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du marché de l’électricité
Octobre 2007
Introduction 2
Conclusion 10
L’auteur
Laure Boulianne est licenciée en droit et titulaire du brevet d’avocat depuis 2004.
Elle est au service de Romande Energie depuis 2005 en tant qu’adjointe du secrétaire
général. Elle est en charge de l’ensemble des questions juridiques de l’entreprise.
La libéralisation du marché de l’électricité est un sujet dont on débat depuis de nombreuses années. En Suisse, la
procédure d’ouverture s’est notablement accélérée ces derniers mois, puisque la Loi fédérale sur l’approvisionnement
en électricité ( LApEl ) a été adoptée par le Parlement le 23 mars 2007.
Cette ouverture du marché va totalement bouleverser le monde électrique tel que nous le connaissons actuellement.
Il n’est pas forcément aisé de saisir toutes les implications engendrées par cette libéralisation du marché,
d’autant plus que tous les contours ne sont pas encore définis.
Le présent document a pour but de dresser un portrait de la nouvelle législation fédérale, notamment ses buts et
principes, et de mettre en lumière les mécanismes de la libéralisation du marché. La question de la structure des
prix sera également abordée, avant d’évoquer le taux de changement de fournisseur dans les pays voisins.
Le délai référendaire concer nant la L ApEl a expiré le 12 juillet 2007 sans avoir été exercé. Ainsi, le marché
électrique suisse sera libéralisé en deux étapes, à par tir de 2008. Pour la branche électrique, comme pour les
consommateurs, la période d’insécurité juridique prend fin et une nouvelle ère commence.
L’Ordonnance sur l’approvisionnement en électricité ( OApEl ) et l’Ordonnance sur l’énergie ( OEne ) ont été mises en
consultation le 27 juin 2007. Les milieux concernés avaient jusqu’au 15 octobre 2007 pour faire par t de leurs
remarques et demandes de modifications. Les versions définitives de ces deux ordonnances devraient être publiées
au plus tôt au mois de novembre 2007. Cer taines informations contenues dans cet te présentation étant fondées
sur les ordonnances publiées selon leur teneur au 27 juin 2007, elles sont donc susceptibles de changer.
En principe, l’OApEl devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2008. Toutefois, cer taines dispositions, notamment
celles réglementant l’ouver ture du marché à proprement parler, ne pourront pas être mises en vigueur avant
le 1er octobre 2008. L’OEne devrait également entrer en vigueur le 1er octobre 2008.
Ainsi, en tout état de cause, les consommateurs qui en ont le droit et qui le souhaitent auront le libre choix de
leur fournisseur d’électricité à compter du 1er octobre 2008.
LApEl
OApEl
Législation cantonale
Documents de la branche
Les raisons de la réorganisation du secteur de l’électricité ayant déjà été évoquées dans le dossier intitulé
« Le marché de l’électricité en Suisse et en Europe 1 », elles ne seront pas reprises dans le présent document.
Approvisionnement
L’objectif prioritaire de la LApEl n’est pas la libéralisation du marché, mais bien d’assurer l’approvisionnement de
base et la sécurité de l’approvisionnement dans un contexte libéralisé, tout en garantissant les investissements.
Transparence
Les prix de l’électricité doivent être transparents et, par conséquent, comparables. Le libre accès aux informations
est une condition nécessaire pour un approvisionnement sûr répondant aux lois de la concurrence. Cette transparence
est également nécessaire pour prévenir les abus.
Régulation centralisée
Le législateur a souhaité constituer un régulateur fédéral spécialisé : la Commission de l’électricité ( ElCom ). L’ElCom
est compétente dès lors qu’une compétence n’est pas expressément attribuée à une autre autorité.
Coopération et subsidiarité
La LApEl fixe le cadre légal général, puis la branche électrique est invitée à élaborer des concepts et des propositions
acceptables par tous et conformes à la loi. Ainsi, la branche électrique régit les aspects que la LApEl ne règle pas
elle-même. Le principe de subsidiarité implique que la Confédération et les cantons prennent en compte les mesures et
propositions élaborées par les milieux concernés avant d’édicter de nouvelles normes et peuvent, le cas échéant,
les intégrer dans la législation d’exécution.
Unbundling
La LApEl exige une séparation comptable des activités de production, de distribution et de commercialisation. Cette
séparation a comme objectifs de garantir une concurrence saine et efficace, ainsi que d’empêcher les subventionnements
croisés entre les activités relatives au réseau de distribution et les autres activités.
Après plusieurs revirements, la version finale de la LApEl prévoit que : « sont considérés comme consommateurs
captifs au sens du présent article les ménages et autres consommateurs finaux qui consomment annuellement
moins de 100 MWh par site de consommation 2 ».
Sont donc éligibles les consommateurs finaux qui consomment 100 MWh et plus par année et par site de consommation,
à l’exclusion des ménages. Le client final est défini comme : « le client achetant de l’électricité pour ses propres
besoins 3 ». Par conséquent, les gestionnaires de bâtiments commerciaux, d’immeubles ou de centres d’achat qui
souhaitent acheter de l’électricité pour la revendre à leurs locataires ne sont pas considérés comme des consommateurs
finaux, seuls les locataires le sont. La LApEl prévoit que les gestionnaires de réseau de distribution ( GRD ) doivent
raccorder tous les consommateurs finaux. Il en découle que les GRD sont habilités à refuser les demandes visant à
déplacer le point de raccordement des clients finaux pour que les gestionnaires de bâtiments ou de centres d’achat
soient alimentés par un seul compteur et revendent ensuite l’électricité à leurs locataires 4.
L’OApEl précise que : « par site de consommation, on entend le lieu d’un consommateur final constituant une unité
économique et matérielle et qui requiert une consommation effective 5 ». Cette notion de site de consommation
a donné lieu à de nombreuses réactions lors de la consultation, notamment quant à son manque de précision, et
sera peut-être modifiée dans la mouture définitive de l’OApEl.
1 Dossier du mois de juin 2007, Le marché de l’électricité en Suisse et en Europe, www.forums-romande-energie.ch 2 Art. 6 al. 2 LApEl.
3 4 Bulletin Electrosuisse / AES n° 8 / 2007, p- 64. 5 Art. 4 al. 1 OApEl, dans sa version du 27 juin 2007.
Art. 4 al. 1 lit. b LApEl.
A l’heure actuelle, il est considéré qu’une entreprise dotée de la personnalité juridique constitue une unité économique
et que l’association arbitraire de différentes entreprises en vue d’acheter de l’électricité ne suffit pas. Quant au
critère d’unité géographique, il exige le voisinage des bâtiments et installations sur le site de consommation. Ce
critère est réalisé pour des ensembles industriels occupant une aire importante mais pas, par exemple, pour les
filiales d’un grand distributeur, même si elles se trouvent dans la même zone du réseau.
Cette notion pourtant fondamentale est encore très floue et il est à souhaiter que la version définitive de l’OApEl
corrige cette lacune. A défaut, les consommateurs ou les GRD pourront saisir l’ElCom et lui demander de se prononcer
sur des cas litigieux concrets.
Le Parlement a expressément rejeté la possibilité pour les consommateurs de créer des regroupements en vue
d’afficher ensemble une consommation annuelle de plus de 100 MWh.
Clients finaux
Clients captifs
avec liberté de choix
2008 2013
Figure 2. LApEI - résumé du planning
L’accès au réseau est notamment garanti aux consommateurs finaux éligibles, aux entreprises d’approvisionnement
en électricité et aux producteurs d’électricité, à l’exception, bien entendu, des consommateurs captifs.
Le GRD ne peut refuser l’accès au réseau que pour les raisons prévues dans la loi, comme la mise en danger de
l’exploitation sûre du réseau de transport 7 .
La libéralisation ne porte que sur la fourniture d’électricité et non pas sur son acheminement. En effet, les réseaux
de distribution constituent un monopole naturel qui sera sous monopole régulé. Il serait d’ailleurs absurde
économiquement d’envisager la construction de réseaux parallèles desservant la même zone.
Les GRD ont l’obligation de raccorder tous les consommateurs finaux se trouvant en zone à bâtir, ainsi que les
habitations occupées à l’année, situées en dehors de cette zone 9. Cette obligation a notamment pour but d’empêcher
l’existence de zones non raccordées, et de contraindre le GRD à exploiter le réseau électrique, même dans une
région économiquement non rentable.
La rémunération pour l’utilisation du réseau est elle aussi réglementée. Les frais imputables, que les GRD peuvent
faire valoir auprès de leur s client s, sont déf inis par la loi et soumis à la sur veillance du régulateur. Ceci
permet de garantir à la fois une exploitation sûre du réseau et la protection des consommateurs. Les tarifs
d’utilisation du réseau doivent présenter une structure simple et être fixés indépendamment de la distance
entre les points d’injection et les points de prélèvement. Les tarifs doivent être uniformes par niveau de tension
et catégorie de clients. Les coûts facturés séparément aux utilisateurs, tels que les coûts de raccordement et
les renforcements du réseau, ne peuvent plus entrer dans le calcul de la rétribution d’utilisation du réseau.
Les frais nécessaires à la construction et à la maintenance d’un réseau sûr et efficace sont rétribués aux
GRD par les utilisateurs du réseau. L’OApEl définit plus précisément quels sont les coûts d’exploitation et de
capital imputables 10 .
La L ApEl prévoit également que les rétributions pour l’utilisation du réseau ne doivent pas dépasser la somme
des coût s imputables au r éseau, des r edevances et des pr estations four nies aux collec tivit és publiques.
Dans une telle hypot hèse, le GRD devrait pr endr e en compt e cet t e dif fér ence et oc t r oyer une r éduc tion
de prix correspondante lors de la période suivante. La L ApEl précise encore que les coûts imputables liés au
réseau comprennent un bénéfice d’exploitation approprié qui peut être contrôlé par l’ElCom.
Le GRD doit en outre veiller au respect du principe de l’utilisation efficace de l’électricité. Ainsi, par exemple, le
GRD ne peut pas of frir un tarif qui diminue propor tionnellement à l’augmentation de la consommation.
Tous les GRD devront publier leurs tarifs d’acheminement d’ici au 30 juin 2008 11.
Le 27 juin 2007, le Conseil fédéral a institué l’ElCom et a désigné les sept membres qui la composent. L’ElCom est
une autorité indépendante, un régulateur spécifique au secteur électrique. Elle fonctionnera sur le même modèle
que la Commission de la communication ou que le Surveillant des prix. Elle doit veiller au respect des dispositions
de la LApEl et a notamment pour tâches la régulation et la surveillance du marché suisse de l’électricité.
La situation de monopole en matière de réseau demeurant, il est essentiel qu’un régulateur fort puisse intervenir,
s’agissant de l’accès au réseau et des conditions d’utilisation de ce dernier. Elle peut par exemple autoriser l’accès au
réseau à titre provisionnel et ainsi éviter que cet accès ne soit différé pour une longue durée en raison de procédures
trop longues, comme cela avait été le cas en Allemagne dans les premières années de la libéralisation.
L’ElCom est compétente pour vérifier les tarifs d’utilisation du réseau, ainsi que les tarifs de l’électricité pour les
clients captifs ou les clients éligibles n’ayant pas fait usage de leur droit d’accès au réseau. Toutefois, avant de
prendre une décision, l’ElCom devra consulter le Surveillant des prix12. L’ElCom n’a pas la compétence de surveiller ni
de contrôler les prix de l’électricité soumis à la concurrence ( part énergie ), si bien que ces compétences continueront
d’être du ressort du Surveillant des prix ou de la Commission de la concurrence ( Comco ).
L’ElCom, qui intervient soit sur demande, soit de son propre chef et en dehors de tout litige, peut exiger une
réduction des tarifs ou s’opposer à une augmentation. Ses décisions sont susceptibles de recours auprès du
Tribunal administratif fédéral.
6 Loi rejetée en votation populaire le 22 septembre 2002. 7 Art. 13 LApEl. 8 Art. 5 al. 1 LApEl. 9 Art. 5 al. 2 et 3 LApEl. 10 Art. 11 et 12 OApEl,
dans sa version du 27 juin 2007. 11 Art. 10 OApEl, dans sa version du 27 juin 2007. 12 Art. 15 de la Loi fédérale sur la surveillance des prix.
• Structure du prix
La L ApEl prévoit que les tarifs des GRD doivent être valables pour un an au moins 13 et oblige les GRD à établir
des factures « transparentes et comparables pour l’utilisation du réseau 14 ».
En cas d’ent r ée en vigueur de la L A pEl au 1 er janvier 2008, ce t t e obligation ser ait valable dès ce t t e dat e.
Toutefois, les GRD n’ont l’obligation de publier leur s tarifs d’acheminement qu’à par tir du 30 juin 2008 et le
marché ne sera réellement libéralisé qu’à par tir du 1er octobre 2008. Ainsi, selon les interprétations actuelles, ce
n’est qu’à par tir du 1er octobre 2008 que les factures d’électricité mentionneront distinctement les différentes
composantes du coût de l’électricité, soit :
- l’utilisation du réseau,
- la fourniture de l’énergie,
- les redevances,
- les prestations fournies à des collectivités publiques.
Chaque GRD aura ses propres tarifs d’acheminement, applicables à chacun des niveaux de tension. Tout client
éligible raccordé dans l’aire de desserte d’un GRD devra payer à ce dernier le prix de l’acheminement de l’électricité.
La fourniture de l’énergie étant libéralisée, les clients éligibles qui le souhaitent pourront faire jouer la concurrence et
choisir librement leur fournisseur. Ils concluront ainsi un contrat de fourniture spécifique avec le commercialisateur
d’énergie choisi. Toutefois, l’énergie soutirée continuera de transiter sur le réseau du GRD auquel le client est raccordé.
Redevances : taxes
Il existe différentes taxes, qu’elles soient communales, cantonales ou fédérales. A compter du 1 er janvier 2008,
tous les consommateurs suisses devront s’acquitter des taxes suivantes :
Fédérale :
• La société nationale du réseau de transport percevra un supplément sur les coûts dont le montant est
plafonné à 0,6 ct/kWh 15 . Cette taxe sera notamment destinée à alimenter le fonds national pour les énergies
renouvelables. Le montant de la taxe pourra varier d’une année à l’autre et il n’est pas encore connu pour 2008.
Le canton du Valais n’ayant pas légiféré en la matière, les consommateurs valaisans ne devront s’acquitter que
de la taxe fédérale. Mais les redevances communales actuelles pourraient bien être reconduites d’une manière
ou d’une autre d’ici à la pleine entrée en force du nouveau régime.
Il est à noter que le GRD n’est que le percepteur de ces taxes, et en aucun cas le bénéficiaire.
Les GRD sont souvent liés par des conventions aux communes qu’ils desservent. Ces conventions peuvent, par
exemple, prévoir que le GRD doit assurer l’entretien et / ou la maintenance de l’éclairage public communal. Ces
types de prestations sont regroupés sous l’appellation « prestations fournies à des collectivités publiques ». Il
est probable que par voie réglementaire ou jurisprudentielle, des limites soient posées à l’ampleur de ces PCP.
Fédérale
Taxes Cantonales
Vaud
Communales
La LApEl oblige les GRD à prendre toutes les mesures nécessaires pour pouvoir fournir, en tout temps, la quantité
d’électricité désirée, au niveau de qualité requis et à des tarifs équitables, aux consommateurs captifs et aux
autres consommateurs finaux qui n’ont pas fait usage de leur droit d’accès au réseau 20. Ainsi, chaque GRD devra
conclure un contrat avec un fournisseur afin d’être en mesure de remplir cette obligation.
Les consommateurs captifs n’ayant pas accès au réseau sont obligés d’acheter l’électricité auprès du GRD et
de son fournisseur officiel. Afin de garantir aux consommateurs captifs des tarifs appropriés, la législation
fédérale a mis en place des systèmes de contrôle et de régulation.
Tout d’abord, l’OApEl prévoit que le GRD doit publier les bases et méthodes de calcul des tarifs d’électricité 21,
ainsi que les informations relatives aux tarifs d’acheminement, aux redevances et aux prestations fournies à des
collectivités publiques 22. Il est également tenu de justifier la hausse ou la baisse des tarifs et d’indiquer les motifs
de ces modifications 23. Enfin, et jusqu’au 31 décembre 2012, les tarifs d’électricité ne peuvent être augmentés que
moyennant l’approbation de l’ElCom 24 .
Cette dernière mesure est très controversée. En effet, il doit être possible d’adapter les tarifs d’électricité à
l’évolution des coûts et/ou des ventes dès la première phase de l’ouverture du marché. De plus, la LApEl ne semble
pas fournir de base légale suffisante pour l’introduction d’une régulation des prix prospective 25. Compte tenu
des nombreuses critiques formulées, tant par les milieux économiques qu’électriques, il est envisageable que
cette disposition soit modifiée.
13 Art. 6 al. 3 LApEl. 14 Art. 12 al. 1 LApEl. 15 Nouvel art. 15 b de la Loi sur l’énergie modifiée par la LApEl. 16 Règlement sur l’émolument cantonal lié
à la distribution et la fourniture en électricité, RSV-VD 730.115.6. 17 Règlement sur le Fonds pour l’énergie, RSV-VD 730.01.5. 18 Règlement sur
l’indemnité communale liée à l’usage du sol pour la distribution et la fourniture en électricité, RSV-VD 730.115.7. 19 Art. 23 al. 2 DSecEl. 20 Art. 6
al. 1 LApEl. 21 Art. 5 al. 1 OApEl, dans sa version du 27 juin 2007. 22 Art. 10 OApEl, dans sa version du 27 juin 2007. 23 Art. 5 al. 2 OApEl, dans sa
version du 27 juin 2007. 24 Art. 25 OApEl, dans sa version du 27 juin 2007. 25 C’est-à-dire pour une obligation de soumettre à approbation.
• Tarifs applicables aux consommateurs éligibles
La LApEl ne contient pas de disposition relative au tarif de l’énergie fournie aux consommateurs éligibles ayant
fait usage de leur droit. Ainsi, ce seront les règles de tout marché ouvert qui trouveront application, avec la
possibilité, en cas de litige, de faire appel au Surveillant des prix ou à la Comco.
Marche à suivre
Les consommateurs éligibles qui n’ont pas conclu de contrat de fourniture écrit négocié individuellement ont
donc le droit de choisir librement leur fournisseur d’électricité 26 . Sous réserve de modification de l’OApEl, les
délais sont les suivants :
30 juin 2008
Dernier délai pour la publication par les GRD des tarifs d’acheminement
31 juillet 2008
Les clients éligibles voulant exercer leur droit d’accès au réseau
doivent le communiquer au plus tard le 31 juillet au GRD
1 er octobre 2008
Accès au réseau pour les clients éligibles ayant exercé leur droit
Un client pas encore élu qui annonce le 31 juillet 2008 au GRD sa volonté de faire usage de son droit d’accès
au réseau pourra réellement exercer son droit à partir du 1 er octobre 2008. Par contre, si l’annonce n’intervient que
le 1 er août 2008, le client ne pourra exercer son droit qu’à partir du 1 er octobre 2009.
Lorsqu’un nouveau consommateur final, ayant une consommation annuelle estimée à au moins 100 MWh, sera
connecté au réseau de distribution, il devra communiquer au GRD deux mois à l’avance s’il entend revendiquer son
droit d’accès au réseau 27. Toutefois, et sous réserve de modification de l’OApEl, le nouveau client ne pourra exercer
son droit d’accès au réseau que pour le 1 er octobre suivant son installation. Pendant ce temps, sa consommation
réelle pourra être mesurée et son droit d’accès au réseau confirmé ou infirmé.
L’obligation pour le GRD, prévue par l’art. 6 LApEl, de pouvoir fournir en tout temps l’électricité désirée par
les consommateurs, cesse aussitôt que le client a fait valoir son droit d’accès au réseau. L’adage « einmal
frei immer frei » ( libre un jour, libre toujours ) est ici strictement appliqué et implique que le client ne pourra
plus revenir au tarif officiel régulé proposé par son fournisseur « historique ».
Un client qui verrait sa consommation annuelle diminuer et passer au-dessous du seuil de 100 MWh par année
devrait, en principe, conserver son statut d’éligible. Cette interprétation s’inscrit dans l’esprit de la libéralisation
du marché, qui vise à étendre l’ouverture du marché à tous les consommateurs.
Que se passe-t-il lorsqu’un client ayant fait usage de son droit d’accès au réseau ne dispose plus d’un contrat
de fourniture ? Dans un tel cas, le fournisseur historique prendra le relais, mais aux conditions du marché et non
pas à son tarif officiel. Le fournisseur historique sera, par exemple, libre d’appliquer un tarif variant en fonction
des prix d’approvisionnement. En cas de désaccord, le client pourra contester son prix auprès du Surveillant des
prix ou de la Comco.
La libéralisation du marché de l’électricité constitue une opportunité pour bon nombre de consommateurs électro-
intensifs et leur permettra de faire jouer la concurrence. Comme lors de toute ouverture d’un marché, il est possible
que certains fournisseurs d’électricité fassent du dumping afin de conquérir rapidement des parts de marché
en n’offrant toutefois aucune garantie de prix sur le long terme, alors que le marché régulé, pour les clients qui
n’auront pas fait usage de leur éligibilité, sera vraisemblablement plus stable.
Bien que la Suisse soit l’un des derniers pays européens à libéraliser son marché de l’électricité, il n’est pas
évident de tirer des enseignements des phénomènes qui se sont produits lors de l’ouverture du marché dans
les pays voisins, chaque pays ayant ses propres spécificités et ses propres habitudes de consommation.
Voici néanmoins un tableau récapitulant les raisons principales évoquées pour expliquer un changement de
fournisseur :
53 % Prix
8%
Qualité du service
8% Autres
Ne se prononcent pas
1%
3%
0 % 20 % 40 % 60 %
26 Art. 4 al. 1 OApEl, dans sa version du 27 juin 2007. 27 Art. 4 al. 3 OApEl, dans sa version du 27 juin 2007.
A titre d’information complémentaire, les tableaux ci-dessous récapitulent les prévisions pour 2008 du taux de
changement de fournisseur dans quelques pays européens :
Résidentiels Non-résidentiels
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0%
Grèce
Bulgarie
Roumanie
Russie
Lituanie
Slovénie
République Tchèque
Allemagne
Croatie
France
Pologne
Belgique
Hongrie
Irlande
Espagne
Italie
Pays-Bas
Suède
Danemark
Royaume-Uni
Source : Datamonitor, Energy efficiency - Balancing
business opportunities with threats to revenue
( BFEN0279 )
Belgique BE 23 % 32 %
Danemark DK 16 % 58 %
France FR 8% 24 %
Allemagne DE 7% 17 %
Irlande IE 15 % 38 %
Italie IT 22 % 39 %
Pays-Bas NL 21 % 46 %
Espagne ES 19 % 37 %
Suède SE 38 % 55 %
Royaume-Uni UK 57 % 59 %
• Conclusion
Nul ne peut mesurer, ni même prédire, toutes les conséquences de l’ouver t ure du marché. En principe, toute
libéralisation engendre une concurrence qui conduit à une baisse des prix. Toutefois, et à l’inverse des pays voisins,
l’ouver ture du marché de l’électricité en Suisse a lieu dans une période haussière des prix d’approvisionnement
sur les marchés de gros ( hausse sur les bourses de l’électricité, du pétrole et du gaz ). Ainsi, le consommateur
suisse doit s’at tendre à une hausse, dont l’annonce sera cer tes concomitante à l’ouver t ure du marché, mais
dont l’ar rivée et l’ampleur sont indépendantes de la libéralisation. Il n’y a aucun lien ent re les deux et on
peut estimer que l’impact de la hausse sera moins impor tant que si le marché était resté en monopole.
Les mois à venir vont être palpitants, tant pour les milieux électriques que pour les milieux économiques en
général. Reste à espérer que cet te libéralisation sera réelle et que tous les acteurs, de l’Etat aux entreprises
électriques, joueront le jeu du marché ouver t en créant ainsi une concurrence saine et profitable aux clients.
2. Quels seront les moyens mis à la disposition de l’ElCom pour assurer son rôle de régulateur ?
La construction institutionnelle qui permet à l’ElCom d’assurer son rôle est en fait typiquement suisse et ne se
retrouve pas chez les autres régulateurs du marché en Europe. L’ElCom est une commission de miliciens dotée
d’un petit secrétariat, mais qui peut s’appuyer dans son travail sur des personnes spécialement mises à sa
disposition par l’Office fédéral de l’énergie ( OFEN ). Aujourd’hui, le nombre de personnes travaillant à l’OFEN
pour l’ElCom est encore relativement petit, mais il augmentera au fur et à mesure que l’ElCom sera sollicitée.
4. L’OApEl, dans sa version du 27 juin 2007, prévoit que toute hausse des tarifs d’électricité pour la fourniture
aux consommateurs captifs doit être approuvée par l’ElCom. Quelle serait la procédure mise en place par
l’Elcom si cette obligation demeure dans la version définitive ?
Cette question aussi est prématurée : d’abord, nous ne savons pas si cette disposition va survivre au processus de
consultation qui s’est achevé le 15 octobre 2007. Et si oui, je pense qu’il n’est pas réaliste que l’ElCom approuve les
différents tarifs de plus de 900 distributeurs en Suisse un par un. Il faudrait, dans ce cas, certainement procéder
à la formulation de quelques règles définissant des tarifs « acceptables ». Mais ceci est bien sûr mon opinion
personnelle et n’engage que moi.
5. Pensez-vous que la libéralisation permettra aux milieux économiques suisses d’être plus compétitifs sur
les marchés internationaux ?
La libéralisation du marché de l’électricité a pour but explicite de rendre la production et la distribution de
l’électricité plus efficientes, donc plus avantageuses pour tous les consommateurs. Si le marché fonctionne, et
l’ElCom est précisément là pour y veiller, ceci devrait profiter à tous les consommateurs, y compris aux entreprises.
11
Monsieur Jean-Claude Auch,
Responsable du Service Marketing et Business Development de Romande Energie.
1. L’ouverture du marché représente-t-elle un risque ou une opportunité pour les entreprises électriques ?
En l’état actuel, et bien que tous les éléments ne soient pas encore figés, on peut présumer que les changements
structurels amenés par la LApEl et son ordonnance apporteront certes un nouveau dynamisme sur le marché,
mais généreront également pas mal de frustrations et de désillusions. On doit par exemple rappeler que l’objectif
premier de la LApEl est de garantir l’approvisionnement du pays alors que, pour la majorité des entreprises,
l’objectif principal de l’ouverture du marché est une baisse des prix.
3. Dans le même ordre d’idées, existe-t-il des risques et des inconvénients probables ?
Nos études montrent que les entreprises craignent une détérioration de la qualité. En l’état actuel des choses, il
semble que les niveaux acceptés pour la rémunération du réseau électrique laissent suffisamment de marge aux
entreprises électriques pour consentir les investissements nécessaires au maintien de la qualité du réseau, et
qu’une baisse de qualité telle que celle vécue il y a quelques années par les Américains ou les Anglais semble peu
probable. Des risques existent cependant. La volonté exprimée dans la LapEl de ne pas tolérer de financements
croisés entre les différentes catégories de clientèle entraînera inévitablement une hausse de prix pour les catégories
favorisées jusqu’à aujourd’hui. De plus, le principe de tarifs historiques « sous contrôle » pendant cinq ans est à
double tranchant : il apporte certes une certaine garantie de stabilité pour les années à venir, mais génère aussi
une rigidité peu compatible avec un marché dit « ouvert ».
5. Quel est le taux de changement de fournisseur estimé chez les clients suisses ?
Difficile de donner une estimation sans une boule de cristal, et les expériences européennes, fort différentes les
unes des autres, ne donnent que peu d’éléments d’information. On a pu voir, par exemple, un taux de changement
à deux digits sur le marché anglais, mais il s’agissait d’une ouverture peu régulée, dans un marché énergétique
baissier, dans un environnement concurrentiel très agressif. En France, en raison d’une législation forte, d’une
garantie sur les tarifs historiques et d’un environnement dominé par EDF, le taux de changement est resté modeste.
Il est donc très difficile de faire des prévisions pour la Suisse, même si la garantie des tarifs dits historiques, la
tendance haussière du marché de l’énergie et le niveau généralement élevé de qualité, laissent penser que les
changements de fournisseurs se feront de manière graduelle et dans la longue durée.