Vous êtes sur la page 1sur 17

See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.

net/publication/328001538

Explorer l’expérience de shopping dans un magasin phygital

Article  in  Décisions marketing · October 2018


DOI: 10.7193/DM.091.45.60

CITATION READS

1 1,754

3 authors, including:

Marianela Fornerino
Grenoble École de Management
22 PUBLICATIONS   321 CITATIONS   

SEE PROFILE

All content following this page was uploaded by Marianela Fornerino on 07 October 2019.

The user has requested enhancement of the downloaded file.


Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018, 45-60

Explorer l’expérience de shopping


dans un magasin phygital
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

Christian Rivet, Julie Reghem et Marianela Fornerino


Grenoble Ecole de Management

Résumé
Cette étude présente une première exploration de l’expérience de shopping dans un magasin phygital. L’objectif
est d’identifier les fonctions des dispositifs numériques et physiques et leur impact sur les dimensions et carac-
téristiques de l’expérience. L’étude s’est déroulée dans un magasin-laboratoire simulant le magasin du futur. À
partir de plusieurs focus groups, les résultats montrent que l’expérience de shopping comporte la phase d’anti-
cipation et de choix des produits proposés dans le magasin et la phase de consommation proprement dite du
service de distribution. Les dispositifs digitaux, physiques et phygitaux contribuent par leurs fonctions aux quatre
dimensions de l’expérience de consommation identifiées dans la littérature. Les résultats montrent également que
l’expérience se déroule d’une façon continue : le passage du digital au physique, ou du physique au digital, est
fluide et rapide à tel point que les participants ont évoqué parfois une confusion entre le virtuel et le réel.
Mots-clés : phygitalisation, magasin-laboratoire, expérience de shopping, technologies digitales.

Abstract
Exploring the shopping experience in a phygital store
This study presents a first exploration of the shopping experience in a phygital store. The objective is to identify
the functions of digital and physical devices and their impact on the dimensions and characteristics of the expe-
rience.The study was done in a futuristic lab-store especially designed to merge the physical and digital environ-
ments. Using several focus groups, results show that the shopping experience includes the phase of anticipation
and choice of the products offered in the store and the actual consumption phase of the distribution service.
Digital, physical and phygital devices contribute by their functions to the four dimensions of the consumption
experience identified in the literature. The results show also that the experience unfolds continuously: the transi-
tion from digital to physical or physical to digital is fast and fluid, to the point that participants sometimes find it
difficult to differentiate between real and virtual.
Keywords: phygitalization, lab-store, shopping experience, digital technologies.

Pour contacter les auteurs : christian.rivet@grenoble-em.com ; julie.reghem@gmail.com et


marianela.fornerino@grenoble-em.com

DOI : 10.7193/DM.091.45.60 – URL : http ://dx.doi.org/10.7193/DM.091.45.60


Rivet C., Reghem J. et Fornerino M. (2018), Explorer l’expérience de shopping dans un magasin phygital, Déci-
sions Marketing, 91, 45-60.
46 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

L’émergence des smartphones au cours des gie qui permet à l’entreprise de proposer aux
années 2010 a bouleversé le comportement consommateurs une utilisation des différents
du consommateur en magasin (Rigby, 2011). canaux de manière constante, simultanée et
En utilisant son mobile, le consommateur interchangeable, afin de faciliter et d’optimi-
complexifie davantage son parcours et se ser son expérience globale.
trouve doté d’une sorte d’ubiquité. Il peut
par exemple être dans un magasin et simul- L’actualité des acteurs de la distribution
tanément comparer le prix d’un produit avec illustre la mutation du secteur. Les Galeries
ceux proposés dans d’autres enseignes. De Lafayette rachètent la Redoute « faisant
la même manière, il peut instantanément d’internet une priorité »2 et dans la même
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

prendre connaissance des avis sur un produit, veine Monoprix rachète Sarenza3, alors
visionner une vidéo, et recevoir une promo- qu’Amazon ouvre des magasins physiques4
tion d’un point de vente B en étant en face du et rachète Whole Foods5. Le physique
vendeur dans le point de vente A. Toutefois, et le digital ne font plus qu’un, donnant
une enquête1 montre que 40 % des consom- naissance au phygital, un néologisme issu
mateurs interrogés trouvent que les achats de la contraction du mot physique et du mot
en magasin représentent une corvée et 32 % digital. Ainsi, un magasin phygital offre la
préfèreraient à la place faire la vaisselle ! possibilité de vivre une expérience à la fois
Ces consommateurs trouvent décevantes les réelle6 – par l’interaction avec des dispositifs
possibilités offertes en magasin par rapport et contenus physiques – et virtuelle par
à celles proposées sur les sites on-line. Par l’interaction avec des dispositifs et contenus
ailleurs, Vanheems (2013) montre qu’après digitaux. Il offre également une expérience
une navigation sur Internet, les consomma- mixte (Encadré 1) optimale où les frontières
teurs sont plus exigeants en magasin (besoin entre les deux modes deviennent floues.
d’accès rapide aux produits, organisation des Par exemple, le Club Med a équipé certaines
rayons à l’image de l’organisation on-line, de ses agences de casques permettant de vivre
disponibilité, etc.) et peuvent devenir facile- une expérience d’anticipation (Arnould et al.,
ment insatisfaits. 2002) du voyage, pour découvrir les lieux
Désormais connectés en permanence, les et les services avant l’achat. Poursuivant le
consommateurs ne se retrouvent plus dans même objectif, le voyagiste TUI réorganise
un magasin classique. Les magasins de de- ses agences pour en faire des salons connec-
main devront accompagner le consommateur tés proposant écrans immenses et tables di-
dans son parcours en répondant en perma- gitales. Il est alors question de web-in-store
nence à ses sollicitations. Ainsi, les canaux désignant la stratégie commerciale d’intro-
se multiplient et une gestion intégrée de ces duction des dispositifs numériques dans le
canaux (distribution et communication), point de vente physique. Dans le domaine
devient incontournable : c’est l’approche des musées, Jarrier (2012) analyse l’impact
stratégie omnicanal (Ailawadi et Farris, d’un dispositif de réalité augmentée sur l’ex-
2017). Le lien entre les différents canaux périence de la visite. Ses résultats montrent,
doit répondre à une démarche de cohérence,
2/  Le Monde, le 31/08/2017.
convergence, synchronisation et intégration 3/  LSA, le 28/02/2018.
(Vanheems, 2009). Avec une vision centrée 4/  LSA, le 07/02/2017.
sur le consommateur, Verhoef et al. (2015) 5/  La Tribune, le 29/08/2017.
6/  Dans cet article, nous retenons le mot « digi-
définissent l’omnicanal comme une straté- tal » pour désigner des techniques ou dispositifs
« numériques ». Un ensemble de dispositifs digitaux
1/  Cap Gemini, novembre 2016 auprès de 6 000 constitue un environnement virtuel. À l’opposé, un
consommateurs des USA, de la Chine et de 7 pays environnement réel est constitué de dispositifs phy-
d’Europe (dont la France). siques.
Magasins physiques et virtuels – 47

Encadré 1 : Environnement réel, virtuel ou mixte


Milgram et Kishimo (1994) envisagent un continuum entre un environnement réel et un environne-
ment virtuel. Ils proposent ainsi de passer d’un environnement « totalement » réel (magasin physique
classique) à une réalité augmentée par l’ajout d’éléments digitaux (par exemple : un magasin physique
comportant des bornes numériques interactives) ou à l’inverse d’agrémenter un environnement « tota-
lement » virtuel (site internet de vente) par l’ajout d’éléments physiques pour passer à une virtualité
augmentée (des exemples de cet environnement sont encore rares dans la grande consommation mais ils
commencent à être exploités avec l’utilisation des imprimantes 3D). Le schéma suivant, adapté de celui
proposé par Milgram et Kishimo (1994), illustre ces propos :
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

d’une part, un enrichissement des dimensions L’approche expérientielle


de l’expérience (Roederer, 2012), et d’autre
part sur le plan managérial, les possibilités La revue de la littérature est divisée en deux
offertes par l’adaptation des contenus aux parties. La première aborde la notion de l’ex-
différentes cibles. périence de consommation, sa définition, ses
dimensions, ses étapes et ses caractéristiques.
La présente étude s’inscrit dans le prolon- La deuxième partie traite du contexte expé-
gement des travaux de Beck et Crié (2015) rientiel, et analyse les éléments physiques et
et de Feenstra et Glérant-Glikson (2017) qui digitaux.
explorent la valeur perçue par les consom-
mateurs des aides interactives à la décision L’expérience de consommation
d’achat pouvant être utilisées dans un point de
vente. Par ailleurs, l’étude répond à l’absence Collin-Lachaud et Vanheems (2016) ont réa-
de travaux sur le shopping dans un espace lisé une synthèse de l’approche expérientielle
à la fois réel et virtuel, constaté par Collin- et identifié les éléments fondamentaux pour
Lachaud et Vanheems (2016). L’objectif de l’analyse de l’expérience cross-canal mêlant
cette étude est donc de réaliser une première physique et digital. Le cadre de notre étude
exploration des perceptions des consomma- menée sur l’expérience du shopping dans un
teurs à l’égard de leur expérience de shopping magasin phygital est proche du contexte uti-
dans un magasin phygital et dans un contexte lisé par ces auteurs. À partir de leurs travaux
omnicanal. L’étude porte essentiellement sur nous retenons les éléments suivants :
l’interaction du consommateur avec les dispo- a. Définition retenue de l’expérience de
sitifs physiques et digitaux du magasin et leur consommation en raison de sa précision :
impact sur l’expérience de consommation, « l’expérience de consommation naît
ses différentes phases, dimensions et caracté- d’un contexte expérientiel constitué d’un
ristiques. Dans les sections suivantes un point ensemble de stimuli et se traduit par un
est fait sur la littérature traitant de l’approche ensemble d’interactions entre l’individu et
expérientielle (expérience de consommation le produit consommé » (Roederer, 2008,
et contexte expérientiel). Ensuite la méthodo- p. 101). Dans le travail de Collin-Lachaud
logie et les résultats de l’étude sont présentés. et Vanheems (2016) le produit consommé
Enfin la conclusion souligne les principaux correspond à « l’enseigne étendue » qui
apports et limites de ce travail. utilise plusieurs canaux.
48 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

b. L’expérience de consommation (Roederer, Le contexte digital en général, et les réseaux


2012) comporte les quatre dimensions sui- sociaux en particulier, permettent de par-
vantes : hédonico-sensorielle (plaisir/dé- tager les différentes phases de l’expérience
plaisir), praxéologique (interactions avec de consommation et de disposer ainsi de
l’objet consommé et/ou les autres per- ces informations à tout moment sur le vécu
sonnes présentes pendant l’expérience), d’autres consommateurs. En effet, l’approche
rhétorique (valeur symbolique d’un élé- d’Arnould et al. (2002) envisage ces étapes
ment du contexte ou sens plus global de comme séquentielles, individuelles et peu
l’histoire que raconte l’expérience) et tem- partagées. Désormais avec le digital, le
porelle (rapport au temps).
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

partage est généreux et peut prendre deux


c. L’expérience de consommation comporte formes : une forme active (volontaire) où le
quatre phases (Arnould et al., 2002) : consommateur laisse des commentaires, des
a) l’expérience d’anticipation qui consiste évaluations, des photos ou des vidéos et une
à rechercher, rêver, budgéter ou fantas- forme passive lorsqu’il utilise, par exemple,
mer ; b) l’expérience d’achat qui relève une application routière qui transmet invo-
du choix, du paiement, de la rencontre de lontairement son positionnement GPS et son
service ou de l’ambiance du lieu de vente ; déplacement.
c) l’expérience de consommation propre-
ment dite qui correspond à l’usage et la Le contexte expérientiel
jouissance d’un produit ou d’un service ;
d) l’expérience de souvenir qui permet de Selon l’approche expérientielle, le rôle de
revivre l’expérience à partir de récits ou de l’entreprise est d’aider le consommateur à
classements et de la partager avec d’autres. produire son expérience par un contexte
Lorsqu’il s’agit de la consommation d’un expérientiel favorable. Le contexte expérien-
service de distribution, ces phases se com- tiel est défini comme « un assemblage de
binent avec la consommation d’un ou des stimulus (produits) et de stimuli (environ-
produit(s). Nous illustrons cette approche nement, activités) propre à faire advenir une
dans la figure 1. Ainsi, lors de la phase de expérience » (Carù et Cova, 2006b, p. 44).
consommation proprement dite du service Le but ultime est d’accéder à une expérience
de distribution, les phases d’anticipation et optimale (flow), où les compétences requises
d’achat du produit peuvent avoir lieu. sont en accord avec les enjeux que le consom-

Figure 1 : Les phases de l’expérience de consommation d’un service de distribution et d’un produit
(d’après Arnould et al., 2002)
Magasins physiques et virtuels – 49

mateur se fixe lui-même (Csikszentmihalyi, (2002) signale que le magasin est un décor
1997). Cet auteur défini l’expérience opti- dans lequel un scénario est proposé, donnant
male comme un moment exceptionnel pen- sens à ce qu’il appelle la théâtralisation du
dant lequel « ce que nous sentons, ce que lieu par la mise en scène des différents élé-
nous souhaitons et ce que nous pensons sont ments y compris les produits exposés. Ainsi,
en totale harmonie » (p. 29). Carù et Cova nous allons nous intéresser au résultat global
(2003) se sont intéressés à l’immersion du provoqué par les différents stimuli, à la fois
consommateur dans un contexte expérien- physiques et digitaux, impliquant plusieurs
tiel. L’immersion fait appel à l’annulation sens à la fois, et non pas à l’impact isolé d’un
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

de la distance entre le consommateur et le stimulus sensoriel.


contexte expérientiel permettant l’accès à
une expérience optimale. L’appropriation des Le rôle des technologies digitales dans
lieux est un ensemble d’opérations qui per- l’expérience de shopping
met au consommateur de créer un chez soi Les nouvelles aides à la vente et à l’achat
(physique, mental, affectif…) à partir des (NAVA) se sont fortement développées ces
éléments du contexte expérientiel. Il s’agit dernières années. Les objectifs poursuivis
d’un antécédent de l’accès à une expérience par les NAVA peuvent être classés selon deux
optimale, en état d’immersion (Carù et Cova, axes : faciliter le choix et enrichir l’expé-
2003). Par la suite, le rôle des stimuli phy- rience client (Beck et Crié, 2015). Ils peuvent
siques et digitaux seront présentés. être atteints via des techniques et/ou des sup-
ports présentant certaines caractéristiques
Le rôle des stimuli physiques en magasin : propres (degré d’interactivité, dématérialisés,
l’atmosphère ubiquitaires, collaboratifs), en considérant
Kotler (1973) a défini le concept d’atmosphère que l’interactivité est la caractéristique com-
du point de vente comme le design conçu mune à toutes les NAVA. Face à leur grande
spécialement pour créer un effet émotionnel diversité et à leur évolution constante, Beck
positif sur le client susceptible d’augmenter et Crié (2015) proposent une taxinomie repo-
son intention d’achat. Il s’agit d’un concept sant sur leur fonction. Deux catégories sont
précurseur de l’approche expérientielle, ap- identifiées avec chacune des sous-catégo-
ries : 1) Fonctions utilitaires (informer/ras-
pelant à agrémenter l’expérience utilitaire
surer et faciliter le paiement) ; 2) Fonctions
du consommateur d’une composante hédo-
hédoniques (réhumaniser/collaborer, attirer/
nique. En effet, les espaces de shopping sont
séduire et susciter l’envie).
devenus des espaces de divertissement, ce
qui correspond à une stratégie de la distribu- Dans des travaux plus récents sur la phygi-
tion (Arnold et Reynolds, 2003). Les travaux talisation, Feenstra et Glérant-Glikson (2017)
sur l’impact des facteurs d’atmosphère sur le analysent les SSIT (Self-Service Information
comportement du consommateur sont abon- Technologies) en se concentrant sur des
dants et relèvent de ce qu’on appelle le mar- technologies interactives d’aide à la décision
keting sensoriel (voir Krishna, 2012 pour une permettant au consommateur de produire un
revue de la littérature). Cet auteur constate service en toute autonomie, sans l’interven-
aussi le manque de littérature concernant tion du vendeur. À l’instar de Beck et Crié
les effets interactifs de différents types de (2015), Feenstra et Glérant-Glikson (2017)
stimuli en suivant une approche holistique. proposent également une catégorisation des
De même, Carù et Cova (2006a) appellent à SSIT selon la fonction. Quatre dimensions
porter une attention particulière à la stimu- sont identifiées : 1) assister : aider le consom-
lation plurisensorielle du décor. Concernant mateur dans sa recherche d’informations ;
l’expérience en magasin en particulier, Filser 2) éduquer : par exemple, expliquer aux
50 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

Tableau 1 : Proposition de classification des technologies digitales, selon leurs fonctions, en
intégrant les travaux de Beck et Crié (2015) et Feenstra et Glérant-Glikson (2017)

Fonctions utilitaires Fonctions hédoniques

Assister Réhumaniser/collaborer
Eduquer Attirer/séduire
Conforter Susciter l’envie
Recommander
Faciliter le paiement
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

consommateurs comment utiliser les pro- de demain. La démarche s’inspire des théo-
duits ou encore quels sont leurs bénéfices ries du comportement du consommateur et
attendus ; 3) conforter : rassurer les clients prend en compte le processus décisionnel, le
dans leurs décisions à travers des opinions traitement de l’information et les variables
d’experts ou des avis de consommateurs ; d’influence (situationnelle, personnelle, etc).
4) recommander: conseiller le client en pro- La première entreprise partenaire de ce pro-
posant des produits qui correspondent le jet est une marque de sports de glisse, Picture
mieux à leurs profils et à leurs attentes. Cette Organic Clothing (Picture) qui nous a fourni
proposition enrichit la sous-dimension « in- 250 vêtements (Encadré 2).
former/rassurer » de la fonction utilitaire des
NAVA (Beck et Crié, 2015). Néanmoins, la Afin de rester dans une ambiance « glisse/
fonction hédonique, qui est pourtant majeure montagne », la décoration du magasin-la-
dans l’approche expérientielle n’est pas trai- boratoire est très nature (bois, skis anciens,
tée. Le tableau 1 propose une synthèse à par- panneaux de piste, etc.). Ce choix d’un en-
tir de ces deux approches complémentaires. vironnement physique très soigné vise à ne
Il serait également intéressant d’explorer la pas déséquilibrer le contexte de l’étude (réel
pertinence de cette typologie des fonctions et virtuel). L’univers de la montagne en hi-
aux dispositifs physiques. ver a été retenu, de préférence à celle de la
glisse d’été (le deuxième univers de Picture),
pour sa correspondance avec la période de la
Expérience de shopping dans réalisation de l’étude (entre janvier et mars,
le magasin phygital période de ski). Ce choix permet de mettre en
L’objectif de cette étude est de réaliser une adéquation la collection hiver 2017, le loisir
première exploration de l’expérience de saisonnier favori des étudiants et la situation
shopping dans un magasin phygital. Il pro- géographique du magasin-laboratoire (les
pose d’identifier les fonctions des dispositifs Alpes).
numériques et physiques et leur impact sur
Plusieurs technologies digitales sont dé-
les dimensions et caractéristiques de l’expé-
ployées dans le magasin-laboratoire. Dans
rience. L’étude se déroule dans un maga-
une première zone, qui constitue un lieu
sin-laboratoire7 créé dans le but d’analyser
d’accueil des consommateurs, des écrans
l’impact d’un environnement phygital sur le
connectés proposent divers contenus (vidéos
comportement du consommateur. Ce labo-
de la marque Picture et de la concurrence,
ratoire permet de simuler les étapes d’une
images immersives de skieurs en action) et
vente ultra-connectée. Il est donc possible
une vitrine connectée (écran tactile) per-
d’appréhender les évolutions du commerce
mettant de rechercher des informations sur
7/  Projet de Grenoble Ecole de Management co- les produits de la marque. Une seconde zone
financé IRT Nanoelec. propose les gammes de Picture. Divers dis-
Magasins physiques et virtuels – 51

Encadré 2 : Marque Picture


Picture est une marque de vêtements de glisse (ski et eau), créée et développée par trois jeunes épris
d’écologie, aux profils complémentaires (marketing, architecture, finance). Fondée en 2009, elle propose
des vêtements de glisse innovants et respectant l’environnement. Picture a été primée pour ses innova-
tions, comme le premier sac à dos ré-utilisable pour une seconde vie : à l’aide d’une simple paire de
ciseaux et en suivant les marquages, vous obtenez de nouveaux articles comme une trousse de toilette,
deux trousses simples ou encore une housse d’ordinateur. Pour Picture la seconde vie d’un produit est
anticipée dès sa conception. C’est également un pas supplémentaire vers l’éducation et la sensibilisation
des consommateurs. L’entreprise intensifie son développement à l’étranger, avec une pénétration priori-
taire des marchés américain et japonais.
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

Son cœur de cible (les 18-30 ans passionnés de glisse : ski, snowboard, surf) correspond aux étudiants
qui ont participé à l’expérience.

positifs sont en place dans cette zone : de la tions  : réhumaniser / collaborer, attirer / sé-


lumière connectée permettant de déclencher duire, susciter l’envie.
dans une focale (zone de lumière) un contenu
Cette approche développée à partir de l’ana-
vidéo sur une tablette ; un casque permet-
lyse de dispositifs digitaux, a été étendue
tant de s’immerger dans une expérience de
également aux dispositifs physiques.
ski grâce à une « vidéo 360° » ; des cabines
d’essayage avec détection RFID (Radio
Frequency IDentification) pour le déclen- Fonction utilitaire (assister)
chement de différents types de stimuli senso- Il s’agit de dispositifs permettant d’offrir une
riels (lumière colorée, musique) et l’affichage aide à la recherche d’information.
des caractéristiques du produit choisi sur un
écran digital ; au mur dans la cabine nous Écran-Catalogue. À l’entrée du magasin, un
avons un compteur de likes Facebook et enfin écran tactile donne accès aux produits de la
une caisse automatique (RFID). marque. Il s’agit du catalogue Picture dispo-
nible en ligne. Ce dispositif est perçu comme
Cette première étude s’inscrit dans un projet ayant une réelle utilité : « On trouvait tous les
de recherche à long terme sur l’exploration aspects techniques des vêtements, les diffé-
et l’analyse de l’expérience du consomma- rentes tailles disponibles … on avait le choix.
teur immergé dans ce magasin-laboratoire On était en pleine connaissance de cause
phygital. La méthodologie est basée sur une concernant le produit ». Il est aussi possible
approche qualitative décrite dans l’encadré 3. d’affiner la sélection, ou de revenir après avoir
vu les produits en magasin. Alterner l’obser-
vation virtuelle et l’observation réelle des pro-
Fonctions perçues des dispositifs duits permet de tirer parti de chaque moda-
du contexte expérientiel lité : « j’ai trouvé aussi intéressant d’avoir
accès au site internet dans le magasin ».
À partir de l’analyse thématique, les fonctions
des dispositifs (Tableau 1) ont été identifiées. Écran dans la cabine connectée. À l’entrée
Premièrement, la fonction utilitaire est orga- de la cabine, le produit choisi pour essayage
nisée en quatre sous-fonctions : assister, édu- est identifié à partir de l’étiquette RFID et
quer, conforter, recommander. Le paiement permet d’afficher sur l’écran la fiche produit
n’étant pas implémenté dans cette étude, la (caractéristiques, avantages, etc.) : « Moi je
fonction d’aide au paiement n’émerge donc trouve ça assez cool que l’on puisse avoir
pas dans l’analyse. Deuxièmement, la fonc- toutes les informations du produit en un ins-
tion hédonique comporte trois sous-fonc- tant ».
52 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

Encadré 3 : Méthodologie de recherche


Cette recherche utilise des méthodes qualitatives fondées sur des entretiens avec des groupes de consom-
mateurs afin d’explorer ou de comprendre les attitudes et les comportements, selon les besoins de la
recherche. Au total 80 personnes, étudiants en école de commerce, ont participé à cette étude. Ils ont
reçu une invitation à découvrir en avant-première un magasin-laboratoire, simulant le magasin du futur.
8 groupes de 10 personnes ont été constitués pour une participation organisée en deux phases. Dans la
première, de 30 minutes, les participants ont visité le magasin phygital. Un des chercheurs expliquait
l’objectif de la visite (vivre une expérience de shopping dans un espace physique et digital dédié à la
marque Picture, en interaction avec les dispositifs proposés) et accompagnait la visite tout en répondant
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

aux éventuelles questions. À la fin de la visite, chaque participant devait choisir un produit (vêtement)
parmi les produits exposés. Avec ce vêtement, il devait rentrer dans la cabine d’essayage. Les participants
n’étaient donc pas en situation d’achat à proprement parler, mais ils ont été mis en situation de shopping
allant jusqu’au choix et essayage d’un vêtement. Dans la seconde phase, les individus étaient conduits
dans une salle de réunion (équipée de caméras) pour réaliser un focus group. L’entretien de groupe a été
choisi pour favoriser une dynamique d’échanges et d’interaction entre les individus. Chaque réunion de
groupe, d’une durée d’une heure en moyenne, a été animée par l’un des chercheurs en suivant un guide
d’entretien (en annexe). D’une part l’animateur a invité chaque individu à décrire son expérience et
donner sa perception du magasin connecté. D’autre part, l’animateur a permis et favorisé les interactions
entre individus. Les vidéos enregistrées ont été visionnées de multiples fois par deux chercheurs, dans
une première phase d’appropriation du contenu par une lecture flottante (Baribeau, 2009). Les discours
ont été intégralement transcrits et analysés thématiquement autour de deux champs d’intérêt : (1) les
fonctions des dispositifs expérientiels synthétisés dans le tableau 1, sur la base des travaux de Beck et
Crié (2015) et de Feenstra et Glérant-Glikson (2017) et (2) la perception de l’expérience portant plus
particulièrement sur les dimensions proposées par Roederer (2012) de même que sur ses phases (Arnould
et al., 2002) et ses caractéristiques (Carù et Cova, 2003, 2006a, 2006b). Un double codage a été réalisé
afin d’améliorer la fiabilité de l’analyse. Les résultats ont été par la suite confrontés pour arriver à un
consensus sur le codage de l’ensemble des verbatim.

Fonction utilitaire (éduquer) Tablette activée par la lumière connectée.


Des tablettes sont mises à la disposition des
On considère ici les dispositifs aidant le
visiteurs et activées lorsque le consomma-
consommateur dans son choix et dans la
teur rentre dans un cône de lumière. Elles
construction de son parcours par la mise en
affichent des informations complémentaires
évidence des caractéristiques, utilisations et
sur des éléments physiques exposés. Par
bénéfices du produit.
exemple, à proximité d’un casque de ski, un
Coin de démonstration de la valeur éco- contenu sur sa fabrication et sur l’origine des
responsable de la marque. Des procédés matériaux (recyclage de tableaux de bord de
de fabrication et de recyclage sont illustrés voitures) est diffusé : « C’était transparent,
physiquement d’une façon pédagogique. Par on avait toutes les infos sur le produit. On
exemple, afin d’obtenir la compréhension et savait ce que l’on porterait sur nous ». Ce
l’adhésion à la valeur éco-responsable de la dispositif est une application de réalité aug-
marque, un présentoir permet de découvrir mentée (contexte réel agrémenté des conte-
les phases de transformation de la bouteille nus digitaux).
plastique en textile : « ... les bouteilles d’eau
avec la transformation de la matière, la Fonction utilitaire (conforter)
même chose pour les tissus... et j’ai trouvé Ces dispositifs fournissent des opinions d’ex-
cela très intéressant … pour montrer le posi- perts ou des avis d’autres consommateurs.
tionnement de la marque ». Ce côté éco-res-
ponsable de la marque est très apprécié par Compteur de Likes-Facebook. Lors de l’es-
les visiteurs. sai d’un vêtement dans la cabine connectée,
Magasins physiques et virtuels – 53

un affichage du nombre de likes (Facebook) Écran dans la cabine connectée : Il four-


apparaît : « C’est bête de dire ça mais si des nit une suggestion de choix complémentaires
gens me disent qu’ils trouvent ça beau, ça (taille, couleurs, accessoires, etc.) : « le plus
donne plus envie d’acheter… la validation intéressant est la cabine interactive, qui dé-
des autres, ça motive encore plus ». tecte les vêtements que l’on a choisis et qui
nous propose d’autres possibilités... il m’ar-
Tablette activée par la lumière connec- rive souvent d’essayer un vêtement et de me
tée. Lors de l’explication de la fabrication du dire mince c’est dommage qu’il ne soit pas
casque de ski, l’expertise des fabricants res- dans une autre couleur. Là on sait quelle
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

sort et rassure : «  … ils expliquent bien ce couleur et quelle taille sont disponibles ».
qu’ils font… et tu ressens l’univers ».
Fonction hédonique (réhumaniser/
Fonction utilitaire (recommander) collaborer)
Ces dispositifs permettent de proposer des Ces dispositifs prennent le rôle d’un assistant
produits en adéquation avec les attentes et les personnel pour réhumaniser l’expérience et la
intentions d’usage et de suggérer des associa- rendre ainsi plus agréable.
tions d’achat en fonction du profil du client.
Écran dans la cabine connectée. L’écran
Caméra à reconnaissance faciale. Cette ca- prend le rôle de vendeur-conseil : « je trouve
méra a été installée dans l’entrée du magasin. que ça fait beaucoup plus personnalisé, j’ai
Les résultats affichés sur un écran attirent l’impression que l’on est pris en charge par
l’attention, éveillent fortement la curiosité. l’écran et je trouve que ça donne l’impres-
Les visiteurs sont informés de l’objectif prin- sion que l’on existe, que nos choix sont pris
cipal de cette caméra : aider les clients dans en considération et que l’écran s’adapte à ce
la sélection de produits en adéquation avec que l’on a choisi... plutôt que d’essayer de
certaines caractéristiques du consommateur nous vendre quelque chose sans savoir ce
(l’âge, le genre, le port de lunettes, etc.), que l’on veut vraiment ».
toutes estimées à partir de la technologie de
reconnaissance faciale. Ce dispositif crée de Fonction hédonique (attirer/séduire)
la polémique et divise les consommateurs.
L’atmosphère du magasin. Le magasin pro-
Quelques participants ont réagi de façon po-
pose une ambiance montagnarde (murs en
sitive face à cette innovation. L’enthousiasme
sapin, vieux skis, panneaux de signalisation
va jusqu’à se projeter dans un futur techno-
des pistes, sièges de remontées mécaniques,
logique car pour détecter la morphologie il
etc.), qui correspond bien à l’univers de la
faut d’autres techniques plus avancées (body
marque. Les visiteurs ont apprécié cette
scanning) non implémentées dans notre labo-
décoration et cette ambiance attrayante qui
ratoire : « elle pourrait directement détecter
favorisent l’immersion dans le monde de « la
la taille et ainsi permettre d’essayer virtuel-
glisse ». « Le décor est sympa et puis il donne
lement des vêtements ». À l’inverse, d’autres
un côté écologique ».
participants se révèlent sceptiques face à ce
dispositif, perçu comme intrusif : « Je n’ai Cabine connectée. Elle propose une
pas trop aimé qu’à l’entrée du magasin on expérience inédite, surprenante et ludique
puisse se faire détecter par une caméra ». pour le consommateur. Elle offre un aspect
Concernant ce dispositif, des considéra- multi-sensoriel au travers des musiques et
tions juridiques et éthiques sont à prendre en des couleurs personnalisées en fonction
compte dans le cadre de la phygitalisation. du produit choisi : « Le côté personnalisé
54 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

avec les différentes lumières, couleurs, c’est À la suite de cette analyse nous observons
vraiment sympa ». que certains dispositifs remplissent diverses
fonctions. Par ailleurs, les résultats confir-
Fonction hédonique (susciter l’envie) ment que le cadre théorique proposé dans le
tableau 1, peut être aussi appliqué aux dis-
Cette fonction concerne particulièrement
positifs physiques (par exemple, le décor du
l’envie d’acheter.
magasin ou le coin de démonstration de la
Coin-Télévision. C’est un espace de prépara- valeur éco-responsable de la marque).
tion à la visite situé à l’entrée en magasin. Pour
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

certains, c’est une première rencontre avec la Perceptions de l’expérience


marque et pour d’autres, c’est un moyen d’ap- de consommation
profondir leur connaissance. L’écran projette
des vidéos de la marque où les dirigeants À partir de l’analyse thématique, les quatre
de l’entreprise se mettent en scène dans un dimensions de l’expérience de consomma-
contexte réel (ski en montagne). De beaux tion : hédonico-sensorielle, praxéologique,
paysages et de belles performances sont ainsi rhétorique et temporelle (Roederer, 2012) ont
montrés : « C’est une ambiance agréable été identifiées. Dans la dimension temporelle,
et relaxante qui rend attractifs l’entreprise les quatre phases de consommation ont été
et ses dirigeants ». Néanmoins les contenus abordées (Arnould et al., 2002). L’immersion
doivent être pertinents aux yeux des consom- dans l’expérience est analysée par la suite.
mateurs et il ne doit pas s’agir « d’une simple
diffusion en boucle d’images ». La dimension hédonico-sensorielle
Casque de réalité augmentée. C’est un Les fonctions hédoniques des dispositifs
objet qui permet de « vivre », d’une façon contribuent à enrichir cette dimension et cer-
immersive, un film 360° ou une création 3D. tains dispositifs sont particulièrement per-
Sa fonction première attendue comme hédo- tinents. Ainsi, pour les visiteurs l’ambiance
nique, par une mise en situation d’utilisation, globale du magasin, l’atmosphère au sens de
est censée donner l’envie d’acheter le produit. Kotler (1973), est cruciale : « Toute la décora-
Il semble, d’une façon général, que l’effet tion nous plonge vraiment dans l’ambiance.
escompté ne soit pas au rendez-vous : « Je ne C’était très calme avec une petite musique.
vois pas l’intérêt d’avoir le casque, de voir On était vraiment en immersion totale. Moi,
le paysage avec les habits, si tu n’as pas les j’ai trouvé que l’on était vraiment dedans ».
sensations » (froid, mouvement de sol, etc.). Ce constat est en phase avec Carù et Cova
(2006a) selon lesquels ce qui génère le plai-
Cabine connectée. Par ses caractéristiques
sir chez le consommateur c’est l’immersion
sensorielles la cabine suscite fortement l’en-
totale dans une expérience originale. Les dé-
vie d’acheter : « Les cabines, elles sont en
tails de décoration (panneaux, skis anciens,
bois, et la lumière qui s’adapte, ça pousse
etc.) ont été extrêmement appréciés : « Dans
vraiment à l’achat ».
la déco, il y a des pancartes avec des infor-
L’atmosphère du magasin, dans son en- mations de pistes, c’est génial, il y a aussi des
semble, semble inciter à l’achat : « … ça skis… et je pense qu’il faudrait que tous les
met dans l’ambiance, ça donne envie d’aller magasins soient comme ça ! ». L’atmosphère
skier, de voir des skieurs… donc cela incite à a été identifiée comme portant deux sous-
l’achat des produits … c’est ludique et sym- fonctions hédoniques « attirer/séduire » et
pa ». « susciter l’envie » d’acheter.
Magasins physiques et virtuels – 55

Concernant des points particuliers du par- « le produit consommé » (le service de distri-
cours, l’atmosphère de la cabine d’essayage bution dans le magasin), et avec les disposi-
procure beaucoup de plaisir : « La cabine était tifs du contexte expérientiel. D’autre part, les
très cosy, il y avait de l’espace, c’était chaleu- interactions sociales avec d’autres personnes
reux. C’est vrai que quand tu dois te désha- présentes dans le lieu pendant l’expérience.
biller dans les magasins ce n’est pas toujours
super agréable, alors que là au contraire… Concernant le premier point, le pouvoir capti-
on se sent chez soi ». Ce constat illustre le vant des écrans a été relevé : « j’ai regardé la
concept d’appropriation de l’espace et en par- vidéo et cela attirait mon regard et du coup
j’étais occupé » ; « j’étais vraiment absorbé
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

ticulier de l’appropriation du contexte où se


déroule l’expérience, condition nécessaire à par l’écran… ». Il est prudent de considérer
l’accès à l’immersion (Caru et Cova, 2003). que ces dispositifs ont un pouvoir « hypno-
En terme d’émotions suscitées, l’effet de sur- tique », susceptibles de perturber et de limiter
prise à l’entrée de la cabine est remarquable : l’interaction avec les dispositifs physiques.
«  Je ne savais pas ce qu’il allait se pas- Concernant, les interactions sociales, le coin-
ser... c’est la lumière rose, la musique... qui télévision peut favoriser le partage « … ça
m’ont surpris et que ce soit le même produit peut permettre aux gens qui entrent dans les
que j’avais choisi qui s’affiche sur l’écran... magasins (entre potes qui adhèrent au sport
j’avais l’impression de me voir sur l’écran » de glisse) de partager un moment et regarder
à la place du mannequin. Concernant les élé- les vidéos ». Si les interactions sociales dans
ments sensoriels, en particulier la lumière le magasin sont peu évoquées, en revanche,
colorée, certains consommateurs ont émis les visiteurs se projettent, lors des entretiens,
des réserves : « j’ai trouvé que c’était un peu dans une interaction à posteriori avec leurs
handicapant les lumières qui sont un peu amis : « la cabine, je pense que je vais en
tamisées parce qu’on aime bien voir la vraie parler à des amis dès ce soir », « si je vais
couleur (du vêtement) quand on l’essaye… dans un magasin comme ça je vais forcé-
C’est sympa comme ambiance mais finale- ment en parler à du monde ». Par ailleurs,
ment quand on essaye un article et que la l’absence des vendeurs a été soulignée : « Je
couleur peut être changée par la lumière, on ne sais pas si le fait d’avoir été tout seul sans
peut être surpris en sortant du magasin ». Ici, vendeur est un point positif ou négatif. J’ai
nous remarquons que l’objectif hédonique ne eu un peu l’impression que c’était la bou-
doit pas contrevenir à l’objectif utilitaire. tique 2.0 où personne ne contrôle le maga-
sin : on peut rentrer, allez sur le site par
Toutefois, il faudrait prendre garde à une nous-mêmes pour voir les produits. On peut
confusion qui peut émerger entre les images imaginer que la cabine est un ordinateur qui
digitales (écran) et physiquement reflétées nous conseille des produits sans interaction
(miroir) : « quand on se voyait dans la glace, avec un vendeur. Sachant qu’à la fin on paye
on voyait le mannequin qui portait le même aux caisses automatiques, c’est alors la fin
produit que nous … et du coup après je me du vendeur ! ».
suis dit quelqu’un qui se voit dans la glace
et … voit le mannequin… ça peut vraiment La dimension rhétorique
poser des problèmes et certaines personnes
pourraient partir en courant ». Cette dimension comporte les valeurs sym-
boliques d’un élément du contexte ou plus
globalement de l’histoire que raconte l’ex-
La dimension praxéologique périence. En particulier, les dispositifs du
Deux aspects peuvent être abordés. D’une contexte contribuent à enrichir cette dimen-
part, les interactions du consommateur avec sion par leurs diverses fonctions utilitaires.
56 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

D’une façon plus globale, le contexte du réalité augmentée en même temps qu’on
magasin favorise fortement la rencontre entre essaie le produit choisi). Il s’agit d’une pro-
le consommateur et la marque. Les vidéos jection dans l’expérience de consommation
diffusées sur les écrans à l’entrée permettent proprement dite (jouissance du produit) :
de « sympathiser avec les dirigeants de la « ... et de voir sur l’écran un mannequin qui
marque qui se montrent en utilisateurs des porte notre vêtement, tu as juste envie de
produits qu’ils ont imaginés et conçus » l’essayer ! ». Il est également possible de pro-
(voir paragraphe Coin-télévision). Aussi « le voquer une expérience par procuration, avec
fait d’apprendre à connaître la marque, on un accès à l’avis des autres consommateurs
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

adhère à cette marque et à son concept et par l’affichage du nombre de likes (Facebook)
c’est ça que j’ai trouvé intéressant ». Le côté dans la cabine d’essayage. Par ailleurs, lors
éco-responsable de la marque est très appré- des entretiens, l’expérience de souvenir est
cié par les visiteurs : « enfin c’est transparent déjà mobilisée par les visiteurs qui n’hésitent
sur la façon dont ils produisent ». Il s’agit ici pas à vouloir partager leur vécu : « Allez-y
du présentoir (physique) où on découvre les c’est une nouveauté, c’est une expérience, il
phases de transformation des matières. faut au moins tester une fois ».

L’ensemble du parcours est agrémenté ainsi Deuxièmement, un aspect important à sou-


d’informations sur la marque, contribuant ligner est relatif à la perception du temps.
grandement à sa mise en scène : « ce que j’ai Certains dispositifs permettent d’optimiser
apprécié... c’est que ça donne un peu l’im- le temps passé dans le magasin par les fonc-
pression d’être dans un magasin musée, dans tions utilitaires. L’écran-catalogue procure
lequel on présente vraiment l’historique de une économie de temps par une présélec-
la marque ». tion des vêtements sans déambuler dans le
magasin. « On peut regarder des vêtements,
La dimension temporelle les demander aux vendeurs… sans chercher
partout dans le magasin. » Cette personne
Premièrement, pour l’analyse de la dimen- évoquait le cas d’un magasin où il y aurait
sion temporelle nous reprenons les quatre des vendeurs. Il est possible que l’utilité per-
phases de l’approche expérientielle (Arnould çue de l’écran-catalogue provienne du fait
et al., 2002). Les résultats confirment qu’il y que les visiteurs n’ont pas fait au préalable
a deux expériences de consommation : celle une visite sur le site on-line de la marque,
qui relève de la consommation des produits comme c’est le cas de la plupart des réelles
(articles de ski) lors des phases d’antici- situations d’achat (Vanheems, 2013). Au vu
pation et de choix, et celle qui relève de la de l’attractivité de la cabine connectée, il est
consommation ou de la jouissance du service indispensable de réfléchir en amont pour évi-
de distribution (magasin phygital). Ces résul- ter une file d’attente trop importante : « On
tats confirment la proposition de la figure 1. va forcément passer du temps dans cette ca-
La phase d’anticipation de la consommation bine et il va y avoir la queue ».
du produit est particulièrement évoquée.
Ainsi, divers dispositifs permettent l’accès
à l’information (caractéristiques des pro-
L’immersion
duits, conseils, avis, etc.) et aussi à la mise L’analyse de l’immersion du consommateur
en situation : « dans un magasin classique dans l’expérience est primordiale puisqu’elle
on peut essayer le produit et ressortir avec permet l’accès à une expérience optimale
ou sans. Là ce qui est intéressant c’est qu’on (Caru et Cova, 2003). En particulier, il est
peut avoir une expérience d’utilisation très important d’identifier les aspects provoquant
proche de la réalité » (grâce au casque de une déconnexion du consommateur de l’ex-
Magasins physiques et virtuels – 57

périence qu’il est en train de vivre. Un de dimension hédonico-sensorielle. L’ensemble


ces aspects pourrait être le passage du réel des résultats mettent en évidence que ce la-
au virtuel introduisant une rupture de l’expé- boratoire, faisant partie de la nouvelle géné-
rience, et aller à l’encontre de l’immersion ration des magasins connectés, propose une
du consommateur. Cette étude met en évi- expérience intéressante, ludique et, pour
dence que ce passage est fluide : « On oublie l’instant, surprenante. Une vraie expérience
de se regarder, en fait » les consommateurs client est proposée, à la fois personnalisée,
perdent la notion du réel, même de soi, ils interactive et mettant en avant le consomma-
oublient de se regarder dans le miroir. Les teur. Une forte théâtralisation du magasin est
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

écrans avec les mannequins se substituent à observée. La marque présente son histoire à
leur image réelle. Ces ruptures présumées travers différents dispositifs expliquant son
n’ont aucunement été évoquées. Nous souli- mode de fonctionnement et ses valeurs : « Le
gnons le pouvoir d’immersion de la cabine fait que cela soit interactif, avec les écrans
souvent évoqué par les participants « surtout et les vidéos, ça met tout de suite dans l’am-
dans la cabine, quand on rentre dedans cela biance du magasin, et on a envie de vivre
fait une petite bulle » permettant de se dé- une expérience, on entre dans le monde
connecter de tout ce qui n’est pas en lien avec Picture ». Par ailleurs, le côté ludique du
l’expérience qu’ils sont en train de vivre, et magasin peut faire perdre l’objectif principal
évoquant aussi une part de rêve. d’achat : les consommateurs viendraient uni-
quement pour tenter l’expérience proposée
Un autre élément pouvant créer des ruptures dans le magasin ou pour tester la cabine sans
dans l’expérience peut être la déception créée rien acheter. Dans ce cas, on se situerait dans
par certains dispositifs. Par exemple, à l’una- une expérience de consommation du service
nimité, les visiteurs considèrent les tablettes de distribution, en mode butinage (Lombart,
connectées comme embarrassantes : « On 2004) – visite du magasin avec un objectif
n’a pas forcément envie d’avoir une tablette, récréationnel – sans déclencher concrètement
on est déjà encombré avec nos articles », ou les étapes d’anticipation et de choix de pro-
encore : « tout ce qui est casque de réalité duits.
virtuelle, je pense que c’est un peu compli-
qué de s’imaginer (dans l’action), car par
exemple il y a toutes les sensations au niveau
Conclusion
du sol qui ne sont pas identiques, et je ne Cet article contribue à combler le manque de
vois pas comment le mettre en place ». Le travaux sur l’analyse de l’expérience vécue en
consommateur exprime alors une certaine magasin (Antéblian et al., 2013) et en par-
déception concernant la technologie qui ne ticulier, sur l’expérience de shopping dans
lui permet pas de s’immerger dans l’expé- un environnement à la fois réel et virtuel
rience proposée. La présence de nombreux (Collin-Lachaud et Vanheems, 2016).
dispositifs technologiques rend nécessaire
l’accompagnement du consommateur pour Concernant les apports théoriques, les résul-
une utilisation optimale des objets interactifs. tats montrent que l’expérience de shopping
(consommation du service de distribution) et
Globalement, les dispositifs du contexte l’expérience du (ou des) produit(s) proposé(s)
expérientiel contribuent par leurs fonctions en magasin peuvent avoir lieu d’une façon
utilitaires aux dimensions rhétoriques et simultanée, comme illustré dans la figure 1.
temporelles. La dimension praxéologique L’expérience du consommateur est enrichie
est développée en partie par l’interaction du grâce au contexte expérientiel agrémenté
consommateur avec ces dispositifs. Les fonc- de dispositifs digitaux et physiques, et ces
tions hédoniques nourrissent directement la dispositifs contribuent à nourrir les quatre
58 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

dimensions de l’expérience. Par ailleurs, l’ex- de ces contraintes et procure ainsi un réel
périence du consommateur ne présente pas apport méthodologique.
de sauts ou d’interruptions lors du passage
Sur le plan managérial, cet article dégage des
du virtuel au réel ou vice versa, confirmant
recommandations très pertinentes pour le dé-
les résultats obtenus par Collin-Lachaud
cideur en entreprise. Il est très important de
et Vanheems (2016). Il est donc possible
travailler l’atmosphère du lieu dans sa globa-
d’envisager l’expérience d’une façon conti-
lité afin de faire « oublier » la virtualité des
nue « sans couture » : le passage de l’un à
technologies et d’atteindre une phygitalisation
l’autre étant de plus en plus fluide et rapide.
harmonieuse et efficace. Dans le cas d’une
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

Il semble même que la continuité s’opère à


marque éco-responsable telle que Picture, il
tel point qu’une confusion entre le virtuel
faut veiller à la congruence entre cette valeur
et le réel peut apparaître. L’expérience de et la possible « hyperdigitalisation » perçue.
consommation peut être vécue classiquement Nous notons également que le phygital peut
(comme dans les magasins physiques), vécue apporter une liberté appréciée par le consom-
par procuration (au travers d’une autre per- mateur, qui peut ainsi personnaliser à souhait
sonne) ou vécue par projection de soi même son parcours client. Le consommateur devient
dans la jouissance du produit. Ces deux der- ainsi co-créateur de son expérience. Toutefois,
niers cas sont favorisés par la réalité augmen- en présence de nombreux dispositifs techno-
tée. Ainsi dans un magasin phygital, le pro- logiques l’accompagnement du consommateur
duit consommé n’est pas seulement le service est nécessaire pour une utilisation optimale des
proposé par l’enseigne, mais aussi le (ou les) objets interactifs et éviter ainsi une déception.
produit(s) proposé(s) en vente, consomma- Un autre apport managérial est le rôle impor-
tion vécue par procuration ou par projection. tant d’incitation à l’achat des outils et conte-
nus digitaux (fonction « susciter l’envie »). En
Concernant les dimensions de l’expérience,
effet, l’expérience de réalité augmentée vécue
les résultats confirment l’importance du dé-
dans la cabine (l’expérience réelle d’essayage
cor et de la théâtralisation dans la dimension
est agrémentée par des contenus digitaux) se
hédonique et rhétorique. Tout particulière-
révèle très puissante pour déclencher l’envie
ment, la théâtralisation ou mise en scène de d’acheter. Certains dispositifs permettent de
la marque contribue à l’adhésion à la marque proposer des produits adaptés aux besoins et
et à la valeur perçue par le consommateur de attentes des consommateurs qui seraient donc
son expérience. C’est un élément important encore plus enclins à les acheter. Notons que
de l’appréciation d’un point de vente dans la les fonctions identifiées pour les dispositifs
durée (Antéblian et al., 2013). digitaux peuvent être aussi associées aux dis-
Sur le plan méthodologique, cet article pro- positifs physiques dans un magasin phygital.
Le manager doit cependant veiller à ce que
pose l’utilisation d’un magasin-laboratoire
l’objectif ludique de la visite ne se réalise pas
simulant une pratique émergente, permet-
au détriment de l’objectif d’achat. Pour éviter
tant d’explorer l’expérience de shopping
ce risque, on peut par exemple implémenter le
dans un contexte immersif grâce à l’utilisa-
paiement en cabine.
tion conjointe de dispositifs numériques et
physiques et de dégager ainsi des éclairages Cet article présente des limites qui donnent
intéressants et pertinents. Ces simulations lieu, pour la plupart, à des voies de recherche
sont très difficiles à mettre en place dans les futures. Premièrement, notre étude laisse de
magasins réels, pour des questions éthiques, côté certains aspects importants, tel que le
juridiques, logistiques ou budgétaires. Ce paiement. Il est donc impératif de prendre en
magasin-laboratoire permet de s’affranchir compte le parcours d’achat dans sa totalité
Magasins physiques et virtuels – 59

avec la possibilité de fournir un portefeuille Références


électronique, contenant des ressources finan-
cières limitées, afin d’observer les comporte- Ailawadi K. L. et Farris P. W. (2017), Managing
ments d’achat. En effet le magasin-laboratoire multi-and omni-channel distribution: Metrics
and research directions, Journal of Retailing, 93,
propose d’autres dispositifs digitaux comme 1, 120-135.
l’utilisation d’une crypto monnaie et d’une
Antéblian B., Filser M. et Roederer C. (2013), L’ex-
blockchain permettant d’atteindre cet objectif. périence du consommateur dans le commerce
Cela permettrait de mettre les participants en de détail. Une revue de littérature, Recherche et
réelle situation d’achat. Une deuxième limite Applications en Marketing, 28, 3, 84-113.
de l’étude tient à l’absence de vendeurs, signa-
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

Arnould E. J., Price L. et Zinkhan G. M. (2002),


lée par les visiteurs, alors que le vendeur joue Consumers, New York, McGraw-Hill/Irwin.
un rôle essentiel dans la cohabitation entre Arnold M. J. et Reynolds K. E. (2003), Hedonic
les différents canaux (Vanheems, 2013). Cela shopping motivations, Journal of retailing, 79,
2, 77-95.
constitue une voie de recherche facilement
mobilisable dans notre magasin-laboratoire. Baribeau C. (2009), Analyse des données des entre-
tiens de groupe, Recherches qualitatives, 28, 1,
Ainsi, la question du rôle frontière du vendeur 133-148.
entre client et magasin se double alors de celle
Beck M. et Crié D. (2015), Les nouvelles aides à la
de son rôle frontière entre réel et virtuel. Une vente et à l’achat : définition, état de l’art et pro-
troisième limite porte sur les notions de par- position d’une taxinomie, Décisions Marketing,
tage (actif et passif) et des traces digitales, 79, 131-150.
qui n’ont pas été abordées. Des recherches Belvaux B. et Notebaert J. F. (2015), Crosscanal
portant sur ces aspects émergents, croisant et omnicanal : la digitalisation de la relation
les phases de l’expérience du consommateur client, Paris, Dunod.
qui partage et d’un autre consommateur qui Carù A. et Cova B. (2003), Approche empirique de
l’immersion dans l’expérience de consomma-
entre en contact avec les traces laissées par le
tion : les opérations d’appropriation, Recherche
premier, apporteraient un éclairage utile aux et Applications en Marketing, 18, 2, 47-65.
entreprises. Une quatrième limite provient de
Carù A. et Cova B. (2006a), Expériences de consom-
l’échantillon constitué d’étudiants, néanmoins mation et marketing expérientiel, Revue fran-
ils font partie du cœur de cible de la marque. çaise de gestion, 8, 353-367.
En matière de validité externe, cette recherche Carù A. et Cova B. (2006b), Expériences de marque :
ne porte que sur une seule marque (Picture) et comment favoriser l’immersion du consomma-
un seul univers (celui de la glisse). La validité teur ?, Décisions Marketing, 41, 43-52.
des résultats dans d’autres contextes est donc Collin-Lachaud I. et Vanheems R. (2016), Naviguer
limitée à des univers et contextes similaires. entre espaces virtuel et réel pour faire ses achats :
exploration de l’expérience de shopping hybride,
Une caractéristique forte du contexte de cette Recherche et Applications en Marketing, 31, 2,
étude est le caractère impliquant et ludique 43-61.
de l’univers et des produits. Ces spécificités Csikszentmihalyi M. (1997), Finding Flow, New
peuvent engendrer des comportements eux- York, Perseus Book.
mêmes spécifiques, notamment par les possi- Feenstra F. et Glerant-Glikson A. (2017), Identifier
bilités de mise en scène des produits et la théâ- et comprendre les sources de valeur dans l’inte-
tralisation du point de vente que permettent les raction avec les SSIT (Self-Service Information
technologies digitales déployées. Une piste de Technologies) en magasin, Décisions Marketing,
86, 53-72.
recherche consiste donc en la reproduction de
Filser M. (2002), Le marketing de la production
cette recherche dans des contextes différents.
d’expérience : statut théorique et implications
Enfin, les résultats de cette étude portent sur managériales, Décisions Marketing, 28, 13-22.
des achats et des produits impliquants. Qu’en Jarrier E. (2012), L’impact de l’interactivité des
est-il de la phygitalisation quand l’implication outils de médiation in situ sur l’expérience glo-
n’est pas au rendez-vous ? bale de visite : le cas des musées des beaux-arts,
60 – Décisions Marketing n°91 Juillet-Septembre 2018

1re Journée de Recherche sur la Consommation et stratégique, Thèse de doctorat en sciences de


Digitale, 29. gestion, Université de Bourgogne.
Kotler P. (1973), Atmospherics as a marketing tool, Roederer C. (2012), Contribution à la conceptuali-
Journal of Retailing, 49, 4, 48-64. sation de l’expérience de consommation : Émer-
gence des dimensions de l’expérience au travers
Krishna A. (2012), An integrative review of sensory
de récits de vie, Recherche et Applications en
marketing: Engaging the senses to affect percep-
Marketing, 27, 3, 81-96.
tion, judgment and behavior, Journal of Consu-
mer Psychology, 22, 3, 332-351. Vanheems R. (2009), Distribution multicanal : pour-
quoi les clients mixtes doivent faire l’objet d’une
Lombart C. (2004), Le butinage : proposition d’une
attention particulière ?, Décisions Marketing, 55,
échelle de mesure, Recherche et Applications en
41-52.
EXEMPLAIRE AUTEUR - DIFFUSION ET COMMERCIALISATION INTERDITES - © AFM/EMS

Marketing, 19, 2, 1-30.


Vanheems R. (2013), La distribution à l’heure du
Milgram P. et Kishino F. (1994), A taxonomy of
multi-canal : une redéfinition du rôle du vendeur,
mixed reality visual displays, IEICE Transactions
Décisions marketing, 69, 43-59.
on Information and Systems, 77, 12, 1321-1329.
Verhoef P. C., Kannan P. K. et Inman J. J. (2015),
Rigby D. (2011), The future of shopping. Harvard
From multi-channel retailing to omni-channel
Business Review, 89, 12, 65-76.
retailing: introduction to the special issue on
Roederer C. (2008), L’expérience de consomma- multi-channel retailing, Journal of retailing, 91,
tion : exploration conceptuelle, méthodologique 2, 174-181.

Annexe : Guide d’entretien


Exploration du magasin-laboratoire
1. Qu’avez-vous pensé de ce shop ?
2. Pouvez-vous décomposer les étapes de cette expérience dans le shop ?
• Lesquelles vous ont marqué ? Pourquoi ? (on parlera plus précisément de la cabine ensuite)
3. Qu’est-ce qui vous a plu dans ce shop ?
• Pourquoi ?
4. Qu’est-ce que vous n’avez pas apprécié dans ce shop ?
• Pourquoi ?
Focus cabine
1. Qu’en avez-vous pensé ?
• Est-ce qu’il y a des choses qui vous ont marqué ?
• Est-ce qu’il y a des choses qui vous ont plu ? Pourquoi ?
• Est-ce qu’il y a des choses qui vous ont déplu ? Pourquoi ?
2. Comment vous êtes-vous senti ?
• Est-ce que vous vous êtes senti à l’aise ? Mal à l’aise ? Pourquoi ?
• Est-ce qu’il y a des choses qui pourraient être ajoutées dans cette cabine ? Ou au contraire est ce qu’il y avait
des choses en trop ?
Retour sur expérience
1. Comment avez-vous trouvé cette expérience dans ce shop par rapport à un magasin classique ?
• En quoi est-il différent ? En quoi est-il similaire ?
• Est-ce que vous vous êtes senti dans un vrai magasin ?
• Est-ce qu’il y a des choses qui vous ont manqué ?
• Est-ce qu’il y a des choses qui vous ont semblé superflues ?
• Est-ce que vous vous êtes senti dans un magasin classique ? Ou dans un magasin en ligne ?
• Est-ce que vous vous êtes senti dans l’univers de la marque ?
2. Pendant la visite est ce que vous avez oublié ce qui s’était passé avant ou ce qui se passerait après ?
• Si oui ou non, pourquoi ?
• Qu’est-ce qui a pu influencer cela ?
3. Qu’est-ce que ce shop changerait dans vos habitudes d’achat ?
• Est-ce que vous essayeriez plus/moins de vêtements ? Des vêtements différents ?
• Est-ce que vous achèteriez plus/moins de vêtements ? Des vêtements différents ?
4. Retourneriez-vous dans ce type de magasin ?
• Si oui ou non, pourquoi ?
• Est-ce que vous recommanderiez ce magasin ? Pourquoi ?

View publication stats

Vous aimerez peut-être aussi