See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.

net/publication/334044899

Proposition d'une démarche de digitalisation du système documentaire.

Application au Manuel Qualité Safran

Conference Paper · June 2019

CITATION READS

1 7,835

4 authors, including:

Angéline Eymery Nicolas Maranzana

Friedrich Miescher Institute for Biomedical Research Ecole Nationale Supérieure d'Arts et Métiers
10 PUBLICATIONS   488 CITATIONS    84 PUBLICATIONS   742 CITATIONS   

SEE PROFILE SEE PROFILE

Some of the authors of this publication are also working on these related projects:

Engineering Education View project

How to teach biomimetics in practice? View project

All content following this page was uploaded by Nicolas Maranzana on 10 July 2019.

The user has requested enhancement of the downloaded file.

 PROPOSITION D’UNE DEMARCHE DE DIGITALISATION
DU SYSTEME DOCUMENTAIRE : APPLICATION AU
MANUEL QUALITE SAFRAN
ANGELINE EYMERY1,2, NICOLAS MARANZANA2, AMEZIANE AOUSSAT2, JEAN-PHILIPPE MATHEVET1

1
SAFRAN
46 rue Camille Desmoulins, 92130 Issy-les-Moulineaux, France
angeline.eymery@safrangroup.com
jean-philippe.mathevet@safrangroup.com
2
Arts et Métiers ParisTech, LCPI
151 boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France
nicolas.maranzana@ensam.eu
ameziane.aoussat@ensam.eu

Résumé – Dans un contexte d’émergences technologiques, le système de management de la qualité doit savoir profiter des
nouvelles technologies pour évoluer. En particulier, pour rester efficace, nos systèmes documentaires doivent s’adapter aux
nouveaux modes de consommation d’informations. Cela étant dit, la digitalisation d’un système documentaire en entreprise
représente un bouleversement majeur et à ce titre, il se doit d’être accompagné de manière appropriée. Dans cet article, nous
proposons une démarche structurée et collaborative pour le déploiement d’un nouvel outil informatique permettant la
digitalisation du système documentaire. Nous présentons également une application concrète de cette démarche à la
digitalisation d’un document clé de Safran, son manuel qualité. Depuis la genèse de l’idée jusqu’à sa mise en application et
diffusion aux 91000 collaborateurs de Safran, nous décrivons comment notre démarche a transformé ce projet de
digitalisation documentaire en success story.

Abstract – The emerging world of technology is a crucial window of opportunity for the evolution of the quality management
system. Particularly, our documentation system should adapt to the new information consumption patterns to evolve. The
digitalization of a documentation system constitutes a major disruption for a company and must be properly assisted. In
this article, we suggest a structured and collaborative approach for the deployment of a new informatic tool allowing the
digitalization of a documentation system. We also present a practical application of this approach through the digitalization
of a key document for Safran, its quality manual. From the idea generation to its application and diffusion to the 91,000
Safran collaborators, we describe how our approach has converted the digitalization project of documentation into a success
story.

Mots clés - Digitalisation, Documentation, Conduite du changement, Méthodes agiles, Travail collaboratif.
Keywords – Digitalization, Documentation, Change management, Agile approaches, Collaborative work.

1 INTRODUCTION Dans ce contexte d’émergences technologiques, comment la

L’industrie 4.0 ou l’usine du futur est au cœur des réflexions de
toutes les entreprises. Cette quatrième révolution industrielle
basée sur l’essor du digital fait la part belle à la modernisation de
l’ingénierie et de la production avec notamment la réalité
augmentée, la fabrication additive ou encore la cobotique. Cette
transformation doit s’accompagner par la digitalisation des outils
et méthodes au service de l’ingénierie et de la production. Ainsi,
de plus en plus de plateformes collaboratives voient le jour pour
favoriser les interactions entre tous les services et le Big Data
transforme nos systèmes d’informations en permettant des prises
de décision en temps réel.
qualité trop souvent qualifiée de rigide et encore assimilée à
des fonctions de contrôle opère t’elle cette mutation ?
La prise de conscience de la nécessité de s’adapter à ce nouvel
environnement commence par l’étude des opportunités qu’il
représente d’un point de vue purement stratégique.
L’implémentation de l’industrie 4.0 permet d’améliorer la
compétitivité de l’entreprise en développant outils et méthodes
favorisant la customisation et donc une meilleure adaptation à la
demande client pour mieux le satisfaire.
De plus, l’industrie 4.0 renforce d’autres principes de la qualité.
En effet, la récolte d’informations et de données permet une
meilleure évaluation des situations, une meilleure prédiction et
de meilleures prises de décisions, basées sur des faits et
statistiquement fiables. D’autre part, et d’une manière plus
opérationnelle, l’utilisation de puces RFID permet une meilleure
traçabilité des produits et améliore ainsi la maitrise de leur
qualité [Zaidin et al., 2018].
Au-delà des outils, la transformation du métier de manager de la
qualité est également à prendre en compte. Il doit acquérir de
nouvelles compétences en adéquation avec la transformation
digitale et particulièrement la maitrise des outils numériques et
des méthodes collaboratives [Rolland, 2018 ; Van Siclen, 2018].
Si depuis de nombreuses années le manager de la qualité s’est
habitué à la numérisation des processus et des documents, ainsi
qu’à la gestion électronique de ces documents, la transformation
digitale du système documentaire est loin d’être achevée. En
effet, la consommation d’informations de tout un chacun passe
majoritairement par les sites internet à la navigation fluide, la
plupart du temps sur des écrans tactiles. Or, les manuels,
procédures, guides ou autres informations documentées du
système de management de la qualité ne sont, pour la plupart du
temps, que des documents sous format Microsoft Word, loin des
standards auxquels nous sommes pourtant habitués dans nos
activités personnelles quotidiennes.
Dans cet article, nous proposons une démarche structurée et
collaborative permettant la digitalisation du système
documentaire à travers un outil adapté. La diffusion de la culture
de la Qualité au sein d’une entreprise passant notamment par son
Manuel, nous illustrerons nos propos par une application
concrète de cette méthode qui nous a permis de développer un
outil pour digitaliser le Manuel Qualité du groupe Safran.
2 METHODE
2.1 Le PCDA et la conduite du changement comme démarches
complémentaires de fond
Pour mener à bien notre projet de digitalisation et donc trouver
l’outil adéquat, nous avons choisi de combiner deux démarches
de fond complémentaires, le PDCA et la conduite du
changement afin de manager de façon optimale le projet et les
collaborateurs qui y participent.
La digitalisation du système documentaire représente un
bouleversement majeur du système de management d’une
entreprise. A ce titre, comme tout changement, il se doit d’être
accompagné de manière appropriée. C’est pour cette raison que
nous avons choisi de mettre en place une démarche de conduite
du changement tout au long de ce projet de digitalisation. Cette
démarche, fondée sur la communication et l’implication de tous,
consiste à accompagner les collaborateurs pendant la période de
transition selon 8 étapes [Austier et Moutot, 2010 ; Kotter et
Rathgeber, 2018].
Afin de créer une dynamique d’action, la première phase
consiste en la création d’un sentiment d’urgence (étape 1). Après
avoir constitué une équipe de pilotage (étape 2) dotée de
capacités de communication et de compétences analytiques, le
développement (étape 3) et la communication (étape 4) de la
vision sont essentiels. Il s’agit de clarifier de quoi l’avenir sera
fait, de définir quels seront les bénéfices apportés par ce
changement et de les communiquer afin de faire comprendre sa
nécessité et de faire adhérer les collaborateurs à la stratégie. En
effet, pour transformer la vision en réalité, la participation de
tous est indispensable et encouragée (étape 5). Toutefois, un
risque important est à prendre à compte, celui de la démotivation
des collaborateurs. En effet, un projet de digitalisation peut
prendre du temps et les bénéfices peuvent ne pas être visibles
immédiatement. Il faut donc être vigilant et garder les
collaborateurs impliqués et motivés en fixant notamment des
objectifs à court terme, en célébrant chacune des petites victoires
(étape 6) et en persévérant après les premiers succès (étape 7),
avant d’atteindre la pérennisation (étape 8).
En ce qui concerne le management de projet, il a été structuré
selon les 4 phases le cercle vertueux de Deming ou PDCA
(Plan Do Check Act) qui vise le progrès et l’amélioration
continue [Chardonnet et Thibaudon, 2003].
La phase Plan est une phase de réflexion au cours de laquelle le
projet est préparé et planifié. La phase Do est une phase d’action
au cours de laquelle les actions programmées dans la phase plan
sont réalisées et déployées. La phase Check est une phase
d’analyse qui consiste à vérifier les résultats obtenus suite aux
actions menées dans la phase Do. Enfin, la phase Act est une
phase d’amélioration permettant de réagir aux données
recueillies dans la phase Check et débouchant sur une nouvelle
phase Plan.
La combinaison de ces 2 démarches complémentaires, conduite
du changement et PDCA, est détaillée dans la suite de cette
partie.
2.2 « Phase plan » : planification du projet
La phase plan a consisté en premier lieu à définir une méthode
de travail afin d’identifier l’outil, ou le contenant, qui hébergera
les documents, autrement dit le contenu.
Pour cela, nous avons puisé notre inspiration au cœur de la boite
à outils du Manager de la Qualité, tout en prenant en
considération l’accompagnement nécessaire à fournir lors d’un
changement majeur du mode de fonctionnement de l’entreprise.
Ainsi, nous avons choisi de diviser le projet en 6 lots de travaux
afin de communiquer l’avancement plus facilement et de
célébrer la fin de chacun des lots comme autant de petites
victoires (étape 6 de la conduite du changement). Ces 6 lots de
travaux, qui sont présentés dans la Figure 1 sont les suivants :
l’expression du besoin, l’analyse de l’existant, le benchmark, le
choix de la solution, la mise en œuvre et la mesure de la
satisfaction. Pour chacun des lots, nous avons fait appel à des
outils et méthodes complémentaires tels que l’analyse
fonctionnelle, la méthode ADEQUA ou encore des méthodes
agiles qui seront détaillées dans la suite de cet article.
Chacun des lots étant associé à un livrable clairement défini, leur
fin est concrétisée par la validation du livrable par le comité de
pilotage du projet, constitué de personnes ayant l’autorité
nécessaire pour prendre des décisions et dirigé par un sponsor
pleinement convaincu du bien-fondé du projet (étape 2 de la
conduite du changement).
 Figure 1. Méthode proposée pour la digitalisation du système documentaire
Le planning du projet est défini en adéquation avec les
différents lots de travaux et la démarche de conduite du
changement. Ainsi chaque lot doit être suffisamment court pour
permettre de maintenir les collaborateurs motivés et l’ensemble
du projet doit viser une date de fin réaliste mais en accord avec le
sentiment d’urgence communiqué.
L’équipe projet est constituée de façon à ce qu’elle soit la plus
représentative possible de la Société tout en prenant soin de la
rendre la plus pluridisciplinaire et multi-générationnelle possible,
des conditions sine qua non de réussite pour un projet de
digitalisation (étape 5 de la conduite du changement).
Enfin, pour clôturer cette phase de planification, un kick off
meeting permet de communiquer le projet à l’ensemble des
acteurs concernés, en insistant sur les bénéfices attendus de la
digitalisation. Tout en créant le sentiment d’urgence, la
présentation d’une démarche structurée, réfléchie et participative
permet de rassurer les collaborateurs (étapes 1, 3 et 4 de la
conduite du changement).
2.3 « Phase do » : définition du besoin et choix de la solution
La phase do a regroupé les 4 premiers lots de travaux définis
dans la méthode (Figure 1).
2.3.1 Lot 1 : analyse fonctionnelle
L’objectif de ce premier lot de travail est de réaliser le cahier des
charges de l’outil informatique permettant la digitalisation du
système documentaire. Pour cela 4 étapes sont nécessaires et
réalisées en ateliers. La première consiste à valider le besoin
d’ordre supérieur, la seconde à identifier les situations de vie du
nouvel outil informatique, la troisième à identifier les fonctions
et la quatrième à caractériser les fonctions.
Afin de maintenir l’équipe projet impliquée et motivée chacun
des ateliers doit être réalisé de manière à optimiser le temps de
travail des collaborateurs. Ces derniers doivent en effet être
sollicités uniquement pour apporter leur expertise au projet, pour
en déterminer les fondamentaux. La mise en forme, qui
n’apporte que peu de valeur ajoutée, est du ressort du chef de
projet, en dehors des ateliers. Ainsi, les membres de l’équipe
projet ont, à juste titre, le sentiment d’apporter une vraie valeur
ajoutée au projet ce qui contribue à leur motivation (étape 7 de la
conduite du changement). Chaque atelier est donc structuré en 3
phases:
• Une phase préparatoire approfondie en amont à la
charge du chef de projet qui réalise les supports de formation et
les templates nécessaires à l’atelier, ainsi que ses suggestions
afin d’éviter le syndrome de l’écrivain, ou de la page blanche, de
la part des collaborateurs lors de l’atelier
• Une phase d’atelier, courte (1 heure maximum) et ciblée
(un objectif précis à atteindre est clairement annoncé) en
présence de l’équipe projet
• Une phase de synthèse, de mise en forme, de compte-
rendu, a posteriori et à la charge du chef de projet.
2.3.2 Lot 2 : analyse de l’existant
Le but de ce second lot de travail est de faire émerger des
besoins pratiques qui pourraient être oubliés lors de l’analyse
fonctionnelle, qui peut parfois être très théorique. Pour cela des
interviews auprès d’un panel représentatif de la Société sont
réalisées par le chef de projet. Le panel doit prendre en compte
autant de variables que possible (pays, âge, ancienneté, etc.), non
seulement pour des questions de représentativité nécessaire à un
projet de digitalisation mais également pour encourager la
participation de tous (nouvel arrivant, cadre dirigeant), une étape
clé de la conduite du changement (étape 5).
Il est préférable de réaliser des interviews personnalisées plutôt
qu’un sondage, afin de privilégier la qualité des données à
recueillir plutôt que la quantité. En effet, un sondage sous-entend
l’utilisation de questions, ce qui pourrait limiter le champ
d’investigation ou orienter les réponses. De plus, par nature, un
sondage reste très théorique et ne favoriserait pas l’identification
de besoins plus pratiques. Le scénario d’interview peut être
divisé en 3 phases (Figure 2).
• Lors de la première phase, il est important d’évaluer le
degré de connaissance du système documentaire de l’interviewé.
En effet, un habitué n’aura pas les mêmes réflexes qu’un novice
et un œil neuf est toujours plus aguerri !
• La seconde phase consiste à observer la manière dont
l’interviewé utilise le système documentaire, et ce, sans
intervenir. Nous lui demandons simplement de commenter à voix
haute ce qu’il fait, cherche, trouve ou ne trouve pas, ce qui lui
parait étrange, etc.
• Enfin, la troisième phase est un exercice basé sur
certains besoins identifiés en analyse fonctionnelle afin de
vérifier si ces besoins sont bien partagés par tous. L’ensemble
des nouveaux besoins identifiés et caractérisés lors de ce lot 2 est
ensuite discuté avec l’équipe projet et ajouté au cahier des
charges.
Figure 2. Scénario utilisé pour l’analyse de l’existant
2.3.3 Lot 3 : benchmark
L’objectif de ce troisième lot de travail est de proposer des
solutions potentielles d’outils informatiques permettant la
digitalisation du système documentaire. Le benchmark externe
peut être réalisé en navigant sur internet ou en visitant des salons
spécialisés. Le benchmark interne s’appuie sur les collaborateurs
et le service informatique de la Société. La faisabilité est testée
par le biais de démonstrations commerciales ou de réalisation de
maquettes. Ce lot de travail ne fait donc pas intervenir
directement l’équipe projet et peut être réalisé en parallèle des
deux premiers lots de travaux par le chef de projet.
2.3.4 Lot 4 : choix de la solution
Ce quatrième lot de travail a pour objectif de choisir la solution
à mettre en œuvre pour digitaliser le système documentaire et ce,
de manière rationnelle. Pour cela la méthode d’Aide à la
Décision de Qualité (ADEQUA), et en particulier le premier
module, l’Analyse de Décision Opérationnelle, a été choisie. Ce
module consiste à faire un choix parmi plusieurs solutions à
l’aide d’une matrice de décision ou chaque solution est évaluée
selon 2 types de critères : (1) des critères destructifs pour
lesquels il n’y a pas de négociation possible, le fait de ne pas en
satisfaire un seul condamne l’hypothèse et (2) des critères
sélectifs, hiérarchisés et pondérés (selon leur importance) qui
permettent de comparer les hypothèses entre elles, une fois
hiérarchisées et pondérées. Ainsi, la décision qui découle de cette
analyse repose sur des éléments mesurés et réfléchis. Les critères
destructifs sont à choisir parmi le besoin d’ordre supérieur défini
dans le lot de travail numéro 1. Les critères sélectifs trouvent
leur origine dans la liste des besoins du cahier des charges et leur
pondération se fait lors d’un atelier. Enfin, chacune des solutions
est évaluée selon la matrice, en groupe de travail, jusqu’à la
découverte de celle qui obtient le plus de points. Cette étape très
factuelle et rationnelle est rassurante pour les collaborateurs
quant au choix d’un outil approprié.
2.4 « Phase check » : mise en œuvre et mesure de la satisfaction
client
Les lots 5 et 6 de la méthode, qui représentent cette phase check,
sont réalisés de manière concomitante, afin d’effectuer la mise
en œuvre du projet, c’est-à-dire le développement de l’outil, en
mode agile permettant ainsi de s’assurer de la pleine satisfaction
client à chaque instant, en faisant preuve de souplesse.
Dans un premier temps, afin de s’assurer de parfaitement
comprendre les besoins identifiés dans le cahier des charges, une
transformation du texte en image est nécessaire. Il s’agit de
réaliser une représentation graphique simple (ou « proof of
concept » (POC)) du cahier des charges en se basant sur les
fonctionnalités de l’outil choisi. Ce POC doit ensuite être évalué
par l’équipe projet comme représentatif de leurs attentes. Cette
étape permet ainsi de préciser certains besoins.
Pour le développement de l’outil, le service informatique de la
Société ainsi que des experts de l’outil choisi doivent être
impliqués, quitte à faire appel à un prestataire externe. Après
chaque développement, une recette est réalisée afin de vérifier la
conformité des fonctionnalités de l’outil aux besoins caractérisés
dans le cahier des charges. Le degré de satisfaction des besoins
est ainsi évalué périodiquement. L’équipe projet est quant à elle
sollicitée ponctuellement afin de mesurer son degré de
satisfaction face au développement en cours.
2.5 « Phase act » : retour d’expérience
Enfin, la phase act, qui clôture le cycle de Deming, consiste à
établir un retour d’expérience sur le projet de digitalisation du
système documentaire en mettant l’accent sur les points forts, les
points d’amélioration, mais également les moyens mis en œuvre
pour pérenniser le travail réalisé et créer une nouvelle culture
(étape 8 de la conduite du changement).
Nous avons proposé une méthode permettant la digitalisation du
système documentaire. Celle-ci qui repose d’une part sur la
combinaison de deux démarches de fond, le PDCA et la conduite
du changement, pour manager le projet et les collaborateurs qui y
participent. Cette méthode implique également une approche
méthodique structurée en 6 étapes qui est parfaitement adaptée
aux 2 démarches de fond précédemment citées. Cette approche,
présentée dans la Figure 1, permet l’élaboration d’un cahier des
charges précis et complet, le choix d’une solution de manière
factuelle et objective, le développement d’un outil informatique
respectant scrupuleusement le cahier des charges ce qui devrait
permettre d’obtenir la satisfaction complète des utilisateurs. Afin
de démontrer la faisabilité de notre méthode, nous proposons
dans la partie suivante une application concrète de celle-ci à la
digitalisation du manuel qualité chez Safran.
3 APPLICATION AU MANUEL QUALITE SAFRAN
Après avoir présenté le Groupe Safran et le contexte dans lequel
le projet de digitalisation du manuel qualité a été réalisé, nous
illustrerons point par point l’application de la méthode décrite
dans la partie précédente, en suivant le PDCA et les 6 lots de
travaux tout en respectant la démarche de conduite du
changement nécessaire à ce projet de transformation.
3.1 Contexte
Safran est un groupe international de haute technologie et un
leader mondial dans les domaines de l’aéronautique, de l’espace
et de la défense en tant qu’équipementier. En quelques chiffres,
Safran c’est 1 décollage toutes les 2 secondes d’un avion civil
court et moyen-courrier équipé de moteurs Safran, 54000
atterrissages par jour grâce aux trains d’atterrissages Safran,
91000 collaborateurs et 16,5 milliards d’Euros de chiffre
d’affaire en 2017. Mais Safran ce n’est pas que des chiffres, c’est
avant tout une histoire. Safran est né en 2005, de la fusion entre
Sagem et Snecma, qui regroupait à elle seule 6 Sociétés connues
et réputées, tant pour les exploits auxquels elles sont associées
que pour la notoriété de leurs produits. Le Groupe Safran est
donc constitué de 12 Sociétés, avec Zodiac Aerospace racheté en
début d’année 2018, qui fournissent depuis plus d’un siècle, pour
certaines, des équipements aéronautiques variés et
complémentaires allant du moteur au siège de cabine.
Dans un monde de plus en plus concurrentiel où le client est de
plus en plus exigeant, la collaboration entre toutes les Sociétés
du Groupe est essentielle afin de garantir le succès des produits
Safran. Pour améliorer la performance à tous les niveaux, le défi
à relever pour Safran consiste à faire travailler ensemble toutes
ses Sociétés. Un langage commun doit être établi en priorité pour
échanger sur les succès et les difficultés, et pour faire converger
les méthodes et les bonnes pratiques. C’est dans ce contexte qu’a
été initié le projet « Manuel Groupe » qui a consisté à mutualiser
l’ensemble des manuels qualité de toutes les Sociétés Safran
pour n’en faire plus qu’un : le Manuel Groupe
3.2 Le manuel qualité Safran
Un manuel qualité est un document clé du système de
management de la qualité. Il décrit de manière synthétique le
fonctionnement de l’entreprise en regroupant l’ensemble des
informations documentées requises par les normes
ISO9001:2015 et EN9100:2016 telles que les politiques, les
processus ou encore les responsabilités [AFNOR, 2015;
AFNOR, 2016]. Ainsi, dans le Groupe Safran il y avait autant de
manuels qualité que de Sociétés, ce qui représentait dans son
ensemble plus de 500 pages de texte soit plus de 7h de lecture en
continu. L’ensemble de ces documents était par conséquent
difficile à lire et comprendre la finalité de la démarche qualité du
Groupe était assez compliqué. Fin 2016, le projet Manuel
Groupe voit le jour avec pour objectif de créer un manuel qualité
commun à toutes les Sociétés, sous une forme plus moderne. En
Juillet 2017, le nouveau Manuel Groupe est publié et diffusé aux
Sociétés. Il est composé de 100 pages avec 40% de pages
communes dont le contenu est le résultat d’un consensus entre
toutes les Sociétés du Groupe, et 60% de pages au contenu
spécifique, propre à chaque Société (organigrammes, description
des produits). La modernisation s’est faite en passant d’un
format Microsoft Office Word à un format Microsoft Office
Publisher. Pour faire simple, il s’agit d’un PowerPoint cliquable.
Ce Manuel a fait l’unanimité, non seulement parmi les
utilisateurs mais également par les auditeurs externes qui l’ont
identifié comme un point fort du système de management.
Cependant la technologie choisie pour héberger le Manuel
Groupe, Microsoft Office Publisher, est arrivée début 2018 en
limite de saturation. Le fichier, déjà lourd, ne permettait plus
l’ajout de nouvelles Sociétés, besoin nécessaire au regard du
récent rachat de Zodiac Aerospace par Safran. Son volume
compliquait également sa transmission aux parties intéressées
externes. C’est dans ce contexte d’amélioration du Manuel
Groupe qu’est né le projet « WebManuel » où comment
digitaliser le Manuel Groupe Safran pour le rendre plus moderne
et attractif pour les nouvelles générations, mais également plus
robuste aux évolutions organisationnelles.
3.3 Planification du projet « WebManuel » ou comment
digitaliser le Manuel Groupe Safran (« phase plan »)
Nous avons mené ce projet selon la méthode présentée dans la
partie 2 de cet article en utilisant comme démarches de fond la
conduite du changement et le PDCA et en appliquant l’intégralité
de la méthode présentée en Figure 1.
Le projet s’est étalé sur 8 mois, d’Avril à Décembre 2018 afin de
tenir les délais imposés par le sentiment d’urgence (étape 1 de la
conduite du changement) : l’intégration de Zodiac Aerospace au
Groupe Safran au 1er Décembre 2018. De manière plus précise,
les lots 1, 2 et 3 ont été réalisés de manière concomitante sur 2
mois, le lot 4 a pris un mois et les lots 5 et 6 ont été menés
conjointement sur 5 mois.
Le comité de pilotage était constitué des Responsables Système
de Management de chacune des Sociétés et nous avions le
support, l’engagement et l’engouement du sponsor du projet, qui
n’était autre que le Responsable Système de Management
Groupe.
En accord avec les Responsables Système de Management, les
membres de l’équipe projet ont été choisis comme des
représentants de chacune des Sociétés. Ils représentaient
également plusieurs disciplines (qualité, achat, informatique,
etc.) et plusieurs générations, l’âge des membres s’étalant de 20
à 60 ans.
Le kick off meeting du projet « WebManuel » a eu lieu début
avril 2018 en présence du Comité de pilotage. Cette réunion a
également permis d’étudier ensemble les risques et opportunités
associés à ce projet.
3.4 De la définition des besoins au choix de l’outil pour
digitaliser le Manuel Groupe Safran (« phase do »)
Les ateliers de cette « phase do » ont été adaptés au contexte de
Safran, en termes de localisation et de disponibilité. En effet,
Safran c’est de nombreuses Sociétés en France et à l’étranger.
Les ateliers ont donc été réalisés en présentiel et en conférence
(par Webex). Cette dualité a nécessité un dynamisme sans faille
et une attention constante lors de l’animation pour ne pas
délaisser les personnes qui assistaient à l’atelier à distance. Ces
aspects sont d’autant plus importants que toutes les Sociétés
doivent pouvoir s’exprimer pour s’impliquer dans un projet de
transformation. Les membres de l’équipe projet étaient
extrêmement sollicités, en plus de leurs missions, par des projets
d’envergure comme les audits de certifications ou encore les
chantiers d’excellence opérationnelles. Leur temps était donc
compté d’où l’intérêt d’optimiser au mieux leur temps de travail
lors des ateliers. En conséquence, les ateliers ont été réalisés en
sessions courtes, d’une heure maximum, en définissant des
objectifs très clairs pour chacun d’entre eux et en veillant à
commencer et terminer à l’heure. Dans ce contexte, pour chaque
heure d’atelier, les phases préparatoire et de synthèse, décrites
dans le chapitre 2.3.1 ont nécessité en moyenne et
respectivement 3h et 2h de travail.
3.4.1 Lot 1 : analyse fonctionnelle
• Lors de la première étape nous avons, via des
brainstormings avec le sponsor du projet et des membres de la
direction, validé le besoin d’ordre supérieur. Cette étape a été
cruciale pour clarifier et poser les bases du projet.
• La seconde étape a consisté à identifier les situations de
vie du nouvel outil informatique, en réalisant un brainstorming
avec le sponsor du projet et des membres de la direction. 8
situations de vie ont été identifiées qui ont ensuite été
synthétisées en 3 grandes catégories « Conception »,
« Utilisation » et « Maintenance ».
• La troisième étape a consisté à identifier les fonctions.
Pour cela, nous avons réalisé des supports de formation simples à
l’analyse fonctionnelle en utilisant des exemples concrets. En 3
ateliers, d’une durée d’une heure chacun, nous avons défini avec
l’équipe projet les milieux extérieurs, puis les fonctions afin de
réaliser les trois pieuvres correspondant aux 3 situations de vie.
Un exemple de pieuvre pour la situation de vie « utilisation » est
présenté en Figure 3.
Figure 3 : Exemple de pieuvre réalisée pour la situation de
vie « utilisation »
• Enfin, lors de la quatrième étape, nous avons en 3
ateliers d’une heure chacun, avec l’équipe projet, caractérisé les
fonctions en précisant pour chacune d’elles, les critères
d’appréciation, les niveaux, le degré de flexibilité et le cas
échéant les limites de cette flexibilité. Cette étape, par le biais
des précisions que demande l’établissement des degrés de
flexibilité et de leurs limites, a permis d’harmoniser les besoins
de chacune des Sociétés. Ainsi, les besoins communs ont été
définis comme indispensables et ayant un degré de flexibilité nul
alors que les besoins particuliers ont hérité d’un degré de
flexibilité supérieur, voir ont été classés comme souhaits.
Le premier livrable, validé par le comité de pilotage a été le
cahier des charges complet décrivant en détail 42 besoins parmi
lesquels la nécessité d’avoir un angle de vue spécifique à
chacune des Sociétés. Cet angle de vue devra permettre de
visualiser uniquement le contenu concernant une Société en
particulier et non pas les contenus spécifiques des autres Sociétés
du Groupe.
En préparant les ateliers, en réalisant des supports de formation
courts mais efficaces, en cadrant chaque atelier avec des
objectifs précis à atteindre et en insistant sur le fond plutôt que la
forme lors des ateliers, le temps de travail des collaborateurs a
été optimisé et leur implication était totale ce qui permis de
terminer ce premier lot plus tôt que prévu, avec 2 ateliers
d’avance.
3.4.2 Lot 2 : Analyse du Manuel Groupe existant
Afin de faire émerger des besoins pratiques qui auraient pu être
oubliés lors du lot 1, 8 interviews ont été réalisées auprès d’un
panel représentatif du Groupe Safran afin d’observer comment
les utilisateurs naviguaient dans le Manuel Groupe existant. Pour
identifier le panel de personnes à interviewer, nous avons
travaillé en brainstorming et défini les critères de sélection. 5
critères permettent de représenter l’ensemble des utilisateurs de
Safran: Société, pays, âge, ancienneté et statut. En effet, Safran
étant composé de nombreuses Sociétés à travers le monde,
plusieurs Sociétés et pays doivent être représentés. Le projet
ayant trait à la modernisation et la digitalisation d’un document,
il est également important que plusieurs catégories d’âges soient
représentées à savoir : « génération Z » (moins de 25 ans) ;
« moyen » (30-50 ans) ; « âgé » (plus de 50 ans).
Pour ces interviews, nous avons utilisé les 3 phases du scénario
décrit plus haut (Figure 2) et 8 besoins concrets qui n’avaient pas
été identifiés lors de l’analyse fonctionnelle ont ainsi été rajoutés
au cahier des charges comme par exemple la nécessité d’avoir un
moteur de recherche.
Ces interviews ont permis d’impliquer de nouveaux
collaborateurs dans le projet, qui étaient d’abord surpris puis
ravis de pouvoir donner leur avis pour améliorer le Manuel
Groupe. De plus, pour ceux qui ne connaissaient pas le Manuel
Groupe ces entretiens ont été un formidable vecteur de
communication. Enfin, cette analyse a eu un effet bénéfique
supplémentaire puisqu’elle a permis d’améliorer le Manuel
Groupe existant lors de la mise à jour qui a suivi en prenant en
compte immédiatement certaines des améliorations proposées
par le panel.
3.4.3 Lot 3 : recherche d’outils pour digitaliser le Manuel
Groupe à travers un benchmark interne et externe
Pour proposer des solutions potentielles d’outils pour héberger le
nouveau Manuel Groupe, nous nous sommes rendus au Salon de
la digitalisation de Paris et nous nous sommes inspirés de
solutions utilisées par des sites internet commerciaux ou
d’information (Zara, Air France, L’Equipe, etc.). Nous avons
également parcouru l’ensemble des outils à disposition dans le
Groupe. Des démonstrations et des maquettes ont été réalisées
afin de tester certaines fonctions clés comme la facilité de
création et de maintenance (aucune connaissance en codage
informatique requise). Nous avons également recueilli
l’ensemble des propositions de l’équipe projet et du comité de score obtenu de manière collective pour chaque question
pilotage, en dehors des ateliers du lot 1 afin de ne pas s’affichait instantanément sur l’écran.
« contaminer » les exercices d’expression du besoin par des
idées de solutions.

Ainsi 7 solutions potentielles à évaluer ont été proposées parmi

lesquelles un outil de gestion documentaire « Archiveco », un
outil de gestion d’images « Alphasia », « Wix », un site clé en
main pour la réalisation de site internet, un « Flipping book » de
la Safran University présentant l’ensemble des formations
disponibles ou encore le logiciel « Microsoft Sharepoint »
permettant de réaliser des portails web d'entreprise (Figure 4).

Figure 5 : Détermination des critères destructifs et sélectifs

Suite à l’atelier, les 105 questions et leurs scores respectifs ont

été repris pour hiérarchiser et pondérer les besoins sélectifs.
La matrice de décision combinant l’ensemble des critères
destructifs et les critères sélectifs hiérarchisés et pondérés a
permis d’évaluer les solutions potentielles (Figure 6). 5 d’entre-
elles ont été détruites rapidement, et deux dernières en lice ont
été départagées grâce aux critères sélectifs pondérés. Au final,
avec un score de 590 contre 410 pour le « E-Book », c’est la
solution « Microsoft SharePoint » qui l’emporte et qui a été
choisie pour digitaliser le Manuel Groupe.

Figure 4 : Solutions potentielles pour l’outil permettant de
digitaliser le Manuel Groupe Safran
Si aucun workshop n’a eu lieu pour ce lot de travail, l’équipe
projet a tout de même été impliquée en proposant des solutions
potentielles qui ont été évaluées.
Ainsi, la méthode ADEQUA a permis d’évaluer l’ensemble des
solutions choisies en fonction des critères définis par l’équipe
projet, et ce de manière autonome. Cette dernière n’a été
sollicitée qu’une seule fois, pour un atelier Klaxoon d’une heure
qui a été très apprécié.

3.4.4 Lot 4 : choix de l’outil pour digitaliser le Manuel Groupe

Safran
Pour choisir entre les différentes solutions potentielles, nous
avons appliqué la méthode ADEQUA décrite plus haut, en
combinant les résultats obtenus dans les lots 1 et 2, qui
définissent les critères d’évaluation, avec le lot 3 qui définit les
solutions à évaluer. Afin de déterminer les critères destructifs et
sélectifs, les besoins identifiés dans les lots 1 et 2 ont été filtrés
selon 3 catégories : ceux liés aux risques du projet et au besoin
d’ordre supérieur ont été classés en critères destructifs ; ceux de Figure 6 : Matrice de décision
l’ordre du souhait ont été écartés ; et enfin, ceux restants
constituent les critères sélectifs (Figure 5). 3.5 Digitalisation du Manuel Groupe via Microsoft Sharepoint
Pour pondérer les critères sélectifs, une hiérarchisation est et mesure de la satisfaction (« phase check »)
nécessaire et une matrice « 2 à 2 » de comparaison est l’outil
Nous avons choisi de faire développer l’outil par un prestataire
idéal. Cependant, comparer 15 critères signifie réaliser 105
externe en optant pour une démarche agile permettant de mesurer
comparaisons, ce qui peut paraitre rébarbatif lors d’un workshop.
en temps réel la satisfaction client à travers le respect du cahier
Nous avons donc utilisé un moyen plus ludique, Klaxoon, qui
des charges. Cela nous a donc permis de réaliser les lots 5 et 6 de
propose une palette d’applications pour stimuler l’intelligence
manière concomitante.
collective. Un atelier Klaxoon a été réalisé en présentiel et en
Webex au cours duquel les membres de l’équipe projet
répondaient aux questions par « oui » ou par « non » aux 105 3.5.1 Proof of concept
comparaisons proposées (« le critère A est -il plus important que La première étape a consisté à réaliser une maquette graphique
le critère B : OUI ou NON ? ») et ce sur leur smartphone. Le simple (ou POC) du cahier des charges en se basant sur les
fonctionnalités de l’outil choisi, Microsoft SharePoint (Figure 7).

Figure 7 : Extrait du POC
Le POC a ensuite été évalué lors d’ateliers afin de vérifier qu’il
reflétait bien le cahier des charges. La première version du POC
a partiellement satisfait l’équipe projet avec 57% des besoins
correctement représentés. Nous nous sommes donc attachés à
faire préciser les besoins non satisfaits par l’équipe projet. A titre
d’exemple, le besoin « savoir à chaque instant à quel endroit du
Manuel Qualité on se trouve », avait été représenté par un
sommaire mettant en surbrillance le chapitre en cours de lecture.
A la vue de cette solution, l’équipe projet a proposé une variante
plus adaptée: la présence d’un fil d’Ariane sur chacune des
pages. Ainsi tous les besoins ont été reprécisé et la seconde
version du POC a pleinement satisfait l’équipe projet avec 100%
des besoins correctement représentés.
La réalisation de cette maquette graphique a ainsi permis de
préciser certains besoins et par conséquent d’affiner le cahier des
charges.
3.5.2 Transfert d’informations, développement de l’outil et
respect du cahier des charges
L’association du cahier des charges et du POC a permis
d’assurer le plus fidèlement possible le transfert d’informations
entre l’équipe projet et le prestataire. Cela a eu pour conséquence
de réduire le nombre d’ateliers de conception avec le prestataire
à un seul d’une durée de 3 heures.
Lors des 2 ateliers de design qui ont suivi, nous avons
présélectionné plusieurs tendances graphiques et colorimétriques
proposées par le prestataire. 2 maquettes ont ensuite été
présentées à un panel représentatif du Groupe Safran, composé
de 24 personnes, qui les a évaluées lors d’un atelier Klaxoon.
Une maquette a largement remporté les suffrages, à plus de 80%.
Nous avons ensuite mis au point l’outil avec le prestataire
externe en mode agile. 6 livraisons et 6 recettes ont été
nécessaires pour aboutir à un outil respectant l’ensemble du
cahier des charges.
3.5.3 Formation, mesure de la satisfaction des contributeurs et
mise en production
Afin que chaque Société puisse être autonome sur la mise à jour
de ses données, nous avons réalisé une formation théorique et
appliquée sur 2 jours. Chacun des représentants des Société a
ainsi pu se familiariser avec l’outil et y incorporer son contenu
spécifique. Nous avons ainsi pu mesurer la satisfaction des
contributeurs, en analysant notamment avec eux le respect du
cahier des charges concernant les situations de vie « utilisation »
et « maintenance ». Les contributeurs ont évalué à 100% le
respect des critères. Ils étaient ravis de voir que la formation
théorique était très simple et qu’en effet aucune connaissance
informatique particulière n’est nécessaire pour créer ou maintenir
du contenu.
Une fois que tous les contenus communs et spécifiques aux
Sociétés aient été ajoutés au sein de l’outil, le manuel a été mis
en production en Décembre 2018 (Figure 8).
D’un point de vue technique, l’outil fonctionne sur une seule et
unique page vide qui se remplit de contenu en fonction du
« point de vue » et de la « rubrique » choisie par l’utilisateur.
L’ensemble des contenus, auxquels sont appliqués des
métadonnées spécifiques (Société, Rubrique,…), est stocké dans
une bibliothèque au sein même de l’outil. Ce « WebManuel » est
le premier exemple chez Safran d’un document dit « complexe »
qui a trouvé sa place dans l’outil de gestion électronique des
documents comme n’importe quel autre.
L’un des principaux apports de la digitalisation du Manuel
Groupe est le « changement de point de vue » qui permet à
chaque société, et ce de manière automatique, de ne visualiser
que le contenu la concernant, c’est-à-dire les parties
communes et ses parties spécifiques. Cependant, ce point de vue
peut se changer en un clic ! On peut ainsi, au choix voir les
contenus d’une autre Société du Groupe ou celui de l’ensemble
des Sociétés. La fluidité de la navigation est également un atout
de la digitalisation. Celle-ci se fait grâce à un volet rétractable
concernant le sommaire (« rubriques »). Une autre particularité
de ce « WebManuel » est son adaptabilité aux supports nomades
que sont les tablettes ou téléphones portables. Non seulement les
contenus s’adaptent à l’écran en temps réel mais le sommaire se
réorganise également sous la forme d’un seul bouton cliquable
afin de ne pas empiéter sur l’espace disponible.
3.5.4 Mesure de la satisfaction des utilisateurs
Suite à la mise en production du « WebManuel », dans les délais
initialement prévus, nous avons reçu de nombreux retours
spontanés très positifs sur la digitalisation du Manuel. Afin de
mesurer plus précisément la satisfaction des utilisateurs, nous
avons lancé une nouvelle campagne d’analyse de l’existant
auprès du panel interviewé dans le Lot 1. A ce jour 57% du panel
a été interviewé et ils sont pleinement satisfaits de cette nouvelle
version. Ils ont en particulier apprécié le changement de point de
vue, le moteur de recherche et l’adaptabilité du contenu au
support de lecture (ordinateur, tablette ou téléphone) Ils ont
également souligné le caractère plus intuitif et plus convivial.
Aucun point négatif n’a été relevé jusqu’à présent.
3.6 Retour d’expérience sur la digitalisation du manuel qualité
Safran (« phase act »)
Le projet a été mené en 8 mois depuis le kick off meeting
jusqu’au closing meeting et la diffusion du « WebManuel » à
l’ensemble des 91000 collaborateurs Safran. Nous avons ainsi
tenu nos engagements de délais mais également de coûts et de
qualité puisque le « WebManuel » satisfait pleinement les
utilisateurs mais également les concepteurs qui s’occupent pour
chacune de leur Société respective de la mise à jour du contenu.
 Figure 8 : Extrait du « WebManuel » Safran
L’un des principaux points forts du projet qui a conduit à son
succès est la méthode utilisée et décrite Figure 1. En effet, l’ajout
de l’analyse de l’existant à l’analyse fonctionnelle a permis
d’identifier un ensemble complet de besoins incluant des besoins
très pratiques qui étaient passés inaperçus lors de l’analyse
fonctionnelle. La méthode ADEQUA a permis de faire un choix
de manière objective. La réalisation d’une maquette graphique
illustrant et accompagnant le cahier des charges a permis de
préciser certains besoins et de les transmettre de manière plus
efficiente au prestataire en charge de la réalisation. En addition
d’un gain de temps précieux, cette combinaison cahier des
charges détaillé et POC a permis d’économiser environ 10% du
cout total du projet qui s’élève à plusieurs dizaines de milliers
d’euros.
La valorisation temps de travail des collaborateurs a également
été l’un des points forts du projet. L’investissement du Chef de
projet a permis de réduire considérablement le nombre d’ateliers
sans pour autant exclure le Groupe de Travail des décisions, bien
au contraire. Ils étaient sollicités à bon escient, pour apporter leur
expertise. Cela a eu pour conséquence leur implication totale lors
des ateliers et leur assiduité tout au long du projet.
Afin de standardiser la méthode et l’outil qui peuvent être
utilisés pour la digitalisation d’autres documents, des supports de
formation ont été réalisés et communiqués à l’ensemble des
Sociétés. Une campagne de communication interne a également
été lancée, à la fois sur les réseaux collaboratifs et l’intranet du
groupe mais également sous la forme de pitch et de stand de
démonstration lors de la journée consacrée à l’innovation (Safran
Innovation Award). Cette communication et le succès du
« Webmanuel » commencent à porter leurs fruits puisque
d’autres projets de digitalisation de documents sont en train de
voir le jour, en corporate mais également en Société. Ainsi,
l’outil que nous avons développé pour digitaliser le Manuel
Groupe est déjà en cours de réutilisation pour digitaliser des
procédures Groupe. Le fait de pouvoir filtrer les informations en
fonction du profil de l’utilisateur va permettre de diminuer le
nombre de procédures en Société dont le but était de compléter
ou d’amender les procédures Groupe. L’ensemble de ces
informations, communes et spécifiques, va pouvoir trouver sa
place au sein du même document dit « complexe ». La
transformation digitale du système documentaire et par
conséquent sa modernisation et sa simplification est donc en
bonne voie chez Safran.
4 CONCLUSIONS ET DISCUSSION • La communication doit être adaptée au contexte.
Nous avons présenté dans cet article une démarche pour L’aisance à communiquer dans un groupe, qui plus est par
digitaliser le système documentaire associé au management de la téléphone, comme c’est souvent le cas dans les groupes
qualité. Cette méthode repose sur la combinaison et l’adéquation internationaux, n’est pas la même pour tous. Il faut donc s’y
de deux démarches de management, l’une de projet avec le adapter en rencontrant les personnes dans la mesure du possible
PDCA et l’autre des hommes avec la conduite du changement, ou en les contactant individuellement. L’ensemble de ces
associées à une approche méthodique et structurée en 6 étapes. discussions a permis de mieux comprendre les causes racines des
Nous sommes ensuite passés de la théorie à la pratique en résistances pour les faire tomber, une à une. Le partage des
appliquant cette démarche à la digitalisation du manuel qualité documents (travaux, compte-rendu…) sur un réseau collaboratif
Safran. Nous avons démontré la fiabilité de cette démarche qui d’entreprise dédié au projet a également favorisé les échanges.
a permis en quelques mois seulement de digitaliser le Manuel • L’implication de différents profils, de différentes
Groupe Safran et de faire de ce « WebManuel » un vrai succès générations a permis d’identifier des besoins très particuliers qui
auprès des utilisateurs. plaisent maintenant au plus grand nombre.
• Pour maintenir la motivation des collaborateurs, le
Les principales améliorations qui ont été apportées au Manuel découpage du projet en lots de travaux a permis de célébrer
Groupe par la digitalisation portent sur la fluidité de la toutes les étapes intermédiaires.
navigation, sur l’ajout d’un moteur de recherche plus approprié • Il faut également savoir se diversifier et apporter de la
qu’un sommaire pour les générations Z, mais également sur la nouveauté pour persévérer et renforcer le mouvement afin de
reconnaissance automatique de la Société d’appartenance du maintenir la dynamique du projet et transformer enfin la vision
collaborateur permettant ainsi un filtrage des informations selon en réalité. A titre d’exemple, l’utilisation de nouveaux outils,
son profil. Ce nouvel aspect du Manuel Groupe, plus conforme comme Klaxoon, a apporté un souffle d’originalité et a
aux standards auxquels nous sommes confrontés tous les jours redynamisé l’équipe projet.
sur internet, a également séduit les responsables des ressources • L’étape ultime, la pérennisation est atteinte lorsque la
humaines du Groupe Safran. Le « WebManuel » fait dorénavant culture est diffusée dans la Société. Les nouveaux projets de
parti du kit du nouvel arrivant, en tant que vecteur de digitalisation que nous accompagnons sont la preuve que la
communication sur le système de management du Groupe transformation a été réussie chez Safran.
Safran.
5 REMERCIEMENTS
Fort du succès du « Webmanuel », d’autres projets de Nous tenons particulièrement à remercier les membres de
digitalisation de documents sont actuellement en cours chez l’équipe Projet, pour leur dynamisme et leur implication dans le
Safran. Au-delà de l’objectif de rendre le système documentaire projet « WebManuel », les membres du Comité de Pilotage pour
plus moderne et attractif afin qu’il soit mieux appliqué par tous leur soutien, la Direction des Systèmes de l’Information pour sa
et partout, la digitalisation des documents va également réactivité et son sérieux lors de la mise en œuvre de l’outil et
permettre leur simplification et réduction et ainsi gagner en enfin, Romuald Thimon qui est à l’origine de la mutualisation du
efficacité. Manuel Groupe et qui a grandement participé à ce projet.
Une nouvelle culture, celle de la digitalisation, prend donc racine
chez Safran. La pérennisation et diffusion de la culture étant 6 BIBLIOGRAPHIE
l’ultime étape de la conduite du changement, nous pouvons
affirmer avoir réussi la transformation digitale chez Safran. AFNOR, (2015) NF EN ISO 9001:2015 - Systèmes de
management de la Qualité - Exigences
La conduite du changement menée tout au long du projet est l’un AFNOR, (2016) NF EN 9100:2016 - Systèmes de management
des aspects fondamentaux ayant contribué à sa réussite. de la qualité - Exigences pour les organismes de
• Le sentiment d’urgence crée par la nécessité l'aéronautique, l'espace et la défense
d’incorporer Zodiac Aerospace au Manuel Groupe à la fin de Autissier D., Moutot JM, (2010) Méthode de conduite du
l’année 2018 a permis de réaliser un projet informatique complet changement, Dunod
depuis l’idée jusqu’à sa diffusion à l’ensemble du groupe en 8 Chardonnet, A., Thibaudon, D., (2003) Le guide du PDCA de
mois seulement, ce qui est très court. Deming. Editions d’Organisation
• La valorisation de l’expertise de l’équipe projet en Kotter J, Rathgeber H, (2018) Alerte sur la banquise !, Pearson
leur apportant un support adapté a été la clé du succès du projet. Rolland, S., (2018) Reinventing the quality function in the digital
Savoir être à l’écoute, comprendre les acteurs et leurs area. European Quality Congress, Paris, France, 21-22 June
motivations pour pouvoir s’y adapter au mieux et aller ensemble 2018
vers un but commun, telles sont les compétences nécessaires au Van Siclen, Ed., (2018) The future arrived yesterday, quality’s
Manager de la Qualité en charge d’un projet de digitalisation. role in digital transformation. European Quality Congress,
• La mise en place d’une démarche structurée, pas à pas, Paris, France, 21-22 June 2018
Zaidin, N.H.M, Diah, M.N.M, Po, H.Y. and Sorooshian, S.,
a permis de rassurer les collaborateurs et de favoriser
(2018) Quality Management in Industry 4.0 area. Journal of
l’appropriation de la stratégie et de la vision.
Management and Science 8(2), 82-91

View publication stats