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Marianela Fornerino
Grenoble École de Management
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All content following this page was uploaded by Marianela Fornerino on 07 October 2019.
Résumé
Cette étude présente une première exploration de l’expérience de shopping dans un magasin phygital. L’objectif
est d’identifier les fonctions des dispositifs numériques et physiques et leur impact sur les dimensions et carac-
téristiques de l’expérience. L’étude s’est déroulée dans un magasin-laboratoire simulant le magasin du futur. À
partir de plusieurs focus groups, les résultats montrent que l’expérience de shopping comporte la phase d’anti-
cipation et de choix des produits proposés dans le magasin et la phase de consommation proprement dite du
service de distribution. Les dispositifs digitaux, physiques et phygitaux contribuent par leurs fonctions aux quatre
dimensions de l’expérience de consommation identifiées dans la littérature. Les résultats montrent également que
l’expérience se déroule d’une façon continue : le passage du digital au physique, ou du physique au digital, est
fluide et rapide à tel point que les participants ont évoqué parfois une confusion entre le virtuel et le réel.
Mots-clés : phygitalisation, magasin-laboratoire, expérience de shopping, technologies digitales.
Abstract
Exploring the shopping experience in a phygital store
This study presents a first exploration of the shopping experience in a phygital store. The objective is to identify
the functions of digital and physical devices and their impact on the dimensions and characteristics of the expe-
rience.The study was done in a futuristic lab-store especially designed to merge the physical and digital environ-
ments. Using several focus groups, results show that the shopping experience includes the phase of anticipation
and choice of the products offered in the store and the actual consumption phase of the distribution service.
Digital, physical and phygital devices contribute by their functions to the four dimensions of the consumption
experience identified in the literature. The results show also that the experience unfolds continuously: the transi-
tion from digital to physical or physical to digital is fast and fluid, to the point that participants sometimes find it
difficult to differentiate between real and virtual.
Keywords: phygitalization, lab-store, shopping experience, digital technologies.
L’émergence des smartphones au cours des gie qui permet à l’entreprise de proposer aux
années 2010 a bouleversé le comportement consommateurs une utilisation des différents
du consommateur en magasin (Rigby, 2011). canaux de manière constante, simultanée et
En utilisant son mobile, le consommateur interchangeable, afin de faciliter et d’optimi-
complexifie davantage son parcours et se ser son expérience globale.
trouve doté d’une sorte d’ubiquité. Il peut
par exemple être dans un magasin et simul- L’actualité des acteurs de la distribution
tanément comparer le prix d’un produit avec illustre la mutation du secteur. Les Galeries
ceux proposés dans d’autres enseignes. De Lafayette rachètent la Redoute « faisant
la même manière, il peut instantanément d’internet une priorité »2 et dans la même
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prendre connaissance des avis sur un produit, veine Monoprix rachète Sarenza3, alors
visionner une vidéo, et recevoir une promo- qu’Amazon ouvre des magasins physiques4
tion d’un point de vente B en étant en face du et rachète Whole Foods5. Le physique
vendeur dans le point de vente A. Toutefois, et le digital ne font plus qu’un, donnant
une enquête1 montre que 40 % des consom- naissance au phygital, un néologisme issu
mateurs interrogés trouvent que les achats de la contraction du mot physique et du mot
en magasin représentent une corvée et 32 % digital. Ainsi, un magasin phygital offre la
préfèreraient à la place faire la vaisselle ! possibilité de vivre une expérience à la fois
Ces consommateurs trouvent décevantes les réelle6 – par l’interaction avec des dispositifs
possibilités offertes en magasin par rapport et contenus physiques – et virtuelle par
à celles proposées sur les sites on-line. Par l’interaction avec des dispositifs et contenus
ailleurs, Vanheems (2013) montre qu’après digitaux. Il offre également une expérience
une navigation sur Internet, les consomma- mixte (Encadré 1) optimale où les frontières
teurs sont plus exigeants en magasin (besoin entre les deux modes deviennent floues.
d’accès rapide aux produits, organisation des Par exemple, le Club Med a équipé certaines
rayons à l’image de l’organisation on-line, de ses agences de casques permettant de vivre
disponibilité, etc.) et peuvent devenir facile- une expérience d’anticipation (Arnould et al.,
ment insatisfaits. 2002) du voyage, pour découvrir les lieux
Désormais connectés en permanence, les et les services avant l’achat. Poursuivant le
consommateurs ne se retrouvent plus dans même objectif, le voyagiste TUI réorganise
un magasin classique. Les magasins de de- ses agences pour en faire des salons connec-
main devront accompagner le consommateur tés proposant écrans immenses et tables di-
dans son parcours en répondant en perma- gitales. Il est alors question de web-in-store
nence à ses sollicitations. Ainsi, les canaux désignant la stratégie commerciale d’intro-
se multiplient et une gestion intégrée de ces duction des dispositifs numériques dans le
canaux (distribution et communication), point de vente physique. Dans le domaine
devient incontournable : c’est l’approche des musées, Jarrier (2012) analyse l’impact
stratégie omnicanal (Ailawadi et Farris, d’un dispositif de réalité augmentée sur l’ex-
2017). Le lien entre les différents canaux périence de la visite. Ses résultats montrent,
doit répondre à une démarche de cohérence,
2/ Le Monde, le 31/08/2017.
convergence, synchronisation et intégration 3/ LSA, le 28/02/2018.
(Vanheems, 2009). Avec une vision centrée 4/ LSA, le 07/02/2017.
sur le consommateur, Verhoef et al. (2015) 5/ La Tribune, le 29/08/2017.
6/ Dans cet article, nous retenons le mot « digi-
définissent l’omnicanal comme une straté- tal » pour désigner des techniques ou dispositifs
« numériques ». Un ensemble de dispositifs digitaux
1/ Cap Gemini, novembre 2016 auprès de 6 000 constitue un environnement virtuel. À l’opposé, un
consommateurs des USA, de la Chine et de 7 pays environnement réel est constitué de dispositifs phy-
d’Europe (dont la France). siques.
Magasins physiques et virtuels – 47
Figure 1 : Les phases de l’expérience de consommation d’un service de distribution et d’un produit
(d’après Arnould et al., 2002)
Magasins physiques et virtuels – 49
mateur se fixe lui-même (Csikszentmihalyi, (2002) signale que le magasin est un décor
1997). Cet auteur défini l’expérience opti- dans lequel un scénario est proposé, donnant
male comme un moment exceptionnel pen- sens à ce qu’il appelle la théâtralisation du
dant lequel « ce que nous sentons, ce que lieu par la mise en scène des différents élé-
nous souhaitons et ce que nous pensons sont ments y compris les produits exposés. Ainsi,
en totale harmonie » (p. 29). Carù et Cova nous allons nous intéresser au résultat global
(2003) se sont intéressés à l’immersion du provoqué par les différents stimuli, à la fois
consommateur dans un contexte expérien- physiques et digitaux, impliquant plusieurs
tiel. L’immersion fait appel à l’annulation sens à la fois, et non pas à l’impact isolé d’un
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Tableau 1 : Proposition de classification des technologies digitales, selon leurs fonctions, en
intégrant les travaux de Beck et Crié (2015) et Feenstra et Glérant-Glikson (2017)
Assister Réhumaniser/collaborer
Eduquer Attirer/séduire
Conforter Susciter l’envie
Recommander
Faciliter le paiement
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consommateurs comment utiliser les pro- de demain. La démarche s’inspire des théo-
duits ou encore quels sont leurs bénéfices ries du comportement du consommateur et
attendus ; 3) conforter : rassurer les clients prend en compte le processus décisionnel, le
dans leurs décisions à travers des opinions traitement de l’information et les variables
d’experts ou des avis de consommateurs ; d’influence (situationnelle, personnelle, etc).
4) recommander: conseiller le client en pro- La première entreprise partenaire de ce pro-
posant des produits qui correspondent le jet est une marque de sports de glisse, Picture
mieux à leurs profils et à leurs attentes. Cette Organic Clothing (Picture) qui nous a fourni
proposition enrichit la sous-dimension « in- 250 vêtements (Encadré 2).
former/rassurer » de la fonction utilitaire des
NAVA (Beck et Crié, 2015). Néanmoins, la Afin de rester dans une ambiance « glisse/
fonction hédonique, qui est pourtant majeure montagne », la décoration du magasin-la-
dans l’approche expérientielle n’est pas trai- boratoire est très nature (bois, skis anciens,
tée. Le tableau 1 propose une synthèse à par- panneaux de piste, etc.). Ce choix d’un en-
tir de ces deux approches complémentaires. vironnement physique très soigné vise à ne
Il serait également intéressant d’explorer la pas déséquilibrer le contexte de l’étude (réel
pertinence de cette typologie des fonctions et virtuel). L’univers de la montagne en hi-
aux dispositifs physiques. ver a été retenu, de préférence à celle de la
glisse d’été (le deuxième univers de Picture),
pour sa correspondance avec la période de la
Expérience de shopping dans réalisation de l’étude (entre janvier et mars,
le magasin phygital période de ski). Ce choix permet de mettre en
L’objectif de cette étude est de réaliser une adéquation la collection hiver 2017, le loisir
première exploration de l’expérience de saisonnier favori des étudiants et la situation
shopping dans un magasin phygital. Il pro- géographique du magasin-laboratoire (les
pose d’identifier les fonctions des dispositifs Alpes).
numériques et physiques et leur impact sur
Plusieurs technologies digitales sont dé-
les dimensions et caractéristiques de l’expé-
ployées dans le magasin-laboratoire. Dans
rience. L’étude se déroule dans un maga-
une première zone, qui constitue un lieu
sin-laboratoire7 créé dans le but d’analyser
d’accueil des consommateurs, des écrans
l’impact d’un environnement phygital sur le
connectés proposent divers contenus (vidéos
comportement du consommateur. Ce labo-
de la marque Picture et de la concurrence,
ratoire permet de simuler les étapes d’une
images immersives de skieurs en action) et
vente ultra-connectée. Il est donc possible
une vitrine connectée (écran tactile) per-
d’appréhender les évolutions du commerce
mettant de rechercher des informations sur
7/ Projet de Grenoble Ecole de Management co- les produits de la marque. Une seconde zone
financé IRT Nanoelec. propose les gammes de Picture. Divers dis-
Magasins physiques et virtuels – 51
Son cœur de cible (les 18-30 ans passionnés de glisse : ski, snowboard, surf) correspond aux étudiants
qui ont participé à l’expérience.
aux éventuelles questions. À la fin de la visite, chaque participant devait choisir un produit (vêtement)
parmi les produits exposés. Avec ce vêtement, il devait rentrer dans la cabine d’essayage. Les participants
n’étaient donc pas en situation d’achat à proprement parler, mais ils ont été mis en situation de shopping
allant jusqu’au choix et essayage d’un vêtement. Dans la seconde phase, les individus étaient conduits
dans une salle de réunion (équipée de caméras) pour réaliser un focus group. L’entretien de groupe a été
choisi pour favoriser une dynamique d’échanges et d’interaction entre les individus. Chaque réunion de
groupe, d’une durée d’une heure en moyenne, a été animée par l’un des chercheurs en suivant un guide
d’entretien (en annexe). D’une part l’animateur a invité chaque individu à décrire son expérience et
donner sa perception du magasin connecté. D’autre part, l’animateur a permis et favorisé les interactions
entre individus. Les vidéos enregistrées ont été visionnées de multiples fois par deux chercheurs, dans
une première phase d’appropriation du contenu par une lecture flottante (Baribeau, 2009). Les discours
ont été intégralement transcrits et analysés thématiquement autour de deux champs d’intérêt : (1) les
fonctions des dispositifs expérientiels synthétisés dans le tableau 1, sur la base des travaux de Beck et
Crié (2015) et de Feenstra et Glérant-Glikson (2017) et (2) la perception de l’expérience portant plus
particulièrement sur les dimensions proposées par Roederer (2012) de même que sur ses phases (Arnould
et al., 2002) et ses caractéristiques (Carù et Cova, 2003, 2006a, 2006b). Un double codage a été réalisé
afin d’améliorer la fiabilité de l’analyse. Les résultats ont été par la suite confrontés pour arriver à un
consensus sur le codage de l’ensemble des verbatim.
sort et rassure : « … ils expliquent bien ce couleur et quelle taille sont disponibles ».
qu’ils font… et tu ressens l’univers ».
Fonction hédonique (réhumaniser/
Fonction utilitaire (recommander) collaborer)
Ces dispositifs permettent de proposer des Ces dispositifs prennent le rôle d’un assistant
produits en adéquation avec les attentes et les personnel pour réhumaniser l’expérience et la
intentions d’usage et de suggérer des associa- rendre ainsi plus agréable.
tions d’achat en fonction du profil du client.
Écran dans la cabine connectée. L’écran
Caméra à reconnaissance faciale. Cette ca- prend le rôle de vendeur-conseil : « je trouve
méra a été installée dans l’entrée du magasin. que ça fait beaucoup plus personnalisé, j’ai
Les résultats affichés sur un écran attirent l’impression que l’on est pris en charge par
l’attention, éveillent fortement la curiosité. l’écran et je trouve que ça donne l’impres-
Les visiteurs sont informés de l’objectif prin- sion que l’on existe, que nos choix sont pris
cipal de cette caméra : aider les clients dans en considération et que l’écran s’adapte à ce
la sélection de produits en adéquation avec que l’on a choisi... plutôt que d’essayer de
certaines caractéristiques du consommateur nous vendre quelque chose sans savoir ce
(l’âge, le genre, le port de lunettes, etc.), que l’on veut vraiment ».
toutes estimées à partir de la technologie de
reconnaissance faciale. Ce dispositif crée de Fonction hédonique (attirer/séduire)
la polémique et divise les consommateurs.
L’atmosphère du magasin. Le magasin pro-
Quelques participants ont réagi de façon po-
pose une ambiance montagnarde (murs en
sitive face à cette innovation. L’enthousiasme
sapin, vieux skis, panneaux de signalisation
va jusqu’à se projeter dans un futur techno-
des pistes, sièges de remontées mécaniques,
logique car pour détecter la morphologie il
etc.), qui correspond bien à l’univers de la
faut d’autres techniques plus avancées (body
marque. Les visiteurs ont apprécié cette
scanning) non implémentées dans notre labo-
décoration et cette ambiance attrayante qui
ratoire : « elle pourrait directement détecter
favorisent l’immersion dans le monde de « la
la taille et ainsi permettre d’essayer virtuel-
glisse ». « Le décor est sympa et puis il donne
lement des vêtements ». À l’inverse, d’autres
un côté écologique ».
participants se révèlent sceptiques face à ce
dispositif, perçu comme intrusif : « Je n’ai Cabine connectée. Elle propose une
pas trop aimé qu’à l’entrée du magasin on expérience inédite, surprenante et ludique
puisse se faire détecter par une caméra ». pour le consommateur. Elle offre un aspect
Concernant ce dispositif, des considéra- multi-sensoriel au travers des musiques et
tions juridiques et éthiques sont à prendre en des couleurs personnalisées en fonction
compte dans le cadre de la phygitalisation. du produit choisi : « Le côté personnalisé
54 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018
avec les différentes lumières, couleurs, c’est À la suite de cette analyse nous observons
vraiment sympa ». que certains dispositifs remplissent diverses
fonctions. Par ailleurs, les résultats confir-
Fonction hédonique (susciter l’envie) ment que le cadre théorique proposé dans le
tableau 1, peut être aussi appliqué aux dis-
Cette fonction concerne particulièrement
positifs physiques (par exemple, le décor du
l’envie d’acheter.
magasin ou le coin de démonstration de la
Coin-Télévision. C’est un espace de prépara- valeur éco-responsable de la marque).
tion à la visite situé à l’entrée en magasin. Pour
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Concernant des points particuliers du par- « le produit consommé » (le service de distri-
cours, l’atmosphère de la cabine d’essayage bution dans le magasin), et avec les disposi-
procure beaucoup de plaisir : « La cabine était tifs du contexte expérientiel. D’autre part, les
très cosy, il y avait de l’espace, c’était chaleu- interactions sociales avec d’autres personnes
reux. C’est vrai que quand tu dois te désha- présentes dans le lieu pendant l’expérience.
biller dans les magasins ce n’est pas toujours
super agréable, alors que là au contraire… Concernant le premier point, le pouvoir capti-
on se sent chez soi ». Ce constat illustre le vant des écrans a été relevé : « j’ai regardé la
concept d’appropriation de l’espace et en par- vidéo et cela attirait mon regard et du coup
j’étais occupé » ; « j’étais vraiment absorbé
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D’une façon plus globale, le contexte du réalité augmentée en même temps qu’on
magasin favorise fortement la rencontre entre essaie le produit choisi). Il s’agit d’une pro-
le consommateur et la marque. Les vidéos jection dans l’expérience de consommation
diffusées sur les écrans à l’entrée permettent proprement dite (jouissance du produit) :
de « sympathiser avec les dirigeants de la « ... et de voir sur l’écran un mannequin qui
marque qui se montrent en utilisateurs des porte notre vêtement, tu as juste envie de
produits qu’ils ont imaginés et conçus » l’essayer ! ». Il est également possible de pro-
(voir paragraphe Coin-télévision). Aussi « le voquer une expérience par procuration, avec
fait d’apprendre à connaître la marque, on un accès à l’avis des autres consommateurs
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adhère à cette marque et à son concept et par l’affichage du nombre de likes (Facebook)
c’est ça que j’ai trouvé intéressant ». Le côté dans la cabine d’essayage. Par ailleurs, lors
éco-responsable de la marque est très appré- des entretiens, l’expérience de souvenir est
cié par les visiteurs : « enfin c’est transparent déjà mobilisée par les visiteurs qui n’hésitent
sur la façon dont ils produisent ». Il s’agit ici pas à vouloir partager leur vécu : « Allez-y
du présentoir (physique) où on découvre les c’est une nouveauté, c’est une expérience, il
phases de transformation des matières. faut au moins tester une fois ».
écrans avec les mannequins se substituent à observée. La marque présente son histoire à
leur image réelle. Ces ruptures présumées travers différents dispositifs expliquant son
n’ont aucunement été évoquées. Nous souli- mode de fonctionnement et ses valeurs : « Le
gnons le pouvoir d’immersion de la cabine fait que cela soit interactif, avec les écrans
souvent évoqué par les participants « surtout et les vidéos, ça met tout de suite dans l’am-
dans la cabine, quand on rentre dedans cela biance du magasin, et on a envie de vivre
fait une petite bulle » permettant de se dé- une expérience, on entre dans le monde
connecter de tout ce qui n’est pas en lien avec Picture ». Par ailleurs, le côté ludique du
l’expérience qu’ils sont en train de vivre, et magasin peut faire perdre l’objectif principal
évoquant aussi une part de rêve. d’achat : les consommateurs viendraient uni-
quement pour tenter l’expérience proposée
Un autre élément pouvant créer des ruptures dans le magasin ou pour tester la cabine sans
dans l’expérience peut être la déception créée rien acheter. Dans ce cas, on se situerait dans
par certains dispositifs. Par exemple, à l’una- une expérience de consommation du service
nimité, les visiteurs considèrent les tablettes de distribution, en mode butinage (Lombart,
connectées comme embarrassantes : « On 2004) – visite du magasin avec un objectif
n’a pas forcément envie d’avoir une tablette, récréationnel – sans déclencher concrètement
on est déjà encombré avec nos articles », ou les étapes d’anticipation et de choix de pro-
encore : « tout ce qui est casque de réalité duits.
virtuelle, je pense que c’est un peu compli-
qué de s’imaginer (dans l’action), car par
exemple il y a toutes les sensations au niveau
Conclusion
du sol qui ne sont pas identiques, et je ne Cet article contribue à combler le manque de
vois pas comment le mettre en place ». Le travaux sur l’analyse de l’expérience vécue en
consommateur exprime alors une certaine magasin (Antéblian et al., 2013) et en par-
déception concernant la technologie qui ne ticulier, sur l’expérience de shopping dans
lui permet pas de s’immerger dans l’expé- un environnement à la fois réel et virtuel
rience proposée. La présence de nombreux (Collin-Lachaud et Vanheems, 2016).
dispositifs technologiques rend nécessaire
l’accompagnement du consommateur pour Concernant les apports théoriques, les résul-
une utilisation optimale des objets interactifs. tats montrent que l’expérience de shopping
(consommation du service de distribution) et
Globalement, les dispositifs du contexte l’expérience du (ou des) produit(s) proposé(s)
expérientiel contribuent par leurs fonctions en magasin peuvent avoir lieu d’une façon
utilitaires aux dimensions rhétoriques et simultanée, comme illustré dans la figure 1.
temporelles. La dimension praxéologique L’expérience du consommateur est enrichie
est développée en partie par l’interaction du grâce au contexte expérientiel agrémenté
consommateur avec ces dispositifs. Les fonc- de dispositifs digitaux et physiques, et ces
tions hédoniques nourrissent directement la dispositifs contribuent à nourrir les quatre
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dimensions de l’expérience. Par ailleurs, l’ex- de ces contraintes et procure ainsi un réel
périence du consommateur ne présente pas apport méthodologique.
de sauts ou d’interruptions lors du passage
Sur le plan managérial, cet article dégage des
du virtuel au réel ou vice versa, confirmant
recommandations très pertinentes pour le dé-
les résultats obtenus par Collin-Lachaud
cideur en entreprise. Il est très important de
et Vanheems (2016). Il est donc possible
travailler l’atmosphère du lieu dans sa globa-
d’envisager l’expérience d’une façon conti-
lité afin de faire « oublier » la virtualité des
nue « sans couture » : le passage de l’un à
technologies et d’atteindre une phygitalisation
l’autre étant de plus en plus fluide et rapide.
harmonieuse et efficace. Dans le cas d’une
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