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LEVANTE/CHERGUI VERSUS TANGER M E D

Par Najib Cherfaoui, Ingénieur des ponts et chaussées

2 2 F é v r i e r 2 0 2 2

V e r s i o n P r e m i u m
Levante/Chergui versus Tanger Med

SOMMAIRE
I Consistance 3

II En quelques mots 4

III Levante/Chergui 4

IV Montagnes 6

V En ligne de front 7

VI Air en Mouvement 8

VII Explication 10

VIII Référence à l’Urbanisme 11

IX Le Conteneur et le Vent 13

X Focus 15

XI Fusible 15

XII Cohabitation 16
Autant en Emporte le Vent

La place maritime de Oued R’mel (Péninsule Tingitane) est le siège de vents contraires. Il y a
déjà dix siècles, Al-Bakri avait rapporté cette observation. Dans le présent travail, on se
propose de lever le voile sur ce phénomène dont l’explication relève de l’ingénierie des terres.
Il s’agit, entre autres, d’interroger la mémoire des lieux à travers l’empreinte fixée sur le sol
par les peuplements successifs. Cette démarche, riche et féconde, s’inscrit dans la longue
période. Elle nous fait remonter loin dans le passé à la rencontre des civilisations berbère,
phénicienne, romaine et arabe, avec pour fil conducteur la solidarité phonétique. On aboutit
ainsi au résultat suivant : sous l’action du vent de la Méditerranée « Levante/Chergui », une
lentille géologique déclenche un effet de tenaille atmosphérique sur les terminaux à
conteneurs établis sur le site (voir illustration en couverture). Il en résulte des courants d’air
opposés qui génèrent une dynamique chaotique. J’en ai évalué l’effet sur l’empilement des
conteneurs au moyen de trois concepts : air & turbulence (intensité/direction) ; friction
(sol/boîte & boîte/boîte) ; coefficients de forme. Pour remédier à la contre performance
potentielle d’exploitation, je livre un protocole de veille étalée dans le temps et dans l’espace.

Méditerranée

Nador & Nador West Med


Tanger Med (Oued R’mel)
M’diq, Kabila, Restinga

Ras Kebdana
Al Hoceima
Ksar Seghir

Sidi Hsaïne
a t l a n t i q u e

Chmaala

Cala Iris
Jebha

Tanger
Asilah Saïdia
Larache
Sables d’Or Kénitra
Skhirat Oujda
Mohammedia-Casablanca Rabat-Salé Fès
El Jadida
Jorf Lasfar Figuig
Safi
Souira Kdima
Essaouira Marrakech
O c é a n

Imessouane
Agadir
Ouarzazate
Sidi Ifni
Tan Tan
Tarfaya
Laâyoune Longueur des côtes : 2 934 km
Smara 512 km en Méditerranée et 2 422 km en Atlantique

Boujdour Saïdia-Sebta : 430 km ; Sebta-Cap Spartel : 82 km


Cap Spartel-Agadir : 842 km ; Agadir-Tarfaya : 466 km
Tarfaya-Dakhla : 622 km ; Dakhla-Lagouira : 492 km

Dakhla

Système portuaire du Maroc


carte de situation des ports

Lagouira
LEVANTE/CHERGUI VERSUS TANGER MED
Par Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime

I. Consistance

En raison de l’ignorance des choses de la mer et en l’absence totale de culture portuaire, il y


a un immense malentendu autour de l’action des vents sur la performance des terminaux à
conteneurs.

Pour clarifier les enjeux de la compétition entre le port et l’élément éolien, il convient tout
d’abord de rappeler que le fonctionnement d’un terminal à conteneurs s’articule autour de
trois interfaces flexibles : Navire, Quai/Portique et Terre-plein/Entreposage à l’air libre.

Le problème est à la fois physique et économique.

La composante physique se décline comme suit : « En cas d’intempéries, les conteneurs


entreposés sont directement impactés car ils ne peuvent pas être déplacés. Par contre, le
navire trouve toujours refuge à l’extérieur des bassins et les portiques sont mis en position
relâche ».

La composante économique se décline comme suit : « Pour fixer les idées, je raisonne sur le
port de Tanger Med. Les concessions TC1 à TC4 y sont équipés de plusieurs flottes de
portiques (voir figure 7). Cet ensemble de portiques dessert, bord à quai, six terre-pleins
ayant en moyenne une capacité de 28 000 evp (soit au total 168 000 evp).1 En comptant 2/3
de conteneurs vides, on aboutit à 56 000 evp pleins ; ce qui représente cinq milliards de
dollars de marchandises diverses à valeur ajoutée substantielle ».

Par rapport à ce double problème, le présent travail explore les conditions pour réaliser une
cohabitation contrôlée et équilibrée entre les conteneurs et les intempéries éoliennes.

Comme rien ne se comprend clairement qui ne puisse être énoncé brièvement, voici la
logique de la démarche, d’abord en quelques mots, puis en plusieurs paragraphes.2

1 Dans chaque terminal, il y a 40 ha de terre-pleins. Le potentiel logistique du terminal s’obtient en soustrayant les espaces
réservés aux accès, voies de circulation, parkings, ateliers et divers locaux à usages administratifs, il reste une vingtaine
d’hectares pour agencer les emplacements dédiés aux conteneurs ; soit 7 000 cellules disposées en rangées parallèles au mur
de quai. Avec un gerbage selon une moyenne de quatre hauteurs, alors le potentiel cherché vaut 28 000 evp. « Équivalent
vingt pieds » ou « Twenty-foot equivalent unit » (en anglais teu) : unité dans laquelle sont exprimés les trafics de conteneurs et
la capacité des navires. Un conteneur de 40 pieds vaut deux evp.
2 Par rapport à ce point de vue, je me laisse guider par la lumière du grand philosophe Ibnou Rochd (Averroès). Au XIIème

siècle, ce Marocain que le monde entier nous envie expliquait qu'une théorie ne mérite qu'on s'y intéresse que dans la mesure
où elle peut tout à la fois s'exprimer en quelques lignes, se décrire en quelques pages et se démontrer en plusieurs chapitres.
Le premier des trois textes doit résumer la thèse principale ; le deuxième, rassembler l'essentiel des propositions ; le troisième,
étudier en détail les matériaux fournis par la connaissance et l’expérience. Ibnou Rochd (1126-1197) demeure aujourd’hui
encore l’un des plus grands penseurs de tous les temps. À cette époque, il donne de toutes les œuvres d’Aristote, en sa
possession, un résumé et un commentaire pédagogique. Pour cinq d’entre elles, il fournit une explication mot à mot.
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II. En quelques mots

Angle vif de la dorsale rifaine [Jbel Kelti – Jbel Moussa], le triangle [Sebta, Ksar Es Seghir,
Fnideq] renferme une immense soufflerie géotechnique impliquant deux régimes éoliens
totalement opposés. Ce bloc se comporte comme un prisme qui va dévier/réfracter la
branche terrestre du vent d’Est, pour la mettre en interférence avec la branche marine [de ce
même vent d’Est] passant par le Détroit de Gibraltar. Ainsi, de manière naturelle et tout à fait
ordinaire, les trois sites « Wadi Al Marsa », Tanger Med 1 et Tanger Med 2 sont le siège de
rafales de vents récurrentes et tourbillonnaires. Telle est l’explication simple du bien
mystérieux fantôme des quatre vents qui hante les esprits. (Voir figures 3, 4 & 7).

En quelques mots, je viens de résumer la structure du système respiratoire de la Péninsule


Tingitane ainsi que son rôle dans la compétition entre l’exploitation portuaire et l’élément éolien.

Maintenant, en plusieurs paragraphes, je vais successivement retracer la genèse du vent,


raconter le contexte maritime, analyser l’implication des territoires, préciser l’action humaine et
livrer au lecteur les clés pour décoder notre sujet.

1015 980
1010
995 1005
1000
1005 1025
985 1005
1010 995
1000 1010
1015 1030 1005
1020 1015

1020
1030 1025

1030 1025
1025

1025

1015
1020
1020
1025
figure 1 : Carte synoptique de la Méditerranée occidentale (20 au 24 novembre 2001) ; anticyclone centré à l’Ouest de
l’Europe aux prises avec deux dépressions localisées, de part et d’autre, Nord-Est de l'Europe et Maroc. L’air confiné en
Tyrrhénienne (Italie) chemine naturellement vers les basses pressions situées sur la façade Atlantique. Ce phénomène
atmosphérique donne naissance au fameux vent d’Est (Chergui) de la mer d’Alboran, appelé Levante en Espagne. Une scène
identique s’est produite du 03 au 05 avril 2022.

III. Levante/Chergui

Préliminaires

Le vent, c’est tout simplement des masses d’air en mouvement. Les plus chaudes deviennent
légères, s’élèvent en altitude, et la pression atmosphérique à la surface sous-jacente
diminue : on parle de dépression. Inversement, l’air froid, plus lourd, se comprime et crée une
zone de haute pression appelée anticyclone.
Levante versus Tanger Med 7

La circulation atmosphérique tend à compenser les différences de pression ; le vent, c’est cet
air qui va de l’anticyclone à la dépression. Au cours de ce déplacement, la rotation de la Terre
a une très grande influence sur le mouvement des particules d’air. Elle crée l’effet de Coriolis
qui impose une courbure à leurs trajectoires.

Un vent se caractérise par sa direction et sa force. La direction, c’est son origine. Un vent
d’Est, par exemple, va d’Est en Ouest. La force du vent réside dans la vitesse. Celle-ci est
très logiquement en relation avec les écarts de température et de pression. La vitesse se
mesure grâce à un anémomètre, et s’exprime selon les besoins en kilomètres par heure, en
nœud (1 nœud vaut 1 852 m/h) ou en force sur l’échelle marine de Beaufort. Elle s’étend de
force 0 (0 km/h), à force 12 (plus de 118 km/h).

Enfin, il faut bien garder à l’esprit que la Statistique demeure, via la fameuse loi des grands
nombres, incontournable pour faire ressortir les grandes tendances du vent. C’est l’un des
exemples les plus frappants de phénomènes d’universalité : en ajoutant un grand nombre
d’aléas dont on ne sait rien, le comportement limite de la somme est une cloche de Gauss. 3

Genèse

De manière récurrente, le littoral méditerranéen du Maroc coïncide avec la ligne de front d’un
anticyclone pris en tenaille par deux dépressions. (Voir figure 1). La haute pression se
stabilise autour de la mer celtique/Golfe de Gascogne tandis que les deux basses pressions
sont actives respectivement au Nord-Est de l'Europe et au Maroc. De ce fait, à partir de la
Tyrrhénienne (Italie), l’air confiné chemine naturellement vers les basses pressions situées
sur la façade Atlantique. Il en découle une expansion/détente qui donne naissance au fameux
vent d’Est (Chergui) caractéristique de la mer d’Alboran, appelé Levante en Espagne.

Cependant, ce vaste mouvement est enveloppé par les hauteurs du Rif et des Pyrénées.
Cette configuration pousse la circulation à converger vers le Détroit de Gibraltar qui se
transforme de la sorte en une immense soufflerie où le Levante/Chergui peut atteindre en
rafales des valeurs très élevées, de l’ordre de 100 km/h ; humide et modéré en été ;
tumultueux et froid en hiver.

MER MÉDITERRANÉE
Jbel Moussa (Mont Abyle des Phéniciens)
+ 829 m
Tanger Med + 325 Sebta (Septem Fratres)
O.Marsa

Ksar Seghir
O.Rmel

O. Fnideq
Tanger
O.Seghir
O. Lian (Julien)

O. Negro Cap des Trois Fourches (Ras Tleta Madari)


Tingis Restinga Smir Vent d’Est Rusaddir (Cap Puissant)
659
O. Smir (Kabila)
O. Izgher Ntiya (Petite rivière)

M’diq
516 O. Martil (Martin)
Cap de l’Eau (Kebdana)

628
Ras Afrau (Sidi Hsaïn)

O. Tahaddart O. Ahrousse
Nador West Med
O. Uarenga (Ouringa)

Tétouan
Asilah (Zilis)

(Tamuda) O. Laou (Flumen Laud)


Al Hoceima

O. Lahlou
O. Badis (Velez)

912 Jbel Kelti


Jebha (Capa)

960 Beni Ensar


O. Sikur

Mont Anna
O. Nekor

O. Alamos
O. Meftouh

O. Guis
O. Mestasa

Saïdia

1 912 m
634 Mar Chica
Cala Iris

1 573
Larache (Lixus)

Nador Bou Areg


O. Kert

1 597 1 049
1 425 1 131
Chaouen
Arkeman
1 604 1 231
Ksar El Kébir 1 563
1 612 O. Moulouya
Oppidum Novum Marwacht
2 112
O. Loukkos 2 011
2 452 Tidirhine (Tidighine)
Les petites rivières ©

figure 2 : L’emprise de la chaîne du Rif s’inscrit entre les longitudes 5° 32' W (Jbel Moussa) et 3° 12' W (Cap des Trois
Fourches). Le front de mer dessine un arc parallèle à la dorsale du Rif à une distance moyenne de 30 km. Les massifs
plongent directement sur le littoral. Les Oueds coulent en lignes droites sous forme torrentielle ; (Oued est noté O.). Le
balayage par des verticales espacées de 1 km fait apparaître 198 sommets, 1 569 m de hauteur moyenne ; © EHTP.

3 Les équations de Navier-Stokes régissent le comportement de l’Atmosphère ; leurs solutions ne sont pas parfaitement
connues. Depuis le 24 mai 2000, ils font partie des sept défis lancés à Paris par le « Clay Mathematical Institute » aux
chercheurs du troisième millénaire. D’où l’importance factuelle de la Statistique dans cette branche des sciences physiques.
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Algésiras Gibraltar

SPAIN
Tarifa
Prisme Géotechnique
DÉTROIT DE GIBRALTAR

MÉDITERRANÉE (MER D’ALBORAN)


Jbel Moussa
829 m Sebta
OCÉAN ATLANTIQUE

Ksar Sghir Fnideq


Tanger
Cap Spartel

Barrage
Smir
M’diq

PAYS DE
TÉTOUAN Martil
Barrage
Oued Marhar Ibn Batouta

Oued Hachef Tétouan

Asilah Barrage
FAHS 9 avril 1947 Barrage Nakhla Oued Laou
Oued Martil
Jbel Kelti (Mont Anna)
1 912 m

Jbel Kareha
(Koudia Caraa)
1 651 m Barrage
Ali Thelat
Larache
HAUT PAYS JBALA

0 15 30 km

figure 3 : La péninsule de Tanger a la forme générale d'un trapèze large de 50 km au niveau du Détroit, mais atteignant
environ 120 km à sa base pour une hauteur de soixante kilomètres. Elle fonctionne comme un espace d'accumulation. Il s'agit
d'une accumulation d'hommes, de biens, d'initiatives puisant sa force du Fahs, grande banlieue et territoire nourricier de
Tanger. La population du Haut pays J’bala gravite autour de Tétouan (Tamuda), ville phare de la civilisation marocaine.

IV. Montagnes

Le nord du Maroc se distingue par l’imposante chaîne du Rif (Er Rif) 4 qui s’étend, en arc de
cercle, de Ras Ouark (Beni Ensar) jusqu’au Détroit de Gibraltar, entre les longitudes 3° 12' W
(Jbel Moussa) et 5° 32' W (Cap des Trois Fourches) (Voir figure 2). Le balayage par des
verticales espacées de 1 km fait apparaître 198 sommets, 1 569 m de hauteur moyenne,
(Voir figure 2).

Les premières élévations émergent au Cap des Trois Fourches (Tleta Madari), pour rejoindre
Jbel Tidirhine (2 452 m)5 au milieu de la courbure, avec décroissance rapide à partir de Jbel

4 Le Rif est une survivance de la formation géologique par laquelle la Méditerranée communiquait, par la dépression de Taza,
avec l’Atlantique à l’époque miocène ; ainsi nommée en (1834) par Charles Lyell [du grec ancien, meiôn (« moindre ») et
kainos (« nouveau, récent »)] ; période intermédiaire de l’ère tertiaire s’étendant entre 23 à 5 millions d’années.
5 D’après le cours EHTP d’ingénierie des terres du professeur Kassou Fouzia, on a les éléments suivants : De même

phonétique, Tidirhine & Tidighine dérivent des vocables Tidghine/Tirghine pluriels de Targha qui signifie petit cours d'eau,
canal, seguia. Situé dans le Haut Rif Central, Jbel Tidighine est un immense château d’eau géologique (20 km3 de glace
renouvelable, soit vingt fois la consommation annuelle d’eau potable du Maroc) ; il alimente le territoire environnant au moyen
d’innombrables petites rivières. Depuis huit siècles, les tribus « Sanhadja de Srayr » développent autour de ce réservoir un art
de vivre fondé sur le partage de la ressource hydrique.
Levante versus Tanger Med 9

Kelti (1 912 m/Mont Anna)6, soit une descente de 1 083 m sur une distance de 60 km, pour
finir à 829 m aux abords de l’antique Mont Abyle des Phéniciens, l’actuel Jbel Moussa (Mont-
aux-Singes).7

Image miroir de la dorsale Rifaine, la cordillère Bétique (Espagne) relie sur 250 km le Rocher
de Gibraltar (Jbel Tarik, 426 m) au nord de la ville de Murcie ; le point le plus haut est atteint à
Mulhacén (3 479 m)8.

Le profil en entonnoir du couple Rif/Cordillère Bétique explique le régime éolien du Détroit de


Gibraltar : cette forme canalise, renforce et accélère les vents d’Est vers l’Océan Atlantique.

DÉTROIT DE GIBRALTAR

Cap Spartel

MÉDITERRANÉE (MER D’ALBORAN)


Tanger
Fnideq
OCÉAN ATLANTIQUE

Mdiq

Martil
0 10 km

figure 4 : Péninsule Tingitane ; (Longitudes 5° 32' W à 5° 22' W) & (Latitudes 35° 30' N à 35° 55' N) ; lignes d’égales
altitudes (isocontours) et sommets de la chaîne du Rif, rempart face aux vents d’Est (Levante/Chergui). Un sommet est détecté
au moyen des isocontours fermés de diamètres tendant vers zéro avec élévation croissante. Le tracé fait apparaître 102
sommets, de hauteur moyenne 480 m ; pic à Dhar Lhamma 1 233 m ; [© Cours EHTP Ingénierie des terres du Pr. Kassou F.].

V. En ligne de Front

La dorsale du Rif se positionne environ à 30 km de la côte méditerranéenne. Elle lui imprime


une forme en arc de cercle sur 430 km, de la plaine de la Moulouya à Sebta. (Voir figure 2).
Le rivage comporte une suite de caps et de falaises entrecoupés par des baies développées
dans des matériaux tendres ou bien encore des criques creusées dans la roche dure.

6 D’après le cours EHTP d’ingénierie des terres du professeur Kassou Fouzia, on a les éléments suivants : Le Mont Kelti se
compose de roches-réservoirs (calcaires, dolomies) enclavées dans les pourtours imperméables (marnes crétacées à l’ouest &
schistes primaires à l’est). Ces réservoirs géologiques au singulier kelti (pluriel kulut), remplis par les pluies, emmagasinent
une grande quantité d'eau potable qui s’échappe par les fissures des collines. Bassins et seguias gravitaires, font tourner les
moulins pour l’irrigation. Par ailleurs, le Mont Kelti est répertorié sous le nom latin « Mont Anna » en référence au mythe de la
mère nourricière ; dans la symbolique romaine, Anna représente l'année et son perpétuel recommencement.
7 Ainsi appelé, en référence au macaque de Barbarie (magot) dont Abu Abdullah Al-Bakri (1014-1094) mentionne les capacités

cognitives dans son fameux livre « Description de l'Afrique septentrionale »; page 241 de la traduction de Mac Guckin de
Slane. Entre Jbel Kelti et Jbel Moussa, il y a une population de mille individus répartis en une vingtaine de groupes. Jbel
Moussa est le Mont Abyle des Phéniciens d’après Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre V, 1-146. Par la suite, cette montagne
prend le nom de Moussa Ibn Noussaïr (640-716), chef de l’expédition omeyyade sur la péninsule Ibérique ; tâche exécutée en
711 par Tarik Ibn Ziyad ; d’où le toponyme Gibraltar [Jbel Tarik (426 m)]. En l’honneur d’Al-Bakri, on a donné son nom à un
cratère d'impact sur la face visible de la Lune, officiellement adopté par l'Union astronomique internationale (UAI) en 1976.
8 En référence à Abu Al-Hasan Ali, Émir de Grenade (1464 – 1482).
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Ainsi de Saïdia à Ras El Ma (Cap de l’Eau), on rencontre de larges plages sableuses de part
et d’autre de l’oued Moulouya. Un important cordon dunaire souligne la géométrie rectiligne
de cette section. À partir du Cap de l’Eau (Ras Kebdana), la côte devient accidentée. Elle
dessine un grand arc de cercle de 80 km pour joindre Ras Tleta Madari (Cap des Trois
Fourches), appelé par les Phéniciens « Rusaddir (Cap Puissant) »9. Tout d’abord, sur 30 km,
le piémont des Kebdana voit défiler des falaises vives et des vallées profondes. Leur hauteur
dépasse souvent 50 m. En deuxième lieu, une flèche sableuse étroite, s’étire sur 24 km et
délimite la lagune de Bou Arg (Mar Chica), entre Arkmane et Nador. Le troisième tronçon se
caractérise par un massif qui plonge directement dans la mer.

Ensuite, on rencontre une configuration symétrique entre le Cap des Trois Fourches et Ras
Tarf (Cap Quilates) qui annonce la baie d’Al Hoceima.

Enfin, jusqu’à Sebta, le front de mer présente un aspect très évasé et se distingue par une
succession de falaises en alternance avec des plages. Ainsi, il y a une vaste étendue de
sables entre Ras Mazari et Cabo Negro, puis les parois verticales de M’diq et les avancées
rocheuses de Fnideq.10

VI. Air en mouvement

Repères

On s’intéresse au triangle géotechnique [Sebta, Ksar Es Seghir & Fnideq] (Voir figures 3 & 7).
Notre propos concerne l’interaction du vent d’Est (Levante/Chergui) avec ce relief. Cette
influence est régie par l’arc de la chaîne Rifaine et de son symétrique, la cordillère Bétique.
La configuration du terrain joue un rôle crucial dans la forme des trajectoires. Ainsi le couloir
Jbel Moussa guide le courant d’air vers le nord sur Wadi Al Marsa. Le dipôle/aileron de Ain Jir
scinde la circulation incidente selon deux jets d’air directement dirigés sur Tanger Med I et
Tanger Med II.

Ces considérations nous amènent à étudier le vent à partir des prélèvements effectués à
Fnideq de 2006 à 2021.

Il convient de souligner que le fameux géographe marocain Al-Bakri (1014-1094) évoque


l’influence des vents du Sud-Est et d’Est ; « Description de l'Afrique septentrionale »;
respectivement pages 207 et 214 de la traduction de Mac Guckin de Slane ; édition 1914.
C’est à lui que revient le mérite d’avoir questionné pour la première fois la mémoire des terres
de la péninsule tingitane.

Répartition globale
(Toutes saisons confondues)

De manière générale la rose des vents consolidée sur 16 années [2006-2021] fait apparaître
une dominante des directions Est & Ouest à raison de 35% et 40% ; les vitesses supérieures
à 8 m/s ont une occurrence de 5% pour l’Est et de 12% pour l’Ouest.

Maxima mensuels
(Toutes saisons confondues)

Vent Direction Est : De 2006 à 2021, il y a 192 mois. Au cours de cette période, le vent
d’intensité maximum provient 111 fois de l’Est, avec une vitesse comprise entre 8 et 19 m/s ;

9 Le mot phénicien Rus, correspond à l’hébreu Rosh et à l’arabe Ras, signifie tête, éminence, sommet ; « Dir » signifie faire,
force, … . Rus est utilisé comme toponyme maritime dans le sens de cap ou promontoire ; ainsi Rusibis (El Jadida/Mazagan)
dérive de l’expression punique rôs-haa’b, montagne ou promontoire aux forêts ; la transcription Rusibis est due à Ptolomée.
10 Du Sud au Nord : plages de Sidi Abdeslam, Martil, Cabo Negro, Ksar Rimal et Tres Piedras.
Levante versus Tanger Med 11

le quart supérieur (valeurs plus grandes que 14 m/s) se produit essentiellement entre
novembre et mars ; la moitié centrale se situe dans l’intervalle [10, 14].

Vent Direction Ouest : De 2006 à 2021, il y a 192 mois. Au cours de cette période, le vent
d’intensité maximum provient 64 fois de l’Ouest, avec une vitesse allant 8 à 18 m/s ; le quart
supérieur (valeurs plus grandes que 14 m/s) se produit essentiellement entre février et avril ;
la moitié centrale se situe dans l’intervalle [10, 14]. À noter la rafale exceptionnelle 20,57 m/s
survenue le 11 octobre 2008.

Rose des vents globale


FNIDEQ Directions et vitesses moyennes (m/s)
2006-2021

Vent dominants Est 35% & Ouest 40 % ; vitesses > 8 m/s ; Est 5% & Ouest 12 %
figure 5 : De manière globale la rose des vents consolidée sur 16 années [2006-2021] fait apparaître une dominante des
directions Est & Ouest à raison de 35% et 40% ; les vitesses supérieures à 8 m/s ont une occurrence de 5% pour l’Est et de
12% pour l’Ouest.

Synthèse consolidée par saison


Hivers : La rose cumulée des vents indique la présence marquée des directions Est & Ouest,
30% et 40% ; les vitesses supérieures à 8 m/s ont une occurrence de 9% pour l’Est et de
10% pour l’Ouest.
Printemps : On constate une dominante des directions Est & Ouest de fréquences
respectives 33% et 40% ; les vitesses supérieures à 8 m/s ont une occurrence de 8% pour
l’Est et de 10% pour l’Ouest.
Été : Cette saison se caractérise par la prépondérance des directions Est & Ouest de
fréquences respectives 34% et 40% ; les vitesses supérieures à 8 m/s ont une occurrence de
3% pour l’Est et de 12% pour l’Ouest.
Automne : L’examen les données met en évidence une nette démarcation entre la direction
Est (40%) et la direction Ouest (32%) ; les vitesses supérieures à 8 m/s ont une occurrence
de 8% pour l’Est et de 5% pour l’Ouest.
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Rose des vents HIVER Rose des vents PRINTEMPS


FNIDEQ Directions et vitesses moyennes (m/s) FNIDEQ Directions et vitesses moyennes (m/s)
2006-2021 2006-2021

Vent dominants Est 30% & Ouest 40%; vitesses > 8 m/s Est 9% & Ouest 10% Vent dominants Est 33% & Ouest 40%; vitesses > 8 m/s Est 8% & Ouest 10%

Rose des vents ÉTÉ Rose des vents AUTOMNE


Directions et vitesses moyennes (m/s) FNIDEQ Directions et vitesses moyennes (m/s)
FNIDEQ
2006-2021 2006-2021

Vent dominants Est 34% & Ouest 40%; vitesses > 8 m/s Est 3% & Ouest 12% Vent dominants Est 40% & Ouest 32%; vitesses > 8 m/s Est 8% & Ouest 5%

figure 6 : Les roses des vents par saison montrent une prépondérance globale de l’ordre de 75% pour les deux
directions Est & Ouest qui interviennent pratiquement à parts égales.

VII. Explication

Le triangle [Sebta, Ksar Es Seghir & Fnideq] contient un bloc géotechnique articulé autour de
la dorsale rifaine [Jbel Kelti - Jbel Moussa]. Ce bloc se comporte comme un prisme qui va
dévier/réfracter le vent d’Est provenant du littoral Fnideq, pour le mettre en interférence avec
la branche de ce même vent d’Est qui contourne Sebta par le Détroit de Gibraltar.

Je détaille le fonctionnement de ce prisme éolien. (Voir figure 7).

Au voisinage de Fnideq, la côte Nord du Maroc s’étire en ligne droite du Sud vers le Nord :
elle fait donc face au vent d’Est qui vient s’écraser sur la terminaison du Rif qui s’étend de
Jbel Amrous à Jbel Chinder.

Cependant, cette puissante masse rocheuse se caractérise par la présence de deux


ouvertures/couloirs reliant la façade méditerranéenne au Détroit de Gibraltar.

Le premier couloir (10 km), délimité par Jbel Melh Dib et Jbel Moussa, débouche directement
sur le site « Wadi Al Marsa », canalisant ainsi le vent d’Est incident en un jet éolien pointé sur
cette plage.
Levante versus Tanger Med 13

Le deuxième couloir (15 km) s’étend de Koudia El Aanasar à Koudyet Dhour au milieu
desquelles se trouve un dipôle géotechnique (pitons jumeaux distants de 1 km) qui va jouer le
rôle d’un aileron aérodynamique.11 Cet aileron va diviser le vent incident en deux jets éoliens
pointés respectivement sur le TC1 (Tanger Med 1) et sur le TC3 (Tanger Med 2).12

Eu égard à la synthèse consolidée par saison, on retiendra en substance que les trois places
maritimes « Wadi Al Marsa », TC1 (Tanger Med 1) et TC3 (Tanger Med 2) sont soumises à
des courants d’air terrestres (dédoublement du vent d’Est) en opposition avec la branche
marine de ce même vent d’Est en provenance de Sebta par le Détroit de Gibraltar. Ainsi, de
manière naturelle et tout à fait ordinaire, il en résulte des chocs tourbillonnaires qui donnent
l’impression que ces lieux sont sous l’emprise récurrente des quatre vents.13

DÉTROIT DE GIBRALTAR
VENT D’EST ( LEVANTE/CHERGUI )

Jbel Yuima
Wadi Jouamaa
Al Marsa
Jbel Moussa Jbel Chinder
Tanger Med 1 Jbel Dalya 397 m
220 m 839 m 752 m 445 m
Jbel La Mujer Muerta Sebta
TC2

TC1 Koudyet Belahcen Koudyet Rhi


359 m 187 m Jbel Melh Dib
Tanger Med 1 Bis Koudyet Dhour
Tanger Med 2 TC3 455 m
387 m

VENT D’EST ( LEVANTE/CHERGUI )


Arkab Ain Randa
Aïn Jir 261 m
264 m
TC4 Koudia Ali
200 m
448 m Bab Mohfar
448 m
Ksar Sghir Jbel Sandouq
Pitons jumeaux
413 m Koudia Baîda Fnideq
Koudia el Aanasar
573 m
Koudiet Ghziouer

349 m

Jbel Amrous
0 5 km
354 m
MÉDITERRANÉE

figure 7 : Système respiratoire du triangle [Sebta, Ksar Es Seghir & Fnideq]. Deux couloirs géotechniques guident, par la voie
terrestre, les vents d’Est vers le Détroit de Gibraltar pour rejoindre Tanger Med 1, Tanger Med 2 & Wadi Al Marsa.

VIII. Référence à l’Urbanisme

Du fait de leur implantation côtière, la performance des ports maritimes dépend, entre autres,
des conditions atmosphériques. Plus précisément, le stockage des marchandises est
confronté aux instabilités structurelles engendrées par le vent, notamment au sein des
terminaux à conteneurs.

11 Formations rocheuses de type « calcaire gréseux » ; [Piton 1 : Latitude 35°51'1.40"N ; Longitude 5°25'52.50"W ; Hauteur :
448 m ; Piton 2 : Latitude 35°51'8.81"N ; Longitude 5°26'25.39"W ; Hauteur : 448 m].
12 TC1 désigne le premier demi-terminal à conteneurs du port de Oued R’mel dit « Tanger Med 1» (inauguré en 2007). Cette

tranche se compose de 40 hectares de terre-pleins, adossés à 800 m de quais fondés à – 16 m hydro. L’expérience montre
qu’un quai de 800 mètres ne peut pas écouler plus de 2 000 conteneurs par mètre linéaire et par an.
De même pour TC3 mis en service en 2021 : désigne le second demi-terminal à conteneurs du port de « Tanger Med 2»
(inauguré en 2019) réalisé pour corriger l’erreur d’évolutivité de Tanger Med 1. Cette tranche se compose de 36 hectares de
terre-pleins, adossés à 800 m de quais fondés à – 18 m hydro.
Zéro hydrographique : niveau le plus bas pouvant être touché par la surface de l’eau en un point donné de la côte ou de la
mer. Ainsi, – 18 m hydro signifie qu’à son arrivée le navire trouvera au moins une profondeur de 18 mètres.
13 Formée il y a quinze millions d’années, Koudia Al Baida est aujourd’hui un haut lieu de passage du vent à une vitesse qui

varie de 9,5 à 11 m/s à 40 m de hauteur ; raison pour laquelle ce site abrite ainsi un parc éolien composé de 91
aérogénérateurs réalisés ; facteur de charge dépassant 42%. À signaler que 20 aérogénérateurs sont en projet à l’horizon
2027. Canal de transhumance ancestral et couloir de migration des oiseaux, Koudia Al Baida est depuis 2001 le point de
franchissement du Rif pour relier Ksar Es Seghir (Oued Lian) sur le Détroit de Gibraltar à Fnideq (rocade méditerranéenne
RN 16) ; tronçon routier de 31 km. Par souci de précision, je délimite Ksar Es Seghir par Oued Lian (Comte Julien), toponymie
attestée par Al-Bakri ; « Description de l'Afrique septentrionale »; pages 236 & 261 de la traduction de Mac Guckin de Slane.
Le Comte Julien (650-720) fut gouverneur romain sur la péninsule tingitane ; Oued Lian est nommé en référence au château
de Julien situé à l’embouchure. À noter la toponymie « Jbel La Mujer Muerta » en raison du profil anthropomorphe du relief.
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Je rappelle qu’un terminal à conteneurs est un terre-plein revêtu, adossé à un bassin


portuaire et équipé d’un système de manutention bord à quai incluant l’entreposage.

Je précise que cet entreposage consiste à disposer de manière souple, cohérente et optimale
plusieurs milliers de boîtes. Elles sont rangées et alignées selon des travées en perpétuel
remaniement. Pour fixer les idées, disons qu’une travée est un parallélépipède de base
rectangulaire (14,64 m x 122 m) pour une hauteur comprise entre 0 et 18,2 mètres.

Une travée est en quelque sorte un bâtiment à géométrie variable. Et comme un terminal à
conteneurs se compose de travées, son étude aérodynamique relève donc de l’Urbanisme :
un champ de vent circule entre les travées de la même manière qu’il traverse un groupe de
bâtiments rapprochés (voir figure 9).

Côté terre

Travée
6 Niveaux 122 m
6 x 2,6 m = 15,6 m chiffre d’autocontrôle agréments divers
(marchandises dangereuses)
numéro de série (6 chiffres)
code propriétaire
Rangée
6 x 2,4 m = 14,4 m

société de classification

Côté quai
code pays
dimension (2 chiffres)
type (2 chiffres)
masse brute maximale tableau pour inscription
temporaire
tare
constructeur
charge utile maximum

plaque propriétaire
agrément douanier
Plaque CSC

figure 8 : Les portiques roulants sur pneus (RTG : rubber tyred gantry) sont des portiques de stockage des conteneurs à 8
roues, avec des entraxes allant de 5 à 8 largeurs de conteneur (plus une voie de camion) et des hauteurs de levage comprises
entre 1 et 6, voire 7 niveaux. Il en existe avec 16 roues. À vide, le conteneur de base (20’) a un poids égal à 2,2 tonnes, une
longueur de 20 pieds (6,10 m), une largeur de 8 pieds (2.40 m) et une hauteur de 8,5 pieds (2.60 m), soit un volume de 38 m3,
à ne pas confondre avec le volume qu’il peut contenir (33 m3). Chaque conteneur est repéré par un numéro d’identification qui
lui est propre tout au long de son existence Avec les dimensions et les normes de construction, ce numéro représente le
troisième pilier de la standardisation.

figure 9 : Écoulement aérodynamique entre les travées d’un terminal à conteneurs ; le champ de vitesse dépend de
l'orientation et des propriétés de la rugosité de l’empilement des boîtes. En raison du caractère confiné de son architecture, ce
phénomène d’interférences conditionne fortement l’exploitation d’un parc à conteneurs.
Levante versus Tanger Med 15

Port Tanger Méditerranée

Terminal conteneurs
TC1

rails pour les portiques

refuge camions
ateliers : RTG
bureaux conteneurs vides
réparation conteneurs
refuge voitures

figure 10 : Port de Tanger Med 1, plan d’occupation du sol et de gerbages du terminal à conteneurs TC1, 40 hectares de
terre-pleins, adossés à 800 m de quais, conçu pour traiter 2 000 conteneurs par mètre linéaire et par an.

IX. Le conteneur et le Vent

Dans un champ de vent, l’équilibre d’une travée est fondamental pour la viabilité du stockage.
Par équilibre, j’entends que l’action motrice du vent demeure inférieure ou égale à l’action
résistante (poids et frottement).

Action motrice

Dans l’Atmosphère, au dessus du terminal, un champ de vent de la couche basse, noté U ,
entre en contact avec la travée de conteneurs.

Ce vent exerce sur la travée une poussée d'ensemble qui dépend de la masse volumique14
de l'air   1 kg / m3 , de l'angle d'attaque, de la rugosité et des pressions/dépressions
causées par la turbulence de l'écoulement autour des faces.15

Pour caractériser le vent, intensité & direction, on prend la moyenne mesurée pendant 10

minutes. À ce vecteur moyen, on ajoute la turbulence  propre au site.

14 À une altitude donnée, l'air subit une pression induite par la masse de la colonne d'air située au-dessus. La masse
volumique de l'air est plus importante au niveau de la mer (1,225 kg/m3 à 15 °C) et décroît avec l'altitude.
15 Le mode turbulent, c’est à dire chaotique, s’installe dans un écoulement fluide non pas lorsque seule la vitesse augmente,

mais aussi quand le rapport à la viscosité du produit de la vitesse par l’étendue du terminal, disons 100 hectares, nombre sans
dimension, dépasse la valeur critique de 2 300. Par comportement chaotique, j’entends perte de mémoire, en ce sens que
deux points très proches, disons distants de 1 mm, à un instant t, se trouvent très éloignés, disons 1 m, dix secondes plus tard.
16 Premium Version

Le vecteur vent forçant à prendre en compte s’écrit alors :

  
V  U 

On se place dans le cas d’un vent horizontal perpendiculaire à la face latérale de la travée ;
 est alors de l’ordre de 0,8  U .

La pression aérodynamique moyenne de pic qui s’exerce sur la face latérale de la travée est
donnée par :

1
p   V  C
2

Où C est le coefficient aérodynamique de la travée ; il dépend de la direction considérée, ici


perpendiculaire à la face latérale de la travée ; nombre sans dimension, il est de l’ordre de
0,5 .

De manière générale, la charge globale, c’est à dire la distribution des pressions causées par
le vent, s’exprime au moyen des trois forces résultantes Fx , Fy , Fz et des trois moments
résultants M x , M y et M z rapportés à l’origine O .

Action du vent & travée de conteneurs


U conteneur fusible 
h 
vent Mz

alignement de 10 conteneurs 40’, longueur = 10 x 12,2 m = 122 m


rangée de 6 boîtes (2,44 x 6 = 14,64 m) Fz

 O My
empilement 7 niveaux Fx 
élévation = 7 x 2,6 m = 18,2 m Fy


P POIDS TRAVÉE


Mx

figure 11 : Travée composée de six alignements de dix conteneurs de 40’, avec empilement sur sept niveaux. Action
déstabilisante du vent et éléments stabilisants (poids & friction). À vide, le conteneur (40’) a un poids égal à 3,7 tonnes, une
longueur de 40 pieds (12,2 m), une largeur de 2,44 m et une hauteur de 8,5 pieds (2,60 m).

Action résistante

Face au vent, la travée s’oppose à la perturbation imposée. Pour cela, elle mobilise d’une
part la pesanteur (stabilité verticale) et d’autre part la résistance de friction (stabilité
horizontale).

Le frottement statique, ou friction ou bien encore adhérence, représente la force empêchant


le déplacement horizontal, c'est-à-dire le glissement d’ensemble. Elle est proportionnelle à la
résultante verticale et elle vaut : ( P  Fz )  K S où K S est le coefficient de friction, de l’ordre
de 0,5 pour un frottement conteneur/conteneur ou conteneur/sol.
Levante versus Tanger Med 17

À l’étape ultime, dite critique, le déséquilibre commence lorsque les éléments moteurs du
vent, poussée et moment de renversement, atteignent la valeur limite des éléments
stabilisants du torseur poids.

1
On a F   V 2  h  L  C
2

Les valeurs U  14 m / s (resp. U  19 m / s ) correspondent aux extrémités de la


fourchette où se situe la poussée globale, soit F  35 tonnes (resp. F  65 tonnes ).

X. Focus

Examinons comment se développent ces équilibres/déséquilibres.

Le vent souffle avec une vitesse laminaire U , c'est-à-dire hors turbulence, dans la fourchette
[14 m/s - 19 m/s].

Si on ajoute la turbulence, on obtient la vitesse corrigée V , dans la fourchette [25,2 m/s –


34,2 m/s].

Du fait de ces vitesses, le vent exerce sur la travée une force turbulente comprise entre 35 et
65 tonnes (voir § VII). On considère la moyenne, soit 50 tonnes. Elle s’exerce sur la surface
latérale de la travée, soit 2 220 m2 (122 m x 18,2 m).

Cette force va se concentrer sur les franges séparant les conteneurs de la première rangée.
Leur surface totale vaut 50 m2.16 Le vent se fraye un passage le long de ces interstices.
Clairement : la vitesse est multiplié par le ratio des surfaces (2 220/50 ~ 44 )

Il en résulte un jet d’air en survitesse [1 120 m/s – 1 500 m/s].17

Je rappelle que dans un fluide s'écoulant horizontalement, la pression diminue lorsque la


vitesse augmente (principe de Bernoulli).18

Eu égard à ce principe, la pression interstitielle est inférieure à la pression externe. Il en


résulte un raidissement de la cohésion d’ensemble. La travée se comporte comme un seul
tenant. Autrement dit, les conteneurs de la travée sont maintenus soudés par le gradient de
pression intérieure/extérieure (5 kgf/cm2). En tenant compte de la perte de charge, je retiens
la valeur 1 kgf/cm2.

XI. Fusible

Comme je viens de le montrer, face au vent, les conteneurs d’une travée se comportent
comme un seul bloc. Cependant, le point crucial à retenir est le suivant : cette solidarité met
évidemment en péril la travée. C’est là qu’intervient le syndrome du fusible : le sacrifice d’une
boîte permet d’atténuer les forces déstabilisantes.

16 Il y a 9 franges verticales ; chacune a une largeur de 0,20 m pour une hauteur de 18 m. Ce qui offre une prise verticale
totale au vent de 32,4 m2. Il y a six franges horizontales ; chacune a une largeur de 0,03 m pour une extension de 122 m. Ce
qui offre une prise horizontale totale au vent de 22 m2. J’arrondis à 50 m2 (~ 32,4+22).
17 Conservation de la masse.

18 Si on note Vi (resp. pi ) la vitesse interstitielle (resp. la pression interstitielle) et Ve (resp. pe ) la vitesse du vent
(resp. la pression extérieure), alors on a :  p  pe  pi     [Vi  V ] .
1
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Je répète : en se désolidarisant du bloc, le conteneur qui est emporté par le vent joue le rôle
d’un fusible. Il sauve de l’effondrement la travée où il se trouve. Ainsi, grâce à ce « don de
soi », il protège et préserve l’intégrité globale de l’installation contre les instabilités causées
par les mouvements de l’air. 19

XII. Cohabitation

J’ai expliqué que le port est naturellement exposé aux vents de l’Océan Atlantique d’une part,
et de la Mer Méditerranée d’autre part. Par rapport à cette dernière, j’ai présenté en détail la
conjonction aérodynamique créée par le couple Levante/Relief.
J’ai signalé que ce phénomène est unique au monde et qu’il soumet les conteneurs empilés à
un stress soutenu. J’en ai évalué les effets au moyen de trois paramètres : air & turbulence
(intensité/direction) ; friction (sol/boîte & boîte/boîte) ; profilage.
Il s’agit maintenant de mettre en pratique cette théorie. Pour cela, il faut disposer de résultats
de mesures sur site qui vont permettre de déterminer l’impact du régime éolien actuel sur le
déroulement de l’exploitation portuaire.
Voici le mode opératoire.
Tout d’abord, on établira un protocole de collecte et de sélection de l’information, selon une
veille étalée dans le temps et dans l’espace, avec une approche à deux niveaux.
Les campagnes de premier niveau seront focalisées sur la localisation des points sensibles,
là où la chute des conteneurs est la plus importante. Autrement dit, en corrélation avec le
vent, il faut identifier et cartographier les zones menacées.
Les campagnes de deuxième niveau seront engagées pour dresser un plan de prévention
des désordres potentiels. Pour cela, il faut équiper chaque terminal d’une surveillance
automatisée, à module solaire, combinant anémomètre, thermomètre, hygromètre et
baromètre. Les enregistrements doivent être analysés, puis traités avec pertinence, c'est-à-
dire de manière ciblée. Pour le coefficient de frottement, il faut instrumenter in situ dix
conteneurs pleins & vides, au moyen de vérins hydrauliques reliés à un moniteur de contrôle.
Ces mêmes vérins serviront également à la mesure, en grandeur nature, des coefficients de
forme.
Cela étant, il convient de prévoir des brise-vent naturels. C'est-à-dire des rangées, simples ou
multiples, d'arbres plantés à la périphérie pour protéger les travées de conteneurs et
améliorer ainsi la performance. Je préconise les conifères, genre pin parasol, essence
endémique sur le pourtour méditerranéen. On privilégiera l’espèce pin maritime qui, comme
son nom l'indique, supporte bien les embruns et les vents forts du Levante/Chergui.
Cependant, ce dispositif végétal nécessite quelques années avant d’atteindre la maturité pour
l’efficacité requise.
Parallèlement, on procédera à l’installation de brise-vent artificiels, faits de matériaux
recyclables ou biodégradables, tels que le bois ou le géotextile. Ils ont évidemment une durée
de vie utile plus courte.20

FAIT À CASABLANCA, LE 22 FÉVRIER 2022

Najib Cherfaoui

19Comme dirait Alexandre Dumas « Un Pour Tous & Tous Pour Un » (Les trois Mousquetaires ; 1844).
20 Voilà, destinée à l’Administration, cette passionnante exploration linguistique est terminée : un voyage dans les temps
géologiques en interférences avec les civilisations berbère, phénicienne, romaine et arabe.

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