La crise de succession à la mort du Prophète Muhammad : quels en sont les acteurs et
les causes? Et quelles vont en être les conséquences durables pour la société et l’État?
(mort du Prophète) À la mort de Muhammad, les tensions étaient nombreuses
dans la communauté musulmane. Cette situation se trouvait aggravée par le fait que Muhammad n’avait pas désigné de successeur, par respect des traditions tribales, et qu’il ne laissait aucun héritier mâle. Les muhâdjirûn (le parti des exilés) reconnurent Abû Bakr, un riche commerçant mecquois qui avait été un des premiers compagnons du Prophète. Abû Bakr prit le titre de khalîfat rasûl Allâh, c’est-à-dire « successeur de l’envoyé de Dieu ». (Abu Bakr et guerre d’Apostasie) Des tribus refusaient de payer la tribu exigée par les Musulmans et suivaient d’autres chefs religieux ou « faux » prophètes. Les « guerres de l’Apostasie » (ridda) étaient déclenchées, ordonnées par Abu Bakr, et menées par 2 brillants généraux, Khalid al-Walid qui vient à bout des tribus du Nord et Ikrima tribus du Sud. Ces succès permirent de rétablir l’unité de l’Arabie et ils renforcèrent le prestige du calife. Abû Bakr fut le premier personnage d’une liste de quatre souverains auxquels on donne le nom de califes râshidûn, littéralement « les bien guidés. (Les Rashidun) Les califes Râshidûn furent des proches et des compagnons du Prophète. ‘Umar choisi par le précédent calife Abu Bakr, était également le beau-père du Prophète. Il prit le titre d’amîr al-mu’minîn (« prince des croyants »), favorisa le grand mouvement de conquêtes. Il institua une commission de six membres (la shura) dont l’une des fonctions fut de choisir le nouveau calife. Son successeur, ‘Uthmân (644-656), désigné par la commission, était le gendre du Prophète, dont il avait épousé deux filles, Ruqaiya et Umm Khulthûm. Il ordonna de procéder à la recension coranique. Son gouvernement fut critiqué à cause des avantages qu’il avait accordés à sa famille. Son successeur fut ‘Alî (656-661), le cousin du Prophète et son gendre à la suite de son mariage avec Fâtima. Il fut proclamé calife par un groupe où dominaient cette fois les Ansâr (les musulmans de Médine). (Les premières conquêtes) Le temps des premiers califes fut marqué par des conquêtes territoriales d’une ampleur et d’une rapidité surprenantes. Souvent conçues comme un exutoire aux tensions intertribales et comme un moyen de détourner l’énergie des Bédouins en dehors de l’Arabie pour ce qui est désormais interdit à l’intérieur : les razzia (guerre de butin). Ces opérations se développèrent simultanément dans trois directions majeures, vers la Syrie, la Mésopotamie et l’Égypte. (Les causes du succèes) Les raisons de ces succès résident en fait face à la fougue des conquérants, l’adversaire témoignait d’une réelle faiblesse. Du point de vue musulman, l’enthousiasme religieux et la foi qui sous-tendaient le combat. D’autres causes ont été avancées, comme l’appât du butin, la qualité des informations fournies par les marchands caravaniers sur les forces ennemies, la valeur des chefs militaires, la bonne intendance, et surtout l’idée que la razzia était coutumière en milieu bédouin. (La fitna et le meurtre de Uthman) La fitna (ou la grande discorde) déchira la communauté musulmane à la suite du meurtre de Uthman en 656, Ali était accusé d’en être l’instigateur. Talha, Zubayr et ‘Aisha quittaient les rangs de ses partisans et gagnaient l’Iraq pour y organiser la résistance contre le califat de Ali. Craignant de voir cette province lui échapper, ‘Alî les poursuivit et, il les écrasa à la bataille du Chameau. Talha et Zubayr trouvèrent la mort dans les combats et ‘Aisha fut renvoyée à Médine. L’opposition la plus farouche fut alors celle des Syriens, regroupés derrière le gouverneur de Damas, Mu‘âwiya, fils d’Abû Sufyân et cousin de ‘Uthmân. La rébellion s’étendit rapidement et ‘Alî fut obligé de quitter l’Arabie pour s’installer à Kûfa. (La bataille de siffin) Au cours de l’été 657, Ali et Mu’awiya s’affrontèrent sur la rive droite de l’Euphrate, en un lieu nommé Siffîn. Mu‘âwiya se trouvait en difficulté lorsqu’il demanda une procédure d’arbitrage, préconisée par le Coran lorsque deux partis de croyants se faisaient la guerre. Le principe fut accepté par l’ensemble des combattants, à l’exception d’une minorité de partisans de ‘Alî qui se déclaraient prêts à combattre. On les appela les khâridjites, littéralement « ceux qui sont sortis » (de la racine kharadja, sortir). La commission réunie en 658, conclut à la responsabilité de ‘Alî dans les événements de 656. Dès lors, la position de Mu‘âwiya se trouva renforcée. Reconnu en Syrie puis en Égypte, il fut proclamé calife en 659. L’année suivante, La Mecque et Médine passaient sous son autorité et il ne restait plus à ‘Alî que l’Iraq. Il sera tué à Koufa en 661 par un Kharijite. (Le premier schisme) Ces événements aboutirent à une division profonde de la communauté musulmane puisque trois groupes rivaux se dessinaient maintenant, les sunnites, les shî‘ites et les khâridjites. Les premiers, largement majoritaires, étaient les partisans de Mu‘âwiya. Les sunnites tinrent leur nom de la Sunna, ou Tradition du Prophète, dont ils entendaient être les représentants. Pour eux, le Coran et la Sunna étaient les garants de l’unité de la communauté. Les partisans de ‘Alî furent désignés sous le nom de shî‘ites (de shî‘a, parti). Ceux- ci se séparèrent des sunnites en fondant la Sunna sur l’autorité des membres de la famille de Muhammad, en excluant le témoignage de ses compagnons. Pour eux, le calife devait être choisi parmi les descendants de ‘Alî. Ils considéraient que le calife était avant tout un imâm (responsable de la prière) que la puissance divine rendait infaillible et auquel il convenait donc d’obéir passivement. Les khâridjites constituaient le troisième groupe. Ceux-ci affirmaient qu’il fallait rompre avec ‘Alî car, en renonçant à défendre les armes à la main un pouvoir dont il était le dépositaire légitime, il avait substitué le verdict d’un arbitrage humain à la décision de Dieu. D’un point de vue religieux, les khâridjites considéraient que le choix du calife ne devait pas être dicté par une quelconque appartenance familiale ou tribale. Pour eux, tout musulman élu par la communauté pouvait être calife, quelle que soit l’ethnie à laquelle il appartenait. (L’avènement des Omeyyades) Après la mort d'Ali, Muawiya a défié le calife suivant, Hasan ibn Ali, et a proclamé sa propre dynastie, les Omeyyades, avec lui-même comme premier calife, qui a régné sur l'Empire musulman de 661 à 750.