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La Révolution Française (l’après)

Comment a-t-elle affecté la manière dont les historiens écrivent l’histoire ? L’historiographie de
la révolution française.

1. Georges Lefebvre (1874-1969)

En 1951, il synthétise un demi-siècle de ses recherches et de ce qui fut fait les décennies
précédentes par les historiens. Il est confluent de deux traditions de gauche :

● la mythologie libérale et républicaine (1789 = moment fondateur de la modernité, libère les


individus). Ce courant est officiel car dès 1870, les républicains sont au pouvoir et développent
l’enseignement de l’histoire scolaire et supérieur.

● l’histoire socialiste de la révolution française qui remonte à Jaurès (historien amateur mais
brillant, et socialiste ; il s’opposait au socialisme de Guesde). Ce que Jaurès fit en politique, il le
fit aussi en histoire : il faut marier la tradition républicaine et marxiste, en mettant en avant la
lutte des classes, expliquant que la révolution sort des progrès du capitalisme via une poussée
des forces productives au XVIIIe siècle. La révolution serait fille non pas de la misère mais de
l’essor économique, et elle est inévitable. Selon lui, la révolution amène la liberté. Cette
révolution bourgeoise a anticipé la révolution par laquelle le prolétariat allait s’emparer du
pouvoir selon lui.

Dans l’œuvre de GL, ces deux traditions se fondent notamment à cause du contexte, du
développement du scolaire et du paysage politique. Revue rapide de l’opposition:

2. Hippolyte Taine

S’il y a aussi un courant historiographique de la révolution conservateur, contre-révolutionnaire


puissant et hâtif, il convient de ne pas oublier certains ouvrages comme celui de Taine sur la France
révolutionnaire. Il la trouve brutale et est choqué par le double choc de la Révolution et de la
commune de Paris. Il écrit Les Origines de la France contemporaine en 1875, car pour lui la révolution
s’appuie sur des principes abstraits totalement inapplicables, qui mènent à l’anarchie et ne peut finir
que par une dictature militaire qu’est Napoléon. La révolution est à l’origine d’un déclin français
irrémédiable.

3. Renan / Maurras

Admiré par la gauche, il est assez d’accord avec Taine sur ce point. Ce n’est pas un réel
admirateur de la IIIe république. Son œuvre a inspiré par la suite celle de Maurras.
Dès les années 1870 et durablement, tout le courant nationaliste en France est convaincu que
le pays est en déclin, ce qui n’est pas nécessairement faux démographiquement et économiquement
face à ses voisins (maladies, mortalité infantile, etc). Tout ce courant naturellement pessimiste est
conforté par la situation. Il reste actif tout au long du XXe siècle, même avec des historiens extérieurs
au monde universitaire, comme:

4. Pierre Gaxotte

Historien de talent de la France de l’Ancien Régime, extérieur au monde universitaire.

5. François Bluche

Inspiré de ce courant contre-révolutionnaire, cet universitaire reprend ce courant d’opposition,


qui reste toujours marginal.

En revenant à Lefebvre, sa conclusion, comme celle de Jaurès, la Révolution c’est un


processus par lequel la bourgeoisie éclairée s’empare du pouvoir au dépit d’une monarchie délirante
et d’une aristocratie archaïque. La révolution égalitaire par le prolétariat est à venir. Cet édifice
intellectuel va rester dominant jusqu’en 1980. Mais un ébranlement se fait ressentir dès les
années 50, via des travaux étrangers à la France. Il y avait des enjeux idéologiques assez
importants, la remise en cause ne pouvait fondamentalement venir que de l’extérieur.

La remise en cause peut sembler porter sur un détail:

6. Jacques Godechot et Palmer

On insiste sur la Révolution française mais on devrait la replacer dans un cadre plus large
(révolution belge, indépendance américaine). Il veulent la replacer dans le cadre d’une révolution
atlantique, euro-atlantique. Cela déclenche une polémique : on les accuse de réduire l’originalité de la
révolution française. Le pacte atlantique date de 1949, on les accuse de faire cette idée en ce sens.

7. Cobban

Il opère une remise en cause de l’orthodoxie révolutionnaire de l’étranger, et reproche à


Lefebvre d’être un peu simpliste de l’ordre du sociologique (pas du social). Selon lui, on ne voit pas la
montée en puissance du capitalisme. Pour lui, la France des années 1780 n’est pas encore capitaliste:
les grands acteurs révolutionnaires ne sont pas capitalistes, c’est surtout une révolution de la basoche.
Pour lui, une multitude de micro-conflits forment ensemble l'événement révolutionnaire.

8. Doyle

Il revient sur les origines de la révolution. Pour lui, l’interprétation classique donnée a souvent
été trop mécanique (montée de la bourgeoisie qui remplace une aristocratie déclinante et une
monarchie archaïque). Pour Doyle, cette bourgeoisie, on la voit en fait très peu, et la monarchie s’est
plus effondrée elle-même plus qu’elle ne fut renversée. Pour lui, c’est un accident, et de cet
accident est né une classe nouvelle : ce n’est pas la cause de la révolution mais sa conséquence,
l’ancien régime s’est effondré et un groupe d’hommes (classe nouvelle) a rempli ce vide. Cette
catégorie ne correspond nullement aux volontés des français, d’où la multiplication des promesses
contradictoires et une tendance à la radicalisation qui aboutira aux guerres étrangères, la France qui
attaque. Les luttes internes aboutissent à la victoire de Bonaparte. C’est une autre interprétation qui
peut-être aussi contestable. Il y a une remise en cause de la centralité de la révolution dans
l’émergence de la France moderne.

Quelles sont les conséquences de la révolution pour les historiens ?

Du point de vue de l’historien, l’un des éléments fondamentaux est la nécessité de revenir aux
archives, revenir aux documents et les examiner de près avant de présenter des schémas
anachroniques. La révolution industrielle date de la monarchie de Juillet (1830-1848) et non pas de la
révolution. Cela vaut pour d’autres thématiques: la ville qui accroît encore à la révolution sa domination
face aux ruraux.

Elle perturbe gravement le travail des historiens : la formation s’interrompt pendant une
dizaine d’années (fermeture des collèges, met fin au universités).

Cela permet aux allemands de dominer le travail historiographique pendant l’essentiel du XIXe
siècle.

Les historiens français du premier XIXe siècle vont être des autodidactes, qui apprennent par
eux-même leur métier d’historien : ils ne sont pas tenu par les anciennes routines, mais un certains
nombres de pratiques ne sont pas maîtrisées (comme Michelet, qui a un manque de neutralité sur
Louis XIV par exemple).

La révolution fait disparaître un grand nombre de documents : c’est dû à la Grande Peur


(juillet-août 1789), destruction par les paysans de nombreux documents (chartiers), les
établissements religieux ferment. Les fonds d’archives et bibliothèques sont dispersés/détruits. Mais il
y aura un effort pour la conversion de ces fonds jusqu’à la monarchie de Juillet, important pour la
conservation de ces documents.

9. Le cas du Parlement de Flandres

Situé à Douai, il sera remplacé par la cour d’appel à la révolution. Il a plus de 500m linéaires
d’archives. Elle se considère comme propriétaire des fonds. Lors de la monarchie de Juillet, il y a un
intérêt considérable pour les archives : on construit des bâtiments spécialisés pour la conservation
des archives, mais le Parlement de Flandres refuse d’octroyer les siennes. → Archives Départementales du
Nord. Cela sera fait au terme de longues négociations (1830-1848). Les fonds furent mis à l’abri dans les caves
de la Prison Gloss, lors des bombardements de Lille pendant la 2nde GM.

La Révolution fait aussi changer la conception du temps : la révolution est une rupture, il y a
un ancien et un après. On désigne désormais la période antérieure comme l’Ancien Régime. La
Charte renoue la chaîne des temps.
Parallèlement, l’intérêt pour le Moyen-Âge et les monuments médiévaux renaît: notamment
avec Voltaire partisan de la réhabilitation des templiers (erreur judiciaire).

La Révolution essaie surtout de mettre en place un nouvel enseignement de l’histoire qui


sera un échec. Cet intérêt pour l’histoire est un peu paradoxal, les révolutionnaires n’étant pas
exactement des hommes des Lumières, ils pensent que l’histoire ne prouve rien. L’histoire est
clairement téléologique (vers une fin) vers la Révolution qui voit le triomphe des droits de
l’Homme (Condorcet). Elle représente quasiment la moitié du programme → cela ne marche pas, notamment la
Révolution ne parvient pas à stabiliser le système scolaire.

Le XIXe siècle

Les historiens écrivent beaucoup sur la révolution tout au long du XIXe siècle, autant français
qu’étrangers, mais à la fin du XIXe, l’Empire remplace la Révolution.

1. Carlyle

Il cite deux exemples : Frédéric II et Mahomet. Pour lui, l’histoire des héros est
fondamentale. Cela aboutit à la rédaction de nombreuses biographies présentées comme des
modèles. Il y a des grands hommes, comme Charlemagne. Ainsi, on peut faire l’histoire du peuple,
mais des personnages incarnent le peuple.

Il s’agit aussi de consolider l’identité nationale dans le cadre du XIXe siècle, en s’appuyant
sur les nations et leurs histoires. L’histoire est au service de la construction nationale.

Avec Renan et la révolution belge, on a aussi la construction de l’identité belge : elle se crée au
début des années 1830, d’influence française mais en tant qu’état indépendant pour éviter un conflit. Il
s’efforce de représenter une conception intellectuelle reliant la Belgique à un passé aussi
lointain que possible. On utilise César (les belges les plus courageux de tous les gaulois).

3. Pirenne

Il s’efforce de montrer que la Belgique n’est pas un hasard. L’union des flamands et des wallons
est le fruit d’une convergence multiséculaire, ce n’est pas un hasard.

Il en va de même pour les Roumains et la Roumanie, et la Grèce moderne issue de l’Empire


ottoman : on multiplie les prénoms classiques que l'on rattache à un passé antique glorieux.

Le XIXe siècle est-il le siècle de l’histoire ?


4. Michel Foucault

Il pense que pour chaque période, il y a un concept qui permet de décrire l’histoire, de classer.
Selon lui, le XIXe siècle est différent. L’épistémè (ensemble de connaissances réglées propres à
un groupe social, à une époque) du XIXe siècle, c’est l’histoire qui régit la conception du temps.

5. Darwin

Il pense la biologie comme Histoire, cela donne l’évolution.

6. Marx, Hegel

On pense la politique comme histoire, qui est censée aboutir à un schéma.

En 1874, la production historique, c’est 10 % de la production éditoriale totale, mais 1/3 relève
de la littérature. Entre 150 000 et 200 000 pages d’histoire sont publiées chaque année. Au XIXe
siècle, il y a plutôt un recul de la production historique. Dans l’absolu, on produit plus de livres,
mais la part de l’histoire dans la totalité de la production de livres, il y a un recul par rapport à avant.

L’Histoire passe après la littérature tout comme elle passait après la religion auparavant
(hagiographie etc). Elle est toujours mêlée aux disciplines mais secondairement.

Certains domaines dominent :

● L’histoire locale (209 livres d’histoire européenne en 1874, 168 consacrés à la France).
● Les biographies

L’historien n’est pas une historienne (2 % sont des femmes). L’enseignement supérieur est très
masculin.

Les régions riches sont les plus productives en histoire (bassin parisien et provinces du nord
surtout). Elles ne sont pas toutes actives dans la production historique.

Un grand siècle de colonisations

Ces conquêtes coloniales posent une série de questions aux historiens. Le Royaume-Uni est la
première puissance coloniale : ils « colonisent/contrôlent» l’Inde, cela fait se poser un certain
nombre de questions. Ils sont vite conscients du raffinement de la civilisation indienne. Comment
justifier la dominance britannique ?
1. James Mill

C’est un utilitariste comme Bentham, qui essaie de juger de l’utilité des actes positif/négatif
en insistant toujours sur les bons côtés plutôt que les inconvénients. Il publie l’Histoire de l’Inde
en 1817, une référence pendant un siècle. Il se base et fait la suite des historiens musulmans : les
hindous sont indifférents à l’histoire même si c’est une civilisation très raffinée. Mill est un
représentant du courant utilitariste, dans la filiation des Lumières. Schéma : au départ, il y a les
hindous, et au temps de l’hindouisme nous sommes dans une Inde extérieure à l’histoire malgré son
raffinement. Grâce aux musulmans, et l’arrivée de l’Islam, l’histoire pénètre en Inde. Puis lors de
l’arrivée des anglais, ils amènent en quelque sorte la raison en Inde. L’histoire indienne passe de
l’hindouisme à historique puis à la raison. C’est donc largement utilitariste, des Lumières, post-
religion, ce qui permet de justifier la colonisation de l’Inde par l’apport de la raison. Ce schéma ne plaît
pas vraiment à la majorité hindou de l’Inde.

2. Chatterjee

Ce n’est pas un opposant à l’Empire britannique, c’est un hindou-britannique fonctionnaire à


l’Empire britannique, le Raj, et les idées développées par Mill ne lui plaisent pas. Il est amateur de
littérature britannique comme Walter Scott. Il écrit des romans historiques adaptés au cadre
indien, il réfléchit à la civilisation indienne et crée le concept d’hindouité : un concept avant tout
culturel, qui devient de nos jours politique (la politique de l’actuel premier ministre indien Modi et son
parti le BJP, 100M d’adhérents). L’hindouité, c’est la synthèse des apports aryens (nord de l’Inde) et
dravidiens (sud de l’Inde), d’où serait née une civilisation originale qui a connu un âge d’or dans
l’Antiquité. Cet âge d’or fut compromis par les invasions musulmanes. L’objectif est d’aboutir à une
reconnaissance culturelle et intellectuelle, avec comme modèle la renaissance italienne.

Les pakistanais (musulmans) réagissent en mettant en avant la grandeur de l’Empire moghol,


aboli par les anglais en 1857. Elle correspond à l’apogée de la puissance musulmane en Inde. Il y a
donc un débat historiographique. Au temps de l’indépendance de l’Inde, il faut créer un nouveau
pays:

3. Gandhi

Il sait que c’est un sujet dangereux. Il aimerait pouvoir fonder la nation indienne sur des critères
non historiques.

4. Nehru

Il veut présenter l’Inde comme une synthèse, reprenant des idées de Mill, de l’hindouisme, de
l’Islam, des apports britanniques serait né une civilisation/culture nouvelle qui doit constituer la base
d’une nouvelle nation indienne.

Ce schéma de Gandhi et de Nehru n’emporte pas la conviction d’une grande partie des indiens, qu’ils
soient hindous ou musulmans (dont leur chef Ali Jinnah, qui deviendra père du Pakistan). Ali Jinnah se
fonde surtout sur le critère national avant le religieux. Pour lui, l’Histoire a opposé deux groupes
d’humains : les hindous et musulmans, et ces deux groupes sont devenus des nations différentes.
Cela aboutira à la constitution de deux états, car pour lui on ne pouvait faire coexister ces deux
populations dans un même État.

Deux schémas philosophiques des Lumières

1. Hegel

La pensée de Hegel est avant tout une philosophie de l’Histoire s’appuyant sur une
étude approfondie de l’Histoire, il a beaucoup lu. Il s’appuie aussi sur l’historiographie du moment. Son
histoire est essentiellement téléologique et elle conduit au triomphe de l’esprit, de la liberté et de
la raison. Pour lui, la fin de l’Histoire, c’est lorsque la liberté et la raison auront triomphé, où
commencera le destin de l’humanité libre et rationnelle (comme la fin d’une préhistoire où commencent
les choses humaines). Ce processus historique est dialectique, il suit un cheminement : il y a
l’affirmation, la négation, puis la négation de la négation (thèse/antithèse/synthèse). Lors de
l’élaboration de la pensée d’Hegel, il y a l’Ancien Régime, la Révolution, l’Empire puis la Restauration.
Pour lui, l’histoire est un processus synthétique constant. Ce processus synthétique aboutit à
l’unité des contraires.

Mais l’histoire est faite par des peuples, l’individu n’est pas central mais il y a parfois de
grands hommes incarnant l’esprit du temps, le ZeitGeist, les nécessités historiques d’un temps. Le
grand homme pour Hegel, c’est Napoléon. L’action des hommes ne réussit que lorsqu’elle s’intègre
dans un cadre historique, c’est la ruse de l’Histoire, les hommes croient suivre des nécessités mais
ils ne suivent en fait qu’un processus historique. Il pensait que l’Afrique noire était en dehors de
l’Histoire. La fin de l’histoire aboutira à la naissance d’un État rationnel, pour lui c’est l’apparition de
la Prusse. Hegel était cependant un peu inquiet : il considère qu’il y a plus d’un État rationnel, et que
tôt ou tard, ils allaient entrer en guerre les uns contre les autres et le plus fort l’emporterait. Son
influence fut majeure par le biais de son disciple Karl Marx.

2. Karl Marx (1818-1883) et son compère Engels

Karl Marx a largement influencé l’historiographie, de manière évidente mais dure à préciser.
Beaucoup d’historiens se réclament et se sont réclamés du marxisme. La pensée de Marx et Engels
est le matérialisme historique, réduite à quelques formules :
● l’importance de l’économie comme moteur de l’histoire, comme infrastructure (pas
seulement marxiste).

● l’importance de la lutte des classes, comme moteur de l’histoire : comment définir des
classes, c’est plus compliqué même pour eux. « C’est un ensemble d’individus ayant les
mêmes intérêts dans le cadre du processus de production », et ils font partie d’une classe
sociale s’ils ont une conscience de classe, ce qui est difficile à trouver.

S’il y a des classes sociales aujourd’hui, luttent-elles vraiment les unes contre les
autres ? C’est tout sauf évident. Ces formules sont intéressantes, mais correspondent-elles vraiment
à la réalité ? Ils parlent de l’aboutissement, comment sera la société après le triomphe du socialisme.

Marx et Engels ont écrit pendant des décennies, au cours desquelles leur conception de
l’histoire a changé, et ils sont prisonniers des catégories de leur temps. Chez Engels, on a un peu un
schéma délirant avec le darwinisme, persuadé que la force révolutionnaire montant en Europe est en
quelque sorte l’armée du Salut, alors qu’ils sont athées. Plus le temps passe, plus les paysans
apparaissent comme une force majeure du processus historique.

Du marxisme émergent nombre d’idées et vocabulaires :

● Mode de production : combinaison d’un niveau de développement de l’économie et d’un type


de relation sociale. L’histoire de l’humanité, c’est la superposition du mode de production
asiatique, esclavagiste, féodale, capitaliste puis l’avènement du socialisme qui mettra fin
à l’histoire. Cet enchaînement s’est fait car les forces productives ne cessent de progresser, et
selon lui, c’est un processus naturel que l’économie progresse régulièrement. Mais il arrive
inévitablement un moment où les relations sociales bloquent l’économie et le développement
des moyens de production, ici la Révolution est importante pour débloquer l’économie (la
révolution française, puis la révolution socialiste sera la dernière de toutes).
○ Le mode de production asiatique n’existe pas.
○ L’esclavagiste on ne sait pas s’il a existé, la majorité des travailleurs étaient libres, c’est
l’Antiquité et elle correspond à des périodes et territoires très précis, les riches auraient
fait leur fortune sur les esclaves mais ce n’est pas prouvé (on arrive pas à prouver
l’existence durable de villas esclavagiste en Rome antique, qui firent faillite). Si ce mode
a existé, il fut très localisé. Staline dit que la fin de l’Empire romain devait venir d’une
révolte d’esclaves.
○ Le mode féodal (pour les historiens, c’est un moment précis où on a un rapport de
pouvoir entre seigneurs et vassaux, des terres contre des services. Elle est en Europe
occidentale et au Japon). Pour les marxistes, c’est quand on a des grands
propriétaires/possesseurs de l’essentiel des terres, et va de la fin de l’Empire
romain jusqu’à l’époque moderne, la révolution.

Les historiens marxistes ont voulu suivre une des théorie de leur maître :

● L’infrastructure entraîne la superstructure. Le développement de l’économie transforme la


société, qui transforme les idées. Mais cela ne marche pas. La Réforme protestante vient
d’une évolution avant tout sociale, avec l’émergence d’un groupe capitaliste au XVIe siècle que
l’Église limitait. A cause de ça, ils auraient accepté la Réforme. C’est faux, dans les faits la
majorité des capitalistes à l’époque étaient catholiques. Le groupe ayant été le plus sensible au
protestantisme fut le clergé, il ne correspondait pas aux intérêts matériels du clergé. Par
conséquent, est-ce le cas ou est-ce l’inverse ? Gramsci lui pensait le contraire, bien qu’il se
revendique marxiste.
En conclusion, le premier XIXe c’est l’histoire romantique et du peuple de Michelet.

Le deuxième XIXe, c’est l’utilisation de l’histoire pour construire ou consolider des nations,
nouvelles ou déjà bien avancées comme la France. Cela aboutit à une nouvelle version des
identités nationales par le biais de l’histoire. Comme avec:

1. Lavisse (1842-1922)

Lors du désastre de 1870, il faut se mettre à l’école de l’Allemagne. Proche de Napoléon III,
quand la République l’emporte il devient républicain. Il rédige de nombreux manuels qui constitueront
la culture de fond essentiellement politique, pour ancrer la nation française sur la longue durée des
gaulois au XIXe siècle, de montrer sa continuité (pas du hasard) et que la République est la fin
naturelle de l’histoire de France. C’est un peu un instituteur national. Marc Bloch en fait un peu une
critique idéologique plutôt qu’historique.

On trouve la même chose en Italie et en Allemagne, pour l’identité nationale.

L’école méthodique (ou positiviste) dès 1876

Fondée par deux historiens, dont Monod, ils fondent la Revue historique. Elle n’est pas
spécialisée ni dans une période ni dans un domaine. Le projet est de faire une histoire positive et
scientifique. La figure d’Auguste Comte (1798-1857) est importante, c’est le créateur du
positivisme. Le progrès humain est important pour lui, comme Condorcet. Ce progrès c’est le
développement de la rationalité humaine selon la loi des trois âges :

● l’enfance (âge théologique) où les humains attribuent les causes des évènements à des
causes surnaturelles (animisme, croyance en dieu(x))

● l’adolescence, l’âge métaphysique, où les causes des phénomènes sont attribués à des
principes abstraits

● l’âge scientifique, de la maturité, on abandonne la recherche des causes pour étudier les
processus grâce à des lois scientifiques.

On arrive au positivisme avec le développement d’une science, c’est l’avènement de la


sociologie pour comprendre les règles régissant la vie des hommes en société. Cela n’est pas
compatible avec la liberté. Tout cela doit culminer dans une religion athée, l’Humanité. Cette notion
positiviste est plutôt à gauche, et on la retrouve chez les républicains.

Auguste Comte accordait une grande importance à la science historique : quiconque


comprendrait bien le passé pourrait comprendre l’avenir, ce qui est ambitieux. A l’inverse, l’Histoire
méthodique/positiviste est plus modeste :

● il n’y a pas vraiment de réflexion épistémologique (réflexion sur les conditions d’élaboration de
la science historique)
● Elle fait face à une autre école/revue, la Revue des questions historiques (1866-1939). Elle
propose une contre-histoire par rapport à l’histoire républicaine. Elle est d’inspiration
traditionnelle, elle défend l’homme adamique (apparu avec Adam, donc empreint de biblique).

● La Revue historique prend donc le contre-pied de celle-ci et revendique l’objectivité, elle dit ne
pas s’investir en politique, et veut évacuer l’histoire sainte et le surnaturel du champ de la
recherche historique. Elle se revendique apolitique (un peu moins dans les faits). Elle est
engagée et républicaine, et favorable à une république modérée (rejet de la Commune en
1871). Elle a des engagements religieux, proche du protestantisme libéral. Le fait d’être
historien ne conduit pas forcément à la modération.

Ex: Lavisse fait dans les années 1870s d’extraordinaire développements envers les allemands.

1. Le Manuel Langlois Seignobos (1898)

Ensuite, le travail d’élaboration conduit au manuel Langlois Seignobos, grand manuel de


l’histoire méthodique. Il y a quatre étapes dans le travail de l’historien :

➢ Rassembler les documents, l’heuristique


➢ Vérifier l’authenticité
➢ Dégager les faits
➢ Etablir des connexions entre les faits pour construire un récit historique

Pour les historiens de l’école méthodique, des faits sont déjà présents individuellement dans les
textes. Cela les amènent à favoriser les documents écrits puis de sources officielles (ayant déjà suivi
un travail d’élaboration auparavant).

2. Gabriel Monod

Il fait figure d’historien de la République au cœur des débats intellectuels d'après-guerre. Il attire
Maurras, qui dit, après l’avoir lu, que son œuvre est très mauvaise et remet en cause sa place dans le
monde intellectuel, accusant la République de mettre des gens nuls aussi haut placé.

L’école méthodique a une vision pessimiste sur les documents, le nombre de docs non-
découverts chutant forcément, amenant à un jour où ils seront tous connus.

3. Langlois (1863-1929)

C’est un chartiste (école des chartes), après il fait une agrégation d’histoire puis un doctorat. Il
fait un séjour au lycée de Douai, puis à la Sorbonne, puis est affecté aux archives nationales jusqu’à
sa mort. Il est très intéressé par la préservation du patrimoine littéraire médiéval, d’où l’achat du
château du Plessis-Macé, qu’il retape très bien. Langlois a un engagement républicain notamment lors
de l’affaire Dreyfus : il n’était pas philosémite et était dreyfusard.

Il édite des documents bruts : réticence à élaborer un discours historique pour plutôt présenter
les documents eux-mêmes et l’histoire qu’ils racontent, pour que le lecteur le lise et se fasse son idée.

Pour conclure:
● Une grande partie des ouvrages de cette école méthodique sont sur Gallica
● Ce ne sont pas des ouvrages médiocres.
● Avant de faire de longs développements thématiques, ils font de longs résumés historiques: il
est important de connaître les faits.

L’école des annales

1. Marc Bloch et Lucien Febvre

Elle prend le contre-pied de l’école méthodique et remet en cause la manière de faire de la


méthodique. Elle fut fondée par Lucien Febvre et Marc Bloch (1886-1944) (résistant fusillé). Ce ne
sont pas des hommes nouveaux, ils étaient déjà assez dans la discipline (intellectuel, historien,
enseignement). Ils suivent la voie royale : ENS, thèse, enseignement supérieur. Après la 1ère GM, il
faut réorganiser l’enseignement en Alsace, l’Université de Strasbourg devient un peu hors-norme. Il
faut montrer aux alsaciens que la présence française est plus bénéfique que l’allemande, ce qui
donnera Le Rhin (1931) de Lucien Febvre, ouvrage de géographie historique. Ils ont un caractère
rugueux, les Annales apportent souvent de l’hostilité provoquée par ses deux créateurs, ils attaquent
souvent l’école méthodique. Ils veulent créer un esprit des Annales en critiquant ouvertement les
autres écrits.

Il y a une réaction contre l’histoire politique (1929-1945), ils représentent sur cette période
seulement 3 % des ouvrages des Annales. L’Histoire doit d’abord être la construction de problèmes,
on doit mettre en avant une histoire-problème auquel l’historien s’efforce de répondre. Victoire des
Annales avec les problématiques.

Pour ce faire, il faut diversifier le plus possible les sources : à l’inverse de l’école méthodique
qui « mutile » l’histoire en ne privilégiant que les écrits, eux prennent aussi d’autres sources. Ils
pensent aussi que l’histoire ne doit pas être isolée mais croisée avec les autres sciences humaines.

Bloch et Febvre constituent avant 1950, 50 % des ouvrages publiés par les Annales.

2. Lucien Febvre (1878-1956)

Brillant étudiant (ENS-Agreg-Thèse en 1911). Sa thèse est consacrée à Philippe II et la


Franche-Comté. Déjà très novateur, Febvre croise constamment économie, social et politique. Il
bataille le cloisonnement de l’histoire. Pour lui, ces disciplines constituent l’histoire tout court.
Pour lui, l’école méthodique était déterministe (il y avait des explications claires pour tout), à l’inverse,
il estime lui l’histoire possibiliste (il y a plusieurs voies/possibilités qui furent choisies et pourquoi).

L’histoire est selon lui trop souvent utilisée pour forger des citoyens, lui pense que ça doit être
surtout pour les historiens. Plus que l’histoire, il y a les historiens, où la subjectivité est inévitable : il
étudie le passé en fonction des problèmes que se posent les hommes de son temps. Toute histoire,
fondamentalement, est une histoire contemporaine.

Il a écrit La Religion de Rabelais, en 1942. Il a commencé ce travail en lisant des travaux vieux
d’environ 20 ans, affirmant que le but de Rabelais était de combattre le christianisme. Febvre
considère que cela n’est pas pertinent et opère un travail méthodique de comparaison : personne
n’accusait Rabelais d’athéisme, hormis peut-être Calvin (ce qui n’est pas le sens du mot d’aujourd’hui).
Il faut se souvenir que le sens des mots évoluent. Selon Febvre, il n’y a aucun témoignage au XVIe
que Rabelais avait voulu saper le christianisme par ses écrits. Il montre par différentes boutades
(commun) les points religieux. Enfin, Rabelais ne pouvait pas penser pour lui le monde comme
autrement qu’un monde religieux, son outillage mental est celui de son temps, donc religieux.
Rabelais n’était pas un adversaire du christianisme/religion, et l’outillage mental l’aurait
empêché de l’être même s’il l’avait voulu.

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