, surtout sous un climat sec.
Dans un tel terrain, la semence pénètre et germe. Mais à peine la tige
est-elle sortie du sol qu’elle fane par manque d’eau suffisante. Ses racines
ne peuvent percer la couche rocheuse. Pendant un certain temps, elle donne
l’impression d’être en bonne santé et de se développer, mais dès que le
soleil se lève et que l’eau s’est évaporée, la jeune pousse meurt aussi vite
qu’elle est apparue.
Ce type de terrain est un fléau pour le fermier qui a tout fait pour
labourer son champ sans savoir qu’une couche rocheuse se trouvait à une
faible profondeur. Cette partie de la récolte semble se développer plus
rapidement que le reste parce que ses racines n’ont pas de place où
s’incruster. La partie supérieure de la plante se garnit d’abondantes feuilles.
Un fermier expérimenté sait alors d’emblée que ce n’est pas un bon signe ;
le feuillage garni indique que les racines de la plante ne se développent pas
normalement.
Le troisième type de terrain dans l’histoire de Jésus est celui qui est
couvert d’épines et de végétation sauvage – épines, orties, chardons. Le mot
grec traduit par « épines » est akantha. Ce même terme apparait dans le
récit de la crucifixion à propos de la couronne d’épines enfoncée sur la tête
de Jésus en signe de dérision. Ce terme translitéré a donné acanthe en
français et désigne une plante méditerranéenne à feuilles très découpées.
Dans l’architecture grecque, les chapiteaux corinthiens représentaient des
feuilles d’acanthe. Les épines et les chardons n’ont aucun intérêt pour
l’agriculture. Ils sont plutôt néfastes pour les cultures, car ils prolifèrent
dans les champs et étouffent tout le reste. (C’est une autre caractéristique
clé de la malédiction dans Genèse 3.17-19. La mauvaise herbe croît mieux
et plus rapidement que le reste.)
La semence jetée dans un terrain couvert de mauvaise herbe ne se
développera pas en moisson saine et abondante. Labourez un champ
couvert d’herbes, et il se couvrira d’herbes plus abondantes encore, à partir
des restes mutilés des anciennes racines. Fraîchement labouré, il prend un
aspect prometteur trompeur. En surface, il paraît riche, argileux, bien propre
et prêt pour être ensemencé. Mais sous la surface, c’est une autre réalité,
tragique. Les solides racines et les minuscules graines tombées des plantes
nuisibles sont enfouies dans la terre, vivantes et prêtes à germer avec un
feuillage copieux mais inutile. Cette herbe pompe l’humidité du sol, aspire
les nutriments et prive les bonnes plantes de la lumière solaire, étouffant
ainsi la croissance de tout ce qui pourrait être utile et bénéfique dans le
champ.
Finalement, il y a la bonne terre. La semence qui tombe dans cette terre
labourée prospère. Elle y pénètre, protégée des semelles des piétons et de la
vue des oiseaux. Ses racines descendent profondément. C’est une terre
propre, exempte de mauvaise herbe et qui offre à la plante l’espace
nécessaire à son épanouissement. C’est vraiment un terrain bien préparé.
Les semences qui tombent dans cette terre produisent une moisson
abondante. Matthieu 13.8 et Marc 4.8 sont des passages parallèles qui
rapportent la même parabole ; dans ces passages, Jésus affirme que chaque
semence en produit trente, soixante et même cent. Luc indique seulement
que la plante donne « du fruit au centuple ».
Genèse 26 évoque un temps où Isaac et Rebecca furent contraints par la
famine de séjourner un certain temps dans le pays des Philistins. Le verset
12 déclare : « Isaac sema dans ce pays, et il recueillit cette année le centuple
; car l’Éternel le bénit. » Le centuple est donc une indication d’une
bénédiction extraordinaire de la part de Dieu. Au verset suivant, il est dit de
cet homme qu’il « devint fort riche ».
Le « centuple » ne fait pas référence au nombre de grains que chaque
semence aura finalement amenés à maturité. (À titre d’exemple, une simple
graine de citrouille peut produire entre dix et quinze citrouilles. Le nombre
total de graines qu’elles contiennent est beaucoup plus élevé que cent. Le
centuple en graines correspondrait à une maigre récolte.) L’expression
évoque le retour en investissement financier du fermier. Pour chaque denier
dépensé en semence, il récupère cent deniers sur la vente de ses récoltes. Un
rendement de dix serait déjà correct ; un rendement de trente ou de soixante
serait spectaculaire. Le « centuple » correspond à un profit sidérant.

Quelques points subtils à noter

Dans l’histoire que Jésus raconte, plusieurs choses sont claires :


premièrement, il n’est rien dit du semeur ni de son habileté. Il n’y a qu’un
seul semeur dans le récit. La différence fondamentale entre la semence qui
produit au centuple et celle que les oiseaux mangent n’a aucun lien avec la
méthode dont le semeur se sert pour répandre la semence.
Deuxièmement, il n’est rien dit non plus de la qualité de la semence.
Elle provient de la même source. La semence qui survit et porte du fruit est
de la même nature que celle étouffée par les épines. La qualité de la
semence n’est pas en cause.
La leçon que Jésus enseigne se concentre sur le terrain. Il raconte une
histoire dont le sens apparent n’est pas du tout mystérieux. Mais suivre
l’intrigue de l’histoire n’est pas la même chose que comprendre ce dont elle
parle. La vraie signification de ce que Jésus enseigne ne saute pas
immédiatement aux yeux. La parabole a besoin d’être expliquée.
En conséquence, Jésus exhorte ses auditeurs à sonder le sens profond de
la parabole. C’est ce que met en évidence une déclaration dans la seconde
partie de Luc 8.8 : « Après avoir ainsi parlé, Jésus dit à haute voix : Que
celui qui a des oreilles pour entendre entende. » Dans le texte grec, le verbe
est à l’imparfait, un temps qui indique généralement une action répétée ou
continue. La Nouvelle Bible Segond traduit : « En disant cela, il s’écriait :
Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! », ce qui sous-entend
que tout en racontant la parabole, Jésus souligna plus d’une fois la nécessité
de prêter attention, d’écouter avec un cœur habité par la foi et de creuser
sous la surface pour découvrir le sens profond. Jésus insistera sur ce point
peu après avoir expliqué la parabole, lorsqu’il déclarera : « Prenez garde à
la manière dont vous écoutez » (Lu 8.18).

Prenez garde à la manière dont vous écoutez

Les disciples le prennent au mot. Parmi la foule, les douze et quelques


autres disciples proches sont apparemment les seuls à le faire. Comme
l’affirme Marc 4.10, « Lorsqu’il fut à l’écart, ceux qui l’entouraient avec les
douze l’interrogèrent sur les paraboles. » Ce témoignage indique clairement
qui sont ceux qui ont des oreilles pour entendre : ceux qui croient
authentiquement en lui, ceux qui se conforment à l’enseignement de Jésus
et ne se contentent pas seulement de courir après ses miracles.
Luc 8.9,10 reprend le récit à ce moment-là :
Ses disciples lui [demandent] ce que [signifie] cette parabole.

Il [répond] : Il vous a été donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais pour les
autres, cela leur est dit en paraboles, afin qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en entendant
ils ne comprennent point.

Quand Jésus évoque des « mystères », il ne sous-entend pas un


enseignement clandestin de type gnostique, auquel ont accès seulement
quelques illuminés ou privilégiés fervents. Il ne fait pas référence à des
secrets ésotériques. Quand le Nouveau Testament parle de « mystères », il
le fait avec un sens simple et étroit : un mystère biblique désigne une vérité
spirituelle qui était obscure ou entièrement voilée sous l’ancienne alliance,
mais qui est pleinement révélée sous la nouvelle alliance. Le fait que les
non-Juifs deviendraient cohéritiers et au bénéfice de l’Évangile était un tel
mystère qui « n’a pas été manifesté aux fils des hommes dans les autres
générations, comme il a été révélé maintenant par l’Esprit aux saints apôtres
et prophètes de Christ » (Ép 3.5). L’Évangile est lui-même un mystère (Ép
6.19). L’incarnation de Christ est également un mystère, le « mystère de
Christ » (Col 4.3). Ce sont des vérités qui n’étaient pas pleinement révélées
dans l’Ancien Testament, mais qui sont devenues claires dans le Nouveau.
Paul semble citer un hymne ancien de l’Église primitive ou une confession
de foi familière quand il décrit tout le ministère terrestre de Christ (de son
incarnation à son ascension) comme « mystère de la piété » :
Dieu a été manifesté en chair,
justifié par l’Esprit,
vu des anges,
prêché aux nations,
cru dans le monde,
élevé dans la gloire (1 Ti 3.16).

Le « mystère » (au sens où Jésus emploie le terme) est ainsi une chose
partiellement ou complètement cachée à un moment et qui est désormais
pleinement dévoilée. Le Seigneur est sur le point de soulever le voile de
tout ce que l’Ancien Testament avait enveloppé dans la typologie, le
symbolisme et les indices prophétiques.
Mais le dévoilement était intentionnellement subtil de sorte que seuls
l’ont compris les vrais croyants avides de connaître la vérité – ceux qui
avaient des oreilles pour entendre. Ils ont saisi les vérités que Jésus
enseignait, non parce qu’ils auraient possédé une clairvoyance spéciale ou
une aptitude surnaturelle, mais parce qu’ils s’y sont suffisamment intéressés
pour en demander l’interprétation à Jésus. Pour les autres, les mystères sont
restés enveloppés dans le symbolisme parabolique.
En privé, le Seigneur déclare aux disciples : « Il vous a été donné de
connaître les mystères du royaume de Dieu » (Lu 8.10). Il dit en somme à
ceux qui ont des oreilles pour entendre : « Vous êtes élus, vous êtes choisis,
vous êtes bénis. » Quel privilège inouï pour un groupe de personnes
composé en grande partie de pêcheurs d’un village galiléen lointain !
Même si Jésus présente les paraboles d’une manière qui rend inaudible
la vérité pour les oreilles incrédules, personne n’est exclu contre sa volonté.
Quiconque désirait vraiment comprendre pouvait interroger le Maître.
Rappelons que Jésus a exhorté tous ceux qui étaient à portée de voix à faire
l’effort de comprendre : « Prenez donc garde à la manière dont vous
écoutez ; car on donnera à celui qui a, mais à celui qui n’a pas on ôtera
même ce qu’il croit avoir » (Lu 8.18). La réaction des auditeurs établira une
séparation entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Ceux qui
croient chercheront la vérité et la trouveront. Pour ceux qui ne croient pas,
les paraboles ne feront que voiler davantage la vérité. Leur cécité spirituelle
n’avait d’égale que leur propre incrédulité, amplifiée par le jugement divin.
En revanche, aux disciples avides de comprendre, Jésus déclare : « Mais
heureux sont vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles
entendent ! Je vous le dis en vérité, beaucoup de prophètes et de justes ont
désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous
entendez, et ne l’ont pas entendu » (Mt 13.16,17). Des années plus tard,
Pierre encore ébahi par un tel privilège, écrira :
Les prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut
l’objet de leurs recherches et de leurs investigations ; ils voulaient sonder l’époque et les
circonstances marquées par l’Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d’avance les
souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n’était pas
pour eux-mêmes, mais pour vous, qu’ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont
annoncées maintenant ceux qui vous ont prêché l’Évangile par le Saint-Esprit envoyé du ciel,
et dans lesquelles les anges désirent plonger leurs regards (1 Pi 1.10-12).

Des vérités qui étaient mystérieuses – non seulement pour les prophètes
de l’Ancien Testament, mais également pour les anges – sont sur le point
d’être explicitées à Pierre et à ses compagnons.
L’explication

Cette parabole nous fournit un modèle important quant à la manière de lire


et d’interpréter les narrations de Jésus. L’explication que Jésus en donne est
aussi simple et directe que la parabole elle-même :
Voici ce que signifie cette parabole : La semence, c’est la parole de Dieu. Ceux qui sont le
long du chemin, ce sont ceux qui entendent ; puis le diable vient, et enlève de leur cœur la
parole, de peur qu’ils ne croient et soient sauvés. Ceux qui sont sur le roc, ce sont ceux qui,
lorsqu’ils entendent la parole, la reçoivent avec joie ; mais ils n’ont point de racine, ils croient
pour un temps, et ils succombent au moment de la tentation. Ce qui est tombé parmi les
épines, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, s’en vont, et la laissent étouffer par les
soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils ne portent point de fruit qui vienne à
maturité. Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole avec
un cœur honnête et bon, la retiennent, et portent du fruit avec persévérance (Lu 8.11-15).

La semence représente la Parole de Dieu, et plus particulièrement ici le


message de l’Évangile (la bonne nouvelle du royaume). La Parole de Dieu
(notamment le message de l’Évangile) est également comparée à une
semence dans Jacques 1.18-21 et 1 Pierre 1.23-25. On retrouve des indices
de cette même comparaison dans certains textes vétérotestamentaires
familiers. Ésaïe 55.11 décrit la Parole de Dieu comme se répandant de
manière comparable à la semence du semeur : « Ma parole […] ne retourne
point à moi sans effet. » Le principe énoncé dans Psaumes 126.5,6
s’applique certainement au travail de l’évangéliste qui répand l’Évangile :
Ceux qui sèment avec larmes
Moissonneront avec chants d’allégresse.
Celui qui marche en pleurant, quand il porte la semence,
Revient avec allégresse, quand il porte ses gerbes.

Telle est la clé qui déverrouille le sens de la parabole : « La semence


désigne la Parole de Dieu. »
Le semeur n’est pas identifié de façon particulière. Certains pensent
qu’il est censé représenter Christ lui-même ; ils s’appuient sur l’explication
que Jésus donne de la parabole de l’ivraie : « Celui qui sème la bonne
semence, c’est le Fils de l’homme » (Mt 13.37). Or, ce sont deux paraboles
différentes et l’image n’est pas la même. Quand on interprète les paraboles,
il faut avoir un principe important à l’esprit : ne pas mélanger les détails.
Prenons un exemple : dans la parabole des terrains, il est clairement dit que
la semence représente la Parole de Dieu et (comme nous le verrons bientôt)
le champ labouré représente le cœur humain correctement préparé pour
recevoir la Parole. Mais quelques versets plus loin, dans la parabole du blé
et de l’ivraie (Mt 13.24-30), la bonne semence représente « les fils du
royaume » (les vrais sujets du royaume de Dieu), et « le champ, c’est le
monde » (v. 38). Soyons donc attentifs pour ne pas mélanger le symbolisme
des paraboles.
Si le semeur de la parabole des terrains n’est pas identifié, c’est tout
simplement parce que son identité n’importe pas. Il symbolise tous ceux qui
répandent la semence, c’est-à-dire quiconque proclame la Parole de Dieu
par la prédication, l’évangélisation personnelle, le témoignage personnel ou
autre encore. Quiconque répand la Parole de Dieu ou le message de
l’Évangile est un semeur.
L’aspect sur lequel la parabole met l’accent est la nature du terrain. On
ne peut capter l’essentiel de cette parabole sans reconnaître que le sol est
une image du cœur humain. La parabole souligne notamment quatre types
différents de cœur avec divers degrés de réceptivité. Luc 8.12 prouve d’une
manière irréfutable que le terrain de la parabole représente le cœur : « Ceux
qui sont le long du chemin, ce sont ceux qui entendent ; puis le diable vient,
et enlève de leur cœur la parole, de peur qu’ils ne croient et soient sauvés »
(italiques pour souligner).
Le mot cœur permet de bien interpréter la parabole assez facilement. Le
cœur, bien sûr, est l’endroit où devrait s’enraciner la Parole de Dieu. Selon
Luc 8.15, « ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant
entendu la parole avec un cœur honnête et bon, la retiennent, et portent du
fruit avec persévérance ».
La parabole décrit donc des cœurs dans différents états de préparation.
Les quatre types de terrain sont constitués des mêmes minerais. Ils sont
organiquement et intrinsèquement identiques. Ce qui les différencie les uns
des autres, c’est leur condition nécessaire à la production de fruit.
Ce que Jésus enseigne n’a donc rien à voir avec l’habileté du semeur ou
la qualité de la semence. Celle-ci est parfaite et éternellement immuable. En
s’efforçant d’améliorer la moisson par l’utilisation d’une autre semence, le
semeur outrepasserait gravement son devoir. Il n’a pas pour mission de
produire des pousses à feuillage dense mais sans fruit. Si tel était son
devoir, il pourrait semer des pissenlits ou des amarantes. Ces plantes
pousseraient effectivement mieux que la bonne semence dans une terre peu
profonde, tassée et déjà couverte d’herbe.
Mais malheur au laboureur qui attend une moisson de cette façon !
La pure Parole de Dieu est la seule semence véritable et légitime. Le
semeur personnifie quiconque répand le message de la Parole de Dieu
(résumée dans la proclamation de l’Évangile). Jésus ne fait même pas
mention des conditions météorologiques qu’on peut supposer identiques
pour les quatre types de terrain. D’ailleurs, l’indication d’un rendement au
centuple donne à penser que les conditions étaient parfaites. Le seul facteur
qui différencie la récolte abondante de la stérilité désolante du chemin dur
est la condition du terrain.
C’est là que réside la leçon de cette première parabole. La réaction
d’une personne à la Parole de Dieu dépend de la condition de son cœur. Par
ailleurs, le fruit est la seule preuve que l’auditeur a entendu correctement la
Parole.
Ce n’est donc pas sans arrière-pensée que Jésus a enseigné cette
première vérité lorsqu’il a commencé à dévoiler les mystères du royaume.
C’est une vérité fondamentale, dont l’Église a grandement besoin de se
souvenir. Les évangéliques adoptent constamment toutes sortes de
méthodologies étranges et non bibliques parce qu’ils croient pouvoir obtenir
une meilleure réaction de la part de cœurs endurcis, superficiels et
mondains. Certains altèrent la semence ou fabriquent une semence
synthétique. Ils essaient d’actualiser le message, atténuent le scandale de la
croix, en éliminent les aspects difficiles et impopulaires. Beaucoup se
contentent de remplacer l’Évangile par un message totalement différent.
Quelques-uns abandonnent le travail du semeur. Ils estiment que
répandre la semence autour de soi est archaïque et naïf. Ils se disent qu’ils
peuvent faire un meilleur usage du champ. Pourquoi ne pas le réserver pour
un festival de musique ou un théâtre de plein air ?
Mais la parabole ne cherche pas à améliorer la qualité de la semence, ni
à rendre le semeur plus compétent, ni à trouver un meilleur usage à la
ferme. Elle se concentre sur la condition du terrain. La présence ou non de
fruit dans la vie d’un auditeur dépend finalement de la condition du cœur de
cette personne. Les différentes conditions de cœur que Jésus illustre
couvrent toute la gamme des possibilités humaines.
L’auditeur le long du chemin
Le terrain tassé, sec et dur du chemin illustre un cœur imperméable à la
vérité biblique. Il s’agit là peut-être de la condition la plus troublante et la
plus désespérante de toutes celles que Jésus dépeint. L’incrédulité et
l’amour du péché ont fait du cœur un endroit compact et dur comme la
pierre dans lequel il est impossible à la vérité de pénétrer en encore moins
de prendre racine. L’auditeur est inconscient, sans espoir, spirituellement
mort – et entièrement exposé aux stratagèmes de Satan.
Jésus explique : « Ceux qui sont le long du chemin, ce sont ceux qui
entendent ; puis le diable vient, et enlève de leur cœur la parole, de peur
qu’ils ne croient et soient sauvés » (Lu 8.12). Du même coup, ce verset
explique le vrai but qui sous-tend l’œuvre du semeur. Son objectif est que
les gens « croient et soient sauvés ». Il n’y a qu’un seul moyen de semer la
semence adéquate pour un tel but : proclamer l’Évangile de Jésus-Christ
(qui est, après tout, le but ultime et le point central de toute la Bible). Le
semeur est un évangéliste. Il espère une moisson d’âmes.
Il rencontre inévitablement des auditeurs dont le cœur est aussi dur que
le ciment. L’Ancien Testament les qualifie de gens « au cou raide » (Ex
32.9 ; 2 R 17.14). Il va de soi que ces personnes ont volontairement endurci
leurs cœurs. « Ils ont raidi leur cou, pour ne point écouter mes paroles » (Jé
19.15). De Sédécias, ce jeune roi qui « fit ce qui est mal aux yeux de
l’Éternel, son Dieu » (2 Ch 36.12), l’Écriture dit : « Il raidit son cou et
endurcit son cœur, au point de ne pas retourner à l’Éternel, le Dieu d’Israël
» (v. 13). Il a volontairement cuirassé sa volonté contre la repentance. Ce
sont des hommes comme lui qui ont lapidé Étienne. Le martyr les a
d’ailleurs appelés ainsi : « Hommes au cou raide, incirconcis de cœur et
d’oreilles ! Vous vous opposez toujours au Saint-Esprit » (Ac 7.51).
Jésus compare ce genre de personne à un chemin piétonnier durci et
aride qui longe le champ. Son cœur est un boulevard traversé sans cesse par
une multitude d’iniquités. Sans aucune barrière de protection, il est exposé
au piétinement de toutes les mauvaises choses qui se présentent. Il n’est
jamais labouré par un sentiment de condamnation. Il ne fait jamais l’objet
d’une introspection, d’un examen de soi, d’une honnête évaluation de sa
culpabilité, d’une repentance authentique. Ce cœur est aussi imperméable à
la douce sollicitation de la grâce qu’aux terreurs effroyables du jugement.
L’indifférence, l’insensibilité et l’amour du péché ont rendu le cœur de cette
personne dur, sec et impénétrable.
C’est le portrait de l’insensé que brosse le livre des Proverbes, celui qui
méprise la sagesse et l’instruction (Pr 1.7), qui « prend plaisir » non « à
l’intelligence », mais « à la manifestation de ses pensées » (18.2). Notons
avec intérêt qu’ici, Jésus ne décrit pas les athées. Il parle à des gens ancrés
dans une culture profondément religieuse ; les cœurs les plus endurcis de
tous dans son auditoire d’alors sont ceux de l’aristocratie religieuse – les
chefs des scribes et des pharisiens, ceux-là mêmes qui viennent de
blasphémer contre le Saint-Esprit et de se priver définitivement de la grâce.
Leur péché incarne le comble de la dureté de cœur. L’athée pur et dur vit
dans une condition spirituelle meilleure que la leur. « Vous avez pour père
le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père », leur dit Jésus
ailleurs (Jn 8.44).
Dans le passage que nous étudions, Jésus affirme que les cœurs endurcis
sont entièrement à la merci du diable : « Le diable vient, et enlève de leur
cœur la parole, de peur qu’ils ne croient et soient sauvés » (Lu 8.12).
Comment le diable fait-il pour enlever la Parole de Dieu du cœur de
l’individu ? Il se sert de plusieurs stratagèmes que nous ne devons d’ailleurs
pas ignorer (2 Co 2.11). Si vous pensez que Satan et ses œuvres sont
toujours manifestement diaboliques, vous risquez d’être dupés. Il utilise la
tromperie. « Il est le père du mensonge » (Jn 8.44). Lui-même et ses
serviteurs se présentent en anges de lumière et en ministres de la justice (2
Co 11.14,15). Il trouble les gens par les faux docteurs qui viennent au nom
de Christ mais attaquent subtilement la vérité de l’Évangile ou en sapent les
fondements. Il exploite également les passions humaines coupables : la peur
de ce que les autres pourraient penser, l’orgueil, l’entêtement, les préjugés,
les différentes convoitises. Il se sert de l’amour du cœur perdu pour les
plaisirs du péché. Il sait que les gens préfèrent « les ténèbres à la lumière
parce que leurs œuvres [sont] mauvaises » (Jn 3.19) et il tire profit de ce
penchant. Il lui est facile de se rendre attrayant pour ceux qui aiment les
ténèbres. Puis, après avoir gagné leur confiance et leur attention, il détourne
leur esprit de la vérité de la Parole et l’ôte ainsi efficacement de la
conscience de l’individu.
L’auditeur superficiel
La fine couche de terre arable au-dessus de la dalle rocheuse symbolise
la personne au cœur superficiel qui réagit immédiatement, mais pas de
façon profonde. « Ceux qui sont sur le roc, ce sont ceux qui, lorsqu’ils
entendent la parole, la reçoivent avec joie ; mais ils n’ont point de racine, ils
croient pour un temps, et ils succombent au moment de la tentation » (Lu
8.13). Sans de profondes racines, la végétation ne peut survivre longtemps
sous un climat chaud et sec. Elle sort rapidement de terre, se couvre de
feuilles mais meurt presque aussi rapidement avant d’avoir atteint sa pleine
stature et de porter du fruit. Une telle croissance n’est d’aucune utilité
bénéfique.
Le Psaume 129 compare de même le méchant à « l’herbe des toits qui
sèche avant qu’on l’arrache » (v. 6). Dans la mince couche de poussière qui
s’accumule sur un toit plat, l’herbe peut germer et même sembler bien
fournie pendant un certain temps, mais elle se trouve dans un endroit où elle
ne peut vivre longtemps. Elle est condamnée à mourir dès sa germination si
bien que même desséchée elle n’est d’aucune utilité. Le psalmiste poursuit
en déclarant que « le moissonneur n’en remplit point sa main, [et] celui qui
lie les gerbes n’en charge point son bras » (v. 7).
Je vis dans un endroit entouré de collines et de montagnes dénudées. À
la saison des pluies, elles reprennent vie en se couvrant subitement de
verdure luxuriante. Mais en peu de temps, elles redeviennent d’un brun
craquelé. La verdure qui semblait si prometteuse se transforme en
broussailles desséchées qui ne servent qu’à alimenter les feux de friches
californiens.
C’est une belle image de la manière dont certaines personnes réagissent
à la prédication de l’Évangile. Elles sont exactement à l’opposé de celles
qui ont un cœur endurci. Elles semblent réceptives. Elles manifestent un
intérêt enthousiaste. Jésus affirme qu’elles « reçoivent [la Parole] avec joie
» (Lu 8.13). Elles sont enthousiastes. Mais cette euphorie masque une triste
réalité : elles n’ont pas de racines. Elles « croient pour un temps ». C’est un
point qu’il importe de reconnaître : intellectuellement du moins, elles sont
réceptives, approbatives et même euphoriques. Elles ont une sorte de
croyance temporaire qui n’est pas de la foi authentique, précisément parce
qu’elle est superficielle – creuse, sans racines, totalement à la merci des
éléments hostiles qui ne manqueront évidemment pas de tester sa viabilité.
Il ne s’agit pas de savoir si cette « foi » va succomber mais quand elle
va le faire. En général (mais pas toujours), elle s’essouffle et disparaît plus
tôt que plus tard. Toute personne qui répond positivement à la Parole de
Dieu est confrontée un jour à « un moment de tentation ». Le terme grec
traduit par « tentation » dans Luc 8.13 peut aussi s’appliquer à un test ou à
une mise à l’épreuve, ce qui est visiblement le cas ici. La foi du nouveau
disciple sera un jour éprouvée par la menace d’une persécution, par l’une
des calamités de la vie ou par la vraie difficulté de maintenir l’apparence
d’une foi profonde et tenace. Si elle n’a eu qu’une foi superficielle, sans
racines, sans cœur, et quelque enthousiaste qu’ait pu être sa réaction initiale,
cette personne succombera, abandonnant complètement la foi.
Dans Jean 8.31, Jésus déclare : « Si vous demeurez dans ma parole,
vous êtes vraiment mes disciples. » L’auteur de la lettre aux Hébreux ajoute
: « Car nous sommes devenus participants de Christ, pourvu que nous
retenions fermement jusqu’à la fin l’assurance que nous avions au
commencement. » Paul affirme que vous pouvez vraiment être réconciliés
avec Dieu « si du moins vous demeurez fondés et inébranlables dans la foi,
sans vous détourner de l’espérance de l’Évangile que vous avez entendu »
(Col 1.23).
Ceux dont la foi n’est qu’éphémère entendent l’Évangile et y répondent
positivement, rapidement et superficiellement. Peut-être le font-ils pour des
motivations égoïstes (pensant que Jésus résoudra leurs problèmes matériels
ou leur rendra la vie plus facile). Ils n’ont pas vraiment calculé le coût.
Pendant un certain temps, ils se délectent dans une certaine émotion un
sentiment de soulagement, d’extase, d’euphorie ou autre. Ils versent des
larmes de joie, apprécient les étreintes, s’adonnent à toutes sortes d’activités
et pratiquent le « high five » qui consiste à lever le bras, la main ouverte au-
dessus de la tête et de frapper la main d’un ami qui adopte la même
position. Du moins au début. Tout cela pourrait faire croire qu’il s’agit
d’une vraie conversion enracinée dans une conviction profonde. On pourrait
même être enclin à penser que cette réaction est meilleure que celle du
croyant authentique qui est tellement écrasé par son péché et son sentiment
d’indignité qu’il n’éprouve que de l’humilité et une paisible reconnaissance.
L’explosion de joie n’est pas la caractéristique distinctive d’une
conversion authentique. Certes, la joie est une réaction juste et appropriée.
D’ailleurs le ciel tout entier retentit de joie quand une âme se convertit. «
De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul
pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas
besoin de repentance » (Lu 15.7). Mais comme Jésus le montre clairement
dans cette parabole, une grande joie peut parfois accompagner une fausse
conversion. Ni la joie débordante ni l’expression paisible de la gratitude ne
peuvent prouver que la profession de foi de la personne concernée est une
croyance superficielle et temporaire ou, au contraire, une conviction
profonde et durable. C’est le fruit (ou son absence) dans la vie de la
personne qui le révélera. « […] on connaît l’arbre par le fruit » (Mt 12.33).
Peu importe la mesure d’enthousiasme dont fait preuve l’auditeur
superficiel dans sa réaction initiale à la Parole de Dieu : si sa conviction est
superficielle et sans racines profondes, l’auditeur finira par succomber. À ce
moment-là, la preuve éclatera qu’en dépit de toute la joie et de tout le zèle
apparent, cet auditeur n’a en réalité jamais vraiment eu la foi. « Ils sont
sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; car s’ils avaient
été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous, mais cela est arrivé afin
qu’il soit manifeste que tous ne sont pas des nôtres » (1 Jn 2.19).

L’auditeur mondain
Le troisième type de terrain, celui qui est couvert de mauvaises herbes
et d’épines, décrit le cœur trop passionné ou trop préoccupé par les
questions du monde. Jésus explique : « Ce qui est tombé parmi les épines,
ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, s’en vont, et la laissent étouffer
par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils ne portent point de
fruit qui vienne à maturité » (Lu 8.14).
Ceux qui entrent dans cette catégorie (comme les auditeurs représentés
par le terrain peu profond) semblent d’emblée bien réagir à la Parole.
L’analogie suggère que cette personne manifestera probablement un signe
initial de réceptivité. La semence jetée dans les mauvaises herbes germera.
Ces gens « ayant entendu la parole, s’en vont » ; Jésus indique peut-être par
là qu’ils donnent toutes les apparences d’un engagement sur le chemin de la
foi. Marc semble dire qu’au début, ils ont tout ce qu’il faut pour porter du
fruit, mais qu’à un certain moment, « les soucis du siècle, la séduction des
richesses et l’invasion des autres convoitises, étouffent la parole et la
rendent infructueuse » (Mc 4.19, italiques pour souligner).
Il ne s’agit donc pas d’un incroyant endurci ni d’une personne
superficielle et émotive. Dans le cas présent, le terrain est bien labouré et sa
profondeur est suffisante. Mais il contient toutes sortes d’impuretés. Les
mauvaises herbes déjà présentes dans la terre ont commencé à germer sous
la surface. Elles deviendront plus fortes et se développeront plus vite que la
bonne semence. La Parole de Dieu fait figure d’une étrangère dans un tel
cœur. Les mauvaises herbes et les épines occupent déjà le terrain.
Cette personne cultive un lien d’amour trop fort avec le monde – elle est
obsédée par « les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie » – de cette vie
(Lu 8.14). Voilà la clé explicative. Les valeurs cultivées dans le monde
séculier présent (plaisirs coupables, ambitions terrestres, argent, honneurs et
toute une série d’autres distractions) inondent le cœur et étouffent la vérité
de la Parole de Dieu.
« C’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies » (Ja 1.8).
Comme Jésus l’enseigne ailleurs : « Nul serviteur ne peut servir deux
maîtres. Car, ou il haïra l’un et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un et
méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Lu 16.13).
D’ailleurs, dans le récit de Matthieu, l’accent porte sur l’amour de
l’argent qui caractérise l’auditeur mondain : « la séduction des richesses
[étouffe] cette parole, et la [rend] infructueuse » (Mt 13.22). L’apôtre Paul
écrit les lignes suivantes à Timothée : « Mais ceux qui veulent s’enrichir
tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs
insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition.
Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns,
en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes
dans bien des tourments » (1 Ti 6.9,10). Rien n’est plus contraire à la vérité
de l’Évangile que l’amour des richesses et les plaisirs de ce monde. À ceux
dont le principal désir est de consacrer leurs ressources à des plaisirs
mondains, Jacques 4.4 déclare : « Adultères que vous êtes ! ne savez-vous
pas que l’amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui veut
être ami du monde se rend ennemi de Dieu. »
L’apôtre Jean condamne la mondanité avec la même sévérité : «
N’aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un
aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui » (1 Jn 2.15). Voulait-il
dire que c’est un péché d’apprécier les montagnes, les fleurs, la bonne
nourriture et les gens ? Certainement pas. Il parle des valeurs et des vices de
ce monde, tout ce qui est incarné dans l’hostilité pathologique et
autodestructrice du monde contre Dieu : « Car tout ce qui est dans le
monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la
vie, ne vient point du Père, mais vient du monde » (v. 16).
C’est précisément ce que représentent les mauvaises herbes et les épines
dans la parabole : l’égoïsme, les désirs pécheurs et le système de croyance
impie qui domine ce monde. De telles valeurs – et non les valeurs naturelles
qui appartiennent à l’ordre créé lui-même – voilà ce qui étouffe la vérité de
la Parole de Dieu dans les cœurs déchus et qui rend ce monde indigne de
notre amour.
Ne nous y trompons pas. Les richesses matérielles ne sont pas
mauvaises en soi, pas plus que le plaisir d’ailleurs. Lorsqu’ils occupent leur
place légitime dans l’ordre de nos priorités, nous pouvons recevoir avec
reconnaissance les richesses et le plaisir comme des dons gracieux de la
main de Dieu qui est généreux (De 8.18 ; Ec 5.18,19 ; Os 2.10). Mais c’est
mal de préférer les bienfaits au Bienfaiteur, et d’accorder plus de valeur aux
biens tangibles et temporels qu’aux bénédictions spirituelles. Paul écrit à
Timothée : « Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être
orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses
incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance
toutes choses pour que nous en jouissions » (1 Ti 6.17).
Le jeune homme riche est un exemple néotestamentaire classique de
l’auditeur mondain. Il vint à Jésus en cherchant ardemment la vie éternelle,
mais il était matérialiste et aimait l’argent – et Jésus le savait. L’Écriture
rapporte que « le jeune homme s’en alla tout triste ; car il avait de grands
biens » (Mt 19.22). Il aimait les valeurs du monde plus qu’il n’aimait Dieu.
Judas est un autre exemple. Il prétendit suivre Jésus depuis l’appel des
douze jusqu’au jour où il trahit Christ pour trente pièces d’argent.
L’Écriture révèle que son vice était l’amour de l’argent : « Il était voleur et
[…] tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait » (Jn 12.6). Il représente
le pire auditeur parmi ceux dont le cœur est plein de mauvaises herbes et
d’épines.
Les auditeurs symbolisés par le terrain durci du chemin, le terrain de
faible profondeur de terre arable et le terrain rempli d’épines ont tous une
chose en commun : « Ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité »
(Lu 8.14). Or le but de toute agriculture est de produire du fruit. Le terrain
qui ne répond pas à cet objectif est sans valeur. Le chemin piétiné restera
perpétuellement dur, la terre arable de faible profondeur ne sera
probablement pas ensemencée une seconde fois, et le terrain couvert
d’épines sera livré aux flammes. S’il ne peut être entièrement débarrassé de
ses mauvaises herbes et de nouveau labouré pour être ensemencé, il sera
abandonné comme terrain vague.
Ces trois types de terrains stériles représentent les incroyants – incluant
les personnes qui ont initialement laissé entrevoir de belles promesses, mais
n’ont pas porté de fruit.

L’auditeur qui porte du fruit


Le dernier terrain est bien cultivé et produit la moisson espérée. Pour
Jésus, il symbolise « ceux qui, ayant entendu la parole avec un cœur
honnête et bon, la retiennent et portent du fruit avec persévérance » (Lu
8.15). Il décrit le cœur bien préparé. Dans Matthieu 13.23, Jésus assimile le
bon terrain à « celui qui entend la parole et la comprend. » D’après Marc
4.20, il est l’image de « ceux qui entendent la parole, la reçoivent et portent
du fruit » (italiques pour souligner).
Jésus décrit une personne dont le cœur est tellement bien préparé que
lorsqu’elle entend l’Évangile, elle le reçoit avec une réelle compréhension
et une foi sincère. L’expression de Luc (« […] la retiennent et portent du
fruit avec persévérance ») suggère un attachement tenace à la vérité et une
constance dans la foi.
Le fruit porté avec persévérance est le signe indispensable de la foi
authentique et salvatrice en Christ. Voici l’une des leçons clés de la
parabole : l’endurance est la marque d’une foi authentique. Jésus déclare :
« Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples » (Jn
8.31). La foi passagère n’a rien de la vraie foi.
Le « fruit » dont il est question dans la parabole inclut évidemment le
fruit de l’Esprit : « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la
bienveillance, la foi (ou fidélité), la douceur, la maîtrise de soi » (Ga
5.22,23). Il inclut « le fruit de justice qui est par Jésus-Christ, à la gloire et à
la louange de Dieu » (Ph 1.11). Un cœur habité par une foi authentique
offrira nécessairement un sacrifice de louange, à savoir « le fruit de lèvres
qui confessent son nom » (Hé 13.15). Pour Paul, les gens qu’il a amenés à
Christ constituent le fruit de son ministère (Ro 1.13). C’est tous ces fruits
que Jésus a présents à l’esprit quand il déclare que le bon terrain représente
les auditeurs « qui portent du fruit avec persévérance ».
Mais il s’attend également à ce que ce terrain produise un fruit
abondant. Matthieu et Marc parlent de rendements de « trente, soixante et
cent pour un » (Mc 4.20 ; voir aussi Mt 13.23). Comme nous l’avons déjà
indiqué plus haut dans ce chapitre, tout rendement supérieur à dix pour un
constituerait un immense retour sur investissement pour le fermier. Si Jésus
enseigne clairement ce que nous savons par expérience, à savoir que tous
les chrétiens ne portent pas la même quantité de fruit, il suggère cependant
que la foi doit nécessairement produire un fruit abondant. Dans notre vie, le
fruit spirituel doit être abondant et visible, et non rare au point d’être
difficile à trouver. Car nous avons été « créés en Jésus-Christ pour de
bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les
pratiquions » (Ép 2.10). Jésus déclare : « Tout sarment qui est en moi et qui
ne porte pas de fruit, il [le Père qui est le vigneron] le retranche ; et tout
sarment qui porte du fruit, il l’émonde, afin qu’il porte encore plus de fruit
» (Jn 15.2). Le fruit – une moisson produite par Dieu, et abondante –
couronne naturellement la foi salvatrice.
Mais elle ne peut se produire que dans un cœur pur et bien préparé.
Il est du devoir de chacun de préparer son cœur pour qu’il soit prêt à
recevoir « avec douceur la parole qui a été plantée » (Ja 1.21) et ensuite de
prendre soin de cette semence pour qu’elle produise une moisson
abondante. L’Ancien Testament nous apprend que Roboam, le fils et héritier
insensé du trône de Salomon « fit le mal, parce qu’il n’appliqua pas son
cœur à chercher l’Éternel » (2 Ch 12.14, italiques pour souligner). Et aux
habitants infidèles et rétrogrades de Juda et de Jérusalem, Dieu donna cet
ordre par la bouche de son prophète : « Défrichez-vous un champ nouveau,
et ne semez pas parmi les épines » (Jé 4.3). Le contexte montre de façon
très limpide que Dieu leur ordonnait de préparer leurs cœurs à recevoir la
parole (v. 4). C’est le devoir de tout être humain.
Mais un obstacle de taille se dresse sur notre chemin : nous ne pouvons
pas le faire par nous-mêmes. Nous sommes déjà désespérément impurs.
Nous sommes des pécheurs déchus, coupables et avons un cœur peu
profond, recouvert de mauvaises herbes et rebelle. Abandonnés à
nousmêmes, nous ne pouvons que nous endurcir davantage. Toute
exposition à la lumière ne ferait que durcir encore davantage notre cœur et
le rendre aussi imperméable à la Parole de Dieu qu’un sentier en ciment
peut l’être pour une semence végétale. « Car l’affection de la chair [nature
charnelle non régénérée] est inimitié contre Dieu, parce qu’elle ne se
soumet pas à la loi de Dieu, et qu’elle ne le peut même pas. Or, ceux qui
vivent selon la chair ne sauraient plaire à Dieu » (Ro 8.7,8).
Seul Dieu peut labourer un cœur et le préparer à recevoir la Parole. Il le
fait par l’action régénératrice et sanctifiante de son Saint-Esprit qui
convainc le monde « en ce qui concerne le péché, la justice et le jugement »
(Jn 16.8). Ceux qui croient, il les vivifie spirituellement (Ro 8.11). Il
illumine leur esprit pour qu’ils voient la vérité (1 Co 2.10). Il les lave et les
purifie (Éz 36.25). Il leur ôte le cœur de pierre et le remplace par un cœur
de chair (v. 26). Il habite dans son peuple et le pousse à pratiquer la justice
(v. 27). Il grave la vérité de Dieu sur le cœur de ses sujets (Jé 31.33 ; 2 Co
3.3). Il répand l’amour de Dieu dans leurs cœurs (Ro 5.5). Nous qui croyons
en Christ dépendons totalement de l’œuvre de l’Esprit qui habite en nous
pour maintenir nos cœurs malléables, réceptifs et finalement capables de
porter du fruit.
Et nous devons rester fidèlement dépendants de lui.
Comme David qui s’est écrié : « Ô Dieu crée en moi un cœur pur,
renouvelle en moi un esprit bien disposé » (Ps 51.12), approchons-nous de
Dieu avec confiance et dans la soumission, lui permettant d’accomplir dans
notre cœur l’œuvre nécessaire que nous ne pouvons accomplir nous-mêmes.
Finalement, cette parabole nous rappelle que lorsque nous annonçons
l’Évangile ou enseignons la Parole de Dieu à notre prochain ou à nos
bienaimés, le résultat sera toujours conforme à la condition du cœur de nos
auditeurs. La réussite ou l’échec ne dépendent pas de notre compétence de
semeurs. Une partie de la semence que nous répandons tombera sur un
terrain dur, peu profond ou couvert de mauvaises herbes. Mais ne
reprochons rien à la semence. Si vous êtes fidèles à la tâche, une partie de la
semence que vous éparpillez trouvera un terrain bien préparé et elle portera
un fruit abondant.
3

Une leçon sur le coût du discipulat

Puis il dit à tous : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se
charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive.

— LUC 9.23

L’escalade des plus hauts sommets est peut-être le sport extrême le plus
inutile. Chaque année, les pentes du mont Everest sont couvertes des
cadavres de grimpeurs qui ont échoué. L’entreprise est coûteuse, dévorante
et dangereuse. Avant 1996, un quart de ceux qui tentaient l’aventure
mourait en cours d’ascension. Les statistiques sont un peu plus favorables
actuellement, mais sur cent personnes qui atteignent le sommet, quatorze
perdent la vie en cours de route. Et sur dix personnes qui atteignent le toit
du monde, une meurt lors de la descente. Plus de 225 personnes sont mortes
au cours des trois dernières décennies en tentant l’aventure. Avril 2014
marque le jour le plus sinistre dans l’histoire de l’alpinisme lorsqu’une
avalanche a provoqué la mort de seize personnes. Quel autre sport réclame
la vie de tant de participants ?
De plus, l’expédition est onéreuse ; elle coûte entre trente mille dollars
et quatre fois cette somme pour une seule tentative. Sans compter
l’entraînement qui prend entre huit et douze mois complets – au minimum.
La plupart des spécialistes estiment qu’il faut une expérience de plusieurs
années d’escalade.
Compte tenu du prix élevé de ce loisir et de l’issue fatale possible, il est
surprenant que tant de gens risquent tout ce qu’ils possèdent, et même leur
propre vie, pour accomplir un exploit qui ne leur offre pas d’autre
récompense tangible que la satisfaction personnelle et la fierté. L’aventure
ne constitue donc pas un engagement que l’on prend à la légère.
Le Seigneur a dit quelque chose de semblable à ceux qui n’avaient
qu’un intérêt superficiel à le suivre. La vie de disciple (nous utiliserons
désormais le terme technique « discipulat ») ne désigne pas un style de vie
dans lequel on s’embarque avec insouciance. Dans Matthieu 13, Jésus
raconte deux paraboles qui illustrent la nécessité d’évaluer le coût de
l’entrée dans son royaume.

Qu’est-ce que le royaume ?


Le thème du royaume de Dieu revient fréquemment dans les paraboles de
Jésus. Le royaume décrit le domaine sur lequel Christ règne en Roi des rois
et Seigneur des seigneurs incontesté. C’est le domaine dans lequel sa
seigneurie s’exerce pleinement. En d’autres termes, tous ceux qui font
partie du royaume de Dieu se sont formellement soumis à la seigneurie de
Christ. Y entrer, c’est entrer dans la vie éternelle. Le royaume est donc
synonyme de sphère du salut – ce domaine éternel dont les rachetés sont les
vrais citoyens (Ph 3.20).
Présentement, le royaume désigne une domination spirituelle, non une
entité géopolitique terrestre. Jésus décrit l’état actuel comme intangible et
invisible : « Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les
regards. On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le royaume de
Dieu est au milieu de [ou parmi] vous » (Lu 17.20,21). Il déclare aussi : «
Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18.36).
Le royaume dont il parle n’est évidemment pas la manifestation
complète et finale du royaume de Christ. Il atteindra son apogée lors du
retour corporel de Christ. À ce moment, « Le royaume du monde est remis
à notre Seigneur et à son Christ ; et il régnera aux siècles des siècles » (Ap
11.15). La première phase de ce règne éternel sera le règne de mille ans du
Seigneur Jésus sur la terre, annoncé dans Apocalypse 20.1-7. Il sera suivi de
la création des nouveaux cieux et de la nouvelle terre sur laquelle son règne
éternel se poursuivra (Ap 21.1-8).
C’est en vue de cela que Jésus nous exhorte à prier : « Que ton règne
vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » (Mt 6.10).
Lorsque le royaume sera finalement manifesté dans la nouvelle création, il
sera visible, universel (unissant les cieux et la terre), et ne prendra jamais
fin. Entre-temps, ce royaume n’est pas moins réel ; il est présent et croît
calmement sans cesse, au fur et à mesure que des pécheurs sont rachetés et
obtiennent par pure grâce la citoyenneté du royaume pour l’éternité. Jésus
illustre ces vérités dans ses paraboles.
L’Écriture désigne le royaume par différentes expressions : « le
royaume de Christ et de Dieu » (Ép 5.5) ; « le royaume de Dieu » (Mc 4.11)
; « son royaume [de Christ] » (Mt 13.41 ; 16.28). L’idée bien répandue
selon laquelle « le royaume des cieux » et « le royaume de Dieu » décrivent
deux réalités différentes est totalement fausse. Matthieu se sert toujours de
l’expression « royaume des cieux », et il est le seul auteur du Nouveau
Testament à le faire. Tous les autres Évangiles utilisent systématiquement la
formule « royaume de Dieu ». Les expressions sont synonymes, comme on
peut le constater en comparant Matthieu 5.3 et Luc 6.20, Matthieu 19.24 et
Marc 10.23 ou encore Matthieu 11.11 et Luc 7.28. Matthieu écrit à des
lecteurs juifs. Il parle du « royaume des cieux » plutôt que du « royaume de
Dieu » parce que les Juifs étaient extrêmement prudents dans l’utilisation
du nom divin ; l’auteur ne tenait pas à scandaliser inutilement son public.

L’entrée dans le royaume est-elle gratuite ou payante ?

Rien dans l’univers ne peut égaler la valeur inestimable du royaume. Il vaut


davantage que ce que n’importe quel mortel peut imaginer ; son prix
dépasse infiniment celui que n’importe lequel d’entre nous pourrait se
permettre d’offrir. Si vous donniez tout ce que vous avez déjà possédé et
tout ce que vous pourriez posséder un jour, ce serait encore de très loin
insuffisant pour mériter l’entrée dans le royaume. À ce sujet, l’Écriture est
claire : vous ne pouvez pas acheter votre billet d’entrée.
Les conditions sont même inverses. Les gens qui sont riches des biens
de ce monde sont sérieusement désavantagés en ce qui concerne l’entrée
dans le royaume céleste. Jésus déclare : « Il est plus facile à un chameau de
passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de
Dieu » (Mt 19.24). Selon l’Écriture, « l’amour de l’argent est une racine de
tous les maux » (1 Ti 6.10). L’attirance des biens matériels rend l’être
humain impropre pour le royaume de Dieu – même si l’individu en question
n’est pas fortuné. Pour reprendre les termes de Jésus, « il est difficile à ceux
qui se confient dans les richesses d’entrer dans le royaume de Dieu » (Mc
10.24). Le royaume de Dieu n’appartient pas non plus aux personnes qui
s’appuient sur leur propre justice ni à ceux qui estiment que leur religion,
leur moralité, leur éducation, leur engagement humanitaire, leur
philanthropie, leur souci de l’environnement, leur orientation politique, ou
que sais-je encore, pourraient leur valoir des mérites auprès de Dieu (voir
Lu 18.10-14).
La loi pose des exigences absolues. Jésus les résume dans une
exhortation toute simple : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste
est parfait » (Mt 5.48). Jacques exprime cette même vérité d’une autre
manière : « Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul
commandement, devient coupable de tous » (Ja 2.10). La loi nous
condamne donc tous, parce que nous avons tous enfreint ce
commandement. Le comble de la présomption arrogante, c’est d’imaginer
que des pécheurs déchus pourraient satisfaire suffisamment les exigences
parfaites de Dieu en matière de justice, ou gagner sa faveur en compensant
leur culpabilité par leurs œuvres imparfaites. « Nous sommes tous comme
des impurs, et toute notre justice est comme un vêtement souillé » (És
64.5).
Il nous serait plus facile d’acquérir tous les palais et tous les châteaux
du monde que d’acquérir le droit d’entrer dans le royaume des cieux par nos
propres mérites. En fait, tous les vrais citoyens du royaume ont une
caractéristique commune : ils sont « pauvres en esprit » (Mt 5.3). Ils
reconnaissent et confessent leur totale pauvreté spirituelle. Ils savent qu’ils
ne sont que des pécheurs indignes (1 Ti 1.15).
Ce fait n’est en aucune manière l’un des mystères du royaume demeuré
caché jusqu’à sa révélation finale dans le Nouveau Testament. C’est au
contraire une vérité fondamentale qui devait de tout temps être comprise :
Ils ont confiance en leurs biens,

Et se glorifient de leur grande richesse.

Ils ne peuvent se racheter l’un l’autre,

Ni donner à Dieu le prix du rachat.

Le rachat de leur âme est cher (Ps 49.7-9).

C’est pourquoi Jésus – l’Agneau de Dieu parfait, sans tache et sans


péché – a dû faire la seule expiation pour les pécheurs. « Celui qui n’a point
connu le péché, il [Dieu] l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous
devenions en lui justice de Dieu » (2 Co 5.21). Christ a effectivement payé
le droit d’entrée dans le royaume de tous ceux qui croient en son nom – car
il est le seul à avoir pu payer un prix aussi exorbitant.
C’était vraiment un prix inimaginable – beaucoup plus élevé que la
valeur de tout l’or et de toutes les richesses matérielles du monde réunis. «
Vous savez que ce n’est pas par des choses périssables, par de l’argent ou de
l’or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous aviez
héritée de vos pères, mais par le sang précieux de Christ, comme d’un
agneau sans défaut et sans tache » (1 Pi 1.18,19).
Il a payé la totalité du prix. C’est le sens de ses dernières paroles sur la
croix : « Tout est accompli ! » (Jn 19.30). « Car, par une seule offrande, il a
amené à la perfection pour toujours ceux qui sont sanctifiés » (Hé 10.14).
C’est pourquoi tous ceux qui entrent dans le royaume y entrent
gratuitement, « sans argent, sans rien payer ! » (És 55.1), par grâce au
moyen de la foi, sans aucun mérite ni aucun droit personnel (Ép 2.8,9).
Mais comme nous allons le voir dans cette paire d’illustrations concises,
la foi authentique n’oublie jamais d’apprécier le vrai prix du salut – ce que
notre délivrance de la malédiction du péché et de notre asservissement au
péché a coûté à Christ ; ce que signifie être racheté par Christ et fléchir les
genoux devant sa seigneurie, et, par-dessus tout, le prix inestimable en
termes de valeur éternelle pour le pécheur.
Par ailleurs, et paradoxalement, bien que le Seigneur Jésus ait payé le
prix complet, il n’est pas anormal d’encourager les gens à calculer le prix
d’entrée dans le royaume. C’est d’ailleurs cet aspect que Jésus met en
exergue dans ces deux brèves paraboles rapportées dans Matthieu 13.44-46.
Il exhorte tous ceux qui veulent entrer dans le royaume à considérer ce que
cela leur coûtera.
Que coûte au pécheur l’entrée dans le royaume de Dieu ?

Le trésor caché

La première parabole est si concise qu’elle n’occupe qu’un seul verset : «


Le royaume des cieux est encore semblable à un trésor caché dans un
champ. L’homme qui l’a trouvé le cache ; et, dans sa joie, il va vendre tout
ce qu’il a, et achète ce champ » (Mt 13.44).
Une histoire aussi simple suppose que Jésus évoque une scène familière
pour ses auditeurs. Ceux-ci comprennent évidemment le contexte juridique
et culturel sans autre explication. Mais nous, nous avons besoin de
comprendre l’arrière-plan. Commençons par une histoire récente et très
semblable qui s’est largement répandue sur Internet en février 2014. Un
couple de la Caroline du Nord promenait leur chien sur leur propriété
lorsqu’ils aperçurent quelque chose qui affleurait légèrement sur le chemin.
C’était une boîte en fer blanc rouillée qui avait été enfouie là des années
plus tôt. En creusant, ils découvrirent beaucoup d’autres boîtes semblables,
toutes remplies de pièces d’or – plus de mille quatre cents pièces en tout,
représentant une valeur de plus de dix millions de dollars. Les pièces
avaient été frappées à San Francisco entre 1847 et 1894, la période de la
ruée vers l’or en Californie. Une pièce particulièrement rare dans cette
collection fut estimée à plus d’un million de dollars. On estimait que c’était
la plus importante découverte de trésor caché aux États-Unis1. La plupart
des journaux qui rapportèrent cette histoire ajoutèrent que les chances de
gagner à la loterie étaient plusieurs milliers de fois supérieures à celle de
trouver un trésor aussi rare.
Il était peut-être plus fréquent au temps de Jésus de cacher un trésor
dans un champ que ce ne l’est aujourd’hui. À notre époque, les gens placent
leur argent dans une banque ou investissent dans des actions et des
obligations, dans des titres, dans l’immobilier ou autres. Ils mettent aussi
d’autres objets précieux en sécurité dans des coffres-forts blindés et bien
gardés. Au temps de Jésus, les changeurs de monnaie et les prêteurs
travaillaient de concert avec le temple plutôt qu’avec les banques. Et ils
n’offraient pas de lieu sûr pour placer l’argent, qui était généralement
investi dans l’achat de terres et de biens. Seules les personnes extrêmement
riches possédaient un surplus de pièces d’argent, des bijoux ou d’autres
trésors estimables. Il leur fallait trouver le moyen de cacher ces trésors.
Dans les pays qui connaissaient de fréquents conflits armés et de
soulèvements politiques, l’enfouissement des richesses était un moyen
commode de protéger les biens familiaux. Les armées conquérantes
s’arrogeaient très souvent le droit de prendre du butin de guerre. Certains
n’hésitaient pas à voler, à piller, à extorquer des biens aux habitants. À
l’approche d’une guerre, les gens prudents rassemblaient l’argent et les
bijoux qu’ils détenaient à la maison, les plaçaient dans des jarres en terre
cuite qu’ils enfouissaient dans le sol en se souvenant de l’endroit pour
récupérer leurs biens une fois le danger écarté. L’historien juif Josèphe écrit
ce qui s’est passé après la destruction de Jérusalem par le romain Titus
Vespasien en 70 apr. J.-C.
On trouva dans les ruines de la ville une quantité appréciable de richesses ; les Romains en
déterrèrent une partie, mais ce sont les prisonniers qui découvrirent la plus grande partie des
trésors et qui les emportèrent. Je parle de l’or, de l’argent et du restant des objets précieux que
les Juifs possédaient et que leurs propriétaires avaient cachés dans la terre, en prévision des
aléas de la guerre2.

Des gens enterraient parfois des biens de valeur par peur lâche,
méfiance ou paresse. Jésus y fait référence dans Matthieu 25.18 dans l’une
de ses paraboles dans lesquelles un serviteur paresseux « alla faire un creux
dans la terre, et cacha l’argent de son maître » au lieu de le déposer à la
banque pour en retirer des intérêts, ou de l’investir dans des opérations
rentables. Jésus disait qu’il aurait dû rendre l’argent avec un intérêt sur la
somme confiée. L’enterrer alors que le serviteur avait la possibilité de faire
fructifier cette somme était une preuve de folie et d’infidélité. (Nous
examinerons cette parabole au chapitre 7.)
Revenons à notre parabole. Un homme découvre un trésor caché dans
un champ qui appartient à quelqu’un d’autre. Peut-être que notre homme
était employé par le propriétaire pour labourer le champ. En le labourant, il
déterre le trésor caché. Il le remet aussitôt dans le trou où il l’a trouvé. Puis
il retourne chez lui et vend tout ce qu’il possède, liquide tous ses biens et
achète ce champ pour acquérir le trésor qu’il abrite.
Nous ignorons la nature du trésor, mais il était de très grande valeur.
Des lecteurs se demandent parfois si l’homme a agi selon la morale. Il
découvre un trésor qui ne lui appartient pas, puis l’enfouit de nouveau sans
rien dire au propriétaire du champ. N’aurait-il pas dû informer le
propriétaire de sa découverte ?
Non. La loi rabbinique juive était très claire dans des cas comme celui-
ci. Lorsqu’une personne trouvait dehors (même si c’était juste devant le
seuil de la maison) un objet de valeur dont elle ne connaissait pas le
propriétaire, le propriétaire du terrain n’avait aucun droit dessus. Voici
quelques exemples d’une collection moderne de sources anciennes :
S’il a trouvé [un objet] entre les planches [sur le seuil d’entrée de la maison], [si l’objet était
situé] entre le chambranle de la porte et l’extérieur, il appartient à celui qui l’a trouvé. S’il
était situé entre le chambranle de la porte et l’intérieur, il appartient au propriétaire de la
maison. Si quelqu’un trouve un objet dans un trou ou dans un nouveau mur, si l’objet se
trouvait plus près de l’extérieur que de l’intérieur, il appartient à celui qui l’a trouvé. [Si
l’objet se trouvait] plus près de l’intérieur que de l’extérieur, il appartient au propriétaire de la
maison. […] Si le mur ou le trou étaient totalement ouverts du côté extérieur, même si l’objet
était plus près de l’intérieur que de l’extérieur de la maison, il appartient à celui qui l’a trouvé.
Si le mur ou le trou étaient complètement ouverts du côté intérieur, même si l’objet est plus
près de l’extérieur que de l’intérieur, il appartient au propriétaire de la maison3.

Le trésor trouvé dans le champ n’appartenait visiblement pas au


propriétaire du champ. (Autrement, il l’aurait déterré avant de vendre son
champ à autrui. Le fait qu’il n’était au courant de rien indique qu’il n’avait
aucun droit sur le trésor.) C’est pourquoi, selon la loi juive, le trésor
appartenait à celui qui l’a découvert.
Si l’homme qui a découvert le trésor n’avait pas été aussi scrupuleux, il
aurait simplement mis la main dessus et se serait enfui. Ou il aurait
simplement pris une partie du trésor pour acheter la partie du champ
contenant la cachette. Il ne cherche pas non plus à provoquer une discussion
inutile pour savoir qui était le propriétaire légitime du trésor qu’il a trouvé.
Il le prend tout simplement et l’enfouit de nouveau dans la terre. Puis il va
vendre tout ce qu’il possède sur terre et acquiert tout le champ pour devenir
le propriétaire indiscutable du trésor.
Voici la leçon de la parabole : un homme trouve un objet de si grande
valeur qu’il vend tout ce qu’il possède pour acquérir le précieux objet. Il
déborde tellement de joie et il est tellement fasciné par la valeur de sa
découverte qu’il s’empresse de renoncer à tout ce qu’il possède pour
acquérir le trésor.

La perle de grand prix

La seconde parabole enseigne la même leçon : « Le royaume des cieux est


encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles. Il a trouvé
une perle de grand prix ; et il est allé vendre tout ce qu’il avait, et l’a
achetée » (Mt 13.45,46).
L’homme est vraisemblablement un grossiste. (Le terme traduit par «
marchand » est emporos en grec. Il a donné en français emporium, un
comptoir commercial en pays étranger.) Il se rendait de pays en pays,
parcourant les marchés, les ports de pêche, les foires commerciales, à la
recherche de perles de grande qualité qu’il achetait pour les revendre. De
nos jours, les antiquaires agissent de même. Ils fouillent les greniers et
vieilles granges et participent aux ventes aux enchères dans l’espoir de
dénicher dans le mobilier d’occasion une pièce rare qu’ils vont obtenir en
aubaine.
Du temps de Jésus, les perles jouaient le même rôle que les diamants
aujourd’hui. Les perles aux formes parfaites valaient autant que des pierres
précieuses. Et elles rendaient les richesses facilement transportables. Celui
qui possédait des perles fines avait une fortune. Des plongeurs indépendants
(qui travaillaient sans masque de plongée, sans combinaison de plongée,
sans poids ni appareil respiratoire) les trouvaient dans les profondeurs de la
mer Rouge, du golfe Persique et de l’océan Indien. Beaucoup d’entre eux
mouraient lors de ces plongées. Les chercheurs de perles attachaient de
grosses pierres sur leurs corps, prenaient une longue et profonde aspiration,
sautaient d’une barque et fouillaient les fonds à la recherche d’huîtres.
Une seule perle de taille et de beauté parfaite pouvait avoir une très
grande valeur. Quand Jésus dit : « Ne jetez pas vos perles devant les
pourceaux » (Mt 7.6), il brossait un tableau absurde pour mettre en
évidence la stupidité de vouloir discuter avec des gens qui n’ont que mépris
pour la vérité. Qui peut s’attendre à ce que des animaux parmi les plus
impurs apprécient quelque chose d’aussi précieux que les perles ?
Ce marchand cherchait à vendre des perles fines parce qu’elles
représentaient un investissement fiable ; leur valeur augmentait avec le
temps. Comme aujourd’hui, les sages investisseurs diversifiaient leurs
opérations financières : ils plaçaient une partie de leur argent dans l’achat
de terres, une partie dans le commerce des perles, une partie dans
l’immobilier. La seule chose que des investisseurs prudents ne faisaient pas,
c’était de placer tous leurs œufs dans le même panier.
Ceci étant, il est remarquable que dans les deux paraboles, les
principaux personnages ont fait exactement ce que de sages conseillers en
placements financiers nous recommanderaient de ne pas faire ! Le premier
personnage a vendu tout ce qu’il possédait pour acquérir un champ. Le
second a tout vendu pour s’offrir une perle.

Six vérités vitales à propos du royaume

Ces deux paraboles simples ne s’intéressent pas aux principes des


investissements. Elles enseignent une leçon spirituelle. Tout ce que ce
monde propose de valable et d’important est pure perte comparée à la
valeur insurpassable de la connaissance de Christ et à l’entrée dans son
royaume (Ph 3.7,8). Cette seule déclaration englobe plusieurs leçons sous-
jacentes concernant le royaume et qui sont tissées ensemble dans ces
paraboles.
Première leçon : elle concerne une vérité que nous avons déjà abordée :
Le royaume a une valeur inestimable. Christ et son royaume constituent un
trésor éternel qui transcende toute comparaison. Ce trésor ne peut ni se
corrompre, ni se souiller, ni se flétrir ; il est éternel et nous est réservé dans
les cieux (1 Pi 1.4).
Les deux paraboles évoquent une fortune de valeur incomparable qui
représente le royaume de Dieu. Souvenez-vous de la définition que nous
avons donnée du royaume : c’est le domaine sur lequel Christ règne et dans
lequel il bénit éternellement des sujets qui se soumettent volontairement à
lui, l’aiment et l’accueillent joyeusement par la foi comme Seigneur. C’est
le domaine du salut. Christ y est le souverain incontesté, et sa gloire est
l’élément central du royaume.
Cela suffirait à établir la valeur infinie du royaume, mais il y a encore
autre chose. Le royaume contient tout ce qui est éternel, tout ce qui possède
une valeur véritable et intrinsèque, tout ce qui est constamment
incorruptible et non souillé. Tout le reste passera, alors que le bonheur dans
le royaume ne peut jamais s’évanouir ni disparaître. D’ailleurs, Dieu
veillera à « donner à l’empire de l’accroissement, et une paix sans fin » (És
9.6). Pour paraphraser un cantique anglais bien connu, la paix du royaume
est parfaite, mais elle coule plus abondante chaque jour ; elle est parfaite
mais elle s’approfondit constamment4.
Le royaume est un trésor céleste qui repose dans le champ du monde
misérable, en faillite et maudit. Sa valeur est suffisante pour faire de chacun
des habitants de cette terre – les pauvres, les misérables, les aveugles et les
pécheurs – des gens immensément riches pour toute l’éternité. Le trésor
inclut le salut, le pardon, l’amour, la joie, la paix, la vertu, la bonté, la
gloire, la vie éternelle dans les cieux, la présence de Dieu et de son sourire,
et Christ lui-même. Tout ce qui a une valeur éternelle est littéralement
inclus dans le trésor du royaume.
C’est pourquoi le royaume est le bien le plus précieux qu’on puisse
trouver ; seule une personne totalement insensée pourrait refuser de
renoncer à tout ce qu’elle possède pour l’acquérir.
Deuxième leçon : le royaume n’est pas visible aux yeux de la chair. Le
trésor était caché et la perle dut être recherchée. Ils ne sautaient pas aux
yeux de l’observateur non averti. Il en est exactement de même avec les
paraboles. Leur vraie signification n’apparaît pas d’emblée. Elle est
réservée à celui qui cherche, et n’est pas évidente et sans équivoque pour
celui qui ne manifeste qu’un intérêt peu enthousiaste.
De même, Jésus déclare que le royaume ne vient pas au son de la
fanfare ; la plupart n’y prêtent même pas attention (Lu 17.20). La nature
humaine non régénérée ne peut pas saisir naturellement les réalités
spirituelles et ne peut donc pas les apprécier. « De même, personne ne
connaît les choses de Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu » (1 Co 2.11). «
Mais l’homme naturel n’accepte pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles
sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est
spirituellement qu’on en juge » (v. 14). « Si un homme ne naît de nouveau,
il ne peut voir le royaume de Dieu » (Jn 3.3). Le royaume et sa vraie valeur
sont donc cachés à l’esprit charnel. C’est pourquoi la plupart des gens
n’apprécient pas le trésor du salut, et ne le découvrent même pas. Après
tout, « l’affection de la chair est inimitié contre Dieu » (Ro 8.7).
Cela explique pourquoi les gens du monde ne comprennent pas la
passion effrénée des chrétiens pour la gloire de Dieu et ne la partagent pas.
Ils ne comprennent pas pourquoi nous avons une telle considération pour le
royaume de Dieu alors qu’il ne représente rien pour eux. Les individus non
régénérés n’ont aucune idée de ce que la gloire de Dieu représente. Ils ne
peuvent comprendre pourquoi un être humain se soumet volontairement à la
seigneurie de Jésus-Christ, ni pourquoi il se détourne du péché et de ses
plaisirs pour rechercher la justice, pourquoi il sacrifie les jouissances
terrestres au profit des joies célestes. Ces choses vont à l’encontre des
instincts et des désirs du cœur humain déchu.
Les gens sont tout simplement aveugles devant les richesses du
royaume. L’Écriture explique que : « le dieu de ce siècle a aveuglé
l’intelligence [des incrédules], afin qu’ils ne voient pas briller la splendeur
de l’Évangile de la gloire de Christ, qui est l’image de Dieu » (2 Co 4.4).
Christ, qui est la lumière du monde « était dans le monde, et le monde a été
fait par elle, et le monde ne l’a point connue. Elle est venue chez les siens,
et les siens ne l’ont point reçue » (Jn 1.10,11).
Voilà qui explique dans une grande mesure la détérioration morale de
notre culture contemporaine. Les pécheurs ne sont pas naturellement
enclins à chercher Dieu. En fait, l’Écriture déclare même que « nul ne
cherche Dieu » (Ro 3.11). Or, seuls ceux qui cherchent trouvent. Et ceux
qui cherchent le font parce que Dieu, dans sa grâce, les a attirés à Christ (Jn
6.44), non en faisant violence à leur volonté, mais en les attirant par « des
liens d’humanité, avec des cordages d’amour » (Os 11.4). Il invite et presse
tous les hommes à chercher « l’Éternel pendant qu’il se trouve », à
l’invoquer « tandis qu’il est près » (És 55.6). Christ lui-même a promis : «
Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et
l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve,
et l’on ouvre à celui qui frappe » (Mt 7.7,8).
Troisième leçon tirée de ces paraboles : Il faut s’approprier le royaume
personnellement. Dans ces deux paraboles, le personnage central est un
individu. Chacun trouve un objet de valeur inestimable qui répond à ses
besoins et se l’approprie. Cette image est riche de sens, car Jésus s’adressait
à des gens qui estimaient que, faisant partie de la nation d’Israël, ils étaient
automatiquement membres du royaume du Messie. De même, des millions
de personnes pensent que parce qu’elles ont été baptisées, vont à l’église ou
ont même demandé leur admission comme membres d’une assemblée
locale, l’entrée dans le royaume de Christ leur est acquise. On note même
de nos jours une tendance théologique dernier cri qui veut que les gens
entrent dans le royaume collectivement plutôt qu’individuellement, parce
que leur tribu, leur nation ou leur clan adopte une certaine forme de
christianisme.
Il n’en est rien. « Tous ceux qui descendent d’Israël ne sont pas Israël »
(Ro 9.6). « Le Juif, ce n’est pas celui qui en a les apparences ; et la
circoncision, ce n’est pas celle qui est visible dans la chair. Mais le Juif,
c’est celui qui l’est intérieurement et la circoncision, c’est celle du cœur,
selon l’Esprit » (Ro 2.28,29). Nul n’est citoyen du royaume des cieux tant
qu’il n’a pas été uni à Christ par l’Esprit de Dieu, tant qu’il ne s’est pas
approprié personnellement le trésor. Un véritable amour pour Christ, la
soumission à son autorité et la foi absolue en lui comme Sauveur et
Seigneur sont le fruit et la preuve nécessaire de cette union. « Si quelqu’un
n’aime pas le Seigneur, qu’il soit anathème ! » (1 Co 16.22).
Quatrième leçon : Le royaume est la véritable source de joie
authentique. Matthieu 13.44 indique que c’est poussé par « sa joie » que
l’homme a vendu tout ce qu’il possédait pour acquérir le champ avec le
trésor enfoui. Dans ce contexte, la mention de la joie est très significative.
Par ce détail important, le Seigneur reconnait en effet l’aspiration
fondamentale au bonheur de tous les humains. La joie est une bonne chose.
Il déclare en effet dans Jean 15.11 : « Je vous ai dit ces choses, afin que ma
joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » Plus loin, en leur
enseignant comment prier, il ajoute : « Jusqu’à présent vous n’avez rien
demandé en mon nom. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit
parfaite » (16.24). Des années plus tard, l’apôtre Jean fera écho à ces
paroles : « Nous écrivons ces choses, afin que notre joie soit parfaite » (1 Jn
1.4). Dans Romains 14.17, l’apôtre Paul met la joie sur le même niveau que
la justice et la paix : « Car le royaume de Dieu, [c’est…] la justice, la paix
et la joie, par le Saint-Esprit. » Et dans sa bénédiction aux Romains, Paul
écrit : « Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute
paix dans la foi » (15.13). La joie résulte naturellement de l’appropriation
d’un tel trésor. Si donc vous possédez ce trésor, « Réjouissezvous toujours
dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous » (Ph 4.4).
Cinquième leçon : Tous ne parviennent pas au royaume par la même
démarche. Nous n’avons guère besoin de souligner les ressemblances
évidentes dans les deux paraboles. Dans les deux, il n’est question que d’un
homme qui découvre quelque chose de grande valeur, qui comprend son
importance et qui est prêt à renoncer à tout pour l’acquérir.
Mais les deux histoires présentent une différence notable.
Dans la première parabole, l’homme tombe « par hasard » sur le trésor.
Dans la seconde, le marchand cherche la perle en sachant exactement ce
qu’il désire.
Dans le premier cas, rien ne laisse penser que l’homme cherchait un
trésor dans le champ. Il pouvait se trouver dans le champ parce que c’était
son chemin habituel pour se rendre à son lieu de travail, parce qu’il se
promenait tout simplement, parce qu’il labourait, parce qu’il devait creuser
un trou pour planter ou construire quelque chose. Et en faisant l’une ou
l’autre de ces choses, ou d’autres encore, il est tombé sur une fortune.
Beaucoup de gens entrent dans le royaume de cette manière. L’apôtre
Paul, par exemple, ne cherchait pas à entrer dans le royaume. Il pensait être
déjà dedans ! Il était en chemin vers Damas pour y persécuter les chrétiens.
Soudain, Dieu intervint puissamment du ciel, Paul se retrouva couché dans
la poussière et se releva racheté. Peu avant, il était encore satisfait de sa
propre justice jusqu’à cet instant précis où il trébucha sur un trésor qui lui
fit considérer toutes ses bonnes actions religieuses comme du fumier (Ph
3.8).
De même, la femme samaritaine vint au puits parce qu’elle avait besoin
de puiser de l’eau. Elle ne cherchait pas à rencontrer Christ ; la rencontre fut
providentielle, et elle rentra chez elle rachetée. En plus d’elle, l’aveugle-né
(Jean 9), l’apôtre Matthieu (Mt 9.9) et d’innombrables autres sont entrés
dans le royaume de façon inattendue, sans l’avoir cherché.
Pour sa part, le marchand était résolument parti à la recherche de perles
précieuses. Il savait ce qu’il cherchait. Il voulait un bien de valeur
authentique et durable. De ce point de vue, il ressemble à l’eunuque
éthiopien (Actes 8), à Corneille (Actes 10) ou aux Béréens (Actes 17). Il est
le type même de celui qui cherche sciemment le royaume, de celui qui est
attiré vers Christ dans sa quête consciente de vie éternelle.
Certains donnent l’impression d’entrer dans le royaume presque
fortuitement ; d’autres sont attirés et passent du temps à le trouver. Dans les
deux cas, c’est Dieu qui fait aboutir souverainement leur découverte de
Christ. Il agit avec tous de façon individuelle, orientant les pas de chacun
selon son plan divin, accordant par pure grâce à des cœurs pécheurs la
volonté et la sagesse de voir et d’apprécier la valeur infinie du royaume,
pour les inciter à estimer Christ plus précieux que tous les trésors du
monde. Telle est la foi qui sauve.
Sixième leçon : la foi salvatrice a un prix élevé. Il faut noter dans ces
deux paraboles que le prix d’acquisition du trésor est acquitté. Jésus
n’enseigne évidemment pas que la vie éternelle peut s’acheter avec de
l’argent ou se mériter par des bonnes œuvres. Nous avons déjà établi avec
force qu’une telle pensée est contraire à tout ce que l’Écriture enseigne au
sujet de la grâce, de la foi et du salut. Certes, notre salut a un prix
exorbitant, mais Jésus l’a déjà payé totalement. Il a fait l’expiation pour les
péchés de son peuple. La vie éternelle est gratuite pour le pécheur repentant
; elle est un don que le pécheur reçoit par la foi seule ; elle n’est pas une
récompense gagnée ou acquise par quelque œuvre que ce soit.
Mais dire que la vie éternelle peut s’obtenir gratuitement par la foi ne
signifie pas que la foi en question est un simple savoir intellectuel ou une
acceptation de certains faits. La foi qui sauve ne se réduit pas à un geste
physique comme se lever et se diriger vers l’estrade du prédicateur, ou lever
la main en réponse à une invitation de l’évangéliste. Elle ne se limite pas
non plus à une approbation intellectuelle sélective des enseignements de
Jésus. Avoir la foi, c’est renoncer à tout, en particulier renoncer à croire que
quoi que ce soit ou qui que ce soit pourrait nous acquérir des mérites devant
Dieu. Elle traduit un abandon total à la personne et à l’œuvre du Sauveur.
Comme le dit un cantique anglais connu, « Je n’ai rien à te donner, sinon
devant ta croix me prosterner5. »
« La foi en Jésus-Christ est une grâce salvatrice par laquelle nous le
recevons et nous mettons notre confiance en lui seul pour notre salut,
comme il nous l’offre dans l’Évangile. » Cette parole est tirée du Petit
catéchisme de Westminster (question 86). Le grand catéchisme déclare
(question 72) :
La foi qui justifie est une grâce salvatrice, placée dans le cœur d’un pécheur par l’Esprit et la
Parole de Dieu, grâce à laquelle, convaincu de son péché et de sa misère, de son incapacité
personnelle et de celle de toutes les autres créatures à le tirer de sa condition de perdu, non
seulement il confirme la vérité de la promesse contenue dans l’Évangile, mais reçoit Christ et
sa justice et se les approprie pour le pardon du péché, son acceptation et sa justification aux
yeux de Dieu pour le salut.

En termes plus simples, la foi salvatrice est un échange de tout ce que


nous sommes contre tout ce que Christ est. Christ a pris la place du pécheur
qui croit lorsqu’il a subi le châtiment du péché sur la croix. Les pécheurs
prennent leur place « en Christ » par la foi lorsque le Saint-Esprit les
introduit dans une union parfaite et permanente avec Christ par un baptême
spirituel (1 Co 12.13). C’est cette transaction que ces deux paraboles
illustrent.
La foi salvatrice authentique se soumet inconditionnellement à Christ
comme Seigneur et Sauveur. Cela ne signifie évidemment pas qu’à l’instant
même où nous croyons, nous pouvons nous attendre à être immédiatement
délivrés de toutes les tendances pécheresses ou que nous remporterons
automatiquement la victoire instantanée sur toutes les mauvaises habitudes.
La foi salvatrice fait que de tout notre cœur nous répudions le péché et
cultivons un amour croissant pour la justice. Ce changement de nature dans
le cœur est le fruit de la régénération et la preuve de notre union spirituelle
avec Christ. Ceux qui ne se repentent jamais et qui sont dépourvus de
véritable amour pour la justice n’ont jamais vraiment cru. La preuve du vrai
salut se trouve dans une vie de soumission aimante au Seigneur et à sa
Parole.
Le Seigneur refoulait souvent les gens lorsque leur foi se révélait
superficielle et était dépourvue de véritable engagement. Luc 9.57-62, par
exemple, évoque un tel cas :
Pendant qu’ils étaient en chemin, un homme lui dit : Seigneur, je te suivrai partout où tu iras.
Jésus lui répondit : Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de
l’homme n’a pas un lieu où il puisse reposer sa tête.
Il dit à un autre : Suis-moi.
Et il répondit : Seigneur, permets-moi d’aller d’abord ensevelir mon père.
Mais Jésus lui dit : Laisse les morts ensevelir leurs morts ; et toi, va annoncer le royaume de Dieu.
Un autre dit : Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d’aller d’abord prendre congé de ceux de ma
maison.
Jésus lui répondit : Quiconque met la main à la charrue, et regarde en arrière, n’est pas propre au
royaume de Dieu.

Dans Matthieu 10.37-39, Jésus livre une description détaillée de ce que


la vraie foi implique : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi
n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi
n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix, et ne me suit pas,
n’est pas digne de moi. Celui qui conservera sa vie la perdra, et celui qui
perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. » Autrement dit, si vous n’êtes
pas prêt à abandonner tout ce qui doit l’être pour pouvoir suivre fidèlement
Christ, alors vous n’êtes pas digne de lui.
On retrouve le même principe sous une forme plus concise dans
Matthieu 16.24 : « Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir
après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me
suive. » Telle est la transaction. Dans cet échange, je m’efface et reconnais
Christ comme le seul Maître légitime de ma vie. C’est ce qui distingue la
foi authentique de toutes les formes de professions religieuses superficielles
contrefaites.
La foi devient ensuite le principe directeur de la vie des sujets du
royaume. Il est clair que les gens ne saisissent pas toutes les ramifications
de cet abandon de soi au moment où ils sont sauvés. Mais les vrais croyants
croissent « dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et
Sauveur Jésus-Christ » (2 Pi 3.18), ce qui est la preuve qu’ils sont vraiment
sauvés.
Dans l’évangélisation pratiquée de nos jours, on n’insiste pas assez sur
la nécessité d’évaluer le coût de l’engagement. Dans Luc 14.28, Jésus
interroge : « Car, lequel de vous, s’il veut bâtir une tour, ne s’assied d’abord
pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi la terminer ? » Trois versets
plus loin, il complète : « Ou quel roi, s’il va faire la guerre à un autre roi, ne
s’assied d’abord pour examiner s’il peut, avec dix mille hommes, marcher à
la rencontre de celui qui vient l’attaquer avec vingt mille ? »
Il ne déclare pas autre chose dans ces deux brèves paraboles : vous
voulez suivre Jésus ? Très bien, mais avez-vous bien évalué la dépense ? En
méditant attentivement cet aspect de l’engagement durable, vous
constaterez certainement que la perle a tellement de valeur et que le trésor
est tellement exceptionnel qu’il vaut la peine de renoncer à tout trésor
temporel.
4

Une leçon sur la justice et la grâce

Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de l’injustice ? Loin de là !

— ROMAINS 9.14

Avez-vous déjà médité le contraste saisissant entre Judas Iscariot et le


brigand sur la croix ? Le premier était un disciple intime de Jésus-Christ qui
consacra trois années de sa vie à l’écoute de l’instruction religieuse la plus
intensive qui soit. Et pourtant, il a perdu son âme pour toujours. Le second
a vécu toute sa vie en criminel endurci qui se moquait encore des réalités
saintes lorsqu’il se faisait mettre à mort pour ses crimes. Mais il alla
directement au ciel pour toujours.
La différence entre ces deux hommes pourrait difficilement être plus
accentuée, et l’issue de leur parcours de vie respectif plus surprenante.
Judas était un disciple et faisait partie du cercle intime des douze. Il prêcha,
évangélisa, enseigna et reçut même « la puissance de guérir les maladies »
(Lu 9.1). Il avait toute l’apparence d’un disciple modèle. Lorsque Jésus
annonça que l’un des douze le trahirait, aucun ne pointa un doigt
soupçonneux sur Judas. Il avait gagné la confiance des autres au point qu’ils
avaient fait de lui leur trésorier (Jn 13.29). Ils n’avaient rien décelé dans son
caractère ou dans son attitude qui pût les faire douter de lui, en tout cas rien
de diabolique. Et pourtant, il a trahi Christ, mis fin à sa vie misérable en se
suicidant et est entré dans la damnation éternelle, chargé de honte la plus
horrible. Les paroles de Christ à son propos dans Marc 14.21 font frémir : «
Malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux vaudrait
pour cet homme qu’il ne soit pas né. »
De son côté, le malfaiteur sur la croix avait derrière lui une vie de
brigandage suffisamment coupable pour qu’il ait été condamné à mourir de
la mort la plus lente et la plus horrible connue. Dans Matthieu 27.38,
l’homme est qualifié de « brigand », un terme grec qui s’appliquait aux
brigands de grands chemins. Il fut crucifié avec un acolyte. Tous deux
auraient dû être exécutés en même temps que Barabbas, coupable de
sédition et de meurtre (Lu 23.19). Tout cela donne à penser qu’il faisait
partie d’un gang de bandits armés qui ne vivaient que de larcins et de vols,
et n’avaient d’autres lois que leurs passions. C’était un homme dominé par
ses vices, méchant et agressif. En effet, dans les premières heures de la
crucifixion, lui et son associé dans le crime avaient joint leurs moqueries et
leurs injures contre Jésus à celles de la foule hargneuse (Mt 27.44).
Toutefois, en voyant Jésus mourir en silence – « maltraité et opprimé […],
il n’a point ouvert la bouche, semblable à un agneau qu’on mène à la
boucherie (És 53.7) » –, un changement remarquable de dernière minute
s’opère dans le cœur de ce brigand endurci. Dans les moments d’agonie de
sa misérable vie terrestre, il confesse son péché (Lu 23.41), prononce une
prière toute simple : « Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton
règne » (v. 42) et entre directement dans le paradis ce même jour (v. 43),
revêtu d’une justice parfaite, toute sa culpabilité ayant été portée et expiée
par Christ.
Ceux qui pensent que le ciel récompense le bien accompli pourraient
être offusqués et s’insurger contre ce qui leur paraît être un déni de justice.
Ce brigand n’avait absolument rien fait pour mériter le ciel. S’il a été
possible d’accorder un pardon total à un tel homme dans les tout derniers
moments de sa misérable vie de péchés notoires, n’aurait-il pas été juste
d’effacer ou d’atténuer l’acte unique de trahison de Judas compte tenu du
bien qu’il avait accompli au cours des trois années où il avait suivi Christ ?
Il arrive que des gens se posent cette question. On trouve assez souvent sur
Internet des commentaires et des articles de personnes qui considèrent que
Judas a été traité injustement et jugé trop sévèrement.
D’ailleurs Judas était ce genre d’individu à cheval sur les principes.
Lorsque Marie a oint les pieds de Jésus avec un parfum qui valait une
fortune, il s’est indigné. Il connaissait la valeur du parfum (l’équivalent
d’un salaire annuel), et il ne manqua pas d’exprimer son indignation : «
Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner
aux pauvres ? » (Jn 12.5.) Lui aussi aurait sans doute estimé que la grâce
accordée par Jésus au malfaiteur crucifié était extravagante.
Les personnes qui ont consacré toute leur vie à suivre scrupuleusement
les règles de leur religion sont parfois scandalisées quand Dieu choisit et
sauve quelqu’un qu’elles n’estiment pas digne de la faveur divine.
Souvenons-nous que tout le monde sans exception est indigne. Personne
ne mérite la faveur divine. Nous sommes tous des pécheurs coupables qui
ne méritent que la condamnation. Aucun de ceux qui ont péché n’a quelque
droit que ce soit à la bonté de Dieu.
Pour sa part, Dieu a tous les droits de témoigner sa miséricorde et sa
compassion à qui il veut (Ex 33.19). De plus, lorsqu’il fait grâce, c’est
toujours avec surabondance, comme il l’a affirmé à Moïse : « L’Éternel,
l’Éternel, Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en
bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui
pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché » (Ex 34.6,7).
Les gens qui accusent Dieu d’être inique ou injuste quand il fait grâce
au pécheur le plus indigne n’ont tout simplement pas saisi le principe de la
grâce. Une justice non tempérée par la grâce signifierait la mort immédiate
de tout pécheur, car « le salaire du péché, c’est la mort » (Ro 6.23). En
réalité, nous ne voulons pas vraiment ce qui est « juste ». Nous avons tous
terriblement besoin de grâce et de miséricorde.
En offrant sa grâce, Dieu n’est pourtant pas injuste, puisque Christ a fait
l’expiation des péchés de tous ceux qui se tournent vers lui ; il leur a ainsi
obtenu justice. « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour
nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jn 1.9,
italiques pour souligner). Parce que Christ a endossé le châtiment du péché,
Dieu peut justifier les pécheurs qui croient (même les pécheurs les plus
notoires comme le brigand sur la croix) sans faire violence à sa justice
divine. « Il montre ainsi sa justice dans le temps présent, de manière à être
juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus » (Ro 3.26).
Et que dire si Dieu fait grâce à un malheureux brigand à l’article de la
mort et condamne un homme aux antécédents religieux comme Judas ? «
Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de l’injustice ? Loin de là ! » (Ro
9.14). « Il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut » (v. 18).
Il ne faut jamais envisager la grâce de Dieu comme une récompense
pour des œuvres bonnes. Le ciel ne constitue pas un prix pour des
personnes méritantes. Dieu « justifie l’impie » (Ro 4.5). Par définition, la
grâce est imméritée. Mais elle n’est pas injuste ni « inique ». N’essayez pas
de coller à la « grâce » les notions puériles de fair-play ou d’équité.
Personne n’a le moindre droit à la miséricorde divine. Dieu est parfaitement
libre d’accorder sa grâce comme il lui semble bon. Comme il l’a déclaré à
Moïse, « Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde et j’aurai compassion
de qui j’ai compassion » (Ro 9.15).
Dans Matthieu 20.1-15, Jésus raconte une parabole qui illustre ces
principes :
Car le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui sortit dès le matin, afin de
louer des ouvriers pour sa vigne. Il convint avec eux d’un denier par jour, et il les envoya à sa
vigne. Il sortit vers la troisième heure, et il en vit d’autres qui étaient sur la place sans rien
faire. Il leur dit : Allez aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera raisonnable. Et ils y
allèrent. Il sortit de nouveau vers la sixième heure et vers la neuvième, et il fit de même. Étant
sorti vers la onzième heure, il en trouva d’autres qui étaient sur la place, et il leur dit :
Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans rien faire ? Ils lui répondirent : C’est que
personne ne nous a loués. Allez aussi à ma vigne, leur dit-il. Quand le soir fut venu, le maître
de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers, et paie-leur le salaire, en allant des
derniers aux premiers. Ceux de la onzième heure vinrent, et reçurent chacun un denier. Les
premiers vinrent ensuite, croyant recevoir davantage ; mais ils reçurent aussi chacun un
denier. En le recevant, ils murmurèrent contre le maître de la maison, et dirent : Ces derniers
n’ont travaillé qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons supporté la fatigue du
jour et de la chaleur. Il répondit à l’un d’eux : Mon ami, je ne te fais pas tort ; n’es-tu pas
convenu avec moi d’un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce
dernier autant qu’à toi. Ne m’est-il pas permis de faire de mon bien ce que je veux ? Ou vois-
tu de mauvais œil que je sois bon ?

Comme toutes les paraboles, celle-ci vise à enseigner une profonde


vérité spirituelle. Jésus ne donne pas une leçon sur les lois sur l’équité au
travail, sur le salaire minimum, sur l’égalité dans les relations d’affaires, ou
sur quelque autre principe terrestre. Il décrit comment la grâce opère là où
Dieu règne.
Jésus raconte cette parabole dans la dernière partie de son ministère,
alors qu’il se trouve en Pérée, sur la rive orientale du Jourdain, en face de
Jéricho. C’est la région où Jean-Baptiste avait connu le plus de succès dans
son ministère. Jésus s’est retiré là après la tentative avortée de quelques
chefs des pharisiens de s’emparer de lui (Jn 10.39,40). Les semaines
passées en Pérée figurent parmi les plus fécondes de son ministère terrestre.
Dans cette contrée désertique aride, des foules vinrent de la Galilée et de la
Judée écouter Jésus. « Beaucoup de gens vinrent à lui, et ils disaient : Jean
n’a fait aucun miracle ; mais tout ce que Jean a dit de cet homme était vrai.
Et, dans ce lieu-là, plusieurs crurent en lui » (v. 41,42).
La parabole
La parabole des ouvriers nous présente un « maître de maison ». Le terme
correspondant grec est oikodespotes (composé de oikos, « maison » et
despotes, « maître »). En posant la question : « Ne m’est-il pas permis de
faire de mon bien ce que je veux ? », il fait comprendre que les salaires
versés aux ouvriers proviennent de sa fortune (Mt 20.15). Le verset 8 le
désigne comme « le maître de la vigne », un vignoble d’une surface
importante pour occuper un si grand nombre d’ouvriers. Il s’agit donc bien
d’un homme influent et riche.
Les multitudes qui écoutaient Jésus avaient l’habitude des vignes. De
grandes étendues d’Israël étaient couvertes de vignes plantées en terrasses.
Le pays d’Israël avait deux types de régions agricoles : les plaines et les
versants montagneux. Les plateaux et les vastes plaines servaient aux
cultures céréalières et aux pâturages ; le vignoble occupait plutôt les
terrasses des pentes montagneuses plus raides. Les terrasses en pente douce
étaient délimitées à leur partie inférieure par des murs de pierres. Celles-ci
étaient transportées et empilées à la main. C’est aussi manuellement ou
avec des bêtes de somme que de la terre arable était transportée vers les
parties plus élevées.
On plantait les vignes au printemps et on les taillait en été. Les
vendanges se faisaient sur une courte période vers la fin septembre. La
saison des pluies commençait aussitôt après. Il fallait donc vendanger
rapidement, car les raisins devaient être rentrés avant l’arrivée de la pluie.
Pendant les vendanges, le propriétaire de la vigne avait par conséquent
besoin d’une main d’œuvre abondante et immédiatement disponible. Il se
rendait donc sur la place du marché pour embaucher des ouvriers
journaliers. La place du marché était la place publique et le lieu de
rassemblement pour les ouvriers dont le seul espoir était d’être embauchés
pour des travaux n’exigeant pas de compétences professionnelles
particulières.
D’après le verset 1, le maître de la vigne sort tôt le matin, probablement
avant 6 heures, soit le début de la journée de travail de douze heures.
Le salaire des journaliers était sensiblement inférieur à celui d’un
employé à temps plein ou d’un domestique payés à raison d’un denier par
jour environ. Le denier était une pièce de monnaie romaine qui contenait un
tout petit moins que quatre grammes d’argent. C’était la solde journalière
d’un soldat de l’armée romaine, et ce salaire permettait de vivre
confortablement. (Le mot denier dérive d’un terme latin signifiant « dix »
parce que la valeur originale de cette pièce d’argent équivalait à dix ânes.)
Un ouvrier journalier sans qualification pouvait évidemment être embauché
sur une base inférieure à un denier par jour, car il n’était pas en position de
négocier. S’il refusait l’emploi qu’on lui proposait, il risquait de ne rien
avoir à manger ce jour-là. La compétition pour décrocher un travail
journalier était féroce.
Dans la parabole de Jésus, le maître de la vigne qui propose un denier
pour une journée de travail fait preuve d’une générosité inhabituelle. C’est
un salaire honnête, bien supérieur au salaire journalier habituel d’un ouvrier
non qualifié.
On comprend donc que les premiers ouvriers embauchés aient accepté
la proposition du maître de maison.
À la troisième heure (9 heures), le maître de la vigne retourne sur la
place du marché. La parabole le décrit comme un homme bon et généreux,
et non comme un profiteur âpre au gain. Il n’avait donc peut-être pas besoin
davantage d’ouvriers, mais il éprouve de la compassion pour ces hommes
dans le besoin criant. Il rencontre des hommes encore oisifs. Ils sont là,
inactifs, non parce qu’ils ne veulent pas travailler, mais parce que personne
ne les a encore embauchés.
Cette fois-ci, il ne fixe aucun salaire avant de les embaucher et de les
envoyer dans sa vigne. Il leur dit tout simplement : « Je vous donnerai ce
qui est raisonnable » (Mt 20.4).
« Et ils y allèrent. » Ils savent sans doute que c’est un homme honorable
; ils le prennent donc au mot, même si les termes de son engagement sont
vagues. Déjà trois heures de la journée de travail se sont écoulées, et ils
n’avaient pas encore eu d’espoir d’embauche. Ils ne sont donc pas en
position de négocier. Ils sont obligés d’accepter ce qu’on leur offre.
« Il sortit de nouveau vers la sixième heure et vers la neuvième, et il fit
de même » (v. 5). Il retourne sur la place du marché à intervalles de temps
réguliers – à midi et à 15 heures – et rassemble tous ceux qu’il peut pour les
envoyer dans sa vigne.
La journée de travail est pratiquement terminée quand le verset 6 dit
qu’il retourne « vers la onzième heure » (17 heures) et constate qu’il y a
encore des ouvriers qui attendent. Ces hommes sont tenaces et ont attendu
toute la journée ; ils sont tellement avides de travailler qu’ils n’ont pas
renoncé. Par contre, après toute une journée passée à attendre, ils sont sans
doute profondément découragés, craignant ne pas pouvoir nourrir leurs
familles ce jour-là.
Ne prenons pas leur oisiveté pour de l’indolence. Quand le maître de la
vigne leur demande : « Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans
rien faire ? », ils lui répondent : « C’est que personne ne nous a loués. »
C’était peut-être des hommes plus âgés ou plus faibles ou moins qualifiés
pour le dur labeur dans les vignes. Le maître les embauche sur-le-champ en
leur laissant probablement la même promesse vague qu’aux ouvriers
embauchés à 9 heures. « Allez aussi à ma vigne, leur dit-il » (Mt 20.7).
Ailleurs, Jésus déclare : « L’ouvrier mérite son salaire » (Lu 10.7 ; 1 Ti
5.18). C’était un principe strict de la loi de Moïse : « Tu ne retiendras point
jusqu’au lendemain le salaire du mercenaire » (Lé 19.13). Cette loi
s’appliquait en particulier aux gens démunis et aux ouvriers journaliers : «
Tu n’opprimeras point le mercenaire, pauvre et indigent, qu’il soit l’un de
tes frères, ou l’un des étrangers demeurant dans ton pays, dans tes portes.
Tu lui donneras le salaire de sa journée avant le coucher du soleil ; car il est
pauvre, et il lui tarde de le recevoir. Sans cela, il crierait à l’Éternel contre
toi, et tu te chargerais d’un péché » (De 24.14,15).
Le propriétaire de la vigne est un homme honorable, respectueux des
préceptes de la loi de Dieu. C’est pourquoi, « quand le soir fut venu, le
maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers, et paie-leur le
salaire, en allant des derniers aux premiers » (Mt 20.8, italiques pour
souligner). Le fait qu’il ait demandé à son intendant de rétribuer les ouvriers
dans l’ordre inverse de leur embauche est significatif. Le contexte immédiat
suggère que la clé du sens de la parabole se trouve justement dans ce détail
important. Nous verrons bientôt pourquoi. Remarquons pour l’instant que
les premiers rétribués n’ont travaillé qu’une heure et les derniers, douze
heures. Pourtant, au moment où l’intendant commence à donner leur dû aux
ouvriers, ceux qui ont travaillé le moins longtemps reçoivent « chacun un
denier », c’està-dire le salaire journalier d’un soldat, alors qu’ils n’ont
travaillé qu’une heure et ne sont pas des ouvriers qualifiés. Ils sont
certainement débordants de reconnaissance pour la générosité du maître de
la vigne.
On peut penser que les hommes à la fin de la ligne ont dû saliver ! Dans
leur esprit, le maître vient implicitement de s’engager à leur donner un
denier de l’heure. Ils se disent donc certainement que lorsque leur tour
arrivera de toucher leur salaire, ils recevront une paie correspondant à
douze jours de travail.
La manière dont Jésus raconte la parabole comporte une ellipse. Il ne
précise pas quel a été le salaire perçu par les ouvriers embauchés à 9 heures,
à midi et à 15 heures. Mais on peut raisonnablement penser que chacun a
reçu un denier.
Le texte continue : « Les premiers vinrent ensuite, croyant recevoir
davantage ; mais ils reçurent aussi chacun un denier. En le recevant, ils
murmurèrent contre le maître de la maison, et dirent : Ces derniers n’ont
travaillé qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons supporté
la fatigue du jour et de la chaleur » (v. 10-12).
Était-ce juste ?
Que leur avait promis le maître de la vigne ? « Un denier par jour »
(20.2). Ce salaire était non seulement équitable, mais il était
inhabituellement généreux pour des ouvriers non qualifiés. Ils avaient
accepté ces conditions avec joie.
Et pourtant ils en veulent au maître de la maison. Le verbe traduit par «
murmurèrent » est egogguzon en grec. Il est onomatopéique car sa
prononciation évoque son sens, celui d’un ronchonnement. Ils murmurent
en silence et râlent au sujet du salaire reçu.
En entendant leurs murmures, le maître de la vigne répond à l’un
d’entre eux : « Mon ami, je ne te fais pas tort ; n’es-tu pas convenu avec
moi d’un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce
dernier autant qu’à toi. Ne m’est-il pas permis de faire de mon bien ce que
je veux ? Ou vois-tu de mauvais œil que je sois bon ? » (20.13-15.)
L’expression « de mauvais œil » évoque la jalousie. Et, avouons-le, la
jalousie est un aspect intrinsèque de la nature humaine déchue. Il est très
probable que tous les hommes qui, dans la file, attendent d’être payés
éprouvent du ressentiment. Car ces hommes ont travaillé douze heures
d’affilée – et la plupart du temps sous un soleil de plomb, alors que les
ouvriers de la dernière heure ont commencé à travailler avec la brise du
soir, et pendant une heure seulement.
Ne perdons cependant pas de vue que lorsqu’ils ont été embauchés à 6
heures, ils étaient heureux de se voir proposer un denier pour la journée. Ils
ont commencé à travailler avec entrain, ravis de l’immense générosité du
maître de la vigne envers eux. Il leur avait proposé un salaire supérieur à
tout ce qu’ils auraient pu espérer.
Qu’est-ce qui a changé leur humeur de façon si soudaine et si profonde
? Tout simplement le fait que quelqu’un d’autre de moins méritant (selon
eux) était traité plus généreusement. Ils se sont aussitôt considérés comme
traités injustement, ils sont envieux du bonheur d’autrui. Toute leur attitude
change. Ils ne supportent pas l’idée que d’autres ouvriers puissent
bénéficier du même salaire sans avoir travaillé aussi dur qu’eux. Leur
gratitude envers le maître de la vigne et leur admiration pour son extrême
générosité font place à un amer ressentiment.
Les ouvriers de la onzième heure sont évidemment fous de joie. Ils
comprennent mieux que quiconque à quel point ils ont été traités avec grâce
(voir Lu 7.40-48).

Le proverbe

Jetons maintenant un coup d’œil sur le contexte immédiat de la parabole et


remarquons que la préface et l’épilogue se réduisent à un simple proverbe :
« Plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront
les premiers » (Mt 19.30). (La coupure entre les chapitres 19 et 20 de
Matthieu est artificielle. Le dernier verset du chapitre 19 introduit en fait la
parabole qui suit.) Le même proverbe est répété à la fin de la parabole : «
Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers »
(20.16*). On retrouve un écho du proverbe dans la parabole elle-même,
lorsque le maître de la vigne indique à son intendant l’ordre dans lequel il
devra donner leur salaire aux ouvriers : « Appelle les ouvriers, et paie-leur
le salaire, en allant des derniers aux premiers » (20.8).
Jésus s’est appuyé sur des variantes de ce même proverbe en d’autres
occasions. On le retrouve par exemple dans Luc 13.30 : « Et voici, il y en a
des derniers qui seront les premiers, et des premiers qui seront les derniers »
et dans Marc 10.31 : « Plusieurs des premiers seront les derniers, et
plusieurs des derniers seront les premiers. »
Le proverbe comporte aussi un aspect un peu énigmatique. Que signifie-
t-il ? Il n’a pas tout à fait le même sens que Marc 9.35 : « Si quelqu’un veut
être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous » ou que
Marc 10.43,44 : « Quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre
serviteur ; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave
de tous. » Ces versets font l’éloge de l’humilité et du sacrifice de soi. Ce
sont des impératifs, des commandements qui nous exhortent à être
d’humbles serviteurs au lieu de rechercher la prééminence et le pouvoir.
Par contre, le proverbe qui accompagne la parabole est à l’indicatif, la
simple déclaration d’un fait : « Ainsi les derniers seront les premiers, et les
premiers seront les derniers. » Que signifie-t-il ? Et comment opère-t-il ?
Dans une course à pied, pour que le premier soit le dernier et le dernier le
premier, il faut que les deux athlètes arrivent exactement en même temps. Si
tous les coureurs d’une épreuve franchissent la ligne d’arrivée au même
moment, les premiers sont les derniers, et les derniers les premiers. Tous les
coureurs finissent ex æquo.
C’est exactement ce que Jésus veut faire comprendre dans la parabole.
Les premiers embauchés et les derniers ont eu exactement le même salaire.
Tous, du premier au dernier, ont pleinement bénéficié à parts égales de la
générosité du maître de la vigne.
Quelle leçon spirituelle tirer de cette histoire ?

La leçon

La leçon est assez simple : l’histoire illustre de façon précise la grâce


souveraine salvatrice de Dieu. Comme les pécheurs sont tous indignes et les
richesses de la grâce divine inépuisables, tous ceux qui croient reçoivent
une portion infinie et éternelle de la miséricorde et de la bonté de Dieu,
quand bien même aucun ne les mérite. « En lui nous avons la rédemption
par son sang, le pardon des péchés, selon la richesse de sa grâce » (Ép 1.7).
« Il nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les
lieux célestes, en Jésus-Christ, afin de montrer dans les siècles à venir
l’infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus-Christ »
(2.6,7, italiques pour souligner). Il est question ici de tous ceux qui sont
rachetés. C’est le bon plaisir du Père de leur donner le royaume (Lu 12.32)
– à tous et avec la même abondance. Le malfaiteur mourant qui s’est repenti
dans ses derniers instants est entré dans le paradis où il jouit de la vie
éternelle et de la communion sans fin avec Christ, au même titre que Pierre,
Jacques et Jean qui ont littéralement consacré leur vie au service du
Sauveur.
Le maître de maison de la parabole représente Dieu. La vigne
correspond au royaume, le domaine sur lequel Dieu règne. Les ouvriers sont
les croyants, les gens qui entrent au service du Roi. La journée de travail
symbolise la durée de leur vie, le soir évoque l’éternité. Il se pourrait que
l’intendant représente Jésus-Christ à qui tout jugement a été remis. Le
denier représente la vie éternelle.
Note : ce salaire n’est pas quelque chose que les ouvriers ont gagné. Il
ne leur est pas accordé comme salaire minimum en contrepartie du travail
accompli. Il serait beaucoup trop élevé pour cela. Il représente plutôt un don
gracieux, une dotation abondante qui dépasse la meilleure récompense
qu’un ouvrier journalier pouvait mériter.
Telle est donc la leçon centrale : si vous êtes un authentique croyant,
vous recevez tous les bienfaits de la grâce incommensurable de Dieu,
comme n’importe quel citoyen du royaume de Dieu. Votre place dans les
cieux ne dépend pas de la longueur du temps que vous aurez consacré ici-
bas à faire l’œuvre du Seigneur. Les bienfaits de la rédemption ne sont pas
distribués au compte-gouttes en fonction de ce que vous aurez réalisé sur la
terre. Le pardon n’est pas fonction de la différence entre nos œuvres bonnes
et nos péchés, ni partiellement retenu si nous avons péché trop longtemps
ou trop gravement. Quiconque entre dans le royaume reçoit la pleine
abondance de la grâce, de la miséricorde et du pardon divins. C’est vrai
quelle que soit la durée pendant laquelle vous aurez travaillé dans le
royaume de Dieu. C’est vrai, que les circonstances de votre vie aient été
difficiles ou faciles. C’est encore vrai, que vous ayez accompli un service
minimal ou maximal, que vous soyez mort en martyr à la fleur de l’âge, ou
que vous ayez mené une vie paisible et soyez mort de vieillesse. C’est vrai
pour ceux qui viennent à Christ dans leur adolescence comme pour ceux qui
se repentent sincèrement de leurs péchés au terme d’une vie dissolue. Une
fois cette vie terrestre achevée, si vous êtes croyant, vous serez avec Christ,
comme le larron sur la croix (Lu 23.43), comme l’apôtre Paul (2 Co 5.8) et
comme tout autre racheté qui aura achevé son parcours terrestre depuis lors.
Le ciel ne récompense pas un service long ou un travail pénible.
Certaines personnes servent Christ pendant toute leur longue vie, d’autres
pendant un temps plus court. Nous entrons tous dans la même vie éternelle.
Nous bénéficions tous des mêmes bénédictions spirituelles célestes.
Si cela vous paraît injuste, rappelez-vous que c’est infiniment plus que
ce que chacun de nous mérite. Les bénédictions du royaume sont les mêmes
pour tous, parce que nous sommes tous rachetés par la grâce de Dieu seule,
et par rien d’autre. Telle est vraiment une bonne nouvelle pour vous et pour
moi ; nous n’avons pas à gagner notre entrée dans le royaume. Le ciel n’est
pas fondé sur nos mérites.

Le but

Pourquoi Jésus invente-t-il cette parabole dans ce contexte ? Les


événements qui précèdent et suivent cette parabole dans l’Évangile de
Matthieu répondent à cette question.
Le Seigneur raconte cette analogie au profit de ses douze disciples
immédiatement après son entretien avec le jeune homme riche. Cet homme
fortuné et influent s’était approché de Jésus en lui posant la question : «
Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » (Mt 19.16.)
Peut-être cherchait-il des félicitations, car il pensait visiblement qu’il avait
accompli tous ses devoirs religieux et que sa vie était en ordre. Il avait
certainement l’apparence d’un candidat prometteur pour le royaume.
Or, au lieu de lui annoncer simplement la bonne nouvelle de l’Évangile,
Jésus le pousse à examiner son obéissance à la loi. Et lorsque cet homme
répond : « J’ai observé toutes ces choses ; que me manque-t-il encore ? »
(19.20), Jésus lui dit de vendre tous ses biens, d’en donner le produit aux
pauvres, et de le suivre. C’est un sacrifice auquel le jeune homme ne veut
consentir.
Jésus met ainsi en lumière que le jeune homme en question aimait ses
richesses plus qu’il n’aimait Dieu et son prochain. Autrement dit, malgré sa
prétention d’avoir observé toute la loi de Dieu, il avait enfreint le premier
grand commandement et le second qui lui est semblable (22.37-40). Le
jeune homme riche ne le reconnaissait toujours pas. Refusant de faire face à
son péché et de s’en repentir, « il s’en alla tout triste » (19.22).
Les disciples sont très surpris de voir Jésus mettre des obstacles sur le
chemin du jeune homme riche, au lieu de l’encourager. Leur perplexité
transpire dans leur question : « Qui peut donc être sauvé ? » (v. 25.)
Par sa réponse, Jésus souligne que le salut est l’œuvre de Dieu, pas
quelque chose que le pécheur, quel qu’il soit, peut accomplir pour lui-même
: « Aux hommes, cela est impossible, mais à Dieu, tout est possible » (v.
26).
Les disciples méditent donc sur l’impossibilité de mériter la faveur de
Dieu. Ils examinent sans doute leurs propres cœurs. Contrairement au jeune
homme riche, eux ont tout quitté pour suivre Christ (v. 27). Et ils voudraient
bien que Christ lui-même leur donne l’assurance que leur sacrifice n’est pas
vain. C’est ce qui motive Jésus à raconter cette parabole.
Alors que le jeune homme riche s’éloigne, Pierre prend la parole et
s’exprime au nom de tous les disciples : « Voici, nous avons tout quitté, et
nous t’avons suivi ; qu’en sera-t-il pour nous ? » (v. 27.) Les douze sont
comme le groupe des ouvriers embauchés dès 6 heures dans la parabole. Ils
sont les premiers que Jésus a appelés au début de son ministère. Ils ont
enduré la chaleur du jour pendant une durée bien supérieure à douze heures.
Cela faisait même déjà presque trois ans. Ils avaient quitté leurs maisons,
abandonné leurs emplois et renoncé à leurs relations pour servir Christ. À la
seule exception de Judas, ils aimaient certainement Jésus. Tous sacrifieront
leur vie pour la cause de l’Évangile. Ils veulent donc savoir ce qu’ils
recevront en retour.
Ils comptaient vraisemblablement bénéficier d’avantages spéciaux. Ils
croyaient hériter du royaume très prochainement et cet espoir les excitait.
Ils étaient tout à fait au clair sur le fait que Jésus était le Messie d’Israël. Ils
attendaient un royaume politique terrestre auréolé de toute la gloire et des
richesses qu’on peut attendre d’une domination mondaine. Ils étaient les
premiers disciples ; il leur paraissait donc tout à fait logique que l’un
d’entre eux puisse avoir sa place à la droite de Jésus, la place d’honneur
suprême.
C’était là une vision naïve et immature de la mission de Jésus, et les
disciples la conserveront encore même après la résurrection. Lorsque le
Seigneur rencontrera ce groupe de disciples et les préparera pour la
Pentecôte, ils lui demanderont : « Seigneur, est-ce en ce temps-là que tu
rétabliras le royaume d’Israël ? » (Ac 1.6). Comme il viendra visiblement
de triompher de la mort, ils espéreront obtenir leurs couronnes, les trônes et
les places d’honneur.
À la fin de Matthieu 19, lorsque Pierre demande : « Qu’en sera-t-il pour
nous ? », Jésus répond tout d’abord à leur soif d’honneurs particuliers. Il les
rassure en leur disant qu’ils auront effectivement des places d’honneur dans
son royaume. Il poursuit en déclarant que dans son royaume, chacun sera
honoré : « Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l’homme, au
renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous
qui m’avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous
jugerez les douze tribus d’Israël. Et quiconque aura quitté, à cause de mon
nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses
enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la vie
éternelle » (v. 28,29).
On reste perplexe devant le peu d’effet que la leçon de cette parabole a
eu sur les douze disciples. Ils sont tellement obnubilés par l’idée d’un
honneur spécial que même après avoir entendu cette parabole, ils
continuent de se quereller et de jouer des coudes pour obtenir la première
place. D’ailleurs, l’épisode suivant que rapporte Matthieu est significatif : «
Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils, et se
prosterna pour lui faire une demande. Il lui dit : Que veux-tu ? Ordonne, lui
dit-elle, que mes deux fils, que voici, soient assis, dans ton royaume, l’un à
ta droite et l’autre à ta gauche » (Mt 20.20,21). Matthieu (qui faisait lui-
même partie des douze) continue en disant : « Les dix, ayant entendu cela,
furent indignés contre les deux frères » (v. 24). Ils étaient irrités parce que
tous aspiraient aux places d’honneur !
Cette question devint une source constante de chamailleries parmi les
douze. Même dans la chambre haute, la nuit où Jésus fut trahi, c’est Jésus
lui-même qui lava les pieds des disciples, parce que tous voulaient passer
pour « grands » ; or, c’était le devoir du plus humble esclave de laver les
pieds (Jn 13.4-17). Plus tard, ce même soir, après le partage du pain et de la
coupe, « il s’éleva aussi parmi les apôtres une contestation : lequel d’entre
eux devait être estimé le plus grand ? » (Lu 22.24).
Bien que la parabole des ouvriers ait eu pour but de corriger les
perceptions égoïstes, jalouses et confuses des disciples, il leur aura fallu du
temps pour qu’ils la comprennent.
Les principes

La parabole est riche de principes vitaux, parmi lesquels figurent des vérités
évangéliques centrales et la plupart sont évidentes d’emblée.
Elle enseigne avant tout que le salut ne se mérite pas. La vie éternelle
est un don que Dieu accorde par pure grâce selon sa volonté souveraine.
Toutefois, la leçon la plus évidente de la parabole est que Dieu donne la
même grâce abondante à quiconque suit Christ. Collecteurs d’impôts,
prostituées, mendiants et aveugles partageront la même vie éternelle que
ceux qui auront servi Dieu toute leur vie, qui auront prêché l’Évangile à des
milliers ou qui seront morts en martyrs pour Christ. Heureusement qu’il ne
donne pas au croyant ce que celui-ci mérite vraiment !
Quand nous irons au ciel, nous vivrons tous dans la maison du Père (Jn
14.2). Nous sommes tous « héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ » et
nous serons tous glorifiés ensemble (Ro 8.17). Nous ne recevrons pas
chacun une part du ciel ; nous recevrons ensemble la totalité.
Ailleurs, l’Écriture enseigne qu’en plus de la pleine rédemption du
péché et la vie éternelle, il y aura différentes récompenses qu’il plaira au
Seigneur d’accorder à ses enfants pour leur fidélité. Lors du jugement
devant le tribunal de Christ : « Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il
perdra sa récompense ; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du
feu » (1 Co 3.15). Certains subiront des pertes, et d’autres seront
récompensés en fonction de la qualité durable de leur œuvre.
Apocalypse 4.10,11 décrit ce que deviendront toutefois ces récompenses
: « Les vingt-quatre vieillards se prosternent devant celui qui est assis sur le
trône, ils adorent celui qui vit aux siècles des siècles, et ils jettent leurs
couronnes devant le trône, en disant :
Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu,
de recevoir la gloire, l’honneur et la puissance ;
car tu as créé toutes choses,
et c’est par ta volonté qu’elles existent et qu’elles ont été créées ».

Les récompenses ne sont toutefois pas l’objet de la parabole des


ouvriers. Jésus donne une leçon sur la vie abondante et éternelle qui
appartient à ceux qui l’accueillent comme Seigneur et Sauveur. Le ciel lui-
même n’est pas une récompense acquise par un dur labeur ; il est un don
gracieux, accordé en totale abondance à tous les croyants sans différence. «
Dieu ne fait point de favoritisme » (Ac 10.34), et il ne fait aucune
distinction entre homme et femme, riche et pauvre, Juif et non-Juif (Ga
3.28).
La parabole illustre encore quelques principes secondaires importants.
Par exemple, elle montre que c’est Dieu qui prend l’initiative du salut. Dans
la parabole, c’est le maître de la vigne qui sort à la rencontre des ouvriers
sur la place du marché du monde et les introduit dans sa vigne. Dieu est
celui qui cherche et qui sauve. Notre salut est entièrement son œuvre ; c’est
d’ailleurs pour cette raison que nous n’avons pas le droit de présenter des
réclamations ni de fixer des limites à ce qu’il donne à quelqu’un d’autre. La
prérogative de faire miséricorde à qui il veut appartient à Dieu et à Dieu
seul.
Entre-temps, il continue d’appeler des ouvriers dans son royaume. À
travers toute l’histoire humaine et à chaque étape de la durée de vie de
l’individu, Dieu appelle des gens à entrer dans son royaume. C’est une
œuvre ininterrompue. Dans Jean 9.4, Jésus déclare : « Il faut que je fasse,
tandis qu’il est jour, les œuvres de celui qui m’a envoyé ; la nuit vient, où
personne ne peut travailler. » La parabole illustre parfaitement ce qu’il
pensait. L’œuvre de la rédemption se poursuit jusqu’au jugement. Et ce
temps-là vient.
Dieu appelle des pécheurs, pas des gens satisfaits d’eux-mêmes. Il
introduit dans sa vigne ceux qui sont conscients de leurs besoins, pas des
gens qui se croient riches, qui se sont enrichis, qui n’ont « besoin de rien »
et qui ne savent pas qu’ils sont malheureux, misérables, pauvres, aveugles
et nus (Ap 3.17). Les hommes rassemblés sur la place du marché
attendaient désespérément du travail, cruellement conscients de leurs
besoins. Ils étaient pauvres et débonnaires, privés de ressources, implorant
du travail – les vrais représentants des pauvres en esprit. Ils ne se
complaisaient pas en eux-mêmes et n’étaient pas satisfaits d’eux-mêmes –
en particulier ceux qui voyaient arriver la fin de la journée et n’avaient rien
gagné. C’est précisément ce genre de personnes que Christ est venu
chercher et sauver. « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin
de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais
des pécheurs » (Mc 2.17 ; voir aussi 1 Co 1.26-31).
Dieu est souverain dans l’attribution du salut. Pourquoi attend-il la
dernière heure pour appeler certains ? Pourquoi le maître de la vigne n’a-t-il
pas embauché tout le monde lors de sa première sortie vers la place du
marché ? La parabole ne révèle pas les raisons. Et nous ne savons pas non
plus pourquoi Dieu sauve les humains à différents moments de leur vie. Il
fixe souverainement à la fois le nom de ceux qu’il sauve et le moment où il
les sauve. Tous ceux qu’il appelle savent toutefois qu’ils sont des
nécessiteux et ils sont prêts à travailler. Leur bonne volonté est le résultat de
la grâce de Dieu à leur égard et non la cause. « Car c’est Dieu qui produit
en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir » (Ph 2.13).
Dieu tient ses promesses. Le maître de la vigne déclara au premier
groupe d’embauchés qu’il donnerait un denier à chacun, et il l’a fait. Il a
également tenu la promesse faite à ceux qu’il a embauchés par la suite, en
leur disant qu’il leur donnerait ce qui convient – et ce qu’il donna était plus
que généreux. De même, Dieu ne donne jamais moins que ce qu’il promet ;
souvent il donne même « infiniment au-delà de tout ce que nous demandons
ou pensons » (Ép 3.20).
Dieu donne toujours plus que ce que nous méritons. « Toute grâce
excellente et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières »
(Ja 1.17). Tout ce que nous recevons d’autre que la damnation éternelle est
davantage que ce que nous méritons. Les chrétiens n’ont donc aucune
raison d’en vouloir à Dieu pour sa grâce envers autrui, ni de penser qu’il les
lèse. Cette idée est vraiment blasphématoire. C’est l’esprit du fils aîné de la
parabole du fils prodigue. Il reprochait à son père d’avoir fait grâce à son
jeune frère.
Dieu est plein de grâce ; nous devrions la célébrer en permanence. La
parabole des ouvriers met admirablement en exergue le principe de la grâce.
Ma réaction personnelle à cette parabole est celle d’une profonde gratitude,
car il existe beaucoup d’hommes et de femmes qui ont été plus fidèles que
moi, qui ont travaillé plus dur et plus longtemps que moi, et qui ont connu
des tribulations plus grandes que moi. Peut-être y en a-t-il eu qui ont
travaillé moins que moi, moins longtemps et avec moins d’empressement
que moi. Néanmoins, la grâce abonde pour le plus vil des pécheurs. Et Dieu
nous sauve tous parfaitement (Hé 7.25). La gloire lui en revient ; c’est
certainement une raison de le louer et de nous réjouir avec tous ceux qui ont
reçu une telle grâce.
Note de bas de page
* La Bible Segond 21, de même que la version King James anglaise,
ajoute entre crochets : « Beaucoup sont invités, mais peu sont
choisis. » La plupart des manuscrits anciens omettent cependant ces
mots qui d’ailleurs ne cadrent pas avec le contexte. Ils semblent
avoir été empruntés à Matthieu 22.14.
5

Une leçon sur l’amour du prochain

Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : Tu aimeras ton prochain
comme toi-même.

— GALATES 5.14

L’histoire dramatique du bon Samaritain dans Luc 10.30-37 est l’une des
plus appréciées et des plus captivantes de toutes les paraboles de Jésus. Elle
est tellement connue qu’elle est devenue le symbole de la bonté débordante
et sacrificielle. Dire de quelqu’un qu’il est un bon Samaritain, c’est lui faire
un noble compliment. Cependant, cette parabole nous est tellement
familière que nous risquons de penser la connaître mieux qu’en réalité.
Quantité de gens prétendent comprendre parfaitement le contenu du récit et
la leçon qu’il est censé véhiculer. Mais bien souvent, ils ne le savent pas.
L’histoire du bon samaritain n’est pas une simple exhortation à aider les
gens dans le besoin. Ce serait la simplifier à outrance d’affirmer que Jésus
soulignait principalement la nécessité de témoigner de la bonté aux
étrangers. Or, s’il raconte cette histoire, c’est surtout pour illustrer à quel
point nous sommes loin d’observer ce que la loi de Dieu exige. Il explique
pourquoi toutes nos bonnes œuvres et nos mérites sont toujours insuffisants
pour obtenir la faveur de Dieu. Il précise ce que la loi réclame vraiment de
nous ; ce faisant, il réduit à néant les espoirs des gens religieux hyper-
rigoureux qui estiment mériter la vie éternelle par la pratique méticuleuse
des traditions rabbiniques, allant jusqu’au respect minutieux obsessionnel
de la loi de Dieu et en inventant le moyen de contourner les principes
vraiment importants et les parties exigeantes de l’Écriture.
Le nœud de la parabole devient clair si nous prêtons attention au
contexte immédiat dans Luc 10. En somme, Jésus raconte cette parabole à
une bande de légalistes pédants qui s’efforcent de diminuer la force de la loi
de Dieu en discutant sur le mot prochain.
Une question piège
Pendant son ministère en Galilée (la région où il a grandi), Jésus s’est
constamment heurté à l’opposition des principaux chefs religieux et de leurs
disciples. Dans Luc 10, il envoie en mission soixante-dix de ses disciples
pour annoncer l’Évangile une dernière fois aux villes de la Galilée. Il sait
que ses disciples aussi rencontreront de l’opposition. C’est pourquoi il leur
dit :
Mais dans quelque ville que vous entriez, et où l’on ne vous recevra pas, allez dans ses rues,
et dites : Nous secouons contre vous la poussière même de votre ville qui s’est attachée à nos
pieds ; sachez cependant que le royaume de Dieu s’est approché. Je vous dis qu’en ce jour
Sodome sera traitée moins rigoureusement que cette ville-là (10.10-12).

Jésus enchaîne alors avec quelques dures paroles de condamnation à


l’égard de trois villes particulières dans lesquelles il avait déjà passé pas
mal de temps au début de son ministère galiléen : Chorazin, Bethsaïda et
(surtout) Capernaüm, ville d’où étaient originaires plusieurs des disciples
(Lu 10.13-16). Les paroles que Jésus a prononcées contre ces bourgades
figurent parmi les plus sévères qu’il ait jamais dites.
Comme on pouvait s’y attendre, ce bref discours prophétique indispose
encore davantage les chefs religieux qui s’opposaient déjà à lui. À ce
moment-là, un docteur de la loi (un chef religieux hostile, et non un juriste
de la loi civile), s’avance et, pour le piéger, pose à Jésus une question sur la
vie éternelle.
Luc rapporte l’échange : « Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus,
pour l’éprouver : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? »
(Lu 10.25.) L’Écriture se plaît à souligner l’hypocrisie de cet homme. Il ne
s’agit pas du tout d’une question honnête formulée par quelqu’un qui
cherche à apprendre ; c’est un test, un défi ou une ruse pour piéger Jésus et
le confondre en lui soumettant un dilemme moral ou un paradoxe que le
docteur de la loi croit insoluble. Ce n’est que la première question d’une
série que l’homme envisage de poser et, comme nous le constaterons
bientôt, on voit où l’homme veut en venir. Il cherche à mettre Jésus dans
l’embarras et à impressionner la foule par ses compétences prétendument
supérieures de sophiste juridique, et de chicaneur sur des questions
théologiques subtiles.
Malgré les motivations perverses du docteur de la loi, la première
question qu’il pose est tout à fait pertinente. C’est même la question la plus
importante jamais posée, et la plus importante par la réponse obtenue. Elle
était souvent à l’esprit et dans le cœur des personnes qui s’approchaient de
Jésus pour apprendre de lui. Elle était dans le cœur de Nicodème quand,
profitant de la nuit, il vint trouver Jésus. C’est cette même question que le
jeune homme riche pose à Jésus dans Matthieu 19. Le Seigneur l’a souvent
entendue et on la retrouve en plusieurs endroits des Évangiles.
L’Ancien Testament promettait une vie éternelle, un royaume sans fin
dans lequel vivront les croyants dans la présence de Dieu, en
accomplissement de toutes les promesses divines. Jésus lui-même a
beaucoup parlé de la vie éternelle parce que c’était la promesse centrale de
l’Évangile, la substance même de l’Évangile : « […] afin que quiconque
croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3.16). Il a
encore déclaré : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi
vivra, même s’il meurt ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais »
(Jn 11.25,26). « […] celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura
jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau
qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jn 4.14). « […] celui qui écoute
ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient
point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie » (Jn 5.24). Et
d’autres textes encore.
La plupart des Juifs avaient appris par leurs rabbins qu’en raison de leur
filiation, de leur circoncision, de leurs cérémonies et de leurs traditions, ils
avaient automatiquement le droit d’entrer dans le royaume éternel.
Toutefois, de nombreux cœurs continuaient d’être habités par le doute et le
sentiment de culpabilité, si bien que les gens continuaient de poser cette
question à Jésus. Leurs cœurs les accusaient et malgré leurs avantages
ethniques et religieux, malgré les apparences, ils se rendaient compte que
leur observance de la loi n’était que superficielle et qu’ils sauvegardaient
les apparences. Leur conscience leur rappelait sans cesse qu’ils n’étaient
pas dignes de faire partie de ce royaume.
Cette fois-ci, Jésus répond à la question par une autre question : «
Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? » (Lu 10.26.) Littéralement : «
Comment lis-tu ? » Il fait référence au Keri’at Shema, la lecture quotidienne
à voix haute de Deutéronome 6.4,5 : « Écoute, Israël ! L’Éternel, notre
Dieu, est le seul Éternel. Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur,
de toute ton âme et de toute ta force. »
Dans sa réponse, le docteur de la loi cite ce même passage et y ajoute la
dernière partie de Lévitique 19.18 : « Il répondit : Tu aimeras le Seigneur,
ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta
pensée ; et ton prochain comme toi-même » (Lu 10.27). Cette réponse
résume parfaitement les exigences de la loi morale. C’est cette même
réponse que Jésus donnera à une autre occasion, dans Matthieu 22.37-40,
lorsqu’un autre docteur de la loi lui demandera : « Maître, quel est le plus
grand commandement de la loi ? » (v. 36.) Dans ce contexte, Jésus répond
lui-même que Deutéronome 6.5 (« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout
ton cœur ») est le premier et le plus grand commandement, et que Lévitique
19.18 (« Tu aimeras ton prochain comme toi-même ») lui est semblable. Et
il ajoute : « De ces deux commandements dépendent toute la loi et les
prophètes » (Mt 22.40).
Comme nous l’avons dit précédemment, les dix commandements sont
répartis sous ces deux catégories. Les quatre premiers précisent tout ce
qu’inclut l’ordre d’aimer et d’honorer Dieu comme il le demande. Du
cinquième au dixième commandement, Dieu détaille comment se manifeste
l’amour du prochain. Tout l’aspect moral de la loi est donc contenu dans ces
deux commandements simples. Le docteur de la loi de Luc 10 a répondu
tout à fait correctement : le plus important est d’aimer Dieu de tout son
cœur, et d’aimer son prochain comme soi-même. Si nous pratiquions
parfaitement ces commandements, nous n’aurions besoin d’aucun autre
précepte de la loi. Tous les autres commandements – les préceptes moraux
de l’alliance mosaïque – explicitent tout simplement ce qu’englobe l’amour
pour Dieu et pour le prochain.
Jésus répond donc au docteur de la loi : « Tu as bien répondu » (Lu
10.28) avant d’ajouter : « Fais cela et tu vivras. » Veux-tu la vie éternelle ?
Observe la loi.
Voilà qui rappelle la réponse de Jésus au jeune homme riche. Ce n’est
pas l’Évangile, c’est la loi. Ailleurs l’Écriture dit : « Car personne ne sera
justifié devant lui par les œuvres de la loi, puisque c’est par la loi que vient
la connaissance du péché » (Ro 3.20). À première vue, la réponse de Jésus
semblerait contredire la substance de la vérité de l’Évangile qui est
clairement précisée dans ces mots : « […] sachant que ce n’est pas par les
œuvres de la loi que l’homme est justifié, mais par la foi en Jésus-Christ,
nous aussi nous avons cru en Jésus-Christ, afin d’être justifiés par la foi en
Christ et non par les œuvres de la loi, parce que personne ne sera justifié par
les œuvres de la loi » (Ga 2.16).
Nous pourrions être perplexes ! Pourquoi Jésus ne prêche-t-il pas
l’Évangile plutôt que la loi à cet homme ?

Un cœur endurci

Jésus ne fait que tenir le miroir de la loi devant ce « spécialiste » de la loi


pour lui montrer combien cette loi le condamne. Si cet érudit avait été un
homme honnête, il aurait dû se rendre compte qu’il n’aimait pas Dieu
comme il aurait dû ; il n’aimait même pas son prochain comme il le devrait.
Plongé dans l’étude de la loi de Dieu, il aurait dû se sentir écrasé par le
message de la loi. Il aurait dû se sentir condamné, se repentir, s’humilier,
avoir le cœur contrit. Sa question suivante aurait dû être : « Je sais par mon
expérience amère que je ne peux même pas observer le plus élémentaire des
commandements ; où trouverais-je la rédemption ? »
Au lieu de cela, il éteint le feu de sa conscience sous les trombes d’eau
de son orgueil caractérisé par sa propre justice. « Mais lui, voulant se
justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? » (Lu 10.29, italiques pour
souligner.)
Il veut persuader le peuple qu’il est juste, tout en sachant qu’il ne l’est
pas. Il veut afficher une façade. C’était d’ailleurs là le problème avec les
légalistes, les pharisiens et tous les tyrans religieux imbus d’eux-mêmes. «
Certaines personnes se [persuadent] qu’elles [sont] justes, et ne [font]
aucun cas des autres » (Lu 18.9). C’était la critique essentielle de Jésus
contre la marque religieuse des pharisiens. « [Il] leur dit : Vous, vous
cherchez à paraître justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs
» (Lu 16.15). Pour reprendre les termes de Paul, « ne connaissant pas la
justice de Dieu, et cherchant à établir leur propre justice, ils ne se sont pas
soumis à la justice de Dieu » (Ro 10.3). Ce légaliste particulier fait tout
pour paraître juste aux yeux des autres, sans se soucier de ce que Dieu
pense de lui.
Alors, au lieu de poser la question que la réponse de Jésus aurait dû
susciter en lui, il demande : « Et qui est mon prochain ? » (Lu 10.29.)
Notons tout d’abord qu’il passe allègrement par-dessus le devoir
d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de
toute sa force. Le docteur de la loi cherche plutôt à discuter un point
technique concernant l’identité du prochain. Comme le dit Jésus ailleurs, la
tradition lévitique et l’interprétation populaire de Lévitique 19.18 (« Tu
aimeras ton prochain comme toi-même ») était : « Vous avez appris qu’il a
été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi » (Mt 5.43). Voilà
qui prive le commandement de toute sa force. En effet, celui qui est libre de
haïr son ennemi est dégagé du devoir d’aimer tous ceux qu’il a décidé de
considérer comme ses ennemis. Cette interprétation supprime toute
obligation légale ou morale pour l’individu d’aimer ceux qu’il n’a pas envie
d’aimer.
On voit immédiatement où le docteur de la loi veut en venir. Il veut
emprisonner Jésus dans un débat chicanier pour savoir qui est un « prochain
» et qui ne l’est pas. Il pensait ainsi pouvoir « se justifier » en présentant
une argumentation solide de la notion traditionnelle pour laquelle l’ennemi
n’est pas un « prochain ».
Jésus aurait pu, à ce moment-là, couper court à l’entretien en disant, par
exemple, à l’homme : « Je vois que tu t’es exclu du royaume de Dieu » et
reprendre simplement ses instructions. L’homme se serait ainsi trouvé
planté au milieu de son orgueil. Toutefois, Jésus témoigne beaucoup de
compassion à cet homme prisonnier de sa propre justice. Ce faisant, le
Seigneur nous laisse un modèle du principe qu’il va illustrer au moyen de la
parabole. Ce précepte, il l’enseigne et le vit : « Aimez vos ennemis,
bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent,
et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent » (Mt 5.44).
Et bien que le docteur de la loi ait repoussé l’effort de Jésus d’inciter
son cœur à la repentance, bien que sa seule motivation fût de s’élever et de
rabaisser Jésus, le Sauveur réplique avec tendresse, bonté et patience. Ce
n’est pas la réprimande sévère que l’homme mérite. Jésus lui raconte une
histoire.
Cette histoire constitue l’une des paraboles les plus poignantes et les
plus fortes. Elle aurait certainement suffi à briser l’orgueil de tout chercheur
sincèrement avide de trouver la vérité et spirituellement bien disposé. Il
s’agit d’un récit percutant qui entraîne une repentance profonde. N’y
voyons pas une simple leçon de savoir-vivre ou un guide indiquant
comment voler au secours des plus malheureux (même si cette parabole a
évidemment des implications en matière de charité et de bonnes manières).
Ce n’est pas non plus un conte pour apprendre aux enfants à partager leurs
jouets ou à bien accueillir le nouveau venu dans la classe. Jésus raconte
l’histoire à un homme religieux, un incroyant qui se considère lui-même
comme juste, dans le but de susciter en lui le vrai sens de son péché et de
son besoin de miséricorde. C’est l’appel que Jésus adresse à une âme
condamnée (bien que profondément religieuse). Jésus presse l’homme de se
réveiller et de prendre conscience de son véritable état de perdition.

Une réponse douce avec une leçon inoubliable

Voici la parabole du bon Samaritain :


Jésus reprit la parole, et dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu
des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi
mort. Un sacrificateur, qui fortuitement descendait par le même chemin, ayant vu cet homme,
passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. Mais un
Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha,
et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le
conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à
l’hôte, et dit : Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour (Lu
10.30-35).

Là encore, le fait même que Jésus continue de répondre à cet homme est
un acte de grâce. Le docteur de la loi a le désir évident d’humilier Jésus.
Que de fois les chefs religieux ont tenté de rabaisser Jésus et ils ont toujours
échoué. Sa capacité de répondre correctement à toutes leurs questions,
même les plus ardues, les mettait hors d’eux-mêmes. Ils avaient beau tout
essayer pour le provoquer, mais le Seigneur gardait son calme.
En cette circonstance tout particulièrement, la réponse de Jésus tranche
par sa retenue chaleureuse, pleine de grâce et d’amour. Son interlocuteur
cherchait, lui, à pousser Jésus à donner une réponse qui ouvrirait la porte à
un débat passionné. Mais parfois « une langue douce peut briser les os » (Pr
25.15). C’est ce qui se passe ici.
Jésus ne relate pas cette histoire comme s’il s’agissait d’un récit
véridique. C’est une parabole, un conte destiné à dramatiser de manière
inoubliable la leçon qu’il veut graver dans le cœur de l’homme de loi – et
dans les nôtres. Comme dans la plupart de ses histoires et paraboles, Jésus
souligne une vérité centrale. Le récit comporte de nombreux détails et
beaucoup d’implications secondaires. Or, ce qui importe ici, c’est la leçon
essentielle, sur laquelle nous devons nous pencher.

Le chemin dangereux et l’agression

Le récit débute par un voyage sur une route extrêmement dangereuse. Elle
conduit « de Jérusalem à Jéricho » (Lu 10.30). Elle est bien réelle. Je l’ai
empruntée moi-même. Les touristes qui se rendent en Israël peuvent faire le
même trajet que les voyageurs du temps de Jésus. Entre Jérusalem et
Jéricho, la dénivellation est d’environ mille deux cents mètres sur la petite
trentaine de kilomètres qui séparent ces deux villes. La route est sinueuse,
traversant des montagnes désertes sur un terrain aride. Par endroits, elle
longe des précipices abrupts d’une centaine de mètres, sans aucun
accotement. La majeure partie du trajet est jalonnée de grottes et de gros
rochers qui offrent des repaires idéaux aux brigands. De nos jours, cette
route est encore risquée.
Dans l’histoire de Jésus, ce que l’on pouvait craindre se produit. Un
homme qui voyage seul est attaqué par une bande de voleurs
particulièrement brutes. Ils ne sautent pas sur lui simplement pour le
dépouiller de ses biens ; ils vont jusqu’à lui prendre ses vêtements et
l’abandonnent presque nu. Ils ne se contentent pas de lui voler sa bourse
avec l’argent ; ils lui ôtent tout ce qu’il possède. Ensuite, ils le frappent et le
laissent à moitié mort. L’homme se trouve dans une situation critique, en
train de rendre l’âme sur cette route désertique.
Lors des fêtes célébrées à Jérusalem, des flots de gens empruntaient
cette voie pour se rendre dans la ville et retourner ensuite chez eux. Mais à
la saison morte, notamment lors des fortes chaleurs estivales ou des
journées hivernales venteuses et froides, le nombre de voyageurs était
sensiblement réduit. Aucune demeure le long de la route, pas de lieu pour
s’arrêter en sécurité. Les environs étaient inhospitaliers, surtout pour un
voyageur seul. En cas d’ennuis, il risquait de devoir attendre longtemps
avant d’être secouru. Aucune assurance que quelqu’un le trouve ou lui porte
secours.

Le sacrificateur et le Lévite

À cet instant critique du récit, Jésus introduit une lueur d’espoir : « Un


sacrificateur qui, fortuitement, descendait par le même chemin… » (Lu
10.31). Voilà qui semble a priori une bonne nouvelle. C’est un serviteur de
Dieu qui se présente, un homme qui offre les sacrifices au temple, un
homme spirituel qui aurait dû être un modèle de compassion (Hé 5.2). Il
représente la crème des hommes. Qui mieux que lui connaissait la loi de
Moïse ? Il connaissait certainement Lévitique 19.18 : « Tu aimeras ton
prochain comme toi-même. » Il connaissait sans doute aussi les versets 33
et 34 de ce même chapitre qui appliquent ce principe de l’amour du
prochain en particulier aux étrangers : « Si un étranger vient séjourner avec
vous dans votre pays, vous ne l’opprimerez point. Vous traiterez l’étranger
en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous ; vous
l’aimerez comme vous-mêmes. » Un sacrificateur connaissait aussi Michée
6.8 :
[…] ce que l’Éternel demande de toi,

C’est que tu pratiques la justice,

Que tu aimes la miséricorde,

Et que tu marches humblement avec ton Dieu.

Il n’ignorait certainement pas que « celui qui ferme son oreille au cri du
pauvre criera lui-même et n’aura point de réponse » (Pr 21.13). Le principe
énoncé par Jacques 2.13 s’enracine, lui aussi, dans l’Ancien Testament : «
[…] le jugement est sans miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde. »
Le sacrificateur connaît sans aucun doute également Exode 23.4,5 : « Si
tu rencontres le bœuf de ton ennemi ou son âne égaré, tu le lui ramèneras.
Si tu vois l’âne de ton ennemi succombant sous sa charge, et que tu hésites
à le décharger, tu l’aideras à le décharger. » Si donc quelqu’un voyait l’âne
de son ennemi embourbé dans le fossé, il devait le tirer de sa fâcheuse
position, n’est-ce pas ? À combien plus forte raison devait-il venir au
secours de l’homme dans une situation critique.
Mais cette lueur d’espoir est de courte durée. À peine le sacrificateur
aperçoit-il le blessé, qu’il « [passe] outre » (Lu 10.31). Le texte grec utilise
ici un verbe qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans l’Écriture sinon dans ce
verset et dans le suivant : antiparerchomai. Le préfixe « anti » a le sens de «
contre », « opposé ». Ce verbe actif indique que le sacrificateur s’est
délibérément rendu sur le côté opposé de la route. Il a quitté sa trajectoire
pour éviter le voyageur blessé – témoignant ainsi un grand mépris pour
l’homme dans le besoin.
Le sacrificateur ne témoigne visiblement aucune compassion aux gens
dans une profonde détresse. On ne peut tirer aucune autre conclusion de son
attitude. Jésus retourne la question. Le sacrificateur avait demandé : « Qui
est mon prochain ? » Ce n’était pas la bonne question. Jésus lui montre par
cette parabole que la vraie compassion n’est pas mesquine. Elle ne cherche
pas à définir exactement le type de souffrances qui pourraient justifier une
aide. Les devoirs du second grand commandement ne dépendent pas de
l’identité de notre prochain. C’est le contraire : l’amour authentique nous
pousse à être le prochain même des étrangers et des apatrides. La pleine
signification du second grand commandement inclut le principe que Jésus
souligne dans Matthieu 5.44 : Nous devons même aimer nos ennemis. Ils
sont aussi nos prochains et, à ce titre, nous devons les bénir, leur faire du
bien et prier pour eux.
Le sacrificateur insensible de cette parabole ne représente évidemment
pas tous les sacrificateurs. Il n’empêche que beaucoup de sacrificateurs et
d’autres chefs religieux du temps de Jésus étaient dépourvus de
compassion. Mais, ici, ce n’est pas le point que Jésus veut mettre en
exergue. Ce sacrificateur représente tous ceux qui ont une bonne
connaissance de l’Écriture et des prescriptions de la loi, qui devraient donc
aider autrui mais ne le font pas.
Le verset suivant introduit un Lévite. Tous les sacrificateurs
descendaient évidemment de la tribu de Lévi. D’une manière plus précise,
tous ceux qui exerçaient la fonction sacerdotale descendaient d’Aaron (un
des fils de Lévi). Le terme Lévite désigne donc tous les descendants de Lévi
qui ne descendaient pas en même temps d’Aaron. Ils étaient occupés à des
tâches de subalternes. Certains assistaient les sacrificateurs ; d’autres
servaient dans la police du temple ; d’autres encore remplissaient des rôles
secondaires et travaillaient dans les dépendances du temple. Leur vie était
néanmoins consacrée à un service religieux ; ils étaient donc censés avoir
une bonne connaissance des Écritures hébraïques.
Pourtant, lorsque ce Lévite arrive à l’endroit où le blessé gît par terre, il
agit exactement comme le sacrificateur. Dès qu’il voit le malheureux étendu
sur la chaussée, il fait un écart et va du côté opposé. Voilà encore un homme
dépourvu de compassion et de bonté.
Plus haut dans Luc 10, Jésus avait prié : « Je te loue, Père, Seigneur du
ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux
intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue
de ce que tu l’as voulu ainsi » (v. 21). Les deux personnages religieux de la
parabole, le sacrificateur et le Lévite, incarnent ce que Jésus entend par «
les sages et les intelligents ». Ils représentent les dignitaires religieux les
plus cultivés et les plus estimés. Et pourtant, ils ne connaissent pas vraiment
Dieu.
Aucun des deux ne remplit les conditions pour accéder au ciel ; ce sont
des « fils de la rébellion », et donc des objets de la colère de Dieu (Ép 2.2 ;
5.6 ; Col 3.6). Ils n’ont pas de véritable amour pour Dieu ; en effet, celui qui
aime Dieu aime aussi ses commandements. Ils n’aiment pas non plus leurs
prochains, puisqu’en présence d’un homme dans une situation de grande
détresse auquel ils auraient pu témoigner de la compassion, ils ne l’ont pas
fait. Ils sont les illustrations mêmes des religieux hypocrites qui observent
la loi cérémonielle, consacrent leur vie au service du temple mais sont
totalement dépourvus de vraies qualités.
Nos semblables citent parfois l’histoire du bon Samaritain, présentent le
sacrificateur et le Lévite comme des exemples d’inhumanité criante et
referment le livre en se drapant dans un sentiment de supériorité morale.
Ils passent à côté de la leçon que Jésus enseigne.
Il est certes juste de condamner le mépris insensible de ces deux
hommes et de s’emporter contre leur indifférence délibérée. Mais ce faisant,
nous nous condamnons nous-mêmes ! L’attitude de ces deux religieux se
reflète précisément dans la nature humaine aujourd’hui, et notamment dans
notre propre nature ! Ne sommes-nous pas assaillis par des pensées comme
Je ne veux pas me mêler de cette affaire ou Je ne connais pas cette
personne, ou Les gens qui l’ont frappée risquent de se retourner contre moi.
Sans aucunement justifier l’apathie et la dureté de cœur que Jésus
condamne, confessons que nous aussi, nous sommes coupables de la même
indifférence aveugle, d’insensibilité flagrante, de mépris insouciant du
malheureux et du nécessiteux. Même si nous ne nous détournons pas
systématiquement de la personne qui appelle au secours, nous sommes tous
suffisamment coupables devant la loi divine qui réclame une perfection
totale dans ce domaine.
C’est ce que Jésus va maintenant montrer en introduisant le personnage
du bon Samaritain.

Juifs et Samaritains

L’apparition du Samaritain dans le récit de Jésus constitue un


rebondissement inattendu. Tout comme le voyageur battu et dépouillé, le
Samaritain voyage seul. Un certain temps après le passage du sacrificateur
et du Lévite, voici qu’arrive un Samaritain. Contrairement aux deux
représentants de la religion officielle, le Samaritain est « ému de
compassion » lorsqu’il voit le corps ensanglanté du malheureux voyageur
(Lu 10.33).
L’homme tombé entre les mains des brigands est un Juif. Cela ne fait
aucun doute pour les auditeurs de Jésus puisque l’histoire se déroule dans le
pays d’Israël, sur la route désertique qui part de Jérusalem. Les païens
l’empruntaient rarement, et les Samaritains encore plus rarement. Dans
l’esprit des premiers auditeurs, un Samaritain était le dernier à porter
secours à un malheureux pèlerin juif sur la route de Jéricho. En effet, les
Samaritains évitaient consciencieusement cette route. Ils ne l’empruntaient
que si une urgence les y obligeait. Mais surtout, les Juifs et les Samaritains
se méprisaient réciproquement.
Une hostilité mutuelle mordante opposait ces deux peuples depuis des
siècles. Les Juifs qui devaient se rendre de Jérusalem en Galilée
empruntaient justement cette route de Jéricho parce qu’elle évitait la
Samarie. Les voyageurs ne prenaient pas la direction du nord, mais allaient
vers l’est, jusqu’en Pérée et remontaient la rive orientale du Jourdain. Cette
route vers la Galilée était plus longue et plus difficile, mais elle contournait
la Samarie.
Les Juifs considéraient les Samaritains comme des gens ethniquement et
religieusement impurs ; de leur côté, les Samaritains éprouvaient de même
du mépris et de l’aversion pour leurs cousins juifs. Les Samaritains
descendaient d’Israélites qui avaient épousé des païens, lorsque les
Assyriens avaient exilé une grande partie de la population israélite du
royaume du Nord en 722 av. J.-C. (2 R 17.6). Lors de l’invasion du
royaume d’Israël, les Assyriens avaient déporté beaucoup de ses habitants
et fait venir dans le pays des païens originaires d’autres contrées. « Le roi
d’Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d’Avva, de Hamath et
de Sepharvaïm, et les établit dans les villes de Samarie à la place des
enfants d’Israël. Ils prirent possession de Samarie, et ils habitèrent dans ses
villes. Lorsqu’ils commencèrent à y habiter, ils ne craignaient pas l’Éternel
» (v. 24,25).
Certains Israélites restèrent ou retournèrent dans le royaume du Nord,
une fois leurs frères déportés ; ces Israélites dispersés épousèrent les païens
nouvellement installés dans le pays. Ils conservèrent certaines traditions
enracinées dans la doctrine vétérotestamentaire, mais ils y mélangèrent
tellement de croyances païennes que le culte samaritain devint finalement
très différent à la fois du judaïsme et du paganisme. C’était une religion
hybride, un peu l’équivalent vétérotestamentaire des sectes quasi
chrétiennes d’aujourd’hui. Il va de soi que les Juifs fidèles considéraient la
religion samaritaine comme corrompue, impure et infidèle au Dieu de
l’Écriture.
À l’époque d’Esdras, des Juifs du royaume du Sud (Juda)
commencèrent à revenir de leur exil babylonien. Quand ils entreprirent de
reconstruire le temple de Jérusalem, des Samaritains leur proposèrent de
l’aide. Incapables de dissimuler leur juste mépris pour le syncrétisme
samaritain, les Juifs déclinèrent l’offre. Les Samaritains tentèrent alors de
saboter le projet (Esd 4.1-5). Quelques années plus tard, à l’instigation de
Sanballat, ils s’efforcèrent de nouveau d’interrompre les travaux de
reconstruction du mur de Jérusalem (Né 4.2). Depuis ce temps et pendant
tous les siècles suivants, les Juifs et les Samaritains restèrent les pires
ennemis.
Les Juifs considéraient les Samaritains comme des gens apostats qui
avaient vendu leur droit d’aînesse spirituel. Après tout, les Samaritains
avaient activement participé à la profanation du pays ; ils avaient également
souillé les lignées généalogiques et s’étaient rendus coupables d’idolâtrie.
Pour les Juifs, l’existence même des Samaritains était le mauvais fruit
produit par « les péchés de Jéroboam » (1 R 14.16 ; 2 R 17.22). Comme
Jéroboam, les Samaritains finirent par construire leur propre temple, avec
un sacerdoce contrefait et des sacrifices illégitimes. Dans l’esprit des Juifs,
les Samaritains étaient pires que les païens ordinaires compte tenu de la
subtilité avec laquelle ils avaient souillé leur religion.
Mais la haine des Samaritains envers les Juifs était au moins aussi forte.
Environ 130 ans avant la naissance de Christ, Jean Hyrcan un roi juif de la
dynastie hasmonéenne (maccabéenne) vainquit la nation samaritaine. Les
Juifs démolirent le temple samaritain sur le mont Garizim. Bien que ce
sanctuaire ne fût plus reconstruit, les Samaritains continuèrent de prétendre
que c’était le seul lieu légitime d’adoration (Jn 4.20). Il existe de nos jours
moins de mille Samaritains, mais ils continuent d’adorer sur le mont
Garizim.
Du temps de Jésus, l’animosité entre Juifs et Samaritains était
particulièrement forte. La profondeur du mépris des Juifs pour leurs cousins
éloignés se voit non seulement aux précautions prises pour éviter la
Samarie, mais peut-être encore davantage par la manière dont ils parlaient
des Samaritains. À un moment donné, certains chefs juifs exaspérés d’avoir
perdu dans une querelle les opposant à Jésus, tentèrent désespérément de le
discréditer en lui décochant la pire insulte imaginable : « N’avons-nous pas
raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu as un démon ? » (Jn 8.48.)
Et voici que, dans le récit, survient un Samaritain que tout chef religieux
considérerait certainement comme l’ennemi juré du voyageur blessé. Si
déjà le sacrificateur et le Lévite se sont détournés, que fera le Samaritain en
apercevant un Juif démuni, au milieu de nulle part ? Le tuer et dévaliser son
cadavre ?
Loin de là ! « Un Samaritain… fut ému de compassion lorsqu’il le vit »
(Lu 10.33).
Que voulait donc insinuer Jésus ? C’était une première réponse à la
question initiale. Et en même temps une réplique cinglante adoucie d’une
subtile remarque à l’intention du docteur de la loi à l’origine de la question.
Le statut d’élite de chefs religieux n’offrait aucun avantage au sacrificateur
et au Lévite quant à l’entrée dans le royaume. « La religion pure et sans
tache, devant Dieu » n’a rien à voir avec le droit d’aînesse, les liens du
sang, les rites ou les confessions de foi récitées par cœur (voir Ja 1.27).
C’est quelque chose de radicalement différent.

La manière d’aimer du Samaritain

C’est désormais le Samaritain qui occupe le devant de la scène. Il focalise


l’attention. Il convient donc de prêter attention à la manière dont cet homme
aime. « Il le vit » (v. 33). C’est banal. Le sacrificateur et le Lévite en avaient
fait autant, mais ils étaient passés outre sans témoigner de l’amour au
blessé. Et voilà que cet étranger, un hérétique et un paria, est ému de
compassion. Il y a dans son cœur quelque chose qui le pousse vers l’homme
à terre – il éprouve de la tristesse, de la peine, une profonde empathie. Il
voit immédiatement le besoin urgent de le secourir, et il agit en
conséquence. Il s’approprie le fardeau du blessé.
« Il [s’approche] » (v. 34). Il fait exactement le contraire de ce que le
sacrificateur et le Lévite ont fait. Il « [bande] ses plaies en y versant de
l’huile et du vin. » Rappelons que le blessé avait été dépouillé de tout ce qui
avait de la valeur. Par conséquent le Samaritain puise dans ses propres
affaires ou se sert de ses propres vêtements pour soigner le blessé. Le vin
était un antiseptique et l’huile un analgésique. Ces substances désinfectaient
et cicatrisaient la blessure, empêchant qu’elle ne suppure. De plus l’huile
humidifie les tissus et les assouplit. (L’huile d’olive était le principal
émollient utilisé en médecine à cette époque ; elle était efficace pour
soulager rapidement la douleur aigüe dans le cas d’égratignures ou des
plaies ouvertes.)
D’où avait-il l’huile et le vin ? Les voyageurs qui faisaient de longs
déplacements transportaient toujours de l’huile pour la cuisson et du vin
pour boire (l’eau n’étant pas sûre). Le Samaritain utilise donc ses propres
provisions. D’après le texte biblique, notre homme n’est pas avare de son
vin et de son huile. Il n’utilise pas un compte-gouttes ou une pipette pour
instiller les liquides sur les endroits meurtris. Il lave abondamment les
plaies du blessé. Jésus souligne intentionnellement le débordement de
générosité du Samaritain.
Puis le Seigneur ajoute : « Il le [met] sur sa propre monture » –
probablement un âne ou un mulet (v. 34). Il est bien question de l’animal du
Samaritain, ce qui signifie que lui-même marche et que le blessé est à dos
d’animal. Par ce détail, Jésus fait comprendre que le Samaritain n’est pas
économe de ses efforts ; il consent au contraire un énorme sacrifice pour un
homme qu’il ne connaît même pas.
Ensuite, « il le [conduit] à une hôtellerie et [prend] soin de lui » (v. 34).
Il ne le laisse pas seul, mais reste auprès de l’homme blessé. Il loue une
chambre, y installe l’homme puis reste pour aider aux soins en vue de sa
guérison. Il continue de soigner ses plaies, de pourvoir à sa nourriture, à son
repos, à son confort, à ses besoins en eau, bref à tout ce dont le blessé a
besoin. Il reste à ses côtés toute la nuit, puisque le verset 35 explique : « Le
lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte et dit : Aie soin de lui, et
ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour » (italiques pour
souligner).
Deux deniers correspondent à deux journées entières de salaire ; d’après
ce que nous savons des prix pratiqués à l’époque dans des cas semblables,
la somme remise à l’aubergiste par le Samaritain suffisait pour deux mois
de gîte et de couvert dans une auberge en bordure de route. Là encore, la
générosité du Samaritain confond l’imagination, sachant que les deux
hommes étaient des étrangers l’un pour l’autre, voire même considérés
comme ennemis par la plupart des gens. Le Samaritain donne ses
vêtements, ses provisions, son temps, une nuit de veille et une importante
somme d’argent. Il s’engage même à payer davantage si nécessaire.
Quelqu’un aurait pu lui reprocher de s’être laissé avoir naïvement. Mais il
se souciait davantage du bien-être de son prochain. C’est pourquoi il signe
en quelque sorte un chèque en blanc au profit du blessé.
Le Samaritain n’avait jamais rencontré ce voyageur. Il ne sait pas
comment il s’est retrouvé dans l’état où il l’a découvert. À en croire la
manière dont Jésus raconte l’histoire, il ne s’est même pas arrêté pour
soumettre le blessé à un interrogatoire complet. Son cœur débordait
tellement d’amour que dès que son chemin a croisé quelqu’un de
nécessiteux, il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour lui venir en aide.
Sans murmure ni hésitation.
En d’autres termes, le Samaritain ne s’est jamais arrêté en se
demandant, comme le docteur de la loi : « Qui est mon prochain ? » La
vraie question est : « De qui suis-je le prochain ? » Et la réponse est claire :
« De quiconque se trouve dans le besoin. »
Mais soyons honnêtes avec nous-mêmes. Si nous rencontrions ce
scénario dans la vraie vie, nous estimerions probablement que la générosité
du Samaritain à l’égard d’un étranger est excessive. Avez-vous déjà tout
laissé tomber pour vous occuper exclusivement d’une personne totalement
étrangère dans une situation désespérée ? Qui plus est, l’avez-vous déjà fait
pour celui qui était votre ennemi ? Avez-vous pris le risque de vous salir ou
de vous souiller pour combler ses besoins ? Avez-vous fait face tout seul à
sa situation de détresse – avez-vous pansé ses plaies, l’avez-vous nourri,
êtesvous resté auprès de lui toute une nuit de souffrance, avez-vous payé ses
factures, réglé ses frais de séjour et les soins médicaux, lui avez-vous remis
un chèque en blanc pour s’acquitter des dépenses imprévues ?
Non ?

Un amour illimité

En fait, il y a quelqu’un pour qui vous avez fait tout cela : vous-même.
N’est-ce pas ainsi que nous prenons soin de nos besoins ? Donne-moi ce
dont j’ai besoin. Appelle le meilleur médecin. Conduis-moi dans le meilleur
centre hospitalier où je bénéficierai des techniques les plus modernes, des
meilleurs soins. Subviens à mes besoins aussi longtemps que nécessaire.
Dorlote-moi. Ne lésine pas sur les dépenses. Peut-être irions-nous jusqu’à
ces sacrifices aussi pour un membre de la famille ou un ami très cher. Mais
qui le ferait pour un étranger, voire pour un ennemi ? Personne n’est allé
jusque-là.
Vous avez certainement accompli des choses admirables à un moment
ou à un autre de votre vie. Mais aimez-vous vraiment des étrangers toujours
ainsi ?
Non. Jésus décrit un amour rare et sans limites. Rappelez-vous qu’en
imaginant cette scène, Jésus répond en fait à la question du docteur de la loi
: « Que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » (Lu 10.25.) Résumons
l’entretien :
Que dit la loi ?
« Aime ton prochain comme toi-même » (v. 27).
« Tu as bien répondu. Fais cela et tu vivras » (v. 28).
Jésus raconte la parabole du bon Samaritain pour montrer que la loi
nous fixe un niveau inaccessible. Et la condamnation n’atteint pas
seulement le docteur de la loi : nous sommes tous concernés. Si nous
aimions vraiment notre prochain comme nous nous aimons et prenons soin
de nous-mêmes, la générosité du Samaritain ne nous paraîtrait pas aussi
remarquable.
La parabole désamorce tout piège polémique que le docteur de la loi
envisageait de placer devant Jésus. À la fin de l’histoire, Jésus retourne la
question à son interlocuteur : « Lequel de ces trois te semble avoir été le
prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? » (v. 36.)
Compte tenu de la leçon immanquable enseignée par la parabole, le
docteur de la loi n’avait qu’une seule réponse : « C’est celui qui a exercé la
miséricorde envers lui » (v. 37).
La conclusion que tire Jésus aurait dû susciter chez l’homme une
profonde repentance et l’humble confession de son incapacité : « Va, et toi,
fais de même » (v. 37).
Car la loi exige qu’on aime tout le temps de cette façon-là. En tant que
docteur de la loi, l’homme aurait dû savoir qu’il ne pouvait pas accomplir
un seul acte altruiste extraordinaire et imaginer avoir satisfait pour toujours
les exigences de la loi. Car la loi exige la perfection en tout temps. « Maudit
soit celui qui n’accomplit point les paroles de cette loi » (De 27.26). « Car
quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement,
devient coupable de tous » (Ja 2.10).
La recommandation finale de Jésus : « Va, et toi, fais de même », aurait
dû inciter cet homme à implorer grâce et pardon. Si c’est là ce que la loi
veut dire quand elle promet la vie à ceux qui obéissent (Lé 18.5), elle ne
nous laisse aucun espoir. La seule chose qu’elle puisse nous procurer, c’est
la damnation. « Ainsi, le commandement qui conduit à la vie se trouva pour
moi conduire à la mort » (Ro 7.10). Comme la loi exige une perfection
absolue, complète et divine (Mt 5.48), aucun pécheur n’a le moindre droit
personnel à la vie éternelle. C’est ce que le docteur de la loi aurait dû
comprendre. Et nous aussi. Le fait est que même les chrétiens dans le cœur
desquels « l’amour de Dieu est répandu » (Ro 5.5) n’aiment pas
systématiquement comme la loi le réclame.
Il y a cependant encore une leçon plus profonde. La manière dont le bon
Samaritain a pris soin du voyageur reflète celle dont Dieu aime les
pécheurs. En fait, l’amour de Dieu est infiniment plus profond et plus
surprenant que cela. Le Samaritain a sacrifié son temps et son argent pour
secourir un ennemi blessé. Dieu, lui, a donné son Fils pour mourir à la place
de pécheurs qui ne méritaient rien d’autre que la damnation éternelle. « Car,
lorsque nous étions encore sans force, Christ, au temps marqué, est mort
pour des impies. À peine mourrait-on pour un juste ; quelqu’un peutêtre
mourrait pour un homme de bien. Mais Dieu prouve son amour envers
nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort
pour nous » (Ro 5.6-8). Plus même, car « lorsque nous étions ennemis, nous
avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils » (v. 10, italiques
pour souligner).
Ce que Christ a accompli pour racheter son peuple surpasse infiniment
les actes d’extrême bonté décrits dans la parabole. Christ est l’incarnation
vivante de l’amour divin dans toute sa perfection. Il est sans tache et sans
péché – « saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs » (Hé 7.26). Au
cours de sa vie terrestre, il a littéralement accompli chaque trait de lettre de
la loi avec une perfection absolue. Et en mourant, il a subi le châtiment du
péché à la place des autres. De plus, sa justice immaculée – y compris tout
le gain de cet amour parfait – est imputée à ceux qui placent leur confiance
en lui au titre de Seigneur et Sauveur. Leurs péchés sont pardonnés, et ils
sont revêtus de la justice parfaite que la loi exige. Ils héritent la vie
éternelle, non comme récompense pour leurs œuvres bonnes, mais par pure
grâce, à cause de l’œuvre de Christ en leur faveur.
Si seulement le docteur de la loi avait confessé sa culpabilité et reconnu
son incapacité à pratiquer ce que la loi exige, Jésus aurait été prêt à lui offrir
une éternité de miséricorde, de grâce, de pardon et de véritable amour. S’il
avait au moins ressenti son besoin, la réponse toute prête et limpide à sa
question se trouvait déjà sur les lèvres de Jésus, qui n’a cessé de répéter des
affirmations comme : « Celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui
m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est
passé de la mort à la vie » (Jn 5.24) ; « Celui qui croit au Fils a la vie
éternelle » (3.36) ; « Mes brebis entendent ma voix ; je les connais, et elles
me suivent. Je leur donne la vie éternelle ; et elles ne périront jamais »
(10.27,28) ; « Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (11.26).
Jésus n’a jamais fait de telles promesses à des âmes imbues
d’ellesmêmes et de leur propre justice. Cet homme et le jeune homme riche
lui ont posé des questions précises sur le moyen d’obtenir la vie éternelle ;
il leur a répondu en leur rappelant les exigences de la loi. En revanche, pour
ceux qui avaient des oreilles pour entendre, il a toujours clairement affirmé
que la vie éternelle ne s’obtenait pas comme une chose méritée, mais
qu’elle est un héritage donné par grâce à tous ceux qui placent vraiment leur
foi en Christ comme Seigneur et Sauveur.
L’homme a-t-il saisi la leçon dispensée par Jésus ? A-t-il confessé son
incapacité quand Jésus lui a dit : « Va, et toi, fais de même » ? A-t-il crié
son besoin de grâce et s’est-il repenti ?
Apparemment pas. C’est la fin de l’histoire. Luc passe aussitôt à un
autre incident du ministère de Jésus. Humilié publiquement par l’échec de
sa joute verbale contre Jésus, le docteur de la loi anonyme sort du récit, et
on n’entendra plus jamais parler de lui. Comme l’individu religieux fier et
imbu de lui-même, peut-être a-t-il redoublé d’efforts dans la pratique de
bonnes œuvres pour se prouver lui-même digne de la faveur divine et de la
vie éternelle. De telles personnes oublient facilement (ou refusent de croire)
ce que la justice de Dieu exige d’elles. Elles cherchent à établir leur propre
justice sans se soumettre à la justice que Dieu a révélée en Christ (voir Ro
10.3). Elles lisent la parabole du bon Samaritain comme s’il ne s’agissait
que d’encourager les œuvres humanitaires.
C’est louable si la parabole nous pousse à parfaire notre amour du
prochain. J’espère que vous êtes sensibles à ce message. Toutefois, si c’est
là votre seule réaction à la parabole, c’est pratiquement la pire réponse que
l’on puisse tirer de la leçon que Jésus a enseignée. Cette parabole nous
pousse à confesser notre faiblesse coupable (révélée par notre manque de
compassion et d’amour prêt au sacrifice), et à implorer la grâce et la
miséricorde en nous tournant dans la repentance et la foi vers Jésus-Christ,
le seul à avoir parfaitement et pleinement accompli ce que la loi exige de
nous. Lui seul est capable de « sauver parfaitement ceux qui s’approchent
de Dieu par lui » (Hé 7.25). Il est la seule vraie source de vie éternelle.
Si le docteur de la loi avait vraiment plongé ses regards dans la loi de
Dieu (en énumérant les commandements) et reconnu son péché au lieu de
s’en aller et d’oublier « aussitôt comment il était » (Ja 1.24), il aurait trouvé
un Sauveur dont le joug est doux et le fardeau léger. Mais le récit s’achève
apparemment sans la moindre repentance.
Que ce ne soit pas notre réponse à cette parabole !
6

Une leçon sur la justification par la foi

Mais, lorsque la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes ont été
manifestés, il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous aurions faites, mais
selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et le renouvellement du Saint-Esprit. Il
l’a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par
sa grâce, nous devenions héritiers dans l’espérance de la vie éternelle.

— TITE 3.4-7

Les pharisiens du temps de Jésus constituaient le groupe religieux le plus


strict et le plus influent de tout Israël. Le Nouveau Testament ne brosse pas
d’eux un portrait élogieux. La remontrance sévère que Jean-Baptiste
adresse aux pharisiens venus se faire baptiser par lui est l’un des moments
clés de son ministère. Jean refuse en les apostrophant : « Races de vipères,
qui vous a appris à fuir la colère à venir ? Produisez donc du fruit digne de
la repentance » (Mt 3.7,8 ; Lu 3.7,8).
Peu de temps après, Jean-Baptiste désigne Jésus comme l’authentique
Agneau de Dieu (Jn 1.29,30). Cette confession situe immédiatement Jésus
du mauvais côté des pharisiens, comme on pouvait s’y attendre. Dès qu’il
devient manifeste que Jésus attire même davantage de disciples que Jean,
les pharisiens s’opposent à lui (Jn 4.1-3). Tout au long du ministère de
Jésus, les pharisiens seront ses adversaires les plus virulents et les plus
implacables. Des chefs parmi les pharisiens seront les initiateurs et les
organisateurs de la conspiration qui aboutira à sa condamnation à mort (Jn
11.46-53).
Le mépris que les pharisiens vouent à Christ continuera même après sa
résurrection, notamment lorsque l’Église primitive prendra racine. Dans
Actes 7.58 – 8.1, il est dit que Saul de Tarse était témoin de la lapidation
d’Étienne, le premier martyr chrétien. Et d’après Actes 26.10, il semblerait
que la lapidation d’Étienne marqua le début de la campagne brutale de
terreur que Paul déclencha contre les croyants. Saul était « pharisien, fils de
pharisiens (Ac 23.6). Autrement dit, il descendait d’une lignée de pharisiens
et avait été plongé dans la doctrine des pharisiens depuis sa naissance,
s’efforçant toute sa vie d’observer la loi de Moïse. Il était le pharisien
modèle, « circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de
Benjamin, Hébreu né d’Hébreux ; quant à la loi, pharisien ; quant au zèle,
persécuteur de l’Église ; irréprochable, à l’égard de la justice de la loi » (Ph
3.5,6).
Né et élevé dans le pharisaïsme, Saul devint une figure dirigeante de la
secte dans ses jeunes années. Il avait même été personnellement mandaté
par les principaux sacrificateurs pour harceler et emprisonner les premiers
chrétiens pour leur foi. Chaque fois que des chrétiens passaient en jugement
devant le sanhédrin, Paul joignait son suffrage pour les lapider (Ac 26.10).
Le fait qu’il ait eu droit de vote dans ce domaine suggère qu’il était lui-
même membre du sanhédrin. Il avait atteint le sommet de l’échelle de
l’influence de la secte des pharisiens et était totalement dévoué à ses
enseignements. Son zèle exceptionnel pour le pharisaïsme se reflétait
clairement dans sa haine du christianisme.
Tout cela était évidemment avant sa célèbre rencontre avec Christ sur le
chemin de Damas, au cours de laquelle Saul de Tarse fut instantanément et
complètement transformé en Paul, l’apôtre. Dans le témoignage qu’il rendra
plus tard, Paul déclarera qu’il considérait tous les efforts déployés pour
atteindre la justice de pharisien comme de « la boue » (Ph 3.8). Une
traduction plus littérale parle même d’« ordures » (NBS). Tel est le
jugement franc que Paul, saint chevronné et apôtre mature, portera sur le
pharisaïsme.
Du début à la fin, le Nouveau Testament indique clairement que le
pharisaïsme et le christianisme sont incompatibles. Certains principes
fondamentaux de la religion et de la vision du monde des pharisiens sont
totalement opposés au message fondamental du christianisme.
Cela ne veut pas dire que le pharisaïsme soit la perversion la plus
extrême de la religion. Loin de là ! Les pharisiens enseignaient beaucoup de
choses justes parce que leurs croyances étaient étroitement liées à
l’Écriture. Jésus lui-même dit à leur sujet : « Faites donc et observez tout ce
qu’ils vous disent » (Mt 23.3). Contrairement à de nombreuses sectes et
fausses religions franchement hérétiques et ouvertement diaboliques ou
allègrement indifférentes à la loi de Dieu, les pharisiens étaient des
traditionalistes et des idéalistes connus pour leur obsession pointilleuse des
plus infimes détails de la loi. Si le Nouveau Testament dénonce le
pharisaïsme, ce n’est pas pour une forme farfelue extrême de superstition
humaine, mais parce qu’il s’écarte légèrement et subtilement de la vérité
biblique. Les dangers spirituels inhérents au pharisaïsme peuvent constituer
une tentation et un piège même pour l’étudiant le plus zélé de l’Écriture.
Pourquoi ce courant du judaïsme était-il si mortel ? Après tout, les
pharisiens donnaient toute l’apparence d’être les champions de la justice.
En fait, leur apparence extérieure constituait leur principal souci ! Leur idée
de la justice était surtout superficielle. Ils excellaient à masquer leur propre
injustice et dissimulaient leurs péchés secrets derrière leurs œuvres
religieuses – tout en condamnant avec force les péchés plus visibles
d’autrui. Loin d’être indifférents vis-à-vis de la loi, ils montraient de façon
ostentatoire leur observance des détails les plus infimes (Mt 23.5). En se
servant de la loi comme d’un manteau couvrant leur péché, les pharisiens en
avaient complètement faussé l’intention. Alors qu’elle était censée révéler
le péché et son extrême gravité, ils l’utilisaient pour masquer ce que leurs
cœurs abritaient réellement – et se donnaient bonne conscience en se
comparant aux autres pour se justifier. La subtilité de leur erreur, obscurcie
par la prétention qu’ils étaient fortement respectueux de la loi de Dieu,
rendait leur religion très dangereuse.
Il n’empêche que les pharisiens étaient des étudiants rigoureux du texte
biblique. Quelques éléments nobles et dignes d’éloges ressortent de leurs
croyances et de leurs enseignements. Ainsi, ils s’opposaient à toutes les
formes d’idolâtries païennes et étaient fermement décidés à ne pas laisser la
nation retomber dans les compromis et les apostasies qui avaient marqué
l’histoire de l’Israël vétérotestamentaire. À bien des égards, ils étaient la
meilleure secte juive du premier siècle.
En particulier, les pharisiens étaient moins mystiques et plus décidés à
pratiquer leur foi dans le monde réel que les esséniens – des ascètes qui
vivaient en communautés séparées du monde. Ils avaient une doctrine plus
saine que les sadducéens, qui mettaient en doute tout ce qui était surnaturel
(Mt 22.23 ; Ac 23.8). Ils ne donnèrent pas naissance à des extrémistes
politiques, voyous, hors la loi, ou à des meurtriers fanatiques comme le
parti des zélotes.
Les pharisiens étaient tellement scrupuleux dans leur observance des
détails les plus insignifiants de la loi qu’ils filtraient méticuleusement toute
boisson pour s’assurer qu’aucun moucheron (insecte, donc bestiole impure)
ne souille rituellement le liquide. Ils comptaient minutieusement les graines
potagères les plus petites pour être sûrs que leur dîme était juste (Lu 11.42).
Car il est écrit dans Lévitique 27.30 : « Toute dîme de la terre, soit des
récoltes de la terre, soit du fruit des arbres, appartient à l’Éternel ; c’est une
chose consacrée à l’Éternel. »
Jésus ne les reprend pas pour leur souci obsessionnel du nombre de
graines, du moucheron à filtrer et autres préceptes mineurs. Au contraire, il
les approuve : « C’est là ce qu’il fallait faire » – mais sans négliger les
autres principes moraux majeurs (Mt 23.23). Malgré toute l’attention qu’ils
portaient aux détails externes de la loi, ils négligeaient allègrement son
message central. La loi aurait dû les humilier en leur faisant prendre
conscience de l’énormité de leur culpabilité. En fait, elle était devenue une
raison d’orgueil démesuré.
Jésus qualifie les pharisiens de « conducteurs aveugles ! qui éliminez le
moucheron, et qui avalez le chameau » (v. 24). Les moucherons étaient
effectivement les plus petits insectes impurs décrits dans la loi de Moïse, et
les chameaux les plus imposants. L’illustration de Jésus est humoristique,
mais la leçon est tout à fait sérieuse : tous les efforts démesurés des
pharisiens pour sauver les apparences n’avaient en rien atténué leur
culpabilité. Ni réduit le péché dans leurs cœurs. Il poursuit par ces paroles
sévères : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous
ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au-dehors, et qui,
au-dedans, sont pleins d’ossements de morts et de toute espèce d’impuretés.
Vous de même, au-dehors, vous paraissez justes aux hommes, mais, au-
dedans, vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité » (Mt 23.27,28). Ils sont
des pécheurs coupables. Ce sont des gens perdus, dépravés, spirituellement
aveugles, comme les laissés-pour-compte et les impurs qu’ils traitent avec
un mépris sans bornes. Leur légalisme bien rodé pouvait bien masquer leur
perversité aux yeux des hommes, il ne trompait pas Dieu. L’hypocrisie des
pharisiens était déjà un péché condamnable en soi.

Deux hommes au temple


En dépit de tout ce qu’ils pensaient, absolument rien ne justifiait la
préoccupation qu’avaient les pharisiens des menus détails de la loi. Au
contraire, leur piété ostentatoire ne faisait qu’accentuer leur culpabilité en
leur donnant une fausse confiance en eux-mêmes. C’est la leçon précise qui
se dégage de la parabole racontée par Jésus dans Luc 18.9-14. Elle constitue
une affirmation succincte et claire du Seigneur lui-même du principe de la
sola fide que la Réforme énoncera plus tard : la vérité que la foi est le seul
instrument de la justification :
Il dit encore cette parabole, en vue de certaines personnes se persuadant qu’elles étaient
justes, et ne faisant aucun cas des autres : Deux hommes montèrent au temple pour prier ; l’un
était pharisien, et l’autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : Ô Dieu, je
te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs,
injustes, adultères, ou même comme ce publicain ; je jeûne deux fois par semaine, je donne la
dîme de tous mes revenus. Le publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux
au ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un
pécheur. Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre. Car
quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé.

Comme c’est le cas de nombreuses histoires du Seigneur, celle-ci est


non seulement paradoxale, mais également choquante et scandaleuse selon
les normes religieuses de l’époque. En déclarant qu’un pécheur repentant
quitte le temple en étant justifié alors qu’il rejette comme n’ayant aucune
valeur les nombreuses bonnes œuvres du pharisien méticuleux, Jésus
s’oppose radicalement à la théologie juive dominante en matière de salut.
Qui plus est, il oppose l’Évangile à l’enseignement de toutes les grandes
religions mondiales, à toute doctrine découlant d’une théologie naturelle et
à toute notion innée de la déchéance du cœur humain.
Cette parabole est une leçon émouvante de la grâce envers les humbles,
admirablement conçue pour dénoncer l’orgueil des pharisiens par rapport à
leurs œuvres. À ce titre, elle offrit aux chefs juifs qui l’entendirent une
raison supplémentaire de rejeter Jésus. Elle piétine leurs prétentions et
dégrade toute leur religion. Nos contemporains qui sont plus soucieux de
politesse et du politiquement correct que de dire la vérité pourraient même
considérer ces paroles comme une forme de discours haineux. Dans
l’auditoire de Jésus, les disciples des pharisiens ont probablement jugé cette
histoire comme sacrilège, comme minimisant les exigences divines.
Suggérer que le plus indigne des pécheurs peut être justifié alors qu’un chef
religieux pieux est rejeté pouvait passer pour eux comme une attaque en
règle contre la justice divine, la loi de Moïse et toutes les normes de justice
et de piété. Comment Dieu peut-il être juste s’il justifie l’impie ?
Telle est d’ailleurs la grande question à laquelle l’Évangile répond.
Comme Dieu, dans sa grâce, a pourvu au moyen d’expier nos péchés par la
mort de Christ, il est « juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus »
(Ro 3.26). « Il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous
purifier de toute iniquité » (1 Jn 1.9, italiques pour souligner).

Le problème des pécheurs

Il est cependant facile de comprendre pourquoi la justification des pécheurs


constituait un dilemme impossible pour les hommes avant la mort et la
résurrection de Christ. Ils n’avaient aucune notion de ce que pouvait être
une expiation parfaite du péché. Ils ne pouvaient concevoir la possibilité
d’un pardon plein et entier pour toute une vie de péché. En fait, rien qu’à en
croire la loi, le pardon était totalement hors de question.
La difficulté commence par l’exigence de justice de la loi. Dans
Lévitique 19.2, Dieu déclare : « Soyez saints, car je suis saint, moi,
l’Éternel, votre Dieu. » La sainteté personnelle parfaite de Dieu constitue
donc la norme et l’exigence légales pour être juste devant Dieu. Jésus
réitère cette condition dans le Nouveau Testament, mais cette fois-ci dans
des termes qui soulignent clairement l’impossibilité de la remplir. Dans le
sermon sur la montagne, il dit : « Si votre justice ne surpasse celle des
scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux »
(Mt 5.20).
Ce fut sans doute un choc pour ceux qui l’entendirent. On peut dire tout
ce que l’on veut de l’hypocrisie et de la perversité cachée des pharisiens, ils
avaient tout de même élevé l’obéissance aux commandements extérieurs de
la loi à un niveau jamais atteint. Si Dieu mettait des notes au comportement
des hommes, les pharisiens auraient sans nul doute été les premiers de la
classe. Toutefois, Jésus souligne que Dieu n’adapte pas son échelle de la
justice aux manquements humains. Sa justice divine est absolument parfaite
; en rabaisser tant soit peu les exigences pour l’adapter à notre péché serait
le rendre impie.
La justice de Dieu doit donc surpasser la justice apparemment
supérieure des pharisiens. Qu’est-ce que cela exige précisément de notre
part ? Jésus répond à la question en termes non équivoques : « Soyez donc
parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5.48). La vraie justice,
telle que la nature de Dieu la définit, exige une perfection absolue et
inflexible. Il est lui-même la norme et la seule vraie mesure de la perfection
qu’il exige de nous.
Dans ce même contexte, Jésus enseigne qu’il ne suffit pas d’obéir aux
préceptes évidents et extérieurs de la loi –même les plus insignifiants
comme le comptage des semences ou le filtrage des moucherons. Nos
attitudes et nos désirs eux-mêmes doivent se conformer parfaitement aux
exigences de la loi. Un regard de convoitise viole le même principe moral
que l’adultère (Mt 5.27,28). Se mettre en colère sans raison, injurier ou haïr
quelqu’un, c’est enfreindre le commandement qui interdit de commettre un
meurtre (Mt 5.21,22).
Et pour corser les choses, Jacques 2.10 ajoute : « Car quiconque observe
toute la loi, mais pèche contre un seul commandement, devient coupable de
tous. » Il n’existe aucune échappatoire ni porte de sortie pour se soustraire
aux exigences de la loi. Elle ne peut que condamner ceux qui la
transgressent.
Par-dessus tout, celui qui justifie un malfaiteur est en abomination à
Dieu : « Celui qui absout le coupable et celui qui condamne le juste sont
tous deux en abomination à l’Éternel » (Pr 17.15). Nous savons certes que «
l’Éternel est lent à la colère, il est grand par sa force » (Na 1.3). Ce verset
qui fait cette promesse ajoute pourtant que Dieu « ne laisse pas impuni [ses
adversaires] ». Dieu met les Israélites en garde : « Tu ne prononceras point
de sentence inique, et tu ne feras point mourir l’innocent et le juste ; car je
n’absoudrai point le coupable » (Ex 23.7, italiques pour souligner).
Qui donc peut être juste devant Dieu ? Si Dieu déclare que c’est mal de
justifier le coupable, et s’il renchérit en disant que lui-même ne justifiera
pas le méchant, comment le moindre pécheur peut-il espérer entrer dans le
royaume céleste ? On a une amorce de réponse dans le récit de la Genèse où
il est question d’Abraham : « Abram eut confiance en l’Éternel, qui le lui
imputa à justice » (Ge 15.6). La justice fut imputée à Abraham. Une justice
qui ne lui appartenait pas fut portée à son compte (Ro 4.1-12). Il n’a pas
acquis cette justice par ses œuvres ; il l’a saisie par la foi. De plus, « ceux
qui croient sont bénis avec Abraham le croyant » (Ga 3.9). Telle est la
doctrine de la justification par la foi.
Mais sur quelle base repose cette justice, étant donné que Dieu a déclaré
ne pas acquitter le pécheur ni le déclarer juste seulement par un fiat divin ?
La pleine réponse à cette interrogation se trouve dans le sacrifice offert
par Jésus-Christ. Dieu ne supprime pas la culpabilité des pécheurs en
déclarant que leur péché n’a jamais existé. Il n’ignore pas le mal, il ne le
supprime pas du revers de la main, il n’acquitte pas les pécheurs sur un
coup de tête. Loin de là ! Il offre une expiation pleine et parfaite pour le
péché dans la personne de son propre Fils « que Dieu a destiné à être par
son sang pour ceux qui croiraient victime propitiatoire, afin de montrer sa
justice » (Ro 3.25). Christ impute aussi sa parfaite justice à ceux qui croient
: « Celui qui n’a point connu le péché, il [Dieu le Père] l’a fait devenir
péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu » (2 Co
5.21).
Il y avait déjà des indices de cette vérité dans l’Ancien Testament. Dans
Ésaïe 53, Dieu annonce prophétiquement : « Mon serviteur juste justifiera
beaucoup d’hommes, et il se chargera de leurs iniquités » (v. 11).
L’expiation substitutive constitue le thème majeur de ce chapitre :
Cependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées,
C’est de nos douleurs qu’il s’est chargé ;
Et nous l’avons considéré comme puni,
Frappé de Dieu, et humilié.
Mais il était blessé pour nos péchés,
Brisé pour nos iniquités ;
Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui,
Et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.
Nous étions tous errants comme des brebis,
Chacun suivait sa propre voie ;
Et l’Éternel a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous (v. 4-6).

Mais la pleine compréhension de ce passage était insaisissable avant


que Jésus n’ait accompli cette prophétie par sa mort sur la croix. Et elle
n’avait évidemment pas encore eu lieu lorsqu’il raconta cette parabole.
Celle-ci est cependant riche de leçons sur la dépravation humaine, la grâce
divine, la rédemption du péché et la doctrine de la justification par la foi.
Justifié !

La dernière ligne de la parabole énonce la leçon centrale de Jésus. Du


collecteur d’impôts, cet homme détesté, il affirme : « Je vous le dis, celui-ci
descendit dans sa maison justifié » (Lu 18.14). C’est donc le thème de la
justification que la parabole aborde.
Voici le type de pécheur le plus honni : un collecteur d’impôts. C’est un
traître à son peuple, car il s’est vendu pour de l’argent. Or, il obtient une
position de juste devant Dieu sans avoir accompli des rites religieux, sans
avoir offert une quelconque expiation personnelle en échange, sans avoir
offert des mérites en contrepartie. Cette parabole expose, implique, illustre
ou affirme de façon claire chaque détail de la doctrine de la justification par
la foi.
Non seulement Jésus déclare que Dieu a accepté le collecteur d’impôts,
mais il enfonce le clou en ajoutant que le pharisien, lui, a été rejeté. « Celui-
ci [le collecteur d’impôts] descendit dans sa maison justifié, plutôt que
l’autre [le pharisien] » (Lu 18.14). C’est renversant ! Comment était-ce
possible ?
Cette question nous concerne tous : Comment un pécheur peut-il être en
règle avec Dieu ? Il n’y a en réalité pas de question plus importante.
Comment être rachetés de notre déchéance ? Pour reprendre les paroles de
Bildad dans Job 25.4 : « Comment l’homme serait-il juste devant Dieu ? »
Ou celle du geôlier de Philippes dans Actes 16.30 : « Que faut-il que je
fasse pour être sauvé ? ». C’est en fait la même question que celle posée par
le jeune homme riche dans Matthieu 19.16 : « Que dois-je faire de bon pour
avoir la vie éternelle ? », et par le docteur de la loi dans Luc 10.25 : « Que
dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? »
Rappelez-vous que Jésus a répondu à la question du jeune homme riche
et à celle du docteur de la loi en citant les exigences de la loi. Le premier
affirma avoir observé la loi depuis sa jeunesse, et sembla médusé de ce que
Jésus ne l’ait pas félicité (Mt 19.20). Quant au docteur de la loi, il voulait «
se justifier » (Lu 10.29). Les deux hommes ressemblent beaucoup au
pharisien de la parabole de Luc 18 : ils étaient sûrs qu’ils méritaient que
Dieu les loue et les accepte ; ils ne se rendaient pas compte de l’énormité de
leur faute, ils étaient aveugles quant au vrai message de la loi et n’avaient
que mépris pour les gens qu’ils qualifiaient de pécheurs.
Êtes-vous surpris que Jésus ait prêché la loi au lieu de la grâce à ces
deux hommes ? À aucun d’eux, il n’apporta la réponse de l’Évangile à la
question éternellement importante qu’ils ont soulevée. Pourquoi ? Parce
qu’ils avaient besoin d’entendre la loi. Aucun d’eux n’avait vraiment senti
le poids de la loi. Ils ne se considéraient pas comme perdus. « Ce ne sont
pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades.
[Jésus n’est] pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » (Mc 2.17).
L’Évangile n’a rien à dire aux personnes satisfaites de leur propre
justice. Il n’existe à vrai dire pas de bonne nouvelle pour celui qui vit dans
cet état d’esprit.
La parabole du pharisien et du collecteur d’impôts illustre ce point avec
une précision éclatante. Sous la forme d’une histoire voilée, cette parabole
apporte réellement la vraie réponse de l’Évangile à la question : « Comment
le pécheur peut-il être en règle avec Dieu ? » La réponse tient en un mot : la
grâce. Dieu « justifie l’impie » (Ro 4.5). « Il [lui] impute la justice sans les
œuvres » (v. 6). La parabole expose toute la doctrine de la justification par
la foi avec une profondeur, une simplicité et une clarté saisissantes.
Le message de Jésus est simple : tous ceux qui sont décidés à établir
leur propre justice échoueront et se condamnent ; mais ceux qui se
soumettent à la justice de Dieu sont gratuitement justifiés par lui (voir Ro
10.3,4). Nul ne peut se justifier devant Dieu ; Dieu seul est « juste tout en
justifiant celui qui a la foi en Jésus » (Ro 3.26).
Ce principe est la principale ligne de fracture entre l’Évangile de Jésus-
Christ et n’importe quel système de doctrine erroné ou démoniaque.
Ramenée à sa plus simple expression, toute fausse religion jamais inventée
par un esprit réprouvé se résume à un système de mérites. Elles enseignent
toutes que la justification est méritée ou acquise par ce que l’adorateur offre
à Dieu – bonne œuvre, sacrement ou cérémonie religieuse ; œuvre de
charité ou altruisme ; vie ascétique ; (plus récemment) engagement à une
cause politique, défense de l’environnement ou à un système de valeur
alternatif. Le zèle religieux dont des gens déchus font preuve pour la cause
ou la confession de foi qu’ils choisissent n’est jamais désintéressé ni
sacrificiel. Ces dernières constituent une estrade du haut de laquelle les
gens religieux jettent un regard hautain sur les autres. La plupart des gens
raisonnent comme le pharisien dans la parabole de Jésus : Je ne suis pas
aussi indigne que les autres. Je devrais obtenir la faveur de Dieu. Rien
n’est plus naturel pour le cœur de l’être humain non régénéré.
Point n’est besoin d’être pharisien à cent pour cent pour raisonner ainsi.
Même les athées les plus convaincus se considèrent comme convenables,
honorables, généreux, en somme assez bons. Ils poussent rarement la
logique de leur incrédulité jusqu’à sa conclusion morale évidente (pour le
cas où il existerait un principe karmique ou des forces naturelles qui
maintiendraient l’équilibre de l’univers et demanderaient des comptes).
Comme n’importe qui, ils ne peuvent se conformer à quelque norme morale
qu’ils estiment devoir suivre – mais ils éprouvent tout de même le besoin
apparemment irrésistible de se justifier. Toutes les enquêtes d’opinions qui
ont été menées montrent que la plupart des gens s’estiment assez bons pour
entrer au ciel – ou pour que Dieu ne les envoie pas en enfer.
L’erreur sous-jacente et commune à tous ces systèmes – l’idée que les
gens peuvent obtenir la faveur de Dieu en étant assez bons – est le
mensonge central qui domine toutes les fausses religions.
La parabole de Jésus dénonce la folie de cette idée. Elle trace une ligne
de démarcation très claire entre les deux seuls types de religion qui existent
: la fausse religion des œuvres humaines et le véritable Évangile de l’œuvre
divine. Le pharisien de la parabole est imbu de lui-même, vertueux en
apparence, méprisant, et doté d’un énorme sentiment de supériorité. Il se
tient aussi près que possible du lieu saint, en évitant tout contact avec ceux
qu’il estime inférieurs à lui. Dans sa façon de penser, le contact avec des
pécheurs pourrait le contaminer. Il ne recherche ni compassion, ni grâce, ni
pardon, ni sympathie pour lui-même. Il ne demande absolument rien à
Dieu, car il estime n’avoir besoin de rien. Il est simplement reconnaissant
de ne pas être injuste. Se justifiant lui-même, il repart non justifié.
L’autre personnage est le collecteur d’impôts ; c’est un paria pécheur,
objet du mépris de tous (y compris de lui-même en ce moment). Il se sait
coupable. Il se tient à bonne distance du lieu saint, car il se sent impur et
indésirable. Il n’ose même pas lever les yeux au ciel. Il se lamente
visiblement sur son propre péché. Il s’humilie en se frappant la poitrine. Il
est au comble du désespoir – sans la moindre lueur d’espoir de pouvoir se
racheter lui-même. La seule chose qu’il puisse faire, c’est implorer la
compassion et la grâce de Dieu. Selon Jésus, cet homme rentra chez lui ce
jour-là, justifié.
Analyse de la parabole

Luc indique clairement le public que Jésus vise dans cette parabole : « Il dit
encore cette parabole, en vue de certaines personnes se persuadant qu’elles
étaient justes, et ne faisant aucun cas des autres » (Lu 18.9). Le texte grec se
sert d’un pronom indéfini (tis, traduit par « certains ») avec le sens de « tous
ceux, quiconque, n’importe qui ». Il ne pense donc pas à un pharisien précis
(ni même aux pharisiens en général) comme dans la parabole du bon
Samaritain. C’est un message pour tous ceux qui « se persuadent qu’ils sont
justes, et ne font aucun cas des autres. » Cela inclut toute personne non
régénérée. Il y a donc dans cette parabole une note d’évangélisation
délibérée. C’est une leçon pour tous ceux qui se persuadent d’être justes –
au lieu de compter sur Christ pour qu’il leur impute sa justice propre et
parfaite.
Il ne fait cependant aucun doute que cette parabole avait une résonnance
particulière pour les pharisiens. Elle portait un coup au cœur même de leur
système de croyances. Ils se considéraient comme étant justes et ils le
manifestaient odieusement. Ils considéraient constamment les autres avec
mépris (Lu 7.39 ; 15.2 ; Jn 7.47-49 ; 9.34). Et nous savons que les
pharisiens étaient présents partout où Jésus enseignait en public, car ils
étaient à l’affût de ses paroles pour trouver une raison de l’accuser. Deux
chapitres plus haut, dans Luc 16.14, il est dit : « Les pharisiens […]
écoutaient aussi tout cela, et ils se moquaient de lui. » La réplique que leur
adresse Jésus dans ce même contexte est de la même teneur que dans notre
parabole : « Vous, vous cherchez à paraître justes devant les hommes, mais
Dieu connaît vos cœurs ; car ce qui est élevé parmi les hommes est une
abomination devant Dieu » (v. 15).
Même si Jésus veut que nous tirions tous la leçon de cette parabole, il
l’applique surtout aux pharisiens et à leurs disciples qu’ils égarent. Le
personnage qui incarne la propre justice est lui-même un pharisien, il
correspond parfaitement à la description de Luc 18.9. C’est vraiment
quelqu’un qui a confiance en lui-même et méprise les autres.
Le mot grec traduit par « ne faire aucun cas » au verset 9 est
exoutheneō, un terme qui n’est employé qu’une seule autre fois dans les
Évangiles – dans Luc 23.11 où il est dit : « Hérode, avec ses gardes, le
[Jésus] traita avec mépris ; et, après s’être moqué de lui et l’avoir revêtu
d’un habit éclatant, il le renvoya à Pilate. » Le terme exprime la dérision la
plus pitoyable et la plus cinglante – le mépris inculte, la raillerie, la
moquerie, le sarcasme. Les pharisiens avaient tendance à traiter les autres
de cette façon. Ils étaient tellement ancrés dans leur style de piété « plus
sainte que celle de l’autre » qu’ils assimilaient leur mépris d’autrui à un
symbole de leur propre justice. Le mot grec, exoutheneō, associe la
préposition ex (« hors de ») au mot outhen (« rien » ou « sans valeur »). Les
pharisiens considéraient ceux qui étaient en dehors du cercle de leurs
disciples comme des bons à rien. Plus le péché d’une personne était notoire,
plus les pharisiens la méprisaient.
Ils appelaient haberim (« associés ») leurs propres disciples – ceux qui
suivaient l’interprétation stricte de la loi. Les gens qui ne suivaient pas les
règles des pharisiens étaient des am ha’aretz (litt. « gens de la campagne »).
L’expression désignait quelqu’un d’impur, un vaurien.
Commentant cette distinction, Kenneth Bailey écrit :
Aux yeux d’un pharisien pur et dur, le collecteur d’impôts représentait le mieux le type du am
haaretz… Si [le pharisien] frôlait accidentellement un collecteur d’impôts (ou n’importe quel
am haaretz présent parmi les adorateurs), il contractait le midras, l’impureté. Son état de
pureté a trop de valeur. Il ne doit être compromis pour rien au monde. De ce point de vue,
l’annonce de son isolement était importante. C’est pourquoi le pharisien se tenait à l’écart de
ceux qui étaient rassemblés près de l’autel1.

Les deux personnages dans la parabole de Jésus représentent donc les


extrêmes.

Les contrastes

Voici deux hommes que tout oppose. L’abîme qui les sépare se voit d’abord
dans leur statut social, la posture de prière, le contenu de leurs prières et
leur position finale devant Dieu.

Leur statut social


Le pharisien est un initié sur les plans social et religieux ; il occupe les
échelons supérieurs de la haute société juive. Les pharisiens étaient toujours
les invités de marque lors de toute cérémonie sociale. À cause de leur
communauté exclusive (le nom pharisien signifie « séparé »), c’était
toujours un très grand honneur de compter un pharisien parmi les convives
lors d’un repas ou d’une rencontre.
À l’opposé de l’échelle sociale, il y avait les collecteurs d’impôts – les
individus les plus généralement méprisés de tout Israël. C’était
habituellement des renégats et des criminels, des êtres en faillite morale et
éthique, les boucs émissaires de Rome et les adversaires de tout ce qui était
sacré. En fait, les collecteurs d’impôts appartenaient à la même classe
sociale que les prostituées (Mt 21.31,32) et les buveurs (Lu 7.34).
D’ailleurs, la plupart des collecteurs d’impôts fréquentaient ces gens-là. Ils
avaient la réputation d’être non seulement malhonnêtes et cruels, mais aussi
moralement corrompus dans tous les sens du terme.
Les collecteurs d’impôts achetaient des franchises des occupants
romains. L’accord conclu stipulait qu’ils devaient verser aux Romains une
somme annuelle fixée d’avance. Ils avaient le droit de garder tout
l’excédent. Ils s’enrichissaient en exploitant leur propre peuple. Traîtres
honnis à leur religion et à leur nation, ils étaient exclus de toute activité
religieuse et des relations sociales normales. Aux yeux de leurs
compatriotes, ils étaient les créatures les plus éloignées de Dieu, tout au bas
de l’échelle – privés de toute position sociale, malgré leur richesse
accumulée par la fraude et l’extorsion.

Leur posture
Le contraste dans l’attitude physique que les deux hommes adoptent est
significatif lui aussi. Le pharisien « debout [prie] […] en lui-même » (Lu
18.11). Il lui semblait juste – et même normal – de se tenir debout. Jésus dit
un jour à ses disciples : « Lorsque vous êtes debout faisant votre prière […],
pardonnez » (Mc 11.25). La position debout était et reste la posture normale
sur ou près du mont du temple à Jérusalem. En Israël, les hommes levaient
normalement les yeux et les mains vers le ciel quand ils priaient. Ils avaient
donc le visage tourné vers le ciel pour recevoir du Seigneur. Cette posture
exprimait à la fois la louange et la soumission.
Donc, le fait que le pharisien soit debout ne constitue pas un problème.
Ce qui est révélateur de sa posture est plutôt le lieu choisi pour se
démarquer des autres. Jésus évoque ce trait caractéristique des pharisiens
dans son sermon sur la montagne : « Lorsque vous priez, ne soyez pas
comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux
coins des rues, pour être vus des hommes » (Mt 6.5).
Ce pharisien se tient sans aucun doute debout dans un endroit
proéminent du parvis intérieur, aussi près que possible du lieu très saint,
parce que, selon lui, il appartient à ce lieu. Ce choix transforme ce qui aurait
dû être une position d’adoration en signe ostentatoire d’orgueil qu’il
affiche.
Le collecteur d’impôts se place lui aussi à un endroit particulier, non pas
au milieu de la foule ou sur une sorte de piédestal dans le parvis intérieur,
mais « à distance, [et] n’[ose] même pas lever les yeux au ciel » (Lu
18.13). Autrement dit, le collecteur d’impôts se tient debout à la limite de
l’enceinte du temple. Pourquoi ? Parce qu’il se sait indigne de paraître dans
la présence de Dieu et même dans la présence des autres adorateurs. C’est
un paria non seulement pour la société, mais plus encore pour Dieu. Il le
sait, et cela se reflète dans sa posture. Contrairement au pharisien, cet
homme n’ose même pas lever les yeux au ciel. Il est écrasé par le poids de
sa culpabilité, sa honte profonde, et son grand sentiment de disgrâce. Il se
sait totalement indigne. Il le confesse sans trouver d’excuses ni de
circonstances atténuantes. Il n’y a pas le moindre indice d’autojustification.
Il sent clairement le poids énorme de son aliénation de Dieu. Dans sa
posture, tout le proclame.
Jésus déclare que l’homme se « [frappe] la poitrine » (v. 13). Prier les
yeux vers le bas et les mains sur la poitrine exprimait une attitude
d’humilité. Cet homme va encore au-delà. Il fait de ses mains des poings
avec lesquels il se frappe la poitrine. Ce geste revêt une signification qui ne
nécessite sans doute pas d’explication. L’homme est visiblement dans un
état d’angoisse extrême ; il pleure sur son péché, il éprouve du remords, de
la tristesse, de la honte et toutes les émotions associées. On ne trouve aucun
parallèle dans l’Ancien Testament. Et il n’y a qu’un seul endroit du
Nouveau Testament qui mentionne ce même geste : près de la croix, après
la mort de Christ. Dans Luc 23.48, il est dit : « Et tous ceux qui assistaient
en foule à ce spectacle, après avoir vu ce qui était arrivé, s’en retournèrent,
se frappant la poitrine. » Il est également mentionné dans la littérature
extrabiblique, principalement en liaison avec le chagrin des femmes.
C’est donc un homme qui fait un geste inhabituel qui démontre sa
profonde détresse. Pourquoi se frappe-t-il la poitrine ? Proverbes 4.23
déclare : « Garde ton cœur plus que toute autre chose, car de lui viennent
les sources de la vie. » Notre véritable nature se définit par ce qui se trouve
en dedans, l’être intérieur – le siège de nos pensées, de nos désirs et de nos
affections. L’Écriture englobe tout cela dans le terme « cœur ». Jésus lui-
même déclara : « Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que
sortent les mauvaises pensées, les adultères, les débauches, les meurtres, les
vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard
envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent
du dedans, et souillent l’homme » (Mc 7.21-23). Le Seigneur ne parlait
évidemment pas de l’organe physique dans la cage thoracique. Il utilise un
langage figuré. Se frapper la poitrine est un geste qui exprime le remords de
l’individu pour tout le mal qu’il a conservé dans son cœur. Il avait compris
en somme que « le cœur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant » (Jé
17.9). Se frapper la poitrine était en quelque sorte reconnaître cette vérité de
façon imagée.

Leurs prières
Jésus fait une remarque intéressante concernant la prière du pharisien :
il « priait […] en lui-même » (Lu 18.11). Ces paroles peuvent revêtir deux
sens. L’homme pouvait prier de manière inaudible (comme Anne dans 1 Sa
1.13). Toutefois, nous sommes devant un pharisien, et prier en silence dans
un lieu public n’est certainement pas son style. De plus, le choix des mots
par Jésus, et tout le contexte de Luc 18 semblent indiquer que le pharisien
prie à voix haute, très satisfait de lui-même, car il prend plaisir à s’entendre
faire étalage de ses mérites en public. Il se parle à lui-même, il flatte son
propre ego, plus qu’il ne s’adresse à Dieu. D’ailleurs en l’espace de deux
versets (v. 11,12), il utilise cinq fois le pronom personnel à la première
personne du singulier. Tout en remerciant Dieu de ce qu’il est meilleur que
les autres, le pharisien ne lui rend pas gloire. Il ne demande rien à Dieu : ni
miséricorde, ni grâce, ni pardon, ni secours. Il semble se référer à Dieu
parce que c’est ainsi que toute prière est censée débuter : « Ô Dieu, je te
rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes… »
La seule confession non équivoque adressée à Dieu est cette déclaration
de son propre mérite, appuyée sur l’énumération des péchés des autres. Il la
fait suivre d’un catalogue verbal de ses propres bonnes œuvres.
Rappelezvous, l’homme se tient à un endroit bien en vue. Il prie
certainement de façon audible, sans doute aussi fort que possible sans crier.
Et pour que tous ceux qui sont à portée de voix captent bien le message,
le pharisien se fait aussi précis que possible. Comme le font invariablement
toutes les personnes qui se justifient elles-mêmes, il se compare au pire des
pécheurs. Il mentionne les voleurs, les tricheurs, les débauchés : «
ravisseurs, injustes, adultères » (v. 11). Les collecteurs d’impôts étaient
étroitement associés à ces catégories de péchés.
Tandis qu’il énumère cette liste de fautes morales notoires, son regard
tombe sur le collecteur d’impôts. Il désigne alors cet homme comme
l’incarnation vivante de tout ce que lui, le pharisien, est fier de ne pas être.
Voilà ce qu’est cette détestable propre justice. Le pharisien adresse sa
prière à lui-même, soucieux de faire étalage aux yeux des gens, et oubliant
complètement Dieu. Il ne demande rien à Dieu. D’ailleurs, pourquoi le
ferait-il ? Il ne voit pas ce qui pourrait lui manquer. Il veut tout simplement
que les gens se rendent compte à quel point il est différent de ce am
ha’aretz.
Le pharisien n’est cependant pas au bout de sa prière. Il énumère ses
qualités positives : « Je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de
tous mes revenus » (v. 12). Il fait sans doute partie de ceux qui comptaient
les semences pour être sûr qu’il avait bien donné la dixième partie. Quant
au jeûne, l’Ancien Testament n’exigeait qu’un jeûne annuel, en préparation
pour le jour de la grande expiation (Lé 16.29-31). En revanche, les
pharisiens jeûnaient tous les lundis et les jeudis. Ils croyaient ainsi acquérir
un surplus de mérites en bonifiant la loi de Dieu par une série de règles
fabriquées, de rites et de rituels religieux. De nombreuses fausses religions
agissent de même, estimant qu’elles peuvent faire davantage que ce que
Dieu lui-même exige et obtenir ainsi un crédit supplémentaire. Les
catholiques romains parlent alors d’« œuvres surérogatoires ».
En réalité, la seule chose que le pharisien a en grande abondance est un
surplus d’estime de soi. Il a visiblement de lui-même une idée supérieure à
celle qu’il aurait dû avoir. C’est sur ce point que le contraste entre lui-même
et le collecteur d’impôts est le plus évident.
La prière du collecteur d’impôts est brève et touchante. C’est une
sincère et urgente supplication à Dieu pour qu’il fasse miséricorde. Ce n’est
pas une exhibition de zèle religieux artificiel pour impressionner les
passants. Les mots et la posture témoignent de la honte profonde de
l’homme. Ce sont des paroles de repentance authentique : « Ô Dieu, sois
apaisé envers moi, qui suis un pécheur ! » (Lu 18.13.) Le texte grec original
se sert de l’article défini : « Moi, le pécheur ! » L’expression rappelle les
paroles de Paul dans 1 Timothée 1.15 : « Jésus-Christ est venu dans le
monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier. » Cet homme se
concentre sur sa propre culpabilité, pas sur celle d’autrui. Et il confesse son
besoin de grâce – ce qui ne vient pas à l’esprit du pharisien.

Les ressemblances

Le pharisien et le collecteur d’impôts ont de nombreuses doctrines


fondamentales communes. Ils comprennent tous les deux que les écrits de
l’Ancien Testament révèlent un seul vrai Dieu – YHWH. Pour les deux, il
est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; le Dieu qui a donné sa Parole
par l’intermédiaire de Moïse, de David et de tous les prophètes. Tous les
deux croient au sacerdoce et au système sacrificiel de l’Ancien Testament.
C’est d’ailleurs leur foi commune dans ces choses qui les amène au temple.
Il s’ensuit que le pharisien croit bel et bien à la nécessité de l’expiation.
Aucune personne ayant de la loi la connaissance du pharisien ne pouvait se
croire indemne de péché. Or, il estimait avoir mérité le droit au pardon. En
d’autres termes, il croyait avoir expié ses péchés. À son avis, le poids de ses
bonnes œuvres compensait et annulait ses manquements. Il avait offert les
sacrifices requis. Il s’était conduit bien mieux que la plupart des gens. Si
donc les œuvres bonnes et la dévotion religieuse pouvaient faire pencher la
balance de la justice divine en faveur de quelqu’un, parmi tous les candidats
possibles, ce pharisien méritait une place d’honneur. Tel est le raisonnement
que tiennent la plupart des gens religieux. Très peu contestent le fait qu’ils
sont pécheurs ; ils ont simplement du mal à accepter l’idée que leurs bonnes
œuvres ne leur acquièrent aucun mérite. Ils pensent que Dieu leur
pardonnera le mal qu’ils ont commis, puisqu’ils ont mérité sa faveur par
leurs bonnes œuvres.
Le collecteur d’impôts cultivait peut-être aussi cette idée autrefois, mais
la vie lui avait fait comprendre qu’il n’avait rien à offrir à Dieu en échange
de sa faveur. Les meilleures de ses œuvres étaient souillées par la vérité
désormais évidente de son identité profonde. La leçon d’Ésaïe 64.5 s’était
imposée à lui avec un vif éclat : « Nous sommes tous comme des impurs, et
toute notre justice est comme un vêtement souillé. »
La profonde misère qu’il a dû éprouver en arrivant à cette conclusion
était en réalité un don de la grâce divine, le préalable nécessaire à la
rédemption de l’homme. « En effet, la tristesse selon Dieu produit une
repentance à salut dont on ne se repent jamais » (2 Co 7.10).

La principale différence

La différence essentielle entre le pharisien et le collecteur d’impôts se


ramène à la distinction suivante, claire et évidente : le pharisien pense
pouvoir plaire à Dieu par lui-même ; le collecteur d’impôts sait qu’il ne le
peut pas. Celui-ci est vraiment repentant, l’autre ne semble pas sentir la
nécessité de se repentir. Cette même distinction sépare tous les habitants de
la planète en deux catégories distinctes.
Du contraste que Jésus établit entre ces deux hommes se dégagent
plusieurs leçons. Tout d’abord, les vrais serviteurs de l’Évangile devraient
orienter les pécheurs vers la repentance. Il ne suffit pas de dire aux pécheurs
que Dieu les aime et qu’il a des projets merveilleux pour leurs vies. Avant
que l’Évangile puisse devenir vraiment une bonne nouvelle, le pécheur doit
faire face à la mauvaise nouvelle de la loi.
Il ne manque pas de gens religieux qui croient de nombreuses vérités
bibliques. Ils disent croire en Jésus-Christ. Ils chantent des cantiques qui
évoquent la croix et la résurrection. La plupart d’entre eux confessent
honnêtement qu’ils ont péché. Cependant, trop d’entre eux (même dans de
solides églises évangéliques) ne se rendent pas bien compte de la gravité de
leur péché. Ils s’estiment assez bons, assez charitables ou assez religieux
pour compenser, voire annuler la sanction méritée pour avoir péché. C’est
aussi ce que le pharisien croyait.
Revenons à la prière du collecteur d’impôts : « Ô Dieu, sois apaisé
envers moi ! » C’est une expression très importante. L’homme ne quémande
pas seulement l’indulgence de Dieu ; il parle le langage de l’expiation. Dans
le texte grec, l’expression est hilaskoti moi, « sois-moi propice ». Ce n’est
pas du tout la même chose que : « fais preuve de tolérance à mon égard ».
Jésus aurait utilisé un autre mot. Celui qu’il emploie dans cette parabole est
construit sur le verbe grec hilaskomai, qui signifie « être apaisé ». Sachant
qu’il ne pourra jamais expier son propre péché, le collecteur d’impôts
implore ardemment Dieu de faire l’expiation à sa place. Il ne lui demande
pas de passer par-dessus son péché ou de ne pas en tenir compte ; il supplie
Dieu d’entreprendre ce qui peut satisfaire sa justice et de le délivrer, lui, le
coupable, de la condamnation du péché.
Il sait que le salaire du péché, c’est la mort (Ro 6.23) et que « l’âme qui
pèche, c’est celle qui mourra » (Éz 18.20). Peut-être pense-t-il à la parole
d’Abraham : « Dieu se pourvoira lui-même de l’agneau pour l’holocauste »
(Ge 22.8). Il comprend la leçon centrale du système sacrificiel que « sans
effusion de sang, il n’y a pas de pardon » (Hé 9.22). « Car la vie de la chair
est dans le sang. Je vous l’ai donné sur l’autel, afin qu’il serve d’expiation
pour vos âmes, car c’est par la vie que le sang fait l’expiation » (Lé 17.11).
Le collecteur d’impôts confesse qu’il est un pécheur désespéré. À elle
seule, sa posture témoigne qu’il se sent indigne de se tenir près du lieu
saint. Il est même indigne de lever les yeux au ciel. Sa misère l’angoisse
profondément. Tout ce qu’il peut demander, c’est d’être mis au bénéfice
d’une expiation pleine et efficace.
Le pharisien aurait sans doute eu la réaction suivante : « Prends ce type
et jette-le par la porte orientale avec toute cette racaille qui n’a rien à faire
sur le mont du temple. »
Mais telles ne sont pas les dispositions du cœur de Dieu.

En règle avec Dieu

Jésus a dû provoquer de l’étonnement et de l’indignation dans son auditoire,


lorsqu’il a conclu : « Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison
justifié, plutôt que l’autre » (Lu 18.14). Le participe passé justifié est au
passif parfait dans le texte grec : « Ayant été justifié ». Il correspond à une
réalité passée et déjà accomplie, comme dans Romains 5.1 : « Étant donc
justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-
Christ. » Le résultat se traduit par une possession présente, comme celle
décrite dans Romains 8.1 : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation
pour ceux qui sont en Jésus-Christ. » Le collecteur d’impôts est
définitivement en règle avec Dieu.
Cette affirmation de Jésus a dû ébranler les sensibilités théologiques des
pharisiens. Ainsi, lorsqu’il déclare : « Je vous le dis… », il leur fait
comprendre qu’il n’a pas besoin de citer quelque rabbin ou scribe éminent.
Il ne tire pas sa doctrine de la tradition juive. Il s’exprime avec une autorité
divine absolue. Le Dieu incarné, le Saint d’Israël, l’Agneau de Dieu sans
défaut et sans tache, vient d’enseigner que dans un moment de grâce, le plus
grand des pécheurs peut instantanément être déclaré juste sans accomplir
quelque œuvre que ce soit, sans acquérir aucun mérite, sans se conformer
au moindre rite et sans aucune justice personnelle à apporter en
contrepartie.
La leçon de Jésus est claire. Il enseigne que la justification résulte de la
foi seule. Cette affirmation condense toute la théologie de la justification.
Ainsi, sans plonger dans une théologie abstraite, Jésus vient de présenter
cette vérité au moyen d’une parabole.

Un décret légal de Dieu


La justification de ce collecteur d’impôts fut une réalité instantanée.
Dieu l’a déclaré juste de la même manière qu’un juge acquitte un accusé :
par un décret légal. Il n’y a pas eu de procès, pas de délai, aucune crainte de
purgatoire. Il « descendit dans sa maison justifié » (Lu 18.14) non en raison
de ce qu’il aurait accompli, mais en raison de ce qui fut accompli en sa
faveur.
Rappelons-nous : le collecteur d’impôts est très conscient de son
impuissance. Il doit une dette exorbitante, et il se sait incapable de
l’acquitter. La seule chose qu’il peut faire est de se repentir et de supplier
Dieu de le racheter. Il n’offre aucune contrepartie à Dieu. Il s’attend à Dieu
pour accomplir pour lui ce qu’il ne peut pas accomplir pour lui-même. Telle
est la nature profonde de la repentance que Jésus attend.

Par la foi seule


Le collecteur d’impôts rentra chez lui pleinement justifié sans avoir
accompli la moindre œuvre de pénitence, ni le moindre sacrement ou rite,
sans avoir présenté quelque œuvre méritoire que ce soit. Sa justification fut
totale et complète sans aucun de ces éléments, parce qu’elle dépendait
uniquement de la foi. Tout ce qui était nécessaire pour opérer l’expiation de
son péché et lui accorder le pardon fut réalisé à son profit. Il fut justifié par
la foi sur-le-champ.
Quel contraste avec la manière de penser du pharisien ! Il était certain
que sa pratique du jeûne, le don de la dîme et ses autres bonnes œuvres le
rendaient acceptable devant Dieu. Il avait absolument tort. La justice qui
justifie vraiment ne s’acquiert pas par l’obéissance à la loi ou quelque
œuvre que ce soit, elle se saisit par la foi.

Une justice imputée


La déclaration de Christ que cet homme fut justifié n’était pas de la
fiction. Ce n’était pas un tour de passe-passe ni un jeu de mots. Dieu ne
peut pas mentir. D’où le collecteur d’impôts a-t-il obtenu la justice qui
surpasse celle du pharisien (Mt 5.20) ? Comment un collecteur d’impôts, un
homme déloyal, est-il devenu juste aux yeux de Dieu ?
Il n’y a qu’une seule réponse possible : cet homme a obtenu une justice
qui n’était pas la sienne (voir Ph 3.9), une justice imputée par la foi (Ro 4.9-
11).
À qui appartenait la justice qui lui a été imputée ? Il ne pouvait s’agir
que de la justice parfaite d’un Substitut sans défaut qui, en échange, s’est
chargé des péchés du collecteur d’impôts et a endossé la colère de Dieu à sa
place. L’Évangile déclare que c’est précisément ce que Jésus a accompli.
C’était la seule façon pour le collecteur d’impôts d’être justifié. Dieu a
dû le déclarer juste, en lui imputant la justice complète et parfaite de Christ,
en lui pardonnant toute son injustice et en le délivrant de toute
condamnation. À partir de cet instant et pour toujours, le pécheur justifié se
tient devant Dieu, à cause d’une parfaite justice qui lui a été imputée.
Voilà ce qu’est la justification. C’est le seul véritable Évangile. Tous les
autres points de la doctrine biblique du salut découlent de cette vérité
fondamentale. Comme l’a écrit J. I. Packer, « La doctrine de la justification
par la foi ressemble à Atlas : elle porte un monde sur ses épaules, toute la
connaissance évangélique de la grâce salvatrice2. » Une juste
compréhension de la justification par la foi est le fondement même de
l’Évangile. Une erreur sur ce point entraîne finalement la corruption de
toute autre doctrine.
C’est le véritable Évangile que cette parabole illustre. Ce que tout
pécheur peut faire, c’est de recevoir le don par une foi repentante, sachant
avec certitude qu’il fallait une expiation parfaite, capable de satisfaire la
colère de Dieu contre le péché – et qu’elle a été accomplie par Christ. Celui
qui a raconté cette histoire est celui-là même qui a opéré l’expiation : Jésus-
Christ. Il n’y a de salut en aucun autre nom.

Un bref épilogue

Le Seigneur ponctue cette histoire surprenante par un simple proverbe : «


Car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé » (Lu
18.14). Dans ce contexte, le verbe élever est un synonyme de justification.
Celui qui s’humilie dans un acte de foi repentante obtiendra la justice.
À proprement parler, seul Dieu est vraiment élevé ; il est donc seul à
pouvoir élever les hommes. Il le fait en leur conférant la justice parfaite de
Christ. L’élévation inclut ici la délivrance du péché et de la damnation, la
réconciliation avec Dieu, la pleine justification et la citoyenneté dans le
royaume éternel de Christ.
Tous les efforts déployés pour atteindre ce résultat par vous-même ne
pourront que vous humilier. Voilà pourquoi « quiconque s’élève sera
abaissé » – ceux qui pensent pouvoir se sauver eux-mêmes, acquérir leur
justice propre ou mériter une faveur de la part de Dieu – « sera abaissé ». Il
le sera de la manière la plus totale : broyé sous le jugement divin, subissant
une perte éternelle et un châtiment sans fin. Le chemin de l’élévation
personnelle se termine toujours dans le jugement éternel, car « Dieu résiste
aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles » (1 Pi 5.5 ; Ja 4.6).
Disons-le d’une autre manière : les damnés estiment qu’ils sont bons ;
les sauvés savent qu’ils sont mauvais. Les damnés croient que le royaume
est pour ceux qui en sont dignes ; les sauvés savent que le royaume de Dieu
est pour ceux qui sont conscients de leur indignité. Les damnés croient que
la vie éternelle se gagne ; les sauvés savent qu’elle est un don. Les damnés
recherchent l’approbation de Dieu ; les sauvés cherchent son pardon.
Et Dieu l’accorde au moyen de l’œuvre de Christ. « Car c’est par la
grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de
vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est point par les œuvres, afin que personne
ne se glorifie » (Ép 2.8,9).
7

Une leçon sur la fidélité

Pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne le sait, ni les anges dans le ciel, ni le Fils,
mais le Père seul. Prenez garde, veillez et priez ; car vous ne savez quand ce temps viendra. Il
en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison, remet l’autorité à
ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au portier de veiller. Veillez donc, car
vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au
chant du coq, ou le matin ; craignez qu’il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine.
Ce que je vous dis, je le dis à tous : Veillez.

— MARC 13.32-37

L’Évangile selon Matthieu est soigneusement structuré, si bien que son récit
détaillé du ministère public de Jésus est encadré entre deux des plus longs
discours du Seigneur : le sermon sur la montagne et le sermon du mont des
Oliviers.
Matthieu 5 ouvre le ministère didactique de Jésus par le sermon sur la
montagne*. Ce sermon qui couvre trois chapitres est le plus long
compterendu ininterrompu des paroles de Jésus de toute l’Écriture. Il ne
marque cependant en aucun cas le premier événement du ministère terrestre
de Jésus. Les meilleures chronologies le situent environ un an et demi après
le baptême de Jésus (c’est-à-dire vers le milieu de son ministère public de
trois ans). Toutefois, Matthieu s’en sert comme point de départ du ministère
de Jésus parce qu’il résume admirablement le contenu de son enseignement
et nous aide à voir le reste de ses paroles sous un meilleur éclairage.
Matthieu dispose ensuite les différents événements de la vie et du
ministère de Jésus de façon assez thématique. Il ponctue les leçons clés par
des discours majeurs, cinq en tout. Un grand mandat est donné par Jésus et
prépare l’envoi des douze au chapitre 10 ; une série détaillée de paraboles
sur le royaume se trouve au chapitre 13 ; une longue leçon sur la foi
enfantine occupe le chapitre 18.
Finalement, vers la fin de son Évangile, juste avant de décrire
l’arrestation et la crucifixion de Jésus, Matthieu conclut son récit du
ministère didactique de Jésus par le discours sur le mont des Oliviers
(Matthieu 24 et 25). Jésus, assis sur le mont des Oliviers (Mt 24.3), parle en
privé à ses disciples les plus proches de sa seconde venue –répondant à leur
question concernant « le signe de [son] avènement et de la fin du monde »
(v. 3).
Comme nous l’avons signalé dans l’Introduction de ce livre, le récit que
Matthieu fait du sermon sur la montagne ne contient qu’une très brève
parabole en conclusion du discours (7.24-27). Cette parabole, qui met en
scène un bâtisseur sage et un bâtisseur insensé, illustre la stupidité de celui
qui écoute les paroles de Jésus sans croire.
À l’opposé, le discours du mont des Oliviers est riche de plusieurs
paraboles dont certaines sont brèves et d’autres plus élaborées. Citons la
parabole du cadavre et des vautours (24.28), du figuier (v. 32-34), du maître
de maison (v. 43,44), du serviteur fidèle et du méchant serviteur (v. 45-51),
des vierges sages et des vierges folles (25.1-13), des talents (v. 14-30), des
brebis et des boucs (v. 32,33).
Dans ce chapitre, nous examinerons trois des paraboles les plus longues
de cette série : le serviteur fidèle et le serviteur méchant, les vierges sages et
les vierges folles, et les talents. Ces trois histoires font le lien entre Matthieu
24 et 25. Elles sont volontairement racontées les unes à la suite des autres et
pointent toutes vers une seule et même leçon : l’importance de la fidélité à
la lumière du retour de Jésus.
Le discours du mont des Oliviers est l’un des passages les plus
maltraités de toute l’Écriture. Certains interprètes annulent pratiquement la
portée de tout le discours en prétendant que toutes les paroles prophétiques
de cette section se sont accomplies en 70 de notre ère, lorsque les armées
romaines ont saccagé la ville de Jérusalem et détruit le temple juif. (On
qualifie cette interprétation de prétérisme.) À l’extrême opposé, il y a ceux
qui estiment que les journaux de notre temps sont la clé de la
compréhension du discours du mont des Oliviers. Ils fouillent dans les
actualités pour trouver les « guerres et les bruits de guerres » (Mt 24.6) ; les
« famines et les tremblements de terre en divers lieux » (v. 7) ; les signes et
les prodiges dans le ciel (v. 29) – ou d’autres échos de ce passage. Ils ne
manquent évidemment jamais de découvrir des nouvelles fraîches qui
semblent confirmer ce passage. D’autres encore semblent voir dans le
discours un immense puzzle contenant un code donnant une réponse voilée
à la question des disciples : « Quand cela arrivera-t-il ? » (v. 3.) Presque
chaque décennie a vu l’apparition de quelque faux prophète qui a
minutieusement décrit le moment précis du retour du Seigneur.
Pourtant, Jésus souligne avec force l’impossibilité de cette connaissance
: « Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des
cieux, ni le Fils, mais le Père seul » (v. 36). D’ailleurs, Jésus répète ce fait
dans le discours du mont des Oliviers : « Vous ne savez pas quel jour votre
Seigneur viendra » (v. 42) ; « Le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous
n’y penserez pas » (v. 44) ; « Le maître de ce serviteur viendra au jour où il
ne s’y attend pas » (v. 50) ; « Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour
ni l’heure » (25.13). Les trois paraboles que nous allons étudier insistent
toutes sur l’impossibilité de connaître le jour et l’heure de son retour.
En d’autres termes, Jésus laisse intentionnellement sans réponse la
question des disciples concernant la chronologie des événements relatifs à
sa venue. Il ne laisse aucune place à la spéculation et au sensationnalisme.
De plus, en révélant les malheurs extrêmes des derniers jours, il avertit
ses disciples : « Gardez-vous d’être troublés » (Mt 24.6).
Jésus ne nous fournit visiblement pas d’indices précis quant au moment
de son retour ; il ne cherche pas nous plus à nous effaroucher par les temps
terribles de tribulation qui précéderont sa venue. Quel est alors le but
principal de ce discours ? La réponse est simple et évidente : il s’agit d’une
exhortation détaillée de Christ à ses disciples pour les inciter à demeurer
fidèles jusqu’à son retour. Au lieu de leur répondre à propos du moment de
son retour, il leur raconte trois paraboles qui envisagent toutes les
possibilités.

L’histoire des deux serviteurs


Dans ce trio, il y a d’abord une histoire qui oppose deux serviteurs : l’un est
« fidèle et prudent », l’autre « méchant » (Mt 24.45,48). La nature profonde
du serviteur méchant se révèle rapidement dès que son maître est appelé à
s’éloigner pour un temps. Il se dit que le maître ne va pas revenir de si tôt.
Cette pensée bannit de son esprit toute notion de responsabilité, et le
serviteur mène une vie débridée :
Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur
donner la nourriture au temps convenable ? Heureux ce serviteur, que son maître, à son
arrivée, trouvera faisant ainsi ! Je vous le dis en vérité, il l’établira sur tous ses biens.

Mais, si c’est un méchant serviteur, qui dise en lui-même : Mon maître tarde à venir, s’il se
met à battre ses compagnons, s’il mange et boit avec les ivrognes, le maître de ce serviteur
viendra le jour où il ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il le mettra en pièces, et
lui donnera sa part avec les hypocrites : c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de
dents (Mt 24.45-51).

Le contraste entre les deux serviteurs est volontairement forcé. Le


serviteur fidèle et prudent comprend que l’absence de son maître accroît le
fardeau de ses responsabilités. Il devra travailler plus dur et être plus
consciencieux que jamais, sachant qu’à la fin, il devra rendre compte. Que
le maître revienne tôt ou tard, le serviteur prudent désire être trouvé en train
de s’acquitter patiemment de ses devoirs. Mais le méchant serviteur voit
dans l’absence du maître une occasion de s’amuser. Il jette par-dessus bord
toutes les contraintes et se dérobe à toutes ses responsabilités. Il s’adonne à
tout ce vers quoi son cœur mauvais l’incline, tout simplement parce qu’il
n’y a personne pour le surveiller et qu’il a perdu toute notion de
responsabilité.
Lors de son retour inopiné, le maître récompense le serviteur fidèle au-
delà de tout espoir. Il est promu tout de suite à la position suprême
d’autorité et d’honneur. Il bénéficie de privilèges qui ressemblent à ceux du
maître lui-même. C’est l’illustration des récompenses éternelles accordées à
tous les chrétiens fidèles. Ils régneront avec Christ dans son royaume (2 Ti
2.12 ; Ap 20.6). Ils sont ses cohéritiers et ils seront glorifiés avec lui (Ro
8.17). Ils occuperont dans les cieux une position d’honneur et de
récompense insondables. Ils s’assiéront avec lui sur son trône (Ap 3.21).
Le méchant serviteur représente, lui, l’incroyant fourvoyé qui s’est
identifié à l’Église et croit servir le Maître. En réalité, il n’aime pas le
Maître et n’attend pas son retour. Il ne croit d’ailleurs pas à son retour, en
tout cas pas à son retour prochain. Il se dit « en lui-même : mon Maître
tarde à venir » (Mt 24.48, italiques pour souligner). Son manque de foi
enhardit son inconduite.
Le retour effectif du maître – un retour soudain et plus tôt que prévu –
expose aussitôt le méchant serviteur pour ce qu’il est réellement. Son
châtiment est aussi sévère que la récompense du premier serviteur était
généreuse. Il est mis « en pièces » (v. 51) – ce qui est évidemment fatal.
Mais ce n’est pas la fin pour lui. Sa part (dans la vie à venir) sera « avec les
hypocrites : c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents ».
Ce langage s’applique à l’enfer, ce qui nous permet d’identifier cet homme
à un incroyant.
Les disciples étaient familiarisés avec l’expression « des pleurs et des
grincements de dents », car Jésus l’avait déjà utilisée plusieurs fois pour
décrire la tristesse et les regrets angoissants des âmes en enfer (Mt 8.12 ;
22.13 ; Lu 13.28). Elle revêt la même signification ici. L’attitude cynique du
méchant serviteur à propos du retour de son maître s’apparente à
l’incrédulité ; or, « celui qui ne croit pas est déjà jugé » (Jn 3.18). Cela
montre à quel point celui qui se moque de la promesse du retour de Christ
commet un grave péché (2 Pi 3.3,4).
La grâce qui nous sauve nous enseigne aussi « à renoncer à l’impiété et
aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la
sagesse, la justice et la piété, en attendant la bienheureuse espérance, et la
manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ » (Tit
2.12,13). « Encore un peu, un peu de temps, celui qui doit venir viendra, et
il ne tardera pas » (Hé 10.37). Dans le livre de l’Apocalypse, Jésus réitère
plusieurs fois la promesse : « Je viens bientôt » (Ap 3.11 ; 22.7,12,20).
Telle est la leçon que cette parabole met en exergue. Le retour de Christ
est imminent, il peut se produire à tout instant : « Le Seigneur est proche »
(Ph 4.5). « L’avènement du Seigneur est proche… voici, le juge est à la
porte » (Ja 5.8,9). Rien ne fait obstacle au retour immédiat du Seigneur ;
l’Écriture nous enseigne constamment que nous devons être prêts, dans
l’attente, occupés, obéissants, loyaux, bien préparés, comme le serviteur
fidèle et prudent de la parabole « puisque vous ne savez pas quel jour votre
Seigneur viendra » (Mt 24.42).

Les dix vierges


La division entre les chapitres 24 et 25 de Matthieu marque une interruption
artificielle dans le flot de la narration. (Les divisions en chapitres et en
versets ne font évidemment pas partie du texte inspiré ; elles ont été
ajoutées vers le xiiie siècle pour des questions de commodité.) Il n’existe ni
interruption ni interlude entre la parabole des deux serviteurs et le récit qui
suit ; il importe donc de les lire dans la continuité. Les deux paraboles se
donnent la main, et soulignent différents aspects d’une seule et même leçon
clé.
La parabole des deux serviteurs insiste sur le fait que nous ne devons
pas vivre dans l’idée que Christ repousse sa venue, mais être prêts pour son
retour inopiné. La parabole des vierges sages et des vierges folles suit
immédiatement et insiste sur l’autre aspect : « Être prêt à tout instant pour
le retour du Seigneur », c’est ne pas s’assoupir s’il tarde ! Pour être prêt, il
faut un juste équilibre dans notre attente.
L’histoire de l’Église est remplie de récits de gens qui ont fixé des dates
de la seconde venue, ont fondé des sectes, entraîné des disciples, quitté
leurs emplois, vendu leurs biens et se sont réfugiés dans des montagnes ou
des déserts pour attendre le son de la dernière trompette. Les dernières
décennies ont tout particulièrement vu l’apparition de prétendus prophètes
et de numérologues qui étaient certains d’avoir découvert la date et la
chronologie des événements de la fin. Tous ont été dépités, discrédités,
désabusés et déconsidérés – à juste titre.
Jésus interdit formellement cette présomption. Comme nous l’avons
indiqué, c’est même l’un des points principaux de tout le discours du mont
des Oliviers, celui-là même que les trois paraboles illustrent.
Certes, nous croyons sans réserve que le retour du Seigneur approche à
grands pas. « C’est l’heure de vous réveiller enfin du sommeil, car
maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru » (Ro
13.11). « […] le temps est court […] la figure de ce monde passe » (1 Co
7.29,31). « La fin de toutes choses est proche. Soyez donc sages et sobres,
pour vaquer à la prière » (1 Pi 4.7). Rien n’empêche le retour du Seigneur ;
il faut que nous soyons prêts s’il revenait aujourd’hui.
Mais notre ignorance de la date du retour de Christ a une autre
conséquence : nous devons être patients, zélés, fidèles – quel que soit le
délai d’attente que le Seigneur nous impose. Le temps est court, mais «
devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme
un jour. Le Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse,
comme quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne
voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la
repentance. Le jour du Seigneur viendra comme un voleur » (2 Pi 3.8-10,
italiques pour souligner). Dans cette attente, nous devons être prêts, que le
Seigneur vienne immédiatement, ou qu’il attende encore un autre
millénaire. Et tout en l’attendant, nous devons nous acquitter fidèlement de
nos responsabilités. C’est cela être prêts. C’est à l’opposé de la fuite de
ceux qui se réfugient au sommet des montagnes et attendent oisivement le
son de la dernière trompette.
Pour illustrer la raison pour laquelle nous devons être prêts au cas où sa
venue tarderait, Jésus raconte la parabole des « dix vierges ». Ce sont dix
demoiselles d’honneur à un mariage. (La coutume voulait que dix filles non
mariées remplissent ce rôle.) C’est une procession nuptiale
exceptionnellement importante. Jésus décrit donc une grande fête nuptiale,
organisée par des familles de renom ; l’occasion est donc particulièrement
notoire.
Mais ce mariage s’accompagne de problèmes qu’aucune mariée
n’aimerait rencontrer. D’abord, il se fait tard. Le marié n’est pas encore
arrivé. Les demoiselles d’honneur se sont assoupies et leurs lampes
cérémonielles se sont éteintes. La moitié des demoiselles est venue sans
réserve d’huile ; elles ne peuvent donc recharger leurs lampes. Sans lampes
qui fonctionnent, elles ne peuvent accomplir l’unique tâche qui leur est
confiée.
Voici la parabole telle que Jésus la raconte :
Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent
à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient folles, et cinq sages. Les folles, en prenant
leurs lampes, ne prirent point d’huile avec elles ; mais les sages prirent, avec leurs lampes, de
l’huile dans des vases. Comme l’époux tardait, toutes s’assoupirent et s’endormirent. Au
milieu de la nuit, on cria : Voici l’époux, allez à sa rencontre ! Alors toutes ces vierges se
réveillèrent, et préparèrent leurs lampes. Les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre
huile, car nos lampes s’éteignent. Les sages répondirent : Non ; il n’y en aurait pas assez pour
nous et pour vous ; allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Pendant
qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la
salle des noces, et la porte fut fermée. Plus tard, les autres vierges vinrent, et dirent : Seigneur,
Seigneur, ouvre-nous. Mais il répondit : Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas.
Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure (Mt 25.1-13).

Une fête nuptiale qui débute à minuit par l’arrivée tardive du marié
semblerait étrange et vraiment désastreuse dans la plupart des cultures du
xxie siècle. Mais le scénario que Jésus décrit n’aurait pas paru tellement
bizarre ou farfelu aux disciples.
Le processus des fiançailles et du mariage dans le judaïsme du premier
siècle comportait trois phases. La première était la promesse de mariage,
habituellement formalisée par contrat. Cet arrangement était conclu par les
parents des deux côtés et scellé par le paiement d’une dot que le père du
futur marié accordait au père de la future mariée. Les fiançailles
constituaient la deuxième phase. Elle commençait par l’échange public des
promesses et des cadeaux. Un couple de fiancés était alors légalement tenu
de se marier ; l’union ne pouvait être rompue que par un divorce (voir Mt
1.19). Mais le mariage n’était pleinement consommé qu’après la troisième
phase, le repas de noces qui pouvait avoir lieu parfois un an après les
fiançailles. Il marquait la fin de la période des fiançailles, par une grande
célébration qui pouvait s’échelonner sur plusieurs jours. C’est seulement
après le banquet, que le mari et sa femme vivaient ensemble.
La parabole décrit le premier jour du banquet. L’arrivée du marié
sonnait le début des festivités ; les demoiselles d’honneur, munies de
lampes à huile ou de torches, sortaient à sa rencontre et l’escortaient à
travers les rues de la ville ou du village jusqu’à sa destination. Il était
courant dans cette culture que la fête commence la nuit. (Elle était
programmée après le coucher du soleil pour les gens qui devaient voyager
jusqu’au lieu des festivités.)
Mais dans notre cas, le marié arrive tard – très tard. Nous ignorons les
raisons de cette arrivée tardive, mais c’était sûrement quelque chose
d’important et d’inévitable. Ce n’est certainement pas parce que le marié se
désintéresse de la cérémonie ou qu’il se tient à distance de sa femme, car à
son arrivée en pleine nuit, il ne veut pas attendre une minute de plus pour
donner le coup d’envoi de la cérémonie. Les invités étaient restés malgré le
retard. Tout est fin prêt, sauf les cinq vierges folles qui sont sorties pour
acheter de l’huile.
Leur absence contrarie le marié. La négligence des vierges folles qui
n’avaient pas prévu assez d’huile est inexcusable. Leur seul devoir était de
veiller à ce que leurs lampes restent allumées. Leur irresponsabilité était
semblable à la négligence de l’homme de Matthieu 22.11-14 qui s’était
présenté à un mariage royal sans avoir revêtu la tenue adéquate pour cette
occasion, voire même pire. C’était une offense très grave faite au marié.
Dès que le bruit se répand que le marié arrive, les filles stupides sortent
de leur torpeur et quittent pour aller acheter de l’huile (chose certainement
difficile à cette heure de la nuit !). « Pendant qu’elles allaient en acheter,
l’époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des
noces, et la porte fut fermée » (Mt 25.10). Elles ratent son arrivée et sont
exclues du repas de noces. Elles auraient dû se préparer à un éventuel retard
du marié.
Finalement, elles reviennent et supplient qu’on les laisse prendre part au
festin, mais le marié reste inflexible. Elles ont négligé leur seul devoir de
demoiselles d’honneur ; et maintenant, elles sont des trouble-fête. La
réplique du marié fait frissonner : « Je vous le dis en vérité, je ne vous
connais pas » (v. 12). C’est un sinistre écho de ce que Jésus dira aux
hypocrites lors du jugement dernier : « Je ne vous ai jamais connus, retirez-
vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt 7.23). La réponse du
marié rappelle également les paroles de Jésus dans Luc 13.24-28 :
Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite. Car, je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer,
et ne le pourront pas. Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, et que
vous, étant dehors, vous commencerez à frapper à la porte, en disant : Seigneur, Seigneur,
ouvre-nous ! il vous répondra : Je ne sais d’où vous êtes. Alors vous vous mettrez à dire :
Nous avons mangé et bu devant toi, et tu as enseigné dans nos rues. Et il répondra : Je vous le
dis, je ne sais d’où vous êtes ; retirez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquité. C’est là
qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et
Jacob, et tous les prophètes, dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors.

La leçon de la parabole est simple : Christ (l’époux) vient. Il peut


arriver plus tard que prévu, et nous devons nous préparer à cette éventualité.
Cela signifie rester éveillé, vigilant et prêt à l’accueillir quelle que soit
l’heure. D’ailleurs, plus le temps passe et son retour approche, plus le
besoin de vigilance est grand, et non le contraire. Le seul moment où nous
pouvons nous préparer pour son retour, c’est maintenant, puisque son
arrivée soudaine marquera la fin de toute attente. Ceux qui ne seront pas
prêts lors de sa venue seront complètement et définitivement exclus du
festin de noces.
Les talents
La troisième et dernière parabole de cette chaîne suit sans interruption celle
des vierges sages et des vierges folles. C’est la parabole des talents. Les
leçons respectives de ces trois paraboles sont intentionnellement tressées
ensemble pour bien nous faire comprendre ce que signifie être fidèles dans
l’attente du retour de Christ. La parabole des deux serviteurs insiste sur la
vertu de la vigilance dans l’espérance du retour de Christ. Celle des vierges
enseigne la patience dans l’attente du Seigneur. La parabole des talents
souligne la nécessité du travail diligent pendant l’attente.
Contrairement à ceux qui sont tentés de se retirer de la vie pour attendre
au sommet d’une colline, le croyant doit continuer à travailler et à planifier
avec le regard tourné vers l’avenir. Les planifications réfléchies et prudentes
ne vont pas à l’encontre d’une vie par la foi. D’ailleurs, vivre sans penser à
l’avenir, ce n’est pas faire preuve de foi ; c’est de la stupidité. Reprenons les
paroles de Jésus dans Luc 14.28-30 : « Car, lequel de vous, s’il veut bâtir
une tour, ne s’assied d’abord pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi
la terminer, de peur qu’après avoir posé les fondements, il ne puisse
l’achever, et que tous ceux qui le verront ne se mettent à le railler, en disant
: Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever ? »
La parabole des talents fait l’éloge de la planification du travail fidèle et
sage. Dans cette histoire, un homme riche se rend dans un pays lointain. Il
nomme trois de ses serviteurs pour gérer des aspects particuliers de sa
fortune jusqu’à son retour. Deux d’entre eux font fructifier l’argent et
doublent le capital initial. Le troisième enfouit son trésor et ne procure
aucun gain à son maître.
Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses
biens. Il donna cinq talents à l’un, deux à l’autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité, et il
partit. Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres
talents. De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres. Celui qui n’en avait reçu
qu’un alla faire un creux dans la terre, et cacha l’argent de son maître. Longtemps après, le maître de
ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte.

Celui qui avait reçu les cinq talents s’approcha, en apportant cinq autres talents, et il dit : Seigneur, tu
m’as remis cinq talents ; voici, j’en ai gagné cinq autres. Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle
serviteur ; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.
Celui qui avait reçu les deux talents s’approcha aussi, et il dit : Seigneur, tu m’as remis deux talents ;
voici, j’en ai gagné deux autres. Son maître lui dit : C’est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as été fidèle
en peu de chose, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.

Celui qui n’avait reçu qu’un talent s’approcha ensuite, et il dit : Seigneur, je savais que tu es un
homme dur, qui moissonnes où tu n’as pas semé, et qui amasses où tu n’as pas vanné ; j’ai eu peur, et
je suis allé cacher ton talent dans la terre ; voici, prends ce qui est à toi.

Son maître lui répondit : Serviteur méchant et paresseux, tu savais que je moissonne où je n’ai pas
semé, et que j’amasse où je n’ai pas vanné ; il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à
mon retour, j’aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt. Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui
qui a les dix talents.

Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce
qu’il a. Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des
grincements de dents (Mt 25.14-30).

Il ne faut pas confondre cette parabole avec celle des mines dans Luc
19.11-27. Le fond de ces deux histoires et les leçons qu’elles enseignent
sont très semblables, mais les détails et le contexte sont sensiblement
différents. Chacune corrige l’attente des disciples qui « [croyaient] qu’à
l’instant le royaume de Dieu allait paraître » (Lu 19.11).
Chaque fois qu’elle aborde le sujet du retour du Seigneur, l’Écriture
encourage la vigilance et l’expectative. La parabole rappelle utilement que
tout en attendant le Seigneur, nous devons nous y préparer en travaillant
fidèlement pour le Maître. Les deux paraboles précédentes enseignaient que
l’attente doit être modérée par la patience. La troisième délivre la leçon
suivante : qu’il vienne tôt ou tard, le Seigneur doit nous trouver affairés
pour lui. Elle complète la nécessaire trilogie équilibrée : veiller, attendre,
travailler.
C’est l’histoire d’un homme riche qui entreprend un long voyage. Il
représente manifestement Christ. Il désigne des serviteurs pour s’occuper de
ses affaires et s’attend à ce qu’ils gèrent fidèlement ses ressources. Ils
reçoivent les pouvoirs de mandataires pour administrer les parts de biens
qu’il remet à leurs soins.
Le maître confie à ces trois serviteurs une immense responsabilité. Le
premier reçoit « cinq talents » (Mt 25.15), les deux autres respectivement
deux talents et un talent. Le talent n’est pas une unité monétaire, mais une
unité de poids, assez conséquente**. Le grand chandelier du tabernacle et
tous ses ustensiles pesaient un talent (Ex 25.39). Le talent grec pesait plus
de trente-quatre kilos, le talent romain près de quarante kilos et le talent
babylonien un peu moins. Il s’agissait de talents d’or ou d’argent, ce qui
signifie que les sommes confiées aux serviteurs représentaient beaucoup.
Chaque talent constituait une fortune.
Chacun des hommes reçoit une responsabilité en accord avec sa nature
et ses capacités. Le premier serviteur est visiblement le plus adroit et le plus
fiable des trois, si bien que le maître lui confie la plus grande part, et le
jugement qu’il porte sur lui se révèle juste.
Deux des trois hommes se mettent fidèlement au travail et s’empressent
de remplir leur mission : « Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s’en
alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. De même, celui qui avait
reçu les deux talents en gagna deux autres » (v. 16,17). L’accent porte sur
l’ardeur avec laquelle les deux serviteurs fidèles s’acquittent de la
responsabilité qui leur a été confiée. Ne sachant pas de combien de temps
ils disposent, ils s’attellent immédiatement à la tâche, en faisant du
commerce et en investissant. Les deux doublent ainsi la valeur des
ressources à gérer.
Le troisième serviteur, lui, ne fait rien d’autre qu’enfouir l’argent de son
maître dans la terre (v. 18). Il profite de l’absence du patron pour faire ce
qui lui plait. Peut-être se donne-t-il bonne conscience en se disant qu’au
moins il évite tout risque financier. Peut-être imagine-t-il même un scénario
de crise financière ; il passera alors pour un héros pour avoir préservé
l’argent de son maître, alors que tout le monde aura perdu de l’argent. Mais
en réalité, il esquive son devoir. À cause de son manque d’initiatives
responsables, les ressources qui lui sont confiées sont condamnées à ne pas
prendre de valeur.
Le maître est parti pour un long « voyage » (v. 14), sans doute dans un
pays lointain. À cette époque, il était impossible de prévoir de façon précise
la durée d’un déplacement au loin. Les serviteurs ne savent donc pas
exactement quand leur maître sera de retour. Il semble même que sa tournée
ait pris plus de temps que prévu. Le retard a sans doute favorisé et
encouragé la paresse du serviteur infidèle. Il n’était visiblement pas prêt à
rendre compte de sa gestion au retour du maître.
Mais le jour du règlement des comptes arrive. « Longtemps après, le
maître de ces serviteurs revint » (Mt 25.19). Les serviteurs fidèles reçoivent
les mêmes éloges et les mêmes récompenses. Le maître adresse aux deux
exactement les mêmes paroles : « C’est bien, bon et fidèle serviteur ; tu as
été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup ; entre dans la joie de
ton maître » (v. 21,24). Ils sont félicités pour leur fidélité, et non
proportionnellement au profit qu’ils ont réalisé. C’est ainsi que l’Écriture
présente le jugement devant le tribunal de Christ : « Chacun recevra sa
propre récompense selon son propre travail » (1 Co 3.8, italiques pour
souligner).
La réponse du maître le présente comme un homme plein de grâce et
généreux. Il récompense ses serviteurs fidèles en leur conférant une autorité
accrue, de plus grandes occasions de service et une place de bonheur et de
faveur. Leur récompense décrit les cieux. Il ne s’agit pas d’un lieu d’ennui
éternel et d’inactivité insupportable ; il est rempli d’exaltation et d’honneur,
d’occasions de service infinies, et de la joie suprême entre toutes – la
communion ininterrompue avec Christ lui-même. Les promesses et les
paraboles de Jésus regorgent de descriptions semblables à propos du ciel
(voir Lu 12.35-37,44 ; 19.17-19 ; 22.29,30 ; Jn 12.26).
Notez comment le serviteur infidèle tente de détourner le jugement qu’il
mérite : il prétend avoir été paralysé par la peur devant le caractère du
maître et sa réputation d’homme impitoyable, sévère et injuste, qui tire
profit du travail des autres (Mt 25.24,25). C’est un exemple classique où
une personne fait retomber la faute sur une autre et calomnie honteusement
la bonté du maître. Mais rien n’est vrai. Et même si les accusations avaient
été fondées, elles ne justifiaient en aucun cas l’inactivité du serviteur.
Comme le maître le fait d’ailleurs remarquer, si ce serviteur fainéant croyait
vraiment que le maître était tellement sévère et exigeant, la pire chose à
faire était d’enfouir son talent dans la terre où il était certain de ne porter
aucun intérêt. Manifestement, l’excuse d’avoir été paralysé par la peur est
un mensonge. La vraie cause est la paresse coupable du serviteur infidèle (v.
26,27). Cet homme est vraiment dépourvu de crainte et de respect pour son
maître.
La sanction qui frappe ce serviteur inutile rappelle ce que le serviteur
dissolu de Matthieu 24.51 a reçu. Jésus se sert une fois de plus du langage
qui évoque l’image de l’enfer : « Et le serviteur inutile, jetez-le dans les
ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents »
(Mt 25.30).
Il est donc manifeste que le serviteur inutile est le type de l’incroyant. Il
appartient à la même catégorie que le méchant serviteur et les demoiselles
d’honneur insensées des deux paraboles précédentes. Il représente
cependant une autre image de l’individu mondain insouciant et arrogant
dans son indifférence, désobéissant à son maître, entêté dans sa conduite et
infidèle à ses devoirs moraux. À partir du retour du maître, l’histoire de ce
serviteur suit le même schéma que celui des deux précédents. L’homme est
pris à l’improviste, son infidélité démasquée ; il ne peut pas nier ni
expliquer sa culpabilité. Son châtiment fait frissonner.

Qu’est-ce qui unit ces paraboles ?

Ces trois paraboles adressent toutes une exhortation solennelle quant à la


manière d’attendre le retour du Seigneur. En apparence, elles semblent
totalement différentes. Elles dépeignent des scénarios contrastés. L’une
souligne la stupidité de croire que le Seigneur ne reviendra pas de si tôt ; la
suivante montre la stupidité de penser qu’il viendra très vite ; et la troisième
indique l’importance de rester fidèle quel que soit le moment de son retour.
Il existe cependant aussi des ressemblances entre ces trois paraboles.
Toutes évoquent le caractère inévitable du retour du Seigneur et du
jugement qui l’accompagne. Toutes exhortent le lecteur à être prêt. Et toutes
opposent la fidélité à l’incrédulité, la sagesse à la folie, la préparation à
l’indifférence.
Ces vertus caractéristiques contrastent les chrétiens authentiques aux
incroyants. Aucune de ces paraboles ne décrit un chrétien « tiède », « de
nom » ou « charnel ». Tout simplement parce que Jésus lui-même exclut
l’existence possible de telles personnes. Selon ses propres paroles, « Celui
qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi
disperse » (Mt 12.30). Une personne n’est pas croyante si elle n’attend pas
vraiment le retour de Christ, n’a aucune envie de le rencontrer, aucun amour
pour son apparition. Les leçons que ces paraboles enseignent sont celles
qu’enseigne aussi la grâce salvatrice à tout croyant : « Elle nous enseigne à
renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle
présent selon la sagesse, la justice et la piété, en attendant la bienheureuse
espérance, et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur
Jésus-Christ » (Tit 2.12,13).
Les trois paraboles combinées délivrent ainsi un message clair et
puissant : « Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la
maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin »
(Mc 13.35). « C’est pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de
l’homme viendra à l’heure où vous n’y penserez pas » (Mt 24.44). Pendant
ce temps, veillez, attendez et travaillez fidèlement.

Notes de bas de page


* Les quatre premiers chapitres de Matthieu servent d’introduction ;
ils décrivent la naissance, le baptême et la tentation de Jésus-Christ.
Le chapitre 4 culmine avec la vocation des disciples. Avec le sermon
sur la montagne, Matthieu entreprend de raconter les événements du
ministère public de Christ.
** En français comme en anglais, le terme talent, qui désigne une
aptitude ou une adresse particulière, provient en fait de cette
parabole. Ce lien mérite d’être rappelé, car le Seigneur nous désigne
comme les administrateurs de toutes les aptitudes et facultés qu’il
nous confie, et notre devoir est d’en faire un usage bénéfique pour
sa gloire.
8

Une leçon sur la prudence du serpent

Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes.

— MATTHIEU 10.16

L’argent est un thème courant dans les paraboles de Jésus. Environ un tiers
des paraboles que Jésus a racontées ont quelque chose à voir avec les
richesses terrestres, les trésors, les pièces de monnaie, ou l’argent en
général. Les faux prophètes et les prédicateurs de l’évangile de la prospérité
s’appuient souvent sur ce fait. Ils s’en servent pour justifier leur propre
obsession de tous les signes de biens temporels. À les entendre, on pourrait
avoir l’impression que Jésus aimait l’argent, ou que la principale (ou seule)
façon dont Dieu bénit les gens fidèles est de les enrichir.
Or, la grande leçon que délivre Jésus (et le thème récurrent de son
enseignement), c’est justement le contraire : « Qu’il est difficile à ceux qui
se confient dans les richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » (Mc
10.24) ; « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6.24) ; « Cherchez
premièrement le royaume et la justice de Dieu » (v. 33). En aucun cas, Jésus
a dit ou fait quoi que ce soit qui put encourager les disciples à orienter leurs
cœurs et leurs espoirs sur la prospérité matérielle ou les possessions
terrestres. D’ailleurs, toutes les paraboles où il est question d’argent
contredisent cette idée.
Ainsi, le riche et Lazare de même que l’histoire du riche insensé dans
Luc 12.16-21 montrent que les richesses peuvent constituer un obstacle à
l’entrée dans le royaume des cieux (Mt 19.23,24). Pensons encore à la
parabole des talents, à celle des mines (Lu 19.12-27) et à celle des méchants
vignerons (Lu 20.9-16). Toutes ces histoires rappellent que nous ne sommes
que les gérants des ressources terrestres que le Seigneur confie à nos soins ;
nous devons donc être sages dans la manière dont nous utilisons les atouts
et les opportunités que le Seigneur met à notre disposition. Le trésor caché
et la perle de grand prix (Mt 13.44-46) ne sont pas là pour nous encourager
à accumuler des richesses terrestres. Au contraire, ils servent à illustrer la
valeur infinie du royaume céleste.
L’Écriture condamne avec force l’amour de l’argent. « Car l’amour de
l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns, en étant possédés,
se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des
tourments. Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice,
la piété, la foi, l’amour, la patience, la douceur » (1 Ti 6.10,11).
Jésus résume son enseignement sur ce sujet par une exhortation claire
dans le sermon sur la montagne : « Ne vous amassez pas des trésors sur la
terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et
dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la
rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car
là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6.19-21).
Dans Luc 16, le Seigneur raconte une parabole qui reprend et illustre
cette exhortation d’une manière particulièrement inhabituelle. C’est
l’histoire d’un serviteur infidèle, menteur et tricheur, qui est dénoncé et qui
apprend qu’il sera licencié. Il se sert alors habilement des richesses de son
maître pour se faire des amis qui contribueront à atténuer sa disgrâce :
Un homme riche avait un économe, qui lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. Il l’appela,
et lui dit : Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton administration, car tu ne
pourras plus administrer mes biens.

L’économe dit en lui-même : Que ferai-je, puisque mon maître m’ôte l’administration de ses
biens ? Travailler à la terre ? Je ne le puis. Mendier ? J’en ai honte. Je sais ce que je ferai,
pour qu’il y ait des gens qui me reçoivent dans leurs maisons quand je serai destitué de mon
emploi.

Et, faisant venir chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier : Combien dois-tu à mon
maître ? Cent mesures d’huile, répondit-il. Et il lui dit : Prends ton billet, assieds-toi vite, et
écris cinquante. Il dit ensuite à un autre : Et toi, combien dois-tu ? Cent mesures de blé,
répondit-il. Et il lui dit : Prends ton billet, et écris quatre-vingts. Le maître loua l’économe
infidèle de ce qu’il avait agi en homme avisé. Car les enfants de ce siècle sont plus avisés à
l’égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de lumière (Lu 16.1-8).

Quelle curieuse raison de louer quelqu’un ! De toutes les paraboles de


Jésus, c’est l’une des plus étonnantes et énigmatiques. Les histoires
racontées par le Maître contiennent parfois des rebondissements
surprenants, mais aucune ne désarme plus que celle-ci. Comment peut-on
déduire un principe spirituel positif de l’action immorale d’un
administrateur véreux ? Peut-on tirer une bonne leçon d’un exemple si
manifestement mauvais ?
Il ne s’agit cependant pas d’une erreur. Jésus est passé maître dans l’art
d’illustrer ses leçons par des paraboles.

L’histoire
Le personnage principal de cette parabole est un homme que Jésus qualifie
d’« économe infidèle » (Lu 16.8). Il n’y a donc pas lieu de douter de sa
nature tordue. Ses actions révèlent qu’il est pervers, plein d’intrigues,
totalement sans scrupules et honteusement impudent dans sa pratique du
mal.
Mais il en est apparemment arrivé là au terme d’une progression de
compromis qui semblaient anodins au début. Sa chute a commencé parce
qu’il a géré les biens de son maître en les gaspillant – en dépensant trop ou
en utilisant l’argent de la société pour ses dépenses personnelles. Il s’était
peut-être dit qu’il était libre de dépenser sans compter parce que son maître
ne lui demanderait jamais de rendre compte de sa gestion. Mais un jour, une
accusation crédible parvient aux oreilles de son riche patron qui le licencie
et lui commande un audit complet.
L’économe sait désormais qu’il ne pourra jamais dissimuler ses
malversations. Sa mauvaise gestion apparaîtra au grand jour ; il sera
disgracié et discrédité. Et, comme il le reconnaît lui-même, il n’est pas fait
pour un travail de terrassier et il est trop fier pour mendier. Il décide donc
de tromper l’homme riche encore un peu plus. Il falsifie les comptes au
profit des gens qui doivent de l’argent à son maître. Il leur remet
gracieusement de fortes dettes. Ce faisant, il vole son maître pour se faire
des amis et acquérir des faveurs. Il s’assure ainsi qu’une fois congédié, il
sera reçu par des gens qui lui seront redevables.
Il est impossible de faire l’éloge de l’attitude manifestement peu
scrupuleuse de cet homme, ou d’adopter la langue de bois devant l’évidence
que Jésus se sert du comportement d’un chenapan pour enseigner une leçon.
Rappelons que pour Jésus, cet homme est un « économe infidèle ». Il
n’existe aucune circonstance atténuante ni de détails cachés qui pourraient
jeter un éclairage plus favorable sur les actions immorales et malhonnêtes
de cet homme. Si Jésus avait vraiment voulu ne pas être accusé de faire
l’éloge de l’habileté de cet homme pervers, il aurait conçu un autre
scénario. Et il n’est nul besoin d’imaginer un contexte qui ferait apparaître
le comportement de cet économe de façon moins odieuse. Après tout, c’est
une parabole, pas la vie réelle. Jésus a composé cette histoire. Les seules
données à prendre en considération sont celles que Jésus a indiquées. Si
nous sommes scandalisés par la fin surprenante de l’histoire, c’est que Jésus
le voulait. Son auditoire initial l’a également été.
Il avait pour principaux auditeurs les disciples (« Il dit aussi à ses
disciples… » [Lu 16.1, italiques pour souligner]). Cette parabole n’est pas
du même genre que celle du fils prodigue laquelle est un message
d’évangélisation invitant les pharisiens et les scribes à se repentir, à croire à
l’Évangile pour être admis dans le royaume céleste et entrer dans la joie du
Seigneur. La parabole de l’économe infidèle suit immédiatement celle du
fils prodigue dans l’Évangile selon Luc, mais elle s’adresse à des gens qui
sont déjà engagés à suivre Jésus – des hommes et des femmes qui aiment la
justice, se détournent du mal et mènent leur vie avec le souci de la gloire de
Christ. C’est une leçon sur le discipulat, elle est destinée aux croyants.
L’homme riche de la parabole est un magnat immensément fortuné, pas
un petit homme d’affaires. Il est tellement riche qu’il ne daigne même pas
s’intéresser aux opérations courantes et quotidiennes de ses affaires. Il
préfère payer un gérant, un comptable spécialisé pour administrer
l’entreprise en son nom. C’est manifestement une opération d’envergure à
en juger par les dettes que deux au moins de ses débiteurs lui doivent : «
Cent mesures d’huile » et « cent mesures de blé » (v. 6,7). Le riche vivait
probablement dans une demeure éloignée des bureaux de son affaire, car il
n’avait visiblement aucune idée réelle de ce que son économe trafiquait.
Il est non moins évident que l’économe est un administrateur compétent
et ingénieux, et un homme de grande finesse. (De son propre aveu, il n’était
pas un homme habitué au travail manuel.) Il jouissait très certainement de la
considération des gens. Il n’aurait pas atteint cette position s’il n’avait pas
gagné d’abord la confiance totale et inconditionnelle du maître fortuné. Les
deux hommes entretenaient probablement une longue relation de confiance
et d’affection mutuelles. (Les économes étaient souvent des serviteurs
fidèles nés et éduqués dans la maison du maître, et traités comme des
membres de la famille.) Quoi qu’il en soit, l’homme riche avait une telle
confiance dans la compétence et l’intégrité de l’économe qu’il lui avait
remis le contrôle absolu de ses affaires et de ses biens. L’administrateur
était habilité à agir de sa propre autorité sans une surveillance étroite et sans
interférence. Le maître de la maison ne se serait peut-être jamais rendu
compte des malversations de son économe si le fait ne lui avait pas été
rapporté.
Ce fut donc certainement une bien mauvaise nouvelle quand son
économe fut « dénoncé comme dissipant ses biens » (v. 1). À en juger par la
réaction de l’homme riche et par les actions subséquentes de son employé,
l’information comportait une grande part de vérité. Cet économe avait trahi
la confiance que son maître avait autrefois placée en lui. Le fait était
indéniable.
La réaction de l’homme riche est immédiate. Il convoque son employé
et lui dit : « Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton
administration, car tu ne pourras plus administrer mes biens » (v. 2). Cette
parole suggère à nouveau que le propriétaire vit à une certaine distance du
siège des affaires de sa société, car il n’intervient pas immédiatement pour
reprendre les rênes de son entreprise. Il demande un rapport complet à
l’économe et l’informe qu’au terme de son compte rendu, il sera démis de
ses fonctions. L’économe n’aura plus qu’à rassembler ses affaires et à
quitter l’établissement.
Pour l’homme riche, c’est une bien mauvaise décision. Si l’accusation
de malversation financière portée contre lui se révèle fondée, pourquoi lui
accorder un délai supplémentaire avec le risque de dégâts supplémentaires ?
Lorsque des signes clairs révèlent l’inconduite d’un employé, c’est une
bonne chose de le décharger immédiatement de toute responsabilité dans
l’entreprise. En effet, si un économe dilapide les biens de son maître quand
il est encore en fonction, et qu’il y a un prix à payer pour ses fautes
professionnelles, on ne peut évidemment plus lui faire confiance lorsque la
dernière motivation d’agir honnêtement est supprimée.
L’économe n’a évidemment aucun moyen de nier sa culpabilité ; c’est
pourquoi, tout en préparant son bilan final, il imagine un plan audacieux
pour s’assurer qu’une fois congédié, il ne se retrouvera pas dans la rue.
L’entreprise lui avait sans doute fourni le logement, car c’est l’un de ses
principaux soucis (v. 4). Une fois licencié, il n’aura littéralement plus de
revenus ni de domicile. Devant lui se dresse donc le spectre d’une tache
indélébile sur son certificat de travail. Sa situation semble donc sinistre.
Il exprime toutes ses craintes dans son monologue : « Travailler la terre
? Je ne le puis. Mendier ? J’en ai honte » (v. 3). C’est un col blanc. Non
seulement le travail de la terre est pénible, mais l’économe estime que c’est
indigne de lui. Et il ne tenait certainement pas à être réduit à la mendicité.
Eureka ! Il a une illumination. « Je sais ce que je ferai » (v. 4). Le verbe
grec egnon a le sens d’une idée lumineuse soudaine. Elle lui vient à l’esprit
alors qu’il dispose encore des moyens de gagner l’opinion favorable des
débiteurs de l’homme riche. À en juger d’après le montant de leurs dettes,
eux aussi étaient des hommes aux moyens financiers conséquents.
L’économe utilise le restant de son autorité déléguée pour réduire leurs
dettes et s’attirer leurs faveurs.
Voici son plan : dans cette économie agricole, les dettes étaient
normalement acquittées en nature au moment des moissons. L’huile dont il
est question au verset 6 est l’huile d’olive, une denrée de base dans toute
culture méditerranéenne. Le blé est lui aussi évidemment un aliment
essentiel. Il n’était pas rare alors (comme aujourd’hui) qu’un créditeur
renégocie les dettes sur ces marchandises – évitant ainsi les dépôts de bilan
en période de sécheresse, de maladies céréalières ou de difficultés
financières. Ainsi, lorsque de mauvaises conditions météorologiques ou des
invasions de sauterelles entraînaient de grands dégâts dans les champs, le
prix du blé ou de l’huile grimpait malgré tout. En temps de récolte maigre,
un boisseau de blé pouvait valoir cinq fois plus cher qu’en temps de récolte
abondante. Un créditeur pouvait donc estimer avantageux de réduire le
montant des dettes de ses clients plutôt que de les contraindre au dépôt de
bilan.
Mais dans le cas présent, il n’est pas question de fluctuation des prix ni
de récoltes réduites. C’est tout simplement l’économe infidèle qui cherche
un moyen de se tirer d’affaire. En conséquence, avant même que les
débiteurs apprennent son licenciement, il les convoque un par un et
renégocie le montant de leurs dettes en consentant des rabais allant de 20 à
50 pour cent. Ainsi, au moment de la moisson, à l’échéance de la dette, ils
devront moins que ce qui était fixé à l’origine. C’est évidemment une
grande faveur consentie aux débiteurs, et l’économe fait des débiteurs de
son maître ses propres débiteurs. Dans cette société, la réciprocité était
essentielle ; elle garantissait à l’économe déloyal qu’une fois licencié de son
poste, il serait favorablement reçu chez ses débiteurs.
Strictement parlant, l’homme détenait encore l’autorité légale de
consentir de tels rabais. Néanmoins, sous l’angle moral et éthique, ses
actions sont répréhensibles. Il était déjà licencié pour avoir dilapidé les
ressources de son maître. Ces rabais correspondent en fait à un
détournement de fonds. C’est une appropriation abusive des biens du
maître. L’économe infidèle ne pourra évidemment jamais cacher ce qu’il est
en train de faire. Or, cet homme n’a ni conscience ni scrupule. Il est sans
gêne et ne se soucie que d’une seule personne sur la planète : lui-même. S’il
ne peut gagner sa vie honnêtement, il le fera autrement.
Après tout, il n’a rien à perdre. S’il avait été un homme de principes ou
soucieux de son intégrité, il ne se serait déjà pas mis dans cette situation. Sa
réputation sera bientôt sérieusement et durablement ternie. Mais pendant
encore très peu de temps, il détient le pouvoir légal de marchander ces
rabais. Le maître ne dispose d’aucun moyen de le sanctionner davantage. À
quoi bon avoir des scrupules quand on est dans sa position ?
Les remises consenties sont importantes et coûteuses. Cent mesures
d’huile correspondent à environ 2100 litres. Le prix d’une telle quantité
d’huile aurait été d’environ mille deniers. Une remise de 50 pour cent
correspond donc au salaire d’un an et demi d’un ouvrier agricole. Cent
mesures de blé correspondent à environ 21 000 litres. Il fallait environ
quarante hectares pour produire cette quantité de céréales dont la valeur
totale équivalait au salaire d’un ouvrier agricole sur une période de huit à
dix années. Une remise de 20 pour cent signifiait une économie de deux
années de salaire. Et ces deux débiteurs ne sont que des exemples
représentatifs. Le verset 5 déclare en effet que l’économe fait « venir
chacun des débiteurs de son maître », et leur consent à chacun des remises
semblables. Une dizaine de rabais de cette nature, voire davantage,
représente un très important manque à gagner pour le maître, et une
économie considérable pour les clients, suffisante pour mettre l’économe à
l’abri de soucis financiers pour la vie.
Les débiteurs sont évidemment heureux de signer (« vite », comme le
leur demande l’économe au v. 6). Ils supposent certainement qu’il agit avec
le plein accord du maître.
En réalité, l’économe infidèle vient d’escroquer le maître d’une réelle
fortune.

L’horreur
C’est là que l’histoire prend une tournure surprenante. On aurait pu
s’attendre à ce que la parabole se termine comme celle de l’autre méchant
serviteur dans Matthieu 24.50,51 : « Le maître de ce serviteur viendra le
jour où il ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il le mettra en
pièces, et lui donnera sa part avec les hypocrites : c’est là qu’il y aura des
pleurs et des grincements de dents. »
Pas du tout ! « Le maître loua l’économe infidèle de ce qu’il avait agi en
homme avisé » (Lu 16.8).
Jusqu’à ce déroulement de l’histoire, il était facile de prendre le parti de
l’homme riche. Il semblait plutôt victime de la fourberie de l’économe
infidèle. Le fait qu’il admire le stratagème immoral de son employé suggère
toutefois que le riche propriétaire n’était probablement pas lui-même un
modèle d’intégrité.
Il importe de comprendre que, contrairement au maître dans Matthieu
24.45-51 ou au Seigneur dans Matthieu 25.14-30, l’homme riche dans cette
histoire n’est pas un type de Christ. Jésus situe délibérément ce récit dans le
domaine des affaires séculières où cette sorte de manœuvres coupables,
autoprotectrices et machiavéliques est non seulement courante, mais semble
souvent faire partie du jeu. Même dans notre monde actuel, de riches
hommes d’affaires ne tarissent pas d’éloges sur les tactiques habiles mais
sournoises de rivaux et de partenaires. Telle est la nature des affaires dans
un monde qui exclut Dieu.
Notons encore que le langage dans le texte est très particulier. Ce n’est
pas la bassesse de l’économe dont le maître fait l’éloge, d’autant plus qu’il
veut le sanctionner pour la gestion malhonnête de ses biens. Il n’approuve
certainement pas la déloyauté de son employé et n’a sans doute pas
d’estime pour sa malhonnêteté méprisable. Il n’applaudit pas ses manques à
l’honneur. Ce qu’il loue, c’est son ingéniosité à préparer son avenir. « Le
maître loua l’économe infidèle de ce qu’il avait agi en homme avisé » (Lu
16.8, italiques pour souligner).
Le grec traduit par « avisé » est phronimos, qui signifie « prudemment
», « astucieusement ». Le terme est chargé de l’idée de prudence,
d’intelligence vive, de circonspection. Bien que sournois, le plan de
l’économe est à la fois pervers et ingénieux. C’est l’extrême ingéniosité du
plan qui provoque l’admiration du maître. Le gérant a saisi instantanément
l’opportunité passagère qui s’est présentée. Il s’est servi des ressources qui
étaient temporairement en son pouvoir à des fins durablement avantageuses
pour lui. Il a utilisé les biens de son maître pour faire du bien considérable à
ses débiteurs. Il a gagné leur amitié grâce à sa générosité débordante. Et il
s’est acquis non l’amitié d’un seul d’entre eux, mais celle de tous. Il a ainsi
tiré le maximum de ses possibilités, puisqu’il avait l’occasion de gagner
l’amitié de nombreux hommes d’affaires influents, une amitié dont il aura
grandement besoin.
L’économe a fait preuve de prévoyance étonnante. Il n’a pas réfléchi à
la manière de camoufler ni d’excuser ses malversations passées. Il se
souciait avant tout de garantir son avenir.

L’explication

Jésus énonce alors clairement sa pensée : « car les enfants de ce siècle sont
plus avisés à l’égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de
lumière » (Lu 16.8). Les pécheurs ont tendance à être plus sages, plus
réfléchis et plus zélés pour garantir leur bien-être temporel que les saints
pour se constituer un trésor dans l’éternité. Telle est la remarque conclusive
de Jésus lui-même. L’expression « enfants de ce siècle » désigne ceux qui
n’ont ni part ni intérêt dans le royaume de Dieu. Ils n’ont rien à espérer
d’autre que les années restantes de leurs vies terrestres. Mais ils se soucient
davantage et plus intelligemment de leur retraite ici-bas que « les enfants de
lumière » qui ont un avenir éternel à préparer. C’est vrai. Les gens sans foi
consacrent plus d’énergie, d’adresse et de concentration afin de se garantir
plus de confort en vue de leurs dernières années de vie terrestre. S’ils
agissent ainsi, c’est surtout parce qu’ils ne s’attendent à rien d’autre.
L’expression « enfants de lumière » est une tournure néotestamentaire
fréquente pour désigner les vrais disciples de Christ – les rachetés (Jn 12.36
; Ép 5.8 ; 1 Th 5.5). Après tout, « nous sommes citoyens des cieux, d’où
nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ » (Ph 3.20).
Il est donc normal que nous nous attachions « aux choses d’en haut, et non
à celles qui sont sur la terre » (Col 3.2). Mais comparés aux incroyants qui
se servent de toutes sortes de stratégies, manœuvres, manipulations et
entourloupes pour se garantir un avenir dans ce monde, les « enfants de
lumière » font preuve d’un manque évident de sagesse.
Pensons à l’absurdité de cette situation. Les gens qui préparent leur
retraite le font pour à peine trois décennies – généralement même moins. La
vie est courte, car « le monde passe, et sa convoitise aussi » (1 Jn 2.17). Or,
les « enfants de ce siècle » n’épargnent aucun effort pour tirer le maximum
d’avantages de leurs dernières années de vie. Jésus ne fait pas l’éloge de
leur mondanité ni de leur manque de scrupules. Il souligne leur
débrouillardise perspicace. Les « enfants de lumière » destinés à l’éternité
devraient donc être plus actifs, plus zélés, plus réfléchis et plus sages pour
racheter le temps, préparer l’avenir et amasser un trésor dans le ciel.
À partir de cette constatation, Jésus énonce trois exhortations
principales quant à l’attitude du croyant vis-à-vis des « richesses injustes »
(Mammon, le dieu argent). Il montre clairement à ses disciples de quelle
manière leur conception de l’argent doit façonner leurs pensées et leur
comportement à l’égard d’autrui, d’eux-mêmes, et de Dieu (dans cet ordre).
Voici quelques éléments fondamentaux de sagesse que Jésus déduit de sa
parabole de l’économe infidèle.

Leçon 1 : l’argent est une ressource qu’il faut utiliser pour le bien
d’autrui.
Aussitôt après avoir loué l’habileté des enfants de ce siècle pour leur
ingéniosité à assurer leur avenir, Jésus adresse ce conseil à ses disciples : «
Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, pour
qu’ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels, quand elles viendront à
vous manquer » (Lu 16.9). Utilisez votre argent pour vous faire des amis –
non des amis terrestres, mais des amis qui vous accueilleront dans votre
demeure éternelle. En d’autres termes, soyez généreux envers le peuple de
Dieu. Faites travailler votre argent au profit des autres. Secourez vraiment
les plus démunis parmi les enfants de Dieu, et vous aurez « un trésor dans le
ciel » (Mt 19.21). Rappelez-vous les paroles de Jésus dans Matthieu 25.35-
40 : « Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous
m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu,
et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez rendu visite ; j’étais en
prison, et vous êtes venus vers moi. […] Toutes les fois que vous avez fait
ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les
avez faites » (italiques pour souligner).
L’exhortation du Seigneur souligne également le devoir d’utiliser notre
argent pour le service de l’Évangile. Y aura-t-il des personnes au bord de la
gloire à votre arrivée, prêtes à vous étreindre parce que, grâce à votre
investissement financier dans l’annonce de l’Évangile et à l’extension du
royaume de Dieu, elles auront entendu la Parole de Dieu, y auront cru et
auront obtenu la vie éternelle en Christ ? Voilà l’image qu’évoque
l’exhortation de Jésus.
L’économe infidèle s’est montré prodigue avec l’argent de son maître,
mais d’une manière immorale. Cependant, bien qu’injustes, ses actions lui
ont gagné des amis et garanti son avenir. Jésus rappelle à ses disciples que
nous aussi sommes des gérants. Et contrairement à l’économe infidèle, nous
avons la permission explicite – et même l’ordre formel – d’être généreux
dans l’utilisation des ressources du Maître afin de nous faire des amis pour
l’éternité.
Le Seigneur raisonne du moins au plus. C’était une forme typique
d’enseignement rabbinique. Voici la logique : si un dépravé de ce monde,
fourbe et malhonnête, est assez habile pour utiliser son habileté dans le but
de se faire des amis pour un avenir bref et temporaire, à combien plus forte
raison devrions-nous exploiter les ressources de notre Maître afin de nous
faire des amis pour l’éternité ! C’est une façon de comprendre l’exhortation
que Jésus nous adresse d’être « prudents comme les serpents, et simples
comme les colombes » (Mt 10.16).
Mammon est un terme araméen qui désigne « les richesses ». Jésus
qualifie l’argent de « [Mammon] de l’injustice » (Lu 16.9, NBS) parce que
les richesses terrestres appartiennent à ce monde déchu et éphémère. Toutes
les richesses terrestres seront un jour consumées par le feu. « La richesse ne
dure pas toujours » (Pr 27.24) ; « La figure de ce monde passe » (1 Co 7.31)
; « La fin de toutes choses est proche » (1 Pi 4.7) ; « Les cieux passeront
avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les
œuvres qu’elle renferme sera consumée » (2 Pi 3.10).
C’est à ce moment que Luc 16.9 fait référence : « Faites-vous des amis
avec les richesses injustes, pour qu’ils [les amis] vous reçoivent dans les
tabernacles éternels, quand elles [les richesses injustes] viendront à vous
manquer ». La leçon est évidente : chaque croyant a pour devoir d’investir
la valeur temporelle du Mammon injuste dans une entreprise qui rapportera
une valeur éternelle beaucoup plus importante. Faisons-le en plaçant notre
argent au service du peuple de Dieu et notamment pour la proclamation de
la vérité de l’Évangile. Les relations établies par de tels investissements
enrichiront le ciel pour l’éternité. Rien d’autre que nous pourrions faire
avec notre argent ne durera éternellement.
Jésus veut que ses disciples raisonnent en ces termes. L’accumulation
perpétuelle de richesses personnelles est coupable et en pure perte ; elle
nous prive des bénédictions éternelles. Donnez au Seigneur et « il vous sera
donné, on versera dans votre sein une bonne mesure, serrée, secouée et qui
déborde ; car on vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servis
» (Lu 6.38). Cette promesse aura son plein accomplissement dans le trésor
céleste (Mt 6.19,20). Et « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (v.
21).

Leçon 2 : Tout ce que nous avons appartient à Dieu ; considérons-


nous donc toujours comme des gérants.
La première exhortation s’intéresse aux besoins des autres. La
deuxième nous encourage à nous examiner nous-mêmes. C’est un écho
d’une des leçons que nous avons tirées dans la parabole des talents, à savoir
que le croyant qui a reçu peu est tout aussi responsable devant Dieu que
celui qui a reçu beaucoup. Les deux auront à rendre compte à Dieu de ce
qu’ils auront fait des ressources qui leur auront été confiées. D’ailleurs, la
vraie nature d’un être humain se voit à la manière dont il gère les petites
choses. « Celui qui est fidèle dans les moindres choses l’est aussi dans les
grandes, et celui qui est injuste dans les moindres choses l’est aussi dans les
grandes » (Lu 16.10).
J’ai entendu des gens déclarer : « Si j’avais davantage, je donnerais
davantage. ». Non, elles ne le feront pas. Les gens vraiment fidèles sont
généreux en raison de leur nature, non en raison de leurs circonstances. La
veuve qui n’avait pratiquement rien a donné tout ce qu’elle avait. Et
quantité de gens qui possèdent tout ne donnent rien. Une personne aux
maigres ressources qui consacre tout son avoir à elle-même ne deviendra
pas généreuse si elle devient subitement riche. Davantage d’argent ne fera
qu’exacerber les pulsions hédonistes et aggraver le jugement porté sur
l’économe infidèle.
Il est donc vital pour les croyants de cultiver une juste notion de leur
devoir de gérants, qu’ils aient peu ou beaucoup. Les déclarations de Jésus
dans ce texte semblent indiquer qu’une sage gestion s’apprend et s’exerce
mieux dans des petites choses. C’est insensé de vouloir la richesse si vous
n’avez pas été un authentique et fidèle gérant de ce que Dieu vous a déjà
confié.
Mais la vraie leçon est celle-ci : une gestion élogieuse ne se mesure pas
à de fortes sommes d’argent ni à des cadeaux généreux. Elle se reflète dans
l’intégrité et le caractère spirituel. Si vous prenez conscience de l’intérêt
considérable qu’il y a à investir dans ce qui est éternel, vous le ferez avec
les ressources que vous possédez, quelles qu’elles soient. Ce qui fait de
nous de bons gérants, c’est de savoir que tout ce que nous avons est un don
gracieux de Dieu (1 Co 4.7). « L’argent est à moi, et l’or est à moi, dit
l’Éternel des armées » (Ag 2.8) ; « À l’Éternel la terre et ce qu’elle
renferme, le monde et ceux qui l’habitent ! » (Ps 24.1.) Le psalmiste
confesse cette vérité dans une prière à Dieu : « La terre est remplie de tes
biens » (Ps 104.24).
Les choses que nous considérons comme nôtres sont en définitive les
biens de Dieu, pas les nôtres. Ils ne constituent pas notre propriété privée
principalement pour notre usage personnel. Ce sont des biens divins confiés
à notre intendance, à gérer le plus sagement possible pour le bien d’autrui et
la gloire de Dieu. Ce principe reste vrai, que l’on ait beaucoup ou peu. «
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Lu 12.34). L’inverse
est vrai également. Ce sur quoi vous portez votre intérêt et vos affections
déterminera le trésor sur lequel vous aurez investi. « Si donc vous êtes
ressuscités avec Christ, cherchez les choses d’en haut, où Christ est assis à
la droite de Dieu » (Col 3.1).
Autrement dit, ce que nous faisons de notre argent révèle le véritable
état de notre cœur. C’est pourquoi : « Si donc vous n’avez pas été fidèles
dans les richesses injustes, qui vous confiera les véritables ? » (Lu 16.11.)
Ceux qui n’investissent pas dans le travail de la rédemption se dérobent à
leur travail d’économes fidèles, dilapident les occasions et le temps
présents, et s’appauvrissent pour l’éternité. Dieu ne récompense pas les
gens pour le gaspillage de ses ressources. Investir de l’argent dans du luxe
inutile, des signes extérieurs de richesse – ou même des bibelots bon
marché, des bagatelles, du confort matériel, des loisirs qui font perdre du
temps –, c’est se priver soi-même des véritables richesses éternelles.
Le verset 12 ajoute une autre mise en garde cinglante : « Et si vous
n’avez pas été fidèles dans ce qui est à autrui, qui vous donnera ce qui est à
vous ? » C’est un rappel du premier principe de gestion : nous ne possédons
actuellement rien de façon permanente. « Nous n’avons rien apporté dans le
monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter » (1 Ti 6.7).
Tout ce que nous avons, ce sont des choses à administrer – pas
seulement l’argent que nous donnons à l’église ou en aumônes. Tout ce que
nous possédons est à Dieu, et doit être utilisé pour sa gloire. « Soit donc que
vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre
chose, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Co 10.31).
L’ironie dramatique de la jouissance égoïste coupable est que plus on
garde pour soi – plus on accumule de choses dans cette vie – moins on aura
de richesses au ciel. Or, les vraies richesses se trouvent là-bas. « […] nous
regardons, non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ;
car les choses visibles sont passagères, et les invisibles sont éternelles » (2
Co 4.18).

Leçon 3 : Ne pas laisser l’argent prendre la place de Dieu dans votre


cœur.
L’histoire se termine par une exhortation finale. La première (Lu 16.9)
insiste sur notre devoir d’utiliser nos ressources terrestres au service des
autres. Dans les versets 10 à 12, Jésus nous presse de nous examiner
nousmêmes. Cette dernière exhortation oriente nos cœurs vers Dieu : « Nul
serviteur ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un et aimera l’autre ;
ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon » (v. 13).
La gestion des ressources de Dieu est une occupation dévorante, et non
une vocation à temps partiel (ni un travail hebdomadaire de quarante
heures). Ce n’est pas un devoir dont nous pouvons nous décharger une fois
par semaine en mettant une offrande dans la collecte à l’église. Ce n’est pas
non plus une administration désinvolte. Dans le langage biblique,
l’économe est un esclave. Les croyants sont tous la propriété d’un Maître
qui les a rachetés. Il exerce un contrôle de droit divin, exclusif et absolu sur
nous. Nous ne pouvons entretenir une telle relation avec qui que ce soit et
avec quoi que ce soit. Aucun esclave ne peut servir deux maîtres.
Jésus suggère que notre façon de gérer est une preuve importante qui
révèle si nous sommes d’authentiques croyants ou de simples simulateurs.
Ceux qui appartiennent vraiment à Dieu ne peuvent servir l’argent et les
biens matériels. Les gens qui dilapident toutes leurs ressources à des choses
qui ne peuvent durer, qui les enfouissent dans le « Mammon injuste » ne
sont pas de vrais gérants du Dieu vivant. Ce qu’ils font de leur trésor révèle
le véritable état de leurs cœurs.
En revanche si vous honorez « l’Éternel avec [vos] biens, et avec les
prémices de tout [votre] revenu » (Pr 3.9), vous démontrez par votre gestion
que vous avez rejeté tous les autres dieux, à commencer par « le Mammon
de l’injustice », l’appât du gain – l’amour de l’argent.
Il n’existe pas de juste milieu : « Vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon. »
Les chefs des pharisiens étaient les illustrations ambulantes, sonores et
vivantes de ce principe. Ils prétendaient servir Dieu, mais leur vrai dieu
était Mammon. Certains d’entre eux qui passaient par là s’étaient peutêtre
arrêtés à portée de voix pendant que Jésus racontait cette parabole à ses
disciples. Luc rapporte : « Les pharisiens, qui étaient avares, écoutaient
aussi tout cela, et ils se moquaient de lui » (Lu 16.14).
Cela incita Jésus à raconter une autre parabole à leur intention. C’est
l’histoire de Lazare et d’un homme très riche, après leur mort. C’est de loin
la plus sinistre et la plus troublante de toutes les paraboles de Jésus. Elle
fera l’objet du chapitre suivant.
9

Une leçon sur le ciel et l’enfer

Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la ; mieux vaut pour toi entrer manchot
dans la vie, que d’avoir les deux mains et d’aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint
point. Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le ; mieux vaut pour toi entrer
boiteux dans la vie, que d’avoir les deux pieds et d’être jeté dans la géhenne, dans le feu qui
ne s’éteint point. Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le ; mieux vaut
pour toi entrer dans le royaume de Dieu n’ayant qu’un œil, que d’avoir deux yeux et d’être
jeté dans la géhenne,

où leur ver ne meurt point,


et où le feu ne s’éteint point.

— MARC 9.43-48

De tous les personnages de la Bible, aucun n’avait plus à dire sur l’enfer
que le Sauveur des pécheurs, le Seigneur Jésus-Christ. C’est dans les quatre
Évangiles qu’on trouve les descriptions bibliques les plus détaillées de
l’enfer, et elles émanent de Jésus. D’autres auteurs du Nouveau Testament
font des allusions à la réalité de l’enfer, mais l’essentiel de ce que nous en
connaissons provient principalement des discours publics de Jésus (ainsi
que des références occasionnelles, tirées de l’enseignement privé qu’il a
donné aux douze). Le Seigneur avait davantage à révéler au sujet de l’enfer
que l’individu moyen pourrait le penser – et une grande partie de son
enseignement est profondément choquante.
Il a indiqué, par exemple, que l’enfer sera rempli de gens religieux.
D’après l’Écriture, des multitudes de gens apparemment pieux et
philanthropes (y compris des soi-disant faiseurs de miracles) seront tout
surpris, au jour du jugement, d’être condamnés à l’enfer.
Jésus l’a clairement annoncé : « Ceux qui me disent : Seigneur,
Seigneur ! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement
celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me
diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé par
ton nom ? n’avons-nous pas chassé des démons par ton nom ? et n’avons-
nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom ? Alors je leur dirai
ouvertement : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui
commettez l’iniquité » (Mt 7.21-23, italiques pour souligner). Parmi ceux
qui seront repoussés, il n’y aura pas que des gens pris au piège des sectes et
des fausses religions, mais également des gens ayant une confession de foi
orthodoxe qui ne croient pas vraiment ce qu’ils professent de leurs lèvres.
De telles personnes masquent leur incrédulité et leurs péchés secrets sous
un vernis de religiosité hypocrite.
Jésus a par ailleurs indiqué que l’essentiel de l’activité religieuse de ce
monde ne fait que paver la voie large qui conduit en enfer : « Car large est
la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a
beaucoup qui entrent par là » (v. 13). « Mais étroite est la porte, resserré le
chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent » (v. 14).

Jésus et les pharisiens


Les pharisiens étaient peut-être les chefs religieux les plus orientés
bibliquement de leur temps, et pourtant ils constituaient le public de choix
contre lequel Jésus a mis en garde. Il a déclaré et répété publiquement : «
Avant tout, gardez-vous du levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie » (Lu
12.1 ; Mt 16.6,11,12). « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! »
(Mt 23.13-15,23,25,27,29).
Le mépris évident du Seigneur pour la religion des pharisiens a dû créer
de fortes ondes de choc dans toutes les régions où il a enseigné. Comme
nous l’avons indiqué dans les chapitres précédents, les pharisiens étaient
d’une méticulosité obsessionnelle dans leur observance des articles subtils
concernant les lois cérémonielles et diététiques. C’étaient les hommes les
plus respectables, apparemment les plus droits, les plus saints et les plus
consacrés de tout l’Empire romain. La plupart des pharisiens étaient
certains de mériter le ciel. Après tout, personne dans l’histoire du judaïsme
ne s’était autant impliqué qu’eux à faire respecter les règles et les
cérémonies ordonnées dans la loi de Moïse. Les pharisiens avaient même
ajouté des articles et des interdictions supplémentaires de leur propre cru
pour préserver la pureté cérémonielle. Ils portaient même littéralement leur
religion sur leurs manches sous la forme de phylactères agrandis – genre de
boîtes en cuir (contenant de petits rouleaux avec des fragments de la loi
écrite) fixées autour du bras gauche et du front avec des lanières en cuir
bien en vue. Ils portaient également une frange avec un cordon bleu sur le
bord de leurs vêtements, comme l’ordonne Nombres 15.38,39, pour se
souvenir des commandements du Seigneur, mais ils faisaient cette frange
exceptionnellement large pour que personne ne manque de la voir. Ils
étaient les panneaux publicitaires ambulants de la loi cérémonielle. Leur
religion définissait leur identité, dictait leur aspect et inspirait toutes leurs
pensées conscientes.
Toutefois, Jésus n’a jamais rendu hommage à leurs efforts, ne les a
jamais félicités pour leurs œuvres et n’a jamais cherché à trouver un terrain
d’entente entre son enseignement et le leur. Chaque fois que la question de
leur religion venait sur le tapis, il leur faisait clairement comprendre que
leur justice ne suffisait pas pour leur ouvrir le ciel (Mt 5.20), que leur
religion était la voie rapide de la route large vers la condamnation éternelle
(Mt 23.32 ; Lu 20.47). Ils étaient obsédés par ce que les autres pouvaient
voir en eux et par le souci du comportement d’autrui – mais ils négligeaient
des sujets plus importants comme l’orgueil, la convoitise, l’avarice et la
cupidité qui fermentaient et corrompaient leurs cœurs (Mt 15.19,20 ;
23.23). Jésus a dénoncé avec véhémence leur hypocrisie (Mt 23.25-28). Il
connaissait parfaitement leurs cœurs (Mt 12.25) et affirma clairement et
publiquement que les pharisiens étaient intérieurement corrompus et se
condamnaient eux-mêmes (v. 33-37).
Alors que Jésus arrivait à la fin de sa parabole de l’économe infidèle
dans Luc 16, certains pharisiens l’entendirent mettre ses disciples en garde
contre l’idolâtrie de l’argent : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon »
(Lu 16.13).
Luc ajoute : « Les pharisiens, qui étaient avares, écoutaient aussi tout
cela, et ils se moquaient de lui » (v. 14).
Jésus réplique par une condamnation sans ménagement de leur religion.
Il souligne que malgré leurs efforts sans relâche pour paraître sérieux, zélés
et sincères dans leur dévotion à la loi, leur religion était trop superficielle ;
ils n’impressionnaient pas Dieu. Les œuvres d’apparence les plus belles
n’avaient pas plus de valeur aux yeux de Dieu qu’une pile de guenilles
souillées et tachées de fluides corporels. Je suis conscient que cette image
est extrêmement repoussante, mais elle exprime le sens littéral d’Ésaïe 64.5.
Elle reflète le mépris le plus total de Dieu pour la propre justice et la
religion humaine. Jésus leur déclare : « Vous, vous cherchez à paraître
justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs ; car ce qui est
élevé parmi les hommes est une abomination devant Dieu » (Lu 16.15,
italiques pour souligner).

Le contexte de cette parabole


À ce point du récit de Luc (16.16-18), Jésus résume en quelques mots tout
ce qu’il a déjà dit au sujet des pharisiens, de la loi, de l’Évangile et de la
vraie justice. Il le fait en trois remarques succinctes. Point numéro un,
l’ancienne alliance ouvre la voie à la nouvelle : « La loi et les prophètes ont
subsisté jusqu’à Jean ; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé, et
chacun use de violence pour y entrer » (v. 16). Les promesses de l’Évangile
et le sacrifice de Christ répondent aux menaces et aux sanctions de la loi. La
voie est ainsi largement ouverte pour que les pécheurs entrent dans le
royaume, et ils s’efforcent déjà de le faire. En revanche, la situation reste
désespérée pour ceux qui dans leur arrogance veulent toujours mesurer leur
performance d’après la loi. Bien que s’estimant suffisamment justes, ils se
retrouveront condamnés à jamais.
Pourquoi ? C’est le point numéro deux de Jésus : « Il est plus facile que
le ciel et la terre passent, qu’il ne l’est qu’un seul trait de lettre de la loi
vienne à tomber » (v. 17). Les exigences et les menaces de la loi sont
implacables. « Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un
seul commandement, devient coupable de tous » (Ja 2.10).
Point numéro trois : toutes les interprétations pharisaïques de la loi
destinées à rendre ses règles plus faciles ou plus accessibles étaient fausses
et trompeuses. Par exemple, les pharisiens enseignaient que les hommes
avaient le droit de répudier leurs femmes pour n’importe quelle raison.
Mais il est écrit : « Je hais la répudiation, dit l’Éternel, le Dieu d’Israël, et
celui qui couvre de violence son vêtement » (Ma 2.16). Jésus déclare donc :
« Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère,
et quiconque épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère
» (Lu 16.18).
Malgré leurs obsessions strictes, les pharisiens n’avaient pas encore
compris à quel point la loi est réellement exigeante et inflexible. De plus,
elle ne concerne pas seulement ce que les autres peuvent voir, mais
également le domaine des pensées secrètes et des sentiments du cœur. Le
présupposé des pharisiens que, sous la loi, ils pouvaient acquérir des
mérites auprès de Dieu était une illusion qui entraînerait leur perte.
Jésus entame aussitôt le récit d’une parabole tragique qui illustre
l’horreur désespérante de l’enfer et les regrets infinis qui hanteront les gens
nantis et satisfaits par leur propre justice dont les richesses, la religion ou
d’autres avantages terrestres ont étouffé le besoin de la grâce divine. C’est
de loin la plus désarmante et la plus effrayante de toutes les paraboles de
Jésus. Elle nous met en présence de vérités concernant l’éternité et la vie
qui suit la vie présente, ces réalités auxquelles nous n’aimons pas penser,
mais que nous devons impérativement prendre au sérieux.
Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait
joyeuse et brillante vie. Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères,
et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; et même les chiens
venaient encore lécher ses ulcères. Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein
d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des morts, il leva les yeux
; et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein.

Il s’écria : Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu’il trempe le bout de son
doigt dans l’eau et me rafraîchisse la langue ; car je souffre cruellement dans cette flamme.
Abraham répondit : Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que
Lazare a eu les maux pendant la sienne ; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres.
D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d’ici
vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire.

Le riche dit : Je te prie donc, père Abraham, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père ;
car j’ai cinq frères. C’est pour qu’il leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi
dans ce lieu de tourments. Abraham répondit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les
écoutent. Et il dit : Non, père Abraham, mais si quelqu’un des morts va vers eux, ils se
repentiront. Et Abraham lui dit : S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se
laisseront pas persuader même si quelqu’un des morts ressuscitait (Lu 16.19-31).

Cette parabole aborde plusieurs réalités opposées : tourment et


consolation, mort et vie, enfer et ciel. Les personnages sont d’un côté un
homme immensément riche, et de l’autre un mendiant dans une extrême
pauvreté. Mais dans la vie après la mort, leurs fortunes sont inversées.
Comme l’accent porte sur la misère de l’homme en enfer, c’est une histoire
profondément troublante ; pourtant, Jésus use de grâce en la racontant aux
pharisiens. Il les avertit de ne pas suivre leurs instincts, leurs traditions et
leurs convictions religieuses. Il les presse de se repentir.

Éprouver la crainte du Seigneur

À l’évidence, Jésus ne raconte pas cette histoire pour distraire qui que ce
soit. C’est une parole solennelle d’avertissement – justement le genre de
témoignage que le riche supplie Abraham de transmettre à ses cinq frères.
Si cette histoire vous écrase sous un sentiment d’effroi ou de consternation,
sachez que telle est bien l’intention de Jésus. La gravité du sujet abordé par
le Seigneur n’est dépassée que par l’urgence de la situation. C’est un
enseignement à l’emporte-pièce – à dessein. Jésus ne s’embarrasse pas de
nuance intellectuelle ou de finesse diplomatique. Ne pensez cependant pas
que ses mots ont dépassé sa pensée ou les limites de la bienséance. Ceux
que la vigueur de la parabole ou le caractère déplaisant du sujet
offusqueraient feraient bien de réfléchir à deux fois et de faire face
courageusement à la vérité révélée. On ne juge pas la vérité d’après le bien-
être qu’elle communique aux gens.
Certes, le thème de l’enfer a toujours déchaîné des passions négatives.
C’était déjà le cas du temps de Jésus. Par contre, aujourd’hui, ce sujet est
pratiquement devenu tabou – même dans des cercles jugés évangéliques. La
notion d’enfer embarrasse ceux qui voudraient accommoder le
christianisme au dogme moderne du salut universel et de l’esprit de
tolérance. C’est un obstacle pour ceux qui voudraient que le message
biblique résonne de façon réjouissante aux oreilles des gens qui ne
fréquentent pas les églises. Il irrite ceux qui voudraient d’une religion qui
communique une bonne image d’eux-mêmes à ceux qui l’écoutent. Et il
scandalise ceux qui ne se soucient pas de justice et ne craignent pas Dieu,
tout en désirant afficher une certaine piété.
Comme de telles idées sont largement répandues, d’innombrables
responsables ecclésiastiques contemporains estiment devoir minimiser (ou
même totalement ignorer) ce que la Bible dit de l’enfer. La plupart des
tracts populaires et des programmes d’évangélisation de ces derniers siècles
ont intentionnellement supprimé toute mention des horreurs de l’enfer. Leur
but, dit-on, est d’insister davantage sur l’amour de Dieu – comme pour le
disculper de ce que lui-même a déclaré dans sa Parole.
Ces dernières années, quelques auteurs populaires et responsables
d’églises pseudo-évangéliques sont allés encore plus loin. Ils sont partis en
guerre contre l’enfer et les doctrines qui s’y rattachent. Ils s’opposent à
toute insistance sur les vérités bibliques négatives comme le péché, l’enfer,
la colère de Dieu, la dépravation humaine, l’impossibilité des mérites
humains et le vrai coût de l’expiation. Certains ont même déclaré que des
thèmes négatifs comme ceux énumérés devraient être totalement éradiqués
du répertoire évangélique. Ils estiment que ces idées ont quelque chose de
malsain, de primitif – surtout dans une génération postmoderne illuminée
qui considère comme des vertus supérieures l’estime de soi, l’inclusivisme
et la pensée positive.
Et même certains responsables chrétiens et commentateurs bibliques,
par ailleurs fidèles, estiment que l’idée d’enfer semble cruelle et injuste*. Ils
se demandent comment un Dieu qui aime vraiment peut condamner des
personnes à un châtiment éternel.
Ce sont là des objections à courte vue et insoutenables. Les défendre
équivaut à élever la raison humaine (ou l’émotion à l’état brut) au-dessus de
Dieu lui-même. Or, par définition, Dieu n’est soumis à aucun jugement
autre que lui-même. (Il n’existe évidemment pas d’autorité supérieure à la
sienne.) Le Seigneur définit la justice d’après sa propre nature. Se demander
si Dieu a le droit de faire ce qu’il a promis aboutit à nier son existence
même.
La Parole de Dieu affirme souvent qu’il frappera les malfaiteurs d’un «
châtiment éternel » (Mt 25.46), « d’un feu éternel » (v. 41). La Bible décrit
systématiquement l’enfer comme un lieu « où leur ver ne meurt point, et où
le feu ne s’éteint point » (Mc 9.48 qui cite És 66.24). Apocalypse 14.10,11
déclare que quiconque aura reçu la marque de la bête pendant la grande
tribulation « boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange
dans la coupe de sa colère, et il sera tourmenté dans le feu et le soufre,
devant les saints anges et devant l’Agneau. Et la fumée de leur tourment
monte aux siècles des siècles ; et ils n’ont de repos ni jour ni nuit. »
L’Écriture décrit donc constamment l’enfer comme un lieu de tourments
sans fin : « Et ceux-ci iront au châtiment éternel, mais les justes à la vie
éternelle » (Mt 25.46). Le mot grec traduit par « éternel » est aiōnios. Le
même mot est utilisé pour qualifier le châtiment éternel et la vie éternelle,
ce qui signifie que le châtiment éternel infligé au coupable dure aussi
longtemps que la vie éternelle réservée au racheté. Aiōnios est aussi
employé à propos de la gloire de Dieu dans 1 Pierre 5.10 (« appelés en
Jésus-Christ à sa gloire éternelle »). Il est encore appliqué à Dieu lui-même
dans Romains 16.26 (« d’après l’ordre du Dieu éternel »). La manière dont
la Bible utilise cet adjectif prouve suffisamment qu’il ne peut être redéfini
ou réinterprété pour s’accorder à l’idée d’une durée limitée de temps.
La parabole du riche et de Lazare correspond à la description la plus
parlante que la Bible fournit de ce que l’enfer inclut. C’est une histoire
terrifiante et profondément troublante. Et nous sommes censés être troublés
et attristés. Or, si nous confessons Jésus comme Seigneur, nous devons
croire ce qu’il a enseigné et tenir compte des nombreux avertissements
imagés concernant le châtiment éternel des incroyants.
Pour éviter toute confusion, je n’aime pas non plus la pensée de l’enfer.
Je n’ai aucun plaisir à en faire un thème de prédication ou le sujet d’un
écrit. Et n’imaginons surtout pas que Jésus éprouvait un plaisir malin et
pervers à décrire les horreurs de l’enfer. Aucune personne sensée ne peut se
délecter de la pensée de l’enfer. J’ai entendu un jour un conférencier parler
de l’enfer sur le ton de la plaisanterie, de manière frivole et impertinente. Il
est impensable d’aborder ce sujet avec une telle légèreté. Aucun de ceux qui
prennent Jésus au sérieux ne peut adopter une telle attitude désinvolte
devant le thème de l’enfer. Et nous devons encore moins penser à ce sujet
sans ressentir notre profonde responsabilité d’annoncer l’Évangile aux
perdus.
La culture séculière occidentale a pris la direction opposée en réduisant
le mot « enfer » à une interjection, et l’adjectif « infernal » à quelque chose
de désagréable. Le terme enfer se retrouve ainsi souvent sur les lèvres des
incroyants qui l’utilisent avec une extrême légèreté, alors que de nombreux
croyants qui connaissent la vérité enseignée par Jésus dans cette parabole et
qui y croient n’osent plus en parler.
Cela fait évidemment le jeu de Satan. Il ne devrait pas en être ainsi. La
parabole montre que même les gens en enfer aimeraient que leurs proches
soient avertis de l’effroi d’un enfer bien réel. Les chrétiens ne doivent donc
pas rester silencieux. Après tout, la leçon évidente qui se dégage de la
parabole (et le reste de l’enseignement de Jésus sur l’enfer) est de faire
entendre un avertissement clair sur le caractère terrifiant de l’enfer, sur ses
horreurs et sur la menace bien réelle sous laquelle vivent ceux qui
demeurent dans l’incrédulité et le péché non confessé. L’intention première
de Jésus est de faire naître chez les pécheurs une profonde frayeur de l’enfer
éternel – un effroi capable de les pousser vers la repentance et la foi dans
l’Évangile. La connaissance de cette crainte devrait également motiver les
croyants : « Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à
convaincre les hommes… » (2 Co 5.11).

Les personnages

Certains ont prétendu que l’histoire de Lazare et de l’homme riche n’est pas
du tout une parabole mais le récit d’un fait réel. Ils s’appuient sur le fait que
dans ses autres paraboles, les personnages de Jésus sont anonymes : « Un
homme » (Lu 13.6 ; 14.16 ; 15.11 ; 20.9) ; « un roi » (Mt 18.23 ; 22.2) ; «
un homme » (Mt 21.33) ; « un créancier » (Lu 7.41) ; « un sacrificateur »
(Lu 10.31), et ainsi de suite. Ici le mendiant a un nom : « un pauvre nommé
Lazare » (Lu 16.20, italiques pour souligner). Et Abraham, personnage de
l’Ancien Testament tient un rôle central.
Comme nous le verrons, des raisons importantes expliquent pourquoi le
personnage de Lazare est nommé. Il s’agit cependant bien d’une parabole et
non d’une histoire vraie qui se serait littéralement déroulée. N’interprétons
donc pas tous les détails de l’histoire d’une façon trop littérale. C’est ce que
commandent son contexte et son contenu.
En effet, nous savons par d’autres déclarations claires de l’Écriture que
les gens en enfer ne peuvent pas apercevoir le ciel ni reconnaître les gens
qui s’y trouvent, et encore moins entretenir des conversations avec eux.
L’enfer est maintes fois décrit comme « ténèbres du dehors » (Mt 8.12 ;
22.13 ; 25.30) – un lieu d’isolement total et séparé du ciel ; « l’obscurité des
ténèbres pour l’éternité » (2 Pi 2.17 ; Jud 13). L’apôtre Paul décrit l’enfer
comme « une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de
sa force » (2 Th 1.9). Et dans la parabole elle-même, Abraham déclare : «
D’ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui
voudraient passer d’ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire »
(Lu 16.26). Le terme grec traduit par « abîme » est chasma et désigne un
gouffre béant – une distance aux proportions cosmiques. La notion même
d’abîme gigantesque impossible à franchir exclut l’idée que de l’enfer on
pourrait littéralement apercevoir les sauvés dans le ciel et engager une
conversation avec eux.
Il est donc évident qu’il ne faut pas considérer ce récit comme une
histoire vraie. C’est une histoire inventée dans un but didactique évident,
comme c’est le cas de toutes les autres paraboles. Jésus n’indique ni le
moment, ni le lieu ni des détails précis (autres que le nom du mendiant).
L’histoire ne poursuit qu’un but : prévenir les auditeurs que l’enfer sera
rempli de gens qui ne comptaient jamais s’y trouver ! Et, comme nous le
verrons, Jésus a de bonnes raisons de donner le nom de Lazare à la
personne du mendiant.
Dans ce récit qui donne à réfléchir, Jésus illustre ce qu’est la vie en
enfer. La parabole montre à l’évidence que l’enfer correspond à une
existence d’agonie, de cruels regrets éternels, d’angoisse, de tourments
implacables et brûlants – le tout ressenti en pleine conscience et sans le
moindre espoir d’une fin possible. Aucune échappatoire et aucun répit.
Aucune goutte tombée d’un doigt trempé dans l’eau ne viendra jamais
soulager la souffrance ni atténuer la peine d’une âme éternellement
tourmentée en enfer. C’est un tableau de damnation horrifiant absolu,
propre à émouvoir le cœur le plus endurci.
Toutefois, l’histoire n’est pas seulement une mise en garde contre
l’enfer. Elle décrit un renversement choquant qui a ébranlé les sensibilités
des auditeurs de Jésus, car elle anéantit leur théologie astucieusement
élaborée.
Luc 16.19 présente un homme riche. Tout ce que ce verset dit de lui en
fait un individu d’une richesse prodigue, inhabituelle, extrême. Il « était
vêtu de pourpre et de fin lin » et « chaque jour menait joyeuse et brillante
vie ». Son existence n’était qu’une succession de plaisirs perpétuels.
Comme c’est encore le cas de nos jours, une telle richesse lui garantissait
probablement une grande influence. Dans quelque synagogue qu’il se
rendit, les gens s’inclinaient naturellement devant lui. Il est le type même
d’individu que l’Israélite moyen, influencé par l’enseignement des
pharisiens, croyait assuré du ciel plus que tout autre. Il s’agit d’un Juif et de
surcroît d’un personnage religieux, pas d’un païen. Nous le déduisons du
terme « père » par lequel il s’adresse à Abraham (qui lui répond d’ailleurs
en le qualifiant de « fils »). Il avait donc une connaissance pratique de «
l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses » qui
appartenaient à Israël (Ro 9.4). Pour la plupart des auditeurs de Jésus, cet
homme était particulièrement béni de Dieu.
Quant à Lazare, le pauvre homme, il vivait dans la misère la plus
extrême, paralysé et incapable de se lever et de pourvoir à ses besoins. Le
verbe « était couché » à la porte du riche (v. 20) est au passif et peut
suggérer que quelqu’un l’a abandonné là, devant la riche demeure de
l’homme fortuné. Celui qui l’a allongé là s’est dit que le malheureux
recevrait l’aumône de la part d’un homme vivant dans un tel luxe et qui
était vêtu de pourpre, comme un roi. Mais Lazare est « couvert d’ulcères ».
(Il s’agit peutêtre d’escarres provoquées par la paralysie et la position
allongée depuis longtemps.) Son état lamentable et sa maigreur
repoussaient peut-être les passants, car personne ne lui venait en aide. Il
devait même supporter de voir ses plaies léchées par des chiens errants
dégoûtants, comme s’il était déjà réduit à l’état de cadavre. Combien il
aspirait après une miette de pain sale que les chiens ramassaient par terre,
sous la table du riche !
Les pharisiens et leurs disciples auraient considéré une telle souffrance
comme une preuve que Lazare était maudit par Dieu. Des deux
personnages, c’est Lazare qu’ils auraient jugé digne de l’enfer. Dans leur
esprit, il était aussi abominable que sa condition de vie.
Le grand renversement de situation constitue un choc dans l’histoire de
Jésus. « Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein
d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des
morts… il était en proie aux tourments… » (Lu 16.22,23). L’expression «
sein d’Abraham » désigne une place d’honneur à la table d’Abraham. Dans
la culture de l’époque, les invités à un banquet de cette nature étaient assis
sur des coussins autour de la table, et adoptaient une position légèrement
inclinée. (Tel est le sens littéral des paroles de Luc 13.29 : « Il en viendra de
l’orient et de l’occident, du nord et du midi ; et ils se mettront [inclinés] à
table dans le royaume de Dieu ».) L’hôte de marque, placé à côté
d’Abraham, aurait donc sa tête penchée vers la poitrine du patriarche (voir
Jn 13.25). En d’autres termes, le mendiant qui aurait tant désiré une miette
de pain et qui paraissait tellement répugnant aux yeux des pharisiens
bénéficie d’une place d’honneur au ciel. Et l’homme riche, qui jouissait de
tous les avantages terrestres – auquel les pharisiens auraient aimé
ressembler – est envoyé en enfer où il est humilié, abandonné, sans espoir et
réduit à mendier une goutte d’eau.
Ce renversement de situation s’accompagne de beaucoup d’ironie. Dans
cette parabole, Lazare reçoit un nom précisément pour l’honorer. Son nom
(une forme d’Éléazar) signifie « celui que Dieu a secouru ». Il évoque
l’idée de faveur divine ; en le nommant ainsi, Jésus l’arrache à la honte et à
l’anonymat si caractéristiques des mendiants dans cette situation. Le riche
lui, n’a pas de nom, comme pour bien montrer qu’il n’a plus
d’importance**. Il est dépouillé de tous les signes d’éminence, y compris de
son nom, alors que le pauvre mendiant (auquel le riche n’avait prêté aucune
attention) reçoit tous les privilèges de la bénédiction divine éternelle.

La supplication de l’homme riche et la réponse


d’Abraham

Pourquoi le riche se retrouve-t-il en enfer ? Selon toute apparence, c’était


un homme religieux. Jésus ne l’accuse pas de péché grossier ou notoire.
L’histoire ne mentionne d’ailleurs aucune mauvaise action qu’il aurait
commise. C’était un citoyen haut placé, typique de cette société. Il est
cependant évident qu’il était égoïste, indifférent aux autres, étonnamment
insensible aux besoins d’autrui, car il ne fit rien pour soulager la misère de
Lazare. Il n’est cependant pas dit qu’il a mis Lazare hors de sa propriété ou
qu’il lui a fait violence. Jésus veille à ne pas dépeindre le riche sous les
traits d’un homme particulièrement cruel ou d’un malfaiteur rempli de
haine, comme si l’enfer n’était réservé qu’aux gens monstrueusement
abominables. Ce n’est pas ce que Jésus enseigne.
Remarquons encore que lorsque le riche se retrouve en enfer, il ne
demande pas que son cas soit reconsidéré ou qu’il soit libéré par pitié, et il
ne demande pas grâce. Il ne prétexte pas : « C’est une erreur ! » et ne
s’étonne pas : « Pourquoi suis-je là ? » Il n’a aucune excuse à présenter et
vit sous le poids écrasant de sa culpabilité. Il sait qu’il mérite d’être en
enfer. Tout ce qu’il implore, c’est le plus petit signe de soulagement.
Mais il ne l’obtiendra pas. Il ne connaîtra aucun espoir de pause dans les
accusations lancinantes, éternelles et amères de sa conscience coupable.
Son seul souci est pour ses frères, car il sait qu’ils sont exactement comme
lui – des piliers respectables de la société, satisfaits d’eux-mêmes, nantis,
obtenant tout ce qu’ils désirent grâce à une activité religieuse suffisante
pour leur valoir une réputation honorable, et cependant fonçant droit vers
l’enfer.
Il supplie donc Abraham : « Je te prie donc, père Abraham, d’envoyer
Lazare dans la maison de mon père ; car j’ai cinq frères. C’est pour qu’il
leur atteste ces choses, afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de
tourments » (Lu 16.27,28). Il fonde sa supplication sur son héritage juif. Il
est membre du peuple de l’alliance, un descendant d’Abraham. N’était-ce
pas un privilège de grande valeur ? Parmi les pharisiens et leurs disciples,
plusieurs supposaient que leur appartenance à la lignée généalogique
d’Abraham, d’Isaac et de Jacob était le fondement principal de leur
espérance éternelle (voir Ph 3.5). Or, cet homme sait désormais par
expérience que les liens généalogiques ne mènent personne au ciel. Peut-
être ce lien généalogique qui le rattache à Abraham lui vaudra-t-il une
goutte d’eau. Sinon, un avertissement délivré à ses frères par un homme
revenu de la mort pourrait éventuellement lui être accordé.
La suggestion qu’il présente donne à penser que ses frères connaissent
le mendiant autrefois couché dans la saleté et la souffrance, devant la porte
de sa riche demeure. Ils ont également dû être informés de la mort de
Lazare, autrement, un message porté par lui ne revêtirait aucune valeur pour
ses frères.
Notons que même en enfer, le riche considère Lazare comme un
subordonné, un moins que rien auquel il peut donner des ordres et l’envoyer
où bon lui semble. L’enfer est un châtiment, pas un remède. Les gens ne
s’améliorent pas. L’Écriture le déclare avec force : « Que celui qui est
injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore » (Ap
22.11). L’enfer scelle définitivement le sort et le caractère des réprouvés.
Non seulement le riche continue de considérer Lazare comme son
subordonné, mais il montre également que ses priorités et ses
préoccupations se centrent encore fortement sur lui-même. Comme tous
ceux qui sont ancrés dans la religion pharisaïque, il ne s’intéresse qu’à ses
proches immédiats. C’est évidemment normal de se soucier de ses frères et
sœurs. Or, nous avons vu dans la parabole du bon Samaritain que l’amour
réclamé par le second grand commandement ratisse plus large. Pourquoi
envoyer Lazare avec un avertissement céleste pour ces cinq frères en
particulier ?
La réponse d’Abraham est ferme : « Ils ont Moïse et les prophètes ;
qu’ils les écoutent ! » (Lu 16.29.) L’expression « Moïse et les prophètes »
était une façon de désigner les Écritures de l’Ancien Testament (voir Lu
24.44 ; 28.23). Abraham déclare en somme : Qu’ils les lisent et
comprennent ce que contiennent les trente-neuf livres qu’ils ont en leur
possession.
C’est une affirmation puissante de la suffisance de l’Écriture. Abraham
fait ainsi comprendre que la raison pour laquelle les frères de l’homme
riche sont des réprouvés non régénérés et incroyants en marche vers l’enfer
ne réside pas dans une méthodologie défectueuse de la communication de
l’Évangile. Il n’existe pas de meilleure méthode ou de messager plus
efficace ayant le pouvoir spécial de rendre la vue aux aveugles ou la vie aux
morts. Il n’existe pas un nouveau style de ministère ou une nouvelle
stratégie d’évangélisation qui auraient plus de puissance pour vaincre la
dépravation et rendre la vie à un pécheur religieux (ni à aucun autre type de
pécheur) spirituellement mort, égocentrique, têtu, hypocrite. Le pouvoir
réside dans la Parole de Dieu.
Les rachetés ont été « régénérés, non par une semence corruptible, mais
par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu
» (1 Pi 1.23). « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de
la parole de Christ » (Ro 10.17). L’homme riche se trouve à jamais en enfer
non parce qu’il manquait d’information, mais parce qu’il avait négligé le
message reçu par la Parole de Dieu. Le seul moyen pour ses frères
d’échapper à l’enfer serait pour eux d’écouter ce message et d’y croire.
La requête de l’homme riche ne fait que répéter ce que Jésus a
constamment entendu. Les pharisiens ne cessaient de lui demander des
signes. Dans Matthieu 12.38, par exemple, aussitôt après que Jésus a opéré
une série de miracles, guérisons et exorcismes, « quelques-uns des scribes
et des pharisiens prirent la parole, et dirent : Maître, nous voudrions te voir
faire un miracle ». Les miracles quotidiens de Jésus ne leur suffisaient pas ;
ils réclamaient un signe céleste aux proportions cosmiques. Jésus leur
répondit : « Une génération méchante et adultère demande un miracle ; il ne
lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas. Car, de même
que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de
même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la
terre » (v. 39,40). En d’autres termes : Je vous donnerai un signe – le signe
par excellence – une résurrection.
Est-ce que cela suffira pour convaincre les pharisiens ? Dans notre
parabole, Abraham répond à cette question : « S’ils n’écoutent pas Moïse et
les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader même si quelqu’un des
morts ressuscitait » (Lu 16.31).
Cette remarque met en lumière la leçon centrale de la parabole. Celle-ci
est non seulement une mise en garde contre l’enfer et ses horreurs. Elle
souligne aussi avec force la suffisance de l’Écriture, et supplie tous les
auditeurs de prendre très au sérieux le message de la Bible.

Même si un homme ressuscitait d’entre les morts

Quelques mois après avoir raconté cette parabole, Lazare, un cher ami de
Jésus, meurt. Lorsque Jésus arrive à Béthanie, le village de Lazare, il y a
déjà quatre jours que le corps de celui-ci repose dans le tombeau. Mais
Jésus le ramène du séjour des morts en disant tout simplement : « Lazare,
sors ! » (Jn 11.43.) L’Écriture raconte la suite : « Et le mort sortit, les pieds
et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Jésus leur dit :
Déliez-le, et laissez-le aller » (Jn 11.44).
Ce Lazare authentique est donc un témoin oculaire revenu du séjour des
morts. Ce miracle est incontestable, puisque le tombeau était entouré de
pleureurs quand Lazare en sortit, encore lié de bandes et du linceul.
L’Écriture poursuit : « Plusieurs des Juifs qui étaient venus vers Marie, et
qui virent ce que fit Jésus, crurent en lui » (v. 45). C’était un miracle
étonnant, dont nul ne pouvait nier la réalité, et impossible à ne pas faire
connaître. Quelques témoins allèrent même raconter aux pharisiens ce qui
était arrivé (v. 46).
À votre avis, quelle a été la réaction des pharisiens ? On aurait pu
penser que puisqu’un mort était revenu à la vie, ils croiraient.
Erreur. Ils tinrent conseil pour trouver un moyen de mettre Jésus à mort
:
Alors les principaux sacrificateurs et les pharisiens assemblèrent le sanhédrin, et dirent : Que
ferons-nous ? Car cet homme fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons faire, tous
croiront en lui, et les Romains viendront détruire et notre ville et notre nation.

L’un d’eux, Caïphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là, leur dit : Vous n’y
comprenez rien ; vous ne réfléchissez pas qu’il est dans votre intérêt qu’un seul homme
meure pour le peuple, et que la nation entière ne périsse pas. Or, il ne dit pas cela de lui-même
; mais étant souverain sacrificateur cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour
la nation. Et ce n’était pas pour la nation seulement ; c’était aussi afin de réunir en un seul
corps les enfants de Dieu dispersés.

Dès ce jour, ils résolurent de le faire mourir (v. 47-53).

Il est même dit au chapitre suivant que « les principaux sacrificateurs


délibérèrent de faire mourir aussi Lazare » (12.10). Au lieu de prêter
attention au message de Jésus, ils décident de supprimer le messager. Quand
il leur donnera des signes encore plus parlants, cela ne fera qu’augmenter
leur détermination à le supprimer.
Les miracles n’ont aucun pouvoir particulier pour convaincre ceux qui
rejettent le message de l’Écriture. Car c’est le message lui-même qui est «
la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Ro 1.16).
Quelle a été la réaction des pharisiens lorsque Jésus ressuscita d’entre
les morts par son propre pouvoir ? D’après Matthieu 28.11, immédiatement
après la résurrection, « quelques hommes de la garde entrèrent dans la ville,
et annoncèrent aux principaux sacrificateurs tout ce qui était arrivé. »
Furent-ils convaincus ?
Pas du tout. « Ceux-ci, après s’être assemblés avec les anciens et avoir
tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme d’argent, en disant :
Dites : Ses disciples sont venus de nuit le dérober, pendant que nous
dormions. Et si le gouverneur l’apprend, nous l’apaiserons, et nous vous
tirerons de peine » (v. 12-14). Ils s’accordèrent avec les gardes romains
pour étouffer l’affaire et nier la résurrection par un mensonge.
Aucun miracle, de quelque ampleur qu’il soit, ne peut convaincre celui
qui entend et comprend le message de l’Écriture mais le rejette. Seul le
Saint-Esprit peut ouvrir les yeux aveugles et faire fondre les cœurs endurcis
pour qu’ils reçoivent la Parole. La vérité de la Parole de Dieu est le seul
message qui détient le pouvoir de sauver. Si vous rejetez la Parole de Dieu
mais croyez en quelque miracle, expérience religieuse ou révélation privée,
votre foi n’est pas du tout celle qui sauve.
Et ceux qui rejettent la Parole de Dieu seront jugés par la vérité même
qu’ils rejettent. Dans Jean 12.46-48, Jésus déclare : « Je suis venu comme
une lumière dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas
dans les ténèbres. Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde point, ce
n’est pas moi qui le juge ; car je suis venu non pour juger le monde, mais
pour sauver le monde. Celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles
a son juge ; la parole que j’ai annoncée, c’est elle qui le jugera au dernier
jour. »

Notes de bas de page


* John Stott, par exemple, écrivit ces mots célèbres : « Sur le plan
émotionnel, je trouve le concept [d’enfer] insupportable et je ne
comprends pas que des gens puissent vivre avec lui sans cautériser
leurs sentiments ou s’effondrer sous le poids du stress. » David L.
Edwards et John Stott : Evangelical Essentials : A Liberal-
Evangelical Dialogue, Londres, Hodder & Stoughton, 1988, p. 313.
La position de Stott paraît quelque peu ambivalente sur cette
question. Il ajoute immédiatement après : « Mais nos émotions sont
un guide fluctuant et non fiable vers la vérité et ne doivent pas être
élevées au rang d’autorité suprême pour la déterminer. En tant
qu’évangélique convaincu, je ne dois pas me demander ce que mon
cœur me dit, mais ce que la Parole de Dieu dit, et c’est bien ce que
je me demande. » (Ibid.) Il a raison. Stott ne s’est toutefois pas
arrêté là. Il est allé jusqu’à promouvoir une interprétation forcée de
l’Écriture qui révèle sa préférence pour l’idée que les méchants
seront finalement anéantis.
** Selon certains, le riche est nommé Dives, un adjectif latin qui
signifie « riche ». Toutefois, Jésus ne lui a donné aucun nom.
10

Une leçon sur la persévérance dans la prière

Et moi, je crie à Dieu,


Et l’Éternel me sauvera.
Le soir, le matin, et à midi, je soupire et je gémis,
Et il entendra ma voix.

— PS 55.17,18

L’Écriture abonde en exhortations à prier ; elles sont souvent associées


aux promesses que le Seigneur entend certainement nos prières et qu’il y
répond.
La prière agissante du juste a une grande efficacité (Ja 5.16).

Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira.
Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l’on ouvre à celui qui frappe.
Lequel de vous donnera une pierre à son fils, s’il lui demande du pain ? Ou, s’il demande un
poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez
donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les
cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent (Mt 7.7-11).

Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez (Mt 21.22).

Nous avons auprès de lui cette assurance que si nous demandons quelque chose selon sa
volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu’il nous écoute, nous savons que nous possédons
la chose que nous lui avons demandée, quelle qu’elle soit (1 Jn 5.14,15).

Pourtant, nos prières ne sont pas toujours exaucées promptement,


conformément à notre échéance préférée. Pour des raisons qui sont
infiniment sages, pleines de grâce et justes – mais souvent inconnues de
nous et inexpliquées – Dieu tarde parfois à l’exaucement de nos prières.
Malgré cela, il nous encourage à prier sans relâche et avec ferveur, sans
perdre confiance ni nous lasser.
Luc 18 commence par une parabole qui illustre ce principe. C’est
l’histoire d’une femme qui ne veut tout simplement pas renoncer à obtenir
gain de cause dans un procès en justice, bien qu’elle soit victime d’un
système judiciaire corrompu devant un juge pervers et indolent.
Jésus s’adresse ici à un groupe de ses disciples les plus proches (voir Lu
17.22) :
Jésus leur adressa une parabole, pour montrer qu’il faut toujours prier, et ne point se relâcher.
Il dit : Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait point Dieu et qui n’avait d’égard pour
personne. Il y avait aussi dans cette ville une veuve qui venait lui dire : Fais-moi justice de ma
partie adverse. Pendant longtemps il refusa. Mais ensuite il dit en lui-même : Quoique je ne
craigne point Dieu et que je n’aie d’égard pour personne, néanmoins, parce que cette veuve
m’importune, je lui ferai justice, afin qu’elle ne vienne pas sans cesse me casser la tête.

Le Seigneur ajouta : Entendez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferat-il pas justice à ses
élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard ? Je vous le dis, il leur fera
promptement justice. Mais, quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?
(Lu 18.1-8)

C’est l’avant-dernière histoire d’une série spéciale de paraboles mises


en évidence dans Luc 13 – 18. Elles sont classées dans un certain ordre
thématique, et toutes sont propres à Luc. En fait, elles s’inscrivent dans un
long passage narratif qui n’a pas d’équivalent dans les autres Évangiles.
Elles commencent à Luc 13.22 et se terminent par la parabole du pharisien
et du collecteur d’impôts, dans 18.14. Plusieurs des histoires les plus
connues de Jésus, notamment les trois célèbres paraboles de Luc 15 (la
brebis perdue, la pièce de monnaie perdue et le fils prodigue) ne figurent
que dans cette portion particulière de l’Évangile selon Luc1.
Évidemment, ce récit pathétique à propos d’un juge inique et d’une
veuve tenace est lui aussi rapporté seulement par Luc. Il intervient aussitôt
après le bref discours sur la seconde venue (qui décrit « le jour où le Fils de
l’homme paraîtra » [17.30]). Les seize derniers versets de Luc 17 (v. 22-37)
rappellent le discours du mont des Oliviers*. Mais nous sommes là devant
un message sensiblement plus bref avec un contenu assez différent et qui
appartient à une époque antérieure dans le ministère de Jésus. Le discours
de Luc 17 est dominé par les avertissements de malheurs et la ruine
soudaine et culmine dans une image sinistre de mort et de décomposition : «
Où sera le corps, là s’assembleront les vautours » (v. 37).
Notre parabole débute aussitôt après et vise à montrer « qu’il faut
toujours prier et ne point se relâcher » (Lu 18.1). Aussi sombres que soient
les temps, même si le monde semble foncer vers sa ruine et le jugement
éternel, les hommes et les femmes justes doivent persévérer dans la prière –
dans la confiance que Dieu entend son peuple et lui répondra.
C’est un encouragement pour les croyants qui vivent dans des temps
mauvais, voient le monde devenir de plus en plus hostile, sentent l’approche
du jugement, éprouvent un sentiment de solitude et d’isolement comme «
du temps de Noé » (17.26) et « du temps de Lot » (v. 28). Autrement dit,
cette histoire a une résonance particulière pour un temps comme le nôtre.
Les jours sont mauvais. Le besoin est urgent. Notre prière doit se faire
pressante, ardente et persévérante. Ne perdons pas courage.

Le juge
Le scénario de cette parabole était probablement très familier pour les
Israélites du premier siècle. Jésus situe la scène « dans une ville » (Lu 18.2)
sans préciser son nom. Cette mention était inutile, car les veuves et les juges
corrompus étaient des personnages bien connus dans la culture de l’époque.
Il était souvent difficile d’obtenir justice.
La cour religieuse suprême en Israël était le grand sanhédrin qui
comprenait soixante et onze juges (tous étaient des chefs religieux réputés
comme des spécialistes de la loi de l’Ancien Testament et de la tradition
orale). Nous savons par le Nouveau Testament que leur pouvoir était
oppressif et souvent injuste. C’est ce grand sanhédrin qui conçut et déroula
le complot ; nous savons donc que cette instance juridique était truffée
d’injustice et de corruption.
Il existait cependant encore un autre ensemble de tribunaux religieux en
dessous du grand sanhédrin. Les grandes villes du pays d’Israël disposaient
chacune de sa propre instance dirigeante, un petit sanhédrin dirigé par
vingt-trois juges. Comme les principaux chefs à Jérusalem, ils étaient
fortement influencés par la doctrine des pharisiens et la politique des
sadducéens**. Ils se contentaient donc souvent de règles superficielles,
étaient influencés par des normes et des traditions humaines ; étaient enclins
à prononcer des jugements sévères et hâtifs, inspirés par les interprétations
erronées et les applications fausses que les pharisiens donnaient des
commandements de l’Ancien Testament. (Nous en avons déjà vu un
exemple classique dans leurs applications excessives des restrictions
cérémonielles concernant le sabbat.)
Les juges étaient eux-mêmes ancrés dans la propre justice pharisaïque.
Parvenus au sommet de l’échelle d’une hiérarchie rabbinique hautement
politisée, ils étaient souvent notoirement corrompus.
En plus de tous ces juges, Rome avait désigné des magistrats locaux et
des juges de villages – des autorités municipales qui jugeaient les affaires
criminelles et veillaient sur les intérêts de César. C’était les pires de tous –
ils étaient notoirement dépourvus de morale et de scrupules. Ils étaient
grassement payés sur les fonds du temple, alors qu’ils étaient généralement
païens et incroyants. Les Juifs portaient sur eux le même dédain profond
que sur les collecteurs d’impôts. Ils portaient le titre officiel de « Juges
d’interdiction », mais en changeant simplement une lettre du mot araméen,
les Juifs les appelaient « Juges voleurs ».
D’après la description que Jésus donne de ce juge, il semble bien que
c’était un de ces fonctionnaires romains. En effet, « il ne craignait point
Dieu et […] n’avait d’égard pour personne » (Lu 18.2). Voilà un portrait
bien brossé. Des expressions semblables étaient assez courantes dans la
littérature ancienne, même en dehors de la Bible. Un tel tableau désignait
généralement une personne notoirement sans scrupule. Cet homme ne
témoigne aucun respect sincère de Dieu, de sa volonté ou de sa loi. Par
ailleurs, il est totalement indifférent aux besoins des gens et à leurs justes
revendications. Il était devenu juge parce qu’il aimait le statut de la fonction
et l’argent, non parce qu’il défendait la justice. Il n’éprouve pas de
compassion et ne montre aucune compréhension. Et pour mettre le comble
à l’extrême perversité de son caractère, nous constatons qu’il n’est ni naïf ni
dupe ; il est pleinement conscient de la débauche dans laquelle son
caractère est tombé. Il reconnaît en lui-même : « Je ne [crains] point Dieu et
[…] je [n’ai] d’égard pour personne » (v. 4). Il confesse ainsi lui-même
qu’il défie les deux premiers grands commandements (voir Mt 22.37-40).
C’est un être totalement amoral et sa méchanceté a toutes sortes de
répercussions tragiques par les décisions quotidiennes qui touchaient la vie
des gens.
Jésus lui attribue l’épithète laconique de « juge inique » (Lu 18.6). Cet
homme méprise totalement les devoirs de sa fonction ; en effet, le juge est
censé rendre justice selon la loi de Dieu et les besoins des plaignants***. Cet
homme ne s’intéressait à aucune de ces choses. Il n’avait aucune honte – et
dans cette culture moyen-orientale où honneur et honte représentaient tout,
rien n’était plus vil que cette sorte d’impudence. Bref, ce juge est dépourvu
de toute décence élémentaire, de noblesse, d’affection naturelle et de
considération pour Dieu et pour les humains. Son caractère est tellement
aride et privé de toute qualité, que la plupart de ses administrés devaient le
considérer comme inhumain. Il semble insensible à tout appel.
Or, Jésus raconte cette parabole pour enseigner une leçon positive sur
Dieu et sur sa façon de répondre à nos prières – en se servant du mauvais
comportement de ce juge inique comme illustration. Cette parabole
ressemble à celle de l’économe infidèle, car Jésus s’appuie sur des actions
perverses d’une personne pour dépeindre une réalité pure et juste.

Le dilemme de la femme

Dans cette parabole, le seul autre personnage est une pauvre veuve, victime
d’une certaine injustice ou de l’oppression et dont le seul recours est de
demander réparation au tribunal. Quelqu’un l’a escroquée. Elle vit
apparemment seule et dans le dénuement. Dans la culture de l’époque, les
tribunaux étaient exclusivement une affaire masculine. Aucune femme ne se
serait adressée elle-même à un juge s’il y avait eu un homme dans sa vie.
Dans le cas de cette femme, non seulement son mari était mort, mais de
plus elle n’avait apparemment pas de frère, de beau-frère, de père, de fils,
de cousin, de neveu ou de parent masculin éloigné, ni de voisin proche
capable de plaider sa cause. Elle représente donc ce qu’il y a de plus
miséreux, d’impuissant, de démuni, de dépouillé, d’humble, d’ignoré, de
mal aimé, de délaissé, de désespéré.
Jésus construit son illustration autour d’une veuve, car d’après l’Ancien
Testament, le cas de cette femme aurait été réglé d’emblée.
Indépendamment de la valeur légale de sa plainte, le juge aurait dû avoir
compassion d’elle rien que par humanité. La loi de Moïse était explicite sur
ce point. Dieu lui-même avait déclaré : « Tu n’affligeras point la veuve, ni
l’orphelin. Si tu les affliges, et qu’ils viennent à moi, j’entendrai leurs cris ;
ma colère s’enflammera, et je vous détruirai par l’épée ; vos femmes
deviendront veuves, et vos enfants orphelins » (Ex 22.22-24). Ce principe
est repris dans Ésaïe 1.17 :
Apprenez à faire le bien, recherchez la justice,
Protégez l’opprimé ;
Faites droit à l’orphelin,
Défendez la veuve.

La loi regorgeait de recommandations semblables en faveur des veuves :


« Tu ne porteras point atteinte au droit de l’étranger et de l’orphelin, et tu ne
prendras point en gage le vêtement de la veuve » (De 24.17). Il fallait
prendre soin des veuves ; les autorités juridiques avaient le devoir
particulier de veiller à ce que leurs besoins soient comblés.
Apparemment, cette femme a de solides raisons juridiques pour insister
car elle réclame justice, pas un traitement de faveur. Elle est tenace. La voix
moyenne du verbe dans Luc 18.3 souligne une action répétitive : « qui
venait constamment le trouver pour lui dire » (Semeur, italiques pour
souligner). Elle revient sans cesse à la charge en disant : « Fais-moi justice
de ma partie adverse », litt. « Prends ma défense ! » Il semble qu’elle
cherche à obtenir réparation de torts qui lui ont été causés. Le désespoir de
la veuve suggère qu’on lui a tout pris. Elle n’a plus rien à perdre.
Or, la réaction initiale du juge est incroyablement froide. Il refuse tout
simplement d’accéder à sa demande ; il classe l’affaire au moyen d’un
préjugé inouï et sans même examiner la plainte (v. 4). L’extorsion ou le vol
dont la veuve a été victime est dérisoire pour le magistrat, mais ils
menacent la vie même de la victime. L’absence totale d’intérêt ou de
compassion dans sa réaction envers elle choque profondément.
Nous voyons là encore l’habileté surprenante avec laquelle Jésus brosse
un tableau vivant et coloré avec le minimum de mots. Comme l’économe
infidèle et le fils prodigue dans sa rébellion, le juge est incroyablement
diabolique – et Jésus le montre tout simplement, comme d’habitude, sans
accumuler les adjectifs ou les expressions pittoresques. Il se contente de
décrire un acte de cruauté insensible, impitoyable mais bien réel. Le juge
renvoie cette pauvre femme comme si elle n’était qu’un moucheron gênant.

Le tournant
Cela a duré « longtemps » (Lu 18.4). Mais un beau jour, le juge change de
dispositions – non parce qu’il se repent de sa méchanceté ou qu’il admet la
pertinence de la requête de la veuve, mais parce qu’il se lasse d’entendre
ses plaintes.
Il tient un bref monologue, comme celui du fils prodigue lorsqu’il
revient à son bon sens (15.17-19). Il rappelle même encore davantage le
discours que se tient l’économe infidèle pour éviter le désastre qui le
menace (16.3,4). De même, le juge inique se parle à lui-même : « Quoique
je ne craigne point Dieu et que je n’aie d’égard pour personne, néanmoins,
parce que cette femme m’importune, je lui ferai justice afin qu’elle ne
vienne pas sans cesse me casser la tête » (18.4,5).
Nous le répétons, il reconnaît qu’il est un scélérat ; il est bien franc.
Mais la femme l’exaspère. Il peut facilement la faire taire en accédant à sa
demande. Il se décide donc à lui faire justice pour qu’elle ne revienne pas
constamment le déranger. L’expression sans cesse correspond à
l’expression grecque eis telos, qui signifie littéralement « jusqu’à la fin » ou
« indéfiniment » et qui revêt le sens de « pour toujours » dans la Bible. En
somme, le juge pense : Elle continuera pour toujours de venir et elle
m’épuisera.
Dans certaines versions de la Bible, on peut lire « à force de venir, elle
finira par m’exaspérer » ou « afin qu’elle ne vienne pas sans cesse me
déranger ». Toutefois, le sens de ces traductions est plus faible que
l’expression grecque hup piaz qui est utilisée ici. Cette expression,
empruntée au sport de la boxe, signifie « donner un grand coup de poing à
quelqu’un juste sous l’œil ». C’est ce même terme que Paul utilise dans 1
Corinthiens 9.27 où il se décrit comme un homme qui frappe fort et non
comme quelqu’un qui frappe dans le vide : « Mais je traite durement mon
corps et je le tiens assujetti […] ». Les requêtes répétées de cette femme
font le même effet que des coups de gourdin verbaux. Elle n’est pas
simplement pénible, elle le fait souffrir. Ce juge puissant et imperméable est
vaincu par une femme sans ressources, tout simplement par sa
persévérance.
Il n’a toujours pas plus d’égards pour Dieu ou les hommes ; il défend
simplement ses propres intérêts. Pour cela, il doit se débarrasser d’elle.
C’est pourquoi il prononce un jugement en faveur de la veuve.
La signification

La leçon est indiquée dès les premiers mots de la parabole : « pour montrer
qu’il faut toujours prier et ne point se relâcher » (Lu 18.1). Toutefois, Jésus
a en point de mire un type particulier de prière.
Gardez le contexte présent à l’esprit. Cette parabole est une sorte de
postscriptum au discours prophétique de Jésus à la fin de Luc 17. Le
passage aborde le thème du jugement terrifiant : « Ce qui arriva du temps
de Noé […] Ce qui arriva du temps de Lot » (v. 26,28). « Il en sera de
même le jour où le Fils de l’homme paraîtra » (v. 30). Christ reviendra pour
exercer la vengeance. Son apparition s’accompagnera de mort et de
dévastation. « De sa bouche sortait une épée aiguë, pour frapper les nations
; il les paîtra avec une verge de fer ; et il foulera la cuve du vin de l’ardente
colère du Dieu Tout-Puissant » (Ap 19.15). Le verset 19 annonce que les
rois de la terre et leurs armées se rassembleront pour faire la guerre à Christ
lors de son retour. Ce sera la guerre finale de l’humanité – la bataille est
parfois intitulée « bataille d’Harmaguédon ». Christ anéantira tous ses
ennemis « et tous les oiseaux se rassasièrent de leur chair » (v. 21). C’est
cette scène à laquelle fait allusion la fin de Luc 17.37 : « Où sera le corps, là
s’assembleront les vautours. »
La parabole du juge inique suit immédiatement. Le changement de
chapitre n’indique pas un changement de décor ou d’audience. Jésus
raconte la parabole alors que ses auditeurs ont l’esprit encore plein du
thème de sa seconde venue (avec les images apocalyptiques de cadavres et
de vautours). À ses élus qui attendent son retour alors que le monde semble
s’enfoncer de plus en plus dans la perversité et la condamnation, Jésus
laisse la leçon suivante : persévérez dans la prière et ne perdez pas courage.
C’est une invitation à la prière eschatologique, un encouragement à prier
pour sa venue et pour avoir la force de tenir bon jusqu’à la fin. Luc 21.36
résume bien l’essence de l’exhortation : « Veillez donc et priez en tout
temps, afin que vous ayez la force d’échapper à toutes ces choses qui
arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »
Comme nous l’avons vu dans un chapitre antérieur, Jésus enseigne à ses
disciples que son retour est imminent – indiquant par là qu’il peut revenir à
tout moment. Mais il peut aussi revenir plus tard qu’on le souhaite. Au
cours de son ministère terrestre, Jésus lui-même, dans sa conscience
humaine finie, ne connaissait pas la date précise de son retour : « Pour ce
qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le
Fils, mais le Père seul » (Mt 24.36, italiques pour souligner). Certes, en tant
que Dieu, il sait (et a toujours su) toutes choses (Jn 16.30 ; 21.17).
Cependant, il est évident que durant sa vie terrestre, il s’est volontairement
privé de faire usage de son omniscience divine entière et souveraine. Il était
un homme normal, pas un surhomme. Il a mené une vie humaine et a connu
des expériences humaines authentiques (Hé 4.15). Il s’est développé et a
appris les choses comme n’importe quel autre être humain (Lu 2.52). Il
s’ensuit que conformément au plan divin, sa conscience humaine n’avait
pas accès à certains faits. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela.
Aussi, comme nous l’avons vu en étudiant les paraboles de Matthieu 24
et 25, sans révéler de date précise pour son retour, Jésus a vivement
encouragé ses disciples à veiller attentivement et à l’attendre patiemment.
Ici, il les exhorte à prier fidèlement jusqu’à la venue de ce jour. Pour cela, il
se sert de cette parabole qui illustre la persévérance sans faille. C’était un
encouragement particulièrement opportun pour les disciples du premier
siècle. Il l’est encore davantage pour nous qui voyons approcher le jour.
La différence entre un temps « long » et un temps « court » n’est rien
dans la chronologie divine. « Devant le Seigneur, un jour est comme mille
ans, et mille ans sont comme un jour » (2 Pi 3.8). En regard de l’éternité, les
temps sont comme un clin d’œil. En revanche, dans notre perspective, le
temps semble parfois traîner en longueur. Pour cette femme le temps qui
séparait l’injustice dont elle était victime et le jugement final favorable
rendu par le juge a dû paraître une éternité. Pour l’apôtre Jean qui dut se
rendre à l’évidence que Jésus n’était pas revenu de son vivant, l’attente a dû
paraître interminable. Pour les croyants qui vivent deux mille ans plus tard,
l’exhortation de Jésus « qu’il faut toujours prier et ne point se relâcher » est
justement l’encouragement qu’il nous faut.
Aujourd’hui, la Parole de Dieu est raillée, diffamée et critiquée à une
allure qui ne cesse de s’accélérer dans le monde entier. Les chrétiens sont
couramment calomniés, persécutés et opprimés, même dans des cultures
occidentales réputées pour leur ouverture d’esprit. Au Moyen-Orient, en
Afrique et dans certaines parties de l’Asie, des chrétiens vivent sous la
menace constante du martyre. Selon les estimations mêmes les plus
prudentes, des milliers de chrétiens sont tués chaque année pour leur foi.
Nous aspirons au retour de Christ pour qu’il mette fin à l’impiété et à
l’oppression, qu’il détruise le péché une fois pour toutes et qu’il établisse
son règne de justice. Jésus lui-même nous a appris à prier : « Que ton règne
vienne » (Lu 11.2). Ici, il nous encourage à formuler cette prière sans
relâche, et à ne pas nous décourager.
Dans le texte grec, le verbe traduit par « se relâcher » ou « se lasser »
(BC) est ekkakeō qui parle de renoncer par épuisement ou pire, de devenir
lâche. Luc 18.1 est le seul endroit où ce verbe apparaît, en dehors de ses
cinq usages pauliniens : « Nous ne perdons pas courage » (2 Co 4.1,16) ; «
Ne nous lassons pas de faire le bien […] si nous ne nous relâchons pas »
(Ga 6.9) ; « Je vous demande de ne pas perdre courage à cause des
afflictions que j’endure pour vous » (Ép 3.13) ; « Ne vous lassez pas de
faire le bien » (2 Th 3.13). La signification sous-jacente est toujours la
même : ne perdez pas l’espoir que Jésus revient.
Dieu ne ressemble évidemment en rien à un juge inique. Une fois de
plus, Jésus raisonne du moins au plus. Si un magistrat aussi dépravé et
mauvais peut être amadoué par la requête insistante de faire justice à une
veuve pour qui il n’a aucune considération ni compassion, « Dieu ne ferat-il
pas justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et tardera-t-il à leur égard
? Je vous le dis, il leur fera promptement justice » (Lu 18.7,8, italiques pour
souligner). Lorsque Christ reviendra, la vengeance de Dieu contre les
méchants sera immédiate et complète.
Entretemps, il ne tarde pas à accomplir sa justice par apathie ou
indifférence. Il retarde son jugement par compassion. Dans le passage où
Pierre déclare que « devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et
mille ans sont comme un jour », l’apôtre ajoute immédiatement : « Le
Seigneur ne tarde pas dans l’accomplissement de la promesse, comme
quelques-uns le croient ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas
qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance » (2 Pi
3.8,9). Le retard apparent donne la mesure de la patience de Dieu qui se
choisit « un peuple qui porte son nom » (Ac 15.14) ; il ne réduira pas le
temps d’attente avant que le dernier de ses élus soit sauvé, quand bien
même il y aurait déjà « une grande foule, que personne ne pouvait compter,
de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue » (Ap 7.9).
La preuve que la parabole du juge inique concerne la seconde venue et
qu’elle nous incite fortement à prier fidèlement et avec persévérance en vue
de ce jour se trouve à la fin de Luc 18.8 : « Mais, quand le Fils de l’homme
viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Trouvera-t-il son peuple occupé à
prier avec persévérance et à attendre ? Ou beaucoup se seront-ils relâchés ?
La parabole est un encouragement à tenir ferme et à prier sans cesse.
La veuve de cette parabole représente tous les vrais chrétiens, les élus.
Dans un certain sens, nous sommes démunis, « pauvres en esprit » (Mt 5.3)
; « il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni
beaucoup de nobles » (1 Co 1.26). Nous sommes totalement à la merci du
Juge.
Mais notre Juge céleste ne ressemble en rien au juge de la parabole. Il
incarne la justice parfaite ; il ne peut faire de mal. « Dieu renverserait-il le
droit ? Le Tout-Puissant renverserait-il la justice ? » (Job 8.3.) Certainement
pas ! « Celui qui juge toute la terre n’exercera-t-il pas la justice ? » (Ge
18.25.)
Il est le rocher ; ses œuvres sont parfaites,
Car toutes ses voies sont justes ;
C’est un Dieu fidèle et sans iniquité,
Il est juste et droit (De 32.4).
Car il vient pour juger la terre ;
Il jugera le monde avec justice,
Et les peuples avec équité (Ps 98.9).

Pendant ce temps, nous vivons dans l’attente, comme ceux qui supplient
sous l’autel d’Apocalypse 6.10 : « Ils crièrent d’une voix forte, en disant :
Jusqu’à quand, Maître saint et véritable, tarderas-tu à juger, et à tirer
vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? » Nous faisons partie
de ceux qui sont décrits dans 1 Thessaloniciens 1.10 : « […] pour attendre
des cieux son Fils, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la
colère à venir ».
Il est impossible de mener une vie chrétienne fidèle si elle ne se vit pas
à la lumière de la seconde venue. La connaissance de la fin de l’histoire
nous procure confiance et fermeté. Comme le déclare Paul, « Ainsi, mes
frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en
mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain
dans le Seigneur » (1 Co 15.58).
La question de Jésus dans Luc 18.8 : « Mais, quand le Fils de l’homme
viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? », devrait nous inciter à nous
examiner personnellement et sérieusement, ce qui constitue une note
parfaite sur laquelle terminer notre étude. Faisons-nous de son retour l’objet
de notre prière fidèle ? Je crains que si le Seigneur revenait à l’instant
même, il trouverait quantité de gens qui se considèrent chrétiens et qui ne
sont cependant pas du tout prêts pour son retour, qui ne l’attendent pas
particulièrement avec impatience, qui sont bien trop séduits par cette vie et
les valeurs du monde pour penser à son retour.
C’est l’opposé de la vraie foi. Le cri du cœur du vrai croyant est
Maranatha, « Viens, Seigneur ! » (1 Co 16.22.)
Nous qui aimons Christ et qui languissons après son retour, nous ne
devons pas nous relâcher. « Soyez donc patients, frères, jusqu’à
l’avènement du Seigneur. Voici, le laboureur attend le précieux fruit de la
terre, prenant patience à son égard, jusqu’à ce qu’il ait reçu les pluies de la
première et de l’arrière-saison. Vous aussi, soyez patients, affermissez vos
cœurs, car l’avènement du Seigneur est proche » (Ja 5.7,8).
Entretemps, nous continuons de prier et de supplier Christ de revenir
bientôt – pas simplement parce que nous voulons avoir gain de cause, mais
aussi et surtout parce que nous voulons voir Christ glorifié. Si vous vivez
dans cette optique, si vous priez dans cette optique et si vous suppliez dans
cette optique, cela change tout dans votre vie.
Après deux mille ans, notre espoir continue de briller, notre amour pour
Christ reste authentique et pur, et notre confiance qu’il honore sa Parole
demeure ferme et solide. C’est pourquoi nous prions avec persévérance, le
suppliant de venir justifier son peuple, se glorifier lui-même, punir les
pécheurs, détrôner Satan, établir son règne de justice et apporter la paix
éternelle sur la terre. Nous le prions inlassablement de venir pour régner
comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et créer les nouveaux cieux
et la nouvelle terre éternels. Et nous reprenons en écho les derniers mots de
l’Écriture : « Viens, Seigneur Jésus ! »
Cette prière devrait être constamment sur nos lèvres. Et cette espérance
devrait orienter toutes nos pensées. Telle est la leçon que Jésus nous
enseigne dans la parabole du juge inique.
Vivez dans cette anticipation jusqu’à son retour. Et observez les
changements que cela introduira dans votre vie.
Notes de bas de page
* Comparer le verset 26 (« ce qui arriva du temps de Noé ») avec
Matthieu 24.37 (« Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même
à l’avènement du Fils de l’homme »).
** Alfred Edersheim écrit : « Il convient de noter que le péché
particulier reproché à la maison d’Anne est celui de “chuchotement”
– ou le sifflement de la vipère – qui semble désigner l’influence
privée exercée sur les juges dans leur administration de la justice, à
l’origine de « la corruption de la morale, de la perversion des
jugements et du retrait de la Shekhinah d’Israël. » The Life and
Times of Jesus the Messiah, 2 vol., Londres, Longman, Green &
Co., 1896, I.263 (Trad. libre).
*** L’Ancien Testament rapporte que lorsque le roi Josaphat « établit
des juges dans toutes les villes fortes du pays » de Juda, il leur dit : «
Prenez garde à ce que vous ferez, car ce n’est pas pour les hommes
que vous prononcerez des jugements ; c’est pour l’Éternel, qui sera
près de vous quand vous les prononcerez. Maintenant, que la crainte
de l’Éternel soit sur vous ; veillez sur vos actes, car il n’y a chez
l’Éternel, notre Dieu, ni iniquité, ni égards pour l’apparence des
personnes, ni acceptation de présents […] Vous agirez de la manière
suivante dans la crainte de l’Éternel, avec fidélité et avec intégrité
de cœur » (2 Ch 19.5-9).
Appendice

La vérité sous forme d’histoires : la signification


objective du discours narratif de Jésus

Il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux.

— MATTHIEU 13.11

Quelle importance Jésus accorde-t-il aux histoires comme vecteur de son


enseignement ? Il y a une trentaine d’années, les évangéliques classiques
auraient répondu en moins de trois phrases à cette question. Après tout, ce
n’est pas une question ardue, puisque Jésus y a répondu clairement en
affirmant s’être servi des paraboles pour une raison double : illustrer la
vérité pour ceux qui veulent la recevoir, et l’obscurcir pour ceux qui la
haïssent :
Lorsqu’il fut à l’écart, ceux qui l’entouraient avec les douze l’interrogèrent sur les paraboles.
Il leur dit : C’est à vous qu’a été donné le mystère du royaume de Dieu ; mais pour ceux qui
sont dehors tout se passe en paraboles, afin qu’en voyant ils voient et n’aperçoivent point, et
qu’en entendant ils entendent et ne comprennent point, de peur qu’ils ne se convertissent, et
que les péchés ne leur soient pardonnés (Mc 4.10-12).

Pour répondre brièvement et simplement à notre question initiale,


disons que les paraboles sont des outils dont Jésus s’est servi pour enseigner
et défendre la vérité.
Faites un simple survol et vous remarquerez que lorsque Jésus explique
ses propres paraboles aux disciples, il le fait toujours en indiquant des
significations objectives aux symboles qu’il utilise : « La semence, c’est la
parole de Dieu » (Lu 8.11) ; « Le champ, c’est le monde » (Mt 13.38).
Parfois son symbolisme est tellement évident qu’il n’a besoin d’aucune
explication. C’est le cas du berger dans Luc 15.4-7 (qui est manifestement
une illustration de Christ lui-même). À d’autres moments, la signification
nécessite plus de réflexion et d’exégèse, mais elle peut se comprendre et
s’expliquer clairement. Moyennant un peu de travail ardu et une réflexion
sérieuse, l’étude des paraboles débouche sur de riches récompenses. C’est
précisément ce que nous nous sommes efforcés de faire tout au long de ce
livre.
Que la signification profonde des données d’un récit symbolique soit
évidente ou qu’elle requière un certain travail de recherche, le résultat est le
même : les paraboles de Jésus servent toutes à illustrer des faits de
l’Évangile. Contrairement à ce que certaines personnes de notre temps
aiment suggérer, les paraboles n’étaient pas des alternatives à des
affirmations propositionnelles de la vérité destinées à supplanter la
certitude. Elles n’étaient pas non plus des élucubrations racontées pour
évoquer un sentiment. Et elles n’étaient certainement pas des jeux de
l’esprit pour tout brouiller. En se servant de fictions, Jésus cherchait encore
moins à remplacer la vérité par la mythologie.
Par-dessus tout, il n’invitait pas ses auditeurs à interpréter les récits à
leur guise et ne permettait pas à chacun d’ériger ses opinions personnelles
en guide final de ce qui est vrai pour lui. La conviction que la Bible
constitue elle-même la norme finale de la vérité (avec son corollaire que
l’Écriture doit dicter notre interprétation de l’Écriture) est une règle
ancestrale du christianisme biblique. Sa négation entraîne la négation de
l’autorité de l’Écriture.
Cela ne signifie pas que l’Écriture possède la même clarté dans toutes
ses parties. Certaines des paraboles sont particulièrement difficiles à
interpréter. Pour une interprétation correcte, il faut y apporter du soin, du
travail sérieux et l’aide du Saint-Esprit. Nul n’a jamais contesté ce fait.
Quant à la question de savoir si chaque parabole possède une
signification simple inspirée, et donc une interprétation adéquate – une
signification objectivement exacte –, le fait n’a jamais été valablement
contesté parmi ceux qui prennent au sérieux l’autorité de l’Écriture. Cette
idée a un corollaire : toute interprétation possible qui contredit la vraie
signification d’un passage est fausse par définition.
À notre époque postmoderne, de nombreuses voix semblent cependant
s’élever et contredire ces principes simples. Elles suggèrent souvent que
puisque Jésus a fait un tel usage prodigue de paraboles et de narrations, il ne
devait pas avoir de la vérité la même conception que les hommes et les
femmes de notre temps. La vérité est-elle en définitive une réalité ultime et
objective, fixe et immuable, ou une réalité malléable, flexible et subjective
?
Cette question est davantage qu’une note intéressante en fin de livre.
Elle est cruciale et mérite d’être examinée – spécialement de nos jours.
Notre génération mélange délibérément des traces de faits et la réalité avec
des éléments de mythe, de conjecture, de théorie, de fausseté, de fiction, et
d’impression, pour en former un brouillard épais et faire ainsi du concept
même de vérité une vapeur obscure et mystérieuse, sans réelle substance.
Certains de ceux qui préfèrent cette notion nébuleuse de la vérité
veulent nous faire croire que Jésus a précisément adopté cette approche
dans son enseignement. Ils prétendent que la principale raison pour laquelle
il a eu recours à la narration était de souligner l’impénétrabilité de la vérité
divine et de confondre ainsi l’arrogance et l’hypocrisie spirituelles de son
temps. Les pharisiens, par exemple, estimaient avoir parfaitement défini la
vérité, même s’ils ne s’accordaient pas avec les sadducéens pourtant sûrs
d’eux à cet égard. Par ses paraboles, Jésus aurait replacé le concept de
vérité là où il doit être, dans le domaine insondable du pur mystère.
C’est du moins ce que voudraient nous faire croire ceux qui se sont
largement abreuvé de l’esprit postmoderne de notre temps. Ils insistent sur
le fait que c’est une erreur de vouloir soumettre les récits du Seigneur à une
analyse pour en découvrir une interprétation précise, car cela reviendrait à
passer à côté du vrai but des récits. Selon eux, il vaut mieux apprécier et
admirer les histoires de Jésus, et les adapter à ce qui les rend plus
significatives pour nous. Dans cette façon de penser, comme les histoires
sont fondamentalement subjectives, nous devrions moins nous préoccuper
de ce que les paraboles signifient – et nous soucier davantage de trouver le
moyen de nous approprier les récits de la Bible*.
On m’a récemment montré un essai posté sur le Net par un auteur
anonyme (vraisemblablement un pasteur) qui a réinventé la parabole du fils
prodigue sous un angle féministe et a ainsi complètement modifié l’histoire.
Dans son interprétation libre, l’auteur nous encourage à voir dans le père un
patriarche distant qui, par sa négligence, incite son plus jeune fils à quitter
la maison. L’auteur anonyme nous informe solennellement (et sans gêne)
que cette nouvelle facette de l’histoire « change tout ». La demande
prématurée d’héritage du fils « peut refléter une tension ancienne et durable
au sein de la famille, [et] la vie dissolue du garçon traduit peut-être ses
efforts pour “acheter” l’affiliation et l’appartenance » auxquelles il aspirait
depuis longtemps, mais qu’il n’avait pas obtenues parce que son père l’avait
marginalisé par son insouciance. Loin d’être le récit d’un jeune homme qui
fait ses premières frasques, la vie dissolue du garçon devient un appel
désespéré à l’aide2.
Par ailleurs, en faisant remarquer que la parabole du fils prodigue que
raconte Jésus se termine sans solution, l’article du Net suggère que cette
absence « révèle la grande imprécision du royaume de Dieu ». Qui plus est,
la vraie fin de l’histoire « est la fin de mon histoire, de la vôtre, de celle de
n’importe qui – au-delà des rêves les plus fous ».
Dans une approche aussi subjective, les récits de Jésus deviennent des
jouets malléables que l’auditeur déforme au gré de ses humeurs. Tout le
message de Jésus devient versatile, subjectif et indéfiniment adaptable aux
besoins et aux préférences personnelles de chaque auditeur.
C’est aujourd’hui une façon très répandue de considérer l’enseignement
de Jésus : comme si ses paraboles étaient racontées principalement pour
créer une ambiance et créer le décor pour des millions de drames
personnels. On trouve normal d’admirer le décor, mais pas de mettre le récit
sous une lampe pour tenter de découvrir une signification objective ou
universelle. On nous encourage plutôt à reproduire l’expérience du récit
pour nous-mêmes en nous projetant dans l’histoire, ou en la racontant dans
nos propres mots, n’utilisant pour cela guère plus que notre imagination.
C’est ainsi que nous faisons des histoires de Jésus nos histoires. Tout
compte fait, il nous appartient de déterminer l’interprétation, la leçon et la
fin de chaque histoire.
Dans les cercles intellectuels contemporains, on définira une telle
approche comme une forme extrême de la « théologie narrative ». C’est une
expression très tendance utilisée pour décrire une grande famille d’idées
nouvelles sur la manière dont on doit interpréter la Bible (avec une
insistance particulière sur « l’histoire » plutôt que sur les vérités affirmées
par l’Écriture). La popularité de la théologie narrative a abouti à beaucoup
de discussions – et à énormément de confusion – à propos du rôle de Jésus
comme conteur. Que voulait-il faire passer dans ses narrations ? Pourquoi a-
t-il raconté tellement de paraboles ? Comment sommes-nous censés les
comprendre ? La forme narrative modifie-t-elle ou annule-telle les règles
normales d’interprétation de l’Écriture ?
Sur une échelle encore plus large, l’usage que Jésus fait fréquemment
des narrations constitue-t-il un argument valable contre l’approche
systématique que les chrétiens ont historiquement adoptée à l’égard de la
doctrine ? Avons-nous vraiment besoin d’analyser l’Écriture, de classer la
vérité par catégories, et tenter de comprendre la doctrine biblique selon une
certaine logique – ou suffit-il simplement d’apprécier les histoires et de les
embellir de nos propres intrigues et des conclusions réalistes de nos vies ?
Dit de manière toute simple : est-ce que le style didactique de Jésus est
vraiment incompatible avec nos affirmations doctrinales, nos confessions de
foi et notre approche systématique de la théologie ?
Ce sont là toutes des questions importantes, mais il n’est pas difficile
d’y répondre si nous acceptons d’emblée ce que la Bible elle-même dit de
l’usage que Jésus fait des paraboles.

Les histoires comme supports efficaces de la vérité

Jésus était passé maître dans l’art de raconter des histoires, mais il ne s’est
jamais servi de l’histoire pour elle-même. Chacune de ses paraboles avait
une leçon importante à enseigner.
C’est un fait primordial à garder à l’esprit, car il explique comment la
vérité (telle que nous comprenons le concept) est compatible avec la
narration. Même un récit de pure fiction n’est pas totalement incompatible
avec nos idées conventionnelles de la vérité – parce que de toute histoire
bien racontée se dégage une leçon. Et la leçon d’une bonne histoire est
censée être vraie (ou du moins un reflet fidèle de la vie à un certain niveau),
même si le récit lui-même présente un scénario totalement imaginaire.
Telle est la vraie nature des paraboles. C’est la raison principale pour
laquelle une leçon centrale est toujours la caractéristique la plus importante
de chaque parabole, et que nous devons nous focaliser sur elle au lieu de
chercher une signification cachée dans tous les détails périphériques du
récit. Dès lors que vous avez saisi la leçon centrale d’une parabole, vous
avez compris la nature de la vérité que le récit cherche à établir. La leçon
est parfois elle-même complétée ou embellie par d’autres éléments de
l’intrigue, par d’autres personnages et d’autres détails. Mais il est inutile de
chercher plusieurs strates de sens secrets ou de supposer qu’un symbolisme
plus profond ou une autre dimension de la vérité sont cachés dans les détails
accessoires de la narration. Comme nous l’avons signalé dans
l’Introduction, les paraboles ne sont pas des allégories pleines de symboles
du début à la fin. Elles éclairent une vérité importante – comme le fait la
morale d’une histoire bien racontée.
Ceci explique pourquoi la vérité vitale contenue dans une parabole est
définie et objective – et non une masse de pâte à modeler métaphysique que
nous pouvons déformer et reformer à notre guise. Souvenez-vous que
lorsque Jésus a commencé à se servir de paraboles dans son ministère
public, il était seul avec ses disciples et leur avait soigneusement expliqué la
parabole du semeur (Mt 13.18-23). Cette parabole avait une signification
claire, simple, unique, directe, sans détour et objective ; en la leur dévoilant,
il leur fit comprendre que toutes les paraboles pouvaient se comprendre
grâce à une méthode d’interprétation comparable : « Vous ne comprenez
pas cette parabole ? Comment donc comprendrez-vous toutes les paraboles
? » (Mc 4.13.) Il n’y a donc absolument aucune raison de présumer que la
manière dont Jésus utilise les paraboles indique que la vérité est tellement
enveloppée de mystère qu’elle est totalement inconnaissable.
Au contraire ! Comme nous l’avons indiqué au début de cet appendice,
Jésus s’est servi de paraboles dans le but de rendre certaines vérités claires
pour les croyants, tout en les enveloppant d’obscurité pour les incroyants.
Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi il procédait ainsi ?
En voilant la vérité aux incroyants, Jésus accomplissait vraiment un acte
de compassion ; en effet, plus ils entendaient et raillaient la vérité, plus ils
aggravaient leur cas pour le jugement dernier.
En utilisant les paraboles, Jésus prononçait également un jugement
temporel contre eux, car il scellait leur incrédulité opiniâtre en les privant
de la lumière de la vérité. Ils avaient en effet déjà endurci leurs cœurs :
Car le cœur de ce peuple est devenu insensible ;
Ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux,
De peur qu’ils ne voient de leurs yeux,
qu’ils n’entendent de leurs oreilles,
Qu’ils ne comprennent de leur cœur,
Qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse (Mt 13.15).
Désormais, leur incrédulité était irréversible. L’usage des paraboles par
Jésus éclairait cette réalité tout en servant d’avertissement pour les autres,
les encourageant à ne pas endurcir leurs cœurs, mais plutôt à chercher la
vérité.
Jésus déclare cependant à ses disciples : « Mais heureux sont vos yeux,
parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent ! » (v. 16). Il
indiquait ainsi clairement que les paraboles ont une signification objective
et que celle-ci peut être appréhendée. « Il vous a été donné de connaître les
mystères du royaume des cieux » (v. 11). Il révèle ainsi que les paraboles
contiennent une vérité spirituelle éternelle que quiconque a des yeux et des
oreilles spirituels peut voir, entendre et connaître.
Bien que les paraboles aient caché aux incroyants la signification qu’il
leur donnait, Jésus n’enfermait pas pour autant la vérité à jamais dans un
mystère désespérément impénétrable. En réalité, chacune des paraboles
dévoile et illustre la vérité. C’est une vérité vitale, intemporelle, immuable,
non frelatée et sans équivoque – et non quelque vérité éthérée ou
inaccessible. Loin de là, elle est suffisamment simple pour qu’en usant de
moyens ordinaires, tout croyant puisse en saisir une compréhension saine et
sûre.

La richesse de la vérité dans les paraboles de Jésus

Les histoires de Jésus étaient remarquables à la fois par leur simplicité et


leur nombre. Dans Matthieu et Luc, de nombreuses paraboles sont données
de façon rapide, en enfilade, avec peu ou pas de précisions et d’explications
intercalées entre elles. De longs discours qui ne contiennent presque rien
d’autre que des paraboles occupent parfois des chapitres entiers chez
Matthieu et Luc. (Par exemple, Matthieu 13 ; Matthieu 24.32 – 25.30 ; et,
bien évidemment, Luc 15.4 – 16.13.) Les sélections rapportées par Matthieu
et Luc étaient probablement des exemples représentatifs plutôt que des
catalogues exhaustifs des paraboles de Jésus. Il semble cependant
raisonnable de conclure que l’empilement des paraboles correspond d’assez
près au style didactique des discours de Jésus.
Jésus aimait visiblement enseigner en racontant des histoires plutôt
qu’en donnant une liste brute de faits à apprendre par cœur, ou en
présentant une information joliment classée de façon systématique. Il ne
faisait jamais preuve de raideur ou de pédanterie quand il enseignait ; il
adoptait le style informel de la conversation. Les paraboles contiennent des
personnages familiers et suscitaient parfois des émotions à fleur de peau. Ce
sont ces caractéristiques qui permettaient de se souvenir de la prédication de
Jésus, et non des listes soignées ou des allitérations subtiles.
Il ne s’agit là en aucun cas d’une observation nouvelle ; ce fait ressort
clairement du texte du Nouveau Testament, tout particulièrement dans les
trois Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Il saute d’ailleurs aux
yeux que les quatre Évangiles et le livre des Actes sont rapportés presque
entièrement sous une forme narrative. Dans certains milieux intellectuels, le
soudain débordement d’enthousiasme pour la « théologie narrative » ou la «
prédication narrative » pourrait faire croire à des étudiants que les savants
viennent de redécouvrir que la Bible regorge d’histoires. Lisez certains
livres et revues récents sur le sujet, et vous pourriez penser que l’Église a
été grandement maintenue dans l’ignorance (au moins depuis l’aube de
l’ère moderne) jusqu’à ce que des savants, lisant la Bible avec des lunettes
postmodernes, découvrent les véritables implications du style didactique
narratif de Christ.
En réalité, tout au long de l’histoire de l’Église, presque tous les
enseignants compétents, à commencer par les auteurs des Évangiles, en
continuant par les meilleurs Pères de l’Église primitive, jusqu’aux grands
commentateurs bibliques protestants des quatre derniers siècles, ont dûment
noté et fortement souligné la préférence de Jésus pour les méthodes
narratives.
Mais le fait que Jésus affiche une telle préférence pour les formes
narratives n’annule cependant pas le but didactique des paraboles, ni leur
contenu de vérités immuables qu’elles sont censées communiquer.
D’ailleurs, Matthieu 13.34,35 résume en termes très simples la juste
perspective concernant les paraboles et leur valeur de vérité : « Jésus dit à la
foule toutes ces choses en paraboles, et il ne lui parlait point sans parabole,
afin que s’accomplisse ce qui avait été annoncé par le prophète : J’ouvrirai
ma bouche en paraboles, je publierai des choses cachées depuis la création
du monde. » Il citait Psaume 78.2-4 qui décrit le but essentiel des paraboles
comme moyen de révélation, non d‘obscurcissement. Le seul contexte dans
lequel les paraboles voilent délibérément la vérité ou l’enveloppent dans le
mystère est celui de l’incrédulité volontaire et hostile.

Narrations et propositions

Dans cette discussion, nous devons encore examiner brièvement un sujet


vital et lié aux paraboles : allons-nous à l’encontre de l’enseignement
narratif de Jésus quand nous résumons les vérités apprises des paraboles et
quand nous les reformulons sous forme de propositions ?
Cette question est fréquemment soulevée par des personnes qui
s’inspirent de la postmodernité populaire. Elles conçoivent les narrations et
les propositions comme des catégories complètement distinctes –
pratiquement comme des moyens contradictoires de concevoir la vérité.
Pour reprendre les paroles d’un auteur : « L’évangile qui émerge dans cette
ère électronique transcende les propositions cognitives et les formules
linéaires pour embrasser la puissance et la vérité de la narration3. »
Dans cette façon de penser, la valeur de la vérité d’une narration ne peut
et ne doit pas se réduire à une simple proposition.
Les propositions sont les composantes de la logique. Elles sont
fondamentalement simples, pas complexes. Une proposition n’est autre
chose qu’une déclaration qui affirme ou nie quelque chose. « Jésus-Christ
est le Seigneur de tous » (Ac 10.36) est une proposition biblique classique
qui exprime l’une des vérités fondamentales de toute doctrine chrétienne.
En voici une autre : « Il n’y a de salut en aucun autre » (Ac 4.12). Le
premier exemple est une affirmation du caractère suprême et exclusif de
Jésus ; le second est une négation du contraire. Les deux sont des
propositions simples qui clament la même vérité biblique de base, mais de
façon légèrement différente.
La valeur de vérité de toute proposition est binaire : la proposition ne
peut être que vraie ou fausse. Il n’y a pas de juste milieu. C’est là que réside
le problème pour la pensée postmoderne : les propositions ne laissent place
à aucune ambiguïté.
Puisque la forme d’une proposition exige soit une affirmation soit une
négation, et que la pensée postmoderne préfère l’obscurité et le vague à la
clarté, il n’est pas étonnant que la notion même de vérité propositionnelle
soit tombée en disgrâce à notre époque postmoderne. En revanche, les
narrations sont perçues comme fluides, subjectives et pas nécessairement
emphatiques – à l’image de l’idée postmoderne de la vérité elle-même.
Il est donc de plus en plus courant de nos jours d’entendre les gens
afficher leur croyance que la marque de vérité incarnée dans les récits est
d’une nature totalement différente de la sorte de vérité qu’on peut exprimer
dans des propositions. Ils plaident généralement en faveur d’un concept
fluide, subjectif et ambigu de la vérité.
Adopter cette perspective revient à réduire la notion de vérité en
bouillie. La vérité ne peut s’exprimer verbalement ou être affirmée
formellement – même sous forme de narration – sans l’aide de propositions.
En conséquence, l’effort des postmodernes de séparer vérité et propositions
n’est rien d’autre qu’une façon de parler de la vérité, de jouer avec l’idée de
vérité, c’est faire semblant de s’intéresser à l’existence de la vérité – sans
avoir besoin d’affirmer que telle chose est vraie ou de rejeter telle autre
comme fausse.
C’est pourquoi l’Église s’appuie premièrement sur des credo et des
confessions de foi historiques qui regorgent de propositions. J’ai entendu Al
Mohler répéter à plusieurs reprises que si la notion biblique de vérité est
davantage que propositionnelle, elle n’est jamais moins. Il a parfaitement
raison. Ne considérons jamais l’usage que Jésus fait des histoires et des
paraboles d’une manière qui atténue l’importance de l’exactitude, de la
clarté, des faits historiques, de la saine doctrine ou des affirmations
propositionnelles de la vérité.
D’ailleurs, toutes les paraboles de Jésus ne sont pas des histoires
entièrement développées. Certaines des plus brèves furent exprimées sous
la forme de proposition explicite et simple. « Le royaume des cieux est
semblable à du levain qu’une femme a pris et mis dans trois mesures de
farine, jusqu’à ce que toute la pâte soit levée » (Mt 13.33). Ou : « Tout
scribe instruit de ce qui regarde le royaume des cieux est semblable à un
maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses
anciennes » (v. 52). Et : « [Le royaume de Dieu] est semblable à un grain de
sénevé qu’un homme a pris et jeté dans son jardin ; il pousse, devient un
arbre, et les oiseaux du ciel habitent dans ses branches » (Lu 13.19).
De plus, les propositions sont utilisées comme éléments de construction
dans chacune des paraboles que Jésus a racontées sous une forme
développée. Prenons par exemple la parabole du fils prodigue. La première
phrase : « Un homme avait deux fils » est une simple proposition. La phrase
de conclusion est, elle aussi, une proposition dépouillée : « Ton frère était
mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé » (Lu
15.11,32). Ce sont là des affirmations concernant des faits du récit plutôt
que la vérité centrale que la narration vise à communiquer ; mais elles
servent à illustrer qu’il est difficilement possible de communiquer une
vérité toute crue ou un récit complexe sans se servir de propositions. De
plus il est peut-être tout à fait impossible de penser à une vérité réellement
connaissable qu’il ne serait pas possible d’exprimer sous forme
propositionnelle.
Comme autre exemple, considérons une fois encore les trois paraboles
harmonieuses de Luc 15 (la brebis perdue, la drachme perdue et le fils
prodigue). La seule affirmation de Jésus quant à leur portée est la
déclaration propositionnelle simple suivante : « Il y aura plus de joie dans le
ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf
justes qui n’ont pas besoin de repentance » (Lu 15.7). Par un seul verset
succinct, Jésus réduit la leçon de tout le chapitre en une simple proposition.
Remarque : ce verset énonce une vérité qui est objective par définition.
Il décrit ce qui se passe dans le ciel quand une personne se repent. Il révèle
une réalité qui n’est en rien affectée par la perspective personnelle terrestre
d’un individu. Au contraire, c’est un fait qui est vrai quelle que soit la
manière dont une personne le perçoit. Il est vrai depuis le commencement,
avant même qu’une créature terrestre l’ait même perçu. C’est exactement ce
que nous voulons dire par l’affirmation que la vérité est « objective ».
Pourquoi tout ceci est-il important ? Parce que la vérité est
suprêmement importante et que l’Église d’aujourd’hui se trouve devant le
danger imminent de vendre son droit d’aînesse en échange d’une
philosophie postmoderne qui veut se débarrasser de l’idée même de vérité.
Sur ce point, nous ne pouvons pas nous permettre de céder. Soyons
prêts à soumettre notre esprit à la vérité de l’Écriture, et refusons
d’assujettir l’Écriture à quelque théorie ou spéculation qui sont actuellement
populaires dans le domaine de la philosophie séculière.
Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine
tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les principes élémentaires du monde,
et non sur Christ (Col 2.8).
Note de bas de page
* Dans La Guerre pour la vérité (Impact, 2010), j’ai répondu avec
plus de détails à la vague actuelle des influences postmodernes
parmi les évangéliques.
Notes

Introduction
1. Janet Litherhand, Storytelling from the Bible, Colorado Springs, Meriwether, 1991, p. 3, trad.
libre.
2. Eugene L. Lowry, The Homiletical Plot : The Sermon as Narrative, Louisville, Westminster John
Knox, 2001, p. xx-xxi, trad. libre.
3. John MacArthur, Ashamed of the Gospel, Wheaton, IL., Crossway, 2010.
4. Richard Esslinger, A New Hearing : Living Options in Homiletic Method, Nashville, Abingdon,
1987, description de l’éditeur, trad. libre.
5. Ibid., p. 11, trad. libre.
6. William R. White, Speaking in Stories, Minneapolis, Augsburg, 1982, p. 32, trad. libre.
7. Charles W. Hedrick, Many Things in Parables : Jesus and His Modern Critics, Louisville,
Westminster John Knox, 2004, p. 102, trad. libre.
8. Ibid., trad. libre.
9. Ibid., trad. libre.
10. Richard Chenevix Trench, Notes on the Parables of Our Lord, New York, Appleton, 1878, p. 26,
trad. libre.
11. Troisième partie : « Jésus illustre son Évangile », dans L’Évangile selon Jésus, John MacArthur,
Trois-Rivières, Éditions Impact, 2010, p. 160-217.
12. John MacArthur, A Tale of Two Sons, Nashville, Thomas Nelson, 2008.
13. Harvey K. McArthur et Robert M. Johnston, They Also Taught in Parables : Rabbinic Parables
from the First Centuries of the Christian Era, Grand Rapids, Zondervan, 1990, p. 165-166.
14. Simon J. Kistemaker, « Jesus As Story Teller : Literary Perspectives on the Parables », The
Masters Seminary Journal 16, n° 1, printemps 2005, p. 49-50, trad. libre.
15. Charles Haddon Spurgeon, The Metropolitan Tabernacle Pulpit, vol. 53, Londres, Passmore &
Alabaster, 1907, p. 398, trad. libre.

Chapitre 3 : Une leçon sur le coût du discipulat


1. Ruben Vives, « California Couple’s Gold-Coin Find Called Greatest in U.S. History », Chicago
Tribune, 26 février 2014, section A.
2. William Whiston, The Genuine Work of Flavius Josephus, 4 vol., New York, William Borradaile,
1824, vol. 4, p. 323, trad. libre.
3. Jacob Neusner, The Halakah : An Encyclopedia of the Law of Judaism, vol. 3 : Within Israel’s
Social Order, Leiden Brill, 2000, p. 57, trad. libre.
4. « Like a River Glorious », de Frances Ridley Havergal, 1876.
5. « Rock of Ages », Augustus M. Toplady et Thomas Hastings, « Rock of Ages, Cleft For Me »,
1775 ; 1830, trad. libre. A inspiré le cantique français « Roc séculaire, frappé pour moi ».

Chapitre 6 : Une leçon sur la justification par la foi


1. Kenneth Bailey, Poet and Peasant and Through Peasant Eyes : A Literary-Cultural Approach to
the Parables in Luke, Grand Rapids, Eerdmans, 1983, p. 394, trad. libre.
2. James I. Packer, dans James Buchanan, The Doctrine of Justification, Edimbourg, Banner of
Truth, 1961, réimpression de l’original de 1867, p. 2, trad. libre.

Chapitre 10 : Une leçon sur la persévérance dans la prière


1. Luc 15 fait l’objet de l’étude du chapitre 2 du livre A Tale of Two Sons, de John MacArthur,
Nashville, Nelson, 2008, p. 19-39.
2. Alfred Edersheim, The Life and Times of Jesus the Messiah, 2 vol., Londres, Longman, Green &
Co., 1896, vol. 2, p. 287.

Appendice
1. Cet appendice a d’abord été publié dans A Tale of Two Sons, de John MacArthur, Nashville,
Nelson, 2008, p. 199-211.
2. L’essai, intitulé « Check Out This Chick-Flick », a été posté de façon anonyme dans le blog de la
Première Église luthérienne Trinity (ELCA), Indianapolis, <
http://firsttrinitylutheran.blogspot.com/2007/03/check-out-this-chick-flick.html > (page consultée
le 2 juillet 2016).
3. Shane Hipps, The Hidden Power of Electronic Culture, Grand Rapids, Zondervan/Youth
Specialties, 2006, p. 90 (italiques pour souligner).
Index des sujets

A
abandon, 55
adultère, 201
agriculture au premier siècle en Israël, 52-53
aiōnios (éternel), 205
akantha (épines), 54
alliance, ancienne, opposée à la nouvelle, 200
amour de l’argent, condamnation de l’, 180
amour, 132-136
pour l’étranger et l’apatride, 125
Ancien Testament, observance du sabbat, 36
antiparerchomai, 124
argent, 179-180
amour de, 68-70
économe infidèle et, 189-191
athées, 64
avertissement
contre le péché impardonnable, 45-47
le riche et Lazare, 202-206

B
Bailey, Kenneth, 150
ballō (jeter, grec), 29
Barabbas, 96
béatitude, 32
Bethsaïda, condamnation par Jésus, 116
Bildad, 146
blasphème, 42, 45, 113
bon Samaritain, 32, 115-136
actions charitables, 130-132
Juifs et Samaritains, 127-130
la route de Jérusalem à Jéricho, 123
le sacrificateur et le Lévite, 123-127
bonne terre, 55, 70-73
brebis et boucs, 164
brebis perdue, 31
brigand sur la croix, 95-96
C
cadavres et vautours, 164
Caïphe, 213
Capernaüm, 25, 116
centuple, rendement au, 55
chasma (abîme), 207
châtiment éternel, 204
châtiment éternel. Voir aussi enfer, 204
chefs religieux, 120
cœurs endurcis, 63-64
en enfer, 198
réaction à la guérison opérée par Jésus, 44
Chorazin, condamnation par Jésus, 116
chronologie du ministère de Jésus, 42 cieux. Voir aussi royaume des cieux, 106-107, 176-177
clarté de l’enseignement de Jésus, 32-33
cœur
endurcis, 22-24, 25-26, 119-121, 235
imperméable à la vérité biblique, 63-65
importance de sa condition, 62
orienté vers Dieu, 194
réceptivité du, 61-62
superficiel, 65-67
collecteur d’impôts (publicain), 146
le pharisien et le, 141-142, 148-149
sa justification par Dieu, 158 comparaison, 27
compassion, 130
compréhension, désir de, 59
condamnation par Jésus, 116
confiance, abus de, 182
« cou raide », 63
croyants, idées concernant leurs devoirs de gérants, 191

D
damnés opposés aux sauvés, 161
débiteurs, remises consenties, 185-186
déclarations de vérité opposées aux histoires, 18-19
déconstruction du langage, 21
démoniaque, guérison, 43
démons envoyés dans un troupeau de pourceaux, 48
denier, 100
Dieu
comme juge, 226
comme maître de maison, 106
et justice, 204
objet central du cœur, 194
promesse de, 112
souveraineté de, 112
disciples
leur attention accordée à Jésus, 56-59
récompenses, 108-110
discipulat, son coût, 76
discours du mont des Oliviers, 164-165
divorce, 171, 201
dix commandements et le sabbat, 37-38
docteur de la loi, 146
doctrine et prédication, 17-18

E
« économe infidèle », 181
cœur réservé à l’argent ou à Dieu, 194-195
leçons sur l’argent, 189-191
tout appartient à Dieu, 191-193
économes, 183
économe infidèle, 181
Écriture
sa suffisance, 211
son autorité, 231
Edersheim, Alfred, 218n
egnon (je sais), 184
egogguzon (murmurer), 103
eis telos (sans cesse), 222
ekkakeō («se relâcher»), 225
éléments mineurs, 32
emporos (marchand), 83
endurance, 71
« enfants de lumière », 188-189
enfer
description qu’en donne Jésus, 201
description, 206-207
propre justice et, 201
réaction à la discussion sur l’, 203-206
ennemi, traitement, 120-121
esséniens, 140
Étienne, lapidation, 63, 138
étranger, traitement de l’, 124
être assez bon, 148
Évangiles synoptiques
paraboles dans les, 30
usage de parabole dans les, 28-29
exoutheneō (mépriser), 150
expiation, 145, 157, 204

F
fables d’Ésope ou de La Fontaine, 29
femmes (les) dans les tribunaux au premier siècle, 220
fidélité, 163-178
figuier, 30n
fils prodigue, 27, 232, 240
foi salvatrice, 90
foi superficielle, 66-67
foi, 90-91, 141
superficielle, 66-67
foules, leur grandeur, 51
fruit de l’Esprit, 71
fruit, 67

G
générosité, 101, 189-190
gestion élogieuse, 192
glanage, 39
grâce, 97-99, 122, 142, 147
besoin de, 201
pour les ouvriers dans la vigne, 105-107, 110
grain de sénevé, 30n, 239
grain, cueillir des grains considéré comme travail, 39
grand sanhédrin, 218
guérison, 43-45
le jour du sabbat, 39-40

H
haberim (associés), 110
Harmaguédon, 223
hilaskoti moi (expiation), 157
Hillel l’Ancien, 30
histoire et paraboles, 19-20
homme riche, réponse à l’économe infidèle, 187
huile d’olive, 130
hup piaz (grec pour « coup de poing juste sous l’œil »), 222
hypocrisie, 198

I
impureté, 150
incroyants, 25-26
la signification des paraboles cachée aux, 235
le jugement porté par Jésus sur les, 23
leur description par Jésus, 22
individu et entrée dans le royaume, 87-88
intérêts mondains, 67-70
interprètes des paraboles, 20
Israël (au premier siècle)
agriculture, 52-53
mariage, 170-171
tribunaux religieux, 218
ivraie, parabole de l’, 60

J
jalousie, 103
Jean Hyrcan, 129
Jean-Baptiste, 137-138
Jéroboam, 129
Jérusalem, Josèphe sur les suites de la destruction romaine de, 81
Jésus
contre les pharisiens, 39-42, 138, 198-200
description de l’enfer, 197-198
explication pour l’usage des paraboles, 21-22
questions pièges des chefs religieux, 116-119
sacrifice de, 145
style didactique de, 236-237
vérité dans les récits de, 234-236
jeune homme riche, 70, 107-108, 117, 146
jeûne, 155
joie, 32
le royaume comme source de, 88
Jonas, 212
Josèphe, à propos de la destruction de Jérusalem par les Romains, 81
jouissance égoïste coupable, 193
« Journée chargée », 48n
Judas Iscariot, 70, 95-97
juge inique, 217, 218-220
changement d’avis, 222
le dilemme de la veuve, 220-222
sens de la parabole, 223-228
jugement, paraboles et, 235
juges. Voir aussi juge inique corruption, 219
Juifs et Samaritains, 127-130
justice, 120, 143, 144
des pharisiens, 139
et Dieu, 204
satisfaction de sa, 147
justification par la foi, 90, 137-161

K
Keri’at Shema, 118

L
Lazare (ami de Jésus), 212-213
Lazare. Voir aussi l’homme riche et
Lazare, 208-209, 211
le riche et sa conception de, 212-213
Le voyage du pèlerin, 29
Les commentaires bibliques, de MacArthur, 27
les derniers seront les premiers, 104-105
levain, 15, 239
loi, 143-145, 200-201
condamnation de la, 78
les pharisiens et la, 139-140
« lumignon qui fume », 41

M
maître de maison, 164
mammon (richesses), 190
mariage (en Israël au premier siècle), 171-172
mashal (proverbe, en hébreu), 28
mauvais œil, 103
méchants vignerons, 30n
méchants, vengeance de Dieu contre les, 224-225
Messie, Jésus comme, 40
métaphore, 27
Midrash, 30
miracles, 44, 213 Voir aussi guérison
mise à l’épreuve de la foi, 66
miséricorde, 97-98
Mohler, Al, 239
Mont Garizim, temple samaritain sur le, 129
mystère
dans les paraboles, 26
Jésus à propos du, 57-58

N
narrations, 238-239
de Jésus et leur utilisation pour enseigner, 15, 229
opposée aux sermons, 16-17
signification objective opposée à l’interprétation, 19-20
Nazareth, enseignements de Jésus sur, 25
Nicodème, 117
noms, 209
non-Juifs, 57
nouvelle alliance opposée à l’ancienne, 200

O
œuvre divine, 148
œuvres humaines, 148
oikodespotes (maître de maison), 99
ouvriers dans la vigne, 98-104
contexte de la parabole, 104-105
leçon spirituelle, 105-107

P
Packer, J.I., 160
para (à côté, en grec), 29
parabolē, 28
paraboles
définition, 29
en découvrir la signification, 233
généralités, 26-33
interprétation, 230-231, 234
mauvaise compréhension des, 16
parabole ou histoire? 18-19
premiers usages, 48
valeur mnémotechnique, 23
vérité dans les, 236-237
pardon, 45, 106, 143
Parole de Dieu, 62
comme semence, 59-60
réaction du monde à la, 225
Paul, 138-139
conversion, 89
péché impardonnable, avertissement contre le, 45-47
pécheurs
justification des, 143
l’appel de Dieu aux, 112
leur prudence, 188
perle de grand prix, 83-84
persévérance, 71
Petit catéchisme de Westminster, 90
petit sanhédrin, 218
pharisien et collecteur d’impôts, 141-142, 148
analyse de la parabole, 149-150
contrastes, 151-155
posture, 152-153
statut social, 151
prières, 154-155
principale différence, 156-158
ressemblances, 155-156
pharisiens, 35, 137, 139-141, 231
blasphème des, 46-47
conflit de Jésus avec les, 39-42, 138, 198-200
et le sabbat, 35-39
la justice des, 139
leur besoin de signes, 212
phronimos (prudemment), 187
phylactères, 199
piété, mystère de la, 58
planifier et vivre par la foi, 173
portier, 30n
postmodernisme, 19n
prédication, crise dans la, 17-18
préparation, états de, 61
prétérisme, 165
prières, 215-228
exaucement différé, 216
persévérance dans les, 223
prochain, identité du, 120
promesse de Dieu, 112-113
propositions, 238-240
propre justice, enfer et, 201
prospérité, 55

R
récompenses, 176
rédemption (rachat), 79, 134
et ressentiment, 97
sabbat et, 37
repentance, 156
responsabilité devant Dieu, 191
résurrection, 18
réaction des pharisiens, 213-214
retour de Christ. Voir Seconde venue
riche (le) et Lazare, 180, 201-202
en guise d’avertissement, 202-206
personnages, 206-209
supplication et réponse d’Abraham, 209-212
richesse, et entrée dans le royaume, 78, 180
richesses matérielles, 68-70
Roboam, 72
Rome, ses juges municipaux, 219
« roseau froissé », 41
route de Jérusalem à Jéricho, 123
royaume des cieux, 15, 48, 76-77, 173-174
comme trésor caché, 86-87
coût ou gratuité, 77-80
découverte accidentelle ou intentionnelle, 88-89
d’un prix exorbitant, 84-86
l’obstacle des richesses, 180 source de joie, 88
vérités le concernant, 84-93
S
sabbat
guérison le jour du, 39-40
les pharisiens et le, 35-39
perspective chrétienne sur le, 3n
sadducéens, 140
Saint-Esprit, 26
salaire des ouvriers journaliers, 100
salut, 111-112
comme don, 110
prix du, 79
théologie juive du, 142
Samaritains
et les Juifs, 127-130
la Samaritaine au puits, 89
leurs ancêtres, 127-128
Sanballat, 128
sanhédrin, 218
Satan, 64, 206
Saul, lapidation d’Étienne, 138
sauvés (les) et les perdus, 161
seconde venue, 168, 172, 223-224, 227
cadre temporel, 169
jugement, 225
parabole du juge inique et la, 226
paraboles sur la, 177-178
prédictions, 165
travailler en attendant, 174-175
Sédécias, 63
semence dispersée, dans Marc, 30n
semeur, 48, 52-56, 235
condition du cœur, 63-73
dans Marc, 30n
explication, 59-73
sermon sur la montagne, 24, 163-164
sermons, opposés aux histoires, 16
serviteur (le) fidèle et le serviteur méchant, 164, 166-168
serviteur infidèle, 180-195
serviteurs
infidèles, 180-195
sage et méchant, 164, 166-168
sol du chemin, 53
sol pierreux, 54
sol, couvert d’épines et de végétation
sauvage, 54-55, 68-70
sola fide, 141
sols, types de, 53-55
souffrance, malédiction divine, 208
souveraineté, de Dieu, 112
statut politique, crainte des pharisiens de le perdre, 40
Stott, John, 204n
surérogatoires, œuvres, 155
symbolisme, 22, 31, 230

T
talents, 164, 173-178
définition, 175-176
tempête, calmée, 48n
temple, sa reconstruction, 128
temps de Dieu opposé à celui des humains, 224
tentation, 66
théologie narrative, 233, 237
théorie de la critique du lecteur, 21
travaux interdits le jour du sabbat, 38
Trench, Richard, 23
trésor, 191
parabole du trésor caché, 80-83
tribunaux religieux en Israël, 218

V
vérité, 25, 203, 230, 231
dans les paraboles, 236-237
histoires comme supports de la, 234-236
son importance, 240
subjective, 19n
vie éternelle, 76, 106, 117-118, 135
vierges (demoiselles d’honneur), 164, 168-172
vigne, les ouvriers dans la, 98-104
but, 107-110
contexte de la parabole, 104-105
leçon spirituelle, 105-107
principes de la parabole, 110-113

Z
zélotes, 140
Index des références bibliques

Genèse
2.1-3 36
3.17-19 37,55
15.6 144
18.25 226
22.8 158
26.12 55

Exode
20.9-11 38
22.22-24 221
23.4,5 124
23.7 144
32.9 63
33.19 97
34.6,7 97

Lévitique
16.29-31 155
17.11 158
19.2 143
19.13 102
19.18 118,120,124
19.33,34 124
27.30 140

Nombres
15.38,39 199

Deutéronome
6.4,5 118
8.18 69
24.14,15 102
24.14 221
1 Rois
14.16 129

2 Rois
17.14 63
17.22 122

2 Chroniques
12.14 72
19.5-9 220n
36.12 63

Esdras
4.1-5 128

Néhémie
4.2 128
13.15-22 38

Job
8.3 226
25.4 146

Psaumes
24.1 192
49.7-9 79
51.12 73
55.17,18 215
78.2 28
78.2-4 237
98.9 227
104.24 192
121.4 37n
126.5,6 60
129.6 65
129.7 65

Proverbes
1.7 64
3.9 194
4.23 153
17.15 144
18.2 64
21.13 124
25.15 122
27.24 190

Ecclésiaste
4.8 37
5.18,19 69

Ésaïe
1.17 221
9.6 85
40.28 37n
42.1-4 41
53 145
53.7 96
55.1 79
55.6 87
55.11 60
58.13 36
64.5 78,156,200
66.24 204

Jérémie
4.3 72
17.9 153
17.21-27 38
19.15 63
31.33 73

Ézéchiel
17.2 28
18.20 157
20.49 28
24.3 28
36.25-27 73

Osée
2.10 69
11.4 87

Michée
6.8 124

Nahum
1.3 144
Aggée
2.8 192

Malachie
2.16 201

Matthieu
3.7,8 137
4.23-25 44
5 163
5.3 77,78,226
5.20 143,160,199
5.21,22 144
5.27,28 144
5.29,30 24
5.43 120
5.44 121,125
5.48 78,133,143
6.5 152
6.10 77
6.19-21 180,191
6.22 24
6.24,33 179
6.28,29 24
7.3-5 24
7.6 84
7.7,8 84
7.7-11 215
7.13,14 198
7.21-23 198
7.23 172
7.24-27 24
8.12 167,207
8.28-34 48
10 164
10.16 179,190
10.37-39 92
11.11 77
11.25,26 24
11.28 37n
12 39
12.1,2 39
12.8 40
12.10 40
12.14 41,44
12.15,16 41
12.18-21 41
12.22 43
12.22-37 42
12.23 45
12.24 45
12.25 199
12.30 178
12.31 45,46
12.32 45,47
12.33 67
12.33-37 200
12.34,37 47
12.38-40 212
13 164,236
13.1,2 51
13.3 48
13.8 55
13.10-15 22
13.11 35,229
13.15 235
13.16 236
13.16,17 59
13.18-23 235
13.22 68
13.23 70,71
13.24-30 61
13.33 15,239
13.34,35 48,237
13.37 60
13.38 230
13.41 77
13.44 80,88
13.44-46 80,180
13.45,46 83
13.52 239
15.14 24n
15.15 27
15.19,20 199
16.6,11,12 198
16.24 88,92
16.28 77
18 164
18.13 31
18.23 206
19 104
19.16 107,146
19.20 108,146
19.21 189
19.22 70
19.22,25-27 108
19.23,24 180
19.24 77,78
19.27 108
19.28,29 109
19.30 104
20.1-15 98
20.2 103
20.4 101
20.7 102
20.8 102,105
20.13-15 103
20.15 99
20.16 104
20.20,21 110
21.22 216
21.31,32 151
21.33 206
22.13 167,207
22.29,30 177
22.37-40 108
23.3 139
23.4 36
23.5 139
23.13-15,23,25,27,29 198
23.23 140,199
23.24 141
23.25-28 199
23.27,28 141
23.32 199
24 – 25 164,224
24.3 164
24.6,7 165
24.29 165
24.32 – 25.30 236
24.36 224
24.42 165,168
24.44 178
24.45-51 166,187
24.48 167
24.50,51 186
24.51 177
13 164,170
25.10,12 172
25.13 165
25.14-30 174,187
25.15 175
25.16,17 175
25.18 81
25.18,19 176
25.21,24 176
25.24,25 177
25.30 177,207
25.35-40 189
25.46 204,205
27.38 96
27.44 96
28.11 214
28.12-14 214
paraboles dans, 31

Marc
2.17 43,112,147
2.19,20 30n
2.21,22 30n
2.23 – 3.5 42
2.27 39
3.10,11 43
3.22 44
3.27 30n
4.8 55
4.10 57
4.10-12 230
4.11 77
4.13 235
4.19 68
4.20 71
4.21 30n
4.26-29 30
4.33,34 16,25,48
4.35 48
5.1 48
7.17 28
7.21-23 153
9.35 105
9.43-48 197
9.48 204
9.50 30n
10.23 77
10.24 78,179
10.43,44 105
11.25 152
12.37 40
13.32-37 163
13.35 178
14.21 96
paraboles dans, 30n

Luc
2.52 224
3.7,8 137
4.13-27 25
4.14 47
4.23 28
4.31-37 25
6.1-11 42
6.5 37n
6.6 40,42
6.10,11 46
6.20 77
6.38 191
6.39 24
7.28 77
7.34 151
7.39 149
7.41 206
8.4 51
8.5-8 52
8.8 51,56
8.9,10 57
8.10 58
8.11 230
8.11-15 60
8.12 61,63,64
8.13 65,66
8.14 68,70
8.15 61,70
8.18 49,57,59
9.1 25
9.23 75
9.57-62 91
10.7 102
10.10-12 116
10.13-16 116
10.23,24 32
10.24,25 128
10.25 117,132,146
10.26 118
10.27 118,133
10.28 119,133
10.29 120,146
10.30 123
10.30-37 115-136
10.31 123,124,206
10.33 127,129,130
10.34 32
11.2 225
11.42 140
12 31
12.1 198
12.16-21 180
12.34 192
12.35-37,44 177
12.48 22
13.6 206
13.19 239
13.24-28 172
13.28 167
13.29 209
13.30 105
14.16 206
14.28 92
14.28-30 173
15 217,240
15.2 149
15.4-7 230
15.4 – 16.13 236
15.6 31
15.7 67,240
15.11 206
15.11,32 240
15.16 32
15.17-19 222
16 180-195
16.1 182,183
16.1-8 181
16.2-4 184
16.6 186
16.6,7 183
16.8 181,187,188
16.9 189,190,194
16.10 191
16.10-12 194
16.11,12 193
16.13 69,194,200
16.14 195,200
16.15 120,200
16.16-18 200
16.18 201
16.19 207,208
16.19-31 202
16.20 206
16.22,23 209
16.26 207
16.29 211
16.31 212
17 217,223
17.20 86
17.20,21 76
17.22 216
17.22-37 217
17.26 217
17.37 217,223
18.1 217
18.1-8 216
18.2 218
18.2,4,6 219
18.3 221
18.4 221,222
18.4,5 222
18.7,8 225
18.8 226,227
18.9 120
18.9-14 141,142
18.11 152
18.11,12 154
18.13 152,155
18.14 146,158,159
19.11-27 174
19.12-27 180
19.17-19 177
20.9 206
20.9-16 180
20.47 199
21.36 223
22.24 110
22.29,30 177
23.11 150
23.19 96
23.41 96
23.43 107
23.48 153
24.44 211
28.23 211
16.1-8 180,181
paraboles dans 31
Jean
1.10,11 87
1.29,30 137
3 117
3.3 86
3.16 117
3.18 45,167
3.19 65
3.36 135
4.1-3 138
4.14 117
4.20 129
5.19 47
5.22 47
5.24 46,118
5.30 47
6.15 45
6.44 87
7.47-49 149
8.28 47
8.31 66,71
8.44 64
8.48 129
9 89
9.4 111
9.34 149
10.27,28 135
10.39,40 99
11.25,26 117
11.26 135
11.43,44 213
11.45,46 213
11.46-53 138
11.47,48 46
11.47-53 213
11.48 40
12.5 97
12.6 70
12.9 46
12.10 213
12.26 177
12.36 188
12.46-48 214
13.4-17 110
13.29 95
14.2 110
15.2 72
15.11 88
15.26 47
16.8 72
16.14,15 47
16.24 88
16.30 224
18.36 76
19.30 79
21.17 224
absence de paraboles dans 30
sermons publics dans 25

Actes
1.6 109
4.12 238
4.16 46
7.51 63
7.58 – 8.1 138
8 89
10 89
10.34 111
10.36 238
10.38 47
15.14 226
16.30 146
17 89
23.6 138
23.8 140
26.10 138

Romains
1.13 71
1.16 214
2.28,29 88
3.11 87
3.20 119
3.25 145
3.26 98,143,147
4.1-12 144
4.5 98,147
4.6 147
5.1 158
5.5 73
5.6-8 134
5.10 134
6.23 97,157
8.7 86
8.7,8 72
8.11 72
8.17 110,167
9.4 208
9.6 87
9.14 95,98
9.15 98
9.18 98
10.3,4 147
10.17 212
13.11 169
14.5 37n
14.17 88
15.13 88
16.26 205

1 Corinthiens
1.26 226
1.26-31 112
2.7,8 26
2.9,10 26
2.10 72
2.11,14 86
3.8 176
3.15 111
4.7 192
7.29,31 169
7.31 190
9.27 222
10.31 193
12.13 91
15 18
15.58 227
16.22 88,227

2 Corinthiens
2.11 64
3.3 73
4.1,16 225
4.4 87
4.18 193
5.8 107
5.11 206
5.21 79,145
7.10 156
11.14,15 64
Galates
2.16 119
3.9 144
3.28 111
5.14 115
5.22,23 71
6.9 225

Éphésiens
1.7 106
2.2 126
2.8,9 79,161
2.10 72
3.5 57
3.13 225
3.20 112
5.5 77
5.6 126
5.8 188
6.19 57

Philippiens
1.11 71
2.13 112
3.5,6 138
3.7,8 85
3.8 89
3.20 76,188
4.4 88
4.5 168

Colossiens
1.23 66
2.8 241
2.16 37n
3.1 193
3.2 188
3.6 126
4.3 57

1 Thessaloniciens
1.10 227
5.5 188

2 Thessaloniciens
1.9 207
3.13 225

1 Timothée
1.15 78,155
3.16 58
5.18 102
6.7 193
6.9,10 69
6.10 78
6.10,11 180
6.17 70

2 Timothée
2.12 167

Tite
2.12,13 168
3.4-7 137

Hébreux
3.14 66
4.4-11 36
4.10,11 37n
4.15 224
5.2 124
7.25 113,136
7.26 134
9.9 28
9.22 158
10.14 79
10.37 168
11.19 28
13.15 71

Jacques
1.8 68
1.17 113
1.18-21 60
1.24 136
1.27 130
2.10 78,144,201
2.13 124
4.4 69
4.6 161
5.7,8 227
5.8,9 168
5.16 215

1 Pierre
1.4 85
1.10-12 59
1.18,19 79
1.23 212
1.23-25 60
4.7 169,190
5.5 161
5.10 205

2 Pierre
2.17 207
3.3,4 167
3.8 224
3.8,9 226
3.8-10 169
3.10 191
3.18 92

1 Jean
1.4 88
1.9 45,97,143
2.15 69
2.17 189
2.19 67
5.6 47
5.14,15 216

Jude
13 207

Apocalypse
3.11 168
3.17 112
3.21 167
4.10,11 204
6.10 227
7.9 226
11.15 77
14.10,11 204
19.15 223
19.21 223
20.1-7 77
20.6 167
21.1-8 41
22.7 168
22.11 211
22.12,20 168
À propos de l’auteur

Depuis 1969, John MacArthur est pasteur-enseignant de la Grace


Community Church, une Église de Sun Valley, en Californie. Son ministère
de prédications par exposition est sans égal par son étendue et son influence
; durant les quatre décennies de ministère dans la même Église, il a exposé
verset par verset tout le Nouveau Testament (ainsi que plusieurs sections
clés de l’Ancien Testament). Il est président de l’université et du séminaire
The Master’s. On peut l’entendre chaque jour à l’émission de radio Grace
to You (retransmise sur des centaines de stations radio à travers le monde).
Il est l’auteur d’un certain nombre de bestsellers, notamment La Sainte
Bible avec commentaires de John MacArthur et L’Évangile selon Jésus.

Vous aimerez peut-être aussi