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Quand les morts hantent les objets

Table ronde animée par Manuel CHARPY

Ece ZERMAN, post-doctorante CNRS


Jing WANG, doctorante ENS
Philippe BAUDOIN, MCF associé Paris-Seclay

Manuel CHARPY

Réfléchir à la croisée de la culture matérielle et visuelle et de l’histoire de nos rapports intimes avec
les morts, les ancêtres.

La proposition de Georges Perec, écrivain et poète français qui dit : « Questionner vos petites
cuillères », il commence comme ça dans l’histoire de l’infra-ordinaire. C’est ce que l’on fait quand
on fait l’histoire de la culture matérielle mais on sait en même temps que quand on fait de l’histoire
notamment l’histoire contemporaine ; que les familles se déchirent entre les petites cuillères de
famille, pas seulement car il s’agit d’argenterie. Il y a sans doute plus de symbolique que de
monétaire derrière cela.

On peut sans doute se dire que derrière ces objets de famille, de ces objets transmis, il y a toute une
histoire chargée des ancêtres. Quand on travaille sur les testaments au XIXème siècle au sein des
familles, on voit d’un coup arriver plein d’objets alors qu’avant il s’agit d’un testament monétaire et
moral. Ce qui est intéressant en venant arriver les objets, c’est que les familles ont l’idée que les
objets vont porter leur mémoire c’est-à-dire vont obliger les descendants à se remémorer. Autrement
dit, les ancêtres essayent par les objets d’êtres présents dans les générations à venir.

Ceci donne un tas d’objets assez étranges :


→ Un faïencier a mis au point un modèle où on peut transférer les photos des morts sur des services
à thé et à café par exemple (succès assez bref).
→ Un système plus ordinaire entre 1860 et 1914, la guerre de 14 met fin à la pratique, c’est tous les
tableaux en cheveux où on va coudre avec les photos des reliques des morts.
→ Une autre pratique qui se développe également avec l’arrivée de la crémation dans les années
1880, on va se demander comment garder la mémoire du corps. A Paris, en quelques années, ceci va
être assez bref, proposer de mélanger les cendres avec une sorte de ciment et de faire des moulages
(des bustes qui vont être des réifications des ancêtres). Tout un travail de fond pour rendre les morts
présents à travers les objets.
→ On a des pratiques (rejoint le travail de Philippe Baudoin) : des billes/bulles de verre et on colle
la photo de la personne morte derrière et ceci donne l’impression qu’elle nous regarde depuis le
passé ou le futur (ceci dépend des convictions de chacun), comme un spectre à travers cette image.
C’est assez troublant, puisque c’est inventé dans les années 1960 au moment où on invente les
boules de cristal qui permettent de voir le présent et le futur ainsi que de dialoguer avec les ancêtres.

Ce qui intéresse tous les intervenants, c’est de voir que dans d’autres cultures ce rapport par l’objet
aux ancêtres est différent.
Ex : Il est très frappé par une histoire de rumeurs au Congo autour d’objets européens. Les
Congolais à partir des années 1860 s’inquiètent de ce que deviennent tous les hommes qui ont été
razzié pour l’esclave puis pour les travaux forcés (des gens qu’ils voient partir et ne jamais revenir
ou mourir). Des rumeurs récurrentes sur l’idée par exemple que toute la poudre à canon qui serait
vendue par les Européens serait fabriquée avec les cendres, les corps de ces esclaves et ces hommes
que l’on force au travail. Cela revient à partir des années 1930 sur l’idée que dans les boites de
corned-beef, nourrit par toute la publicité européenne qui met en scène des cannibales, c’est que
l’on nous fait manger les ancêtres. On peut dire que c’est une croyance ou voir de plus près :
magasin de produits européen essentiellement des boites de conserve.

Quant on a une rumeur sur ce sujet, on touche à l’économie et au rapport entre européen et
congolais et remise en cause politique c’est une façon de retourner l’accusation de cannibalisme.
Ce rapport matériel, physique aux ancêtres est un peu la chose qui nous intéresse aujourd’hui.

Deux exemples :
- Un très familialo-français
- Un peu plus lointain sur les terres coloniales

Les intervenants vont parler à la fois d’objets africains, chinois, turcs et retour en fin de séance sur
les terres européennes.

La photo du programme provient du Congo au Kantaga c’est une accumulation d’objets européens
des tombes qui rentre dans ce système de culte et de transmission des ancêtres.

Julien BONDAZ, Maître de Conférence en Anthropologie à Lyon 2 et en résidence au quai


Branly. Prépare une exposition en 2025 sur la mission Dakar-Djibouti (1931-1933) (célèbre
expédition ethnographique française menée en Afrique, sous la direction de Marcel Griaule,
ethnologue et africaniste français)

Va parler d’Afrique subsaharienne d’un point de vue européen. On va très vite arriver à la question
des objets musée. Dans les images qu’ils projettent ce sont principalement des objets conservés
dans des musées européens pour interroger la manière dont les morts ne hantent pas de la même
manière les objets en Afrique et en Europe ; quand bien même il s’agit d’objets d’origine africaine.

Il a tendance à parler d’objet rituel et d’œuvres d’art. On peut dire que les objets rituels africains, un
certain nombre d’entre eux sont devenus des œuvres d’art en intégrant le marché de l’art et les
musées européens. C’est évidemment plus complexe que cela mais il ne souhait pas rentrer dans les
détails pour cette table ronde.

Il se trouve que l’exposition aborde une série de questions qui peuvent nous intéresser notamment
celle des rapports aux ancêtres. Une des productions de l’artiste présente un objet avec pour légende
« Ils ont cru que nos ancêtres étaient des objets de musée » ce qui est un bon titre avec ce qu’il va
nous dire maintenant.

Ce qui l’intéresse se sont les écarts entre la présentification des morts (la manière de les rendre
présents en contexte rituel et en contexte muséum en soulignant que dans tous les cas il y a
évidemment un trouble cognitif universel dans cette mise en présence des morts même s’il connaît
des variations culturels.

En tout cas, les défunts ont un statut ambivalent dans toutes les sociétés et bien sûr aussi bien dans
les nôtres que celles d’Afrique subsaharienne. Ce statut ambivalent concerne pas seulement les
objets attachés aux défunts mais aussi le cadavre en premier lieu (qui ni tout à fait un humain, ni un
objet), le nom de la personne décédée ainsi que l’ancêtre (entité invisible parmi d’autres). Dans de
nombreuses sociétés et notamment en Afrique subsaharienne, il existe des tabous sur le nom des
personnes décédées.

Les objets ne sont pas facilement pensables en dehors des évocations du nom de l’ancêtre, en
dehors de la référence des entités invisibles, de la référence au cadavre parfois de sa matérialité.
Pour dire vite, à partir des sociétés subsahariennes, on peut considérer que sur le plan rituel les
présences matérielles des morts, elles s’inscrivent dans 3 logiques à partir d’objets africains
considérés comme des œuvres d’art exposées ou servies en tant que tel dans les musées :
- Une logique qui conduit à utiliser des objets pour marquer l’emplacement des tombes ou des
cimetières (ex : poteau funéraire du Tchad qui marque l’emplacement d’un cimetière et un poteau
funéraire malgache ou de Madagascar qui marque des tombes individuelles). Ce ne sont pas des
usages que l’on observe dans toute l’Afrique subsaharienne mais dans plusieurs sociétés. Cette
présence est indicielle (elle indique) l’emplacement de ces tombes.
- Permet de montrer que les objets jouent un rôle dans une autre logique en quelque sorte en
s’intégrant dans des processus qu’en anthropologie on appelle processus d’ancestralisation
(fabrication des ancêtres, la transformation des défunts en ancêtres). Tous les défunts ne deviennent
pas des ancêtres.
Il y a toute une série d’aspect normatifs, de définitions de ce que peut être une bonne mort ou une
mauvaise mort, ceci varie en fonction des sociétés. Pour dire vite, les cas les plus fréquents c’est
que les morts accidentelles, par noyade ou foudroiement sont considérées comme de mauvaises
morts (dans d’autres contextes, on dirait des « mal-morts »). Ces dernières empêchent très souvent
l’accès au statut d’ancêtre ou alors dans d’autres cas cela nécessite des cérémonies spécifiques pour
que malgré tout ces défunts accèdent au statut d’ancêtres.
Ces processus d’ancestralisation donnent lieu à de nombreux rituels associés aux funéraires, à la
levée du deuil, aux secondes funérailles (cela ne s’observe pas dans toutes les sociétés mais très
répandu en Afrique subsaharienne. Les funérailles sont organisées en deux temps/phases qui
permettent le long processus de transformation des défunts en ancêtres. Dans certains sociétés les
secondes funérailles donnent lieu aux prélèvements d’ossements des grands ancêtres c’est
notamment le cas le plus connu de ce que l’on appelle des reliquaires (ex : un reliquaire Kota et un
reliquaire Fang provienant tous les deux du Gabon en précisant qu’il s’agit non pas d’un reliquaire
mais de figurines disposées au dessus des boîtes contenant les reliques, ossements. Elles ont été
détachées des boîtes et ont gagné en quelque sorte une autonome dans une perspective
d’artification, transformation en œuvre d’art de cette statuaire spécifique. Les reliquaires Kota
étaient attachés de manière permanente aux boîtes reliquaires et chez les Fang, elles étaient parfois
détachées pour être utilisées dans des cérémonies puis de nouveau attachés sur la boîte, davantage
mobile en quelque sorte.
Dans tous les cas, il est en quelque sorte dommage que ces statuettes étaient détachées. Les musées
conservent très peu de reliquaires complets de ces sociétés puisque les boîtes ont été délaissé. Il
existe quand même quelques cas (ex : reliquaire dont ossements enfants sont mêlés avec des
ossements d’adultes, conservé au musée du quai Branly grâce au développement des technologies
d’imagerie médicale, il y a maintenant des études qui permettent de révéler la présence des
ossements et de les analyser par la tomographie (le scan par coupe des objets qui permet de révéler
la présence des ossements et de les analyser). Une quarantaine de reliquaires ont été analysé il y a 6-
7ans au musée du quai Branly par une équipe dirigé par Christophe Moulherat, anthropolgue
français.
On peut malgré tout s’interroger sur cette prétention muséale d’aller voir ce qui est caché dans les
objets à un moment en terme d’éthique de la conversation se pose toute une série de questions. Ce
sont des objets relativement récents, pas dans une logique archéologique. Parfois, les ethnologues
sont choqués par ces démarches.
- Une logique qui permet de poser la question de la présentification des morts dans la statuaire
africaine. Elle concerne une vaste catégorie d’objets (statuettes, masques, hôtels) qui sont utilisés
pour convoquer les ancêtres lors de cérémonies rituelles (musique, bruitages, pantomime) ou culte
dédiés, parfois aucun rapport avec la mort (initiation). Cette provocation matérielle des ancêtres,
elle est jamais organisé de manière autonome, des paroles habituelles sont énoncées, invocations,
pantomimes, bruitages dans le cas des sorties de masques, de la musique. Les ancêtres peuvent être
convoquer à l’occasion d’un culte dédié ou de cérémonies funéraires mais aussi à l’ocassion de
cérémonie n’ayant aucun rapport avec la mort (ex : les initiations sont un lieu privilégié de
convocations de ces figures d’ancêtres car elle est pensée comme une mort temporaire, lien étroit
entre la mort et l’initiation. Dans le marché de l’art, dans les musées, dans de nombreuses
publications les masques, statues sont présentés comme des masques/statues d’ancêtres alors que ce
n’est pas forcément le cas. C’est toujours plus compliqué.

Sous bien des aspects, on peut considérer que l’histoire de la réception de l’art africain dans les
sociétés ou par les sociétés occidentales ça apparaît comme un processus de mortuarisation de l’art
africain, de la statuaire africaine. On associe l’imaginaire de la mort beaucoup plus facilement que
les populations concernées à ces objets. Cela s’inscrit dans une forme de primitivisme qu’il faut
interroger sur la longue durée. Dès le XIXème siècle, il y a une fascination pour la violence et la
mort dans les sociétés africaines par les européens qui accréditent l’idée selon laquelle les
populations africaines seraient sauvages (classique du XIXème siècle). Cela ne se joue pas
seulement sur le plan de l’imaginaire, de l’imagerie (par exemple, le cannibalisme ou les sacrifices
humains) ça joue aussi au niveau de la perception de la matérialité des objets rapportés d’Afrique
subsaharienne collectés de diverses manières.

Une des manières les plus tragiques sont les objets collectés sur les champs de bataille de la
conquête coloniale (ex : « deux fétiches en bois sculpté trempés dans le sang de nos soldats, fétiches
des guerriers du Dahomey (Bénin actuel). La présence du sang de nos soldats est mise en avant
comme une façon de produire les reliques des militaires participant à la conquête coloniale. Si on
revient à la conquête par la France du Dahomey, de très nombreux objets sont présentés à l’époque
et prélevés sur les cadavres des guerriers dits dahoméens à l’époque notamment des femmes de
l’armée Béanza

Modalités divergentes si on est visiteur ou on les utilise dans les sociétés.

Cas d’un collectionneur français : art africain, après sa mort soit incinéré fétiche africain, urne
funéraire → rapport à as propre mort.

Jing WANG

Pq en Asie les morts st plus importants que les vivant en Chine Vietnam, Thaïlande ?

1) Pratique culte ancêtre en Chine


Noblesse au peuple : fêtes traditionnelles,
A la fin du 19e sc, étranges processions → 1900, père Henry, missionnaire européen, nb offrandes
papier brûlé à aprtir de papier bambou grossier, réalisation artisanal avec plein d’imperfection,
rouge, jaune et or. Les artisans peuvent ajouter des sinogrammes (longévité, bonheur ou fortune).
Objets comme des animaux, brûlés lors d’occasions importantes. Maintenir les liens de parentés
avec les ancêtres. La mort n’existe pas en Asie car continuité avec l’au-delà. Envoie des offrandes
aux ancêtres donc brûlées.

ECE ZERMAN

Article studio photographie, ville empire ottaman : anecdote

Au milieu du 20e sc, offrandes de papiers interdictes pr diff raisons.


Milieu des années 1990,

2) Importances et évolutions dans ces pratiques


3) Espace virtuel

BAUDDOUIN

Fille aux yeux bandés utilisant une « planche spirite », 1910.

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