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Polynômes

Les polynômes sont des objets très simples mais aux propriétés extrêmement riches. Il permettent de faire une
étude algébrique des équations, comme les équations de degré 2 : ax2 + bx + c = 0, que vous savez déjà résoudre.
Avez-vous déjà vu une méthode de résolution des équations de degré 3 ? La résolution de telles équations a fait
l’objet de luttes acharnées dans l’Italie du X V I e siècle. Un concours était organisé avec un prix pour chacune de
trente équations de degré 3 à résoudre. Un jeune italien, Tartaglia, trouve la formule générale des solutions et
résout les trente équations en une seule nuit ! Cette méthode que Tartaglia voulait garder secrète sera quand
même publiée quelques années plus tard comme la « méthode de Cardan ».

Dans ce chapitre, après quelques définitions des concepts de base, nous allons étudier l’arithmétique des
polynômes. Il y a une grande analogie entre l’arithmétique des polynômes et celles des entiers. On continue avec
un théorème fondamental de l’algèbre : « Tout polynôme de degré n admet n racines complexes. » On termine avec
les fractions rationnelles : une fraction rationnelle est le quotient de deux polynômes.

Nous vous encourageons à compléter la lecture des différents cours de ce chapitre avec les références citées
dans les chapitres précédents disponibles à la Bibliothèque Universitaire. En fouillant dans les rayons de la BU,
vous trouverez d’autres références qui vous plairont peut-être encore plus.

Dans ce chapitre K désignera l’un des corps R ou C (on ne cherchera pas à savoir ce qu’est un corps ce
semestre mais les plus férus d’entre vous trouveront facilement un livre à la BU pour le découvrir).

1
2

Cours Magistral n°16

Pré-requis : Objectifs :
– maîtriser les opérations algébriques élémentaires – maîtriser les opérations sur les degrés
– savoir poser une division euclidienne – connaître la notion de divisibilité pour des
polynômes
– savoir effectuer une division euclidienne avec
des polynômes

1. Les polynômes et leur degré


Nous présentons la notion de polynôme et les définitions sous-jacentes, comme la notion de degré. Nous exposons
ensuite certaines propriétés utiles vérifiées par le degré.

Définition 1

Un polynôme à coefficients dans K est une expression de la forme

P ( X ) = a n X n + a n−1 X n−1 + · · · + a 2 X 2 + a 1 X + a 0 ,

avec n ∈ N et a 0 , a 1 , . . . , a n ∈ K. L’ensemble des polynômes est noté K[ X ].


• Les a i sont appelés les coefficients du polynôme.
• Si tous les coefficients a i sont nuls, P est appelé le polynôme nul, il est noté 0.
• On appelle le degré de P le plus grand entier i tel que a i 6= 0 ; on le note deg P . Pour le degré du
polynôme nul on pose par convention deg(0) = −∞. On utilisent également les conventions suivantes :
– pour n ∈ N : −∞ < n
– pour n ∈ N : n + (−∞) = −∞
• Un polynôme de la forme P ( X ) = a 0 avec a 0 ∈ K est appelé un polynôme constant. Si a 0 6= 0, faites
attention : son degré est 0.
• Deux polynômes sont égaux si et seulement s’ils ont les mêmes coefficients.

Remarque 1

S’il est certainement plus simple d’imaginer que X désigne un nombre de R ou C, il faut néanmoins savoir
que l’on peut substituer à X un autre polynôme, une matrice. . . Nous ne rentrerons pas dans ces détails mais
une fonction polynomiale ne désigne pas nécessairement un polynôme.

Exemple 1

• L’expression X 3 − 5 X + 34 est un polynôme de degré 3.


• L’expression X n + 1 est un polynôme de degré n.
• L’expression 2 est un polynôme constant, de degré 0.

L’ensemble des polynômes K[ X ] est muni d’une multiplication distributive basée sur la multiplication dans K et
sur la multiplication des puissances de X .

Définition 2

Soient n et m deux entiers. Nous définissons

X n × X m := X n + m .
Pp Pq
Soient P ( X ) = i =0
a i X i et Q ( X ) = j =0
b j X j deux polynômes de K[ X ]. Nous définissons le produit P × Q par

pX
+q k
c k X k , avec c k :=
X
(P × Q )( X ) := a m b k−m où a i = 0 si i > p et b j = 0 si j > q.
k=0 m=0
3

Exemple 2

La multiplication de P ( X ) = X 3 − 5 X + 3 par Q ( X ) = X 2 + 1 donne

(P × Q )( X ) = X 5 − 4 X 3 + 3 X 2 − 5 X + 3.

Proposition 1

Soient P et Q deux polynômes à coefficients dans K. Nous avons les relations suivantes :

deg(P × Q ) = deg P + deg Q

deg(P + Q ) É max(deg P, deg Q )

Démonstration
Proposition 2.

• L’ensemble des polynômes K[ X ] est intègre :

∀P, Q ∈ K[ X ], (PQ = 0 ⇔ P = 0 ou Q = 0).

• De façon équivalente : ∀P, Q, R ∈ K[ X ], (PQ = RQ ⇔ Q = 0 ou P = R ).

Remarque 2
y
Cette propriété n’est pourtant pas si banale. En effet, le produit
de deux fonctions quelconques peut être nul sans qu’aucune des
deux ne le soit.
1
Prenons les fonctions continues f , g : R → R définies par les for-
Cg Cf
mules :
0 1 x
f ( x) = x − | x| et g( x) = x + | x| .

Nous avons f g = 0 bien qu’aucune des deux fonctions f et g ne


soit nulle. Ce phénomène est impossible avec des fonctions poly-
nomiales définies sur R ou C ou avec des polynômes.

Définition 3

• Les polynômes comportant un seul terme non nul (du type a k X k ) sont appelés monômes.
• Soit P ( X ) = a n X n + a n−1 X n−1 + · · · + a 1 X + a 0 , un polynôme avec a n 6= 0. On appelle terme dominant
le monôme a n X n . Le coefficient a n est appelé le coefficient dominant de P .
• Si le coefficient dominant est 1, on dit que P est un polynôme unitaire.

Exemple 3

Le polynôme P ( X ) = 3 X 7 + 6 X 4 − 8 X 3 + 2 X + 10 est une somme de 5 monômes. Son terme dominant est 3 X 7


et son coefficient dominant est 3.
4

Proposition 3

1. Si deg(Q ) Ê 1 alors deg(P (Q )) = deg(P ) × deg(Q ) (avec la règle (−∞) × n = −∞, pour tout n ∈ N∗ ).
2. Si deg(Q ) = 0, alors deg(P (Q )) É 0.
3. Si deg(Q ) = −∞, alors deg(P (Q )) É 0.

2. Arithmétique dans K[ X ]
Dans cette section, nous présentons deux similitudes entre les nombres entiers et les polynômes : la notion de
divisibilité et la division euclidienne.

2.1. Divisibilité dans K[ X ]


Pour définir la notion de divisibilité entre deux éléments d’un certain type, il suffit de savoir multiplier les éléments
de ce type ensemble. Comme nous savons multiplier les polynômes entre eux, nous pouvons déterminer lorsqu’un
polynôme divise un autre.

Définition 4

On dit que le polynôme A divise le polynôme B, et nous notons A | B, s’il existe un polynôme C tel que B = AC .
Dans ce cas, on dit aussi que B est un multiple de A .

Il est facile de vérifier que tout polynôme divise 0, mais que 0 ne divise que lui-même. De même, 1 divise tout
polynôme, mais les seuls polynômes qui divisent 1 sont les constantes non nulles.

La relation de divisibilité possède les propriétés suivantes.

Démonstration
Proposition 4

Soient A , B et C trois polynômes. La relation de divisibilité est :


1. transitive : si A | B et B | C , alors A | C ,
2. réflexive : on a A | A .

Démonstration
Proposition 5

Si A divise B avec B 6= 0 alors deg A É deg B.

2.2. La division euclidienne


Comme on vient de le voir, on peut faire avec les polynômes beaucoup d’opérations similaires à celles que l’on
fait avec les nombres entiers 1 . Un exemple supplémentaire dans cette direction est l’existence d’une division
euclidienne :

Théorème 1. Division euclidienne dans K[ X ] (existence admise)

Soient A, B ∈ K[ X ] deux polynômes. On suppose A 6= 0. Il existe alors un unique couple (Q, R ) de polynômes
dans K[ X ] tel que :
B = Q A + R et deg R < deg A.

Le polynôme R s’appelle le reste et le polynôme Q est le quotient.

Démonstration

Démontrons que lorsque cette écriture existe, alors elle est unique.

1. En d’autre termes, l’arithmétique dans l’anneau K[ X ] est assez semblable à l’arithmétique dans l’anneau Z.
5

Exemple 4

Par exemple, si A ( X ) = 2 X 4 − X 3 −2 X 2 +3 X −1 et B( X ) = X 2 − Pour X 4 − 3 X 3 + X + 1 divisé par X 2 + 2, on trouve


X + 1. Alors on trouve Q ( X ) = 2 X 2 + X − 3 et R ( X ) = − X + 2. un quotient égal à X 2 − 3 X − 2 et un reste égal à
La division euclidienne se pose de la façon suivante : 7X + 5 :

2X 4 − X 3 − 2X 2 + 3X − 1 X2 − X +1 X 4 − 3X 3 + X +1 X2 +2
− 4 2
− (2 X 4 − 2 X 3 + 2 X 2 ) (X + 2X )

X 3 − 4X 2 + 3X − 1 2X 2 + X − 3 −3 X 3 − 2 X 2 + X + 1 X 2 − 3X − 2
− (−3 X 3
− (X 3 − X 2 + X ) − 6X )

−3 X 2 + 2 X − 1 −2 X 2 + 7 X + 1
− (−3 X 2 + 3 X − 3) − (−2 X 2 − 4)

−X + 2 7X + 5

Dans chaque cas, on n’oublie pas de vérifier qu’effectivement A = BQ + R .


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Cours Magistral n°17

Pré-requis : Objectifs :
– maîtriser les opérations sur les degrés – savoir exhiber certains diviseurs d’un polynôme à
– connaître la notion de divisibilité pour des l’aide de ses racines
polynômes – savoir déterminer la multiplicité d’une racine
– savoir effectuer une division euclidienne – savoir utiliser les racines d’un polynôme pour le fac-
– savoir dériver un polynôme toriser

3. Racine d’un polynôme et factorisation


Nous avons déjà entrevu la notion de racine dans le chapitre précédent sur les nombres complexes : à un polynôme
de degré 2 correspond une équation polynomiale de degré 2. Les zéros de cette équation correspondent aux racines
du polynôme correspondant.
D’un autre côté, la factorisation d’un polynôme est l’analogue de la factorisation des entiers : 6 = 2 × 3. Elle consiste
à écrire un polynôme P comme un produit de polynômes P ( X ) = Q ( X ) × R ( X ).
Nous allons voir dans ce cours que racine et factorisation de polynômes sont fortement liées. La factorisation des
polynômes sera utilisée à la fin de ce chapitre pour permettre le calcul de certaines intégrales.

3.1. Racines et racines multiples


Nous présentons tout d’abord les définitions de racine et de racine multiple, ainsi que le lien important entre
racine et divisibilité de polynômes.

Définition 5

Soit P un polynôme. Le nombre r est appelé racine de P si P ( r ) = 0.

Démonstration
Théorème 2.

Soit P un polynôme. Le nombre r est une racine de P si et seulement si ( X − r )


divise P ( X ).

Exercice 1

1. Justifiez que le polynôme X n − 1 est divisible par X − 1.


2. Calculez explicitement le quotient.
3. En déduire que si ζ est une racine n-ième de l’unité différente de 1, alors

ζn−1 + ζn−2 + · · · + ζ + 1 = 0.

Définition 6

Soit P un polynôme. La multiplicité (ou ordre) d’une racine r de P est l’entier m tel que ( X − r )m divise
P ( X ) et ( X − r )m+1 ne divise pas P ( X ).
On dit que r est une racine simple si m = 1, et une racine multiple si m Ê 2.
7

Remarque 3

Si ( X − r )k divise P ( X ), alors r est une racine de P d’ordre au moins k.


C’est une racine d’ordre exactement k si et seulement si le polynôme P s’écrit P ( X ) = ( X − r )k Q ( X ), avec
Q ( r ) 6= 0 (le polynôme Q ( X ) est le quotient de P ( X ) par ( X − r )k ).

3.2. Caractérisation des racines et de leur multiplicité par les dérivées


Nous étendons formellement la notion de dérivée aux polynômes. Nous pouvons alors caractériser les racines d’un
polynôme P et leur multiplicité à l’aide des racines des polynômes dérivés itérés P (k) de ce polynôme.

Définition 7
Pn i
Soit P ( X ) = i =0 a i X un polynôme. Le polynôme dérivée de P est le polynôme

n
P 0 ( X ) := ia i X i−1 .
X
i =1

Théorème 3. Admis

Soit P un polynôme. Le nombre r est racine d’ordre au moins k de P si et seulement si

P ( r ) = P 0 ( r ) = · · · = P (k−1) ( r ) = 0.

NB : P ( j) désigne le polynôme P dérivé j fois. Autrement dit, P (1) = P 0 , P (2) = P 00 , etc.

Remarque 4

Par conséquent, si
P ( r ) = P 0 ( r ) = · · · = P (k−1) ( r ) = 0 et P (k) ( r ) 6= 0,

alors r est une racine d’ordre exactement k de P .

3.3. Lien avec la factorisation


Nous exposons maintenant comment le fait de connaître les racines d’un polynôme avec leur multiplicité permet
de trouver une factorisation de ce polynôme.

Lemme 1

Soit P un polynôme. Supposons qu’il s’écrit comme produit de deux polynômes : P = AB. Si :
• r est racine d’ordre au moins m de P , et
• B( r ) 6= 0 (c’est-à-dire que r n’est pas racine de B),
alors r est racine d’ordre au moins m de A .

Démonstration

Soient P un polynôme et r une racine de P . On suppose que P = AB avec B( r ) 6= 0. On va démontrer par récurrence sur m Ê 1 la
propriété :

si r est racine d’ordre au moins m de P , alors r est racine d’ordre au moins m de A .

Initialisation : supposons m = 1. Si r est racine (d’ordre au moins 1) de P , alors 0 = P ( r ) = A ( r )B( r ). Or, on a supposé B( r ) 6= 0, il
s’ensuit que A ( r ) = 0. Ainsi, r est bien racine d’ordre au moins 1 de A .
→ La propriété est vraie au rang m = 1.
Hérédité : soit m Ê 1 fixé. Supposons la propriété vraie au rang m. Montrons qu’elle reste vraie au rang m + 1.
Supposons que r est racine d’ordre au moins m + 1 de P , c’est-à-dire que P ( X ) = ( X − r )m+1 P1 ( X ).
En particulier, r est aussi une racine d’ordre au moins m de P , donc par hypothèse de récurrence, r est racine d’ordre au moins m de
A . Autrement dit on a : A ( X ) = ( X − r )m A 1 ( X ), d’où finalement :

( X − r )m+1 P1 ( X ) = ( X − r )m A 1 ( X )B( X ).
8

En simplifiant par ( X − r )m , on trouve ( X − r )P1 ( X ) = A 1 ( X )B( X ). Puis, en évaluant en r : 0 = A 1 ( r )B( r ). Or, B( r ) 6= 0, d’où A 1 ( r ) = 0.
Ainsi A 1 ( X ) = ( X − r ) A 2 ( X ). En remplaçant A 1 dans l’expression de A on obtient

A ( X ) = ( X − r )m A 1 ( X ) = ( X − r )m+1 A 2 ( X ),

c’est-à-dire que r est racine d’ordre au moins m + 1 de A .


→ La propriété se propage du rang m au rang m + 1.
Conclusion : la propriété est vraie pour m = 1. Quand on la suppose vraie à un rang m Ê 1, elle reste vraie au rang m + 1. Ainsi, par
récurrence, elle est vraie pour tout m Ê 1.

Démonstration
Théorème 4

Soit P un polynôme. Si r 1 , . . . , r k sont des racines distinctes de P de multiplicités


respectives m 1 , . . . , m k , alors le polynôme ( X − r 1 )m1 · · · ( X − r k )m k divise P ( X ).

Le théorème précédent permet de donner une factorisation du polynôme P de la forme :

P ( X ) = ( X − r 1 )m1 · · · ( X − r k )m k Q ( X ).

En comparant les degrés des deux termes, on obtient le corollaire suivant.

Corollaire 1

Soit P un polynôme. Si P est non-nul, alors le nombre de ses racines comptées avec leur multiplicité est
inférieur ou égal au degré de P , c’est-à-dire

deg(P ) Ê m 1 + · · · + m k .
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Cours Magistral n°18

Pré-requis :
Objectifs :
– savoir reconnaître des racines évidentes
– connaître les polynômes irréductibles de C et de R
– savoir calculer la multiplicité d’une racine
– savoir décomposer sur C et sur R un polynôme en
– savoir trouver les racines d’un polynôme de degré 2
produit d’irréductibles
à coefficients réels ou complexes et le factoriser
– connaître les relations entre nombre de racines et
– maîtriser les nombres complexes (conjugué, partie
degré d’un polynôme
réelle, module)

4. Décomposition en produit de polynômes irréductibles


Nous avons vu dans la leçon précédente qu’il est possible de factoriser un polynôme lorsque l’on connait certaines
de ses racines et leur multiplicité. Nous nous intéressons dans cette leçon à une factorisation la plus “fine” possible.
On parle de décomposition en produit de polynômes irréductibles. Attention, cette factorisation dépend du corps
dans lequel on travaille. On étudie le cas des nombres complexes et celui des nombres réels.

4.1. Polynôme Irréductible


Nous présentons la notion de polynôme irréductible. Même si ce n’est pas explicite dans la définition, il faut faire
attention au fait qu’un polynôme peut être réductible lorsqu’on le regarde à coefficients dans C mais irréductible
lorsqu’on le regarde à coefficients dans R. Il faut donc toujours préciser le corps dans lequel on travaille lorsque
l’on parle de polynôme irréductible.

Définition 8

Soit P un polynôme non constant. Le polynôme P est irréductible s’il ne peut pas s’écrire comme un produit
de deux polynômes tous deux non constants. Autrement dit, si P = QR , alors Q est constant ou R est constant.
Sinon, P est dit réductible.

Remarque 5

Attention : quand on parle d’irréductibilité, il faut toujours préciser sur R ou sur C.


Par exemple, le polynôme P ( X ) = X 2 + 1 est réductible sur C, car on peut l’écrire comme produit de deux
polynômes complexes :
P ( X ) = X 2 + 1 = ( X + i )( X − i ).

En revanche, on verra dans la suite de cette leçon que P est irréductible sur R, c’est-à-dire qu’on ne peut pas
l’écrire comme produit de deux polynômes à coefficients réels tous deux non-constants.

Le but de ce cours est de décomposer un polynôme réductible en produit de polynômes irréductibles. Il faut pour
cela savoir caractériser les polynômes irréductibles sur C et sur R.

4.2. Décomposition dans C[ X ]


La décomposition dans C[ X ] est théoriquement la plus facile car le théorème fondamental de l’algèbre (théorème
de d’Alembert–Gauss) nous permet de voir que les polynômes irréductibles sur C sont exactement les polynômes
de degré 1. Il faut cependant garder en tête qu’il n’est pas toujours aisé de trouver les facteurs irréductibles d’un
polynôme. Ces derniers correspondent aux racines du polynôme que l’on ne sait trouver de façon générale que
pour les polynômes de degré É 4.
10

Théorème 5. de d’Alembert–Gauss (admis)

Sur C, tout polynôme de degré supérieur ou égal à 1 admet au moins une racine.

En particulier, tout polynôme de degré au moins 2 est réductible.

Théorème 6. Décomposition en polynômes irréductibles sur C (admis)

Les polynômes irréductibles sur C sont exactement les polynômes de degré 1.

Tout polynôme P de degré n Ê 1 se décompose en produit d’irréductibles sous la forme :

P ( X ) = a( X − r 1 ) m 1 · · · ( X − r k ) m k ,

où a est le coefficient dominant de P , r 1 , . . . , r k les racines distinctes de P , m 1 , . . . , m k leur multiplicité


respective. De plus, cette décomposition est unique à l’ordre des facteurs près.

En particulier, P possède n racines comptées avec leur multiplicité, c’est-à-dire m 1 + · · · + m k = n.

Remarque 6

Pour décomposer un polynôme sur C, il suffit donc de connaître toutes ses racines et leur multiplicité.

Exemple 5

Les racines du polynôme X n − 1 sont les racines n-èmes de l’unité, les ζk = e2iπk/n pour 0 É k É n − 1. Sur C, ce
polynôme se décompose donc de la façon suivante :

nY
−1 2iπ k
Xn −1 = (X − e n ).
k=0

4.3. Décomposition dans R[ X ]


La décomposition sur R est plus compliquée, du fait qu’il existe des polynômes réels de degré 2 qui sont irréductibles
dans R. En fait, on sait les caractériser :

Proposition 6

Soit P ( X ) = aX 2 + bX + c un polynôme de degré 2 à coefficients réels. Alors P est irréductible dans R si et


seulement si son discriminant b2 − 4ac est strictement négatif.

Démonstration

On va démontrer l’énoncé équivalent (en faisant une double contraposée) : pour un polynôme P de degré 2, on a

P est réductible dans R ⇐⇒ le discriminant de P est positif ou nul.

Le sens retour est immédiat. On sait qu’un polynôme de degré 2 à coefficients réels dont le discriminant est positif ou
nul admet deux racines réelles r 1 et r 2 (éventuellement confondues), et se factorise sous la forme

P(X ) = a(X − r 1 )(X − r 2 ).

Il est donc réductible.


Réciproquement, supposons P réductible dans R, c’est-à-dire pouvant s’écrire P = AB avec A, B deux polynômes réels
non constants. En raisonnant sur le degré, on voit que nécessairement A et B sont tous les deux de degré exactement 1.
Or, un polynôme α X + β de degré 1 à coefficients réels admet toujours une racine réelle (à savoir r = −β/α). Ainsi, A
admet une racine réelle, qui est aussi racine réelle de P = AB. Le discriminant de P est donc positif ou nul.

Ainsi, on sait maintenant que la décomposition dans R d’un polynôme peut éventuellement faire intervenir des
polynômes irréductibles de degré 2.
11

Exemple 6

On a vu dans la remarque 5 que le polynôme X 2 + 1 est réductible sur C. La proposition 6 nous dit qu’il est
irréductible sur R.

Nous allons voir que ces facteurs de degré 2 peuvent être retrouvés à partir de la décomposition dans C du même
polynôme. Commençons avec l’observation suivante :

Lemme 2.

Soit P un polynôme dont tous les coefficients sont réels. Alors un nombre complexe z ∈ C est racine de P si et
seulement si son conjugué z̄ est aussi racine de P . De plus, les deux racines z et z̄ ont la même multiplicité.

Démonstration

Supposons qu’on connaisse la décomposition dans C d’un polynôme à coefficients réels. Alors à chaque fois qu’un
facteur ( X − z)m apparaît dans cette décomposition, le lemme précédent assure qu’on a aussi un facteur ( X − z̄)m .
En regroupant ces facteurs, on obtient

( X − z)m ( X − z̄)m = ( X 2 − 2 Re( z) X + | z|2 )m

qui est un produit de m polynômes à coefficients réels irréductibles. Il suffit de répéter l’opération pour chaque
paire de racines complexes conjuguées, et on obtient alors une décomposition en polynômes irréductibles dans R
du polynôme de départ.

Exemple 7

Prenons le polynôme P ( X ) = X 4 + X 2 + 1. Il se décompose dans C sous la forme


p
i2π/3 1 3
P ( X ) = ( X − j )( X − ̄ )( X + j )( X + ̄ ), avec j=e =− + i.
2 2
On effectue les regroupements :
• ( X − j )( X − ̄ ) = X 2 − ( j + ̄ ) X + j ̄ = X 2 + X + 1, et
• ( X + j )( X + ̄ ) = X 2 + ( j + ̄ ) X + j ̄ = X 2 − X + 1.
On obtient alors la décomposition suivante dans R :

P ( X ) = ( X 2 + X + 1)( X 2 − X + 1).

En formalisant ce procédé, on obtient le théorème suivant :

Théorème 7. Décomposition en polynômes irréductibles sur R (admis)

Les polynômes irréductibles dans R sont :


• les polynômes de degré 1,
• les polynômes de degré 2 de discriminant strictement négatif.

Ainsi, tout polynôme réel P se décompose en produit d’irréductibles sous la forme :

P ( X ) = a( X − r 1 ) m 1 · · · ( X − r k ) m k ( X 2 + b 1 X + c 1 ) n 1 · · · ( X 2 + b ` X + c ` ) n ` , (1)

où a est le coefficient dominant de P , r 1 , . . . , r k les racines réelles distinctes de P , m 1 , . . . , m ` leur multiplicité


respective, et les X 2 + b i X + c i sont des polynômes distincts à coefficients réels vérifiant b2i − 4 c i < 0.
De plus, cette décomposition est unique à l’ordre des facteurs près.
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Cours Magistral n°19

Pré-requis : Objectifs :
– savoir utiliser la factorisation des polynômes – savoir effectuer des calculs élémentaires sur les frac-
– savoir effectuer la division euclidienne de deux po- tions rationnelles
lynômes – savoir décomposer dans C( X ) (resp. R( X )) une frac-
– savoir rechercher les racines communes à deux po- tion rationnelle de deux polynômes de C[ X ] (resp.
lynômes R[ X ])

5. Fractions rationnelles
De la même façon que nous nous intéressons aux fractions de nombres entiers ( 23 de pizza), nous pouvons définir
des fractions de polynômes. Des exemples bien connus sont les fractions X1 ou X12 mais il y en a bien d’autres.
Attention : il est très pratique, sans que ce soit indispensable à la compréhension du cours, de donner un nom
aux ensembles que l’on utilise. Pour cette raison, il est d’usage de noter
• C[ X ] l’ensemble des polynômes à coefficients dans C,
• R[ X ] l’ensemble des polynômes à coefficients dans R,
• C( X ) l’ensemble des fractions rationnelles à coefficients dans C,
• R( X ) l’ensemble des fractions rationnelles à coefficients dans R.

5.1. Introduction aux fractions rationnelles


Nous définissons les fractions rationnelles comme des fractions de polynômes, à la manière des fractions (de
nombres) que vous connaissez depuis l’école primaire et le collège.

Définition 9

Une fraction rationnelle à coefficients réels (resp. complexes) est une expression de la forme

P P(X )
F= ou F(X ) = ,
Q Q(X )

où P et Q appartiennent à R[ X ] (resp. C[ X ]) et où Q 6= 0. Dans ces deux définitions, P est appelé numérateur


de F et Q est appelé dénominateur de F .

Exemple 8

1
La fraction rationnelle F ( X ) = peut être considérée soit comme une fraction rationnelle à coefficients
X −1
X
réels, soit comme une fraction rationnelle à coefficients complexes. La fraction rationnelle G ( X ) = 2 ,
X −X
bien qu’ayant un numérateur et un dénominateur différent de ceux de F ( X ), est identifiée à F ( X ). Voir la
définition qui suit.

Définition 10

P1 P2
Deux fractions rationnelles (à coefficients réels ou complexes) et sont dites égales lorsque P1 Q 2 =
Q1 Q2
P1 P2 P1
P2 Q 1 . Nous dirons alors que et sont deux représentants de la fraction rationnelle F = .
Q1 Q2 Q1

Définition 11

P1 P2 P1 P2 P1 Q 2 + P2 Q 1
L’addition de deux fractions rationnelles et est définie par + = .
Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2
P1 P2 P1 P2 P1 P2
Le produit de deux fractions rationnelles et est défini par × = .
Q1 Q2 Q1 Q2 Q1 Q2
13

Exemple 9 Exemple 10

P1 ( X ) X P2 ( X ) 1 P1 ( X ) X P2 ( X ) X + 2
Soient = 2 et = . Soient = 2 et = .
Q1( X ) X + X − 2 Q2( X ) X + 2 Q1( X ) X + X − 2 Q2( X ) 1

Vérifier que Vérifier que

P1 ( X ) P2 ( X ) 2X − 1 P1 ( X ) P2 ( X ) X
+ = 2 . × = .
Q1( X ) Q2( X ) X + X − 2 Q1( X ) Q2( X ) X − 1

Démonstration
Proposition 7

P
Soit F = une fraction rationnelle (à coefficients réels ou complexes). Il existe
Q
P0
un unique représentant de F de la forme , tel que P0 et Q 0 n’ont pas de racine
Q0
commune dans C (on dit aussi que P0 et Q 0 sont premiers entre eux), et tel que
le coefficient de plus haut degré de Q 0 est égal à 1 (on dit que Q 0 est unitaire).
On appelle forme irréductible de F ce représentant.

Remarque 7

P0
Un représentant d’une fraction rationnelle F de la forme , tel que P0 et Q 0 n’ont pas de racine commune
Q0
dans C, est parfois aussi appelé une forme irréductible de F même si Q 0 n’est pas unitaire.

Proposition 8

P
Soit F = une fraction rationnelle (à coefficients réels ou complexes). On pose
Q

deg(F ) := deg(P ) − deg(Q ).

Ce nombre (éventuellement égal à −∞ si P = 0) ne dépend pas du représentant de F , et est appelé degré de


F.

Démonstration

Démontrons que deg(F) ne dépend pas des représentants choisis.

5.2. Décomposition en éléments simples des fractions rationnelles irréduc-


tibles
En substituant à l’indéterminée X une variable réelle x, on associe une fonction rationnelle à une fraction ra-
tionnelle. Intégrer une fonction rationnelle n’est pas toujours aisé et nous verrons dans le dernier cours que
la décomposition en éléments simples des fractions rationnelles permet de faciliter le calcul d’intégrales ou de
primitives de fractions rationnelles.

Exemple 11

On vérifie aisément que


2X 1 1
= + .
X2 −1 X −1 X +1
1 1 2X
La somme + s’appelle décomposition en éléments simples de la fraction rationnelle 2 . Les
X −1 X +1 X −1
1 1
fractions et sont appelées éléments simples car les dénominateurs de ces fractions n’ont qu’une
X −1 X +1
seule racine et le numérateur est de degré 0. De plus les degrés des dénominateurs sont minimaux pour que
la somme redonne une fraction avec pour dénominateur X 2 − 1.
14

Théorème 8. Décomposition en éléments simples dans C( X ) (admis)

P
Soit F une fraction rationnelle de C( X ) et la forme irréductible de F , avec
Q

Q ( X ) = ( X − α1 )k1 × · · · × ( X − α` )k` ,

et, pour i = 1, . . . , `, k i ∈ N∗ et α i ∈ C. Il existe une et une seule décomposition de F de la forme

P(X ) a 1,1 a 1,k1


= E( X ) + +···+
Q(X ) ( X − α1 ) k 1 ( X − α1 )
a 2, 1 a 2,k2
+ +···+
( X − α2 )k2 ( X − α2 )
..
.
a `,1 a `,k`
+ +···+ ,
( X − α` )k` ( X − α` )

avec E ∈ C[ X ], et pour i = 1, . . . , ` et r i = 1, . . . , k ` , avec a i,r i ∈ C.

5.3. Méthode pratique de la décomposition en éléments simples


Nous présentons dans cette section une méthode pratique qui permet d’obtenir la décomposition en éléments
simples d’une fraction à coefficients dans C.

Déterminer la partie entière


La première chose à faire est de calculer la partie entière lorsqu’elle est non nulle. C’est le cas lorsque deg(F ) Ê 0.
Nous effectuons alors la division euclidienne de P par Q de façon à obtenir un quotient E et un reste R vérifiant
P = E × Q + R avec deg(R ) < deg(Q ). Ainsi,

P E ×Q +R R
= =E+ .
Q Q Q
R
Nous cherchons ensuite la décomposition en éléments simples de Q.

Exemple 12

X4 + X3 −9 X2 −9 X +1
La fraction rationnelle est de degré 2. Déterminons sa partie entière à l’aide d’une
( X − 3) ( X + 1)
division euclidienne.

Cas où Q n’a que des racines simples


Dans le cas où Q n’a que des racines simples, on peut écrire Q ( X ) = ( X − α1 ) ×· · ·× ( X − α` ), avec des α i tous distincts.
Nous cherchons alors une décomposition de la forme

P(X ) a1 a`
= E( X ) + +···+ .
Q(X ) ( X − α1 ) ( X − α` )

Exemple 13

Décomposons en éléments simples la fraction rationnelle ( X −3)(1 X +1) . Nous avons E = 0. Nous cherchons a ∈ C,
b ∈ C tels que
1 a b
= + . (2)
( X − 3)( X + 1) X − 3 X + 1
En multipliant les deux membres de l’égalité par ( X − 3), nous avons

1 b( X − 3) b( X − 3)
= a+ = a+ .
X +1 X +1 X +1
15

1
En substituant 3 à X , nous obtenons 4 = a. Pour le calcul de b, on repart de (2) que l’on multiplie par X + 1.
Nous avons
1 a( X + 1)
= + b.
X −3 X −3
Nous en déduisons b = − 41 en substituant −1 à X .

Cas où Q a des racines simples et des racines doubles


On suppose que Q ( X ) = ( X − α1 )2 × ( X − α2 ). Dans ce cas, nous cherchons une décomposition de la forme

P(X ) a b c
= E( X ) + + + .
Q(X ) ( X − α1 )2 ( X − α1 ) ( X − α2 )

Exemple 14

Décomposons en éléments simples la fraction rationnelle ( X +21)X2+( X1 +2) . Nous avons E = 0. Nous cherchons a ∈ C,
b ∈ C et c ∈ C tels que
2X + 1 a b c
= + + . (3)
( X + 1)2 ( X + 2) ( X + 1)2 X + 1 X + 2
En multipliant les deux membres de l’égalité par ( X + 1)2 , nous avons

2X + 1 c( X + 1)2
= a + b( X + 1) + .
X +2 X +2
En substituant −1 à X , nous obtenons −1 = a. Pour le calcul de c, nous repartons de (3) que nous multiplions
par X + 2. Nous avons
2X + 1 a( X + 2) b( X + 2)
2
= + + c.
( X + 1) ( X + 1)2 X +1
En substituant −2 à X , nous obtenons −3 = c. Il y a plusieurs méthodes permettant de calculer b. L’une d’elle
consiste à écrire
2X + 1 1 b c
+ = + ,
( X + 1)2 ( X + 2) ( X + 1)2 X + 1 X + 2
et
2X + 1 1 2X + 1 + X + 2 3
+ = = .
( X + 1)2 ( X + 2) ( X + 1)2 ( X + 1)2 ( X + 2) ( X + 1)( X + 2)
Nous calculons ensuite b comme dans le cas où Q n’a que des racines simples. Nous trouvons b = 3.

5.4. Application à la décomposition en éléments simples dans R( X )


Nous pouvons utiliser la décomposition en éléments simples d’une fraction rationnelle de R( X ) en la voyant comme
une fraction rationnelle de C( X ). L’exemple suivant permet de comprendre la stratégie à suivre.

Exemple 15

1. Décomposons dans C[ X ] le polynôme X 3 + X .


X 4 + 3X 2 + 3
2. Déterminons la partie entière de .
X3 + X
X 4 + 3X 2 + 3
3. Déterminons la décomposition en éléments simples de dans C( X ).
X3 + X
4. À l’aide de la décomposition obtenue dans C( X ), donner la décomposition dans R( X ).
16

Cours Magistral n°20

Pré-requis : Objectifs :
– savoir décomposer dans C( X ) une fraction ration- – décomposer dans R( X ) une fraction rationnelle de
nelle de deux polynômes de C[ X ] deux polynômes de R[ X ]
– savoir calculer les primitives de certaines fractions – savoir calculer les primitives de fractions ration-
rationnelles de type éléments simples nelles réelles

6. Fractions rationnelles réelles et intégration


Pour finir ce cours, nous présentons quelques calculs de décompositions en éléments simples dans R( X ) et nous
utilisons ces décompositions pour calculer la primitive de certaines fractions rationnelles. Sans être aussi précis
que dans le théorème 8, sachez qu’une décomposition en éléments simples dans R( X ) est de la forme

P
= E + F1 + · · · + F p + G 1 + · · · + G q , (4)
Q
avec
a i,1 a i,2 a i,k i

 Fi (X ) =

( X −α i ) + ( X −α i )2 + · · · + ( X −α i )k i , pour les facteurs irréductibles de degré 1 de Q , et
b X +c b j,2 X + c j,2 b j,l X + c j,l j
 G j ( X ) = ( X 2j,−1β X +j,γ1 ) + ( X 2 −β j X +γ j )2
+···+ 2 j l , pour les facteurs irréductibles de degré 2 de Q .
( X −β j X +γ j ) j

j j

6.1. Décomposition dans R( X ) - Cas des racines simples


Nous avons vu dans le cours précédent la possibilité de déduire la décomposition en éléments simples dans R( X )
de la décomposition en éléments simples dans C( X ). Vous pouvez vous entraîner à nouveau pour cette méthode
avec l’exemple suivant.

Exemple 16
3
La décomposition en éléments simples la fraction rationnelle X 3 −1
dans C( X ) est de la forme

3 3 α β β̄
= = + + .
X 3 − 1 ( X − 1)( X − e2iπ/3 )( X − e−2iπ/3 ) X − 1 X − e2iπ/3 X − e−2iπ/3

Le calcul des coefficients α et β se fait de la façon décrite dans le cours précédent et vous trouvez

3 1 e2ıπ/3 e−2iπ/3
= + + .
X 3 − 1 X − 1 X − e2iπ/3 X − e−2iπ/3
e2iπ/3 e−2iπ/3
Pour trouver la factorisation réelle, il suffit de regrouper les termes complexes conjugués X −e2iπ/3
et X −e−2iπ/3
sous le même dénominateur :
e2iπ/3 e−2iπ/3 −X − 2
+ = .
X − e2iπ/3 X − e−2iπ/3 X 2 + X + 1
Finalement,
3 1 X +2
= − 2 .
X3 −1 X −1 X + X +1

Il est aussi possible d’effectuer une décomposition en éléments simples dans R( X ) directement en utilisant la forme
de la décomposition en éléments simples décrite par l’équation 4. Nous reprenons l’exemple précédent pour voir la
nouvelle procédure à suivre dans le cas où les racines complexes du dénominateur sont simples.

Exemple 17

Nous allons décomposer la fraction rationnelle X 33−1 directement dans R( X ). La décomposition réelle est de
la forme
3 3 a bX + c
3
= 2
= + 2 .
X − 1 ( X − 1)( X + X + 1) X − 1 X + X + 1
On obtient a = 1 de la même façon que dans le cours précédent. Puis, en multipliant la décomposition réelle
17

par X et en considérant le calcul de limites en +∞

3x x bx2 + cx x bx2 + cx
µ ¶
lim = lim + = lim + lim ,
x→+∞ x3 − 1 x→+∞ x − 1 x2 + x + 1 x→+∞ x − 1 x→+∞ x2 + x + 1

nous obtenons 0 = 1 + b. En substituant 0 à X dans


3 1 −X + c
= + ,
X3 −1 X −1 X2 + X +1
on en déduit c = −2. Nous retrouvons donc
3 1 X +2
= − 2 .
X3 −1 X −1 X + X +1

6.2. Décomposition directe dans R( X ) - Cas des racines multiples


Lorsque le dénominateur de la fraction rationnelle considérée possède des racines multiples dans C, il est toujours
possible d’utiliser la décomposition en éléments simples dans C( X ) mais il est souvent plus rapide de rechercher
directement la décomposition réelle.

Exemple 18

2
Le dénominateur de la fraction rationnelle F ( X ) = a pour racines complexes 0, de multiplicité 2,
X 2 ( X 2 + 1)2
i de multiplicité 2, et − i de multiplicité 2. La décomposition complexe est donc de la forme

a b c d e f
F(X ) = + + + + + ,
X X 2 X + i ( X + i)2 X − i ( X − i)2

tandis que la décomposition réelle est de la forme

a b αX + β γX + δ
F(X ) = + + + .
X X 2 X 2 + 1 ( X 2 + 1)2

Nous calculons b en multipliant F ( X ) par X 2 , puis après simplification, en substituant 0 à X . Nous trouvons
b = 2. Nous calculons ensuite

2 X 4 + 2X 2 X2 +2 a αX + β γX + δ
F(X ) − 2
= −2 2 2 2
= −2 2 = + 2 + .
X X ( X + 1) ( X + 1)2 X X + 1 ( X 2 + 1)2

Cela permet de trouver a = 0 (c’est un hasard de l’avoir trouvé aussi facilement). Nous remarquons que

X2 +2 −2( X 2 + 1) −2
−2 = + 2 .
( X 2 + 1)2 ( X 2 + 1)2 ( X + 1)2

Nous avons donc trouvé


2 2 2
F(X ) = − − .
X 2 X 2 + 1 ( X 2 + 1)2

6.3. Application au calcul de primitives - Éléments de première espèce


Les fractions rationnelles appelées éléments de première espèce sont les puissances de fractions du type X 1−a . Nous
avons vu le calcul des primitives des fonctions rationnelles associées dans le chapitre 1. Nous les rappelons ici, ce
qui nous permet de calculer quelques primitives de fractions rationnelles.
18

Proposition 9

1. Nous avons
dt
Z
= ln(| t − a|) + C dans ]a, +∞[ ou dans ] − ∞, a[, avec C une constante.
t−a
2. Pour p Ê 2, nous avons

dt 1 1
Z
p
= +C dans ]a, +∞[ ou dans ] − ∞, a[, avec C une constante.
( t − a) (− p + 1) ( t − a) p−1

3. Pour p Ê 2, nous avons

dt 1 1 b b
Z ¸ · ¸ ·
p
= +C dans − , +∞ ou dans −∞, − , avec C une constante.
(at + b) a(− p + 1) (at + b) p−1 a a

Exemple 19

Dans l’exemple 13 du cours précédent, on a vu la décomposition en éléments simples suivante

1 1 1
= − . (5)
( X − 3)( X + 1) 4( X − 3) 4( X + 1)

La proposition 9 nous assure ainsi que


¯ ¯
dt 1 1 1 1 1 1 1 ¯¯ t − 3 ¯¯
Z Z µ ¶ Z Z
= − dt = − = ln(| t−3|)− ln(| t+1|)+C = ln ¯ +C,
( t − 3)( t + 1) 4( t − 3) 4( t + 1) 4( t − 3) 4( t + 1) 4 4 4 t+1¯

où C est une constante.

Exemple 20.

Nous avons aussi obtenue dans l’exemple 14 du cours précédent la décomposition en élément simple suivante

2X + 1 1 3 3
=− + − . (6)
( X + 1)2 ( X + 2) ( X + 1)2 X + 1 X + 2

En appliquant la proposition 9, nous trouvons la primitive

2t + 1 1 3 3 dt dt dt
Z Z µ ¶ Z Z Z
dt = − + − dt = − +3 −3
( t + 1)2 ( t + 2) ( t + 1)2 t + 1 t + 2 ( t + 1)2 t+1 t+2
1
=− + 3 ln(| t + 1|) − 3 ln(| t + 2|) + C,
t+1
où C est une constante.

6.4. Application au calcul de primitives - Éléments de deuxième espèce


αX + β
Les éléments de seconde espèce sont les fractions rationnelles du type . Nous supposons que t2 + bt +
+ c) p
( X 2 + bX
c > 0 pour tout t ∈ R. En effet dans le cas contraire, nous pouvons nous ramener au calcul de primitives d’éléments
de première espèce.

2t + b
Calcul des primitives des éléments de la forme
( t2 + bt + c) p
Nous avons  Z 2t + b 1 1

2 p
dt = + C, si p > 1, et
(− p + 1) ( t + bt + c) p−1
2

Z ( t + bt + c)
2t + b
dt = ln( t2 + bt + c) + C, où C est une constante.


t2 + bt + c
19

1
Calcul des primitives des éléments de la forme
( t2 + bt + c) p
Comme t2 + bt + c > 0 pour tout t ∈ZR, on peut trouver un changement de variable permettant de ramener le calcul
1 1
Z
de dt au calcul de d y. La mise sous forme canonique d’un trinôme du second degré
( t2 + bt + c) p ( y2 + 1) p
2
consiste à ramener ax + bx + c (a 6= 0) à l’une des formes suivantes via un changement de variable :

2
 K ( y − 1)
 si ∆ = b2 − 4ac > 0,
Ky 2
si ∆ = b2 − 4ac = 0,
2
∆ = b2 − 4ac < 0.

K ( y + 1) si

Ces formes canoniques sont obtenues via le calcul suivant :

b2 b2 b 2
¶ µ 2
b c b − 4ac
µ ¶ µµ ¶¶
2 2
ax + bx + c = a x + 2 x + 2 − 2 + = a x+ − .
2a 4a 4a a 2a 4 a2

– Si ∆ = 0, on pose y = x + 2ba et l’on obtient la deuxième forme.


– Si ∆ > 0, on a :
∆ 2ax + b 2
µµ ¶ ¶
2
ax + bx + c = p −1
4a ∆
et on pose y = 2ax
p + b pour obtenir la première forme.

– Si ∆ < 0, alors
−∆ 2ax + b 2
µµ ¶ ¶
ax2 + bx + c = p +1
4a −∆
ax+ b
2p
et on pose y = pour obtenir la troisième forme.
−∆
Après avoir fait ce changement de variable, lorsque x2 + bx + c > 0 sur R, on ramène le calcul de

1 1
Z Z
dx au calcul de d y.
( x2 + bx + c)m ( y2 + 1)m

Pour m = 1, nous avons


1
Z
d y = arctan( y) + C, où C est une constante.
y2 + 1
1 1
Z Z
Pour m > 1, on ramène le calcul de d y au calcul de d y, en effectuant l’intégration par
( y2 + 1)m ( y2 + 1)m−1
parties suivante
¸b
b y2
Z b
dy y
Z ·
= + 2( m − 1) dy
a ( y2 + 1)m−1 ( y2 + 1)m−1 a 2
a ( y + 1)
m
¸b µZ b Z b
y dy dy
· ¶
= + 2( m − 1) − .
( y2 + 1)m−1 a 2
a ( y + 1)
m−1 2
a ( y + 1)
m

b b ¸b Z b
dy dy 1 y 2m − 3 dy
Z Z ·
Ainsi en isolant , nous obtenons d y = + d y.
a ( y + 1)m
2
a
2
( y + 1) m 2
2( m − 1) ( y + 1) m −1 2
a 2( m − 1) a ( y + 1)
m−1

Exemple 21
Z 1 ds s+1
2p 3( t2 +1)
Calculons I = . Posons t = . Le trinôme devient s2 + s + 1 = 4 et l’intégrale est égale à
0 s2 + s + 1 3

p
2
Z 3/ 3 dt 2 ³ p p ´
I=p p = p arctan(3/ 3) − arctan(1/ 3) .
3 1/ 3 t2 + 1 3

Dans la pratique, nous retrouvons le changement de variable comme suit :


Z 1 ds
Z 1 ds
I= = ¶.
1 2
µ³ ´2
+ 34
¡ ¢
0 s+ 2 0 3 s+1
2p
4 +1
3

s+1
2p
C’est la raison pour laquelle on introduit le changement de variable t = .
3
20

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