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Cahiers de Douai (1870) : contexte d’écriture

1- LE CONTEXTE HISTORIQUE

Arthur Rimbaud (1854-1891) naît, grandit et écrit les Cahiers de Douai (1870) dans le
contexte du Second Empire (1852-1870).

Louis Napoléon Bonaparte (neveu de Napoléon Ier), d’abord élu président de la Deuxième
République en 1848, s’arroge par un coup d’état tous les pouvoirs le 2 décembre 1851 et
prononce le rétablissement de l’Empire. Tous ses opposants sont écartés (d’où l’exil, entre
autres, de Victor Hugo). Il instaure un régime autoritaire : il a seul l’initiative des lois, nomme
le gouvernement, cumule les fonctions de chef d’Etat et de chef de gouvernement, peut
dissoudre l’assemblée ... Les libertés publiques sont suspendues, la presse et l’édition
surveillées (autorisation préalable et censure), de même que l’enseignement : l’ordre moral
règne. Le ministère de l’intérieur s’attaque par exemple aux auteurs du mouvement réaliste,
accusés de vouloir démoraliser la population en ne lui montrant que la misère et la laideur
de la société. Les frères Goncourt sont ainsi poursuivis à cause de leur œuvre romanesque et
Flaubert doit répondre à l’accusation d’immoralité pour son roman Madame Bovary. Le
recueil Les Fleurs du Mal, paru en 1857, subit le même sort : Baudelaire et son éditeur sont
poursuivis pour « offense à la morale religieuse, offense à la morale publique et aux bonnes
mœurs ». La saisie des exemplaires est ordonnée, une amende conséquente est requise et
Baudelaire doit retirer 6 de ses poèmes.
Mais le régime n'est pas impopulaire aux yeux de la bourgeoisie car il s’accompagne d’une
grande prospérité économique. La seconde moitié du XIX° siècle voit en effet entrer la
France dans la révolution industrielle et le système capitaliste. De grandes banques d’affaires
voient le jour (la Société Générale, le Crédit Lyonnais …), la spéculation à la Bourse de Paris
permet la mobilisation d’énormes capitaux, entraînant fortunes colossales ou faillites
retentissantes. La valeur dominante est l’argent et la bourgeoisie, qui se trouve au sommet
de la hiérarchie sociale, impose un modèle de société fondé sur le profit. A Paris, la ville est
transformée par les grands travaux entrepris par le préfet Georges Haussmann entre 1853 et
1870 : larges artères et grands boulevards, construction d’immeubles cossus aux façades
« haussmanniennes » le long de ces avenues, éclairage public, percée des égouts, réseau
d’eau courante …, travaux qui contribuent au rayonnement international de la ville mais
aussi à la relégation progressive des pauvres dans les banlieues (étymologiquement : lieu du
bannissement).

En 1870, Napoléon III s’inquiète de l’unification des Etats allemands entreprise par
Guillaume Ier de Prusse qui pourrait faire naître une vaste puissance rivale aux frontières de
la France. Il déclare donc la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870 mais l’armée française,
inférieure en nombre et mal préparée, est très vite battue à Sedan dans les Ardennes le 1°
septembre. Napoléon III capitule et se réfugie en Angleterre. Le 4 septembre 1870, est
proclamée la Troisième République.
En mars 1871, éclate la Commune de Paris, une insurrection populaire de plusieurs mois qui
sera violemment réprimée par le gouvernement d’Adolphe Thiers. Le peuple de Paris,
essentiellement les ouvriers et artisans, exprime son rejet de la capitulation de la France face
à la Prusse et sa colère après le très long et très dur siège de Paris par l’armée ennemie (de
septembre 1870 à janvier 1871) qui a affamé et décimé la population de la ville.

2- LE CONTEXTE LITTERAIRE

Le XIX° siècle est traversé par plusieurs grands mouvements littéraires et artistiques et il sera
intéressant d’analyser en quoi ils ont pu influencer la poésie de Rimbaud.

→ Le ROMANTISME.
= Mouvement artistique européen qui apparaît à la fin du XVIII° siècle et perdure durant
toute la première moitié du XIX° siècle.

Il naît d’une nouvelle sensibilité qui se fait jour à travers des livres comme le roman Les
Souffrances du jeune Werther de l’auteur allemand Goethe (Werther, être sensible et
passionné, se suicide car son amour pour Charlotte est impossible) ou le roman épistolaire
du philosophe J.J. Rousseau Julie ou la Nouvelle Héloïse (amour passionné entre une jeune
noble, Julie, et son précepteur, Saint-Preux, mais amour empêché par l’ordre social, là aussi
fin tragique) ou encore l’ouvrage inachevé de J.J. Rousseau Les Rêveries du promeneur
solitaire (mélange de récit autobiographique et de réflexion philosophique sur l’Homme, la
recherche du bonheur, qui passe pour Rousseau par une relation fusionnelle avec la nature).
Tous ces ouvrages mettent en valeur l’expression du Moi et les sentiments.

Contre les contraintes du Classicisme du XVII° et contre le Rationalisme de la philosophie des


Lumières du XVIII° (doctrine qui pose la raison comme seule source possible de toute
connaissance réelle), le Romantisme privilégie les émotions, les tourments de la passion, les
troubles de l’âme, l’imaginaire, le rêve … L’individu proclame son existence, le Moi devient la
principale source d’inspiration, se développent les genres littéraires de l’autobiographie, du
journal intime : c’est le règne du lyrisme (référence à la lyre d’Orphée) et de la subjectivité.
Le « moi » romantique ne se voit pas comme narcissique et se veut universel : chaque
homme reflète l'humanité (V.Hugo s’adressant au lecteur dans sa préface des
Contemplations : « Prenez donc ce miroir et regardez-vous-y […] Quand je vous parle de moi,
je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis
pas toi. »).

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