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A
u XIe siècle la région d’Ambazac est marquée par
l’implantation de l’ordre de Grandmont qui est
organisé autour d’une abbaye dont le rayonnement
artistique et intellectuel nous est parvenu grâce à des
pièces d’orfèvrerie de grande qualité. La règle de vie des
moines de Grandmont avait été édictée par saint Étienne,
un ermite qui s’était retiré dans la forêt de Muret près
d’Ambazac.
Aux XIIe et XIIIe siècles l’abbaye bénéficie du soutien de
l’impératrice Mathilde, mère du futur Henri II, roi d’Angle-
terre. De cette époque datent deux des œuvres les plus
importantes du Limousin médiéval : la châsse et la
dalmatique dites « de saint Étienne de Muret ».
La châsse
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lors des Expositions universelles de est constituée d’une soierie bicolore,
1878 et de 1889. Cette renommée bordée à l’encolure d’un fin galon
méritée aboutit au classement au exécuté selon la « technique aux
titre des monuments historiques de cartons », très prisée à l’époque
la châsse lors de la première Commis- médiévale pour le tissage des galons.
sion supérieure des objets mobiliers La contexture du tissu de soie, c’est-
le 20 juin 1891. à-dire ce qui définit sa technique de
En 1907, la châsse est volée par les tissage, est celle d’un samit façonné
frères Thomas, célèbres pour avoir deux lats, technique sophistiquée
dérobé de nombreuses œuvres originaire des pays d’Asie. Elle permet
religieuses à Solignac ou encore à la fabrication de tissus dits façonnés
Laguenne en Corrèze. La châsse est où le décor naît du jeu de l’entre-
retrouvée en 1910 à Londres. croisement des fils présélectionnés,
correspondant aux couleurs jaune et
violette. La doublure, qui n’est pas
La dalmatique d’origine, est en toile écrue.
Le décor se compose de motifs en
Une dalmatique était, dans l’Antiquité, forme de roues violettes contenant
une riche tunique portée par les chacun une aigle héraldique jaune
empereurs et hauts dignitaires avant d’or. Un petit dessin à motif de feuilles
de désigner le vêtement liturgique se répète autour de chacune des
des diacres dans les grandes céré- roues, formant de cette manière un
monies. La littérature religieuse cadre ornemental. Entre les roues sont
attribue une signification symbolique intercalées des rosettes prolongées
à chaque élément : la forme de croix de fleurons. Sur l’envers, la particu-
rappelle celle du calvaire, la largeur larité du samit deux lats étant d’être
des manches est mise en relation réversible, les couleurs sont inversées
avec les largesses de la charité et de et les aigles doivent apparaître en
l’aumône, l’absence de couture peut violet sur fond or.
signifier l’intégrité de la foi…
La légende prétend que ce vêtement
aurait été donné à saint Étienne
de Muret en 1121 par l’impératrice
Mathilde. Cependant, une étude de la
conservatrice américaine Dorothy
Shepherd en 1960 a démontré que le
tissu dont est constitué la dalmatique
ne pouvait être antérieur au XIIIe siècle.
Il semblerait qu'elle ait été conçue
en Espagne dans la seconde moitié
du XIIIe siècle et aurait été offerte à
l’abbaye de Grandmont. Cette hypo-
thèse se confirme également par la
richesse du tissu et le décor ostenta-
toire de la dalmatique qui n’aurait pas
pu être réalisé pour saint Étienne,
célébré pour l’austérité de ses mœurs.
La dalmatique dite de saint Étienne Vue de face
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Châsse et dalmatique dites « de saint Étienne de Muret », ambazc (87)
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