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Comment créer des

personnages captivants
(sans brider votre créativité)
Julien Rouillard
Reflechir-pour-mieux-ecrire.com

I) Introduction :

A) Vous avez plein d’idées dans la tête. Des histoires époustouflantes. Des concepts
renversants. Pourtant, vous n’arrivez pas à terminer votre roman.

Vous avez peut-être écrit le point final, mais un arrière-goût vous reste dans la bouche.

Vous vous relisez. Les pages défilent. Vous vous dites que ce n’est pas si mal. Et vous continuez.

C’est là que vous tombez sur le passage brillantissime de votre roman. « Waouh, pensez-vous. Je suis
plutôt doué en fait. »

Enthousiasmé, vous vous replongez dans votre lecture. Page après page, l’illusion s’effrite. Vous
comprenez que vous avez écrit un bon chapitre. Ou bien deux. Voire trois. Mais pas un livre entier.

C’est la douche froide. Vos tripes se serrent. Une question rebondit dans votre esprit : En suis-je vraiment
capable ?

Ne cherchez plus la réponse.

Oui, vous en êtes capable.

Vous parvenez à lire ces lignes ? À réfléchir et imaginer par vous-même ? Vous êtes prêt à travailler
dur pour enfin terminer un roman qui vous rende fier ?

Ce sont les seuls prérequis.

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Ce guide a pour but de vous montrer comment créer des personnages qui paraîtront aussi réels que vous
et moi.

Ici, pas de secrets-miracles ni de règles. Juste des balises pour vous guider dans votre aventure.

B) Les conseils brident-ils votre créativité ? Ou bien révèlent-ils votre incompétence ?

Je vous rassure tout de suite : ni l’un, ni l’autre.

Le premier souci des auteurs en devenir, ce sont les aprioris. Il existe deux grandes fausses idées. L’une
d’elle vous empêche certainement de voir l’écriture sous son vrai jour.

Pour ma part, ce fut la première : Ecrire est un art. Et pour créer de l’art, il faut laisser sa créativité
s’exprimer sans restriction.

Bien sûr, c’est faux.

Il suffit d’étudier la vie des grands artistes (toutes disciplines confondues) pour le comprendre. Aucun
n’a eu de succès uniquement grâce à son imagination. Ils connaissaient tous (consciemment ou non) des
techniques leur permettant de canaliser leur créativité. Plutôt que de la laisser s’éparpiller, ils la
dirigeaient vers un point précis.

Si vous avez cru à cette idée, je n’ai qu’un conseil : débarrassez-vous-en. L’Homme créé des outils
depuis des millions d’années. Certains sont des outils mentaux puissants. Vous ne voulez pas vous en
passer.

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La seconde idée à laquelle vous pourriez adhérer est la suivante : Une bonne histoire se doit de respecter
scrupuleusement les règles régissant l’écriture.

C’est également faux.

Le strict respect des règles vous empêche de vous exprimer. Vos idées se ressemblent toutes et
ressemblent à celles de tout le monde. Vos histoires sont entières mais cruellement plates. Si plates
qu’elles ne peuvent rien contenir.

Elles sont vides.

C) Ecrivez votre histoire sans vous restreindre ni vous perdre, grâce aux balises.

Imaginez que vous vous trouviez à un point A et désiriez atteindre le point B. Le point A est votre
volonté d’écrire un roman. Le point B est votre roman, fini.

Chacune des idées vu précédemment est un chemin différent pour passer du point A au point B.

La première idée (créativité sans restriction) vous laisse partir sans aucune indication. Vous ne savez ni
où vous allez, ni quand vous allez y arriver. Et donc votre chemin (l’écriture de votre roman) ne vous
mène jamais au point B.

Vous vous perdez et abandonnez. Ou vous vous retrouvez avec un résultat dont vous ne vouliez pas : un
point C.

Autrement dit, vous ne finissez pas votre roman, ou bien il n’est pas à la hauteur de vos attentes.

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Avec la deuxième idée (suivre scrupuleusement les règles), vous pouvez suivre un chemin tout tracé
vous menant au point B. C’est une ligne droite, monotone et peu ambitieuse.

Vous atteignez le point B. Vous avez écrit un roman. Un roman qui ressemble à tant d’autres. Un roman
dans lequel vous n’avez pas réussi à vous exprimer. Vous êtes déçu. Et vous avez raison de l’être.

Vous auriez pu faire bien mieux.

Ce que je vous propose dans ce guide, c’est un juste milieu.

Vous partez du point A tranquillement. Vous suivez un chemin balisé. Quand l’envie vous en prend,
vous laissez votre créativité vous emmener hors du sentier. Plus vous vous exprimez profondément, plus
vous vous éloignez du chemin. Mais vous connaissez les balises. Vous savez toujours où vous êtes.
Vous avancez au gré de votre imagination. Puis vous atteignez le point B. Comme prévu.

Le principe des balises est simple.

Ce sont des règles qui sont faites pour être transgressées si vous le faites consciemment et pour vous
exprimer. Pas par facilité ou fainéantise.

Si vous décidez de vous éloigner du chemin, vous devez connaître l’emplacement de la balise.

Je vous propose de passer au concret : Comment créer des personnages captivants.

IMPORTANT : Connaissez les balises avant de commencer votre chemin. Plus vous vous en éloignez,
mieux vous devez les avoir comprises.

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II) Les étapes pour créer votre personnage :

Astuce : Décuplez votre créativité grâce au principe du « 2 = Infini ».

Vous avez tous déjà vécu ce moment où vous vous dites : « Je dois mettre ça dans mon livre ! Je retiens
cette idée et je l’ajoute dès que je peux ». Que ce soit en regardant un film, en lisant, en parlant avec un
ami… L’idée a surgi. Semblant sortir de nulle part.

Vous avez, à cet instant, consciemment ou non, mélangé deux idées (ou plus) qui vous en ont donné une
nouvelle : celle que vous trouvez géniale.

Le principe du « 2 = infini » c’est de ne pas attendre que les idées se mélangent d’elles-mêmes.

Vous notez toute idée un minimum intéressante et vous la mixez avec au moins une autre idée. Résultat :
vous en obtenez une troisième.

Le mieux, c’est qu’avec deux idées vous pouvez en créer une infinité d’autres.

C’est comme les couleurs. Avec un tube de peinture rouge et un bleu, vous pouvez avoir : du rouge, du
bleu, du violet. Mais aussi du bleu un peu plus foncé, du bleu beaucoup plus foncé, etc…

Alors notez vos idées puis faites de délicieux mélanges !

Conseil : Laissez la place aux personnages les plus importants.

Les étapes qui suivent vont vous permettre de créer vos personnages. Que ce soit les principaux, les
secondaires, vos héros ou vos adversaires, des récurrents ou des « figurants ».

Chaque étape approfondira le personnage que vous travaillez.

Attention néanmoins ! Si vous développez chacune d’elles pour un personnage mineur, celui-ci risque
de prendre trop de place dans votre récit.

Plus un personnage est important, plus vous devrez travailler les étapes. Et vice-versa.

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1) Sculptez les contours :

A) Donnez naissance

Commencez par donner un nom :

Ne vous inquiétez pas, rien n’est définitif. Vous pourrez le changer plus tard. Mais donnez un nom à
votre personnage pour pouvoir penser à lui. C’est difficile de penser à quelqu’un sans utiliser au moins
un surnom.

Lorsque vous choisirez le vrai nom de votre personnage, essayez de ne pas le faire ressembler à d’autres
noms utilisés dans votre roman. Et notamment à varier la première lettre des noms. Pas de « Marie, Marc
et Monica ».

Vous risquez d’embrouiller vos lecteurs.

Dotez votre personnage de 1 ou 2 traits physiques différenciables :

Pour pouvoir se représenter l’allure qu’il a, c’est mieux. De préférence, pensez inhabituel. Dire que
Marie est de taille « normale », bof. Si elle fait 2m20, c’est plus intéressant de le savoir.

Ne faites pas non plus l’erreur de décrire d’un coup votre personnage des pieds à la tête. Les lecteurs
perdront la majorité des informations (dont potentiellement les plus importantes).

Et gardez en mémoire que si vous ne précisez pas (par exemple) la couleur des yeux, l’imagination des
lecteurs fera le reste. Votre personnage ne sera pas « sans yeux ».

Travaillez les « comportements de caractères » :

Pour commencer à donner une identité propre à votre personnage, demandez-vous ce qui, dans son
comportement, le différencie des autres.

Nous ne parlons pas ici de ses valeurs, mais de ses habitudes et ses talents.

A-t-il des tics ? Une démarche particulière ? Un rituel ou une manie peu ordinaire ? Est-il doué pour une
discipline en particulier ?

Veillez à déterminer ces comportements en fonction de ce que vous comptez faire de votre personnage.
S’il est bon aux échecs, il sera certainement très stratégique et réfléchi tout au long du récit… Ou pas,
mais dans ce cas, il faut le justifier.

Créez un langage unique :

Tout le monde a une manière différente de parler. Ce doit donc être le cas de votre personnage.

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Les paroles d’une personne reflètent sa personnalité. Les mots qu’elle utilise en disent long sur elle. Ne
négligez pas cet aspect-là, ou vous risqueriez d’écrire des dialogues qui « sonnent faux ».

Si votre personnage est timide, ne lui faites pas réciter une tirade de dix lignes.

S’il est très « énergique », il pourrait avoir un champ lexical axé sur les superlatifs : extraordinaire (au
lieu de bien), effroyable (au lieu de stressant), somptueux (au lieu de joli), etc…

S’il est policier, il peut utiliser des termes liés à son métier même dans sa vie personnelle.

S’il est autoritaire, cela transparaît dans ses paroles : il donne principalement des ordres ou fait la morale.

Gardez bien en tête les caractéristiques de votre personnage lorsque vous créez sa « voix ». Tout doit
être lié.

B) L’utilité du personnage

Il vous est déjà arrivé d’avoir une super idée de personnage, de l’intégrer à votre roman… Et de vous
rendre compte qu’il faisait tâche dans votre récit ?

Personnellement, oui.

C’est pour cela qu’il est important de vous demander pourquoi vous voulez créer un personnage. Et
mieux vaut se la poser avant d’avoir travaillé dessus des heures durant, non ?

Je distingue trois types de personnages.

Les personnages nécessaires :

Ce sont ceux autour desquels gravite l’histoire.

Il peut s’agir de votre héros (par héros j’entends le personnage numéro 1, celui dont vous raconter
l’histoire, le protagoniste), ou de ses adversaires, de ses alliés. Voire d’un personnage peu présent mais
dont l’existence a un gros impact sur votre récit.

Si le personnage que vous créez est « nécessaire », alors bien entendu la question de l’utilité est vite
réglée. Son existence étant justifiée, vous pouvez passer au point suivant.

Les personnages pratiques :

Vous pouvez penser à ce type de personnages comme à un outil. Grâce à eux, votre récit s’articule
mieux. Votre histoire est plus fluide.

Un personnage pratique c’est ce barman qui connait bien le suspect et grâce à qui votre enquête
commence. Ou bien cet écuyer qui fait des allers-retours incessants pour délivrer des messages d’un
bout à l’autre du palais. C’est cette petite fille anonyme qui sourit innocemment à votre héros et lui
donne la force de se relever.

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En bref, c’est tout personnage non-essentiel qui permet directement de faire avancer votre histoire.

Si vous créez un personnage pratique posez-vous juste une question : Est-ce la meilleure solution ?

La réponse est oui : continuez votre travail.

Si vous n’êtes pas sûr, réfléchissez aux alternatives :

Un enregistrement vidéo à la place du témoignage du barman ? Un pigeon plutôt qu’un écuyer ? Une
fleur qui éclot au lieu de la petite fille ?

Créer ce personnage est toujours la meilleure option ? Parfait, continuez !

Les personnages intéressants :

Vous savez, c’est ceux dont je vous parlais plus haut. Ceux que vous intégrez à votre histoire parce
qu’ils sont géniaux.

Ce moine philosophe qui prône la fraternité dans chacune de ses phrases. Cette blagueuse qui lâche une
vanne toutes les cinq minutes. Cette brute épaisse qui a un cœur en or.

Vous devez bien avoir vos propres exemples en tête ?

Faites attention. Ces personnages sont dangereux car ils peuvent faire tâche.

Important : Un bon personnage n’est pas bon dans chaque roman.

Parfois, il est préférable d’écarter un personnage parce qu’il n’a tout simplement pas sa place dans votre
histoire. Ça fait mal. Mais vous pourrez le réutiliser dans un prochain récit !

Si vous êtes entêté, vous pouvez essayer de fusionner ce personnage intéressant avec un personnage
pratique ou nécessaire. Veillez juste à ce que ce mélange tienne la route.

Et si votre personnage n’entre dans aucune catégorie ?

Je pense que vous connaissez la réponse. Pas nécessaire ? Pas pratique ? Pas intéressant ? Supprimez-le
sans aucun regret.

C) Regardez. C’est Harry Potter !

Comme une vraie personne, un personnage se définit en partie par le regard des autres. Une réputation
reflète rarement à la réalité, mais elle donne tout de même des informations.

Un patron jugé insensible par ses employés peut en vérité manquer de confiance en lui. Et être froid
pour ne montrer aucune faiblesse.

Ce même personnage pourrait aussi penser qu’une entreprise ne peut fonctionner qu’avec un PDG
impitoyable (tout en se sentant coupable d’agir ainsi).

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Donc oui, une réputation ne définit pas un personnage. Mais elle esquisse les premiers traits que vous
pouvez ensuite affiner.

Vous pouvez même utiliser l’opinion des autres pour mettre en place des stéréotypes. Puis en jouer.
C’est ce que nous allons voir juste en-dessous.

D) Les hommes sont tous les mêmes !

Les stéréotypes vous permettent de tromper vos lecteurs… Sans en endosser la responsabilité.

Vous les surprenez, non parce que vous leur avez menti, mais parce qu’ils ont d’eux-mêmes rangé votre
personnage dans une case.

Je vous donne un exemple :

Marie est mère de trois enfants. Durant les vacances scolaires, elle laisse le plus âgé s’occuper des plus
jeunes. Alors qu’elle se trouve au travail, la voisine du dessous l’appelle. Des cris résonnent ! Des
assiettes se brisent ! Marie raccroche, attrape son manteau et rentre chez elle.

Tout n’est pas dit. Pourtant nous comprenons (ou pensons comprendre) que Marie s’inquiète pour ses
enfants. Qu’elle va tenter de les apaiser ou de leur faire la morale. Oui, Marie est une mère. Elle
s’inquiète pour ses enfants. Quoi de plus normal ?

Pourtant voici la suite :

Marie pousse la porte de son appartement et fonce au salon. Des débris jonchent le sol. Elle les évite et
se précipite vers son atelier de poterie. Elle compte chacune de ses œuvres. Puis souffle un grand coup.
Seules les banales assiettes de cuisine ont été cassées. Marie crie à son aîné que tout a intérêt à être
propre lorsqu’elle rentrera, puis elle retourne au travail.

Ce n’est pas très intéressant, je l’admets. Mais ce passage en dit long sur Marie. Elle quitte son travail
pour vérifier l’état de ses poteries sans même s’enquérir de ses enfants. C’est inhabituel.

Grâce aux stéréotypes de vos lecteurs, vous avez révélé cet aspect de la personnalité de Marie sous la
forme d’une surprise. L’information est plus marquante, et donc mieux retenue.

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Attention cependant. Nous avons tous des préjugés que nous le voulions ou non. Jouez sur ceux de vos
lecteurs (les « populaires »). Pas sur les vôtres.

Bravo ! À ce stade, votre personnage prend forme. Il existe et pour de bonnes raisons. Vous êtes sur la
bonne voie.

Maintenant, il est temps de transformer votre pantin en un être conscient.

2) Insufflez la vie :

A) Le passé au service du présent

Ce qu’un personnage a vécu avant l’histoire est déterminant dans sa construction. Car ce qui différencie
principalement deux individus, ce sont leurs expériences, leur vécu, leur passé.

Oui, mais à quel point devez-vous raconter le passé de votre personnage ?

Tout en détail :

Non.

C’est tout simplement trop long.

Vous vous éloignez de votre histoire. Vous la ralentissez.

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Les grandes lignes :

Possiblement.

Si cela permet de mieux cerner les choix de votre personnage.

Un événement (ou une suite d’événements) en particulier :

Oui, s’il est pertinent.

Votre personnage a une peur démesurée ? Peut-être est-ce lié à une mauvaise expérience.

Il a des valeurs inhabituelles auxquelles il est profondément attaché ? Elles ne viennent pas de nulle part.
Seul le passé, le vécu, peut l’expliquer.

Ne rien dire :

Oui, si les éléments importants du passé sont compris sans avoir besoin d’être dits.

Certaines situations révèlent le passé en montrant les conséquences plutôt que les causes.

Un homme estropié reçoit la légion d’honneur ? On comprend qu’il a fait la guerre. Qu’il a été
courageux, etc… Si cette conclusion colle à votre personnage, pas besoin d’en dire plus.

Ne négligez pas le vécu de votre personnage. Il permet notamment de justifier (de rendre cohérent) leurs
choix « illogiques ».

B) Je pense donc je suis

Vous avez déjà entendu quelqu’un prononcé la phrase : « il/elle n’a pas de personnalité » ?

Cette affirmation est forcément fausse. Tout le monde a une personnalité.

Alors comment peut-on être amené à formuler cette pensée ?

Selon moi, c’est parce que ces personnes qui « manquent de personnalité » ne partagent pas (souvent)
leurs opinions profondes.

Ce peut être le cas d’une personne très timide, réservée :

Regarde, elle ne parle pas. Elle ne connaît pas ci. Elle ne connaît pas ça. Elle n’a pas de personnalité.

En réalité, elle en a une. Et très complexe ! Simplement, elle en garde une grosse partie enfouie en elle.

Ce peut être aussi le cas d’une personne qui donne sans cesse son avis :

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Regarde, ses musiques préférées sont les mêmes que tout le monde. Elle fait ce sport depuis que la
France est championne du monde. Elle n’est pas originale. Elle n’a pas de personnalité.

Et pourtant, elle en a une. Elle aime vraiment ces musiques ! Elle n’était peut-être pas fan de ce sport,
mais son envie d’être acceptée dans un groupe l’a poussé à s’inscrire au club. Oui, elle dit beaucoup de
choses banales, mais cela ne reflète pas la profondeur de sa personnalité.

D’où l’importance des opinions. Des valeurs. Des croyances.

Réfléchissez.

Quels principes dirigent la vie de votre personnage ? Connaissez ces principes. Comprenez-les. Retenez-
les.

Ensuite, partagez-les avec vos lecteurs.

Par le dialogue :

Un personnage peut tout à fait parler de ses pensées profondes avec un autre. Et donc en faire part à vos
lecteurs.

Attention toutefois à ne pas leur faire la morale.

Imaginons un père qui apprend que son fils a insulté l’une de ses camarades de « pute ».

Le père étant un fervent défenseur du droit des femmes, il est furieux de l’attitude de son fils. Et il lui
fait un sermon de trente minutes sur l’égalité, le sexisme, etc…

Si c’est trop direct, vos lecteurs risquent de se sentir visés par ce discours. Non seulement ils pourraient
mal le prendre, mais en plus vous les sortez de votre histoire. À ce moment, ils voient votre tête sortir
d’entre les pages et les réprimander.

En outre, plus la « valeur » en question est liée à l’actualité, plus le côté moralisateur du dialogue risque
de ressortir.

Donc allez-y, mais avec prudence.

Par le narrateur :

Pour révéler les opinions de certains de vos personnages, vous pouvez passer par votre narrateur.

Bien sûr, tout dépend du type de narrateur que vous utilisez. Si votre narrateur est un membre de
l’histoire, il lui sera impossible de révéler les opinions des autres personnages.

Cette méthode ressemble beaucoup à la précédente. En effet, lorsque votre narrateur explique les pensées
d’un personnage, vos lecteurs entendent le personnage en question. Et non le narrateur.

Donc pour les mêmes raisons, soyez prudent. Mais n’excluez pas cette solution !

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Par les actes :

Lorsque votre personnage agit (ou reste immobile), il fait des choix. Ce qui en dit long sur les principes
gouvernant sa vie.

Ce qui est génial avec cette méthode, c’est qu’elle est bien plus subtile que les dialogues.

Reprenons l’exemple du père dont le fils a insulté une camarade.

Plutôt que de lui faire un sermon, le père pourrait agir :

Il jette tous les jouets « de garçon » de son fils. Il en achète des « pour fille ». Il fait de même avec ses
vêtements, son apparence, son nom. Puis il le change d’école et le force à vivre dans la peau d’une jeune
fille.

Il ne dit rien. Le fond de sa pensée est moins clair que s’il l’avait dit avec des mots. Mais nous
comprenons l’essentiel : ce genre d’insulte va à l’encontre de ses valeurs profondes, et il veut les
transmettre à son fils.

De manière générale, vous voulez montrer (ou dire) les valeurs de votre personnage si celles-ci ont un
impact sur votre histoire. Une opinion exposée pour « embellir » le personnage, mais qui n’aura jamais
d’utilité dans le récit est donc à proscrire.

C) Que désirez-vous le plus au monde ?

Tout le monde agit en ayant un objectif (conscient ou non) à atteindre.

Vous vous levez tôt chaque matin ? Vous prenez le temps de bien vous habiller ? Oui, parce que vous
voulez garder votre emploi. Vous voulez évoluer, etc…

Vous vous parfumez ? Vous choisissez de beaux vêtements ? Vous vous entraînez à sourire ou à
blaguer ? Oui parce que vous voulez séduire un ou une partenaire.

Donnez des objectifs à votre personnage.

Logiquement, leurs actions sont conditionnées par ce qu’ils veulent. Souvenez-vous-en.

Important : Un personnage n’agit pas pour faire avancer votre histoire, mais pour atteindre ses
objectifs. À vous de faire en sorte que vos désirs et les leurs coïncident.

Dans votre histoire, une particularité concerne votre héros (personnage numéro 1, protagoniste, tout ça
tout ça) et ses objectifs.

Votre héros ne doit avoir qu’un seul objectif principal. C’est-à-dire qu’un unique et intense désir
l’anime tout au long de votre récit.

C’est sur ce désir que se base votre histoire. Toute l’intrigue tourne autour d’une question : le héros
arrivera-t-il à atteindre son objectif ?

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Si votre héros veut créer la plus grosse multinationale existante, il n’abandonnera (ou ne réussira) pas
au milieu de votre livre. Il ne change pas non plus d’objectif en se disant : « Non, en fait je veux faire le
tour du monde en voilier ».

Ce sont deux histoires différentes qui n’ont rien à faire au sein d’un même livre. À la limite, votre
personnage peut réussir ou abandonner son vrai objectif à la fin de votre roman. Puis se fixer un nouvel
objectif en conclusion. Mais vous ne traitez pas ce second succès ou échec dans le même récit.

Comprenez-moi bien. Je ne dis pas que votre héros ne veut qu’une unique chose. Simplement qu’au
cours de votre histoire, il aura un (seul) objectif plus motivant que tous les autres. Pour lequel il
fournira bien plus d’efforts.

D) Imparfait par nature

Vous serez certainement d’accord pour dire qu’un personnage parfait, c’est chiant.

Tout le monde a des défauts et des faiblesses. C’est ce qui fait les difficultés de la vie. Les souffrances.
Mais c’est aussi ce qui pousse à s’améliorer.

Faiblesse :

Une bonne histoire, ce n’est pas simplement la volonté de votre personnage s’opposant à celle d’autres.
C’est aussi une contradiction entre ses souffrances et ses désirs.

Si votre personnage veut atteindre son objectif, il doit dépasser ses peurs. Admettre ses fautes.
Comprendre ce qu’il ignorait. Etc…

Exemples :

Une enquêtrice veut résoudre un crime (objectif), pour cela elle lutte contre sa toxicomanie (faiblesse)
afin qu’on ne lui retire pas l’affaire.

Un homme pieu veut protéger son village contre l’envahisseur (objectif), mais il ne peut se résoudre à
tuer ses ennemis (faiblesse).

Un enfant veut changer le monde en diffusant un message de paix (objectif), mais du fait de son jeune
âge, il n’est pas pris au sérieux (faiblesse).

Soyez généreux. Offrez des faiblesses à votre personnage.

Important : La faiblesse permet de créer du conflit au sein même d’un personnage. Ce sera aussi le
premier échelon vers son évolution.

Besoin :

Le besoin c’est ce qui est nécessaire à l’amélioration (psychologique ou morale) de votre personnage.

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Ne confondez pas faiblesse et besoin.

Si la faiblesse de votre personnage est d’être raciste, son besoin n’est pas de ne plus l’être. Son besoin
peut être de surpasser sa peur de l’inconnu, ou bien de remettre en question son éducation.

Le besoin ce n’est pas de surmonter la faiblesse, mais la cause de la faiblesse.

Pourquoi le besoin est important ? Parce qu’il permet d’impliquer vos lecteurs.

Lorsque votre personnage a une faiblesse flagrante qui le handicape tout au long du récit, une question
se forme dans l’esprit des lecteurs. Atteindra-t-il son besoin ? Va-t-il réussir à devenir meilleur ?

Sachez dès le début quel est le besoin de votre personnage.

E) Vous ne passerez pas !

Votre personnage a un objectif ? Très bien.

Mais si vous voulez vous en servir, il ne doit pas être atteint trop vite. Sinon il disparaît avant que vous
ayez pu l’exploiter.

Vous allez devoir faire preuve de sadisme !

Posez-vous la question : de quelles manières puis-je entraver la progression de mon personnage ?

Faites marcher votre imagination. Utilisez la méthode du 2 = Infini pour dénicher un tas d’idées.
Comment allez-vous lui pourrir la vie ?

Obstacles externes :

C’est le type d’obstacle le moins intéressant car il ne concerne pas directement votre personnage. Il
s’agit de tout événement indépendant venant entraver l’atteinte de l’objectif.

Le brouillard se forme alors que votre personnage prend sa voiture pour aller à un rendez-vous urgent ?
Obstacle externe.

Un pickpocket vole le portefeuille de votre personnage lors d’un rendez-vous galant ? Obstacle externe.

Attention à ne pas abuser de ce type d’obstacles. Comme ils n’ont pas de justification, vos lecteurs
pourraient sentir que vous tirez les ficelles.

Obstacles internes :

Ces obstacles découlent de votre personnage. Ils sont donc très importants.

Nous parlions plus haut des faiblesses en contradiction avec le désir. C’est entre autre ici que vous
exploitez ces faiblesses.

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Mais un obstacle interne n’est pas forcément lié à une faiblesse. Il doit simplement découler logiquement
du personnage à qui il s’oppose.

Que ce soit parce que l’obstacle concerne un proche du personnage, un élément de sa caractérisation, ou
qu’il soit la conséquence d’une action entreprise plus tôt.

Obstacles externes d’origine interne :

Qu’est-ce que c’est ?

Ce sont des obstacles en apparence extérieurs au personnage, mais qui trouvent une justification interne.

Ce n’est pas très clair ? Je m’explique.

Vous avez un entretien d’embauche. Vous êtes en retard. Vous courrez pour attraper le bus. Mais vous
le voyez passer. Si vous ne faites rien, vous allez le louper. Vous agitez vos bras pour faire signe au
chauffeur de s’arrêter. Il continue sans se préoccuper de vous. Vous êtes sacrément dans la merde.

Obstacle externe ? Oui, le chauffeur aurait pu s’arrêter !

Oui, mais non. Car si vous vous retrouvez dans cette situation, c’est uniquement de votre faute.

Vous étiez en retard.

F) La force du dilemme

Qu’est-ce qui nous rend humain ?

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La capacité de faire des choix.

Plus vous forcez votre personnage à faire des choix difficiles, plus il se définit. Plus il se définit, plus il
est intéressant. Plus le choix est important et dur, plus il est marquant.

D’où l’importance du dilemme.

Prenez votre personnage et placez-le dans une situation intenable. Une situation où il doit faire un choix.
Une situation où ne pas faire de choix… Revient à faire un choix.

Quelle que soit l’issue du dilemme, votre personnage aura révélé son humanité (qu’elle soit bonne ou
mauvaise).

Prenez garde à une chose : le dilemme ne sort pas de nulle part. Il doit être bien préparé. S’il s’impose
à la vie de votre personnage sous la forme d’un obstacle externe… Il risque d’être moins bien accepté.
Et donc d’avoir moins d’impact.

G) Je suis très généreux… Tant qu’on ne me demande pas d’argent.

Pourquoi dit-on de quelqu’un qu’il est courageux ?

Parce qu’il est grand, qu’il a d’énormes biceps et qu’il a fait son service militaire ? Non.

C’est parce que, dans une situation de conflit intense, il a agi de manière courageuse.

Si vous voulez montrer la vraie nature de votre personnage, faites-le agir dans une situation très
conflictuelle.

Mais ce n’est pas tout !

Une action ne caractérise votre personnage que si elle est « anormale » ou « inhabituelle ».

Je m’explique :

Un inconnu insulte votre personnage (appelons-le Luc) dans la rue.

 Luc lui fait un doigt d’honneur. Donc il agit en situation de conflit. Est-ce caractérisant ? Non.
Parce que sa réaction serait celle de beaucoup de personnes dans la vraie vie. Il ne se différencie
pas d’elles.
 Luc baisse le regard et continue son chemin. Caractérisant ? Non. Encore une fois, certains
agiraient de la même manière.
 Luc suit l’inconnu et incendie sa maison, femme et enfants à l’intérieur. Excessif ? Oui, j’avoue.
Mais caractérisant.
 Luc demande à l’inconnu pourquoi il est en colère. Puis lui propose de l’aider. Vous connaissez
quelqu’un qui agirait ainsi ? Personnellement, non. Mais cette réaction reste plausible, réaliste.
Luc est donc caractérisé.

Vous avez capté l’idée ?

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Votre personnage veut quelque chose (objectif). Une situation, une personne ou lui-même (faiblesse)
l’empêche de l’atteindre (obstacle). Il dépasse cet obstacle (ou échoue) en agissant différemment du
commun des mortels (caractérisation).

Attention ! Pour qu’une action caractérise votre personnage, il faut que celle-ci soit « anormale ». Oui.

Mais ça ne veut pas dire que toutes les actions de votre personnage doivent être anormales. Vous
devez juste avoir conscience qu’elles ne seront pas toutes caractérisantes.

H) Non mais arrête ! Là, c’est n’importe quoi.

Vous avez un personnage qui commence à tenir la route ?

N’allez pas tout gâcher par empressement.

Il est temps d’aborder le sujet de la cohérence. C’est l’un des points les plus importants. Pourquoi ?
Parce que sans cohérence, même les plus beaux personnages du monde passent pour des marionnettes.

Vous ne voulez pas ça.

En tant qu’écrivain, votre travail est de raconter une histoire qui surprenne, qui émeuve, qui fasse rire…
Bref, une histoire qui transmette de l’émotion.

Mais votre travail, c’est aussi de vous effacer. Oui, vous allez écrire ce roman. Oui, vous allez en baver.
Oui, le finir vous rendra fou de joie. Et votre nom sera sur la couverture. Voire la quatrième de
couverture !

Mais entre ces deux pages, il y aura une parenthèse.

Votre histoire.

Chaque chose à sa place.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de travailler la cohérence de votre roman.

La cohérence va des choix de votre personnage à la construction de l’univers de votre récit, en passant
par des enchainements de causes à effets.

Globalement, tout ce que vous écrivez doit avoir une certaine cohérence.

Les personnages :

Ils agissent pour assouvir leur désir (ou parce qu’ils pensent qu’ils pourront l’assouvir).

Leurs choix doivent aussi correspondre, d’une manière ou d’une autre, à la caractérisation que vous en
avez fait.

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Par exemple, un personnage réservé, timide, ne va pas d’un coup sortir un monologue digne d’un grand
orateur.

Vous pouvez amener progressivement cette évolution. Mais justement, il faut la justifier. Et même si ce
personnage se lançait dans un discours, il y aurait des chances pour que des traces de sa timidité persiste
(ne serait-ce que par habitude).

Important : Toute incohérence peut être gommée si vous la justifiez. Plus l’incohérence est grande, plus
la justification risque d’être compliquée à mettre en place.

Le monde de votre récit (fictif ou réel) :

Votre univers est soumis aux mêmes restrictions. Un élément que vous mettez en place ne doit pas être
oublié quelques chapitres plus tard.

Exemple :

Si un enquêteur parvient à localiser un suspect grâce à un radar de campagne (parce qu’à ce moment, ça
vous arrange bien), mais que plus tard il est incapable de trouver un homme qui se balade dans les rues
de Paris… Il y a un problème de cohérence.

Vous demandez aux lecteurs d’admettre que l’enquêteur a réussi à localiser le suspect grâce à un radar
perdu au milieu de nulle part. Très bien. Mais logiquement les caméras de la capitale le permettent aussi
(voire plus) facilement !

Les causes et conséquences « logiques » :

Lorsque vous intégrez un événement dans votre récit (une cause), veillez à bien comprendre ce qui en
découle (les conséquences). Et à en tenir compte pour la suite de votre histoire.

Si votre personnage est un justicier masqué et qu’il pose un lapin à sa petite-amie pour aller sauver la
ville, un passage obligatoire s’impose.

La petite-amie s’énerve ou s’inquiète. Elle lui demande ce qu’il faisait. Bref, votre justicier a fait face à
un petit dilemme (sauver la ville ou passer la soirée avec sa copine) et il a choisi. Donc il doit en assumer
les conséquences : une conversation avec ladite petite-amie.

Dans le sens inverse, lorsque vous utilisez des conséquences pour faire avancer votre histoire, vous
devez vous interrogez sur la cohérence des causes.

Par exemple, il y a une enquête. Une passante promenait son chien et a aperçu l’agresseur s’enfuir. Elle
est capable de donner une vague description. Cela fait doucement avancer votre intrigue. Très bien. Une
passante dans la rue, rien d’incohérent.

Maintenant si cette passante se trouve être une ancienne espionne des services secrets et que, du fait de
sa formation, elle a retenu la couleur de la voiture de l’agresseur, sa marque et sa plaque
d’immatriculation… C’est pratique pour faire avancer l’enquête. Les conséquences vous sont utiles.

Mais les causes ne sont pas justifiées (quelle coïncidence qu’une espionne se trouve justement sur les
lieux de l’agression !). C’est trop facile.

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Les lecteurs le sentent. Et à ce moment, ils « voient » votre nom écrit en plein milieu du récit. L’effet
de « réel » se brise.

Ne justifiez pas tout :

Quoi ? Mais il vient de dire le contraire. C’est incohérent !

Haha. Elle était facile.

Plus sérieusement, j’ai personnellement été « victime » de cette manie de vouloir tout justifier. Et ce
n’est pas du tout une bonne chose.

En fait, vous ne devez justifier que ce qui est important.

Un fugitif choisi une voiture rouge pour s’enfuir ? Vous devez justifier une telle bêtise.

La princesse croise le beau chevalier dans le palais royal ? Une justification ne paraît pas nécessaire.
Une princesse et un chevalier dans un palais, quoi de plus normal ?

Prenez garde. En cherchant à justifier l’inutile, vous finissez par vous perdre. Vous vous éparpillez.
Vous cassez le rythme. Vous ennuyez vos lecteurs.

La cohérence de l’incohérence :

Je reviens nuancer ce que j’ai écrit plus haut.

Oui, les décisions de votre personnage doivent être cohérentes. Mais cohérentes par rapport à leur
point de vue. Ce qui ne sera pas forcément le choix « logique » pour les lecteurs.

Si, lors de l’incendie de sa maison, une petite fille se cache sous son lit plutôt que de passer par la fenêtre
(en imaginant qu’il y ait de gros buissons en dessous), c’est sûrement une mauvaise idée. Le feu la
rattrapera et elle mourra. Alors qu’en sautant, elle se casse une jambe.

Alors ? Incohérent ?

Non.

C’est une petite fille. Elle a peur. Pour elle, sauter par la fenêtre, c’est se tuer. Alors que se cacher sous
son lit, c’est attendre que les pompiers viennent la sauver. Parce que c’est ainsi que les histoires se
passent n’est-ce pas ? Quand une maison brûle, les pompiers éteignent le feu et sauve l’enfant qui est
coincé, non ?

Voilà ce qu’elle pense : J’ai peur. Je me cache. On me sauvera.

C’est dangereux. C’est insensé. Ce n’est pas la démarche logique à entreprendre.

Mais à ce moment, ce n’est pas la logique qui guide cette petite fille. Ce sont ses émotions.

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3) Donnez de la profondeur :

Si vous avez correctement travaillé les deux parties précédentes, votre personnage est déjà bien construit.

Il a des caractéristiques uniques. Il a une volonté. Il agit en fonction des principes qui sont les siens. Il
souffre et tente d’apaiser cette douleur. Bref, il est vivant !

Mais ce n’est pas suffisant.

Vous avez effleuré la carcasse de votre personnage. Maintenant, vous allez la creuser. La décortiquer.

Vous allez transformer ce personnage bien construit en personnage profond.

A) La théorie de l’évolution

Charles Darwin l’avait déjà compris : la vie évolue, ou elle disparaît.

Quoi de plus normal de retrouver cet aspect dans l’élaboration de vos personnages ?

Poussé par un désir intense, votre personnage agit. Des obstacles se dressent sur son chemin. Il réagit
en fonction de ses valeurs. Les obstacles s’accumulent. Dans un ultime effort pour atteindre son objectif,
votre personnage se dépasse et évolue. Ou non.

Voyons les différents types d’évolution.

Evolution positive :

Face aux difficultés de la vie, votre personnage a appris, a compris. Il s’est amélioré.

Pour construire une évolution positive, vous devez partir d’une faiblesse et montrer que votre
personnage l’a dépassée.

Ce peut être une faiblesse psychologique (qui blesse le personnage lui-même) : un dépressif (faiblesse)
apprend de nouveau à goûter les joies de la vie (amélioration).

Ou une faiblesse morale (qui blesse les autres personnages) : une mère surprotectrice (faiblesse) met de
côté ses angoisses pour laisser de la liberté à ses enfants (amélioration).

Votre personnage est une personne meilleure pour lui et/ou pour les autres.

Evolution négative :

Votre personnage a souffert. Plus qu’il n’aurait dû. Plus qu’il ne pouvait le supporter. Et donc, il a
sombré.

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Pour construire une évolution négative, vous avez deux choix : partir d’une faiblesse ou créer une
nouvelle faiblesse. À chaque fois, elles peuvent être d’ordre psychologique ou moral.

Partir d’une faiblesse déjà existante (et l’exacerber) : un homme avide de pouvoir (faiblesse) oppresse
sa famille et finit par oppresser tout un pays (faiblesse décuplée).

Partir de rien (ou d’une qualité) et créer une faiblesse : une actrice amatrice renie ses valeurs familiales
(nouvelle faiblesse) lorsque sa popularité explose.

Votre personnage a évolué. Pour le pire.

Evolution mitigée :

Ce qu’a vécu votre personnage l’a profondément changé. Il s’est amélioré dans un domaine… Au
détriment d’un autre.

Pour construire une évolution mitigée, il vous faut mélanger les mécanismes de l’évolution positive et
négative.

En clair, vous partez d’une faiblesse et montrez que votre personnage l’a dépassée (positive). Puis vous
montrez qu’en progressant sur cette première faiblesse, votre personnage en a exacerbé (ou créer) une
seconde.

Exemple 1 :

John est un mari et père de famille. Coureur de jupons, il n’a aucun respect pour les sentiments de ses
conquêtes (faiblesse 1). À la fin, lorsque sa femme le quitte, il comprend le mal qu’il a fait aux autres et
décide de cesser ses jeux de séduction (la faiblesse 1 est dépassée). Mais se sentant indigne d’élever ses
enfants, il part vivre à l’autre bout du monde. Les abandonnant (faiblesse 2).

Exemple 2 :

Officière de police, Camille stigmatise certaines populations car elle a la conviction qu’elles sont la
source de tous leurs problèmes (faiblesse 1). Après des péripéties, elle est forcée de voir que ceux
qu’elles stigmatisaient ne sont pas tous fautifs, et que les fautifs ont souvent des circonstances
atténuantes (la faiblesse 1 est dépassée). Mais sa nouvelle vision du monde vient détériorer son intégrité.
Elle accepte des pots-de-vin (faiblesse 2).

Dans le cas d’une évolution mitigée, vos lecteurs seront partagés entre s’en réjouir ou la déplorer.

C’est la force de ce type d’évolution. Les émotions que vous créez chez vos lecteurs sont opposées. Cela
rend leur perception du personnage bien plus complexe.

Attention ! Ce n’est pas une raison pour n’utiliser que l’évolution mitigée. Dans certains cas (suivant ce
que vous voulez raconter), les autres types d’évolution sont mieux adaptés.

Connaissez-les pour mieux les exploiter.

Evolution statique :

Ce qu’a vécu votre personnage l’a marqué, meurtri. Pourtant, il n’a pas changé d’un pouce.

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Mais s’il n’a pas changé, en quoi est-ce une évolution ?

C’est une évolution si (et seulement si) l’histoire qu’il a vécu le poussait fortement à changer.

L’évolution se trouve dans le raffermissement de ses valeurs. Malgré ce qu’il a traversé, il continue
à être le même.

Votre personnage a des valeurs. Des principes. Des opinions. Un désir le poussant à agir. Mais des
obstacles se dressent sur sa route. Pour parvenir à ses fins, votre personnage en bave. Chaque action
qu’il entreprend joue sur ses valeurs et tente de le faire flancher. Mais à la fin, qu’il ait atteint ou non
son objectif, votre personnage reste inchangé.

Pour construire une évolution statique, vous partez d’une ou plusieurs faiblesses et/ou d’une ou plusieurs
qualités. Puis vous mettez en place des obstacles s’opposant à ces faiblesses et/ou qualités (donc
poussant votre personnage à changer). Et enfin, vous montrez qu’après tout ce qu’il a enduré, il est le
même.

Ce type d’évolution peut être perçue comme positive, négative ou mitigée. Suivant les faiblesses et
qualités que vous décidez de développer.

Exemple 1 :

Lara est journaliste. Le but admis de sa vie est de révéler au monde entier l’horreur que vivent certaines
populations (qualité). Pour atteindre cet objectif, elle abandonne tout ce qu’elle connaît pour plusieurs
mois et par à l’aventure dans des zones dangereuses (faiblesse). Lara est capturée par un groupe militaire
(action poussant au changement). Séquestrée et violentée durant des mois (action poussant au
changement), elle retient tout ce qu’elle peut pour écrire l’article de sa vie en rentrant (préserve ses
valeurs). Après une fusillade monstrueuse (action poussant au changement), Lara est libérée. Rentrée
chez elle, Lara écrit un article poignant. Le plus beau qu’elle ait écrit. Elle sait qu’elle ne pourra en
réécrire de pareil (action poussant au changement). Malgré tout cela, Lara abandonne à nouveau son
monde pour reprendre son travail (valeurs inchangées).

Exemple 2 :

Ulysse est dépourvu de la moindre empathie (faiblesse). Les rares émotions qu’il parvient à ressentir lui
viennent lorsqu’il commet des meurtres. Un jour, Ulysse rencontre une femme lui procurant des
sensations étranges. Il ne comprend pas ce qu’il lui arrive et décide de passer plus de temps avec cette
femme. Il découvre qu’en sa compagnie, il n’a plus besoin de commettre de meurtres (action poussant
à dépasser la faiblesse). Après des semaines sans craquer, Ulysse se retrouve seul dans une ruelle avec
la femme. Le désir de ressentir des émotions le prend en aux tripes. Il assassine la femme et reprend sa
morbide routine (faiblesse similaire au début).

Grâce à l’évolution statique vous pouvez montrer l’importance de certaines valeurs : les difficultés ont
frappé votre personnage, mais ses principes ont subsisté.

Vous pouvez aussi dresser un tableau très sombre de la vie : un monde où le mal finit toujours par
triompher (comme avec l’exemple d’Ulysse).

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Bref, vous avez quatre types d’évolutions différentes qui eux-mêmes peuvent être abordés sous
différents angles. Vous avez l’embarras du choix pour donner de la profondeur à votre personnage en
montrant l’impact que l’histoire a eu sur lui.

Progressivité :

Une évolution n’est pas le fruit du hasard. Elle est la conséquence de l’action.

Si votre personnage change sans raison, vos lecteurs n’apprécieront pas. Encore une fois, ils verront que
le récit n’a rien de naturel. Qu’il s’agit simplement de vous en train de tirer les ficelles.

C’est pourquoi, lorsque vous travaillez l’évolution d’un personnage, vous devez veiller à faire coïncider
la faiblesse, le résultat de l’évolution et le conflit engendré par les obstacles.

Tout est lié. Tout semble logique (cohérent). Tout semble réel.

Nouvelle caractérisation :

Attention !

Vous ne devez pas confondre évolution et nouvelle caractérisation.

Je vais vous donner une définition simple de chacun des deux concepts.

Evolution : Changement (ou renforcement) de la personnalité d’un personnage. Que ce soit


psychologiquement ou moralement.

Nouvelle caractérisation : Elément nouveau (pour le lecteur) s’ajoutant à la caractérisation d’un


personnage. Ce n’est pas un changement de personnalité, c’est un aspect de la personnalité qui était
jusque-là inconnu.

Vous saisissez la différence ?

Fabrice, 24 ans, se montre « courageux » en sauvant une demoiselle de l’insistance de trois ivrognes.
Plus tard, il se retrouve sur un théâtre de guerre. Des balles sifflent de partout. Les bâtiments autour de
lui explosent. Fabrice est tétanisé. Alors que ses camarades ont besoin de lui, il reste immobile.

Est-ce une évolution ? Fabrice est-il passé de courageux à couard en partant au combat ?

Non.

Il s’agit simplement d’une nouvelle caractérisation.

Au départ, Fabrice sauve une demoiselle en détresse. Il est suffisamment courageux pour s’opposer à
trois ivrognes. Plus tard, l’épisode du théâtre de guerre vient nuancer le courage de Fabrice. Il n’a pas
changé, il a juste vécu quelque chose de différent (en l’occurrence, de plus terrifiant).

Est-ce parce que Fabrice a peur sous les pluies de balles qu’il n’est plus le genre d’homme à sauver une
demoiselle en détresse ? Il ne paraîtrait pas illogique qu’en rentrant de ces affrontements, il ait la même
réaction face à trois ivrognes odieux qu’auparavant.

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Fabrice n’a pas changé. Il a été nuancé.

Important : Faites bien la différence entre l’évolution du caractère de votre personnage, et un ajout à
sa caractérisation.

B) Faites tomber les masques

Vous comportez-vous de la même manière avec vos parents, vos amis, vos enfants, votre patron ou vos
employés ?

Le langage que vous utilisez est différent. Les sujets que vous abordez aussi. Vos blagues iront plus ou
moins loin. Vos sourires seront plus ou moins sincères.

Vous ne cesserez jamais d’être vous, mais le masque que vous portez sera différent.

Votre personnage doit vous ressembler sur ce point.

Parce qu’un personnage « réel », c’est un être social. Un être dont le comportement est influencé par
celui des autres. Et même par la simple présence de son entourage.

Alors oui, vous avez travaillé les désirs, les faiblesses, les valeurs de votre personnage, mais avez-vous
dessiné chacun de ses masques ?

Il est temps !

Prenez votre personnage. Rappelez-vous tout ce que vous savez sur lui.

Puis notez son comportement face à tel ou tel autre personnage. Si vous ne savez pas encore le type de
réaction qu’il aurait, notez-le aussi.

Maintenant, posez-vous et réfléchissez.

Comment votre personnage se comporte-t-il lorsqu’il est seul ? Pourquoi ?

Comment se comporte-t-il face à ses adversaires ? Pourquoi ?

Comment se comporte-t-il face à ses alliés ? Pourquoi ?

Comment se comporte-t-il face à des inconnus ? Pourquoi ?

Comment se comporte-t-il face à ses proches ? Pourquoi ?

Comment se comporte-t-il lorsqu’il est en colère ? En colère, contre ses enfants ? En colère, contre un
ennemi ? En colère, contre lui-même ?

Comment se comporte-t-il lorsqu’il a peur ? Peur pour sa vie ? Peur pour son argent ? Peur pour sa
famille ? Peur pour son pays ? Peur pour ses opinions ?

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Toute question est bonne à poser. Vous devez seulement bien choisir ce que vous faites de la réponse.

Alors posez-vous d’autres questions. Celles qui vous paraissent les plus pertinentes par rapport à votre
histoire. À votre personnage. À ce que vous voulez raconter.

Approfondissez votre personnage en montrant qu’il n’est pas (par exemple) juste « colérique » : Il perd
le contrôle face à la stupidité de ses collègues. Mais il sait se montrer patient avec son fils atteint de
handicap.

Ce que vous voulez, c’est nuancer votre personnage en montrant que certains aspects de sa personnalité
diffèrent en fonction de ceux qui l’entourent.

Néanmoins, nuancer ne doit pas être une fin en soi.

La cohérence, la logique, doit rester au centre de vos préoccupations. Vous nuancez parce que cela
permet de mieux comprendre la psychologie de votre personnage. Vous nuancez parce que cela a du
sens.

Un chef d’entreprise, qui est méprisant avec ses employés mais empathique et motivant avec sa famille,
travaille certainement dur pour subvenir aux besoins de son foyer.

Tandis qu’un chef d’entreprise méprisant avec ses employés et avec sa famille, travaille certainement
dur pour sa gloire personnelle.

Votre personnage travaille-t-il pour sa famille ou pour sa gloire ? Posez-vous ce genre de question.

Suivant vos réponses, son comportement au travail diffèrera de celui à la maison. Ou pas.

Nuancer n’est pas systématique.

C) L’environnement

Vous vous souvenez de l’époque où vous aviez peur du noir ?

Dans votre chambre, recouvert de vos couvertures, vous étiez effrayés par l’absence de lumière.

Et pourtant, lorsque le soleil se levait, votre chambre redevenait un espace accueillant. Calme. Vous
étiez bien.

Vous réagissiez différemment car vous perceviez votre petit monde (votre chambre) de manières
opposées la nuit et le jour. Et vous perceviez différemment votre petit monde parce que celui-ci s’était
légèrement modifié.

Plein de choses constituaient votre chambre : les murs, la fenêtre, le sol, les meubles, vos jouets, des
peluches, des draps, etc…

Et il suffisait qu’une seule ne change, pour modifier complètement votre comportement : la lumière.

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Dans le noir, la peur vous tenaillait.

Dans la clarté, vous étiez à l’aise.

Je ne vous parle pas de la peur du noir, pour vous expliquer l’importance de la lumière dans votre récit.

Non. Je le fais pour montrer l’importance de tout ce qui nous entoure. Et donc de tout ce qui entoure
votre personnage.

Plus haut, nous avons vu que les personnages portaient des masques différents selon les personnes
présentes. Ici, je vais plus loin en disant qu’ils se comportent différemment en fonction de tout leur
environnement.

Prenons l’exemple tout simple de Naomi :

Naomi est stricte et autoritaire au travail. Tandis qu’elle laisse ses enfants libres de faire ce qu’ils veulent
(ici, l’environnement correspond à l’entourage, au groupe social).

Naomi est tendue lorsqu’il y a un orage. Elle est nostalgique lorsqu’il pleut. Rayonnante lorsqu’il fait
une chaleur étouffante. Et énervée lorsqu’il neige (la météo).

Naomi est amusée par les films d’horreur qu’elle voit au cinéma. Mais elle est terrorisée par ceux qu’elle
voit depuis son canapé (le lieu public/privé).

Naomi est impatiente dans les rues de Paris. Alors qu’elle sait apprécier le moment présent en pleine
nature (le lieu civilisé/sauvage).

Naomi est émerveillée comme une enfant lorsqu’elle entre dans une librairie. Et une migraine lui vient
lorsqu’elle voit les écrans d’un magasin de jeux vidéo (une passion/un désintérêt).

Nous n’avons pas forcément besoin de savoir tout cela sur Naomi. Mais vous ne saurez ce qui est
nécessaire à votre personnage qu’en y réfléchissant et en décidant d’intégrer tel ou tel élément à son
histoire.

Posez-vous des questions de la même façon que pour les masques.

Un comportement diffère selon l’environnement. C’est donc un moyen supplémentaire de nuancer votre
personnage.

Même si, encore une fois, nuancer ne doit pas être une fin en soi !

D) Les fractales

Au cas où vous ne sachiez pas ce qu’est une fractale, je me permets de vous en expliquer le principe :

Vous observez un flocon de neige au microscope. Donc vous apercevez différentes branches.

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Maintenant, vous décidez de vous focalisez sur l’observation d’une seule branche, puis vous augmentez
le grossissement de votre appareil.

Vous découvrez alors que la branche du flocon se découpe en une multitude de branches plus petites.

Vous vous concentrez sur l’une de ces petites branches et vous zoomez à nouveau.

Devinez quoi ? Cette branche en possède d’encore plus petites.

Si l’envie vous prenait de pousser l’expérience, vous pourriez continuer un long moment.

Le grand motif de base (le flocon de neige) est donc la répétition d’un motif unique qui rétrécit de plus
en plus (les branches).

Une belle métaphore de ce principe est l’assemblage de poupées russes. Ce que vous trouvez à l’intérieur
de chacune est une version miniature de ce qui la contenait.

Très bien, merci pour les infos, mais quel rapport avec la création de mon personnage ? Pensez-vous.

Le rapport, c’est qu’en « sculptant les contours » de votre personnage, vous avez dessiné l’équivalent
des premières branches d’un flocon.

Votre personnage avait une « forme » grossière ; votre flocon n’était qu’un vague croquis du résultat
attendu.

Puis vous avez insufflé la vie à votre personnage.

Et là, les formes de celui-ci se sont affinées ; votre flocon possédait vraiment la forme le caractérisant.

Maintenant, vous voulez donner de la profondeur à votre création.

Donc vous devez aller dans les détails, dessiner ce qui ne saute pas aux yeux mais donne une intensité
nouvelle ; vous devez développer les branches de votre flocon et les branches de ces branches.

Oui. Le travail n’est pas encore fini.

Mais j’ai une bonne nouvelle. Si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous êtes capable de finir sans problème.
Vous devez juste persévérer.

Les fondements :

Pour commencer cette étape de profondeur, reprenez les axes principaux définissant votre personnage.
Et écrivez-les.

Les axes principaux sont les éléments fondateurs de votre personnage.

Ce peut-être :
- son statut « professionnel » : président, policier, mannequin, roi, aventurier, etc…
- son statut social : enfant, parent, grand-parent, mari, femme, ami, etc…
- une émotion ou un sentiment particulier : l’égoïsme, la manipulation, la timidité, la bonté, la
peur, la fierté, l’attachement, la dépendance affective, etc…

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- un désir, un rêve, un but : sauver le monde, détruire le monde, manger à sa faim, vivre sur le
bord d’une plage, trouver l’amour, etc…
- tout ce que vous jugez primordial dans l’élaboration de votre personnage.

En bref, les axes principaux sont les bases sur lesquelles vous avez construit votre personnage.

Une fois que vous les avez listés, vous les prenez un par un et vous déterminez les « branches » plus
petites qui y sont rattachées.

Nous allons prendre pour exemple Zoé (le personnage) et sa faiblesse (l’un de ses axes principaux).

La faiblesse de Zoé est son alcoolisme.

Très bien, c’est un trait large et peu travaillé. Donc il faut développer cet aspect pour que Zoé ne soit
pas juste « une alcoolique ».

Sur la branche alcoolisme, vous dessinez d’autres branches plus petites :

- la manière dont Zoé est tombée dans l’alcoolisme.


- les efforts qu’elle entreprend (ou pas) pour en sortir.
- les conséquences de son addiction sur son travail.
- les conséquences avec sa famille.
- la façon dont elle se perçoit.

Bien sûr, certaines de ses branches existent déjà. Vous les avez créées depuis un petit bout de temps
(voire dès la création de votre personnage). Mais d’autres aspects de la « branche » ont pu vous échapper.
D’où l’intérêt de ce travail.

Les différenciations :

C’est le nom que je donne aux moyennes branches que vous venez de dessiner.

Car si les axes principaux étaient des éléments caricaturaux, des stéréotypes, vos moyennes branches
permettent de caractériser votre personnage. De le différencier.

Maintenant, vous devez approfondir chaque « moyenne branche » en lui en accordant des plus petites
(si nécessaire).

Je reprends l’exemple de Zoé.

La branche « la manière dont Zoé est tombée dans l’alcoolisme » a été travaillée. Ce pourrait être : en
enchaînant des soirées alcoolisées pendant des mois sans se rendre compte de l’accoutumance qu’elle
développait. Cette explication me semble suffisante. Je décide de ne pas la développer davantage. Mais
si vous sentez qu’il y a encore quelque chose d’intéressant à creuser, allez-y !

La branche « les efforts que Zoé entreprend pour sortir de l’alcoolisme » : Zoé consulte des médecins et
pratique une activité sportive intense. Mais nous pouvons aller plus loin. Zoé consulte-t-elle des
médecins parce qu’elle a vu un message de prévention à la télévision ? Ou par peur qu’on lui retire ses
enfants ? Par insistance de son entourage ? Il y a encore du travail !

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Dans cette branche nous retrouvons d’ailleurs un lien avec celle des « conséquences sur la famille ».
Allez-vous développer cet aspect ? Est-ce pertinent pour votre histoire ?

Allez au bout des choses !

Les nuances :

Vous avez dessiné des traits grossiers que vous avez ensuite affinés.

Maintenant vous devez nuancez ce qui a besoin de l’être.

Vous reprenez donc les petites branches découlant des branches moyennes… Et vous dessinez de plus
petits traits.

Vous perfectionnez votre personnage.

Perfectionner dans le sens d’améliorer sa crédibilité. Son effet de réalisme. Et non pas le rendre
« parfait ».

Alors allez au bout de chaque branche. Et enfin vous pourrez vous dire :

Ça y est, j’ai créé un personnage captivant.

III) Pour finir :

A) Vous avez parcouru un long chemin

Au départ, vous aviez bien des idées de personnage derrière la tête. Mais elles étaient vagues. Puis vous
avez pris votre courage à deux mains et vous avez lu ce guide.

Vous avez commencé par sculpter les contours en donnant un nom à votre personnage, mais aussi des
habitudes, des talents et une réputation.

Ce n’était pas suffisant. Vous n’aviez entre les mains qu’une marionnette dénuée de volonté.

Alors vous avez donné la vie à votre création. Vous lui avez fait don de peurs, de faiblesses, de valeurs,
de désirs, de contradictions et de différences.

À ce stade, vous étiez content de votre personnage. Mais il était trop simple.

Donc vous vous êtes efforcé de lui donner de la profondeur. Vous avez travaillé l’impact de l’histoire
sur sa vie, son évolution, son rapport aux autres et à ce qui l’entoure, ses différents masques, ses nuances
et sa complexité.

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Maintenant, enfin, vous tenez le graal : le résultat d’un travail acharné.

Félicitations.

B) À retenir

► Toutes les étapes présentées dans ce guide sont des balises. Elles n’ont pas pour but de vous
dicter votre « chemin d’écriture », mais de vous donner des points de repères. Ainsi, en
connaissant les balises, vous pouvez aller du point A (je veux créer un personnage) au point B
(j’ai créé un personnage qualitatif) en empruntant le chemin qui vous convient. Donc sans
brider votre créativité et sans vous perdre en cours de route.
► Plus le travail effectué sur l’un de vos personnages est montré au lecteur, plus le personnage
prend de la place dans votre récit. Donc : plus votre personnage est important, plus les balises le
concernant doivent être travaillées ; moins votre personnage est important, moins vous aurez de
temps à lui consacrer et donc moins vous devrez en révéler à son sujet à vos lecteurs.

► Un personnage n’agit pas pour faire avancer votre histoire, mais pour atteindre ses objectifs.
À vous de faire en sorte que vos désirs et les leurs coïncident.

► Toute incohérence peut être gommée si vous la justifiez. Plus l’incohérence est grande, plus
la justification risque d’être compliquée à mettre en place.

► Faites bien la différence entre l’évolution du caractère de votre personnage, et un ajout à sa


caractérisation.

C) L’effort et la satisfaction

Toute satisfaction suit un effort.

Ne vous attendez pas à ce que ce guide rende la création de personnages facile. Ce n’est pas le cas.

Dire le contraire, ce serait promettre une solution miracle. Et il n’y en a pas !

La vérité c’est que ce guide… Est un guide.

Il vous montre le chemin. Il vous empêche de vous perdre lorsque vous décidez de sortir des sentiers
battus. Il vous accompagne.

Mais jamais il ne parcourt le chemin à votre place.

Si vous regardez ce guide en attendant qu’il vous tire vers votre destination, vous n’avancerez jamais
d’un pouce.

Julien Rouillard – Reflechir-pour-mieux-ecrire.com – Droits Réservés - 31


Chaque pas vers votre but ne peut être fait que par une personne : vous.

Alors n’attendez pas le moment où vous vous sentirez plus confiant. Où vous aurez plus de temps dans
votre vie. Où vous serez plus motivé.

Ce moment n’est pas différent de maintenant, si ce n’est qu’il n’est pas maintenant.

Le guide est devant vous. Il vous montre le chemin.

Faites un premier pas.

Vous souhaitant toute la motivation du monde,

Julien.

Julien Rouillard – Reflechir-pour-mieux-ecrire.com – Droits Réservés - 32

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