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Agnes Helme-guizon
Université Grenoble Alpes
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Agnès Helme-Guizon
Maître de conférences
CERAG (Centre d’Etudes et de Recherches Appliquées en Gestion)
ESA Grenoble – Université Pierre-Mendès-France
RÉSUMÉ
Un cadre d’appréhension des spécificités du comportement du consommateur sur un site marchand est proposé. Sa
construction, guidée par l’impact de la technologie et notamment de l’interactivité, s’appuie sur la mise en regard des connais-
sances actuelles sur le comportement du consommateur en ligne avec la littérature classique sur le magasinage (faire des
courses ou shopping).
Mots-clés : Internet, e-commerce, comportement de magasinage en ligne, comportement dirigé vers un but, comportement
expérientiel, traitement de l’information, interactivité.
L’auteur tient à remercier Claire Gauzente, Alain Jolibert et Isabelle Sueur-Deharveng pour leur lecture attentive et leurs commentaires pertinents
ainsi que les lecteurs anonymes dont les remarques ont contribué significativement à l’amélioration de cet article.
L’auteur peut être contactée par e-mail à l’adresse : agnes.helme-guizon@esa.upmf-grenoble.fr
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teurs en ligne (Donthu et Garcia, 1999 ; Nyeck et alii, magasin : par exemple, le design, l’ergonomie, le
2000). De même, les acheteurs ont été comparés aux merchandising, la variété de l’offre, etc. (Degeratu et
non acheteurs en termes de représentations (Boulaire et alii, 2000 ; Phau et Poon, 2000). Ensuite, les rares
Ballofet, 1999), de caractéristiques socio-démogra- travaux antérieurs relatifs aux lieux transactionnels
phiques, de motivations utilitaires, d’innovativité suggèrent des similitudes de comportements en ligne et
(Gattiker et alii, 2000 ; Mathwick et alii, 2001) et de en magasin. Enfin, les cadres intégrateurs existants
sensibilité au risque, d’achat impulsif et de recherche reposent soit sur le concept de flow soit sur celui
de variété (Donthu et Garcia, 1999). Ces travaux, par- d’absorption cognitive. Le flow est défini par
cellaires et de qualité inégale, essentiellement empi- Hoffman et Novak (1996) comme un état qui apparaît
riques (Gattiker et alii, 2000), adoptent une approche au cours de la navigation sur Internet qui se traduit
de type microscopique du comportement du consom- par « (1) une séquence continue de réponses facilitée
mateur sur Internet. Des modèles intégrateurs du par l’interactivité de la machine, (2) intrinsèquement
comportement général de l’individu en ligne ont été agréable, (3) qui s’accompagne d’une perte de
proposés notamment par Hoffman et Novak (1996) conscience de soi et (4) qui renforce le soi »
ou encore Agarwal et Karahanna (2000). S’ils autori- (Hoffman et Novak, 1996, p. 57). L’individu est
sent une vision globale, ils ont été développés dans absorbé par l’interaction avec la machine. Ses facultés
un environnement web en général. sont entièrement mobilisées par cette interaction. Il
Or aujourd’hui, vue la montée en puissance des acquiert la certitude de son contrôle sur ses actes tout
sites marchands, le besoin se fait sentir (Gattiker et en perdant la conscience de soi et de son environne-
alii, 2000 ; Novak et alii, 2000) d’une appréhension ment ainsi que la notion du temps. De fait, le flow est
des spécificités du comportement d’achat du consom- conceptuellement proche de l’immersion. L’absorp-
mateur en ligne (depuis la recherche d’information, tion cognitive reprend, organise et enrichit les princi-
continue ou dirigée, jusqu’à l’achat/consommation et le pales dimensions du flow, i.e. la dissociation tempo-
rachat éventuel). En effet, une meilleure connais- relle, l’immersion, des sensations décuplées, le
sance de la façon dont l’individu fréquente les sites contrôle et la curiosité (Agarwal et Karahanna, 2000).
commerciaux, dont il évalue l’offre commerciale et Ces deux concepts qui mettent l’accent sur les sensa-
prend ses décisions d’achat, sont des questions-clés tions induites par l’immersion dans un environne-
pour les chercheurs ainsi que pour les offreurs car ment médiatisé par la machine ne peuvent rendre
leur exploration permettrait d’améliorer le design et compte que de façon incomplète d’un comportement
l’offre des sites commerciaux, de mieux guider le d’achat : son volet décisionnel étant occulté.
Aussi, l’objet de cet article est de proposer un
consommateur en ligne vers l’achat en l’accompa-
cadre conceptuel permettant d’appréhender les spéci-
gnant dans sa démarche utilitaire ou exploratoire.
ficités du comportement du consommateur sur un site
Deux méthodes sont envisageables pour l’étude
marchand. Sa construction, guidée par l’examen de
du comportement du consommateur en ligne : trans-
l’impact de la technologie Internet sur le comporte-
poser les modèles intégrateurs mentionnés précédem-
ment du consommateur, s’appuie sur la mise en
ment dans un environnement marchand ou à l’inverse
regard des connaissances actuelles de ce comporte-
examiner l’impact de la technologie sur nos modèles
ment avec la littérature classique sur le magasinage.
de comportement du consommateur en magasin. La
Une attention particulière est portée aux mécanismes
seconde approche n’a pas à notre connaissance été
sous-jacents (à la lumière des modèles « expérien-
envisagée par les recherches antérieures, comme si
tiels » et de traitement systématique/heuristique de
l’on était en présence d’un phénomène résolument
l’information) et aux variables modératrices suscep-
inédit qui oblige à faire table rase des connaissances
tibles d’influencer le comportement du consomma-
antérieures. Il est vrai que le comportement en ligne est teur en ligne.
souvent envisagé comme fondamentalement différent
de celui observé dans un environnement physique
(Hoffman et Novak, 1996).
La seconde méthode semble la plus pertinente
pour trois raisons. Tout d’abord, un site marchand
peut être décrit selon les mêmes variables qu’un
Le comportement du consommateur sur un site marchand est-il fondamentalement différent de son comportement en magasin ? 27
Evaluation de l offrecommerciale
résultats des différents courants de littérature men- Le comportement dirigé vers un but ou encore la
tionnés précédemment et synthétisés dans le fréquentation dans un but précis se traduit par une
tableau 1. recherche et un traitement de l’information relative
En raison de l’ampleur de la tâche et du manque au produit ou à la marque désirés (caractéristiques,
d’espace, la problématique – pourtant de taille prix, lieu de vente, promotions, etc.). Il est guidé par
(Szymanski et Hise, 2000) – de la satisfaction et de une motivation cognitive, par la satisfaction de
son influence sur le rachat, sur le comportement de besoins utilitaires. Il est sous-tendu par des processus
Variables situationelles
conditions materielles d accesau site
communautes / dimension sociale de la consommation
Evaluation de l offre
Achat/experience subjective
Reactions post-achat/experience
Tableau 1. – Principales recherches sur le comportement du consommateur en magasin et sur un site marchand
Comportement • recherche de gratifications hédoniques • immersion dans un monde virtuel (Hoffman et Novak, 1996)
expérientiel (Holbrook et Hirschman, 1982) • téléprésence et distorsion du temps (Hoffman et Novak, 1996 ;
• recherche de variété (Raju et Venkatesan, Steuer, 1992)
1980 ; Syriex et Dubois, 1995) • absorption cognitive (Agarwal et Karahanna, 2000)
• browsing (Babin et alii, 1996 ; Bloch et
Richins, 1983)
VARIABLES MODÉRATRICES DES MODES DE FRÉQUENTATION DES POINTS DE VENTE
Variables d’atmo- • variables externes, internes générales, design et • ergonomie : lisibilité, structure de la page et du site (Ladwein, 2001)
sphère aménagement du point de vente, décoration et • design (Steuer, 1992)
aménagement du point de vente (pour une revue,
voir Turley et Milliman, 2000)
Variables situa- • pression temporelle (Belk, 1975) • conditions matérielles d’accès aux sites (équipement informatique,
tionnelles • destination de l’achat, impression de foule, taux de transfert, débit, etc.) (Hoffman et Novak, 1996 ; Shih, 1998)
attente aux caisses (pour une revue, voir Turley • échange avec les autres consommateurs (Gattiker et alii, 2000)
et Milliman, 2000) • valorisation par l’implication des autres (Griffith et Krampf, 1999)
• dimension sociale de la consommation • rôle des communautés (Amstrong et Hagel, 1995 ; Gattiker et alii,
(Griffith et Krampf, 1999 ; Tauber, 1972) 2000)
Variables indivi- • motivation cognitive/affective (Holbrook et • motivation cognitive/affective (Hoffman et Novak, 1996 ; Rowley,
duelles Hirschman, 1982 ; MacInnis et Jaworski, 1989) 2000)
• risque perçu (financier, de performance, de • implication dans la catégorie de produit (Degeratu et alii, 2000)
perte de temps, physique, social, psychologique) • risque perçu intensifié en raison de la distance et de la sécurité des
(Jacoby et Kaplan, 1972) paiements (McCorkle, 1990 ; Van den Poel et Leunis, 1996)
• expertise dans la catégorie de produits (Alba et • respect de la sphère privée, de la confidentialité (Gattiker et alii,
Hutchinson, 1987) 2000)
• niveau optimal de stimulation (Baumgartner et • familiarité avec l’achat à distance (Donthu et Garcia, 1999)
Steenkamp, 1996 ; Syriex et Dubois, 1995) • attitude envers l’innovation (Agarwal et Karahanna, 2000 ; Donthu et
Garcia, 1999 ; Gattiker et alii, 2000 ; Nyeck et alii, 2000)
• recherche de stimulation, de défis (Hoffman et Novak, 1996)
• variables psychographiques : âge, sexe, revenus, culture (pour une
revue, voir Gattiker et alii, 2000)
• capacités, expertise (Hammond et alii, 1998 ; Hoffman et Novak,
1996 ; Mathwick et alii, 2001 ; Robin, 2000)
• contrôle de l’interface homme-machine et renforcement des expé-
riences vécues (Mathwick et alii, 2001)
ÉVALUATION DE L’OFFRE COMMERCIALE
• le plus souvent limitée à l’offre en magasin • comparaison entre différents sites facilitée (Degeratu et alii, 2000)
• comparaison sur un nombre limité de critères • des critères différents et plus nombreux (Burke et alii, 1992 ;
(Burke et alii, 1992) Degeratu et alii, 2000 ; Phau et Poon, 2000)
décrits par les modèles de traitement de l’information – recherche d’information afin de trouver la meilleure
systématique (Craik et Lockhart, 1972) et heuristique solution possible en termes d’achat ou de consomma-
(Chaiken et alii, 1989). Ceux-ci postulent que la tion (voir tableau 2). L’intensité de la recherche
reconnaissance d’un problème déclenche une résulte de l’arbitrage entre l’effort cognitif consenti et
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Antécédents • ressources cognitives élevées • ressources cognitives modérées • ressources cognitives limitées
• résolution exacte de problèmes • formation de jugements rapides • personnalité, créativité,
• stimulus informatif ou com- recherche de plaisir, niveau opti-
plexe mal de stimulation
• stimulus artistique, sportif ou
récréatif
• stimulus trop trivial
Comportement • choix, décision d’achat et achat • choix, décision d’achat et achat • utilisation, expérience de
consommation
Processus • acquisition de l’information et • traitement sélectif de l’informa- • comportement exploratoire
traitement en profondeur tion • apprentissage incident
•traitement discursif dominant • inférences affectives simples • imagerie mentale dominante
• élaboration sur les éléments les • imagerie mentale et traitement
plus pertinents discursif
• correction des jugements • élaboration relationnelle sur les
éléments les plus saillants ou élé-
ments du contexte
Variables
• implication forte • implication faible • motivation hédonique
modératrices • motivation cognitive • motivation cognitive • recherche de gratification
• capacité et opportunité de trai- • capacité et opportunité limitées intrinsèque
ter l’information de traiter l’information • situation d’exposition
• risque perçu élevé • familiarité et expertise fortes
par la vague de protestations envers la tentative de mation sera systématique et approfondie dans le cas
dissimulation par Intel du problème de virgule flot- d’un produit nouveau et/ou impliquant pour le
tante sur l’un de ses processeurs Pentium qui a obligé consommateur. A l’inverse pour les produits habituels
le constructeur à rappeler tous les produits de cette et/ou peu impliquants, le consommateur aura recours à
génération. des heuristiques, des routines de comportement. Cette
stratégie est facilitée par l’existence de « favoris » (i.e.
les adresses de quelques sites préalablement enregis-
Influence des variables individuelles trées sur le disque dur et qui y conduisent directement
d’un simple clic). De même, les sites marchands les
La littérature sur le comportement en magasin plus avancés, capables de mémoriser les achats anté-
souligne l’importance du rôle modérateur des rieurs, proposent d’en consulter la liste, de la modifier ou
variables individuelles. Sur un site marchand, aux de la compléter lors de visites ultérieures. Cet outil est
côtés des variables psychographiques (pour une précieux dans le cas d’achats fréquents et routiniers
revue, voir Gattiker et alii, 2000), de l’attitude face à (par exemple, les courses) parce qu’il permet un gain de
l’innovation (Agarwal et Karahanna, 2000 ; Donthu temps significatif ... au détriment de la variété
et Garcia, 1999 ; Gattiker et alii, 2000 ; Nyeck et alii, (Degeratu et alii, 2000).
2000), de la recherche de stimulation ou de défis Ainsi, la motivation utilitaire influencerait de la
(Hoffman et Novak, 1996), du risque perçu – ren- même manière la recherche d’information quelle que
forcé par la distance et la sécurité des paiements soit la nature du point de vente. Pourtant, il est pro-
(McCorkle, 1990 ; Van den Poel et Leunis, 1996), de la bable que sur un site marchand, la recherche d’infor-
préoccupation pour le respect de la vie privée mation soit plus importante que dans un magasin
(Gattiker et alii, 2000), les deux principaux facteurs pour des produits jugés peu impliquants du fait de la
individuels modérateurs du mode de fréquentation relative facilité d’accès à une information abondante.
des points de vente sont la motivation et l’expertise. Tout dépend du coût de l’acquisition de l’information :
monétaire (temps de chargement longs et tarification
réelle des communications locales) mais également
Rôle modérateur de la motivation cognitif.
2. La catégorie de produits nous semble secondaire au regard de relativement peu chers, ont une fréquence d’achat assez impor-
l’implication pour ce qui concerne le comportement à proprement tante, sont plutôt intangibles et différenciés (Phau et Poon, 2000).
parler et les processus sous-jacents. Elle influence davantage la Ces caractéristiques sont celles des produits culturels, de loisirs et
décision de se tourner vers un site marchand plutôt que vers un dans une moindre mesure du matériel informatique. Or ce sont
magasin (et inversement) pour acquérir un produit donné. Dans le ceux qui réalisent le chiffre d’affaires le plus élevé en France
système de Peterson et alii (1997), les produits peuvent être classés (Santrot, 2001). Par ailleurs, Gattiker et alii (2000) distinguent
selon trois dimensions : 1) le coût et la fréquence d’achat, 2) la entre les produits techniques et non techniques. Cette classifica-
valeur de l’offre (i.e. le degré de tangibilité) et 3) le degré de diffé- tion, plus pertinente que la catégorie de produits, est prédictrice du
renciation. Les produits les plus volontiers achetés en ligne sont type de comportement.
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informatique à la familiarité avec Internet en général sactionnels en ligne, le consommateur alterne les
(Hammond et alii, 1998) en passant par la durée types de comportements. Ainsi, un consommateur
d’utilisation (Hoffman et Novak, 1996) et par la ayant initialement adopté un comportement « expé-
familiarité avec l’achat à distance (Donthu et Garcia, rientiel » pourrait être amené à traiter en profondeur
1999). Les effets de l’expertise sur le comportement de une information découverte à l’occasion de son buti-
navigation ou d’achat varient également. Robin nage et qu’il a perçue comme pertinente, c’est-à-dire
(2000) souligne que les experts adoptent un comporte- s’engager dans un comportement dirigé vers un but.
ment systématique, linéaire, en grande partie associé à Inversement, un consommateur, motivé par la
la valeur sémantique des rubriques. Ils valorisent recherche d’un produit ou d’une information précise,
davantage le contenu informatif des sites au détri- pourrait adopter un comportement exploratoire, son
ment de leur dimension expérientielle (Novak et alii, attention ayant été distraite par la présence d’une ani-
2000). A l’inverse, les débutants fondent leur par- mation ou d’un lien vers une page « récréationnelle »
cours sur les dimensions spatiales et visuelles du sti- du site ou un autre site. La fréquence de changement de
mulus (Robin, 2000). Ils tendent à adopter un com- stratégie devrait être supérieure à celle observée dans
portement récréationnel qui se traduit par un environnement physique en raison des spécificités
l’exploration des différents aspects de l’environne- du web telles que l’interactivité, l’architecture des
ment (Hoffman et Novak, 1996). Il est à noter que sites et du web sous la forme d’un vaste réseau de
cette tendance diminue avec la maîtrise de l’outil liens. La problématique de l’alternance des stratégies
technologique. qui n’a pas reçu suffisamment d’écho en comporte-
Ces résultats sont contestés par Hammond et alii ment du consommateur (y compris en magasin) pour-
(1998) qui rapportent, contrairement à leurs hypo- rait bénéficier d’une importance nouvelle dans le
thèses, des niveaux perçus d’« expérientiation » supé- contexte d’un environnement commercial sur
rieurs chez les experts que chez les utilisateurs modérés Internet.
d’Internet. Aussi, les débutants auraient un usage plutôt Par ailleurs, se pose la question de la prédomi-
utilitaire d’Internet. La même expérience menée nance d’un type de comportement sur l’autre. Novak et
quatre mois plus tard indique que les débutants n’ont alii (2000) montrent que les consommateurs lient for-
pas un comportement de magasinage plus récréationnel tement le shopping aux compétences, au contrôle et à
mais apprécient davantage la valeur informationnelle la recherche de l’information sur le produit, contraire-
d’Internet. Les experts continuent de relater des ment à l’utilisation personnelle/ludique d’Internet, les
degrés élevés de satisfaction cognitive et hédonique. groupes de discussion ou le fait de regarder la TV qui
Hammond et alii (1998) y voient le reflet d’une sont davantage associés à l’immersion, la télépré-
implication durable envers l’outil. sence, la distorsion du temps et le défi/stimulation.
L’apparente contradiction entre les résultats pour- De même, Mathwick et alii (2000) soulignent que le
rait s’expliquer par la variété des définitions de retour sur investissement (financier, temporel et com-
l’expertise. Ceci appelle à un raffinement conceptuel portement) est fortement lié à la préférence pour la
notamment de l’objet sur lequel porte l’expertise (i.e. fréquentation des sites marchands, par comparaison
Internet, la technologie en général, un site spécifique avec les catalogues qui privilègent ouvertement les
ou une catégorie de produit). expériences sensorielles ou esthétiques notamment
par le biais de la stimulation visuelle. Aussi, le fac-
teur « recherche d’information » l’emporterait sur la
dimension « comportement récréationnel ».
Liens entre les deux types de comportements
ÉVALUATION DE L’OFFRE COMMERCIALE (Lynch et Ariely, 2000) ... à condition de savoir les
maîtriser. Sinon, l’abondance voire la surcharge
d’information (Bettman et alii, 1991 ; Malhotra,
1982), non seulement complexifie la prise de déci-
sion mais conduit l’individu à s’interroger sur la jus-
Une fois en magasin ou sur un site commercial en
tesse de ses décisions « rationnelles » en raison de
ligne, le consommateur est amené à évaluer l’offre
l’effort cognitif nécessaire (Ariely, 2000). Pour
commerciale selon ses besoins et les propositions de la
réduire cet inconvénient il convient de recourir aux
concurrence. Les processus d’évaluation varient en
heuristiques de choix (Chaiken et alii, 1989), c’est-à-
fonction des processus sous-jacents des comporte-
dire de fonder sa décision sur des règles simples, sans
ments (expérientiation vs traitement de l’informa-
doute calquées sur celles développées en magasin.
tion).
Ensuite, ils mettent en avant de nombreux bénéfices
situationnels. Plus accessibles, il est probable qu’ils
Recherche et traitement systématique auront davantage d’influence sur l’évaluation du pro-
de l’information duit (Lynch et Ariely, 2000) et sur la prise de déci-
sion (Ratneshwar et alii, 1997) que les bénéfices
habituels. Enfin, le prix acquiert une visibilité accrue et
L’évaluation de l’offre commerciale passe par la prend une importance nouvelle dans l’évaluation des
comparaison de l’ensemble proposé avec d’une part offres concurrentes. La sensibilité au prix est renforcée
les connaissances individuelles préalablement stoc- pour les produits présents dans plusieurs magasins et
kées et d’autre part les offres concurrentes. dont la comparaison est aisée (Lynch et Ariely,
Autrement dit, elle implique l’extraction d’informa- 2000). Mais, pour des produits différenciés, la réduc-
tions internes et le traitement d’informations exter- tion du coût de recherche d’information sur la qualité
nes. Internet facilite la collecte d’informations sur les réduit la sensibilité au prix. Cependant, Degeratu et
attributs d’un produit ou d’une marque (Alba et alii, alii (2000) affirment que le consommateur en ligne
1997). Elle peut porter soit sur des attributs senso- est moins sensible au prix que le consommateur en
riels, c’est-à-dire ceux qui touchent directement nos magasin. Ils expliquent ce résultat anti-intuitif par la
sens « avant l’essai du produit » soit sur des attributs plus grande efficacité des opérations promotionnelles
non sensoriels, c’est-à-dire ceux qui peuvent être cor- en magasin (cf. les techniques de merchandising).
rectement représentés par des mots (Degeratu et alii,
2000). Les informations collectées sur un site mar-
chand sont parfois longues et coûteuses à obtenir (en
Comportement « expérientiel »
temps ou en efforts) en magasin. Par exemple, la lec-
ture de la composition ou du nombre de calories d’un
produit alimentaire suppose la prise en main du pro- La littérature classique affirme que le comporte-
duit, la localisation de la mention et le déchiffrage de ment expérientiel induit non pas une évaluation sur
données le plus souvent imprimées en petits carac- les attributs mais une appréciation globale (Holbrook et
tères. De même, obtenir les caractéristiques tech- Hirschman, 1982). En l’absence de propositions ou
niques d’un bien d’équipement pour la maison ou une de validations empiriques par la littérature Internet
automobile implique le recours à un vendeur ... qui nous postulons que le consommateur sur un site mar-
bien souvent doit se reporter à la notice de chand adopte également une approche holistique.
l’appareil/l’automobile. En résumé, ce qui est spécifique de l’évaluation
Sur Internet, la recherche d’information est facilitée de l’offre des sites marchands est le nombre et le type
par les agents de recommandation qui permettent la d’attributs (situationnel/habituel) sur lesquels l’offre
visualisation de la meilleure offre ou par les matrices peut être évaluée. Les processus et les règles de déci-
de comparaison qui synthétisent les offres des diffé- sion devraient être modifiés (Burke et alii, 1992).
rents sites marchands. Ces outils ont un triple effet C’est une voie de recherche importante.
sur l’évaluation de l’offre et la décision d’achat. Tout
d’abord, en réduisant le coût cognitif du traitement de
l’information, ils améliorent la qualité de la décision
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