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Holographie optique

Interférométrie holographique

par Paul SMIGIELSKI


Docteur ès sciences
Ingénieur de l’École supérieure d’optique (ESO)
Conseiller scientifique des directeurs de l’Institut franco-allemand de Recherches
de Saint-Louis
Fondateur d’HOLO3
Professeur conventionné à l’École nationale supérieure de physique
de Strasbourg (ENSPS)
Université Louis-Pasteur de Strasbourg

1. Holographie ............................................................................................... R 6 330 - 3


1.1 Principe de l’holographie optique .............................................................. — 3
1.2 Différents types d’hologrammes................................................................ — 5
1.3 Expérimentation .......................................................................................... — 7
2. Interférométrie holographique............................................................. — 11
2.1 Interférométrie holographique par double exposition............................. — 11
2.2 Interférométrie holographique en temps réel........................................... — 16
2.3 Interférométrie holographique « moyennée dans le temps » ................. — 19
2.4 Interférométrie holographique à double faisceau de référence .............. — 21
3. Conclusion ................................................................................................. — 26
Références bibliographiques ......................................................................... — 27

’est en 1947 que l’Anglais Dennis Gabor eut l’idée de l’holographie. Mais ce
C n’est qu’en 1962, soit deux ans après que l’Américain Maiman eut fait fonc-
tionner le premier laser (un laser à rubis, en l’occurrence), que l’holographie prit
son véritable essor avec l’enregistrement des premiers hologrammes d’objets
tridimensionnels diffusant la lumière par les Américains Leith et Upatnieks et par
le Russe Denisuyk, grâce à l’utilisation des premiers lasers à gaz (hélium-néon)
à émission continue. Ces hologrammes, surtout ceux du Russe, ont donné lieu à
ce qu’il convient d’appeler « l’holographie image », connue du grand public par
son côté spectaculaire (relief intégral saisissant des hologrammes géants). Une
application, relativement bien développée de l’holographie image aujourd’hui,
est l’hologramme d’un type particulier utilisé sur les cartes bancaires, les cartes
grises, les billets de banque dont le but est de rendre la carte ou les billets infal-
sifiables.
L’utilisation de l’hologramme comme composant optique (miroir, lentille,
séparateur...) est sans doute aussi un des exemples prometteurs de l’hologra-
phie.
Quelques années plus tard, en 1965, plusieurs laboratoires furent à l’origine de
l’interférométrie holographique et du véritable départ de l’holographie dans
l’industrie. Les chercheurs constatèrent qu’un déplacement trop important de
l’objet (ou de tout autre élément du montage), pendant l’enregistrement de
l’hologramme, entraînait l’apparition de franges d’interférence sombres et clai-
res parasites sur l’image restituée, pouvant altérer complètement celle-ci. Pour

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obtenir un hologramme de bonne qualité, il fallait donc éliminer ces franges


parasites, en assurant une stabilité suffisante de l’objet et des différents élé-
ments du montage pendant le temps d’exposition. Mais, d’un autre côté, ces
franges d’interférences parasites pouvaient être exploitées et donner de pré-
cieux renseignements quantitatifs sur les déplacements qui leur avait donné
naissance. Un défaut majeur pour un hologramme image devenait très impor-
tant pour les applications industrielles.
Tout ce qui se déforme dans la nature est a priori susceptible d’être analysé par
interférométrie holographique : de la déformation d’un tympan sous l’effet d’un
bang d’avion supersonique à la déformation des éléments d’un moteur en fonc-
tionnement, en passant par la croissance d’un cristal ou par les variations de
densité de l’air autour d’un profil d’aile d’avion.
Non seulement les grandes sociétés (Aérospatiale, Renault, PSA, SEP, Onera,
Snecma, EDF, Thomson...) utilisent de plus en plus l’holographie de façon routi-
nière mais, fait nouveau, les PME-PMI font appel à l’holographie pour la résolu-
tion de problèmes ponctuels [recherche de l’origine de bruits dans les structures,
identification de défauts dans les matériaux (notamment composites), analyse
modale, mesure de déformations dynamiques, contrôle de brasages, identifica-
tion de zones de faiblesse sans avoir à faire des essais de fatigue destructifs,
amélioration ou validation d’un code de calcul...] en s’adressant à des organis-
mes spécialisés.
Pour la première fois, une technique, l’holographie, permet l’analyse sans
contact avec une grande sensibilité et une grande résolution spatiale et tempo-
relle des phénomènes physiques dans leurs quatre dimensions [3 d’espace
et 1 de temps (par cinéholographie)]. C’est une méthode qui bouleverse nos
conceptions habituelles en matière de métrologie et que le technicien, au sens
large du terme, ne peut plus ignorer.
Un des inconvénients majeurs de l’interférométrie holographique réside dans
l’utilisation de milieux photosensibles à haute résolution et faible sensibilité
(plaques et films photographiques, films thermoplastiques...), nécessitant des
lasers d’énergie suffisante par impulsion et demandant un temps de traitement
prohibitif pour de nombreuses applications industrielles, sans parler du coût
d’approvisionnement. Les cristaux photoréfractifs peuvent être une des solu-
tions du futur. Mais l’idéal serait, en fait, d’utiliser des milieux d’enregistrement
adressables et effaçables électroniquement, du type CCD ou cristaux liquides, de
résolution spatiale suffisante pour l’holographie (de l’ordre du micromètre) et ne
nécessitant qu’un traitement numérique. Des laboratoires travaillent déjà sur
l’holographie numérique en essayant d’adapter leurs idées aux résolutions spa-
tiales trop faibles aujourd’hui.
L’interférométrie holographique numérique est pour bientôt. Elle redonnera à
l’holographie son extraordinaire potentiel. En attendant mieux, il existe une
autre voie explorée par les chercheurs dans les années 70. C’est l’interférométrie
de speckle. Cette technique, connexe à l’holographie, fait l’objet de l’article
R 6 331 de ce traité.
L’essentiel de ce document est tiré de la référence [15].

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Dans un milieu homogène, le chemin optique ∆ est le produit de


1. Holographie la longueur géométrique L parcourue par la lumière par l’indice de
réfraction n du milieu dans lequel se propage la lumière :
∆ = nL
1.1 Principe de l’holographie optique
Dans l’air stable, n est voisin de l’unité [n = 1,000 293 à tempéra-
ture ambiante (18 ˚C) et pression normale (1 atm)] de sorte que
Pour bien saisir ce qu’est l’interférométrie holographique, il est ∆ = L.
nécessaire de comprendre d’abord le processus d’enregistrement et
de restitution de l’onde lumineuse provenant d’un objet, c’est-à-dire
le processus de l’holographie. Nous considérerons ici essentielle- Les interférences permettent d’enregistrer la phase ϕ (sous la
ment le cas d’objets solides tridimensionnels diffusant la lumière forme de variations d’intensité lumineuse) donc L et, par consé-
qu’ils reçoivent (objets en relief le plus souvent rencontrés dans les quent, le relief de l’objet.
applications industrielles). Mais le cas des objets transparents
(application à la mécanique des fluides, par exemple) sera égale-
Ce principe est illustré sur la figure 1.
ment abordé.
Nous allons voir que l’enregistrement du relief d’un objet consiste La source S (laser) éclaire l’objet qui diffuse la lumière qu’il reçoit.
à enregistrer la phase de l’onde lumineuse qui a rencontré l’objet. Et Pour un point M de l’objet, la lumière parcourt jusqu’au point H du
l’enregistrement de la phase d’une onde se fait par interférométrie, support photosensible (par exemple, plaque photographique) le tra-
c’est-à-dire en superposant, à l’onde venant de l’objet, une onde jet SMH. Un observateur placé derrière la plaque photographique
lumineuse de référence. Nous verrons également que les interféren- perçoit l’objet éclairé. Il intercepte avec ses yeux deux portions de
ces ne sont possibles (dans le contexte de cet article) que si les deux l’onde Σ diffusée par l’objet correspondant à deux directions légère-
ondes objet et référence proviennent d’une même source unique ment différentes. Son cerveau, à partir des deux images rétiniennes,
d’éclairage. calcule la position du point M. C’est l’effet stéréoscopique. C’est une
vision subjective du relief (nous pouvons ainsi restituer une image
tridimensionnelle à partir d’images planes).
L’holographie consiste donc à enregistrer par interférométrie, Sur la figure, une seule direction d’observation (et un seul œil) a
sur un support photosensible, l’onde lumineuse diffusée ou dif- été représentée pour simplifier le dessin. Pour la même raison, on
fractée (par transmission ou par réflexion) par un objet convena- n’a pas représenté les optiques nécessaires à l’éclairage correct de
blement éclairé, puis à restituer à loisir cette onde lumineuse à l’objet et de l’hologramme. Des montages plus complets seront
partir de l’enregistrement (appelé hologramme). montrés par la suite.
Pour enregistrer l’onde Σ avec sa phase ϕ (reliée à la distance
SMH), il faut la faire interférer avec une onde lumineuse de réfé-
1.1.1 Enregistrement d’un hologramme rence ΣR provenant également de la source S (ce dernier point est
essentiel : pour interférer, les ondes doivent provenir d’une même
En général, la source d’éclairage utilisée est un laser qui possède source lumineuse). Un moyen simple d’arriver à cela est de prélever
les propriétés adéquates pour la création d’interférences lumineu- une partie de l’onde d’éclairage avec un petit miroir MR.
ses de bon contraste, soit :
L’onde de référence ΣR parcourt le trajet SMRH. Les ondes Σ et ΣR
— une cohérence spatiale, c’est-à-dire une source ponctuelle. Le
interfèrent dans tout l’espace où elles se superposent. La plaque
faisceau laser peut être focalisé en un spot lumineux très petit (tache
photographique H enregistre une section de ce phénomène d’inter-
de diffraction) ;
férence.
— une cohérence temporelle, c’est-à-dire que le laser émet un
rayonnement quasi monochromatique. Plus le rayonnement est Ce phénomène d’interférence est à l’échelle de la longueur d’onde
monochromatique, plus la cohérence est grande et plus les dimen- de la lumière (λ = 0,5 µm, pour la lumière verte) donc
sions de l’objet pourront être importantes. microscopique : l’émulsion photographique doit avoir un grain suf-
Le support photosensible peut être tout milieu capable d’enregis- fisamment fin pour l’enregistrer correctement. C’est ce qui explique
trer les interférences lumineuses. Nous verrons que ces milieux pourquoi il n’est pas possible d’enregistrer des hologrammes clas-
sont très variés (plaques et films photographiques, films thermo- siques sur des caméras CCD (par exemple) dont les pixels ont
plastiques, cristaux photoréfractifs, photopolymères...). Les interfé- actuellement pour dimension 5 à 10 µm. Mais des possibilités exis-
rences sont enregistrées sous différentes formes : variations de tent tout de même. Nous en ferons état dans les perspectives.
densité optique, variations d’épaisseur, variations d’indice de réfrac-
tion du milieu, et conduisent souvent à différents types d’holo-
grammes (hologrammes d’amplitude lorsque l’on a essentiellement
des variations de densité optique, hologrammes de phase dans les S (laser)
autres cas).
Quelquefois, plusieurs paramètres du support photosensible MR
varient en même temps et on essaie, par des traitements chimiques
appropriés, de favoriser l’un ou l’autre de ces paramètres suivant le ΣR
type d’application que l’on désire.
Dans pratiquement tout cet article, on considérera, sauf mention
particulière, les hologrammes d’amplitude.
L’onde lumineuse (vibration) est caractérisée par une amplitude a, Objet M H
une phase ϕ et une pulsation ω. L’hologramme enregistre et restitue
a et ϕ. La phase ϕ de l’onde est la grandeur importante de l’hologra- Σ
phie. Elle est reliée à la longueur d’onde λ de la lumière et au chemin
optique parcouru ∆ par la relation :
ϕ = 2 π ∆/λ Figure 1 – Principe d’enregistrement d’un hologramme

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Après développement photographique, on dispose d’un holo-


gramme ayant emmagasiné l’onde Σ en amplitude et en phase. S

MR

1.1.2 Restitution d’une image tridimensionnelle


Σ *R

Pour lire l’hologramme et restituer l’onde Σ en amplitude et en


phase, on éclaire la plaque photographique à l’aide de l’onde ΣR uni- Image
quement, dans les mêmes conditions que lors de l’enregistrement réelle M
(même incidence sur la plaque, même distance SMRH) (figure 2). Σ
L’hologramme diffracte alors une onde Σ exactement semblable à
l’onde qu’avait diffusée l’objet lors de l’enregistrement et dans la
même direction.
Figure 3 – Restitution : image réelle
Pour l’observateur, tout se passe comme si l’objet était présent.
Les yeux interceptent une partie de l’onde Σ et on retombe sur le
processus de vision stéréoscopique explicité plus haut. Pour voir ■ Amplitude complexe
l’objet, en somme, on n’a plus besoin de lui ; les ondes qu’il diffuse
sont suffisantes. On exprime mathématiquement, pour simplifier les calculs,
l’onde objet par l’amplitude complexe
L’image observée est dite virtuelle, ce qui est représenté sur la
figure 2 en tireté. La lumière suit les trajets en traits pleins. Cette A = a exp j (ωt + ϕ)
image peut être photographiée sous tous ses aspects, comme
l’objet lui-même pouvait l’être. Mais le relief est perdu car la phase Pour l’onde de référence, on a :
de l’onde Σ n’est pas enregistrée par la photographie. AR = aR exp j (ωt + ϕR)
Celle-ci enregistre en effet l’intensité lumineuse I soit A2, c’est-
En un point H de l’hologramme, on a une intensité lumineuse :
à-dire a2.
Avec des hologrammes, il est possible d’observer des images I = A + AR2
réelles. Pour ce faire, il suffit d’appliquer le principe du retour
inverse de la lumière. soit : I = a 2 + a R2 + 2 aa R cos ( ϕ Ð ϕ R ) .
La phase temporelle ωt s’élimine donc, puisqu’on la suppose
Dans la pratique, on va éclairer l’hologramme avec une onde identique, dans le cadre de cet article, pour les ondes objet et réfé-
lumineuse Σ R* se propageant en sens inverse de l’onde de référence rence, de sorte que l’on caractérisera, dans ce qui suit, une onde
ΣR et focalisant au point S (figure 3). Comme dans les montages lumineuse objet par l’amplitude complexe :
précédents, les optiques ne sont pas représentées.
A = a exp jϕ
L’hologramme diffracte une onde lumineuse qui forme dans
l’espace une image lumineuse 3D réelle de l’objet à l’endroit exact et l’onde lumineuse de référence par :
où se trouvait l’objet lors de l’enregistrement. On constate cepen-
dant que, cette fois, l’observateur voit au premier plan le fond de la AR = aR exp j ϕR
scène. Le relief est inversé (grandissement axial = − 1) : l’image est
dite pseudoscopique. On peut obtenir une image réelle correcte ■ Position et qualité des images
(orthoscopique) en faisant l’hologramme de l’image réelle pseudo- Lorsque le montage de restitution est exactement semblable au
scopique. montage d’enregistrement (longueur d’onde, caractéristiques géo-
Ces procédés sont notamment utilisés pour les hologrammes métriques), l’image virtuelle restituée est exactement semblable à
artistiques et publicitaires. Pour les applications industrielles, ce l’objet et située exactement au même endroit. Si l’un des paramè-
n’est pratiquement que l’image virtuelle qui est utilisée. tres du montage change (longueur d’onde du laser, orientation du
faisceau de référence par rapport à l’hologramme, distance du point
Une bonne introduction concernant les concepts de base utilisés source de référence à l’hologramme), l’image restituée n’est plus
en holographie (ondes lumineuses, interférences, diffraction...) ainsi semblable à l’objet. Elle change de position et de grandissement et
d’ailleurs que la théorie détaillée de l’holographie se trouvent dans présente des aberrations géométriques [37].
les références [1] et [2].
■ Image conjuguée
Lorsque l’angle entre l’onde objet et l’onde de référence n’est pas
trop grand et si l’hologramme a une épaisseur suffisamment faible,
S (laser) on observe, à la restitution, 3 ondes lumineuses (on a 3 faisceaux
MR lumineux) dont les amplitudes sont atténuées par l’hologramme lui-
même :
— l’onde de référence (ou faisceau d’ordre 0) de phase ϕR et
ΣR d’amplitude proportionnelle à aR ;
— l’onde objet directe (ou faisceau d’ordre + 1) de phase ϕ et
d’amplitude proportionnelle à a donnant l’image virtuelle de l’objet
Image
virtuelle
(cf. figure 2) ;
M' H
— l’onde objet conjuguée (ou faisceau d’ordre − 1) de phase − ϕ
Σ et d’amplitude proportionnelle à a donnant une image non fidèle à
l’objet dans une direction très différente de l’onde directe.
Dans la plupart des applications présentées dans cet article,
Figure 2 – Restitution : image virtuelle l’onde conjuguée n’est pas observable (onde dite évanescente).

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1.2 Différents types d’hologrammes L’inconvénient des hologrammes de Gabor est supprimé.
L’ordre 0 (faisceau de référence) ne gêne plus l’observation de
l’image restituée.
Pour préciser les idées et s’y reconnaître dans le jargon des holo-
graphistes, nous avons classé les hologrammes en différentes types 1.2.1.2 Hologrammes par réflexion
suivant la façon de les éclairer et de les observer, suivant la nature
de l’onde objet (diffuse ou non) ou le mode d’enregistrement de Ils sont appelés, dans certains cas (milieux photosensibles épais),
l’information (en surface ou en volume dans le milieu photosensi- hologrammes de Denisuyk [8] [9] : l’onde de référence et l’onde
ble, par exemple). Cette classification permettra de donner les prin- objet se propagent en sens inverse (figure 5). Ces hologrammes
cipes des principaux montages d’holographie. sont susceptibles d’être observés en lumière blanche. De ce fait, ils
sont très utilisés en holographie artistique et en holographie de
communication. Ils sont employés en holographie industrielle lors-
1.2.1 Hologrammes par transmission que l’on désire s’approcher de très près de l’objet pour augmenter la
et hologrammes par réflexion résolution spatiale.
Suivant les positions relatives du faisceau de référence et de
l’objet O par rapport à l’hologramme H, on classe les hologrammes
1.2.2 Hologrammes d’amplitude
en deux grandes classes : les hologrammes dits par transmission et
les hologrammes dits par réflexion. et hologrammes de phase
Nota : pour la clarté des figures, on n’a pas représenté complètement les montages,
mais seulement les éléments essentiels pour la compréhension de la classification. Une autre façon de classer les hologrammes est aussi de considé-
rer le mode d’enregistrement dans le milieu photosensible. Les
1.2.1.1 Hologrammes par transmission interférences lumineuses sont traduites en :
Le faisceau de référence et l’objet O sont d’un même côté de — variation du coefficient de réflexion ou de transmission du
l’hologramme (figure 4). Plus précisément, l’onde de référence ΣR et milieu photosensible. On a ce que l’on appelle un hologramme
l’onde objet ΣO se propagent dans le même sens. d’amplitude car, lors de la restitution, l’hologramme module
Il existe deux sous-classes importantes d’hologrammes par trans- l’amplitude du faisceau de référence ;
mission. — variation de l’épaisseur ou de l’indice de réfraction du milieu
photosensible. On a un hologramme de phase ; lors de la restitu-
■ Hologrammes de Gabor (ou hologrammes in-line)
tion, le faisceau de référence est modulé en phase par l’holo-
Le faisceau de référence et le faisceau objet ont pratiquement la gramme.
même direction moyenne. Ce montage est le montage d’origine
conçu dès 1947 par l’inventeur de l’holographie alors que les lasers Parfois, les modulations de phase et d’amplitude du milieu photo-
n’existaient pas encore [3]. sensible sont présentes simultanément et ce n’est que le mode de
traitement du milieu photosensible qui permet d’accentuer ou de
La figure 5 donne un exemple particulier de montage de Gabor privilégier la modulation de phase ou d’amplitude.
où l’objet est suffisamment petit pour que le faisceau de référence
ne soit pas trop altéré. Ainsi, dans le cas d’une plaque photographique utilisée comme
milieu photosensible, les interférences lumineuses donnent des
Dans le cas de ces hologrammes, on a, lors de la restitution,
variations de noircissement, d’épaisseur et d’indice de réfraction.
l’onde de référence qui se superpose à l’onde objet et gêne donc
Après blanchiment chimique, l’hologramme deviendra complète-
l’observation. Il est possible de bloquer l’onde de référence par fil-
ment transparent et ne subsisteront que les variations d’épaisseur
trage optique si nécessaire.
et d’indice de réfraction (l’hologramme devient un hologramme de
■ Hologrammes de Leith et Upatnieks [4] [5] [6] [7] (ou phase). Dans le cas d’un film thermoplastique, les interférences sont
hologrammes off-axis) traduites par des variations du relief de la surface : on a un holo-
La direction moyenne du faisceau de référence fait un angle non gramme de phase. Dans le cas d’un photopolymère, ce sont les
nul θ avec la direction moyenne du faisceau objet (figure 4). variations d’indice de réfraction qui sont importantes : on a égale-
ment un hologramme de phase.
Nota : certains milieux photosensibles sont capables d’enregistrer et de restituer l’état
de polarisation de la lumière [10] !
ΣR
Hologramme

Objet
M H
O ΣO ΣR
S Objet ΣO Hologramme
Enregistrement
H
Enregistrement
ΣR

ΣR
Image H S Image
virtuelle M
I
H
Restitution
Restitution
Σ R Onde de référence Σ O Onde objet

Figure 4 – Hologramme par transmission – Hologramme off-axis Figure 5 – Hologramme de Gabor – Hologramme in-line

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ΣR Lumière « dirigée »
provenant du laser
Objet
O Hologramme Cône de lumière diffusée
ΣΟ par l'élément de surface M
H

Enregistrement

ΣR Objet
M

Image

H Figure 7 – Diffusion de la lumière dans un angle solide limité

Restitution

Figure 6 – Hologramme par réflexion ou hologramme de Denisuyk

ΣO
1.2.3 Hologrammes en surface O
et hologrammes en volume

L’épaisseur du milieu photosensible, autre paramètre important, H


permet de classer les hologrammes en deux autres catégories. Objet transparent
■ Hologrammes assimilables à un plan, appelés hologrammes en ΣR
surface
On peut considérer que l’information est enregistrée à la surface
du milieu photosensible ; ce sont des hologrammes d’amplitude,
avec variation du noircissement, ou des hologrammes de phase,
avec variation du relief de la surface.
■ Hologrammes en volume a en lumière dirigée
On peut considérer que l’information est enregistrée dans l’épais-
seur du milieu photosensible. Ce sont notamment les hologrammes
de phase avec variation de l’indice de réfraction. L’intervention de ΣO
l’épaisseur du milieu est particulièrement mise en évidence dans les
hologrammes par réflexion (hologrammes de Denisuyk). O

Un hologramme pourra être considéré comme épais (holo-


gramme en volume) si l’épaisseur du milieu photosensible e est suf-
Diffuseur D H
fisamment grande par rapport à l’espacement i des surfaces
équiphases. On considérera qu’on a un hologramme en volume si : ΣR

e > 1,6 i 2/λ


avec λ longueur d’onde de la lumière.
À titre indicatif, l’épaisseur d’une émulsion photographique pour
l’holographie est de l’ordre d’une dizaine de micromètres et i de b en lumière diffuse
l’ordre de 0,2 à 0,3 µm.
Figure 8 – Hologramme d’un objet transparent

1.2.4 Hologrammes en lumière diffusée


et hologrammes en lumière dirigée lumière dans un angle solide suffisant pour ne pas gêner l’observa-
(non diffuse) teur (figure 7).

Cette distinction suivant la nature diffuse ou non diffuse de la ■ Cas où l’objet peut être considéré comme diffusant correctement
lumière provenant de l’objet est rarement faite alors qu’elle est très la lumière dans toutes les directions sous lesquelles on l’observe
importante pour l’utilisation. Suivant l’état de surface de l’objet, la (objet dépoli)
lumière laser qu’il reçoit est plus ou moins diffusée suivant la direc-
tion d’observation. Il y a deux cas limites. On s’est implicitement placé dans ce cas dans le paragraphe 1.1.

■ Cas où l’objet peut être considéré comme réfléchissant la lumière La propriété des hologrammes est différente suivant que l’on est
(objet poli) en lumière diffuse ou en lumière dirigée.
Chaque élément de la surface est alors considéré comme un On n’a traité ici que le cas d’objets opaques plus ou moins réflé-
miroir. C’est la réflexion spéculaire. Un objet diffusant en incidence chissants. Mais la même distinction se fait avec les objets transpa-
normale peut présenter une réflexion spéculaire lorsqu’on l’observe rents, comme les écoulements de fluides (air, eau, par exemple)
sous incidence. Ce phénomène est parfois très gênant et, pour l’éli- selon qu’ils sont éclairés en lumière dirigée ou en lumière diffusée
miner, on dépose sur l’objet une couche d’un produit diffusant la grâce à un diffuseur (figure 8).

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Remarque sur la granularité laser (speckle) S


La lumière cohérente (laser) réfléchie par une surface dépolie Éclairage laser
ou se propageant à travers un milieu transparent présentant des
variations aléatoires d’indice de réfraction (écoulements d’air
turbulents) présente une distribution d’intensité lumineuse par- A
ticulière appelée speckle ou granularité laser (figure 9). Ce spec-
kle est un phénomène d’interférence aléatoire.
Objet diffusant
H

B D

Figure 10 – Principe du phénomène de speckle

A
1
3

2
B
Figure 9 – Photographie du speckle (granularité laser)

Figure 11 – Parallaxe : principe

Considérons la figure 10. Chaque élément de la surface dépolie


(c’est-à-dire dont la rugosité est « supérieure » à la longueur d’onde
de la lumière dans la direction d’observation) diffuse la lumière 1.3 Expérimentation
dans l’espace et, en particulier, au point H d’observation.
Les ondes provenant des différents points de l’objet interfèrent
dans tout l’espace et, en particulier, au point H d’observation. Lors- 1.3.1 Quelques propriétés des hologrammes
que l’on change le point d’observation, l’état d’interférence change.
On passe ainsi par une succession de maximums et de minimums L’interception par l’œil ou par un autre récepteur photosensible
d’intensité lumineuse. La nature aléatoire de la variation du chemin d’une petite portion de l’onde diffusée par un objet permet de voir
optique due à la nature aléatoire de l’état de surface (rugosité) cet objet. On a vu qu’un hologramme restituait une onde lumineuse
donne cet aspect particulier du phénomène d’interférence. semblable à celle que diffusait l’objet lors de l’enregistrement. En
interceptant une portion de cette onde avec l’œil, on se trouve exac-
La dimension moyenne d’une tache élémentaire s de speckle est tement dans la même situation que dans la réalité : tout se passe, à
déterminée par le diamètre angulaire α du diffuseur vu du point H. la restitution, comme si l’objet était présent. Toutes les propriétés
On a approximativement : habituelles de la vision d’une scène sont respectées.
s ≈ 1,22 λ/α
1.3.1.1 Parallaxe
avec α ≈ AB/D = Φ/D.
L’objet diffuse la lumière qu’il reçoit dans tout l’espace et, en par-
Si on utilise une lentille de diamètre Φ = AB pour former l’image ticulier, sur le support photosensible. Une petite portion A de l’holo-
de grandissement 1 d’un objet (éclairé par un laser) à une gramme enregistre donc l’information sur l’ensemble de l’objet vu
distance D de cette lentille, on a un speckle dans l’image de même de A. De même, une autre portion B verra l’ensemble de l’objet mais
dimension s. Cette valeur du grain de speckle est à rapprocher de la sous un autre angle. À la restitution, on retrouve la même situation.
dimension de la tache de diffraction donnée par la lentille. En
l’absence de lentille, on parle parfois de « speckle objectif » et, avec En déplaçant l’œil derrière l’hologramme, on voit une image de
une lentille, de « speckle subjectif », puisque dépendant de l’ouver- l’objet, exactement semblable à l’objet, mais sous un angle de vue
ture du système d’observation. variable avec la position de l’œil (comme dans la réalité). Ainsi, un
objet caché derrière un autre vu de A (objets 1 et 3, figure 11) sera
Ce phénomène s’observe facilement en regardant une surface dif- visible vu de B. C’est l’effet de parallaxe.
fusante éclairée par un laser en diaphragmant plus ou moins l’œil.
Nota : la dimension longitudinale d’un grain de speckle est égale à environ 8 λ/α2.
Ce qui vient d’être dit explique la spectaculaire expérience de
l’hologramme cassé en morceaux. Effectivement, si vous cassez un
Le speckle présent lors de l’enregistrement d’un hologramme est hologramme d’un jeu d’échec par exemple, chaque morceau, même
également présent lors de la restitution. Le support photosensible très petit (quelques millimètres carrés) permettra de restituer une
lui-même génère un léger speckle. image complète du jeu d’échec sous un angle de vue déterminé par
De nombreuses études ont été consacrées au speckle, à sa réduc- la position d’origine de chaque morceau sur l’hologramme.
tion et à son utilisation en métrologie [11]. Il est à noter que cette expérience ne peut être réalisée avec tous
les hologrammes. Dans le cas d’un hologramme réalisé en lumière
non diffuse, en cassant l’hologramme, on « cassera l’image ». Un
L’interférométrie de speckle est étudiée en détail dans l’article morceau ne restituera pas l’ensemble du champ. De nombreux
suivant [R 6 331] de ce traité. hologrammes observés dans le domaine de la communication

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cette longueur de cohérence dépasse un mètre, ce qui permet


p d’enregistrer sans difficulté un objet de la grosseur d’une voiture.

1.3.1.3 Résolution
La limite de résolution d’un hologramme d’un objet diffusant se
calcule de la même façon qu’en optique classique. Elle est détermi-
M M' née par la diffraction. Ainsi un hologramme carré de côté D a une
limite de résolution angulaire égale à λ/D, λ étant la longueur d’onde
Objet Objectif du laser. Dans la pratique, cette limite n’est pas atteinte, notamment
H Support
photosensible en raison du phénomène de speckle (granularité laser) évoqué
paragraphe 1.2.4.
Figure 12 – Exploration en profondeur d’un objet
1.3.1.4 Efficacité de diffraction
C’est le rendement lumineux de l’hologramme. Plus l’efficacité de
p diffraction est grande et plus l’image restituée est lumineuse.
Objectif
Cette efficacité est définie par le rapport entre l’intensité du fais-
F ceau restituée et l’intensité du faisceau de restitution. Elle dépend
D du type d’hologramme, du matériau photosensible et des condi-
« grain » a du recepteur tions d’enregistrement.
f photosensible
1.3.1.5 Répartition d’intensité dans l’objet
Il faut rappeler que l’hologramme est enregistré à l’aide d’un laser
donnant une lumière monochromatique. Ainsi, lorsque l’on dit que
l’hologramme restitue une image semblable à l’objet, cela signifie
semblable en tenant compte de l’éclairage. Un objet en couleur
Figure 13 – Profondeur de champ p éclairé par un laser émettant une lumière rouge aura un certain
aspect vu de l’hologramme. Cet aspect sera le même lors de la res-
titution. En particulier la répartition d’intensité lumineuse sera res-
entrent dans ce cas et ne peuvent donc pas être cassés sans préju- pectée. La dynamique de l’hologramme est, à cet égard, plus grande
dice pour la vision globale de l’image. que celle de la photographie : l’hologramme reproduira des écarts
d’intensité nettement plus importants.
1.3.1.2 Profondeur de champ
1.3.1.6 Image virtuelle et/ou image réelle
Pour enregistrer toute l’information contenue dans un volume, il
est nécessaire de l’explorer en profondeur en mettant au point suc- Suivant le type d’hologrammes, le montage d’enregistrement et
cessivement sur différents plans (figure 12). Chaque « plan » a en le montage de restitution, l’image restituée peut être pratiquement
fait une épaisseur déterminée par la profondeur de champ p du sys- ce que l’on veut : virtuelle, réelle et même mi-réelle et mi-virtuelle.
tème photographique (ensemble objectif-support photosensible). L’utilisation d’un objectif photographique, par exemple, placé
On a : entre l’objet et le support photosensible, permet de former une
image de l’objet à l’endroit désiré (devant, derrière ou à cheval sur
p = 2 a (1 − g) f /D g2 l’hologramme).

avec f distance focale de l’objectif,


D diamètre de l’objectif, 1.3.2 Conditions d’enregistrement
et de restitution
a dimension du grain photographique (ou de la
tache de diffusion tolérable),
1.3.2.1 Enregistrement
g grandissement (figure 13).
Si l’on désire avoir une bonne résolution des détails contenus 1.3.2.1.1 Cohérence de la source de lumière
dans chaque plan, l’objectif devra avoir une grande ouverture et le
Pour réaliser un hologramme, il est nécessaire que la source de
film un grain très fin adapté.
lumière ait une certaine cohérence permettant à l’onde de référence
La profondeur de champ sera alors très faible comme le montre la et à l’onde objet (issues de cette source de lumière) d’interférer dans
formule précédente. de bonnes conditions. Cette cohérence a deux aspects.
La nécessité d’utiliser un tel mode opératoire empêche, par exem- ■ Aspect spatial
ple, l’étude tridimensionnelle d’un phénomène fugitif non reproduc-
tible. La source lumineuse doit être ponctuelle. On parlera de cohé-
rence spatiale.
L’hologramme au contraire permet ce type d’étude. On enregistre
l’hologramme du phénomène non reproductible à l’aide d’un laser ■ Aspect temporel
pulsé. Le volume entier est restitué avec fidélité. On l’explore alors La source doit être monochromatique. On parlera de cohérence
tranquillement, plan par plan, comme indiqué précédemment. temporelle et de longueur de cohérence.
Un hologramme n’a donc pas l’inconvénient, comme un système Expérimentalement, le montage sera réalisé de façon que la plus
optique classique, d’avoir une profondeur de champ très limitée. grande différence des trajets du faisceau objet (trajet SMH source-
Ainsi la profondeur du volume restitue par les hologrammes off- objet-hologramme) et du faisceau de référence (trajet SMRH source-
axis ne dépend que de la longueur de cohérence du laser utilisé. miroir-hologramme de la figure 1) soit plus petite que la longueur
Pour un laser à rubis pulsé spécialement conçu pour l’holographie, de cohérence.

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De façon classique, on considère pour des expériences industriel-


γ les que, si les franges ne se déplacent pas plus de 1/10 de l’inter-
1 frange environ, l’hologramme est très exploitable.
Exemple numérique : l’interfrange du phénomène d’interférence
donné par deux faisceaux de lumière parallèle faisant entre eux un
1/e
angle θ est :
0
L ∆ i = λ/2 (sin θ/2)

Figure 14 – Mesure de la longueur de cohérence λ étant la longueur d’onde de la lumière.


Pour θ = 60˚, ce qui est courant, et pour un laser à argon pour lequel
λ ≈ 0,5 µm, on a i ≈ 0,5 µm.
Le fait que les atomes émettent des trains d’onde de longueur (ou
de durée) limitée entraîne que l’émission n’est pas monofréquence. Le déplacement des franges par rapport au support photosensible
Plus la longueur des trains est courte, plus le spectre des fréquences pendant la pose ne doit pas excéder 0,05 µm ! Il peut avoir des cau-
est étalé. ses diverses : instabilités mécaniques d’un élément du montage
(objet et hologramme compris) dues à des vibrations parasites
On peut relier la longueur de cohérence L à la largeur spectrale δλ (mécaniques et/ou acoustiques), influence de l’environnement
(monochromaticité) de la source en faisant des hypothèses sur (variations de température, convections de l’air ambiant...) sur une
l’émission [12]. partie du trajet des faisceaux lumineux. Ces perturbations entraînent
des variations de la phase optique entre les faisceaux qui interfè-
Dans le cas où l’on suppose que la source émet des vibrations
rent. Les variations de la phase donnent des variations de l’intensité
sinusoïdales de longueur d’onde λ0 (fréquence ν0 = c/λ0 (c étant la
lumineuse, traduisibles en déplacement des franges d’interférence.
vitesse de la lumière) et de durée τ, on trouve :
On observe une dégradation de l’image restituée d’autant plus
L = λ 02 ⁄ δ λ importante que les variations de chemin optique (ou de phase) para-
sites sont importantes. À la limite, l’image disparaît.
Exemple : voici quelques données numériques :
— pour une lampe à mercure de 300 Å (1 Å = 10−10 m) de largeur La condition de stabilité de chaque élément du montage est diffé-
spectrale, on a L ≈ 10 µm (λ0 = 0,546 1 µm) ; rente. Ce qui importe, ce n’est pas l’instabilité d’un élément du mon-
— pour un laser à rubis, δ λ = 0,5 Å, L ≈ 10 µm (λ0 = 0,694 3 µm) tage en lui-même mais la variation de phase que cette instabilité
donne au niveau de l’hologramme.
Si, pour les besoins de l’holographie, par exemple, on désire une
longueur de cohérence de 1 m pour le laser à rubis, on aura La photographie de la figure 15 montre des pièces de monnaie
δ λ = 5 · 10−3 Å. La lumière du laser devra être filtrée de façon à obte- dont l’auteur a enregistré l’hologramme (en 1965) avec un temps de
nir cette valeur de δ λ. Le filtrage est obtenu à l’aide d’interféromè- pose long (plusieurs minutes) à l’aide d’un petit laser hélium-néon
tres (étalons Fabry-Perot situés dans la cavité du laser). Dans le cas de faible puissance. Les pièces étaient collées sur un support métal-
où l’on suppose que la vibration est amortie exponentiellement (de lique stable et l’ensemble du montage était stable.
la forme : exp (− t/τ)), ce qui est plus réaliste, on trouve :
Les franges d’interférence observées sur l’image restituée étaient
L = λ 02 ⁄ π δ λ dues au mouvement des pièces pendant la pose (fluage de la
colle !). Un mouvement plus important aurait donné des franges
c’est-à-dire une valeur plus faible que précédemment. Ce qui mon- encore plus serrées rendant les pièces méconnaissables.
tre la difficulté de définition de la longueur de cohérence.
Nota : l’exploitation des franges peut, dans certains cas, permettre de connaître le
déplacement de l’objet. De parasites, ces franges deviennent alors très utiles ! Cet aspect
Dans la pratique, on la définit à partir de la mesure du contraste γ des choses est traité au paragraphe 2.
des franges d’interférence au point H en fonction de la différence de
chemin optique ∆ dans un interféromètre à deux ondes (figure 14).
Par convention, pour l’holographie, par exemple, la longueur de
cohérence L correspond à un contraste 1/e (e : nombre de Neper
≈ 2,718) des franges (γ ≈ 0,37) (figure 14).
Pour un laser à rubis monomode conçu pour l’holographie, on a
trouvé avec cette définition L ≈ 1,2 m. Cette valeur est assez bien
vérifiée par la formule :

L = 2 λ 02 ⁄ π δ λ

due à A. Hirth [13] qui donne une valeur intermédiaire entre les deux
précédentes.

1.3.2.1.2 Stabilité du montage et de l’objet


On a vu que les franges d’interférence enregistrées sur le support
photosensible étaient microscopiques (interfrange de l’ordre de la
longueur d’onde de la lumière). Pour que l’hologramme soit correct,
il faut que ces franges soient suffisamment stables pendant le temps
de pose. Le critère de stabilité dépend de la qualité de l’image resti- Figure 15 – Pièces de monnaie en mouvement pendant la pose
tuée que l’on souhaite obtenir. (doc. ISL)

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Il est possible de calculer simplement les déplacements des


divers éléments du montage pendant la pose donnant un déplace-
ment des franges d’interférence (dans le plan de l’hologramme)
d’un interfrange [14].
Les éléments les plus critiques sont les miroirs et l’objet lui-
même. Le meilleur moyen de s’affranchir des perturbations parasi-
Objet i
tes est d’utiliser un temps de pose suffisamment bref. Avec les
lasers pulsés rubis ou YAG, on obtient des durées d’exposition allant
de quelques nanosecondes à quelques dizaines de nanosecondes
permettant, dans de nombreux cas, de travailler en ambiance indus- θ
trielle sans problème et, a fortiori, dans les laboratoires.
L’utilisation de lasers à émission continue (argon, hélium-néon,
krypton...) permettant rarement des temps d’exposition inférieurs à Faisceau
1/100e de seconde est très pénalisante : il est nécessaire de réaliser de référence
le montage sur un banc isolé des vibrations, dans un local calme à
tous les points de vue (thermique, acoustique, mécanique...).
Figure 16 – Limitation du champ
Mais, d’un autre côté, l’utilisation du laser à émission continue
présente, dans certains cas, quelques avantages par rapport au laser
pulsé : faible coût lorsque l’on n’a pas besoin de puissance lumi-
Les caméras CCD ou les modulateurs spatiaux de lumière (type à
neuse, travail plus souple pour des études fondamentales, possibi-
cristaux liquides, par exemple) représentent l’avenir (holographie
lité de travailler en temps réel pour certains contrôles industriels en
digitale, holographie numérique) dans la mesure où leur résolution
laboratoire...
spatiale sera améliorée et lorsque les ordinateurs sauront s’adapter
Pour chaque application, on devra donc choisir soigneusement le aux exigences de l’holographie.
laser, au fonction des contraintes industrielles (y compris celles du
budget) et des résultats à obtenir. 1.3.2.1.4 Rapport des intensités des faisceaux objet
et référence
1.3.2.1.3 Choix du milieu photosensible Ce rapport a 2 ⁄ a R2 doit être choisi de façon à réaliser un bon com-
Tout d’abord, il doit être adapté à la longueur d’onde du laser promis entre la luminosité et la qualité de l’image holographique
d’enregistrement. Ensuite, sa résolution doit être assez élevée pour restituée.
pouvoir enregistrer le phénomène d’interférence et ne pas limiter le Il existe effectivement un rapport conciliant luminosité et qualité
champ angulaire de l’objet. de l’image restituée. Dans la pratique, ce rapport peut varier nota-
Considérons, pour simplifier, un réseau de franges sinusoïdales blement sans affecter de façon très visible la qualité de l’image.
donné par l’interférence de deux faisceaux de lumière parallèle, de Dans les expériences industrielles, ce rapport est choisi en général
longueur d’onde λ et faisant entre eux un angle θ (figure 16). entre 1 et 1/5.
L’interfrange i est donnée par la relation : Si ce rapport devient plus grand que l’unité, la qualité de l’image
se dégrade nettement.
i = λ/2 (sin θ/2)
Pour que ces franges d’interférence soient enregistrées, il faut 1.3.2.2 Restitution
que le « grain » G du support photosensible définissant sa résolu- Les conditions de restitution des hologrammes sont bien moins
tion R en nombre de traits par millimètre [R trait/mm = 1/G (mm)] draconiennes que les conditions d’enregistrement.
soit inférieur à l’interfrange i, soit :
La source d’éclairage de l’hologramme, notamment, n’a pas
λ/2 (sin θ/2) > G besoin de posséder les qualités de cohérence de la source d’enregis-
trement.
Cette inéquation donne une valeur supérieure θ que l’on ne peut
dépasser sans réduire le champ angulaire objet. Ainsi, si la source de restitution doit présenter une certaine cohé-
rence spatiale (source quasi ponctuelle), la cohérence temporelle,
Sur la figure 16, les parties de l’objet situées au-delà du cône
elle, n’est pas nécessaire.
d’angle θ ne seront pas enregistrées.
Toutefois, l’obtention d’une image restituée semblable à l’objet
Exemple : donnons des ordres de grandeur. Pour un angle θ de 60˚, nécessite quelques conditions d’autant plus impératives que l’on
on a i = λ, soit, pour un laser YAG émettant dans le vert, i ≈ 0,5 µm (lon- cherche une identité plus grande entre objet et image. D’une façon
gueur d’onde λ = 0,532 µm). générale, le montage de restitution doit être identique au montage
d’enregistrement. Cela implique que la source d’éclairage de l’holo-
Le milieu photosensible devra avoir une résolution supérieure à
gramme dans le processus de restitution doit être située à la même
0,5 µm (ou 2 000 traits/mm) et, bien entendu, être sensibles à la lon-
distance de l’hologramme que la source de référence lors de l’enre-
gueur d’onde λ.
gistrement, que sa longueur d’onde n’a pas varié et que l’orientation
Les plaques et films photographiques à halogénures d’argent, du faisceau lumineux par rapport à l’hologramme soit la même.
spécialement conçus pour l’holographie, répondent à ce critère.
Si les conditions précédentes ne sont pas remplies, on observe un
Les films thermoplastiques, qui présentent l’intérêt de permettre grandissement de l’image (plus grand ou plus petit que l’unité sui-
un développement sur place en quelques secondes seulement et qui vant le cas), ce qui, somme toute, ne serait pas gênant s’il ne
sont, par conséquent, très utilisés industriellement, ont une résolu- s’accompagnait d’aberrations géométriques pouvant rendre très
tion de l’ordre de 800 traits/mm, limitant leur emploi à des champs vite l’image méconnaissable.
angulaires faibles. Mais leur sensibilité plus élevée que la plupart Pour illustrer ce qui vient d’être dit, considérons l’enregistrement
des halogénures d’argent les rend malgré tout très attractifs. de l’hologramme d’un point objet de 10 µm de diamètre à l’aide d’un
Les cristaux photoréfractifs et les photopolymères sont égale- laser à rubis (λ ≈ 0,694 3 µm). Si on utilise un laser à gaz hélium-
ment utilisés dans quelques laboratoires pour des applications spé- néon (λ ≈ 0,632 8 µm) lors de la restitution, on observe, au lieu d’un
cifiques. point image de 10 µm de diamètre, un tiret lumineux de 200 µm de

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long (astigmatisme dû au changement de longueur d’onde de 10 % férences observées sont caractéristiques des déplacements micro-
entre l’enregistrement et la restitution) ! Cet astigmatisme, extrême- métriques subis par l’objet. La mesure des interférences permet de
ment pénalisant dans des expériences fines (analyse de microparti- quantifier les déplacements (sensibilité : fraction de micromètre).
cules, par exemple), peut s’accepter dans d’autres applications.
Nous décrirons les principes des différentes méthodes d’interfé-
Exemple : si l’on observe, à l’aide d’un laser hélium-néon rométrie holographique, sans entrer dans la théorie qui est explici-
(λ = 0,633 µm), l’hologramme d’une tête humaine enregistrée à l’aide tée dans l’article [AF 3 345] du traité Sciences fondamentales des
du laser YAG pulsé, doublé en fréquence (λ = 0,532 µm), on identifiera Techniques de l’Ingénieur. Le lecteur pourra avantageusement s’y
sans problème le visage, malgré la grande variation de longueur reporter tout au long de cet exposé [16].
d’onde. En effet, la résolution de l’œil étant d’environ une minute Chaque méthode sera illustrée par des applications les plus diver-
d’angle (3 · 10−4 radian), on ne résout pas des détails inférieurs à ses allant des études et recherches industrielles aux contrôles de
0,3 mm à 1 m de distance. routine. Mais nous nous limiterons cependant à l’étude des objets
Les hologrammes industriels réalisés au laser à rubis pulsé solides diffusant la lumière par réflexion quoique l’interférométrie
(λ = 0,694 3 µm) peuvent être restitués au laser hélium-néon holographique s’applique également aux objets transparents
(λ = 0,632 8 µm). Ceux enregistrés à l’aide du laser YAG pulsé doublé (notamment en mécanique des fluides). Ce sujet particulier est traité
en fréquence (λ = 0,532 µm) peuvent être observés à l’aide d’un dans la référence [15] et dans la référence [35].
laser à argon (λ = 0,514 5 µm) ou à l’aide du même laser YAG fonc-
tionnant à 25 Hz, à la même longueur d’onde. Dans la plupart des
cas, la variation de longueur d’onde entre l’enregistrement et la res-
titution ne gêne pas, la résolution spatiale demandée étant rarement 2.1 Interférométrie holographique
inférieure à celle de l’œil. par double exposition
Bien entendu, dans la plupart des études effectuées en labora-
toire, on utilise un laser à émission continue (argon, hélium-néon,
YAG continu...), aussi bien à l’enregistrement qu’à la restitution, et le 2.1.1 Principe
problème du changement de longueur d’onde ne se pose pas.
La technique employée est semblable à celle utilisée pour réaliser
un hologramme conventionnel (simple exposition). Supposons que
l’on ait réalisé le montage d’holographie représenté sur la
2. Interférométrie figure 17 a. On effectue une première exposition, la pression à
l’intérieur du propulseur étant p1 (état 1). On porte ensuite la pres-
holographique sion interne de la valeur p1 à la valeur p2, sans toucher à rien d’autre.
On effectue alors une seconde pose permettant d’enregistrer le pro-
pulseur dans l’état 2 (pression p2).
L’interférométrie holographique est capable de donner une idée Après développement photographique, on dispose d’une plaque
très précise du comportement réel, global, d’un ensemble méca- contenant la somme de deux hologrammes, incohérents entre eux
nique ou d’un phénomène physique de façon générale sans le per- puisque réalisés à des instants différents.
turber (méthode sans contact). Cet ensemble, ou ce phénomène,
peut être très petit et, éventuellement, inaccessible (on utilise alors Cependant, à la restitution (figure 17 b), on obtient deux images
la microscopie et l’endoscopie holographique) ou très gros (vibra- cohérentes entre elles, puisque restituées à l’aide d’une même
tion d’une portion d’ouvrage d’art ou d’une voiture en fonctionne- source de lumière cohérente (laser à gaz à émission continue ici).
ment, par exemple). Ces images interfèrent donc. Les franges d’interférence observées
(figure 17 c) caractérisent la modification subie par l’objet (le pro-
C’est non seulement une méthode de visualisation globale mais pulseur) entre les deux poses, c’est-à-dire la déformation due à la
également une méthode de mesure quantitative des phénomènes différence de pression p2 − p1 : ce sont les lignes d’isoamplitude de
tridimensionnels statiques ou dynamiques. C’est aussi une méthode déplacement.
performante de contrôle non destructif.
Quand on passe d’une frange à l’autre, le déplacement varie
Son introduction dans l’industrie, en forte hausse ces dernières d’environ 0,3 µm (λ/2 avec λ = 0,69 µm pour le laser à rubis).
années, est due aux progrès réalisés dans les domaines du traite-
ment informatique des images holographiques et de la collecte des D’une façon plus générale, la méthode permet de détecter et de
données (caméras CCD à haute résolution). L’informatique com- mesurer les variations de phase survenus entre les deux expo-
mence à être assez puissante et rapide pour analyser un interféro- sitions. Ces variations de phase peuvent être dues à des variations
gramme holographique en temps quasi réel et présenter les de longueur, d’indice de réfraction ou de longueur d’onde
résultats sous une forme classique directement compréhensible par causées par des contraintes diverses (thermiques, pneumatiques,
les utilisateurs (cartes des déplacements en fausses couleurs et mécaniques...).
pseudo-3D, par exemple). L’expression mathématique générale de l’intensité I dans le phé-
Pour aborder les principes de l’interférométrie holographique, il nomène d’interférence est explicitée dans les références [15] et [16].
faut rappeler que les interféromètres classiques (type Michelson ou On a :
Mach-Zehnder) sont utilisés pour mesurer de petites différences de
chemin optique concernant des surfaces planes (ou de révolution) I = I0 [1 + m cos (ϕ2 − ϕ1)]
polies ou observées en réflexion spéculaire. L’holographie a permis
avec I0 intensité moyenne,
d’étendre les mesures interférométriques à des objets tridimension-
nels diffusants. m contraste des franges d’interférence,
Le principe général consiste à superposer des ondes lumineuses, ϕ1 phase optique de l’onde objet à l’instant t1,
pas forcément contemporaines, dont l’une au moins est produite
ϕ2 phase optique de l’onde objet à l’instant t2.
par un hologramme. Ainsi, grâce à l’holographie, on est capable de
faire interférer les ondes lumineuses provenant, à différents ins- C’est l’équation de base de l’interférométrie, qui est nécessaire
tants, d’un même objet se déplaçant ou se déformant au cours du pour expliciter ce que l’on mesure, c’est-à-dire la différence de
temps. L’état de surface de l’objet peut être quasi quelconque, mais phase δϕ = ϕ2 − ϕ1 subie par l’onde objet entre les deux expositions
ne doit pas se modifier (ou très peu) pendant l’opération. Les inter- de l’hologramme.

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Hologramme S (Laser)

KE
L2
Laser pulsé Propulseur


m1
L1 M1
S
m1, m2 miroirs Objet
m2 M2
L1, L2 lentilles D
a montage d'enregistrement (deux poses
successives aux pressions p1 et p2)

Observation KO
Hologramme

ÉTAT 2
(2e pose)

Laser à émission continue H (Hologramme)

Figure 18 – Variation de chemin optique due à un déplacement.


Notations
ÉTAT 1
L1 (1re pose)
Si l’on considère que l’indice de réfraction est constant (expérien-
ces réalisées dans de l’air au repos où n est très voisin de 1) et que
b montage de restitution. Les images 1 et 2 la longueur d’onde de la lumière est également constante, la varia-
correspondant aux pressions p1 et p2 interfèrent tion de chemin optique dépend uniquement des déplacements ou
des déformations subies par l’objet entre les deux poses.
On a alors (figure 18) :
δ ∆ = (SM2H) − (SM1H)
soit :
δ ∆ = D · (KO − K E )
avec KE et KO vecteurs unitaires caractérisant respectivement
la direction d’éclairage SM et la direction
d’observation MH,
D vecteur déplacement d’un point M de la surface
de l’objet.
Les distances SM et MH sont très grandes (plusieurs décimètres,
voire plus d’un mètre pour MH et plusieurs mètres pour SM) com-
parées au module du vecteur déplacement (quelques micromètres à
quelques dizaines de micromètres). On a donc considérablement
agrandi la distance D pour la clarté de la figure. On considère que
KO et KE ne varient pas ou varient très peu entre les deux exposi-
tions, pour un point donné de l’objet.
Le vecteur S = KO − KE est appelé vecteur sensibilité. Il a une
grande importance pour comprendre ce que l’on mesure en holo-
graphie. La variation de chemin optique s’écrit :
c photographie de l'image restituée δ∆=D·S
du propulseur (doc. ISL)
On est donc sensible à la projection du vecteur déplacement sur
Figure 17 – Interférométrie holographique par double exposition le vecteur sensibilité. Ainsi, pour mesurer les trois composantes du
d’un propulseur déplacement, il faudra adopter des montages à géométrie bien
déterminée.

On a :
2.1.2 Applications
δ ϕ = 2πδ∆/λ
2.1.2.1 Contrôles non destructifs (CND) [16] [17] [18] [19]
δ∆ étant la variation du chemin optique suivi par la lumière, de la
source d’éclairage à l’hologramme, dans le milieu d’indice de réfrac- L’intérêt du contrôle non destructif n’est plus à démontrer. Il prend
tion n, entre les deux expositions. une place de plus en plus importante dans l’industrie aussi bien au

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niveau de la fabrication que de la maintenance. Pour assurer la sécu-


rité des personnes (contrôle des véhicules et des bâtiments) et leur
confort (bruits, vibrations) ou la réussite de missions particulières
(lancement d’engins, par exemple) dans le domaine civil ou mili-
taire, on ne peut négliger aucun progrès des méthodes scientifiques
de contrôle. Parmi les différentes techniques utilisées à l’heure
actuelle (radiographie, thermographie, ultrasons, courants de Fou-
cault...), l’holographie est appelée à occuper, dans les années à
venir, une place déterminante grâce à ses avantages :
— visualisation directe et globale de défauts (décollements, fissu-
res, inhomogénéités...) sur des surfaces importantes (plusieurs
mètres carrés) ;
— pas d’interaction avec l’objet contrôlé, en général pas de traite-
ment de la surface contrôlée ;
— grande résolution spatiale ; Figure 19 – Contrôle d’un bloc de poudre (∆p = 8 mbar) (doc. ISL)
— grande sensibilité (détection sans problème de déformations
dans le domaine des micromètres) ;
— travail in situ avec des lasers pulsés ;
— facilité d’emploi (automatisation possible) ; qu’ils sont situés au sein de la structure sans déboucher à l’extérieur,
— rentabilité économique. ou bien débouchants sur l’extérieur. Les contraintes devront être
adaptées à la nature particulière des défauts. Ainsi un défaut débou-
Cela est d’autant plus vrai que, comme nous l’avons dit dans chant ne pourra pas être soumis à une contrainte pneumatique,
l’introduction, les milieux photosensibles consommables actuels mais pourrait bien réagir à une contrainte thermique ou mécanique.
(plaques et films photographiques) seront probablement remplacés,
dans les années à venir, par des milieux non consommables (du Un défaut de collage non débouchant contient en général un peu
type cristaux photoréfractifs). de gaz (air ou autre produit) s’il n’y a pas d’adhérence partielle
(décollement franc, absence de colle...). On pourra, dans ce cas, uti-
Nous allons donner quelques exemples d’applications sans pré- liser une contrainte pneumatique pour le détecter.
tendre ici trouver des réponses quant à la visualisation de toutes les
sortes de défauts industriellement rencontrés au stade de la fabrica-
tion, de la maintenance, de la conception ou des essais de fatigue. Remarque importante : toutes les expériences d’holographie
Le principe du contrôle par holographie consiste à réaliser une montrent qu’on observe correctement la forme du défaut (sa
interférométrie de l’objet soumis à une contrainte non destruc- projection à la surface de la structure). Les contraintes utilisées
tive particulière : mécanique, pneumatique, thermique... Cette n’aggravent pas le défaut. Ces faits ont été vérifiés expérimenta-
contrainte entraîne au droit du défaut une déformation inhomogène lement (comparaison avec une autre technique de CND, dissec-
de la surface de la structure, qui se traduit, lors de la restitution, par tion de l’échantillon...).
un aspect particulier des franges d’interférence (cf. photographies
illustrant les applications). Tout le problème réside dans le choix ■ Utilisation d’une contrainte pneumatique
judicieux de la contrainte de façon qu’elle soit adaptée à la visuali-
sation des divers défauts dans un matériau et dans un environne- L’application envisagée à l’époque à l’Institut franco-allemand de
ment (laboratoire ou industrie) donnés. recherches de Saint-Louis (ISL) était le contrôle du collage des pro-
tections thermiques de propulseurs. Un mauvais collage pouvait
Les divers types de lasers pour l’holographie ont été utilisés : entraîner une destruction du propulseur. Les contrôles classiques
— lasers à émission continue permettant des temps de pose consistaient à réaliser des radiographies X de l’engin et à interpréter
longs (dans le domaine de la seconde), compatibles avec la ensuite les clichés. L’éclairage X devait être tangentiel à l’enveloppe
méthode choisie ou avec une stabilité suffisante du montage ; cylindrique du propulseur afin d’être efficace. De ce fait, le contrôle
— lasers pulsés avec des durées d’émission d’une vingtaine de pouvait être considéré comme relativement ponctuel et l’inspection
nanosecondes, permettant de s’affranchir des perturbations du de la totalité de l’objet était pratiquement exclue. L’holographie pou-
montage holographique propres à une ambiance industrielle et vait permettre un contrôle global avec quelques hologrammes.
d’étudier des phénomènes dynamiques.
Les premières expériences furent réalisées sur un petit propulseur
Les contraintes utilisées pour révéler les défauts internes en sur- d’environ 40 centimètres de diamètre situé à l’intérieur d’une cham-
face sont statiques (mécanique, pneumatique, thermique...) ou bre à dépression munie d’un hublot d’observation en verre d’épais-
dynamiques (vibration, choc thermique ou mécanique...) et de très seur convenablement calculée.
faibles valeurs. Les microdéformations qu’elles engendrent se
On réalise une double exposition en faisant varier la pression
situent dans le domaine élastique des matériaux. Ces contraintes
dans la chambre de p1 à p2.
peuvent être qualifiées de non destructives.
Nous allons présenter dans ce paragraphe différentes applica- À chaque exposition, la même pression règne à l’intérieur comme
tions concernant aussi bien des expériences menées en laboratoire à l’extérieur du propulseur ouvert. Il n’y a pas de déformation du
que des expériences de faisabilité réalisées in situ dans des locaux propulseur du fait de la variation de pression (p2 − p1), sauf au droit
industriels. d’un défaut de collage.
La méthodologie employée pour visualiser tel ou tel défaut dans Ce principe, utilisé par la suite à l’Aérospatiale pour le contrôle
tel ou tel matériau sera décrite au fur et à mesure des applications des propulseurs (cf. exemple 1) et des pales d’hélicoptères est illus-
présentées. tré par l’image holographique de la figure 19. Il s’agit d’un bloc de
poudre de 200 mm de diamètre et de 500 mm de long sur lequel est
collée une protection thermique. Pour une variation de pression
2.1.2.1.1 Détection de défauts de collage dans la chambre de 8 mbar, on visualise facilement des poches d’air
De plus en plus de collages sont utilisés dans l’industrie : structu- artificielles situées entre la poudre et la protection thermique.
res sandwichs, matériaux composites, assemblages collés divers. La figure 20 montre une photographie du banc holographique
Les défauts de collage sont très divers : manque de colle, mau- utilisé. La source de lumière est ici un laser à émission continue
vaise adhésion pour diverses raisons (graisse, mauvaise polyméri- (hélium-néon de 50 mW), mais pourrait être aussi bien un laser à
sation, inclusion...). Ils peuvent être non débouchants, c’est-à-dire rubis pulsé.

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Système lentille
+ miroir pour éclairage
de l'hologramme
(référence)
Obturateur
Propulseur Laser électromécanique

Diaphragme

Objectif
pour éclairage
de l'objet

Lame séparatrice

Miroir plan

Figure 20 – Montage holographique utilisé


Chambre Hologramme pour le contrôle du collage de petits
à dépression dans son support propulseurs (entre autres) d’une longueur
maximale de 600 mm (doc. ISL)

Exemple d’application n° 1 : contrôle industriel des propul- Exemple d’application n° 2 : contrôle industriel de réservoirs
seurs étanches en composite pour l’industrie spatiale
Les non-adhérences en zones de fonds sous « les peaux décollées » L’Aérospatiale Aquitaine (J. Bouteyre) a conçu un système auto-
de structures en Kevlar sont des défauts particulièrement difficiles à matisé jusqu’à la production des interférogrammes de sphères en
détecter. Suite aux travaux d’holographie développés par le laboratoire composite haute pression. Une contrainte thermique est utilisée avec
central à Suresnes par J.L. Arnaud et par le service AQETN (Le Floch, un laser à rubis pulsé et une caméra à film thermoplastique [21].
Bouteyre) de l’Aérospatiale Aquitaine de Saint-Médard-en Jalles, le ser- On a constaté en général que, pour des défauts de collage contenant
vice contrôle du même établissement, dirigé par Barbier, a mis en place de l’air (ou un autre gaz), la contrainte pneumatique est plus efficace
un système industriel d’interférométrie holographique par double expo- que la contrainte thermique. Cependant, pour un essai de faisabilité
sition utilisant un laser à rubis pulsé [20]. rapide, si l’on ne dispose pas d’une chambre à dépression adéquate, la
Le propulseur (diamètre 2 m, longueur 2 m) est placé dans un cais- contrainte thermique conserve son intérêt. Il en est de même pour des
son spécial et soumis à une sollicitation pneumatique en équipression. contrôles sur site, d’autant plus que le traitement informatique des
Une caméra holographique mobile permet d’inspecter toute la struc- images permet maintenant de bien interpréter les résultats.
ture automatiquement. Le contrôle d’engins balistiques par hologra-
phie est moins coûteux et plus fiable que le contrôle par méthode ■ Utilisation d’une contrainte par choc [15]
ponctuelle (rayons X, par exemple). Celle-ci reste cependant utile pour L’utilisation d’une contrainte par choc nécessite d’employer des
un recoupement local d’un défaut constaté par holographie. lasers pulsés. Ce mode opératoire est, en général, très bien adapté
aux essais sur site, en ambiance industrielle :
■ Utilisation d’une contrainte thermique — la brièveté des impulsions lumineuses (quelques dizaines de
nanosecondes) données par un laser à rubis, par exemple, permet
Les objets à contrôler sont soumis à de très faibles contraintes de figer suffisamment la déformation de la structure excitée par
thermiques (notées ∆T) : chauffage par lampe infrarouge (150 W – choc aux instants t1 et t2 et d’obtenir des hologrammes corrects ;
200 V) d’un côté ou de l’autre. Les variations de température à la — si l’intervalle de temps ∆t entre les deux expositions n’est pas
surface dépassent rarement quelques degrés Celsius. trop élevé (typiquement de l’ordre de la microseconde à la millise-
Ce mode de sollicitation est apparemment simple (pas de néces- conde), l’environnement peut être considéré comme stable (les
sité d’une enceinte spéciale). vibrations mécaniques parasites à basse fréquence ou les convec-
tions d’origine thermique ne perturbent pas l’expérience).
Son inconvénient est lié à la difficulté d’engendrer une contrainte De nombreux essais en ambiance industrielle ont d’ailleurs été
uniforme et d’éviter la présence de franges d’interférence trop nom- réalisés, que ce soit sur un avion dans un hangar ou sur une
breuses dues à la dilatation du matériau, pouvant masquer de petits machine de fatigue dynamique en usine.
défauts.
Un laser à rubis commercialisé pour l’holographie par double
La figure 21 montre l’interférogramme d’une structure sandwich exposition est capable de donner deux impulsions lumineuses
soumise à une faible contrainte thermique : divers défauts sont séparées par un intervalle de temps ∆t réglable de 1 µs à 800 µs. Cet
visualisés, par exemple absence de nid d’abeilles et absence de intervalle est suffisant dans de nombreux cas.
colle entre la peau et le nid d’abeilles (coopération Aérospatiale Toutefois, certaines expériences demandent des intervalles de
Suresnes-ISL). temps ∆t supérieurs à la milliseconde et, dans ce cas, un seul laser à

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Figure 21 – Défauts dans une structure en « nid d’abeilles » (doc. ISL)

Figure 23 – Interférogramme par double exposition et à double


référence d’un composite sous choc [23]

élevé pour que celles-ci soient lisibles. On peut toutefois obtenir de


bons résultats dans certains cas.
L’interférométrie holographique est particulièrement intéressante
dans les cas où il n’est pas possible de polir, de traiter ou tout sim-
plement de toucher l’objet (du fait de l’environnement, ou parce que
l’objet est en fonctionnement, par exemple), et dans tous les cas où
il est rentable d’utiliser une technique de visualisation globale plutôt
qu’une technique de détection ponctuelle qui laisse des zones non
explorées.
Sur une aube de turbine, par exemple, la fissure ou l’amorce de
fissure modifiera la déformée d’un mode vibratoire, modification
que l’holographie visualisera si son amplitude est suffisante
(domaine micrométrique).
Figure 22 – Criques sur une plaque métallique en vibration. En excitant une structure métallique à l’aide d’une céramique piézo-
Holographie par double exposition avec laser pulsé (doc. ISL) électrique, on fait apparaître des modes de vibration qui sont locale-
ment perturbés par la présence de criques (figure 22).
Celles-ci apparaissent par des discontinuités dans le champ de
rubis ne suffit plus. Il faut utiliser deux lasers à rubis dont les fais- franges d’interférence. La visualisation a été réalisée par interféro-
ceaux sont correctement superposés. Le département optique de métrie holographique par double exposition avec une synchronisa-
l’ISL a été, sous l’impulsion de Hubert Fagot, le premier laboratoire tion adéquate des deux impulsions du laser à rubis par rapport à
dans le monde à développer et à utiliser un système holographique l’excitation.
comprenant deux lasers à rubis pour des expériences de faisabilité
avec une contrainte dynamique [22].
2.1.2.2 Étude des déplacements dynamiques.
Chocs et vibrations
2.1.2.1.2 Détection de fissures L’étude du comportement de matériaux et de structures soumis à
des contraintes dynamiques ou l’analyse des déformations de
La visualisation de fissures ou microfissures situées à la surface machines en fonctionnement (moteur d’automobile, par exemple)
ou proches de la surface de structures est difficile. L’holographie se fait habituellement à l’aide de capteurs permettant une mesure
apporte quelques solutions. ponctuelle avec contact très sensible (accéléromètres, jauges de
contrainte...). La validation de codes de calculs par ce type de cap-
La fissure apparaît par une modification du champ d’interférences
teurs peut parfois se révéler erronée.
dans son voisinage (changement de courbure, de direction, discon-
tinuités, variation de l’interfrange...) sous l’effet de la contrainte La figure 23 montre l’interférogramme des déplacements obtenu
appliquée à la structure. C’est la nature et l’amplitude de cette con- par holographie à double exposition et à double référence (cf. § 2.4)
trainte qui détermineront la possibilité d’utiliser l’holographie pour d’une plaque mince en matériau composite soumise à un choc en
une application déterminée. son centre à l’aide d’une bille d’acier. La dissymétrie très marquée
de l’interférogramme et, donc, de la déformée (côté droit sur la pho-
Ainsi, une contrainte trop forte peut endommager l’objet ou le tographie) est due à un accéléromètre disposé sur la plaque pour
déplacer, ou bien donner un nombre de franges d’interférence trop assurer la synchronisation de la double impulsion du laser à rubis

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avec le déplacement dynamique induit par le choc. On peut imagi-


ner ce qui se passerait si on couvrait la plaque d’accéléromètres afin I
d’appréhender, grâce à eux, les déplacements en un nombre de
points significatifs de la plaque. Dans de nombreux tests, il est
cependant nécessaire d’utiliser un grand nombre de capteurs.
Même dans les cas où ces capteurs influent peu sur la réponse
mécanique de la structure, ils présentent quelques désavantages t
∆t T
importants :
— une grande perte de temps pour l’installation de tous les cap-
teurs. Il faut parfois plusieurs jours pour « instrumenter » une struc- I intensité t temps T période
ture. De plus, il faut être sûr que les capteurs sont à la bonne place ; Figure 24 – Double impulsion laser à la cadence de répétition 1/T (Hz)
— un grand nombre de capteurs entraîne un traitement du signal
conséquent, avec un coût important qui peut dépasser largement le
coût d’une installation d’holographie dynamique. Les grands cons-
tructeurs automobiles ne s’y trompent pas et se sont équipés en
techniques holographiques [24]. laser (avec un intervalle de temps ∆t réglable entre chaque impul-
sion) et cela à la cadence la plus élevée possible, en l’occurrence 25
L’utilisation de capteurs optiques ponctuels sans contact est un à 50 Hz actuellement (soit une période T de 20 à 40 ms) (figure 24).
progrès dans la qualité de la mesure. Mais il serait trop onéreux de
les multiplier. On opère donc par balayage, ce qui restreint le Pour des raisons thermiques, les flashs de pompage des lasers
domaine des applications. De plus, la mesure en des endroits non doivent toujours fonctionner à la même cadence de répétition nomi-
directement accessibles est difficile et nécessite l’usage de fibres nale. On garde ainsi un fonctionnement correct du laser quelle que
optiques. soit la fréquence d’enregistrement qui sera un sous-multiple de la
cadence nominale obtenue en bloquant une impulsion sur deux ou
Les méthodes optiques globales, interférométriques ou hologra- sur trois... ou bien deux impulsions sur trois, et ainsi de suite, à
phiques, quoique moins sensibles (0,01 à 0,1 µm) que les méthodes l’aide d’un obturateur électromécanique ou électro-optique conve-
ponctuelles, semblent les mieux adaptées à l’étude des déplace- nablement synchronisé.
ments dynamiques, notamment sur des corps en rotation ou lors-
que l’on désire une grande résolution temporelle. Souvent, elles Le seul système donnant satisfaction à tous les points de vue (sta-
seront associées à une méthode ponctuelle (vibrométrie laser, par bilité de la cohérence et de l’énergie par impulsion, notamment) est
exemple), complémentaire, permettant la synchronisation du laser. le système proposé par l’ISL dès 1983 et consistant à utiliser deux
lasers YAG dont les faisceaux de lumière verte sont correctement
L’étude des phénomènes dynamiques en fonction du temps se fait
superposés (figure 25).
aisément « en continu » avec des capteurs ponctuels. Avec l’holo-
graphie, on opère par échantillonnage à l’aide de la cinéhologra- Ce système a l’avantage de permettre n’importe quel intervalle de
phie. Les objets non accessibles directement à l’observation seront temps ∆t entre les deux impulsions. La première exposition est don-
étudiés par endoscopie holographique [25]. née par un des lasers et la seconde exposition par le deuxième laser.
Un même laser d’injection est utilisé pour assurer un fonctionne-
ment des deux lasers sur le même mode longitudinal (cohérence
Remarque générale : la compréhension générale de la forma- temporelle).
tion des franges d’interférences, de leur localisation, de leur
interprétation suivant les divers types de mouvement qui leur La figure 26 montre des résultats quantitatifs obtenus à partir
donnent naissance est très complexe et n’entre pas dans le d’un cinéhologramme, enregistré à la cadence de 25 Hz sur film
cadre de ce document. Pour approfondir, on pourra se référer argentique 35 mm, d’une portière de voiture. Le film montre l’évolu-
très utilement à l’ouvrage de C.V. Vest [29]. tion de la carte des amplitudes vibratoires d’une portière de voiture
qui vient d’être claquée. Cette technique permet d’évaluer l’amortis-
sement de la vibration.
2.1.2.3 Cinéholographie interférométrique [26] [27] [28]
Pour chaque hologramme, on réalise deux expositions aux ins-
L’étude de l’évolution en fonction du temps de phénomènes phy- tants t1 et t2. L’écart de temps ∆t = t2 − t1 (de l’ordre de 200 µs ici) est
siques tridimensionnels (comportement de structures mécaniques choisi suffisamment petit de façon que la variation d’amplitude cor-
soumises à des contraintes dynamiques diverses, par exemple) et le respondante soit compatible avec la sensibilité de l’interférométrie
contrôle non destructif à cadence rapide par interférométrie holo- (1 à 10 µm, par exemple), malgré la forte amplitude vibratoire totale
graphique nécessitent l’emploi de lasers pulsés fonctionnant à une de la portière (quelques mm). On peut tirer de cette carte des ampli-
cadence de répétition suffisamment élevée et/ou correctement syn- tudes une carte des vitesses avec une bonne approximation [30].
chronisés de façon à échantillonner correctement le phénomène
étudié.
L’étude cinématographique d’objets diffusants par réflexion, qui 2.2 Interférométrie holographique
est l’objet de ce paragraphe, demande, quant à elle, des lasers pul-
sés de bien plus grandes cohérence temporelle et énergie par en temps réel
impulsion. Par voie de conséquence, la cadence de répétition ne
peut être élevée. Le seul laser pulsé commercialisé à l’heure actuelle
est le laser Nd :YAG, doublé en fréquence de façon à fonctionner en 2.2.1 Principe
lumière verte (λ = 0,532 µm). Des énergies par impulsion cohérente
de l’ordre de 300 mJ sont atteintes avec une cadence de répétition L’interférométrie holographique en temps réel est utilisée en labo-
de 25 à 50 Hz permettant d’enregistrer des cinéhologrammes ratoire, dans un environnement très stable, avec l’aide en général
d’objets d’environ 1 m2 de surface apparente. La cohérence tempo- d’un laser à émission continue. Elle consiste :
relle de ce laser est assurée par l’utilisation d’un laser d’injection
(mini-laser YAG pompé par diode laser). 1 à enregistrer l’onde lumineuse diffusée par un objet au repos
(figure 27 a) ;
La seule technique d’interférométrie holographique pratiquement
utilisable sur site industriel aujourd’hui est la technique de double 2 à remettre exactement en place (à une fraction de longueur
exposition, c’est-à-dire que l’on doit produire une double impulsion d’onde près), après développement, l’hologramme dans le montage

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D1
YAG 1 A1
Cinéhologramme

Laser
d'injection
D2
YAG 2 A2

Objet
λ = 0,532 µm
8 ns par impulsion
25 Hz

D1, D2 cristaux doubleurs de fréquence


Figure 25 – Principe de la cinéholographie
A1, A2 amplificateurs
avec deux lasers YAG (0 < ∆t < ∞)

holographique d’enregistrement (à moins que le développement ait


été effectué sur place comme dans le cas de l’utilisation de films
thermoplastiques, de cristaux photoréfractifs ou de certains photo-
polymères.
Dans ces conditions, si l’on regarde à travers l’hologramme, on
observe (cf. figure 27 b) :
— l’objet lui-même éclairé par le faisceau d’éclairage ;
— l’image holographique de l’objet au repos restituée par l’holo-
gramme.
On fait ainsi interférer l’onde diffusée à l’instant t par l’objet réel Σt
avec l’onde ΣO diffractée par l’hologramme de l’objet au repos qui
sert de référence. Si l’objet se déplace ou se déforme, des franges
d’interférence apparaissent, caractéristiques des déplacements ou
des déformations de l’objet. On suit l’évolution de ces franges en
temps réel, avec l’œil ou à l’aide d’une caméra si l’objet évolue trop
vite.
Cette technique, couplée à la stroboscopie, est particulièrement
intéressante pour la visualisation des modes de vibration de struc-
tures excitées sinusoïdalement et pour la détermination des fré-
quences propres. Elle est utilisée industriellement à la SNECMA
pour l’étude vibratoire d’éléments de moteurs d’avions.
La mise en œuvre de cette méthode est beaucoup plus délicate
que celle de la double exposition.
En effet, d’une part l’image diffractée par l’hologramme est moins
lumineuse que celle diffusée par l’objet ; il faut donc augmenter
l’intensité du faisceau de restitution par rapport à celle du faisceau
Les figures en couleur montrent comment on peut quantifier les
objet ; l’utilisation d’un diviseur d’onde à atténuation variable
interférogrammes des photos noir et blanc (résultats numériques
exploitables par l'industriel).
s’avère pratiquement nécessaire ; en outre, on peut être obligé de
recourir à un laser plus puissant.
D’autre part, dans le cas de l’utilisation d’une plaque photographi-
Figure 26 – Cinéhologramme interférométrique d’une portière que comme milieu d’enregistrement, il faut recaler l’hologramme
de voiture qui vient d’être claquée et exploitation numérique dans la position qu’il occupait au moment de la prise de vue avec
des interférogrammes une précision d’une fraction de longueur d’onde ; de plus, l’épais-
seur de la couche sensible a pu varier du fait du développement. Un
défaut de recalage, ou une variation d’épaisseur de la gélatine,
entraîne l’apparition de franges d’interférence parasites.
Miroir Miroir Pour pallier ces difficultés, on monte la plaque holographique
Référence
S (laser) S (laser) dans un support spécial dont on peut rectifier l’orientation et la posi-
tion. Mais on peut également réajuster l’onde diffusée par l’objet
Σt avec l’onde diffractée par l’hologramme en agissant sur les trois
M' déplacements micrométriques du support d’une lentille du faisceau
Objet objet, par exemple.
M M
ΣO
H H ΣO L’intérêt de l’utilisation de la plaque photographique est sa résolu-
tion élevée qui permet d’avoir des champs objets angulaires impor-
a enregistrement b restitution tants, sans être gêné par le faisceau de référence.
Dans les expériences industrielles ne nécessitant pas de grands
Figure 27 – Interférométrie holographique en temps réel champs angulaires, on utilise avantageusement le film thermoplas-

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tique dont le développement s’effectue sur place en quelques


secondes. Les appareils à film thermoplastique commercialisés
actuellement ont une stabilité mécanique suffisante pour faire de
l’holographie en temps réel de façon acceptable.

2.2.2 Applications

2.2.2.1 Cas de déplacements statiques ou à évolution lente


On montre que tout se passe comme en double exposition :
I = I0(1 + m cos δϕ)

avec δϕ = ϕt − ϕ0,
ϕ0 phase de l’onde objet restituée par l’hologramme
et qui sert de référence (objet au repos),
ϕt phase de l’onde objet à l’instant t.
La méthode du temps réel pour l’étude d’objets se déformant len-
tement, dont la mise en œuvre est plus délicate que celle de la dou-
ble exposition, présente des avantages par rapport à cette dernière
a
méthode.
Ainsi, on peut voir évoluer le réseau de franges d’interférence en
faisant varier l’état de l’objet. Cela permet, par exemple, de choisir
des contraintes donnant un nombre raisonnable de franges ou de
lever des indéterminations comme le sens de la concavité ou les
emplacements des extremums pour les surfaces déformées, par
exemple.
■ Contrôle non destructif avec contrainte thermique
Il s’agit de contrôler le collage d’un élastomère et d’un métal. Des
défauts de collage artificiels ont été réalisés à l’aide de petits sacs de
plastique (PVC) thermosoudés, dans lesquels on a laissé un peu
d’air. Ces sacs ont été placés au moment du collage entre le métal
(épaisseur 5 mm) et le revêtement (épaisseur 5 mm).
Le chauffage côté élastomère ou côté métal est réalisé à l’aide
d’une lampe infrarouge (150 W – 220 V).
On compare l’objet chauffé à l’image holographique de l’objet
froid. Les défauts sont bien visualisés pour une très faible contrainte
thermique (variation de la température de surface inférieure au
degré Celsius) (figure 28 a). b contrainte thermique plus élevée que pour a

Lorsque la température augmente, des franges interférence para-


sites apparaissent qui caractérisent la dilatation du matériau
(figure 28 b) et la non-uniformité du chauffage.
Des petits défauts non programmés apparaissent enfin
(figure 28 c). Ils ont été créés involontairement lors de la réalisation
de l’échantillon, ce qui a été vérifié après dissection de l’échantillon.
La forme des défauts réels est, en gros, respectée.
La dilatation du matériau due au chauffage est très visible (fran-
ges circulaires).
■ Contrôle non destructif avec contrainte pneumatique
Les diverses photographies de la figure 29 sont des images suc-
cessives tirées d’un même enregistrement vidéo et montrent l’évo-
lution de l’interférogramme holographique d’une pièce en matériau
composite (carbone-carbone) soumise à une contrainte pneumati-
que variant de 0 à 1 bar. L’objet est disposé dans une chambre à
dépression munie d’un hublot d’observation en verre de qualité
optique. L’hologramme de référence est enregistré pour la pression
atmosphérique ambiante. Une caméra vidéo située derrière l’holo-
gramme permet de suivre en temps réel l’évolution de l’interféro- c contrainte thermique encore plus élevée que pour a et b
gramme. On voit successivement apparaître divers défauts de
collage artificiels (inclusions de lamelles de téflon situées à diverses
profondeurs dans le matériau). On peut ensuite, pour une dépres-
sion déterminée, enregistrer un hologramme en double exposition
pour constituer un document 3D (l’enregistrement vidéo ne Figure 28 – Interférogramme obtenu en temps réel. Contrainte
conserve pas le relief). thermique (doc. ISL)

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Exemple 3 : contrôle industriel de pales d’hélicoptères sous KO et KE vecteurs unitaires définissant respectivement la
l’impulsion de J.-L. Arnaud direction d’observation et la direction d’éclairage
Après des tests de faisabilité menés au Laboratoire central de (cf. figure 18).
l’Aérospatiale à Suresnes (centre de recherches Louis-Blériot), une ins- Les franges noires et les franges brillantes correspondent respec-
tallation d’interférométrie holographique en temps réel a été construite tivement aux minimums et aux maximums de la fonction de Bessel
à l’Aérospatiale La Courneuve sous la responsabilité de J.-P. Guignard J0 d’ordre 0.
(département central Assurance-Qualité) et utilisée pour la première Si l’interférométrie holographique en temps réel peut être réalisée
fois en 1980 pour contrôler des pales d’hélicoptères en matériaux com- dans de bonnes conditions, elle constitue un excellent moyen de
posites. En dix ans, plus de 20 000 pales principales et arrière ont été recherche des fréquences propres des modes de vibration d’une
contrôlées (cf. Air et Cosmos no 1213, 26 nov. 1988). structure excitée sinusoïdalement. Le réglage de l’excitation, pour
C’est une contrainte pneumatique qui est appliquée à la pale pour obtenir l’amplitude désirée permettant d’avoir un nombre de fran-
détecter d’éventuels défauts internes (délaminages, par exemple). La ges d’interférence exploitable, se fait aisément.
procédure utilisée est simplifiée par le fait que l’ensemble de l’installa-
tion subit une faible contrainte (typiquement 10 mbar) dans une ■ Utilisation de la stroboscopie
enceinte spéciale. Il faut trente minutes (en moyenne) pour contrôler Supposons que nous puissions obtenir, au moyen d’un dispositif
complètement et automatiquement une pale sur ses deux faces. stroboscopique, un éclairage intermittent ayant la même fréquence
que l’excitation et une différence de phase réglable par rapport à
celle-ci. Dans ces conditions, si l’objet vibre à la même fréquence
que l’excitateur (ou à une fréquence sous-multiple) et si la durée
delta-P = 17 mbars delta-P = 107 mbars d’impulsion est bien choisie, nous pouvons figer la forme de l’objet
dans un état donné.
En effet, si la durée de l’impulsion est suffisamment courte pour
que nous puissions considérer l’objet comme fixe, nous nous trou-
vons dans la même situation qu’en temps réel sans vibration, com-
parable à celle de la double exposition. En agissant sur la différence
de phase entre les impulsions stroboscopiques et l’excitation, ce qui
revient à agir sur la différence de phase entre ces impulsions et la
vibration, nous pouvons visualiser la déformée de l’objet en vibra-
tion.
L’utilisation d’une caméra de télévision permet d’améliorer la
luminosité et le contraste de l’image et facilite les manipulations de
l’expérimentateur.

2.3 Interférométrie holographique


delta-P = 282 mbars delta-P = 854 mbars « moyennée dans le temps »

On dit aussi interférométrie holographique par « intégration


temporelle ».

2.3.1 Principe

Cette méthode est souvent associée à la précédente pour l’ana-


lyse vibratoire. Elle permet de visualiser non seulement la carte
des déplacements de l’objet en vibration périodique mais égale-
ment les lignes nodales. Son principe est simple.
Dans un montage holographique classique, on enregistre l’holo-
gramme de l’objet en vibration avec un temps de pose long devant
la période de vibration. En général, on repère les fréquences pro-
pres par interférométrie holographique en temps réel avec un mon-
Figure 29 – Apparition en temps réel de défauts de collage calibrés tage du type de celui de la figure 27, puis on enregistre les
sur plaque composite Dassault sollicitée en dépression (doc. HOLO3) hologrammes par intégration temporelle à ces fréquences propres
avec le même montage.
La figure 30 montre quelques modes d’une poutre canteliver
2.2.2.2 Cas d’objets en vibration sinusoïdale obtenus ainsi. C’est une méthode très performante pour l’étude
vibratoire de structures industrielles (pouvant avoir plus d’un mètre
Le déplacement d’un point de l’objet a pour expression :
de diamètre). On peut déterminer en chaque point de la structure
D = D0 · cos (ωt + Ψ) l’amplitude de la vibration. C’est une méthode complémentaire de
l’analyse vibratoire classique réalisée à l’aide d’accéléromètres.
On montre que l’intensité lumineuse dans l’image restituée est,
du fait de l’intégration en fonction du temps donnée par le récepteur La théorie mathématique simplifiée se trouve dans les
(œil ou photographie) : références [15] et [16]. Pour un mouvement sinusoïdal normal à la
surface de l’objet d’amplitude d0 = D0 et de pulsation ω, on a un
I = I0 [1 − m J0 (δϕ)] vecteur déplacement :
avec δϕ = D0 · (KO − KE), D = D0 cos (ωt + Ψ)

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Exemple 4 : considérons une plaque en acier inoxydable magné-


tique de 250 mm de diamètre et d’épaisseur 1 mm environ qui peut
permettre une excitation électromagnétique. Elle est correctement
encastrée entre deux mors de 30 mm d’épaisseur. Le mors situé du
côté de l’éclairage (et de l’observation) est chanfreiné de façon à per-
mettre l’éclairage sur une partie utile de la plaque de diamètre 170 mm.
Le serrage est réalisé au moyen de 24 vis régulièrement réparties sur
la circonférence. Les montages d’enregistrement et de restitution sont
classiques tels ceux montrés figure 1 et figure 2. La figure 31 montre
les photographies de deux images restituées. On obtient, comme
prévu, non seulement la déformée de chaque mode mais également
les lignes nodales. Il est à noter qu’il n’y a pas de difficulté particulière
lorsque l’on monte en fréquence, si l’amplitude est suffisante pour être
appréhendée par holographie (le micromètre, environ).

Figure 30 – Modes de vibration d’une poutre canteliver obtenus


par intégration temporelle (doc. HOLO3)

On montre que l’intensité lumineuse dans l’image restituée est :

I = I 0 J 02 ( δ ϕ )

avec δϕ = k D0 · (KO − K)E,


KO et KE vecteurs unitaires définissant respectivement la
direction d’observation et la direction d’éclairage a n=0
(cf. figure 18), p=2
1 347 Hz
k = 2π/λ.
Les lignes nodales sont représentées par les franges brillantes.
Les franges noires (I = 0) correspondent aux racines de la fonction
de Bessel J0.
Aux maximums relatifs de I correspondent des franges brillantes
d’intensité moindre que celle des lignes nodales.
Le système de franges observé décrit la déformée de la surface en
vibration.

2.3.2 Applications

2.3.2.1 Analyse modale

Lorsque l’amplitude vibratoire est suffisamment faible mais pas


trop (de 1 à 10 µm pour fixer les idées) et que l’objet ne subit pas de
déplacement rigide d’ensemble, on peut, par interférométrie holo-
graphique en temps réel associée à la stroboscopie (utilisation d’un
laser continu modulé en intensité à la fréquence d’excitation de b n=1
l’objet) visualiser les divers modes de résonance de l’objet excité p=2
2 042 Hz
sinusoïdalement et repérer les fréquences associées (on peut égale-
ment repérer les fréquences de résonance à l’aide d’un vibromètre
laser ou d’un accéléromètre, quand cela est possible). L’utilisation
ensuite, à ces mêmes fréquences, de l’interférométrie holographi- Figure 31 – Modes de vibration de la plaque encastrée, visualisés
que par intégration temporelle permettra de visualiser les lignes par holographie par intégration temporelle. Les lignes nodales
nodales. sont visibles (doc. ISL)

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Cela signifie que, dans le cas du contrôle d’une pièce


complexe, il faut disposer d’une pièce saine de référence.

La visualisation du défaut peut s’expliquer de la façon suivante :


l’élastomère est séparé de l’acier par une couche d’air sensiblement
à la pression atmosphérique, épaisse vis-à-vis de l’amplitude des
mouvements vibratoires de l’acier et de l’élastomère ; de ce fait, les
variations du volume du défaut, de la pression à l’intérieur et de la
différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur restent faibles ;
l’élastomère est alors suffisamment libre pour pouvoir vibrer diffé-
remment de l’acier.
Dans le cas d’un défaut de même surface mais de volume d’un
ordre de grandeur plus faible, on doit augmenter la fréquence pour
l’observer aisément. La visibilité du défaut croît avec la fréquence
mais aussi (légèrement) avec l’amplitude vibratoire.

■ Détection de fissures
Sur une aube de turbine ou une structure métallique, par exem-
a en l'absence de collage ple, une fissure ou l’amorce d’une fissure modifiera la déformée
d’un mode vibratoire, modification que l’holographie visualisera si
son amplitude est suffisante (domaine micrométrique).
La figure 33 illustre bien ce principe. La fissure apparaît ici nette-
ment par une discontinuité dans le champ de franges d’interférence.

2.4 Interférométrie holographique


à double faisceau de référence

2.4.1 Principe

Cette technique permet de calculer les déplacements micrométri-


ques en chaque point de la surface d’un objet à partir de son holo-
gramme interférométrique et de les visualiser globalement par une
représentation informatique en pseudo-relief ou fausses couleurs.
Elle peut-être utilisée au laser à émission continue en laboratoire ou
au laser pulsé en ambiance industrielle : analyse vibratoire dans
l’automobile et l’aéronautique notamment.

b avec un défaut de collage (poche d'air)

Figure 32 – Liaison métal-élastomère. Contrainte vibratoire.


Holographie par intégration temporelle (doc. ISL)

2.3.2.2 Contrôle non destructif

■ Détection de défauts de collage [31]

L’objet est une plaque d’acier inoxydable magnétique d’épaisseur


1 mm environ et de diamètre libre 170 mm sur laquelle est collée un
élastomère d’épaisseur 4 mm environ. Le défaut calibré est consti-
tué par une poche d’air située entre l’acier et l’élastomère.

L’excitation de la plaque est obtenue à l’aide d’un haut-parleur ou


d’une céramique piézoélectrique. Les modes de vibration sont
visualisés côté élastomère à l’aide de la méthode d’interférométrie
holographique en temps réel avec stroboscopie.

Après avoir repéré un mode pour lequel le défaut est bien visible,
on peut enregistrer un hologramme par intégration temporelle.

Le défaut est bien visible sur toute sa surface pour un mode à fré-
quence peu élevée obtenu à 983 Hz (figure 32 b). Le défaut est Figure 33 – Détection d’une fissure dans une plaque métallique
caractérisé par des franges étrangères au mode qu’on obtiendrait en vibration. Holographie par intégration temporelle (laser continu)
en l’absence de défaut (figure 32 a). (doc. ISL)

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Des structures de plusieurs dizaines de mètres carrés de surface deux expositions de l’hologramme lors de
peuvent ainsi être étudiées. l’enregistrement (δϕ = ϕ2 − ϕ1),
Illustrons le principe de fonctionnement dans le cas de la double Φi différence de phase introduite à la restitution par
exposition [32] [33]. Par rapport au montage classique d’interféro- le miroir piézoélectrique m3 (PZT) entre les deux
métrie holographique par double exposition, il y a simplement références R1 et R2.
adjonction d’un second faisceau de référence faisant un léger angle
On a :
avec le premier.
La première exposition est faite à l’aide de la première référence δϕ = 2 π ∆/λ = 2 π n (L2 − L1)/λ
R1, l’objet étant dans l’état O1, la seconde référence étant occultée
(obturateur Ob2 fermé) ; puis la deuxième exposition est réalisée à avec λ longueur d’onde du laser,
l’aide de la deuxième référence R2, l’objet étant dans l’état O2, la n indice de réfraction du milieu de propagation des
première référence étant à son tour occultée (obturateur Ob1 fermé) ondes lumineuses (en général l’air, donc n ≈ 1),
(figure 34). Dans le cas de l’utilisation du laser à rubis pulsé, les L2 − L 1 variation de la longueur du trajet parcouru par la
occultations sont réalisées avec des obturateurs électro-optiques lumière entre les deux expositions (distance
(cellules de Pockels), ce qui permet des temps très rapprochés (infé- source d’éclairage S, point courant M sur l’objet,
rieurs à la microseconde si nécessaire) entre les deux expositions. point courant H sur l’hologramme) ; (L2 − L1) est
On obtient donc, sur le même support photosensible (film argen- donc directement lié à la géométrie du montage
tique ou film thermoplastique), deux hologrammes de l’objet à deux et au vecteur déplacement D.
instants différents (objet O1, puis objet O2).
On a :
À la restitution, on utilise simultanément les deux faisceaux de
référence R1 et R2 (le laser de restitution est alors un laser à émis- L 2 − L 1 = D · (K O − KE )
sion continue) (figure 35).
avec KE et KO vecteurs unitaires de la direction d’éclairage
Chaque référence donne avec son hologramme correspondant (SM) et de la direction d’observation (MH) (cf.
une image holographique (Im1 et Im2) (on n’abordera pas les pro- figure 18).
blèmes posés par l’interaction de la première référence avec le
deuxième hologramme et de la deuxième référence avec le premier En donnant par exemple trois valeurs à la phase Φi, on obtient
hologramme et ceux posés par les aberrations). trois équations I1, I2 et I3 permettant de calculer δϕ et donc d’obtenir
l’amplitude et le sens du déplacement en chaque point de l’objet.
On dispose ainsi de deux ondes lumineuses restituées, chacune
correspondant à un état de l’objet, et dont on peut faire varier la On a avec Φ1 = 0, Φ2 = 2π/3 et Φ3 = 4π/3,
phase optique relative grâce à un miroir piézoélectrique (m3) placé
sur un des faisceaux de référence de restitution (R1 sur la figure). δ ϕ = arctan 3 ( I 3 Ð I 2 ) ⁄ ( 2I 1 Ð I 2 Ð I 3 )
L’intensité lumineuse du phénomène d’interférence observé
En donnant 4 valeurs à la phase Φi (Φ1 = 0, Φ2 = π/2, Φ3 = π et
s’exprime par l’équation :
Φ4 = 3π/2), on aurait :
Ii = I0 [1 + m cos (δϕ + Φi)]
δϕ = arctan (I2 − I4)/(I3 − I1)
avec I0 intensité moyenne,
Dans le cas de l’étude d’objets se déformant de façon non pério-
m contraste des franges d’interférence, dique (phénomènes transitoires), on utilise la double référence avec
δϕ variation de phase due au déplacement d’un un laser pulsé. Les obturateurs indiqués sur la figure 34 sont alors
point courant de la surface de l’objet entre les des obturateurs électro-optiques (cellules de Pockels).

Hologramme

O1 puis O2
R1 puis R2
SP1
Laser
Ob1 M1 M2

Ob2
m3
SP2
m1

m2
Le déplacement micrométrique de l'objet a été amplifié pour la clarté de la figure.

Figure 34 – Montage d’enregistrement


à double référence

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Hologramme

Im1 et Im2
R1 et R2
m4

Laser
M'1 M'2
m3

PZT
m1 SP2

m2 Figure 35 – Montage de restitution à double


référence

Bille

Barrière optique
Détecteur Laser He - Ne

Composite

Alimentation
laser synchro Éclairage

L1

Laser à rubis SP1


double impulsion
M1

M5 SP2 M4 Hologramme

R1
M
R2
M3 M2
λ /2 CSP P
Faisceau de référence
M6 R1 puis R2 M7
L2 Figure 36 – Montage pour l’étude quantitative
de la déformation de composites sous chocs

Exemple concret : fissuration d’un composite sous chocs. Nous l’impact (il faut tenir compte du temps de contact entre la bille et la
avons présenté figure 23 (§ 2.1.2.2) l’interférogramme réalisé par dou- plaque qui est de l’ordre de la milliseconde).
ble exposition et double référence d’une plaque stratifiée carbone- Pour produire les deux faisceaux de référence nécessaires à
époxy hexagonale de 70 mm d’apothème et de 2 mm d’épaisseur envi- l’exploitation quantitative de l’hologramme, on utilise le schéma
ron soumise à l’impact d’une bille d’acier de 25 mm de diamètre. La optique d’un interféromètre de Mach-Zehnder. Le faisceau de réfé-
plaque est encastrée entre deux plaques massives munies d’un trou rence R1 suit le trajet P, CSP, M4, SP2, M5 à l’instant t1 et le faisceau
central d’observation de 100 mm de diamètre. On visualise la surface R2 le trajet P, CSP, M3, SP2, M5 à l’instant t2. La discrimination entre
de la plaque opposée au choc à l’aide d’un miroir M (figure 36). les deux faisceaux de référence R1 et R2 (qui font un léger angle
La source d’éclairage est un laser à rubis pulsé donnant deux entre eux) est faite grâce à la cellule de Pockels P, au prisme sépara-
impulsions de 20 ns de durée environ et dont l’intervalle de temps teur polarisant CSP et à lame demi-onde λ/2.
∆t est réglable de 1 µs à 800 µs. Au-delà de ce temps, il faudrait uti- À la restitution (figure 37), l’hologramme est éclairé simultané-
liser le système à deux lasers à rubis superposés [22]. ment par R1 et R2 formés à partir d’un laser à émission continue
Le laser à rubis est déclenché à partir du signal donné par une bar- (hélium-néon) et d’un système optique type interféromètre de
rière optique (laser hélium-néon) lorsque la bille la traverse. La pre- Michelson dont l’un des miroirs (m2) est monté sur un translateur
mière impulsion laser est déclenchée un temps τ (réglable) après piézoélectrique (PZT). Ce translateur permet la production des trois

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phases ϕ1, ϕ2, ϕ3 nécessaires à l’obtention de l’amplitude et du sens


de déplacement en chaque point de l’objet.
Traitement Caméra CCD La figure 23 (§ 2.1.2.2) montre un interférogramme particulier où
d'image H la fissuration est observée. Les résultats donnés par le traitement
d’images (pseudo-3D, fausses couleurs) sont présentés sur la
figure 38. En réalisant une coupe de la déformée traversant la fis-
sure (coupe AB), on caractérise bien celle-ci.

Moniteur
2.4.2 Applications
R1
R2
2.4.2.1 Contrôle non destructif : détection de défauts
de brasage
m1
Laser He - Ne Des mauvaises brasures sur des composants de moteurs d’avion
ou sur d’autres structures vitales peuvent avoir des conséquences
SP dramatiques. Pour contrôler des brasures sur des aubes, nous
avons soumis celles-ci à une contrainte par choc très légère. L’holo-
graphie double exposition au laser pulsé permet de visualiser la
m2 déformée de chaque aube. Par comparaison avec la déformée d’une
PZT pièce saine, on détecte immédiatement les aubes présentant de
mauvaises brasures. La figure 39 montre un résultat typique : à
gauche, l’aube saine, à droite l’aube mal brasée. La différence de
Figure 37 – Montage de restitution. Traitement informatique leur comportement sous choc est grande et permet de repérer la
de l’image pièce défectueuse sans aucune ambiguïté.

Figure 38 – Exploitation quantitative


d’un interférogramme double exposition
et double référence d’un composite soumis
à un choc (doc. ONERA-ISL-HOLO3)

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Figure 39 – Mise en évidence de défauts


de brasage artificiels dans une aube
pour moteur d’avion SNECMA par
comparaison avec une aube saine (à gauche)
(doc. HOLO3 réalisé pour SNECMA, Gennevilliers)

2.4.2.2 Analyse vibratoire : voiture en fonctionnement

La figure 40 montre la carte quantifiée de la vibration de carrosse-


rie d’une voiture à l’arrêt mais moteur en fonctionnement (accéléra-
tion). L’hologramme double exposition a été enregistré à l’aide d’un
laser à rubis (énergie par impulsion 10 J, durée de chaque impulsion
30 µs, écart entre les 2 impulsions : 200 µs).

2.4.2.3 Étude des déformations de corps en rotation

Deux conditions doivent être réunies pour pouvoir étudier par


holographie des objets en rotation :
— la composante de la vitesse de déplacement dans la direction
de l’hologramme ne doit pas entraîner une variation du chemin opti-
que pendant la durée d’une exposition supérieure à une fraction de
longueur d’onde (de λ/4 à λ/10 suivant la qualité désirée). On a vu au
paragraphe précédent que, avec une durée de l’impulsion du laser à
rubis de l’ordre de la nanoseconde, on pouvait tolérer une vitesse
d’environ 100 m/s ;
— le déplacement d’ensemble de l’objet entre les deux exposi-
tions, du fait de la rotation, ne doit pas donner trop de franges
d’interférence parasites pouvant masquer les déformations que l’on
souhaite étudier, et/ou ne doit pas entraîner une baisse trop impor-
tante du contraste des franges (décorrélation). On peut réduire
l’intervalle de temps ∆t entre les deux expositions jusqu’à l’élimina-
tion des franges parasites, à condition que les déformations à étu-
dier restent accessibles à l’holographie (amplitudes au moins égales Figure 40 – Vibration de carrosserie, moteur en fonctionnement
à 1 µm) pendant ce laps de temps. (doc. HOLO3)

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Figure 41 – Mode de vibration


d’un ventilateur en fonctionnement
(doc. HOLO 3)

Pour accéder à des vitesses de rotation réalistes, différents


moyens existent : 3. Conclusion
— optimisation du montage d’enregistrement afin de réduire ou
d’annuler les variations de chemin optique dues à la rotation (éclai- Il y a environ une trentaine d’années, dans le film Goldfinger, le
rage et observation dans la direction normale au disque, par réalisateur montrait un laser découpant une plaque d’acier sur
exemple) ; laquelle était attaché le célèbre agent secret James Bond. À l’épo-
— fixation de l’hologramme sur l’objet ; que, les premiers lasers à émission continue avaient une puissance
de quelques milliwatts (le premier laser hélium-néon a fonctionné
— utilisation d’un faisceau de référence lié à l’objet ; en 1962), bien insuffisante pour même marquer le métal. Beaucoup
— utilisation de l’holographie sandwich (cf. description de ces de scientifiques s’étaient alors esclaffés, en oubliant trop vite les
techniques dans la référence [15] – chapitre 4). progrès très rapides et parfois inattendus de la science. Car,
aujourd’hui, les lasers industriels découpent aisément les plaques
Nous décrirons celui qui nous semble le plus industriel à l’heure d’acier et les lasers des laboratoires de recherche font encore bien
actuelle, et qui est effectivement utilisé. Il s’agit d’un moyen permet- mieux ! Nous n’essaierons donc pas de prédire l’avenir de l’holo-
tant de compenser la rotation de l’objet par un appareil (commercia- graphie. Mais nous croyons qu’il dépassera les espérances les plus
lisé) appelé « dérotateur » (de l’anglais derotator !). folles de ses utilisateurs.
Le principe du dérotateur est simple. La compensation de la rota- On peut toutefois énumérer les progrès souhaités à court et
tion d’un objet est obtenue à l’aide d’un prisme spécial tournant à moyen termes, en se fondant sur des extrapolations raisonnables
une vitesse angulaire égale à la moitié de celle de l’objet. Ce prisme de la technologie. L’évolution de l’holographie industrielle est essen-
provoque, en statique, une rotation de 180˚ de l’image de l’objet. tiellement conditionnée par le milieu d’enregistrement, par la
source de lumière cohérente et par le traitement numérique des
L’axe de rotation du prisme doit être parfaitement superposé à images. Des verrous technologiques existent, qui sauteront si les
l’axe de rotation de l’objet, ce qui nécessite une mécanique avec des mentalités changent : il faut, en quelque sorte, entrer dans l’ère du
réglages très précis. De plus, les vitesses angulaires du prisme et de photon. C’est un problème plus culturel que technologique.
l’objet doivent être très bien synchronisées. Illustrons ce principe
par une application à la visualisation d’un mode vibratoire d’un ven- Le dialogue et le travail avec les industriels permettent de dégager
tilateur. La figure 41 montre un résultat typique [34]. les axes d’évolution souhaités :

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— le temps quasi réel d’acquisition et de traitement des ■ Une solution consisterait à utiliser des milieux d’enregistrement
hologrammes ; plus sensibles que les milieux argentiques ou thermoplastiques, au
— la compacité et la maniabilité des équipements à moindre détriment de la résolution. C’est l’orientation (inéluctable ?) vers la
coût ; TV-holographie et la shearographie temps réel (25 à 50 Hz, cf. article
— l’insensibilité à l’environnement ; [R 6 331] de cette rubrique, référence [36]), associées à des lasers à
— la possibilité d’enregistrer aussi bien des petits objets inacces- émission continue (lasers à cristaux). Les temps d’exposition très
sibles (endoscopie) que des objets de grande taille. brefs nécessaires seraient obtenus au moyen des caméras elles-
mêmes. On peut également penser utiliser des caméras type CCD
Nous avons vu que, dans tous ces domaines, des solutions exis-
intensifiées en relation avec des lasers pulsés. Dans ce cas, de gran-
taient, qui ne demandent qu’à être perfectionnées.
des surfaces (1 000 m2, par exemple) seraient accessibles à très
Prenons un montage d’holographie en examinant successive- haute cadence (1 kHz ou plus). Mais, il y a le problème du bruit de
ment ses différentes composantes. telles caméras intensifiées.
■ Les lasers pulsés ont une cohérence temporelle limitée par la ■ Des progrès substantiels de l’informatique sont attendus pour
durée de l’impulsion. L’augmentation de la cadence de répétition traiter en temps quasi réel les images holographiques, c’est-à-dire
très au-delà de 100 Hz, avec une énergie suffisante par impulsion et observer sur écran non pas l’évolution des franges d’interférence,
une bonne qualité spatio-temporelle du faisceau (reproductibilité mais l’évolution de la carte des déplacements numérisés. Des résul-
dans le temps, uniformité spatiale...) pour l’enregistrement de surfa- tats prometteurs existent en laboratoire.
ces de l’ordre du mètre carré, est envisageable à moyen terme
(lasers du type YAG, par exemple) avec les milieux photosensibles ■ Enfin, l’idéal serait de disposer de milieux d’enregistrement type
utilisés actuellement et perfectionnables (émulsions argentiques, CCD ou cristaux liquides, mais de haute résolution spatiale (le
films thermoplastiques, cristaux photoréfractifs...). micromètre ou moins) permettant l’enregistrement d’hologrammes
■ Si l’on souhaite enregistrer des surfaces bien plus importantes en temps réel et leur exploitation immédiate. Un tel support photo-
(1 000 m2 et au-delà) pour étudier, par exemple, les effets de con- sensible, adressable, effaçable, révolutionnerait l’industrie, sans
traintes diverses (séismes, bangs d’avion, tempêtes...) sur des bâti- parler des autres secteurs où l’holographie est (ou peut être) concer-
ments ou structures industrielles sensibles, il faut augmenter née.
l’énergie par impulsion du laser, d’autant que l’on devra s’éloigner L’holographie de synthèse, à partir d’un micro-ordinateur, serait à
de l’objet pour que les différences de chemin optique restent infé- la portée de tous.
rieures à la longueur de cohérence du laser. À l’heure actuelle, on
voit mal comment arriver à ce résultat avec une haute cadence de Nous sommes loin aujourd’hui d’un tel support photosensible,
répétition. mais la science va si vite et de façon si souvent imprévisible...

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