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4 mai 2022

Petit retour aux fondamentaux

La lecture d’un livre court mais bien pensé m’a donné l’idée de faire une petite pause dans nos
considérations eschatologiques, afin de réfléchir et de méditer sur notre façon d’aborder les choses,
et surtout sur l’environnement culturel et mental qui influence nos perceptions.
En effet, plus nous nous approcherons du point d’impact, c’est-à-dire du départ effectif de la chute
de Babylone, plus nous aurons besoin de comprendre et d’interpréter correctement les événements,
leur nature et leur motif. Or pour y parvenir, nous devons auparavant méditer sur notre mentalité,
c’est à dire sur ce qui constitue le cadre dans lequel nous pensons.
Parce que si ce cadre est faussé, alors la perception des événements risque fort de l’être, et on ne
prendra pas les bonnes décisions. Il est donc nécessaire de réfléchir et de méditer sur les idées
fondamentales qui structurent nos pensées afin de les réparer, ou du moins de les replacer dans les
bonnes directions.
Pour cela, la lecture de bons ouvrages nous aide à récupérer ces fondamentaux que nous avons
oubliés, ou qu’on nous a cachés. On, c’est la bête.
Le petit livre du penseur et philosophe chrétien Stanislas Fumet, Le peuple a ses raisons, écrit en
1942 et publié en 1946 m’a donné l’idée de procéder à la révision de quelques-uns de ces
fondamentaux, en utilisant ses écrits comme base de méditation, dans un but d’actualisation
salutaire de la mentalité dominante de notre siècle.

Entre guillemets, en italique et en gras, les citations du livre de Stanislas Fumet, et autour, mes
propres réflexions et méditations ; mais à chacun de se nourrir de ces idées et de les enrichir pour
son propre rétablissement mental et culturel.

1. Tant que l’homme sera pécheur, le royaume social du Christ sur terre est une utopie

« L'homme restera pécheur jusqu'à la fin, il ajournera éternellement -c'est à dire relèguera à
l'éternité- le royaume social du Christ, qui ne monte pas de la terre mais descend du ciel comme
une épousée. »
Oui tant que le démon existera sur terre, le royaume de Dieu restera une utopie ; on peut s'en
rapprocher bien sûr par la civilisation chrétienne, on le verra plus loin, mais on ne peut y parvenir
complètement, on a pu le constater en deux mille ans de christianisme. Evitons d’idéaliser nos
capacités, même si la civilisation chrétienne constitue, bien entendu, notre unique modèle.
Et l’un de nos échecs tient peut-être au fait d’avoir négligé cette vérité : le royaume social en réalité
descend du ciel ; il tient sa valeur, son originalité et sa puissance du fait qu'il vient de Dieu et non de
l'homme ; donc nos mérites s'acquièrent selon les lois de Dieu, des lois non humaines, il faut en avoir
conscience.

© Le Grand Réveil 4 mai 2022. https://legrandreveil.wordpress.com Auteur : Louis d’Alencourt


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2. La remarquable stratégie du démon pour nous perdre : nous rendre heureux

« Alors il faut faire comme si les choses devaient s'arranger, comme si l'homme devait choisir la
conversion, choisir Dieu, le jour où le démon l'aura rendu trop malheureux. »
Cette phrase agit sur moi comme un révélateur, et confirme les nombreuses démonstrations que j’ai
effectuées à ce sujet. Tous les penseurs chrétiens seront unanimes, à juste titre : la vie avec le démon
devenant un enfer, c’est cette prise de conscience qui sauve des âmes, par contraste entre les deux
royaumes.
Oui mais ce raisonnement, le démon l’a aussi. Par conséquent, quelle fut la stratégie majeure de la
bête à la fin des temps, pour éviter justement un tel phénomène ? La clé de cette stratégie,
suprêmement diabolique si je puis dire, c’est qu’au lieu de rendre l'homme malheureux, le démon
va le faire crouler sous le bonheur ! Un bonheur matériel, certes, mais jamais atteint, dans jamais
autant de domaines, jamais avec autant de promesses réalisées, jamais aussi vite, qu'il s'agisse de sa
santé, de l'argent facile et universel, de son confort de vie, de la réduction de la pénibilité du travail
(la mécanisation mais aussi l'informatique !), de l'accès aux loisirs, aux divertissements (la télé !!), aux
voyages... on a vécu depuis un siècle une accumulation de bonheurs sans précédent (que j’appelle la
béatitude matérielle), qui empêche l'homme de se considérer comme malheureux, même s'il sent
bien que quelque chose cloche, car si le corps est heureux, l'âme, elle, est dans une peine absolue.

3. Et la non moins remarquable façon de Dieu de ramener les brebis au bercail

« Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles ; esurientes implevit bonis et divites dimisit
inanes*. Ce sont les lèvres de la très douce Vierge Marie, de la petite fiancée du charpentier, qui
ont proféré ces paroles de justice ; de la justice et de la miséricorde, parce que la ruine des riches
ici-bas est leur salut, comme le renversement des potentats de dessus leurs sièges est leur
délivrance. »
Là encore il nous donne une des clés de la fin des temps : perdre son confort, son argent et sa
puissance ne sont pas de mauvaises nouvelles !!! Au contraire c'est une chance de salut, comme quoi
la justice EST miséricorde, car ce qui apparaît comme une disgrâce, ou même un châtiment, est en
réalité un acte de miséricorde divine car c'est en soi une (ou LA) planche de salut. Réjouissons-nous
même si ça nous paraît extravagant, car du détachement aux bien de ce monde dépend très souvent
la vie éternelle.

*extrait du Magnificat : « Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. Il comble de
biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. »

Et la citation suivante va dans le même sens :


« L'espérance invincible de ceux qui, ne possédant rien, sont libres de leur être et de leur volonté,
parce qu'ils n'ont rien à perdre, si ce n'est la vie elle-même. »
Oui la pauvreté matérielle est une chance pour l'homme, elle est source d'espérance parce que
justement, on a appris à ne pas mettre cette espérance dans les biens matériels, puisqu'on ne les
possède pas. La pauvreté bien comprise est une libération impressionnante et non l'entrée dans la
misère.

© Le Grand Réveil 4 mai 2022. https://legrandreveil.wordpress.com Auteur : Louis d’Alencourt


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4. Sortir de Babylone, c’est être en dehors de la foule ou la société païenne

Il ne faut pas se laisser entraîner par la foule, même si on est "dans" la foule :
« Seul celui qui s'est entraîné, par l'exercice de la vertu, à dominer ses passions tient tête à
l'ouragan, fait front aux démons vertigineux, n'aliène pas le caractère personnel dans l'incendie,
dans le naufrage, dans la débâcle. »
En d'autres termes, ce type d'homme parvient à se maîtriser et non pas à suivre la foule (ou la
société) inconsciemment et imprudemment, sans réflexion. Mais, comme il le dit, cette maîtrise de
soi s'acquiert par la pratique des vertus, les saints en sont le meilleur exemple. Sinon, la foule nous
rattrape bien vite et nous entraîne dans son flot.

« La force de l'homme éduqué lui vient de ce qu'il a pu échapper à l'entassement. Cette possibilité
de jouir du silence et de l'espace est la condition même de la culture. Sans ce privilège il sera
matériellement très difficile de ne pas appartenir à la foule, de ne pas chercher dans cette
confusion sociale la satisfaction de s'augmenter en se mêlant aux autres et de se rassurer au
contact de ses semblables. »
Effectivement la foule, ou plus exactement le conformisme social, est un tranquillisant intellectuel
puissant et en même temps une satisfaction de l'amour-propre parce qu'on jouit d'un double
avantage : croire que l'on pense par soi-même d'une part sans s'opposer à l'opinion générale d'autre
part. Il ne faut pas oublier que le confort matériel se double d'un confort social et d'un confort
intellectuel. Le confort matériel ne pourrait pas être pleinement vécu si parallèlement on est
constamment en opposition aux autres ou à contre-courant des idées majoritaires.
Or s'extirper du conformisme intellectuel et social nécessite de s'isoler du bruit ambiant, car c'est
dans un environnement favorable à la réflexion et à la méditation (le silence et l'espace nous dit
l'auteur -l'espace probablement dans le sens de la nature) que l'on échappera, comme il dit, à
"l'entassement". Ceci doit nous faire prendre conscience de la nocivité de l'omniprésence du bruit et
des sollicitations extérieures : tous ces gens avec leurs casques sur les oreilles ou le nez sur leur
smartphone, quand ce n'est pas la télé à la maison, ont-ils encore la capacité de réfléchir et de
méditer ? Quasiment plus, car c'est impossible, nous le rappelle l'auteur (qui écrit en 1942 soit bien
avant toute cette abondance de sollicitations), d'où l'acquisition, à leur insu, d'un prêt-à-penser qui
finalement leur convient très bien puisqu'il permet de s'insérer dans le conformisme social et culturel
(le confort intellectuel évoqué à 'instant) tout en ayant l'illusion de penser par soi-même.

5. Les caractéristiques du "vrai" peuple de Dieu

« Ton peuple, Seigneur, populus tuus, [est] celui que tu aimes quand il se discipline sans contrainte
et dont tu supputes la force authentique le jour où les personnes reprendront dans l'ensemble
humain leurs fonctions spirituelles. Le peuple, quand la paix morale est rétablie, le peuple est de
nouveau le Choeur grec. »
Ici l'auteur observe déjà, en 1942, la perte du sens spirituel dans le peuple de Dieu, perte dont nous
constatons aujourd'hui avec effroi les immenses dégâts.
Rappelons que tout être humain comporte trois dimensions :
- la dimension matérielle (le corps)
- la dimension intellectuelle (l'esprit)
- la dimension spirituelle (l'âme, autrement dit le cœur)

© Le Grand Réveil 4 mai 2022. https://legrandreveil.wordpress.com Auteur : Louis d’Alencourt


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On pourrait résumer ces trois dimensions par trois verbes : vivre (le corps), penser et comprendre
(l'esprit), aimer (le cœur, l'âme).
Or tout le drame du XXè siècle est d'avoir petit à petit réduit la dimension spirituelle, jusqu'à la faire
quasiment disparaître, par trois méthodes principales : 1) privilégier les sens et même les exacerber
pour leur donner une importance démesurée, 2) ignorer le spirituel, comme s'il n'existait pas ou ne
méritait pas qu'on s'en soucie, et 3) lui substituer une sorte de spiritualité de remplacement,
mélange subtil d'émotionnel et/ou d'intellectualisme dont les degrés varient selon les individus.

6. Les attaques du démon sur notre nature spirituelle

Cette idée du matériel (l’humain) prenant le pas sur le spirituel (le divin) et se substituant à lui,
comme si l’un pouvait combler l’autre (quel mensonge !), est exprimée ainsi par l'auteur :
« Tartufe n'est qu'une esquisse grossière d'un autre personnage qui a du christianisme plein la
bouche pour tromper les faibles et les petits. Nietzsche a raison contre un christianisme laïcisé qui
devient un mensonge quand l'esprit humain l'habite et non plus l'Esprit divin. »
Ici l'auteur constate déjà les énormes dégâts qu'opère le matérialisme dans les esprits, qui repose à
la fois sur le mensonge et l'hypocrisie : les deux se mêlent et tentent de se justifier en transformant
le christianisme en modèle d'une nouvelle vertu au service de l'humain et non du divin. Cet état
d'esprit, qui était déjà visible en 1942, date de rédaction du livre, expliquera la nature et les
motivations de la majorité des Pères du concile Vatican II vingt ans plus tard.
La comparaison avec Tartufe est parlante : la base même de cet esprit, c'est l'hypocrisie, car on ne
peut laïciser le christianisme sans l'éloigner de sa forme première qui est celle, doit-on le rappeler,
d'une religion divine parce que révélée par Dieu en personne, et donc qui ne peut être adaptée par
définition au gré des caprices des hommes.

Ce que l'auteur exprime par ces mots :


« L'Evangile n'est pas social d'abord, comme il n'est pas humain d'abord. Il est une manifestation
de l'Esprit divin, il est l'histoire du Verbe incarné. »
La plupart des hommes ont oublié que la mission du Christ, via notamment le magnifique mystère de
l'union hypostatique, était de venir raviver, ou plutôt rétablir cette fameuse dimension spirituelle de
l'homme, mise à mal par le péché originel, rétablissement et affermissement qui ne peuvent être
possibles que par la grâce et donc par les sacrements ; et donc à partir de l'Incarnation. Or c’est par
la dimension spirituelle de l’homme que ce dernier est divinisé, dans la mesure où l’Esprit fait sa
demeure en lui, ledit Esprit ne pouvant être que la Troisième Personne de la Sainte Trinité, le Saint-
Esprit. Il n’y a pas d’alternative ou de substitution possible.
Ce combat entre les deux dimensions matérielle et spirituelle de l'homme est remarquablement
expliqué par saint Paul dans son épître expliquant la différence et même l'antinomie, entre vivre
selon la chair et vivre selon l'Esprit ; autrement dit qui doit conduire nos pensées et nos
comportements : la source doit-elle être matérielle ou spirituelle ? Est-ce le corps, les sens, ou bien
est-ce le Saint-Esprit ? La question peut paraitre simple et pourtant elle explique la quasi-totalité des
comportements.

© Le Grand Réveil 4 mai 2022. https://legrandreveil.wordpress.com Auteur : Louis d’Alencourt


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Et l'auteur partage cette même réflexion :


« [il ne faut pas oublier] cette consubstantielle union des deux natures en Jésus-Christ. Un
enseignement de l'Evangile qui ne tient compte que de la nature humaine de Jésus, fut-il animé des
meilleures intentions moralisatrices, est condamné à la faillite et au ridicule. »
Là il anticipait sur ce que va exactement devenir l'enseignement officiel de l'Eglise vingt ans plus tard,
sauf que c'est l'Eglise elle-même et en entier qui a basculé dans la faillite et le ridicule.
On peut donc dire que dès la moitié du XXè siècle, on sentait déjà très nettement la très forte
tendance matérialiste des mentalités, conduisant à déséquilibrer fortement les deux natures de
Jésus, en ne voyant que la nature humaine, ce qui conduit à ce qui a été constaté : on bascule dans le
culte de l'homme. Il s'agit d'une inversion qui consiste à considérer que la divinisation de l'homme
s'accomplit dans sa dimension matérielle et intellectuelle, et non plus dans sa dimension spirituelle ;
c'est ainsi qu'on aboutit à l'homme qui se fait Dieu par le progrès technique pour l'amélioration de
ses conditions de vie sur terre, non par les progrès du cœur et de l'âme, c'est à dire la sainteté, qui
est pourtant le chemin montré par l'union hypostatique du Verbe.

7. Le vrai christianisme, c’est la recherche de la sainteté

L'auteur insiste sur les caractéristiques du christianisme qui l'éloignent de l'esprit du monde, c'est à
dire de la mentalité typiquement matérialiste qui habite ceux qui ne vivent pas du Christ :
« La vérité, c'est que le saint Evangile est à peu près contre tout, que ses huit béatitudes sont huit
privations des biens de ce monde, non point parce que ces biens sont mauvais, mais parce qu'ils
sont limités et qu'ils nous frustrent de l'infini pour lequel nous avons été créés. C'est parce que
l'exigence de son amitié pour nous est sans borne que Dieu nous a laissé le message le plus
incompréhensible à la chair -à toutes les limites sensibles de la chair où se briserait le Don de
Dieu. »
Il n'y a rien à ajouter, c'est limpide ; un christianisme "réussi" c'est un christianisme qui conduit à se
détacher des biens matériels et non l'inverse. Saint Paul de la Croix l'avait résumé par cette formule
si vraie : "Si vous êtes pauvres, disait-il à ses disciples, vous serez saints". Oui mais attention, il s'agit
d'une pauvreté volontaire, dictée par le cœur et non par la raison, sinon là encore l'hypocrisie risque
de l'emporter. Une pauvreté subie et non acceptée dans son for intérieur conduira à l'inverse des
effets recherchés ; par contre, si les circonstances de la vie nous poussent malgré nous à un
appauvrissement de biens matériels, il faut y voir l'action de la Providence et il convient alors de s'en
réjouir plutôt que de s'en plaindre.

C'est cette recherche de la sainteté qui caractérise le mieux la civilisation chrétienne, car la fin de
l'homme sur terre c’est la vie éternelle. Ignorer, relativiser ou diminuer cette notion conduit à
déformer la perception du christianisme, ce que Stanislas Fumet démontre par les lignes suivantes,
oh combien vraies et si souvent incomprises ou mal comprises :
« Il ne faut pas, car c'est un mensonge, dire que le christianisme dénouera le problème social et
apportera le bonheur aux hommes, parce que ce n'est pas vrai du christianisme, ce ne l'est que de
la sainteté. Et la sainteté est personnelle. Oui, la société s'améliorera dans la mesure où elle
comptera un plus grand nombre de saints et alors on pourra dire que le christianisme, s'il est
florissant dans un lieu et un temps déterminés, rend l'humanité plus heureuse. Mais ce ne sera pas
par des principes et des lois qu'il y atteindra, ce sera par des découvertes, des expériences, un
approfondissement de la vie. »

© Le Grand Réveil 4 mai 2022. https://legrandreveil.wordpress.com Auteur : Louis d’Alencourt


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Il est exact que même les nations les plus profondément chrétiennes n'ont pas échappé aux
difficultés générées par le péché, car ce dernier affecte tout le monde, y compris les enfants de Dieu,
et les rend perfectibles ; elles n'ont évité ni les guerres, y compris et souvent civiles, ni les révoltes, ni
les famines, ni les maladies, ni les dissensions, ni les jalousies, ni les adultères, ni les meurtres... et
j'en oublie.
Mais il convient de préciser, pour corriger légèrement les propos de Stanislas Fumet, qu'une société
chrétienne construit et entretient un environnement favorable à la sainteté et que ses lois, ses
règles, sa justice, ses coutumes, prenant leur source directement dans l'Evangile, favorisent
l'adoucissement des mœurs et des modes de vie, et donc l'éclosion de milieux sociaux apaisés et
féconds en grâces et en vertus.
Ce qu'il reconnaît d'ailleurs :
« Oui, il a donné historiquement des résultats qui ne sont pas négligeables, mais qu'est-ce que ces
petits progrès de conditions humaines que l'on doit à l'enseignement de l'Evangile, comparés à
cette résurrection de l'âme qui est l'état de grâce succédant à la mort que le péché introduit en
nous ? »

Mais effectivement, l'auteur a le mérite de pointer sur un élément fondamental : la sainteté est
personnelle, et c'est par l'accumulation de personnalités vertueuses, comme autant de pierres
vivantes nous dit saint Pierre, qu'on obtient une société vertueuse, à commencer par sa tête. Et non
l'inverse : on ne devient pas saint parce que la société est sainte, c'est parce qu'il y a une majorité de
saints que la société est sainte, ou tend à le devenir.
Là encore, répétons-le, la grande erreur est d'attendre du christianisme une amélioration de sa vie
matérielle, alors que son rôle premier est de faire grandir notre vie spirituelle, par l'action de la
grâce. Tout part de la vie spirituelle : si vous êtes en état de grâce et conduit d'abord par le souci de
la vertu, vous penserez et agirez en conséquence, et alors votre vie prendra une autre tournure, pas
forcément axée sur l'amélioration, du moins profonde, des conditions de vie matérielles, qui passent
souvent au second plan. Notion que l'ultra matérialisme de notre époque nous empêche de
comprendre, d'admettre et même d'envisager des perspectives autres que matérielles ; celui qui met
au second plan sa vie matérielle au profit de sa vie spirituelle est considéré de nos jours comme un
raté, un illuminé, un doux rêveur, un imbécile heureux ou une grenouille de bénitier, pas comme un
gagnant ni comme un modèle. Comment avons-nous pu tomber dans une telle inversion ? La perte
de la dimension spirituelle est la pire chose qui puisse arriver à un être humain, et de là à la société
toute entière.

8. Le secret : la vie intérieure

Parce que tout part de la vie intérieure. C'est elle qui conditionne nos pensées et notre vie
extérieure. Comprendre cette notion est fon-da-mental, Fumet nous le dit lui aussi :
« C'est à l'intérieur que tout se passe ; c'est au-dedans que la fête a lieu ; le Paradis annoncé n'est
pas plus pour le dehors qu'il n'est dehors : le Paradis de Dieu est au-dedans de nous. »
Eh oui, voilà pourquoi le diable cherche à bloquer toute vie intérieure, ça lui permet de s'installer à la
place.

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« Ainsi, qu'on ne raconte pas au peuple que le christianisme est la solution à ses maux. Il n'est que
la libération de tous les maux, à condition de l'épouser totalement et dans un mariage unique,
jaloux et indissoluble. »
Et Fumet de rappeler la stratégie du démon, la façon dont il va chercher -avec succès nous le savons
depuis- à bloquer cette vie intérieure :
« Ce qui est faux, ce qui risque de tromper, n'a pas à être offert au peuple, même pour son bien, au
nom de la commodité ; c'est un christianisme désurnaturalisé. Celui-là, les marxistes auront tôt fait
de le disqualifier, les païens de montrer ses lacunes. Des lacunes énormes, des lacunes affreuses :
toute la partie proprement divine, toute la partie du miracle, qui manque. (...) Quel triomphe pour
tous, quelle occasion de danse du scalp ! »
Vingt après, c'est justement au nom de la commodité que la papauté elle-même va enclencher cette
suppression de la dimension surnaturelle du christianisme, à l'image des Protestants qui l'avaient
accomplie avant eux, pour le rendre exclusivement humain. Et effectivement, ceci permettra à nos
ennemis, marxistes et païens de tous poils, de triompher en pointant sur nos contradictions et en
accentuant les tares de cette désacralisation ; et plus ils insisteront sur ces lacunes, plus les chrétiens
apostats que nous sommes devenus chercheront à se rapprocher d'eux, pour finalement aboutir à la
théologie du pape François : un néo-paganisme qui ose porter encore le nom de catholicisme, mais
un catholicisme purement humain et idolâtre, ayant abrogé toute dimension divine et surnaturelle.
Oui nos ennemis peuvent faire la fête, comme à la mort des Témoins dans l'Apocalypse, voilà une
belle victoire. La victoire sans appel parce que si séduisante, du progrès matériel sur le progrès
spirituel. Bernanos fera le même constat quelques années après, dans La France contre les robots :
« On ne comprend rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une
conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » Tout est dit dans un saisissant
raccourci qui décrit parfaitement le piège tendu. Mais qui admet et voit ce piège ?

9. L’immense détresse d’un monde sans Dieu

Et cette obscurité obtenue par l'inconséquence, la faiblesse et l'aveuglement de la hiérarchie


catholique provoque un brouillard tel que nous devenons incapables de percevoir le premier rôle de
notre belle religion : susciter la sainteté en entretenant notre vie intérieure. Fumet l'avait perçu, déjà
en 1942 :
« Il est possible que ton peuple, celui qui était présent à la crèche et qui connaît assez bien le lit de
la croix, il est possible que ton peuple ne sache plus très exactement et même plus du tout ce que tu
attends de lui. »
Tout est dit, et accompli ; nous sommes tellement paumés aujourd'hui que l'immense vide provoqué
en nos âmes ne peut être comblé. Ecoutons encore Fumet nous l'expliquer :
« Il y a, dans le peuple qui a perdu Dieu, ou qui a perdu la foi explicite en Dieu et la pratique des
sacrements, il y a dans son âme d'immenses parties inoccupées. Et rien de ce que l'on prétendra lui
faire ingurgiter pour remplacer le pain et le vin de la messe ne comblera son désir. Les semences
qui ne sont qu'humaines produisent peu d'effets sur son âme. Elle restera en jachère tant que la
vraie joie de Dieu n'y fera pousser ses verdures, ses floraisons et ses moissons. »
Il ne sert donc de rien de pleurnicher indéfiniment sur nos malheurs tant qu'on ne remontera pas aux
causes ; on ne résoudra pas le mal-être de l'âme tant qu'on n'aura pas retiré de la circulation une
messe (celle de Paul VI) qui désacralise les saints mystères et dénature l'objet même du Saint
Sacrifice.

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Et Fumet insiste encore et toujours sur cette dimension humaine du Christ sur laquelle, déjà, son
époque pointait, annonçant les graves désordres qui s'accompliraient dans les âmes une fois ces
idées devenues majoritaires. Le problème c'est qu'on en crève, que notre civilisation en crève, et que
nos âmes sont perdues dans un dédale où il n'existe quasiment aucune sortie de secours, sauf une :
le Dieu Rédempteur, Dieu le Fils, Dieu fait homme et non pas l'homme fait Dieu.
Ecoutons ces paroles prémonitoires qui expliquent tellement bien le malaise de nos âmes et de nos
sociétés :
« Ils veulent te persuader que le Christ était un brave type, le plus brave type de tous les types, un
chic type, le chic type supérieur, quelqu'un qui leur ressemble -en mieux- mais dans leur ligne ;
quelqu'un d'ailleurs, qui doit certainement te ressembler (interroge-toi), qui ne peut que t'être
sympathique car, lui aussi, c'était un travailleur qui remplissait admirablement son devoir d'état,
son petit devoir d'état quand il était petit et qui grandit avec lui. Mais que Dieu soit infiniment au-
dessus de l'homme, et que ses pensées soient au-dessus de tes pensées et des leurs, comme le ciel
est au-dessus de la terre, voilà qui ne les intéresse plus. (...)
Eh bien, toi mon peuple, j'ai remarqué que, contrairement à tes éducateurs spirituels, ce que tu
attends le plus du Christ, c'est qu'il soit Dieu. »
Voilà, des termes simples qui résument tout : désacraliser la messe et la liturgie d'une façon
générale, supprimer la dimension surnaturelle du catholicisme, dénaturer sa doctrine, c'est ignorer
ou réduire à sa plus simple expression la divinité du Christ, de son enseignement et de son Eglise,
c'est retirer l'essence même de la vie intérieure, c'est faire de sa religion une religion comme les
autres, en d'autres termes c'est abjurer sa foi, c'est apostasier. Il est inutile, illusoire et même
dangereux de situer cette grande apostasie au futur : elle est bien présente et même largement
accomplie puisqu'elle est officielle depuis le concile, depuis soixante ans au bas mot.
« Le monde moderne souffre de toutes sortes de maux. Il agonise de toutes sortes d'erreurs et elles
se résument en une plus grave, qui est la synthèse de la misère œcuménique : pour les incroyants
Dieu n'est plus Dieu, et pour les croyants, Dieu n'est plus assez Dieu. »
Tant qu'on n'aura pas rétabli le Dieu fait homme dans ses prérogatives, on n'avancera pas d'un
pouce, toutes les initiatives seront vaines et vides.

10. Alors, qui voulez-vous ? Jésus ou Barrabas ?

Inutile d’écrire nous-mêmes une conclusion, celle de Stanislas Fumet est remarquable, il n'y a rien à
ajouter, sauf que la valeur de ces paroles écrites en 1942 résonne à nos oreilles d'une façon d'autant
plus marquante que ce cri du cœur est particulièrement d'actualité après cinquante ans de
reniements, de renoncements, de déformations, de dénaturation et d'apostasie :
« Ce n'est pas cet homme de l'humanisme, c'est l'homme du divinisme qu'il nous faut. C'est
l'homme de Dieu qu'il nous faut. C'est le Dieu de l'homme qu'il nous faut. C'est Dieu, c'est Dieu, ce
n'est pas l'homme ; votre homme, on en a soupé ! C'est de Dieu qu'on veut manger. C'est son Corps
dont on a faim ; c'est son Sang, curés, dont on a soif.
Curés, évêques, donnez-nous Dieu. De vous, de l'homme, on en a marre.
C'est Dieu, c'est Dieu, ce n'est pas vous, ah non ! tout plutôt que vous ! C'est Dieu, c'est Dieu, c'est
Dieu entendez-vous, c'est Dieu, c'est Dieu, c'est Dieu qu'il nous faut... »

© Le Grand Réveil 4 mai 2022. https://legrandreveil.wordpress.com Auteur : Louis d’Alencourt

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