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Université Mohammed V

Faculté des Sciences


Rabat, Maroc

Polycopié du cours d’Algèbre 1

Structures algébriques,
Polynômes et Fractions Rationnelles

Filière : Informatique Appliquée

2023-2024

Professeur Driss Bennis

Ce polycopié se veut avant tout un outil complémentaire aux cours et travaux dirigés.
Table des matières

1 Calcul polynomial 2
1.1 Définition d’une fonction polynomiale et opérations usuelles . . 2
1.2 Degré d’un polynôme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3 Le polynôme dérivé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4 Division euclidienne des fonctions polynomiales . . . . . . . . . 7
1.5 Arithmétique dans K[x] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.5.1 Divisibilité dans K[x] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.5.2 Polynôme irréductible et factorisation de polynômes . . . 12
1.5.3 Le PGCD et ses applications dans K[x] . . . . . . . . . . 13
1.5.4 Le PPCM et ses applications dans K[x] . . . . . . . . . . 18

2 Fractions rationnelles : Décomposition en éléments simples 20


2.0.1 Identifications des coefficients. . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.0.2 Evaluation et Limite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.0.3 Multiplication et substitution. . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.0.4 Calcul de la partie polaire relative à un pôle simple. . . . 26
2.0.5 Parité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.0.6 La division suivant les puissances croissantes. . . . . . . 27
2.0.7 DES des fractions rationnelles de la forme un polynôme
sur une puissance d’un polynôme de degré 1 . . . . . . . 28

1
Chapitre 1

Calcul polynomial

1.1 Définition d’une fonction polynomiale et opé-


rations usuelles
Dans ce chapitre K désigne R ou C. Les éléments de K sont dit des scalaires.

Définitions 1.1.1 (Fonctions polynomiales)

Une fonction P : K −→ K est appelée une fonction polynomiale


(à coefficients dans K), s’il existe un entier n ∈ N et {a0 , ..., an } un
Xn
ensemble d’éléments de K tels que P (x) = ak xk pour tout x ∈ K.
k=0
n
X
1. L’expression ak xk est appelée écriture polynomiale de P .
k=0
2. Le coefficient ak est appelé le k-ième coefficient de P . En
particulier, a0 est appelé le coefficient constant (ou le terme
constant) de P .
3. Un terme ak xk est appelé un monôme de degré k.
4. Si tous les coefficients ak , pour k ≥ 1, sont nuls, alors P est dit un
polynôme constant. On écrit simplement, P = a0 . Si, en plus,
a0 est aussi nul, alors P est dit un polynôme nul et noté 0.
5. Si K = R, P est dit un polynôme réel et si K = C, P est dit un
polynôme complexe.

Nous utilisons temporairement le terme ’polynôme’ pour désigner une fonction


polynomiale. Toutefois, dans un chapitre ultérieur, ce terme fera référence à
un objet mathématique différent.

2
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL
Notation 1.1.2

1. Lorsqu’il n’y aura pas d’ambiguïté, un polynôme P : x 7→


Xn n
X
k
ak x sera noté simplement par son expression ak xk . Ainsi,
k=0 k=0
n
X
on convient d’écrire P = ak x k .
k=0
Xn
2. Il est claire que si P = ak xk pour un certain entier n, alors
k=0
m
X
P = ak xk pour tout entier m > n en posant ak = 0 pour
k=0
n
X X
tout k ≥ n + 1. Cela nous permet d’alléger ak xk par ak x k
k=0
lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté.
3. L’ensemble de polynômes sera noté K[x].
Il convient de signaler que cette notation diffère de K[X] (avec un
"X" majuscule), que nous présenterons ultérieurement.

Rappellons que F(K), l’ensemble des fonctions de K dans K, est muni des
deux opérations "addition" et "multiplication" de deux fonctions.

Proposition 1.1.3
X X
Pour tous deux polynômes P = ak xk et Q = bk xk de K[x], on
a:  X


 P + Q = (ak + bk )xk
X k
X
k
 PQ = ck x tel que ck = ai bk−i


i=0

On dit que K[x] est stable pour l’addition et la multiplication dans


F(K).

Comme la multiplication des fonctions est distributive par rapport à l’addition,


nous pouvons obtenir, tout comme dans le cas des ensembles des réels et des
complexes, les identités remarquables suivantes :

IA (S1) - Algèbre 1 3 Pr. Bennis (FS, Rabat)


1.1. DÉFINITION D’UNE FONCTION POLYNOMIALE ET
OPÉRATIONS USUELLES
Proposition 1.1.4 (Deux identités remarquables)

Pour tous deux polynômes P et Q, on a :


n
X
(P + Q)n = Cnk P k Qn−k (Formule du binôme de Newton)
k=0
Xn−1
n n
P − Q = (P − Q)( P n−1−k Qk ).
k=0

Il est aussi claire de voir que le produit d’un polynôme


X par un scalaire est un
k
polynôme. Précisément, on a : ∀λ ∈ K, ∀ P = ak x ∈ K[x],
X X
λP = λ ak x k = λak xk .

On a aussi les propriétés suivantes :


∀x, y ∈ K, ∀P, Q ∈ K[x],
 
x(P + Q) = xP + xQ x(P Q) = (xP )Q = P (xQ)
(x + y)P = xP + yP (xy)P = x(yP )

La stabilité de l’addition et le produit des polynômes (voir proposition 1.1.3)


démontre que la composition de deux fonctions polynomiales produit une fonc-
tion polynomiale. Cependant, contrairement aux opérations d’addition et de
multiplication de polynômes, il n’est pas toujours aisé de fournir une formule
explicite pour exprimer le résultat d’une composition de polynômes en fonc-
tion de leurs coefficients initiaux. Par conséquent, il est souvent suffisant de
savoir comment effectuer cette opération en pratique, sans nécessairement dis-
poserX d’une formule explicite. Cependant, on peut écrire, pour un polynôme
P = ak xk ∈ K[x] et un polynôme Q,
X
P ◦Q= ak Q k

Dans certain cas, nous allégeons la notation de la composition de polynômes


P et Q comme suit : P ◦ Q = P (Q).

Exercice 1.1.5

1. (λA + µB)(C) = λA(C) + µB(C)


2. (AB)(C) = A(C)B(C).

Comme un cas particulier des fonctions, polynômes vérifient la propriété sui-


vante dite "associativité" :
Pour tous trois polynômes P , Q et R, on a

P ◦ (Q ◦ R) = (P ◦ Q) ◦ R

IA (S1) - Algèbre 1 4 Pr. Bennis (FS, Rabat)


CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

On dit que la composition de polynômes est associative.

Nous avons aussi les propriétés suivantes données à titre d’exercice.

Exercice 1.1.6

On pose P = x2 + 3x − 1, Q = x − 1 et R = 4. Donner les écritures


polynomiales des polynômes suivants : P (Q), Q(P ), P (R), et R(P ).

Nous concluons cette section en affirmant que les coefficients d’une fonction
polynomiale déterminent de manière unique cette fonction. En réalité, ceci
découle simplement du résultat particulier suivant :

Lemme 1.1.7
X
Un polynôme P = ak xk est nul si et seulement si an = 0 pour tout
n ∈ N.

Proposition 1.1.8 (Principe d’identification des coefficients)


X X
Deux polynômes P = ak xk et Q = bk xk sont égaux si et seule-
ment si an = bn pour tout n ∈ N. deux fonctions polynomiales égales
ont des coefficients égaux.

X
Preuve. Remarquer que P − Q = (ak − bk )xk . (c.q.f.d)

1.2 Degré d’un polynôme


Définition 1.2.1
X
Soit P = ak xk un polynôme dans K[x]. Si P est non nul, l’entier
d = max{n ∈ N|an 6= 0} est appelé le degré de P et noté deg(P ).
Dans ce cas, le coefficient ad est appelé le coefficient dominant de
P.
Si ad = 1, P est dit un polynôme unitaire.
Par convention, le degré du polynôme nul vaut −∞.
L’ensemble de polynômes de degré au plus un entier n sera noté Kn [x].
En particulier, K0 [x], est l’ensemble des polynômes constants.
1.3. LE POLYNÔME DÉRIVÉ

Proposition 1.2.2

Pour tous deux polynômes P et Q,

deg(P + Q) ≤ max(deg(P ), deg(Q)) .

En particulier,
1. Si deg(P ) 6= deg(Q), alors deg(P + Q) = max(deg(P ) , deg(Q)).
2. Si deg(P ) = deg(Q), alors deg(P + Q) = deg(Q) si et seulement si
les coefficients dominants de P et Q ne sont pas opposés.
3. Si P et Q sont deux polynômes non nuls, alors le coefficient domi-
nant de P Q est le produit des coefficients dominants de P et de
Q. Et on a : deg(P Q) = deg(P ) + deg(Q).
4. Si P et Q sont deux polynômes non nuls, alors deg(P ◦ Q) =
deg(P ) deg(Q).

Il faut noter que, dans F(K), on peut construire facilement deux fonctions
(même (réelles) continues) non nulles avec un produit nul. Cependant, dans
l’ensemble des polynômes nous avons le comportement suivant :

Corollaire 1.2.3

Soient P et Q deux polynômes de K[x]. Si P Q = λ pour un certain


λ ∈ K, alors à la fois P et Q sont des polynômes constants.
En particulier, quand λ = 0, alors P = 0 ou Q = 0. On dit que K[x]
est intègre.

Preuve. La deuxième assertion découle de la troisième assertion de la propo-


sition 1.2.2. Supposons que λ 6= 0. Alors, deg(P ) + deg(Q) = deg(λ) = 0. Et
comme les degrés sont des entiers, deg(P ) = deg(Q) = 0. Ce qui veut dire que
et Q sont des polynômes constants. (c.q.f.d)

Corollaire 1.2.4

Soient P , Q et R trois polynômes de K[x]. Si P est non nul et P Q =


P R, alors Q = R.

1.3 Le polynôme dérivé


X
Il est claire que la dérivée d’un polynôme P = ak xk nous donne le po-
X
lynôme dérivé suivant : P 0 = kak xk−1 . On rappelle également que P 00
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

désigne le polynôme dérivé de P 0 , et P (n) le polynôme dérivé n-ième du poly-


nôme P (défini par récurrence).

Proposition 1.3.1

Soit P un polynôme dans K[x] et soit n un entier naturel non nul. Si


deg(P ) ≥ n, alors deg(P (n) ) = deg(P ) − n.
Par conséquent, P ∈ Kn [x] si et seulement si P (n+1) = 0.
En particulier, P est un polynôme constant si et seulement si son po-
lynôme dérivé P 0 est nul (i.e., P 0 = 0).

Preuve. La preuve se fait par réccurence sur n. (c.q.f.d)


Le résultat suivant, qui expose une formule très intéressante connue sous le
nom de formule de Taylor, démontre comment les coefficients d’un polynôme
peuvent être exprimés en fonction de ses dérivées. Cette formule se révèlera
d’une grande utilité dans de nombreuses situations.

Théorème 1.3.2 (Formule de Taylor)

On considère un polynôme P ∈ K[x] de degré d ∈ N et a ∈ K. Alors,


P s’écrit d’une manière unique en fonction des puissances de (x − a)
comme suivant :
k=d
X P (k) (a)
P = (x − a)k .
k=0
k!
X P (k) (a)
De sorte que, si P = ak (x − a)k , alors ak = pour tout
k!
k ∈ N.

1.4 Division euclidienne des fonctions polyno-


miales
Théorème et Définition 1.4.1 (Division euclidienne)

Pour tout A ∈ K[x] et tout B ∈ K[x]\{0}, il existe un unique couple


(Q, R) ∈ K[x]2 tel que A = QB + R et (R = 0 ou deg(R) < deg(B)).
— Le polynôme Q (resp., R) est appelé le quotient (resp., le reste)
de la division euclidienne de A par B.
— Le polynôme A (resp., B) est appelé le dividende (resp., le divi-
seur) de la division euclidienne de A par B.
1.4. DIVISION EUCLIDIENNE DES FONCTIONS POLYNOMIALES

Si on convient d’écrire −∞ < n pour tout entier n, la condition (R = 0 ou


deg(R) < deg(B)) est donc sera équivalente à deg(R) < deg(B).

Preuve. On note que deg(B) 6= −∞ car B 6= 0. Posons m = deg(B) ∈ N.


m
X
Alors, B = bk xk pour cetains bi ∈ K avec bm 6= 0.
k=0
Si deg(A) < m, on pose Q = 0 et R = A. On obtient A = B × Q + R avec
deg(R) < deg(B).
Si m = 0 (B est une constante non nulle). Posons B = b0 . Alors, A = QB + R
1
où Q = A et R = 0 de sorte que deg(R) < deg(B).
b0
Maintenant, on suppose que m > 1.
Montrons par récurrence que : ∀n > m, si deg(A) ≤ n, alors ∃(Q, R) ∈ K[X]2
tel que A = BQ + R et deg(R) < deg(B).
— Soit A un polynôme de degré m (le cas où deg(A) < m a été discuté
m
X am
avant). Posons A = ak xk puis Q = (Q est un polynôme de degré
k=0
b m
0) et R = A − BQ. Alors, R est un polynôme tel que A = BQ + R et de
plus,
m m m m−1
X
kam X k
X am k
X am
R= ak x − bk x = (ak − bk )x = (ak − bk )xk
k=0
bm k=0 k=0
bm k=0
bm

et donc deg(R) < m. L’affirmation est donc vraie pour n = m.


— Soit n ≥ m. Supposons que pour tout polynôme A de degré inférieur ou
égal à n, il existe (Q, R) ∈ K[X]2 tel que A = BQ+R et deg(R) < deg(B).
n+1
X
Soit A un polynôme de degré n + 1. Posons A = ak xk . Alors
k=0
n+1 m n
an+1 n+1−m X
k an+1 n+1−m X
k n+1
X
A− x B= ak x − x bk x = an+1 x + ak x k −
bm k=0
b m
k=0 k=0
m−1
an+1 X an+1
bm xn+1 + bk xn+1−m+k . Ainsi,
bm k=0
b m

n n
an+1 n+1−m X
k
X an+1
A− x B= ak x − bn+1−m+k xk
bm k=0 k=n+1−m
bm

Par suite,
an+1
deg(A − bk xn+1−m B) ≤ n
bm
Par hypothèse de récurrence, il existe (Q1 , R) ∈ K[X]2 tel que
an+1
A− bk xn+1−m B = BQ1 + R
bm
et deg(R) < deg(B). Mais alors,
an+1 n+1−m
A = B( x + Q1 ) + R
bm
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

an+1 n+1−m
et les polynômes Q = x + Q1 et R conviennent.
bm
Le résultat est ainsi démontré par récurrence.

Montrons maintenant l’unicité. Soit (Q1 , Q2 , R1 , R2 ) ∈ K[X]4 tel que A =


BQ1 + R1 = BQ2 + R2 et deg(R1 ) < deg(B) et deg(R2 ) < deg(B). On a donc
B(Q1 − Q2 ) = R2 − R1 avec

deg(R2 − R1 ) ≤ max{deg(R1 ), deg(R2 )} < deg(B)

Si Q1 6= Q2, alors Q1 − Q2 a un degré entier, et on a

deg(R2 − R1 ) = deg(B(Q1 − Q2 )) = deg(B) + deg(Q1 − Q2 ) > deg(B)

ce qui est faux. Donc, Q1 = Q2 puis R1 = R2 . (c.q.f.d)

Définition 1.4.2

Un élément r ∈ K est dit une racine d’un polynôme P ∈ K[x] si


P (r) = 0.

Proposition 1.4.3

Pour tout P ∈ K[x] et tout a ∈ K, il existe un unique polynôme


Q ∈ K[x] tel que P = Q(x − a) + P (a).
Par conséquent, a ∈ K est une racine de P ∈ K[x] si et seulement si
x − a/P .

Exercice 1.4.4
n  
Y kπ kπ
1. On considère le polynôme P = X sin + cos (où n ≥
k=1
n n
2). Calculer le reste de la division euclidienne du polynôme P par
Q = x2 + 1.
2. Calculer le reste de la division euclidienne du polynôme xn + x + 1
par le polynôme (x − 1)2 .

1.5 Arithmétique dans K[x]


Dans la section précédente, nous avons constaté que K[x] présente plusieurs
similitudes avec Z dans différents contextes. Nous allons maintenant voir que
nous pouvons également définir des concepts analogues à ceux de l’arithmé-
tique dans Z.
1.5. ARITHMÉTIQUE DANS K[X]

1.5.1 Divisibilité dans K[x]


Définition 1.5.1

Soient A et B deux polynômes dans K[x]. On dit que A divise B et


on note A/B, s’il existe Q ∈ K[x] tel que B = QA. On dit aussi que
B est un multiple de A.

Proposition 1.5.2

1. Pour tout polynôme P , P/P . On dit que la relation de divisibilité


dans K[x] est réflexive.
En général, pour tout élément λ non nul de K, λP/P et P/λP .
2. Soient A, B et C dans K[x].
Si A/B et B/C, alors A/C. On dit que la relation de divisibilité
dans K[x] est transitive.
3. Pour tout A ∈ K[x], A/0.
4. Pour tout λ ∈ K∗ et tout A ∈ K[x], λ/A.
5. Soient A, B et C dans K[x].
Si A/B et A/C, alors A/P1 B + P2 C pour tous P1 et P2 dans K[x].
6. Soient A et B deux polynômes dans K[x] avec B 6= 0.
Si A/B, alors deg(A) ≤ deg(B).

L’ensemble des multiples d’un polynôme A sera noté AK[x].

Proposition 1.5.3

Soient A et B deux polynômes. Les assertions suivantes sont équiva-


lentes :
1. A/B.
2. B ∈ AK[x].
3. BK[x] ⊂ AK[x].

Si, dans Z, a/b et b/a, alors a = b ou a = −b. Dans le cas des polynômes,
nous avons un résultat similaire.

Définition 1.5.4

Soient A et B deux polynômes dans K[x]. On dit que les deux poly-
nômes A et B sont associés si A/B et B/A.
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

Proposition 1.5.5

Deux polynômes A et B sont associés si et seulement si AK[x] = BK[x].

Preuve. Utilise la proposition 1.5.3. (c.q.f.d)

Proposition 1.5.6

Deux polynôme A et B dans K[x] sont associés si et seulement s’il


existe λ ∈ K ∗ tel que A = λB.

Preuve. Puisque A et B sont associés, il existe deux polynômes Q et P tels


que A = QB et B = P A. Alors, A = QP A. Si A = 0, alors de même B et
la preuve est terminée. Sinon, d’après le corollaire 1.2.4, QP = 1, et ainsi le
résultat découle du corollaire .
Pour l’implication réciproque, il suffit de remarquer que A = λB implique B/A
1
et aussi B = A et par suite, aussi A/B. (c.q.f.d)
λ

Corollaire 1.5.7

Deux polynôme A et B dans K[x] sont associés si et seulement si A/B


et deg(B) ≤ deg(A).

Preuve. Puisque A/B, il existe P ∈ K[x] tel que B = P A. Alors, deg(B) =


deg(P ) + deg(A), en particulier deg(B) ≥ deg(A). D’où, deg(B) = deg(A) et
alors deg(P ) = 0. Ce qui veut dire que P est constant, ce qui donne le résultat
d’après la proposition 1.5.6. (c.q.f.d)

Proposition 1.5.8

Pour tout polynôme non nul A de K[x], il existe un unique polynôme


unitaire ω associé à P . Autrement dit, AK[x] = ωK[x].
En particulier, deux polynômes unitaires sont associés si et seulement
si sont égaux.

1
Preuve. Soit A un polynôme non nul de coefficient dominant λ 6= 0. Alors, A
λ
est un polynôme unitaire associé à A (d’après la proposition 1.5.6). Supposons
qu’il existe un autre polynôme unitaire B associé à A. Alors A = ηB pour
certain η ∈ K. Mais B est unitaire, alors η est le coefficient dominant de
ηB = A. D’où η = λ . (c.q.f.d)
1.5. ARITHMÉTIQUE DANS K[X]

1.5.2 Polynôme irréductible et factorisation de polynômes


Dans cette partie, nous explorons un concept similaire à celui des nombres
premiers, mais cette fois pour les polynômes.

Définition 1.5.9

Un polynôme P est dit irréductible dans K[x] s’il n’est pas constant
et si ses seuls diviseurs sont les polynômes constants et les polynômes
associés.

Il est facile à montrer que tout polynôme de degré 1 est irréductible. La réci-
proque est vraie pour les polynômes complexes, grâce au célèbre théorème de
d’Alembert-Gauss, qui énonce que "Tout polynôme non constant de C[x] pos-
sède au moins une racine." La démonstration de ce dernier résultat, relevant de
l’analyse, est hors-programme. En utilisant ce fameux résultat, nous obtenons
le théorème important suivant, qui présente la factorisation des polynômes
dans C[x].

Théorème 1.5.10

1. Dans C[x], les polynômes irréductibles sont les polynômes de degré


1.
2. Tout polynôme non constant P ∈ C[x] de coefficient dominant λ
s’écrit sous la forme :

λ(x − a1 )m1 (x − a2 )m2 · · · (x − an )mn

avec a1 , ..., an ∈ K, et m1 , ..., mn ∈ N∗ .

Le théorème suivant présente la factorisation des polynômes dans R[x].

Théorème 1.5.11

1. Dans R[x], les polynômes irréductibles sont les polynômes de degré


1 et les polynômes de degré 2 à discriminant strictement négatif.
2. Tout polynôme non constant P ∈ R[x] de coefficient dominant λ
s’écrit sous la forme :
r q
Y Y
λ (X − xk )mk (x2 + sj X + pj )µj
k=1 j=1

avec x1 , ..., xr ∈ K, m1 , ..., mn , µ1 , ..., µq ∈ N∗ et les si et pi sont


des éléments de R vérifiant s2j − 4pj < 0 pour tout 1 ≤ j ≤ q.
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

1.5.3 Le PGCD et ses applications dans K[x]


Dans cette section, nous introduisons l’équivalent du concept de pgcd (plus
grand commun diviseur) des entiers, mais cette fois-ci adapté aux polynômes.
Nous savons que la définition du pgcd de deux entiers repose sur la relation
d’ordre naturelle des entiers, en cherchant le plus grand diviseur commun parmi
leurs diviseurs communs. Cependant, il n’est pas possible de définir le pgcd de
deux polynômes de cette manière, car l’ensemble des polynômes K[x] ne dispose
pas d’une relation d’ordre similaire à celle de Z. En revanche, nous avons le
résultat suivant : un entier d est le pgcd de deux entiers m et n si et seulement
si :
1. d est un diviseur commun de m et n, et
2. si k est un autre diviseur commun de m et n, alors k divise d.
Cela signifie que le pgcd dans Z conserve également sa signification en tant
que "le plus grand élément", mais cette fois-ci dans le contexte de la relation de
divisibilité entre les nombres naturels. Cela encourage à définir le pgcd de deux
polynômes de manière similaire. Cependant, pour effectuer cette définition, il
est nécessaire de prouver au préalable son existence, ce qui sera démontré dans
un chapitre ultérieur.

Théorème et Définition 1.5.12

Soient A et B deux polynômes dans K[x]. On suppose que l’un au


moins A ou B est non nul. Alors, il existe un unique diviseur commun
unitaire D ∈ K[x] de A et B vérifiant la propriété suivante : Si ∆ est
un diviseur commun de A et B, alors ∆ divise D.
Ce polynôme sera appelé le plus grand commun diviseur (PGCD,
en bref) deA et B, et sera noté PGCD(A, B).
Si A = B = 0, alors nous convenons que PGCD(0, 0) = 0.

Nous admettons aussi le résultat suivant :

Théorème 1.5.13

Soient A et B deux polynômes dans K[x]. On suppose que l’un au


moins A ou B est non nul. Alors, pour polynôme unitaire D ∈ K[x],
D = PGCD(A, B) si et seulement si D est un diviseur commun de A
et B et il a le plus grand degré parmi les diviseurs communs de A et
B.

Dans ce qui suit, nous allons présenter quelques propriétés du PGCD de deux
polynômes similaires à celles du PGCD de deux entiers.
1.5. ARITHMÉTIQUE DANS K[X]

Proposition 1.5.14

Soient A, B, C trois polynômes avec C unitaire. Alors :

PGCD(CA, CB) = C.PGCD(A, B).

Preuve. Notons D = PGCD(A, B) et ∆ = PGCD(CA, CB). Montrons que


CD = ∆.
On a D/A et D/B, donc CD/CA et CD/CB. Par suite, CD/∆.
D’autre part, C/CA et C/CB, donc C/∆ et on peut écrire ∆ = CE. Comme
∆/CA et ∆/CB, on peut aussi écrire CA = ∆A0 et CB = ∆B0 . On a alors
CA = CA0 E et CB = CB0 E. Donc, A = A0 E et B = B0 E. Par suite, E
divise A et B, donc E divise D. Alors, CE = ∆ divise donc CD.
En conclusion CD/∆ et ∆/CD et les deux polynômes CD et ∆ sont unitaires
donc ∆ = CD. (c.q.f.d)
Le résultat suivant est aussi admis.
Corollaire 1.5.15

Si un polynôme D est le PGCD de deux polynômes A et B, alors il


existe deux polynômes U et V tels que D = U A + V B.

La réciproque de l’implication du corollaire 1.5.15 n’est pas vraie en général ;


elle l’est dans le cas des polynômes premiers entre eux, définis comme suit.
Définition 1.5.16

Soient A et B deux polynômes. Si PGCD(A, B) = 1 on dit que les


deux polynômes A et B sont premiers entre eux.

Proposition 1.5.17

Deux polynômes A et B sont premiers entre eux si et seulement si les


seuls diviseurs communs de A et B sont les polynômes constants non
nuls.

Théorème 1.5.18 (Théorème de Bézout)

Deux polynômes A et B sont premiers entre eux si et seulement s’il


existe deux polynômes U et V tels que U A + V B = 1.

Preuve. ⇒. Cas particulier du corollaire 1.5.15.


⇐. Si U A + V B = 1, alors tout diviseur commun de A et B divise le polynôme
constant 1 (d’après (5) de la proposition 1.5.2). (c.q.f.d)
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

Exemple 1.5.19
Soient a at b deux éléments différents de K. Alors, x − a et x − b sont
premiers entre eux.
En effet, puisque b 6= a, b − a 6= 0 et on a (b − a)−1 (x − a) + (a −
b)−1 (x − b) = 1.

Pour déterminer le PGCD de deux polynômes A et B, on utilise le résultat


qui suit.

Proposition 1.5.20

Soient A et B deux polynômes non nuls. Si R est le reste de la division


euclidienne de A par B, alors PGCD(A, B) = PGCD(B, R).

Preuve. Facile à prouver. (c.q.f.d)


L’algorithme d’Euclide. Pour déterminer le PGCD de deux polynômes non
nuls A et B, on procède comme suit : On peut supposer que deg(B) ≤ deg(A).
1
— Si B divise A, alors PGCD(A, B) = B, où α est le coefficient dominant
α
de B.
— Sinon, on effectue une suite des divisions euclidienne successives comme
suit :

A = Q1 B + R1 ; B = Q2 R1 + R2 ; R1 = Q3 R2 + R3 ; · · ·

Alors, d’après la proposition 1.5.20,

PGCD(A, B) = PGCD(B, R1 ) = PGCD(R1 , R2 ) = · · ·

Puisque, pour tout k ∈ N∗ , deg(Rk+1 ) < deg(Rk ), il existe un entier m ≥ 1


tel que Rm = 0. Si Rn est le dernier reste non nul ; autrement dit,

∀k ≤ n, Rk 6= 0 et Rn+1 = 0,

alors Rn est un PGCD de A par B. Ainsi, pour obtenir le PGCD de A


et B il suffit de multiplier Rn par l’inverse de son coefficient dominant
1
(i.e., PGCD(A, B) = Rn , où α est le coefficient dominant de Rn . Cette
α
méthode est appelé l’algorithme d’Euclide.
1.5. ARITHMÉTIQUE DANS K[X]

Exemple 1.5.21
Trouvons le PGCD de A = x4 −x3 +2x2 −X+1 et B = x3 +1 dans R[x].

Par division euclidienne de A par B, on trouve que

A = (X − 1)B + (2x2 − 2X + 2).

Posons R1 = 2x2 − 2X + 2.
Par division euclidienne de B par R1 , on trouve que
1 1
B = ( X + )R1 .
2 2
1
Ainsi, PGCD(A, B) = R1 = x2 − x + 1.
2

Exercice 1.5.22

Déteminer l’ensemble des couples (U, V ) ∈ R[x]2 vérifiant l’égalité sui-


vante :
(x7 − x − 1)U + (x5 + 1)V = 1.

Corollaire 1.5.23 (Lemme de Gauss)

Soient A, B et C trois polynômes. Si A divise BC et PGCD(A, B) = 1,


alors A divise C.

Preuve. Puisque A et B sont premiers entre eux, on peut écrire AU + BV = 1


pour certains polynômes U et V (d’après le théorème de Bezout 1.5.18). Alors,
ACU + BCV = C. Or A/AU et A/BC. DoncA/BCV . Par suite A/ACU +
BCV = C. (c.q.f.d)

Corollaire 1.5.24

Soient A, B et C trois polynômes. Si B et C divisent A, et


PGCD(B, C) = 1, alors BC divise A.

Preuve. Puisque B/A, on peut écrire A = BB1. Comme C/A = BB1 et


PGCD(B, C) = 1, le lemme de Gauss (Corollaire 1.5.23) montre que C/B1 et
par suite BC/BB1 = A. (c.q.f.d)
Ce résultat est d’une grande utilité, car il permet, entre autres, de factoriser
un polynôme en se basant sur ses diviseurs qui sont premiers entre eux, comme
le démontre le résultat suivant :
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

Proposition 1.5.25

On considère, pour n ∈ N∗ , n éléments a1 , a2 , ..., an de K deux à deux


distincts.
Si a1 , a2 , ...,!an sont des racines d’un polynôme P , alors
Yn
(x − aj ) /P .
j=1

Proposition 1.5.26

Si P ∈ K[x]\{0}, alors le nombre de racines distinctes de P dans K est


au plus deg(P ).
Par consequent, un polynôme qui a une infinité de racines est nul.

La proposition 1.5.25 peut être généralisée en introduisant la notion de mul-


tiplicité d’une racine d’un polynôme, définie comme suit :
Définition 1.5.27

Soit x une racine d’un polynôme P ∈ K[x].


L’entier m > 0 tel que (x − a)m /P et (x − a)m+1 ne divise pas P
s’appelle l’ordre de multiplicité de x ou simplement la multiplicité
de x. On dit aussi que x est de multiplicité m.
En particulier,
— Si m = 1, x est dit une racine simple.
— Si m = 2, x est dit une racine double.

Proposition 1.5.28

Si a1 , a2 , ..., an ∈ K sont des racines d’un polynôme P deux à deux


distinctes de multiplicité m1 , m2 , ..., mn ∈ N∗ , respectivement, alors
k
!
Y
(x − aj )mj /P.
j=1

La formule de Taylor (Théorème 1.3.2) nous offre une méthode pratique pour
déterminer le degré de multiplicité d’une racine d’un polynôme.
Proposition 1.5.29

Soit P un polynôme. Un élément a ∈ K est une racine de multiplicité


m ∈ N∗ de P si et seulement si P (a) = P 0 (a) = · · · = P (m−1) = 0 et
P (m) (a) 6= 0.
1.5. ARITHMÉTIQUE DANS K[X]

Remarque 1.5.30
Soit P un polynôme. Un élément a ∈ K est une racine de multiplicité
au moins m ∈ N∗ de P si et seulement si P (a) = P 0 (a) = · · · = P (m−1) =
0.

Exercice 1.5.31

Trouver tous les polynômes P ∈ R[X] vérifiant l’équation (∗) dans


chacun des cas suivants :
(∗) : P (X 2 ) = P (X)P (X + 1) ;
(∗) : P (X + 1) + P (X − 1) = 2P (X).

1.5.4 Le PPCM et ses applications dans K[x]


On termine cette section par la notion du ppcm de deux polynômes. On peut
la définir de la même façon qu’on a définit le pgcd.

Théorème et Définition 1.5.32

Soient A et B deux polynômes dans K[x]. On suppose que l’un au


moins est non nul. Alors, il existe un seul polynôme unitaire M tel
que :
1. M est un multiple commun de A et B, et
2. si P est un autre multiple commun de A et B, alors P est un
multiple M .
Ce polynôme sera appelé le plus grand commun multiple (PPCM,
en bref) et noté PPCM(A, B).

Si A = B = 0, alors nous convenons PPCM(0, 0) = 0.

Nous admettons aussi le résultat suivant :

Théorème 1.5.33

Soient A et B deux polynômes dans K[x]. On suppose que l’un au


moins A ou B est non nul. Alors, pour un polynôme unitaire M ∈ K[x],
M = PPCM(A, B) si et seulement si M est un multiple commun de A
et B et il a le plus petit degré parmi les multiples communs de A et B.

Tout comme dans le cas des entiers, il existe une relation particulière entre le
pgcd et le ppcm des polynômes, exprimée par une égalité. Cette égalité offre
des propriétés similaires à celles que l’on observe pour les entiers.
CHAPITRE 1. CALCUL POLYNOMIAL

Proposition et Définition 1.5.34

Pour deux polynômes unitaires A et B, on a :

AB = PGCD(A, B)PPCM(A, B).

Preuve. Soit D le pgcd (unitaire) de A et B. On peut alors écrire A = DA0 et


B = DB0 avec PGCD(A0 , B0 ) = 1. Notez bien que AB0 = A0 B. On cherche
donc à montrer que AB0 = A0 B est le ppcm de A et B. Or, c’est bien un
multiple commun à A et B et si M est un multiple commun à A et B, alors M
est un multiple de D et on peut écrire M = DM0 . Alors, M0 est un multiple
commun aux polynômes premiers entre eux A0 et B0 . Il est donc multiple de A0
B0 et finalement M est multiple de DA0 B0 , c’est-à-dire de AB0 . (c.q.f.d)
.
Chapitre 2

Fractions rationnelles :
Décomposition en éléments
simples

Définitions 2.0.1 (Fractions rationnelles)

A
Toute fonction de la forme F = ∈ K(X), où A et B sont deux
B
6 0, est appelée une fraction rationnelle.
polynômes de K[x] avec B =
1. Si le numérateur A et le dénominateur B d’une fraction rationnelle
A
F = ∈ K(X) ne sont pas premiers entre eux, alors on peut ré-
B
duire F en divisant A et B par un PGCD de A et B, soit D, ce
A0 A B
PGCD. Alors, F = où A0 = et B0 = qui sont deux poly-
B0 D D
A0
nômes premiers entre eux. On dit que est une forme réduite
B0
(ou irréductible) de F . Si de plus B0 est unitaire, le représentant
A0
de F est appelé la forme réduite (ou irréductible) de F .
B0
A0
2. Soit une forme irréductible d’une fraction rationnelle F . On
B0
appelle pôle de F toute racine α ∈ K de B0 . La multiplicité de α
en tant que racine de B0 est appelé l’ordre ou la multiplicité du
pôle α. En particulier, un pôle d’ordre 1 est dit un pôle simple.
On appelle zéro de F toute racine α ∈ K de A0 .
La multiplicité de α en tant que racine de A0 est appelé l’ordre
ou la multiplicité du zéro α.

Le principal objectif de cette partie est de montrer que n’importe quelle frac-
tion rationnelle admet une décomposition en une somme de termes plus simples
appelés éléments simples. Cette opération est très utile pour les calculs de pri-
mitives. Nous donnerons par la suite uelques méthodes pratiques de la décom-
position en éléments simples.
CHAPITRE 2. FRACTIONS RATIONNELLES : DÉCOMPOSITION EN
ÉLÉMENTS SIMPLES

Théorème et Définition 2.0.2

Toute fraction rationnelle F à coefficients dans C admet une décom-


position d’une manière unique sous la forme suivante :
p mi
X X bi,k
F =E+
i=1 k=1
(x − ai )k

où E est un polynôme de C[x] et bi,j des éléments de C.


— Cette écriture est appelés la décomposition en éléments
simples (en bref, DES) de F sur C.
— Le polynôme E s’appelle la partie entière de F .
bi,j
— Pour i ∈ {1, ..., k}, les fractions rationnelles s’appellent
(x − ai )j
des éléments simples associés au pôle ai .
bi,1 bi,2
— Pour i ∈ {1, ..., k}, la fraction rationnelle + +
(x − ai ) (x − ai )2
bi,pi
··· + la partie polaire de F associée au pôle ai .
(x − ai )mi

Corollaire 2.0.3

Toute fraction rationnelle F à coefficients dans R admet une décom-


position d’une manière unique sous la forme suivante :
p mi q n
i
X X bi,k XX Ai,k
F =E+ k
+
i=1 k=1
(x − ai ) i=1 k=1
(x + bi x + ci )k
2

où E est un polynôme de R[x] et les nombres bi,j , ai , bi et ci sont des


réels, avec b2i − 4ci < 0, et les Ai,j ∈ R[x] sont des polynômes de degré
au plus 1.

Comme dans le cas des fractions rationnelles à coefficients dans C, la décom-


position de F présentée dans le corollaire 2.0.3 est appelée la décomposition
en éléments simples (en bref, DES) de F sur R et le polynôme E s’appelle
la partie entière de F . De plus :
di,j
— Les fractions rationnelles s’appellent des éléments simples de
(x − ai )j
première espèce associés au pôle ai .
Ai,j
— Les fractions rationnelles 2 s’appellent des éléments simples
(x + bi x + ci )j
de seconde espèce.
Maintenant, nous présentons quelques méthodes pratiques de calcul de la DES
d’une fraction rationnelle.
La remarque suivante explique comment trouver la partie entière d’une frac-
tion rationnelle. Elle permet aussi de restreindre l’étude aux cas des fractions
A
rationnelles F = avec deg A < deg B.
B

Remarque 2.0.4
A
On considère une fraction rationnelle F = .
B
1. Si deg A < deg B, alors la partie entière de F est le polynôme nul.

2. Si deg A ≥ deg B, alors par la division euclidienne de A par B, il


existe Q, R ∈ K[x], A = QB + R avec deg R < deg B. Ainsi on obtient
la décomposition suivante de F :
R
F =Q+
B
Par suite, la partie entière de F est le polynôme Q.

La liste suivante présente quelques techniques pratiques pour décomposer une


fraction rationnelle.

2.0.1 Identifications des coefficients.


Cette méthode consiste à réduire au même dénominateur le membre de la
A
DES d’une fraction rationnelle F = avec deg A < deg B et à identifier les
B
coefficients dans les numérateurs.
CHAPITRE 2. FRACTIONS RATIONNELLES : DÉCOMPOSITION EN
ÉLÉMENTS SIMPLES

Exemple 2.0.5
x2 + x + 1
On considère la fraction rationnelle suivante : F (x) =
x(x − 1)(x + 1)
La DES de F est de la forme
λ µ ν
F (x) = + +
x x−1 x+1
On réduit au même dénominateur le membre de la DES, on obtient :

x2 + x + 1 = λ(x − 1)(x + 1) + µx(x + 1) + νx(x − 1)


= (λ + µ + ν)x2 + (µ − ν)x − λ

D’où, par identification, on obtient le système suivant :



λ + µ + ν
 =1
µ−ν =1

−λ =1

Ce système admet pour seule solution λ = −1, µ = 3/2, ν = 1/2. Par


suite, on obtient la DES de F :
−1 3 1
F (x) = + +
x 2(x − 1) 2(x + 1)

2.0.2 Evaluation et Limite.


Si on veut établir des relations entre les coefficients, on peut substituer à x
des valeurs α qui ne sont pas des pôles de F ou on peut calculer des limites
(par exemple, lim xF (x)) de deux manières.
x→∞

Exemple 2.0.6
On considère la fraction rationnelle de l’exemple précédent.

x2 + x + 1 λ µ ν
F (x) = = + +
x(x − 1)(x + 1) x x−1 x+1

On obtient l’équation λ + µ + ν = 1 en utilisant les limites suivantes :

x2 + x + 1 λ µ ν
lim x = lim x( + + )
x→∞ x(x − 1)(x + 1) x→∞ x x − 1 x + 1

7 λ ν
On obtient l’équation = + µ + en remplaçant x par 2.
6 2 3
2.0.3 Multiplication et substitution.
Cette méthode permet de trouver le coefficient du terme de plus haut degré
de chaque partie polaire.
On utilise les notations du théorème 2.0.2.
Soit i ∈ {1, ..., k}. Pour déterminer le coefficient bi,mi on multiplie F et sa DES
par (x − ai )mi et on évalue l’égalité obtenue en remplaçant x par ai .

Exemple 2.0.7
On considère la fraction rationnelle suivante :

2x4 + x3 + 3x2 − 6x + 1
F (x) =
2x3 − x2
Premièrement, par la division euclidienne on obtient : F (x) = x +
4x2 − 6x + 1
1 + F1 (x) avec F1 (x) = . Puis, en factorisant le dénomi-
2x3 − x2
nateur de F1 , on a la DES de F1 :
A B C
F1 (x) = + + .
x 2 x x − 21

On obtient A = −1 en multipliant les deux membres de cette éga-


lité par x2 et en remplaçant x par 0. Pour cela, on utilise l’écriture
suivante :
4x2 − 6x + 1
A= = −1
2x − 1 x=0
1
De même par multiplication par x − , on obtient :
2
4x2 − 6x + 1
C= = −2
2x2 x= 12

Il reste à déterminer B. Pour cela, on peut remplacer x par 1. Ce qui


donne l’équation : −1 = A + B − 2C. D’où, B = 4. On peut aussi
obtenir B en multipliant les deux membres par x et en passant à la
limite pour x → ∞. Dans ce cas, on obtient, 2 = B + C.
Par suite,
1 4 2
F (x) = x + 1 − 2 + −
x x x − 21
CHAPITRE 2. FRACTIONS RATIONNELLES : DÉCOMPOSITION EN
ÉLÉMENTS SIMPLES

Exemple 2.0.8
On considère la fraction rationnelle suivante :

4x6 − 2x5 + 11x4 − x3 + 11x2 + 2x + 3


F (x) =
x(x2 + 1)3

La DES de F est de la forme


a bx + c dx + e fx + g
F (x) = + 2 3
+ 2 2
+ 2 .
x (x + 1) (x + 1) x +1

4x6 − 2x5 + 11x4 − x3 + 11x2 + 2x + 3


a= =3
(x2 + 1)3 x=0
Maintenant, on effectue la soustraction suivante :

a x5 − 2x4 + 2x3 − x2 + 2x + 2
F1 (x) = F (x) − =
x (x2 + 1)3

Ainsi,
bx + c dx + e fx + g
F1 (x) = 2 3
+ 2 2
+ 2 .
(x + 1) (x + 1) x +1
On peut obtenir b et c en multipliant par (x2 + 1)3 puis en replaçant x
par i ou par −i (avec séparation des parties réelle et imaginaire). Mais
bx + c
cela est insuffisant pour conclure : il faut encore soustraire 2
(x + 1)3
2 2
puis simplifier par (x + 1) et enfin calculer d et e. De même pour
calculer f et g. Cela entraîne beaucoup de calculs. Pour cela, on pro-
pose la méthode suivante :
La décomposition peut se faire par divisions euclidienne successives du
numérateur x5 − 2x4 + 2x3 − x2 + 2x + 2 par x2 + 1, puis du quotient
obtenu par x2 + 1 :

4x6 − 2x5 + 11x4 − x3 + 11x2 + 2x + 3 3 x+1 3 x−2


2 3
= + 2 3
+ 2 2
+ 2 .
x(x + 1) x (x + 1) (x + 1) x + 1

Remarque 2.0.9
La dérnière méthode est souvent utilisée dans le cas où le dénominateur
est une puissance d’un polynôme de degré 2. Voici un autre exemple. On
x3 + 1
considère la fraction rationnelle suivante : F (x) = 2 .
(x + x + 1)2
En utilisant la division euclidienne de x3 + 1 par x2 + x + 1, x3 + 1 =
(x − 1)(x2 + x + 1) + 2, on trouve la DES de F :

x3 + 1 x−1 2
2 2
= 2 + 2 .
(x + x + 1) x + x + 1 (x + x + 1)2
2.0.4 Calcul de la partie polaire relative à un pôle simple.
A
Si α est un pôle simple d’une fraction rationnelle F = , alors le coefficient
B
A(α)
de la partie polaire relative à α est .
B 0 (α)

On applique cette méthode sur l’exemple 2.0.5.

Exemple 2.0.10
x2 + x + 1
On considère la fraction rationnelle : F (x) = . Alors,
x(x − 1)(x + 1)
x2 + x + 1
F (x) = .
x3 − x
La DES de F est de la forme
λ µ ν
F (x) = + +
x x−1 x+1

On a (x3 − x)0 = 3x2 − 1. Alors, en appliquant la règle ci-dessous, on


obtient : λ = −1, µ = 3/2, et ν = 1/2.

Exercice 2.0.11

1
On considère un entier n ∈ N∗ . Décomposer en éléments
Xn − 1
simples dans C(X).

2.0.5 Parité.

On suppose que F est une fraction rationnelle paire ou impaire. En comparant


les DES de F (x) et de F (−x) = ±F (x), et en utilisant “l’unicité" de la DES,
on obtient des relations entre les coefficients.

x2 + 1
Soit F (x) = . Puisque F est paire, la DES de F est de la
(x − 1)2 (x + 1)2
forme :

a b a b
F (x) = + − + .
x − 1 (x − 1)2 x + 1 (x + 1)2
CHAPITRE 2. FRACTIONS RATIONNELLES : DÉCOMPOSITION EN
ÉLÉMENTS SIMPLES

2.0.6 La division suivant les puissances croissantes.


Théorème 2.0.12 (Division selon les puissances croissantes)

Soient A ∈ [x] et B ∈ K[x] avec B̃(0) 6= 0. Alors, pour tout p ∈ N, il


existe un unique couple (Q, R) ∈ K[x]2 tel que A = BQ + xp+1 R et tel
que deg(Q) ≤ p.

Exemple 2.0.13
La méthode de calcul est exactement la même que celle de la division
euclidienne en rangeant les deux polynômes dans le sens inverse (i.e.,
suivant les puissances croissantes). Illustrons le pour p = 3 avec les
polynômes suivants : A = 1 + 3x + 2x2 − 7x3 et B = 1 + x − 2x2 .

1 +3x +2x2 −7x3 1 + x − 2x2


+2X +4x2 −7x3 1 + 2x + 2x2 − 5x3
+2x2 −3x3
−5x3 +4x4
+9x4 −10x5

Ce qui s’écrit :

1 + 3x + 2x2 − 7x3 = (1 + x − 2x2 )(1 + 2x + 2x2 − 5x3 ) + x4 (9 − 10x)

Maintenant, on montre comment on peut utiliser a division suivant les puis-


sances croissantes pour aider à la DES d’une fraction rationnelle. Pour cela,
on donne l’exemple suivant. On considère la fraction rationnelle suivante :
4x4 − 10x3 + 8x2 − 4x + 1
F (x) = .
x3 (x − 1)2
Effectuant la division suivant les puissances croissantes à l’ordre 3 (qui est l’ex-
posant du facteur x) du numérateur 1 − 4x + 8x2 − 10x3 + 4x4 par (x − 1)2 =
1 − 2x + x2 :

1 − 4x + 8x2 − 10x3 + 4x4 = (1 − 2x + x2 ) × (1 − 2x + 3x2 ) + (−2x3 + x4 ).

On obtient la décomposition suivante de F :


1 2 3 x−2
F (x) = 3
− 2+ + .
x x x (x − 1)2
x−2
En décomposant , on obtient la DES de F :
(x − 1)2
1 2 3 1 1
F (x) = 2 + 3
− 2+ − 2
+ .
x x x (x − 1) x−1
Remarque 2.0.14
Cette méthode est efficace pour un exposant assez grand (en général plus
grand que 3). Elle peut être utilisée aussi pour une fraction rationnelle du
P (x)
type . Pour cela, il faut commencer par le changement de
(x − a)n Q(x)
variable u = x − a avant de faire la division, puis revenir à la variable x.

2.0.7 DES des fractions rationnelles de la forme un po-


lynôme sur une puissance d’un polynôme de degré
1
.
A(x)
soit F = une fraction rationnelle avec deg A < k.
(x − a)k
En utilisant la formule de Taylor :

0 A(k−1) (a)
A(x) = A(a) + A (a)(x − a) + · · · + (x − a)k−1
(k − 1)!

On trouve la DES de F :
k A(k−i) (a)
A(x) X (k−i)!
=
(x − a)k i=1
(x − a)i

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