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Le Malade imaginaire, Stage intensif pour
Molière, acte 3 scène 3 : gagner 4 à 9 points à

analyse l'écrit du bac de français


en 12 jours
2 commentaires • Par Amélie Vioux

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linéaire de l’acte
III scène 3 du
Malade
imaginaire de Qui suis-je ?
Molière.
Amélie
La scène analysée Vioux,
va de « J’entends, professeur
mon frère, que je ne vois point d’homme qui soit moins malade que vous » particulier de
à la fin de la scène. français, je
vous aide à
booster vos
Le Malade imaginaire, acte III scène 3, notes au bac de français.
introduction Pour en savoir plus, cliquez
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière est l’un des auteurs de comédies les ici.
plus reconnus et les plus joués.

Ses pièces font la synthèse de la farce populaire et de la comédie de


mœurs pour fonder un nouveau type de comédie, caractérisé par sa
complexité et sa virtuosité inédites. Commande ton livre ici :

Son œuvre théâtrale dénonce l’excès des passions et les risques qu’elles
infligent à la famille et à la société.

Avec le musicien Lully, il crée aussi le genre de la comédie-ballet dont fait


partie Le Malade imaginaire : ce nouveau genre offre un spectacle total
qui mêle art dramatique, chant et danse.

Le Malade imaginaire met en scène un hypocondriaque et tyrannique père


de famille qui veut forcer sa fille à se marier à un médecin charlatan, ce qui
soulève la colère et la résistance de sa famille. (Voir la fiche de lecture du
Malade imaginaire pour le bac)

Dans la scène 3 de l’acte III, Béralde entend raisonner son frère afin qu’il
abandonne le projet de mariage.

Extrait étudié
BÉRALDE.- J’entends, mon frère, que je ne vois point d’homme, qui soit moins
#
malade que vous, et que je ne demanderais point une meilleure constitution que la
vôtre. Une grande marque que vous vous portez bien, et que vous avez un corps
parfaitement bien composé ; c’est qu’avec tous les soins que vous avez pris, vous
n’avez pu parvenir encore à gâter la bonté de votre tempérament, et que vous n’êtes
point crevé de toutes les médecines qu’on vous a fait prendre.

ARGAN.- Mais savez-vous, mon frère, que c’est cela qui me conserve, et que Fais une recherche :
Monsieur Purgon dit que je succomberais, s’il était seulement trois jours, sans
prendre soin de moi ?
Rechercher... "
BÉRALDE.- Si vous n’y prenez garde, il prendra tant de soin de vous, qu’il vous
enverra en l’autre monde.

ARGAN.- Mais raisonnons un peu, mon frère. Vous ne croyez donc point à la
médecine ?

BÉRALDE.- Non, mon frère, et je ne vois pas que pour son salut, il soit nécessaire
d’y croire.
ARGAN.- Quoi vous ne tenez pas véritable une chose établie par tout le monde, et
que tous les siècles ont révérée ?

Retrouve mes fiches sur


BÉRALDE.- Bien loin de la tenir véritable, je la trouve entre nous, une des plus
grandes folies qui soit parmi les hommes ; et à regarder les choses en philosophe, je Instagram :
ne vois point de plus plaisante momerie ; je ne vois rien de plus ridicule, qu’un
homme qui se veut mêler d’en guérir un autre.

ARGAN.- Pourquoi ne voulez-vous pas, mon frère, qu’un homme en puisse guérir un
autre ?

BÉRALDE.- Par la raison, mon frère, que les ressorts de notre machine sont des
mystères jusques ici, où les hommes ne voient goutte ; et que la nature nous a mis
au-devant des yeux des voiles trop épais pour y connaître quelque chose.

ARGAN.- Les médecins ne savent donc rien, à votre compte ?

BÉRALDE.- Si fait, mon frère. Ils savent la plupart de fort belles humanités ; savent
parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir, et les
diviser ; mais pour ce qui est de les guérir, c’est ce qu’ils ne savent point du tout. Commentairecompose.fr sur
TF1 :
ARGAN.- Mais toujours faut-il demeurer d’accord, que sur cette matière les médecins
en savent plus que les autres.

BÉRALDE.- Ils savent, mon frère, ce que je vous ai dit, qui ne guérit pas de grand-
chose, et toute l’excellence de leur art consiste en un pompeux galimatias, en un
spécieux babil, qui vous donne des mots pour des raisons, et des promesses pour
00:57
des effets.

ARGAN.- Mais enfin, mon frère, il y a des gens aussi sages et aussi habiles que
vous ; et nous voyons que dans la maladie tout le monde a recours aux médecins.

BÉRALDE.- C’est une marque de la faiblesse humaine, et non pas de la vérité de


leur art.
ARGAN.- Mais il faut bien que les médecins croient leur art véritable, puisqu’ils s’en
servent pour eux-mêmes.

BÉRALDE.- C’est qu’il y en a parmi eux, qui sont eux-mêmes dans l’erreur populaire,
dont ils profitent, et d’autres qui en profitent sans y être. Votre Monsieur Purgon, par
exemple, n’y sait point de finesse ; c’est un homme tout médecin, depuis la tête
jusqu’aux pieds. Un homme qui croit à ses règles, plus qu’à toutes les
démonstrations des mathématiques, et qui croirait du crime à les vouloir examiner ;
qui ne voit rien d’obscur dans la médecine, rien de douteux, rien de difficile ; et qui
avec une impétuosité de prévention, une raideur de confiance, une brutalité de sens
commun et de raison, donne au travers des purgations et des saignées, et ne
balance aucune chose. Il ne lui faut point vouloir mal de tout ce qu’il pourra vous
faire, c’est de la meilleure foi du monde, qu’il vous expédiera, et il ne fera, en vous
tuant, que ce qu’il a fait à sa femme et à ses enfants, et ce qu’en un besoin il ferait à
lui-même.

ARGAN.- C’est que vous avez, mon frère, une dent de lait contre lui. Mais enfin,
venons au fait. Que faire donc, quand on est malade ?

BÉRALDE.- Rien, mon frère.

ARGAN.- Rien ?

BÉRALDE.- Rien. Il ne faut que demeurer en repos. La nature d’elle-même, quand


nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre
inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent
de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies.
ARGAN.- Mais il faut demeurer d’accord, mon frère, qu’on peut aider cette nature par
de certaines choses.

BÉRALDE.- Mon Dieu, mon frère, ce sont pures idées, dont nous aimons à nous
repaître ; et de tout temps il s’est glissé parmi les hommes de belles imaginations
que nous venons à croire, parce qu’elles nous flattent, et qu’il serait à souhaiter
qu’elles fussent véritables. Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de
soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit, et lui donner ce qui lui manque, de la
rétablir, et de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions : lorsqu’il vous
parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles, et le cerveau, de dégonfler la
rate, de raccommoder la poitrine, de réparer le foie, de fortifier le cœur, de rétablir et
conserver la chaleur naturelle, et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues
années ; il vous dit justement le roman de la médecine. Mais quand vous en venez à
la vérité, et à l’expérience, vous ne trouvez rien de tout cela, et il en est comme de
ces beaux songes, qui ne vous laissent au réveil que le déplaisir de les avoir crus.

ARGAN.- C’est-à-dire, que toute la science du monde est renfermée dans votre tête,
et vous voulez en savoir plus que tous les grands médecins de notre siècle.

BÉRALDE.- Dans les discours, et dans les choses, ce sont deux sortes de
personnes, que vos grands médecins. Entendez-les parler, les plus habiles gens du
monde ; voyez-les faire, les plus ignorants de tous les hommes.

ARGAN.- Hoy. Vous êtes un grand docteur, à ce que je vois, et je voudrais bien qu’il
y eût ici quelqu’un de ces messieurs pour rembarrer vos raisonnements, et rabaisser
votre caquet.

BÉRALDE.- Moi, mon frère, je ne prends point à tâche de combattre la médecine, et


chacun à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu’il lui plaît. Ce que j’en dis n’est
qu’entre nous, et j’aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous
êtes ; et pour vous divertir vous mener voir sur ce chapitre quelqu’une des comédies
de Molière.

ARGAN.- C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le
trouve bien plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les médecins.

BÉRALDE.- Ce ne sont point les médecins qu’il joue, mais le ridicule de la médecine.

ARGAN.- C’est bien à lui à faire de se mêler de contrôler la médecine ; voilà un bon
nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de
s’attaquer au corps des médecins, et d’aller mettre sur son théâtre des personnes
vénérables comme ces Messieurs-là.

BÉRALDE.- Que voulez-vous qu’il y mette, que les diverses professions des
hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois, qui sont d’aussi bonne
maison que les médecins.

ARGAN.- Par la mort non de diable, si j’étais que des médecins je me vengerais de
son impertinence, et quand il sera malade, je le laisserais mourir sans secours. Il
aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée, le
moindre petit lavement ; et je lui dirais : « crève, crève, cela t’apprendra une autre
fois à te jouer à la Faculté ».

BÉRALDE.- Vous voilà bien en colère contre lui.

ARGAN.- Oui, c’est un malavisé, et si les médecins sont sages, ils feront ce que je
dis.

BÉRALDE.- Il sera encore plus sage que vos médecins, car il ne leur demandera
point de secours.

ARGAN.- Tant pis pour lui s’il n’a point recours aux remèdes.

BÉRALDE.- Il a ses raisons pour n’en point vouloir, et il soutient que cela n’est
permis qu’aux gens vigoureux et robustes, et qui ont des forces de reste pour porter
les remèdes avec la maladie ; mais que pour lui il n’a justement de la force, que pour
porter son mal.

ARGAN.- Les sottes raisons que voilà. Tenez, mon frère, ne parlons point de cet
homme-là davantage, car cela m’échauffe la bile, et vous me donneriez mon mal.

BÉRALDE.- Je le veux bien, mon frère, et pour changer de discours, je vous dirai que
sur une petite répugnance que vous témoigne votre fille, vous ne devez point prendre
les résolutions violentes de la mettre dans un couvent. Que pour le choix d’un
gendre, il ne vous faut pas suivre aveuglément la passion qui vous emporte, et qu’on
doit sur cette matière s’accommoder un peu à l’inclination d’une fille, puisque c’est
pour toute la vie, et que de là dépend tout le bonheur d’un mariage.

Problématique
Nous verrons comment cette longue confrontation entre Argan et Béralde
oppose deux visions excessives de la science médicale : une
sacralisation et une satire de la médecine.

Annonce de plan linéaire


Dans cette première partie, de « J’entends, mon frère, que je ne vois point
d’homme qui soit moins malade que vous » de la scène à « des promesse
pour des effets », Béralde considère que la médecine n’est qu’une vaine
croyance.

Dans une deuxième partie, de « Mais enfin » à « ferait à lui-même. »,


Béralde considère que les médecins sont eux-mêmes victimes de la
dangereuse inefficacité de leur art.

Dans une troisième partie, de « C’est que vous avez » à « comédies de


Molière. », Béralde oppose la dangerosité de la médecine à la naturelle
capacité du corps à se guérir.

Dans une quatrième partie, de « C’est un bon impertinent » à « porter son


mal », Argan dénonce la satire des médecins qu’exprime Molière, et
que défend Béralde.

Enfin, dans une cinquième partie, de « Les sottes raisons » à la fin de la


scène, Béralde invite Argan à marier Angélique à un homme qui lui
plaît.

I – Béralde considère que la médecine


n’est qu’une vaine croyance
(De « J’entends, mon frère, que je ne vois point d’homme qui
soit moins malade que vous » à « des promesses pour des
effets. »)
L’adresse « mon frère », de Béralde à Argan, témoigne de la proximité de
leur lien, ce qui annonce un dialogue sincère et profond.

Béralde commence tout d’abord par faire l’éloge de la santé d’Argan à


travers la tournure superlative : « je ne vois point d’homme qui soit moins
malade que vous » et le champ lexical de la santé : « meilleure
constitution« , « vous vous portez bien » , « un corps parfaitement
composé » , « la bonté de votre tempérament » .

Mais c’est paradoxalement le fait qu’Argan résiste aux « soins » des


médecins qui prouve qu’il est en bonne santé. En effet, les soins d’Argan
n »‘ont pas encore réussi à le « gâter » et il n’est point encore « crevé ».

C’est donc un paradoxe comique que met en relief Béralde.

Ce paradoxe est d’autant plus amusant que Béralde a créé un effet


d’attente avec une très longue phrase dont la proposition principale
tardive crée donc la surprise : « vous n’avez pu parvenir encore à gâter la
bonté de votre tempérament » .

Ce paradoxe synthétise les reproches de Béralde à l’encontre de la


médecine : pour lui, les médecins hâtent la mort de leurs patients.

Argan rétorque, comme le spectateur s’y attendait : « c’est cela qui me


conserve ». La tournure emphatique (« c’est cela » ) met en valeur la
médecine comme l’unique cause de sa bonne santé.

Argan cite alors Monsieur Purgon : « Monsieur Purgon dit que je


succomberais… » .

Ce discours indirect souligne qu’Argan ne pense plus par lui-même


mais se réfugie derrière les propos savants de son médecin.

Or le diagnostic du médecin est décrédibilisé par son pessimisme


exagéré puisque Purgon prévoit pour Argan, en l’absence de
médicaments, une mort en « seulement trois jours » .

Béralde moque aussitôt la dangerosité du médecin « il prendra tant de soin


de vous, qu’il vous enverra en l’autre monde. » La proposition
subordonnée circonstancielle de conséquence (« tant (…) qu’il vous
enverra en l’autre monde » ) souligne le lien de cause à effet entre le soin
du médecin et la mort.

La périphrase imagée « envoyer en l’autre monde » est amusante et rend


l’avertissement plus agréable et audible.

Argan pose alors le cœur du débat : « Mais raisonnons un peu, mon frère.
Vous ne croyez donc point à la médecine ? »

L’emploi surprenant du verbe « raisonner » chez ce colérique témoigne de


sa volonté de réfléchir.

Cette question permet à Molière de mettre en scène un véritable débat


sur la médecine.

Béralde répond qu’en effet il ne croit pas en la médecine, qui serait inutile.

Cela choque Argan, qui s’exclame et interroge : « vous ne tenez pas


véritable une chose établie par tout le monde, et que tous les siècles ont
révérée ? »

Les hyperboles totalisantes « tout le monde« , « tous les siècles »


révèlent qu’Argan croit à la médecine parce qu’elle est perçue positivement
par la doxa, l‘opinion dominante.

L’adjectif « véritable » souligne que pour Argan, la vérité correspond à


l’opinion partagée par le plus grand nombre.

Or Béralde, lui, s’éloigne de la doxa et adopte une posture de philosophe


: « à regarder les choses en philosophe » .

Le champ lexical de la folie récuse toute vertu à la médecine : « folies » ,


« momeries » , « ridicule » .

Béralde est un personnage empirique, qui se fonde sur son sens de


l’observation comme le souligne les verbes liées à la vue : « regarder » ,
« je ne vois point » , « je ne vois rien » .

Si Argan a une confiance aveugle à l’égard des médecins, Béralde oppose


au contraire une défiance absolue.

Les deux frères se définissent donc par un même défaut : l’incapacité à


penser la nuance.

La critique de Béralde est en effet excessive et radicale comme le


souligne les négations totales, les hyperboles et les superlatifs : « je ne
vois point de plus plaisante momerie » , « je ne vois rien de plus ridicule » .

Béralde prétend néanmoins étayer son opinion par un argument rationnel :


« par la raison(…) que » .

Au présent de vérité générale, il rappelle que la nature est un mystère


devant lequel l’homme devrait faire preuve d’humilité : « les ressorts de
notre machine sont des mystères », « la nature nous a mis au-devant des
yeux des voiles trop épais pour y connaître quelque chose. »

Argan n’a de cesse de questionner son frère afin qu’il étaye son opinion :
« Les médecins ne savent donc rien, à votre compte ? »

Ces questions permettent d’approfondir le débat qui ressemblent à un


discours philosophique de type socratique. Argan est bien un personnage
complexe et versatile, qui sait raisonner.

Béralde reconnaît aux médecins un savoir, mais qui n’est pas médical :
« Ils savent la plupart de fort belles humanités ».

L’énumération de verbes à l’infinitif rend compte d’un savoir abstrait et


impersonnel : « parler un beau latin » , « nommer en grec » , « les définir,
les diviser » .

Mais cette virtuosité langagière et taxinomique* (*de classification)


cache en réalité leur incapacité à guérir.

Pour Béralde, le médecin est un comédien qui joue une pièce de théâtre.

Il « donne des mots pour des raisons, et des promesses pour des effets. ».
Ces parallélisme présentent le médecin comme un magicien qui
transforme son discours en remède.

Leurs paroles savantes que Béralde ramène à « un pompeux galimatias »


et « un spécieux babil » sont utilisés comme des formules magiques
pour impressionner les patients.

II – Les médecins sont eux-mêmes


victimes de la dangerosité de leur art
(De « Mais enfin, mon frère, il y a des gens aussi sages » à
« ferait à lui-même. »)
Afin de contredire son frère, Argan élargit le champ de la conversation par
l’assertion universalisante : « tout le monde a recours aux médecins. » Il
a de nouveau recours à la doxa, l’opinion dominante.

Mais Béralde s’éloigne encore de la doxa en fustigeant la naïveté de


l’humanité : « C’est une marque de la faiblesse humaine, et non pas de la
vérité de leur art. »

Argan resserre alors son propos aux médecins eux-mêmes : « Mais, il faut
bien que les médecins croient leur art véritable, puisqu’ils s’en servent pour
eux-mêmes. »

La répétition de la préposition « Mais » dans les brèves répliques


d’Argan, souligne que le maître de maison cherche la contradiction par la
logique.

D’après Béralde, les médecins eux-mêmes s’illusionnent en croyant en


leur « science » : « il y en a parmi eux qui sont eux-mêmes dans l’erreur
populaire ».

Néanmoins, le chiasme « qui sont eux-mêmes dans l’erreur populaire,


dont ils profitent, et d’autres qui en profitent, sans y être » met en
lumière l’unique but des médecins, qui est de profiter de leurs patients,
et ce, quel que soit leur foi en la médecine.

Béralde poursuit en faisant le portrait satirique de monsieur Purgon qui


devient l’archétype de l’incompétent naïf et dangereux.

Les antithèses opposent l’intention du médecin et l’effet de sa médecine,


soulignant la dangerosité du soignant : « impétuosité » / « prévention » ,
« raideur » / « confiance » , « brutalité » / « raison » .

Son vocabulaire dénonce la violence des médecins à l’encontre des corps


qu’ils sont pourtant censés guérir : « des purgations et des saignées » , « il
vous expédiera » , « en vous tuant » .

La bonne foi du médecin est présentée comme un danger


supplémentaire, le médecin tuant « sa femme et ses enfants » et « lui-
même » au besoin.

Par sa rhétorique soignée, comme l’énumération ternaire « avec une


impétuosité de prévention, une roideur de confiance, une brutalité de sens
commun et de raison », ce portrait satirique du médecin fait songer aux
Caractères de Theophraste (La Bruyère n’écrit ses Caractères qu’en 1688,
soit 15 ans après Le Malade imaginaire) et s’inscrit dans la lignée de la
littérature satirique.

III – Béralde rappelle la naturelle capacité


du corps à se guérir
(De « C’est que vous avez, mon frère » à « comédies de
Molière. »)
Argan, qui dirige l’entretien par ses interrogations, veut orienter son frère
vers des considérations concrètes avec une question d’ordre pratique
: « Mais, enfin, venons au fait. Que faire donc quand on est malade ? »

La réponse de Béralde surprend Argan par sa brièveté et sa viduité :


« Rien, mon frère. »

L’adresse affectueuse « mon frère » vient atténuer un propos qui pourrait


sembler impertinent, et témoigne de la bienveillance de Béralde à l’égard
de son frère. Béralde veut en effet guérir Argan par la parole et de la
réflexion.

Béralde étaye son argument en considérant que « La nature, d’elle-même,


quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est
tombée. […] et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et
non pas de leurs maladies. »

Le présent de vérité générale donne à cette réplique la forme d’un


aphorisme.

On peut deviner, à travers cet aphorisme, la voix de Molière qui a déjà fait
la satire des médecins, notamment dans la farce Le médecin malgré lui.

La médecine viendrait donc mettre en échec l’autosuffisance réparatrice de


la nature.

Béralde dénonce « le roman de la médecine« , fictionnel, qui repose sur


l’imagination comme en atteste le champ lexical de l’illusion ; « pures
idées » , « belles imaginations » , « croire » , « souhaiter qu’elles fussent
véritables » , « beaux songes » .

Ce champ lexical de l’imagination fait écho titre de la pièce, Le malade


imaginaire.

La très longue phrase de Béralde est structurée par l’anaphore « il vous


parle de » qui insiste sur la parole et non les actes du médecin.

La prolifération des verbes à l’infinitif donne l’impression que le médecin


démultiplie les effets de manche pour fasciner et tromper : « lorsqu’un
médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter
(…) et lui donner (…) de la rétablir et de la remettre… »

Ces discours fascinants cachent la dangerosité des actes médicaux :


«Mais, quand vous en venez à la vérité et à l’expérience, vous ne trouvez
rien de tout cela ».

La préposition « Mais » et la brièveté de cette phrase conclusive crée un


effet de chute qui oppose les actes et la vérité aux discours boursouflés
des médecins.

Les termes « vérité » et « expérience » posent Béralde en philosophe et


en raisonneur.

La tirade de Béralde suscite l’ironie d’Argan : « vous voulez en savoir plus


que tous les grands médecins de notre siècle. »

Mais Béralde maintient son portrait antithétique des médecins: « Entendez-


les parler, les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire, les plus
ignorants de tous les hommes. » Le parallélisme syntaxique fait ressortir
l’antithèse entre les discours et les actes des médecins.

L’exclamation « Ouais ! » manifeste l’agacement croissant d’Argan, qui


pallie son manque d’arguments par l’ironie : « vous êtes un grand
docteur ».

Face à la rhétorique de Béralde, Argan ne sait se défendre par lui-même,


et en appelle à des figures protectrices : « je voudrais bien qu’il y eût ici
quelqu’un de ces messieurs, pour rembarrer vos raisonnements, et
rabaisser votre caquet. »

Son absence d’arguments prouve son incapacité à raisonner avec


discernement au sujet de la médecine.

Béralde tente alors d’adoucir le débat en affirmant affectueusement : « Moi,


mon frère, je ne prends point à tâche de combattre la médecine ; […] et
j’aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l’erreur où vous êtes ».

Avec humilité, Béralde laisse le débat ouvert, accepte la contradiction. Le


dramaturge suggère ainsi la perfectibilité du discours de Béralde, et laisse
au spectateur le soin de juger ce raisonneur.

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