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13/10/2023 12:35 Les représentations sociales du corps « gros »

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Anthropologie & Santé


Revue internationale francophone d'anthropologie de la santé

14 | 2017
Varia

Les représentations sociales du


corps « gros »
Un enjeu conflictuel entre soignants et soignés
The social representations of “fat” body: a conflictual issue between caregivers and patients

Solenne Carof
https://doi.org/10.4000/anthropologiesante.2396

Résumés
Français English
Cet article décrit les représentations sociales du surpoids et de l’obésité de soignants (médecins,
diététiciens et psychologues) et de soignés (personnes catégorisées médicalement en surpoids ou
obèses). L’analyse des termes employés, des croyances morales et des normes sociales et
esthétiques, que révèlent les entretiens, permet de comprendre la définition, par les soignés, de
nombreuses situations comme « stigmatisantes » ou « discriminantes ». Les praticiens
explicitent, quant à eux, la complexité du traitement du surpoids et de l’obésité, leurs
insatisfactions professionnelles et les rôles qu’ils attendent de leurs patients. L’analyse des
représentations sociales permet ainsi de mettre en lumière le décalage des croyances et des
attentes mutuelles et ses conséquences négatives sur la prise en charge des personnes de forte
corpulence. Elle permet également de montrer, au sein de chacun des groupes étudiés, la
diversité des positionnements professionnels ou des vécus quotidiens et leurs effets possibles sur
l’interaction soignants soignés.

This article describes the social representations of “overweight” and “obesity” of practitioners
(doctors, dietitians, psychologists) and patients (people medically categorized “overweight” or
“obese”). The analysis of the terms they use, of their moral beliefs, and of their social and
aesthetic norms helps to explain why people define many situations as “stigmatizing” or
“discriminating”. The medical, dietetic, and psychological professionals describe the complexity
of weight management, their professional dissatisfactions, and what they expect from their
patients. Analyzing social representations sheds light on the gap between beliefs and mutual
expectations and how these impact the management of overweight and obese patients. This
analysis is also a way to illustrate the diversity of each studied group, in terms of professional
background or daily-life experiences, and their consequences on medical interactions.

Entrées d’index
Mots-clés : représentations sociales, stigmatisations, médecins, patients, obésité
https://journals.openedition.org/anthropologiesante/2396#article-2396 1/19
13/10/2023 12:35 Les représentations sociales du corps « gros »
Keywords: social representations, stigmatization, medical professionals, patients, obesity

Texte intégral

Introduction
1 De nombreux travaux ont montré l’influence des caractéristiques sociales des
patients et des médecins sur le déroulement des consultations médicales (Bury, 1991 ;
Baszanger, 1986 ; Herzlich & Pierret, 1991 ; Fainzang, 2006). Mais encore trop peu
analysent explicitement le poids comme une dimension centrale des relations
soignants-soignés, qu’il soit l’objet de la consultation, sous-tendu dans les remarques ou
simplement présent par sa visibilité et son volume. Pourtant l’enjeu du poids semble
essentiel dans la mesure où il concerne une part non négligeable de la population : en
France, en 2012, 24,6 % des femmes et 36,1 % des hommes étaient médicalement
catégorisés en surpoids et 14,6 % des femmes et 14,5 % des hommes étaient définis,
selon l’Indice de masse corporelle (IMC), comme obèses (OECD, 2015)1. Pour
comprendre la place prise par cette problématique dans l’espace médical, plusieurs
études se sont intéressées aux représentations sociales du surpoids et de l’obésité, aux
croyances morales et aux causes supposées du poids, mais également aux solutions
proposées par les praticiens et les patients concernés (Lang et al., 2008 ; Guérin et al.,
2008). Ces études montrent que si les représentations des fortes corpulences sont
majoritairement péjoratives en France, les acteurs médicaux et non-médicaux ne se
réfèrent pas exactement aux mêmes définitions lorsqu’ils parlent de surpoids et
d’obésité. Lorsque les termes employés, le sens qu’ils sous-tendent et les objectifs qu’ils
promeuvent diffèrent, le malaise, l’agressivité ou l’évitement peuvent résulter de cette
incompréhension mutuelle.
2 Les représentations péjoratives se dévoilent dans des actes de stigmatisations
(Goffman, 1975) par des moqueries, des remarques négatives, des insultes ou par des
gestes d’évitement, de peur ou des regards critiques. Les discriminations se
manifestent, quant à elles, directement par des refus de soin, ou indirectement par
l’utilisation d’objets inadaptés à la corpulence des patients. De nombreux travaux ont
analysé l’importance de ces situations de stigmatisation et de discrimination dans le
champ médical et paramédical (McArthur & Ross, 1997 ; Puhl & Brownell, 2001 ;
Bocquier et al., 2005 ; Poon & Tarrant, 2009 ; Puhl & Heuer, 2010). Ces actes et
remarques dépendent des spécialités des soignants (Kristeller & Hoerr, 1997), mais
également des caractéristiques des patients. Les plus corpulents (Hebl & Xu, 2001) et
les plus défavorisés (Starfield et al., 1981) seraient ainsi les plus stigmatisés, ce qui est
renforcé par le fait qu’il existe une corrélation inverse entre l’obésité et le niveau
d’éducation ou la position sociale chez les femmes dans les pays développés (Ball &
Crawford, 2005), l’effet étant moins net chez les hommes (Sobal & Stunkard, 1989). Ces
situations sont à rapprocher des stigmatisations et discriminations liées à l’apparence
physique de manière plus générale (Amadieu, 2002 ; Herpin, 2006) ou à celles qui sont
liées à la corpulence dans le champ professionnel et dans la sphère sociale (Fischler,
1990 ; Saint Pol, 2008 ; Poulain, 2009 ; Carof, 2015a).
3 Pour saisir la force de ces situations de stigmatisation et de discrimination et
comprendre ce qu’elles révèlent des désaccords sur les termes employés et leurs
significations, ainsi que sur les rôles attendus des patients et des soignants, nous avons
réalisé soixante et onze entretiens semi-directifs. Pour rencontrer nos enquêtés et
diversifier leurs caractéristiques sociales, nous avons choisi de travailler principalement
sur deux espaces urbains — Bordeaux et Paris, ainsi que leurs banlieues respectives —,
bien qu’aucune différence fondamentale entre ces deux régions n’ait pu être dégagée.
Des annonces ont été déposées dans des cabinets médicaux et diététiques, sur des
forums “féminins” ou “médicaux” (Doctissimo, Auféminin.com, etc.), sur des forums

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d’associations de défense des personnes en surcharge pondérale (Allegro Fortissimo,


PulpeClub, etc.) ou ont été transmises par effet boule de neige (de proches ou
d’enquêtés vers d’autres enquêtés potentiels). Certaines annonces expliquaient
rechercher “des femmes et des hommes en surpoids”, quelques-unes “des femmes et
des hommes ayant des problèmes de poids”, certaines “des femmes portant des tailles
de vêtements au-dessus du 48”, et d’autres enfin mentionnaient uniquement la
réalisation d’une enquête sur “l’alimentation, le poids et la santé”. Les entretiens semi-
directifs étaient réalisés dans un contexte compréhensif, le plus souvent possible au
domicile des enquêtés ou dans des espaces dans lesquels ils se sentaient à l’aise. Nous
parlions alors de leurs pratiques corporelles (alimentaires, esthétiques,
comportementales, vestimentaires), de leurs relations sociales, médicales et
amoureuses, de leur état de santé, de leurs définitions du surpoids et de l’obésité ainsi
que de leurs attentes. Dans ce cadre, le fait d’être une femme a facilité les contacts avec
les autres femmes, mais également avec les hommes rencontrés : avouer sa difficulté à
séduire ou son désir de maigrir n’étant pas des discours évidents à entendre entre
hommes, du fait des normes de virilité actuelles. Nous avons ainsi interrogé quarante-
cinq femmes et dix hommes, catégorisés médicalement « en surpoids » ou « obèses »,
d’âges, de milieux socio-économiques et d’origines culturelles diversifiés.
4 De leur côté, les seize soignants rencontrés, par l’envoi de courriers et par effet boule
de neige, n’étaient pas toujours spécialistes de la surcharge pondérale, certains étant
simplement confrontés à cette patientèle, du fait de leur installation géographique par
exemple. Cinq diététiciens (dont une a reçu une formation de psychologue), trois
généralistes (dont un pédiatre de formation et une qui est également homéopathe),
quatre médecins nutritionnistes (dont trois sont généralistes de formation et un
endocrinologue), deux endocrinologues et deux psychologues spécialistes de l’obésité
ont été interrogés2. En tout, neuf femmes et sept hommes, d’âges, de corpulence et de
parcours professionnels divers, résidant en Île-de-France ou en Gironde. Le terme de
“soignant” utilisé dans cet article concerne ainsi les enquêtés qui sont reconnus comme
des professionnels en médecine, diététique ou psychologie. Les entretiens portaient sur
leur utilisation des catégories pondérales, leurs représentations des fortes corpulences,
de leurs causes et de leurs solutions potentielles, ainsi que sur leurs relations avec ces
patients. Quelques soignants sont également en surpoids et l’une d’entre eux est
catégorisée comme obèse. Ceux-là ont donc un vécu particulier du fait de leur
corpulence qui peut influencer leurs pratiques médicales ou diététiques, bien que la
majorité d’entre eux n’aient pas évoqué cette dimension.
5 De leur côté, le groupe des “patients” enquêtés n’a pas été choisi en fonction de leurs
caractéristiques professionnelles, mais pondérales. Quelques enquêtés de ce groupe ont
néanmoins des connaissances avancées sur le poids, l’alimentation ou les problèmes de
santé associés aux fortes corpulences. Plusieurs enquêtées sont ainsi aides-soignantes
ou infirmières et l’une d’entre elles est gynécologue. Elles ont pu évoquer la difficulté
d’avoir une corpulence jugée trop élevée dans le champ professionnel médical. Les
entretiens, cependant, portaient principalement sur la dimension personnelle de leur
poids (expériences quotidiennes, définitions subjectives, ressentis) et non pas sur leur
pratique professionnelle. C’est leur rôle social en tant que patient qui nous intéressait
dans ce cadre.
6 Étudier les catégories employées, ainsi que les significations et les croyances morales
et sociales qu’elles dévoilent, permet de mettre en parallèle soignés et soignants, sans
supposer a priori que toute situation de stigmatisation vécue par les premiers est
également définie comme telle par les seconds. Après avoir décrit les termes utilisés,
nous étudierons l’impact de l’étiologie supposée de la corpulence sur les solutions et les
rôles attendus, en montrant le décalage permanent entre une partie des soignants,
tenant d’une approche quantitative, médicale et adéquate aux catégorisations médicales
et une partie des patients, plus prompts à rejeter la responsabilité personnelle de leur
corpulence et par conséquent à souhaiter des solutions moins individuelles. Dans ce
cadre, la définition de ce qu’est un “bon” patient, pour les soignants, s’oppose parfois
avec les attentes des soignés, qui évoquent également leurs griefs vis-à-vis de leurs
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praticiens. Nous verrons ensuite les conséquences de ce manque d’accord entre soignés
et soignants, en termes d’insatisfactions professionnelles et de stigmatisations
médicales ou encore en termes de mauvaise prise en charge du surpoids et de l’obésité.

Ce que signifie le corps « gros »

Représentations et moralisation des fortes


corpulences
7 Les représentations sociales sont des « phénomènes cognitifs [qui] engagent
l’appartenance sociale des individus par l’intériorisation de pratiques et d’expériences,
de modèles de conduites et de pensées » (Jodelet, 1991 : 36). Elles permettent d’établir
des « réseaux de significations » pour sélectionner les informations utiles pour guider
l’action (Moscovici, 1961). Ce concept a cependant fait l’objet de nombreuses critiques
en anthropologie et dans les cultural studies au tournant des années 1980 (Geertz,
1980 ; Marcus & Fischer, 1996). De nombreux auteurs ont rappelé la difficulté de
récolter (et d’écrire) une représentation « objective » de la réalité sociale et l’influence
des contextes d’interaction et d’entretiens sur les réflexions et propos des enquêtés.
Dans cet article, ce concept n’est cependant pas pris comme la copie objective d’une
réalité unique, mais comme la manifestation d’un savoir de sens commun, qui est le
résultat d’un socle de connaissances cohérentes acquises par socialisation et d’un
ensemble plus fluide d’éléments associés acquis grâce aux expériences incorporées dans
divers contextes sociaux. Ce savoir de sens commun est également le résultat d’une
reconstruction critique et réflexive par les enquêtés au moment de l’entretien. Malgré la
diversité des individus rencontrés, la récurrence des stéréotypes recueillis témoigne de
significations sociales partagées, même si ces représentations ne sont pas exemptes
d’imprécisions ou de charges affectives et morales. Elles sont également dynamiques,
entre persistance d’éléments de représentations anciennes (comme la monstruosité du
corps gros) et influence de plus en plus forte du monde médical sur la définition de
l’obésité. Malgré ces limites, ce concept a ainsi été utilisé de manière très fructueuse
pour l’étude de la santé et de la maladie (Herzlich & Pierret, 1991).
8 Les représentations du surpoids et de l’obésité en Occident sont profondément liées à
la moralisation du corps. Depuis les discours platoniciens jusqu’aux représentations des
contes de fées ou des héros modernes, les normes de beauté d’une époque sont
associées à la vertu, la morale, l’intelligence, la performance ou la capacité à se
maîtriser. Dans la lignée de la physiognomonie du XIXe siècle, certains traits du visage
ou du corps, ou plus généralement la laideur et la monstruosité, sont censés dévoiler
des caractéristiques négatives comme la violence, la bêtise, la paresse ou l’immoralité.
Georges Bataille rappelait ainsi que la société est construite sur le fait d’exclure « les
choses abjectes » (1974) ou du moins considérées comme telles. C’est le cas
actuellement des fortes corpulences (Fischler, 1990), alors qu’à certaines époques
historiques, un léger embonpoint (jamais une très forte obésité) a pu être valorisé
(Vigarello, 2010). Le surpoids a pu l’être également dans certaines cultures non-
occidentales (Powdermaker, 1960). La dévalorisation actuelle des fortes corpulences est
étroitement liée à l’évolution des normes de beauté et des conceptions du corps dans les
classes dominantes. Comme le soulignait Pierre Bourdieu :

« Il est à peine besoin de rappeler en effet que le corps dans ce qu’il a de plus
naturel en apparence, c’est-à-dire dans les dimensions de sa conformation visible
(volume, taille, poids, etc.), est un produit social (...) » (1977 : 51).

9 Le dégoût que provoque la surcharge pondérale, en particulier lorsqu’elle est très


forte, a ainsi été décrit dans le discours de certains soignants par l’évocation de la chair
molle, de la graisse apparente et des odeurs supposées plus fortes chez les personnes

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dont l’obésité est très importante. Ces propos révèlent la force des idéaux actuels, qui
mettent en valeur les corps minces et jeunes et les chairs fermes et bien maintenues.
10 De nombreuses études scientifiques ont ainsi montré que le corps médical et
paramédical partage, dans de nombreux pays, des représentations sociales péjoratives
du surpoids et de l’obésité (Maddox & Liederman, 1969 ; Price, 1987 ; Teachman &
Brownell, 2001 ; Hebl & Xu, 2001 ; Harvey, 2001 ; Epstein & Ogden, 2005). Ces biais
implicites péjoratifs envers l’obésité seraient cependant moins fréquents chez les
médecins hommes, chez les plus âgés, les plus corpulents et chez ceux qui auraient des
amis obèses (Schwartz et al., 2003). Ces représentations ont en outre évolué et, si elles
étaient très prégnantes autrefois, elles sont aujourd’hui moins partagées qu’il y a une
trentaine d’années par le corps médical et paramédical, même si une étude de 2005 a
pu montrer qu’elles concernaient encore 30 % des généralistes, des internes et des
cardiologues (moins pour les endocrinologues) (Bocquier et al., 2005). Dans cette
enquête, les remarques réellement « obésophobes » se sont révélées peu fréquentes,
bien que de nombreux propos sous-tendent des représentations sociales implicites très
péjoratives des fortes corpulences.

Entre autodéfinition et catégorisation par autrui


11 Les enquêtés les moins corpulents ont une conception de l’obésité relativement
proche des soignants, en particulier lorsque ce sont des femmes et des personnes ayant
un niveau d’étude ou une profession qui les rendent plus sensibles aux messages de
santé publique. De leur côté, les plus corpulents font commencer l’obésité à des poids
bien plus élevés que l’IMC de 30 kg/m², rejetant cette catégorie médicale vers des
corpulences éloignées de leur poids. L’obésité est alors associée à un « handicap », une
« situation de souffrance » ou une « maladie ». Or, la majorité des personnes
rencontrées étiquetées comme obèses ne se perçoivent pas elles-mêmes comme
malades, en particulier lorsqu’elles n’ont aucune pathologie associée (comme le diabète
ou l’hypertension). Mêmes lorsqu’ils connaissent l’IMC, une grande partie des enquêtés
concernés hésitent ainsi à se dire « obèses ». En raison des représentations péjoratives
associées, utiliser ce terme revient pour eux à être assimilés à d’autres individus jugés
socialement fainéants, passifs, laids et malades.
12 Le terme de surpoids reste, de son côté, assez flou, la catégorie profane de surpoids
ne correspondant pas à la catégorie médicale. Une étude australienne (Crawford &
Campbell, 1999) a ainsi montré qu’un grand nombre d’hommes en surpoids ne se
considéraient pas comme tel (et qu’ils situaient ce dernier à un IMC de 26 ou de 27
kg/m² au lieu de 25 kg/m²) alors que dans le même temps un grand nombre de femmes
dans la catégorie normo-pondérée de l’IMC se définissaient en surpoids (et plaçaient
celui-ci à 23,7 kg/m²). En plus du genre, avoir un plus haut niveau d’éducation, de
revenu et d’âge avait un effet sur la probabilité de se placer dans des catégories plus
élevées que celles de son IMC réel.
13 De leur côté, la majorité des soignants rencontrés rejettent la possibilité qu’une
personne obèse puisse être en bonne santé. Brigitte (entre 55 et 65 ans, médecin
endocrinologue-diabétologue en libéral et à l’hôpital) explique :

« Alors l’obésité, y a des termes… C’est l’IMC supérieur à 30, puis supérieur à 40
ça s’appelle ’l’obésité morbide’ etc. Bon c’est quand même… L’obésité c’est le lit
du diabète, de l’hypercholestérolémie, de la… C’est une pathologie, enfin c’est un
symptôme, enfin je ne sais pas… Est-ce que c’est un symptôme ? Non, ce n’est
pas un symptôme, c’est une maladie et puis ça mène à des tas d’autres
maladies ».

14 Dans une étude récente portant sur les médecins généralistes, 90 % d’entre eux
affirmaient que « l’obésité est une maladie » (Bocquier et al., 2005). Cette attention au
lien entre la forme du corps et sa santé rejoint l’idée que formulait Georges Canguilhem
pour qui le rôle de la médecine était la « normalisation physiologique » (1966).

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Plusieurs soignants critiquent cependant l’IMC, certains parce qu’ils n’en voient pas
l’utilité et d’autres parce qu’ils connaissent les controverses portant sur son calcul, sur
les seuils utilisés ou sur le danger du surpoids (Flegal et al., 2013). À l’inverse, quelques
soignants, en particulier les endocrinologues et diététiciens, défendent cet indicateur
chiffré pour objectiver une maladie et lui donner forme, alors que la complexité de cette
problématique tend à rendre leur travail difficile et leur légitimité professionnelle plus
fragile. Certains patients se servent de leur bon état de santé (absence de cholestérol, de
diabète, etc.), d’autres des études remettant en cause la dangerosité du surpoids et de
l’obésité modérée qu’ils connaissent, ou encore du manque de solutions efficaces qu’ils
ont constaté pour eux-mêmes, pour mettre en doute la validité des recommandations
ou des prescriptions de leurs praticiens.
15 Si l’obésité est majoritairement associée à la maladie dans le discours médical, la
catégorie de surpoids est plus ambivalente pour les soignants rencontrés et le terme de
« malade » n’est jamais employé à l’égard des personnes concernées. Dans cette
catégorie, c’est moins l’IMC qui est utilisé comme donnée chiffrée que la masse grasse
et la masse musculaire pour les praticiens qui possèdent un impédancemètre3 ou encore
la mesure du tour de taille. Cette catégorie ambivalente est en outre plus souvent
médicalisée par les endocrinologues, les nutritionnistes ou les diététiciens rencontrés et
moins par les généralistes et les psychologues. Roger (50 ans, médecin généraliste), lui-
même en surpoids, me dit ainsi ne pas trop « embêter » ses patients en surpoids : « On
en revient à ce que je te disais sur l’espèce de “tolérance” entre guillemets du médecin
généraliste de famille ». La corpulence de ce soignant a ainsi un effet sur la manière
dont il appréhende le vécu de ses patients et se met à leur place. La psychologue
Marlène Schwartz et ses collègues (2003) ont montré que les professionnels de santé
corpulents ont moins de biais implicites négatifs envers le surpoids et l’obésité. Cette
attitude compréhensive de Roger est également renforcée par le fait que son cabinet
médical se situe dans un quartier populaire de Bordeaux et qu’il se voit donc confronté
à des problématiques socio-économiques qui ont un effet sur le corps de ses patients et
contre lequel il ne peut rien faire. Cette attitude est enfin accentuée par le fait qu’il est
généraliste. Cette plus grande tolérance des généralistes envers les écarts à la norme
médicale se retrouve dans d’autres enquêtes sociologiques, sur les maladies
cardiovasculaires notamment (Sarradon-Eck, 2007).

L’annonce du poids
16 Lorsque soignés et soignants ne partagent pas les mêmes définitions du poids,
l’annonce de l’obésité est un moment particulièrement révélateur : simple constat
chiffré grâce à l’IMC pour certains soignants, et situations de stigmatisation pour
quelques enquêtés. Jonathan (46 ans, tfs4, informaticien) raconte :

« En allant voir le premier nutritionniste, on a fait un bilan avec des chiffres qui…
Voilà il applique ça sur une courbe et j’étais quand même largement au-dessus.
En plus là il a été un petit peu fort parce qu’à la première visite, il m’a dit : ‘Là, bon
vous êtes sur une obésité morbide, je vous explique, ça veut dire que vous
pouvez mourir du jour au lendemain’… Première phrase à quelque chose près,
c’était dans les cinq premières minutes. [Et qu’est-ce que ça vous a fait ?] Ah bah
ça met une gifle quand même… ».

17 La violence des mots est renforcée par le fait que ce praticien lui propose également
de perdre cinquante kilos. Jonathan décide alors de changer de médecin.
18 Les enquêtés sont surpris de découvrir qu’un terme qu’ils associaient à la maladie, la
laideur ou l’incapacité de se mouvoir ne concerne pas uniquement les corpulences de
150 kilos ou plus, mais également leur propre poids ; la catégorie médicale d’obésité (à
partir de l’IMC de 30 kg/m²) commençant ainsi pour des corpulences inférieures à
celles de la catégorie d’obésité des enquêtés concernés. Alors que nous faisons
l’entretien chez elle, une enquêtée Ludivine (43 ans, tfs, institutrice) évoque la violence
de cette catégorisation et de ce qu’elle sous-tend :
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« Quand je suis passée dans la catégorie obésité, qui est un truc récent, ces
histoires d’obésité avant ça n’existaient pas, avant les gens obèses, c’étaient les
gens… Les gens comme Carlos, ils n’étaient pas dits obèses, ils étaient dits gros.
Les gens obèses, c’étaient les gens qui étaient dans l’extrême. Et le jour où j’ai
découvert avec les machines que j’étais dans l’obésité, ça a été un choc ! !
Terrible ! ! J’ai pris au moins dix kilos ! [C’est vous-même qui l’avez découvert ?]
Ah oui quand j’ai découvert ça, le fait d’être dans la zone d’obésité, ça a été une,
une… ça a été terrible, terrible, terrible ! Ah oui, oui, non, mais je suis… Je pense
que ça a un effet… Pour moi l’obésité c’était ce truc terrorisant dans lequel il ne
fallait surtout pas… et une fois que j’y étais, ce n’était plus possible, plus vivable,
plus… Tu vois, enfin c’était terrorisant… terrorisant… terrorisant…. ».

19 Si Ludivine endosse ce diagnostic avec terreur, plusieurs enquêtés ont refusé de


reconnaître la légitimité des catégories médicales et se définissent plutôt comme
« enveloppées », « forts », « costauds », « rondes » ou encore « bien en chair ». Ainsi
que d’autres études ont pu le montrer (Jutel, 2009), les enquêtés ne restent pas passifs
face aux diagnostics médicaux, mais cherchent à imposer leurs propres définitions
corporelles en plus ou à la place des catégories médicales.
20 Bien que la grande majorité des praticiens rencontrés aient une représentation du
surpoids et de l’obésité proche de l’IMC, ils savent cependant que les termes d’
« obésité » et d’ « obésité morbide » peuvent être un « traumatisme » pour leurs
patients. Dans ce cadre, certains s’abstiennent de les mentionner, utilisent des
circonvolutions pour en atténuer la portée normative ou ne les évoquent que pour
saluer le passage dans la catégorie de surpoids. D’autres choisissent au contraire
d’utiliser la force de ces mots pour lancer une prise de conscience chez leurs patients et
les pousser à perdre du poids. C’est le cas de Tiffaine (28 ans, diététicienne libérale) :

« Moi j’ai eu des jeunes femmes qui se sont mises à pleurer quand je leur ai dit :
‘Vous êtes considérées en obésité’. Mais c’est une prise de conscience aussi ! Si
elles sont là, ce n’est pas pour rien, c’est pour perdre du poids, donc… Il faut
qu’elles sachent… ».

21 Une situation que ses patientes pourraient qualifier de stigmatisante devient pour
Tiffaine un ressort pour son action thérapeutique. Définir une situation de
stigmatisante ou discriminante dépend ainsi de la manière dont les termes sont définis
et du décalage possible entre soignés et soignants, ce qui peut conduire à des situations
d’incompréhensions et de désaccords, accentuées par des perceptions différentes des
facteurs étiologiques de la corpulence.

Un désaccord fréquent

Des attributions de causalités différentes


22 Le directeur de la rédaction de l’Express, Christophe Barbier, a déclaré dans
l’éditorial de l’Express du 20 janvier 2010 que « le manque de volonté » expliquerait
l’obésité. Cette croyance se retrouve dans le discours de certains enquêtés, soignants
comme soignés. Mathieu (63 ans, tfs, ingénieur à la retraite) raconte : « On [les
médecins] me dit souvent : ‘Vous ne voulez pas parce que vous avez… Si vous aviez
vraiment la volonté de le faire, vous le feriez’ ». Cette association entre forte corpulence
et manque de volonté est également liée à l’idée, très courante, qu’il suffirait de ne plus
manger pour maigrir, idée qui est sous-tendue dans la remarque fréquemment faite par
les praticiens qu’ « Il n’y avait pas d’obèses dans les camps de concentration »5. S’il est
vrai que les facteurs génétiques seuls ne suffisent pas à expliquer l’augmentation de la
prévalence du surpoids et de l’obésité, ce discours est jugé stigmatisant par les
personnes obèses rencontrées (dans les camps de concentration, il y avait surtout des
personnes en train de mourir, que l’on pourrait difficilement prendre comme modèle de
bonne santé). Ce discours nie également la complexité des processus physiologiques,
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psychologiques et sociaux qui empêchent de manger ce que l’on veut, quelle que soit la
motivation mise en œuvre.
23 Cette association entre volonté et corpulence explique pourquoi les personnes en
surpoids et obèses sont fréquemment jugées responsables de leur poids. En termes
d’étiologie, une étude anglaise (Ogden et al., 2001), effectuée sur 89 généralistes et
599 patients, a ainsi montré que ces derniers attribuaient plus souvent la cause de leur
poids à un problème non contrôlable comme les hormones, le métabolisme ou le stress
alors que les généralistes l’attribuaient plus souvent à une suralimentation, donc à un
élément contrôlable par les patients. Dans cette enquête, une opposition s’est dessinée
dans le groupe de soignants. D’un côté, les endocrinologues, les médecins
nutritionnistes et les diététiciens, tenants d’une pratique plus quantitative, définissent
la surcharge pondérale plus fréquemment par des causes dépendantes des patients.
Kevin (65 ans, médecin nutritionniste en libéral) explique sa conception des causalités
du poids :

« On va dire que dans 90 % des cas, les gens se nourrissent mal, ils mangent
trop gras, trop salé, trop sucré et ils grignotent souvent ! Dans 10 % des cas, il y a
une cause endocrinienne, ça peut être un dysfonctionnement de la thyroïde, ça
peut être un dysfonctionnement des surrénales, ça peut être un
dysfonctionnement hypophysaire, il y a des tas de maladies qui peuvent
éventuellement… Il y a aussi des gens qui ont pris des médicaments, comme la
cortisone… ».

24 D’un autre côté, les généralistes et les psychologues mentionnent plus souvent
l’environnement extérieur ou les causes internes indépendantes de la volonté des
patients. Au sein du groupe de soignants, les différences de causalités révèlent ainsi
l’hétérogénéité des formations reçues et des représentations du poids qui leur sont
associées. L’étiologie supposée dépend également de la corpulence des patients, les
causes médicales (dysfonctionnement physiologique, cause génétique) étant plus
fréquemment citées pour les personnes obèses que pour celles en surpoids, souvent
accusées de « gourmandise ». Des différences de genre ont aussi pu être notées, les
femmes étant dites plus fréquemment dépressives ou psychologiquement fragiles que
les hommes.
25 De leur côté, tous les enquêtés concernés ont attribué des déterminants à la fois
individuels et collectifs à leur poids. L’environnement social, les histoires de vie, les
grossesses, le stress, les prédispositions et le coût d’une alimentation équilibrée sont
souvent cités. Claudine Herzlich et Janine Pierret (1991) notaient déjà cet
enchevêtrement de causalités possibles pour les patients, ces derniers mélangeant
parfois causes et conséquences, déterminants et symptômes. François Laplantine
(1986) montrait également que les étiologies endogène et exogène ne s’opposaient pas
systématiquement dans le discours des individus. Cette complexité des causalités
permet ainsi aux enquêtés de modérer la responsabilité individuelle que la société leur
attribue vis-à-vis de leur corpulence. Aude (50 ans, fs, propriétaire d’une TPE de
machines-outils avec son mari) nous envoie un mail quelques jours après notre
entretien pour expliquer :

« Il me semble que beaucoup de professionnels de la santé ignorent des choses


basiques sur le poids. L’aspect psychologique du problème est LE facteur
essentiel à traiter, et leurs attitudes et commentaires culpabilisants (pour ne pas
dire stupides) n’aident en rien leurs patients et sont même totalement contre-
productifs ».

26 En défendant des causes internes, mais non dépendantes d’elle-même, cette femme
refuse d’endosser la responsabilité de son poids. Cette étiologie la conduit également à
promouvoir des solutions externes, contrairement à ce qu’elle se voit proposer
généralement.

Des solutions en débats


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27 Les solutions proposées par les soignants dépendent des causalités attribuées − et
peuvent différer selon leurs spécialités −, mais également de la complexité des
mécanismes pondéraux. Les médecins soignants rencontrés se plaignent ainsi du
manque de médicaments, nombre d’entre eux ayant été retirés des marchés français ou
européens. La chirurgie bariatrique6, en plein développement depuis une dizaine
d’années, est également critiquée par presque tous les soignants rencontrés. Elle est
jugée mal-adaptée pour certains patients (ayant par exemple des troubles du
comportement alimentaire) et parfois inefficace ou dangereuse. En outre, elle ne peut
concerner que des patients particulièrement corpulents ou malades, ces derniers étant
plus souvent pris en charge dans les hôpitaux quand les praticiens interrogés, étant en
libéral, reçoivent moins de patients en très forte obésité. Elle n’est donc pas jugée
pertinente par ces soignants.
28 De manière plus courante, les solutions proposées sont l’activité physique et la
modification du comportement alimentaire. Selon les études, entre 50 % et 98 % des
médecins proposent un régime amaigrissant (Foster et al., 1997 ; Bocquier et al., 2005).
Or, de nombreuses études mettent en doute l’efficacité de cette solution (Mann et al.,
2007) et certains scientifiques suggèrent même qu’il pourrait y avoir plus de risque à
promouvoir la restriction cognitive7 et l’enchaînement des cycles de perte de poids et de
reprise qui généralement l’accompagnent (Diaz et al., 2005), qu’à maintenir un poids
élevé, mais stable. Quelques psychologues ou généralistes rencontrés, conscients de ces
difficultés, cherchent à promouvoir des modifications du comportement alimentaire
sans aucun régime. Mais ces réapprentissages alimentaires n’empêchent pas les
généralistes enquêtés d’éprouver le sentiment d’avoir été très peu formés à la nutrition
durant leurs études. Ils pallient ce manque par des « conseils généraux » et des
« recommandations de bon sens », qui les laissent insatisfaits et sont parfois remis en
cause par des patients ayant des habitudes alimentaires peu compatibles avec ces
prescriptions. Roger, 50 ans, généraliste qui a suivi des formations sur la prise en
charge de l’obésité, a ainsi manifesté sa déception de découvrir qu’il n’y avait pas de
solution « miracle », mais que chacun « faisait ce qu’il pouvait ».
29 Lorsqu’il existe des différences d’étiologies au sujet du poids entre soignés et
soignants, des désaccords se révèlent alors au sujet des solutions possibles. Si ces
désaccords sont moins fréquents avec les diététiciens (les patients les consultant avec
un objectif bien précis de perte de poids) ou avec les psychologues (qui promeuvent peu
de régimes), ils peuvent se révéler fréquents avec les endocrinologues, les médecins
nutritionnistes ou les généralistes. Face à ces médecins, les patients espèrent des
solutions plus médicales et moins dépendantes de leur responsabilité, alors que les
régimes et l’activité physique sont les traitements les plus recommandés.
30 Pourtant, l’accord entre patients et soignants a souvent été décrit comme essentiel
pour une prise en charge efficace des patients et une meilleure « compliance » de ces
derniers (Pendleton et al., 1984 ; Tuckett et al., 1985). La mise en autonomie et
l’éducation du patient, auxquelles plusieurs études se sont intéressées (Sandrin-
Berthon, 2000 ; Génolini et al., 2011), révèlent ainsi leur ambivalence dans une
problématique que les individus n’estiment pas toujours de leur responsabilité. Cette
incompréhension mutuelle est en outre amplifiée par le fait que l’obésité ne conduit pas
systématiquement à des problèmes de santé, ce qui tend à renforcer le sentiment d’être
stigmatisé par les enquêtés concernés, qui ne se définissent pas comme « malades », et
le sentiment d’impuissance des soignants rencontrés. Charles (61 ans, tfs, responsable
d’équipe dans l’industrie à la retraite) raconte :

« En fait, récemment j’ai été voir la toubib parce que j’ai été mal foutu et elle en a
profité...parce qu’en six ans, j’ai été la voir deux fois... Donc elle m’a dit : ‘Pendant
que je vous tiens, je vous fais des examens de sang’. Et quand je suis allée la
revoir, elle se marrait devant son ordinateur. Je lui dis : ‘Qu’est-ce qu’il y a ?’ Elle
m’a dit : ‘Ce n’est pas normal’. Alors je dis : ‘Quoi ?’ ‘Que ça soit normal’. En fait je
n’ai pas de problèmes, je n’ai pas cholestérol, je n’ai rien d’anormal ».

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31 Plusieurs études ont montré que l’absence de solutions efficaces et la complexité de
cette problématique pondérale conduisent certains praticiens à moins s’occuper de
leurs patients en surcharge pondérale (Kreuter et al., 1997 ; Thuan & Avignon, 2005).

Des attentes différentes


32 Les enquêtés catégorisés en surpoids ou obèses définissent certaines situations
comme stigmatisantes en fonction de la manière dont ils perçoivent leur corpulence,
mais également en fonction des attentes qu’ils ont de leurs soignants. Le témoignage de
Capucine (47 ans, tfs, ingénieure formatrice dans une école d’ingénieurs) est un
exemple édifiant du décalage entre les attentes et les définitions de la situation par un
gynécologue et sa patiente :

« Moi la première fois où j’étais enceinte, j’ai eu pas mal de reproches de


l’échographiste parce qu’il ne voyait rien…Bon oui je suis comme je suis quoi…
Donc je me suis presque fait engueuler parce qu’il ne voyait rien et puis après en
discutant j’ai appris qu’il y avait des femmes qui étaient très très minces, où
l’échographiste ne voyait rien non plus, donc voilà… ».

33 Alors que son médecin définit la manipulation médicale comme compliquée du fait
de sa corpulence, Capucine estime qu’il n’a pas eu raison de lui faire des reproches,
étant donné que ce problème de visualisation est possible également avec des femmes
« très très minces ». Comme Capucine, de nombreux enquêtés ont décrit certains actes
comme stigmatisants et certaines remarques de soignants comme peu empathiques,
maladroites ou violentes.
34 De leur côté, plusieurs médecins enquêtés trouvent les personnes fortes plus difficiles
à manier physiquement (lorsqu’il faut aider le patient à se soulever), certaines
opérations leur paraissant également moins évidentes (comme palper un organe sous
un amas de cellules adipeuses). Quelques-uns estiment en outre que les personnes
concernées sont « fainéantes » et qu’elles pourraient perdre du poids « si elles le
voulaient ». Le ressenti des difficultés face aux patients en surcharge pondérale
mélange ainsi des faits objectifs, des croyances morales, des représentations
intériorisées et des attentes particulières vis-à-vis de leurs patients. Les soignants
peuvent alors exprimer des récriminations envers eux. Au cours de l’entretien dans son
cabinet de nutritionniste, dans un quartier aisé de Paris, Kevin, 65 ans, nous explique :

« Ah bah ça, on voit de tout ! Alors je vais vous dire, là où y a le plus d’écrémage
j’appellerais... C’est après le premier rendez-vous. Pourquoi ? Parce que, c’est ce
qu’on disait tout à l’heure, c’est ceux qui espéraient le miracle, ils sont venus
parce qu’on leur a dit : ‘Je vais te donner une adresse, tu vas voir, ça marche
vachement bien’. Et quand vous leur avez dit : ‘Ah oui, mais il y a un régime’. Moi
je vois la tête des gens : ‘Ah bon, il y a un régime ?’ [Il prend un ton moqueur pour
imiter une fausse réponse] ‘Non ! Vous allez pouvoir bouffer comme une vache et
maigrir quand même !’ [Il reprend un ton sérieux] Je dis : ‘Bien sûr qu’il y a un
régime, la pilule magique n’existe pas !’ ».

35 Beaucoup de soignants, en particulier médecins, se plaignent également de l’exigence


à sens unique d’un patient devenu « consommateur » (Pierron, 2007). Lauriane,
36 ans, généraliste, a une conception critique de certains patients, malgré sa formation
d’homéopathe qui tend à l’éloigner des représentations dominantes du champ médical :

« Le patient en face, il a sa responsabilité dans cet état de la médecine, c’est-à-


dire qu’il attend. D’abord il attend des miracles, il se désinvestit complètement de
ses propres problématiques de vie et de bien-être, donc il attend beaucoup du
médecin. Il attend beaucoup d’un médecin qui est sous-payé, qui n’a pas le
temps, qui n’a pas la formation, enfin c’est très compliqué comme question ».

36 Les patients sont parfois jugés, selon les termes des soignants, « agaçants »,
« fainéants », « peu obéissants », « menteurs », « infantilisés » ou « consommateurs
plus qu’acteurs de leur santé ». Ces représentations péjoratives des patients en
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surcharge pondérale conduisent à renforcer l’insatisfaction professionnelle des


soignants, tout autant qu’à accroître des situations qui pourront être définies comme
stigmatisantes par les enquêtés concernés.

Des conséquences négatives

L’insatisfaction professionnelle des soignants


37 Si les endocrinologues rencontrés ont manifesté moins d’insatisfaction
professionnelle que les autres soignants, plusieurs généralistes et diététiciens ont avoué
leur impuissance face à cette problématique pondérale. Roger (50 ans, médecin
généraliste en libéral) explique la difficulté de soigner une pathologie qui n’a pas de
solution, ce qui remet en cause non seulement son utilité professionnelle, mais
également ses relations avec sa patientèle :

« Oui, mais ils [les patients] ont envie, mais ils ne font pas ou je n’arrive peut-être
pas, encore une fois je plaide coupable, j’ai sûrement ma part là-dedans, parce
que je ne m’investis peut-être pas assez, parce que ça m’emmerde quelque
part… Comme je sais que c’est la plupart du temps voué à l’échec, bon… Je n’ai
pas envie qu’ils soient mis en échec eux-mêmes ou derrière mon ombre tutélaire
et qu’ils se retrouvent en difficulté. J’ai eu ces cas, je n’en parle pas en théorie,
des patients sur lesquels je m’étais particulièrement investi et puis qui se trouvant
en difficulté me… quelque part m’englobaient dans cette difficulté et puis ils
changeaient de toubib ».

38 Pour les généralistes, le sujet du poids étant sensible, il est parfois difficile de
l’aborder durant une consultation classique, alors que de nombreuses études montrent
qu’ils sont les premiers vers lesquels se tournent les personnes en surcharge pondérale
souhaitant des conseils pour perdre du poids ou ne pas en prendre (Hiddink et al.,
1995). En outre, les enquêtés soignants étant à plein temps ou à mi-temps en libéral, ils
dépendent financièrement de leur patientèle qu’il s’agit dans ce cadre d’éviter de
blesser. Dans une étude de 2005, 79 % des médecins généralistes affirmaient que leur
rôle était d’aider leurs patients en surpoids ou obèses, mais qu’ils y étaient mal préparés
et que cette tâche était peu gratifiante professionnellement (Bocquier et al., 2005). Pour
plusieurs enquêtés rencontrés, soigner la forte corpulence est une tâche sans fin, ingrate
et peu rémunératrice. C’est, comme l’affirme Roger :

« Un boulot harassant. Je conçois que les gens ne fassent que ça parce que c’est
vraiment un boulot à part entière et je crois qu’il faut vraiment avoir quelque part
une motivation forte pour ça, une espèce de vocation à s’investir là-dedans ».

39 Les difficultés techniques comme le manque de temps, de moyen, l’échec de la prise


en charge ou la gestion de populations jugées difficiles ainsi que le manque de
reconnaissance (le non-remboursement des consultations diététiques par exemple) ont
aussi été mis en avant par les soignants. Le contexte national français autant que le
manque de traitements efficaces renforcent cette insatisfaction professionnelle. Dans
d’autres études, c’est le manque de « noblesse » de l’obésité qui justifie pour certains
soignants le fait qu’ils ne s’occupent pas de cette pathologie (Cornet, 2015).
40 La majorité des soignants rencontrés sont ainsi insatisfaits vis-à-vis de la prise en
charge des personnes de fortes corpulences, soit parce qu’ils s’estiment mal formés ou
mal rémunérés, soit parce qu’ils estiment que leur rôle n’est pas de soigner ce que
certains d’entre eux appellent une « maladie sociale ». Les mêmes propos étaient tenus
dans une enquête au sujet du diabète de type II (Bachimont et al., 2006). Le fait que la
prévalence de l’obésité soit plus élevée dans les catégories sociales défavorisées
accentue ces représentations péjoratives, qui conduisent parfois à des actes de
stigmatisation et de discrimination.

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Une stigmatisation médicale fréquente


41 Pour les enquêtés les plus corpulents, les situations définies comme stigmatisantes ne
sont pas rares. Carinne (31 ans, fs, employée dans une entreprise de
télécommunication) raconte par exemple un rendez-vous avec une endocrinologue alors
qu’elle vient pour une hypothyroïdie :

[À la fin de la consultation] « Je me suis levée avec un petit peu les boules parce
que manifestement elle ne voulait pas me traiter pour l’hypothyroïdie qui s’est
vraiment accentuée par la suite, donc je pense que si elle avait été traitée à ce
moment-là je pense que… Enfin bon je ne sais pas, je ne vais pas faire de
considérations là où il y en a pas, mais…Elle ne reconnaissait donc pas mon mal,
je me suis levée et… ‘Ah en revanche on pourrait peut-être faire quelque chose
pour votre culotte de cheval’ ».

42 Cette remarque la blesse d’autant plus qu’elle estime que cette endocrinologue ne
traite pas le mal pour lequel elle est venue la voir, mais s’intéresse par contre à son
« gros cul », selon les termes de Carine. La violence ressentie s’inscrit à la fois dans un
manque d’accord sur les objectifs de la consultation, mais également dans un sentiment
d’agression, le poids devenant central dans l’interaction alors qu’il n’était pas l’objet
initial de la consultation.
43 Pour d’autres, les remarques perçues comme violentes sont accompagnées d’un refus
de soin directement explicité. C’est le cas pour Capucine (47 ans, tfs, ingénieure
formatrice dans une école d’ingénieurs) :

« Le premier régime que j’ai fait, c’était parce que je suis allée voir un gynéco
pour avoir la pilule et je suis tombée sur un horrible macho, je le sais maintenant,
et qui plutôt que de m’en prescrire une tout de suite sans se demander pourquoi
une jeune de 18 ans a envie de prendre la pilule, a commencé à me faire faire
des tas d’examens, et m’a dit : ‘De toute façon je ne vous la donnerai jamais et
vous, à 30 ans, vous serez diabétique’ …Pouf ! […] Donc là j’ai enchaîné avec un
endocrinologue qui m’a dit ‘Mais il ne vous a raconté que des conneries !’ ».

44 Quelques années plus tard, elle va voir un médecin nutritionniste qui la reçoit alors
qu’elle n’arrive pas à avoir d’enfants :

« II m’a dit ‘Vous, avoir un bébé avec ce poids-là ? [Elle mime un ton méprisant]
Mais ce n’est pas possible, ce n’est pas envisageable !’ [Et tu pesais combien à
ce moment-là ?] Pfff je devais être à 90 kilos et ça a été, voilà, ça a été tellement
fort comme diktat, que je n’ai pas pu avoir d’enfants, que… le jour où j’ai
rencontré, presque un an après, quelqu’un, c’était justement à l’Hôtel-Dieu,
quelqu’un, une femme, à qui j’ai dit : ‘Bah voilà je viens vous voir, parce qu’il faut
que je perde du poids parce qu’etc., etc. ’ et qui m’a regardé et qui m’a dit : ‘Mais
qu’est-ce qui vous empêche d’avoir un bébé ?’ [ …] Et c’est marrant, un mois
après, j’étais enceinte… [Rires] ».

45 Elle interprète ainsi la réaction du médecin nutritionniste comme un refus de prise en


charge médicale alors qu’elle souhaite perdre du poids pour faciliter une future
grossesse. Ces propos témoignent en outre de la force des représentations sociales
péjoratives de l’obésité lorsqu’elles concernent des futures mères, enjointes de ne pas
prendre trop de poids pour ne pas mettre la vie de l’embryon en danger (Harper & Rail,
2012), mais enjointes également par la suite de ne pas trop nourrir leurs enfants (Bell et
al., 2009). La critique des fortes rondeurs est également liée aux normes esthétiques de
genre, les femmes étant poussées à faire des régimes pour répondre à l’impératif de
minceur (Carof, 2015b). Les fortes rondeurs sont, dans ce cadre, associées à une forme
de désexualisation et leur rejet traduit fréquemment les jugements esthétiques des
praticiens concernés, ces derniers étant influencés par les normes de beauté de leur
milieu social.
46 Cette stigmatisation des fortes corpulences sous-tend également une forme de
paternalisme médical, plus prégnant envers les milieux populaires (Fainzang, 2006).
Les personnes de milieu défavorisé sont ainsi régulièrement accusées de ne pas savoir

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manger sainement, de mal nourrir leurs enfants et de ne pas prendre soin de leur santé.
Ces accusations révèlent que les soignants tendent à oublier que si les femmes de milieu
populaire sont plus corpulentes en moyenne que dans d’autres milieux sociaux, c’est à
la fois en raison d’une moindre valorisation de la minceur (Saint Pol, 2008), mais
également du fait que les produits peu caloriques comme les fruits et les légumes sont
plus coûteux que ceux qui ont une haute densité calorique (Drewnowski & Specter,
2004). Cette stigmatisation mêlant normes de genre, de classe et de corpulence se
retrouve par exemple dans le commentaire d’un diététicien, Léonard, 47 ans, qui
cherche à rassurer une jeune patiente très mince :

« Je pense que ses copines étaient des gros… euh des filles beaucoup plus
fortes, beaucoup plus comme on… Elle était dans un BEP, bon, donc dans un
lycée technique. Moi j’ai enseigné en lycée technique, je vois les catégories
socioprofessionnelles qu’il y a là-dedans, bon… C’est des chevaux de trait
quoi ! ».

47 Le surpoids de ce diététicien n’empêche ainsi pas la valorisation de la minceur


féminine, idéal lié en partie à son origine sociale (sa mère étant psychologue). Or ces
actes de stigmatisation et de discrimination, qu’ils soient directs ou indirects,
volontaires ou non, peuvent avoir des résultats tangibles sur l’état de santé des patients.

Des conséquences médicales négatives


48 Plusieurs études ont montré que la stigmatisation pouvait créer ou accroître les
problèmes de santé (Chen, 2007 ; Puhl & Heuer, 2010) ou encore aggraver l’obésité
(Shafer & Ferraro, 2011). Ces problèmes de santé sont souvent liés au fait que de
nombreux patients évitent les cabinets médicaux par peur de remarques péjoratives ou
insultantes (Amy et al., 2006). Cette situation d’évitement par appréhension est très
proche de celle des populations en situation de précarité (Warin et al., 2008 ; Desprès,
2013). Renée (67 ans, tfs, ancienne cuisinière dans une association, à la retraite)
explique ainsi son comportement par les remarques que les médecins lui font sur sa
corpulence, sans lien avec l’objet de sa visite :

« Les médecins, vous avez un cor au pied, vous avez un rhume, vous y
allez : ‘Faut maigrir !’ [Rires] Ah oui, mais ça… Moi quand un médecin me dit ça,
je lui dis ‘Bonjour, on s’est rencontré, on s’est vu, ben vous ne me reverrez
pas !’ ».

49 Dans un article du 8 janvier 2016, le quotidien français Libération8 rappelait la


violence symbolique de certains propos médicaux vis-à-vis des personnes corpulentes et
leurs conséquences. La twitteuse Daria Marx y était citée sur ce même constat : « Ils
sont persuadés qu’on a des problèmes de cholestérol, de foie. Ils sont surpris de ne rien
trouver, raille-t-elle. Que vous ayez une cheville cassée ou un furoncle, ils s’en foutent.
Pourtant, on peut se casser la jambe qu’on soit maigre ou gros ». Ces représentations
peuvent ainsi renforcer certains problèmes de santé lorsque les praticiens se
concentrent sur ce qu’ils pensent être le problème du patient (son poids) plutôt que sur
la pathologie médicale pour laquelle ce dernier vient les voir. Des erreurs de diagnostic
peuvent en résulter.
50 Dans d’autres cas, c’est la nocivité des médicaments utilisés contre les fortes
corpulences qui peut accroître la mauvaise santé des patients. Carole (40 ans, fs,
fonctionnaire) a pris du Médiator®, bien avant qu’il ne soit retiré du marché. Isabelle
(49 ans, tfs, responsable marketing en reconversion) s’est fait prescrire des extraits
thyroïdiens, puis de l’Isoméride® qui lui donnait des vertiges. Ce dernier a ensuite été
interdit car il donnait de l’hypertension pulmonaire. Léa (26 ans, tfs, modéliste) se
plaint de son côté d’avoir des moments de confusion mentale et de la tachycardie depuis
qu’elle a fait une opération de By-pass9. Elle regrette également un suivi médical trop

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allégé après son opération alors que le changement de pratiques alimentaires exigé est
particulièrement pénible et contraignant.
51 Face à ces situations, plusieurs enquêtés refusent désormais toute nouvelle solution
thérapeutique et choisissent des soignants « tolérants » avec leur corpulence. Certains
préfèrent annoncer d’emblée à leurs praticiens, souvent leurs gynécologues pour les
femmes, qu’ils refusent d’être pesés ou qu’ils savent être en surcharge pondérale et ne
viennent pas pour se l’entendre dire. Ces stratégies multiples témoignent de la
transformation des rapports soignants-patients et de la capacité de négociation de ces
derniers (Barbot, 2002), plus importante dans le cas des maladies chroniques
(Baszanger, 1986). Mais ce partage du pouvoir est moins facile à mettre en œuvre
lorsque les praticiens ont une position dominante du fait de leurs caractéristiques
professionnelles ou sociales, ou lorsque les patients viennent pour soigner des
pathologies liées à leur corpulence. Si l’incertitude et la complexité de l’obésité
permettent aux personnes concernées de garder une forme de contrôle sur la définition
de leur corpulence, de son étiologie et des solutions envisageables, la présence d’une
pathologie explicite liée à la surcharge pondérale (une hypertension ou du diabète)
donne en revanche plus de pouvoir aux soignants.

Conclusion
52 Parmi les soignants rencontrés, les endocrinologues, les médecins nutritionnistes et
les diététiciens utilisent plus fréquemment l’IMC et tendent plus souvent à insister sur
la responsabilité des patients alors que les généralistes et les psychologues enquêtés
insistent davantage sur la dimension sociale du poids et choisissent des solutions moins
médicalisées pour le surpoids. Dans le groupe des personnes corpulentes, les
représentations du poids diffèrent aussi, principalement en fonction de leur propre
corpulence. Le genre, le milieu social ainsi que l’âge influencent également leur
définition de la surcharge pondérale, son étiologie et les solutions possibles qu’ils
envisagent.
53 Cependant, malgré leurs nuances internes, ces deux groupes ne partagent pas les
mêmes représentations sociales du surpoids et de l’obésité. Ces décalages sont
particulièrement importants lorsqu’ils opposent les endocrinologues, les médecins
nutritionnistes et les diététiciens avec le groupe de patients le plus souvent victimes de
stigmatisations et de discriminations – les femmes obèses économiquement
défavorisées. Mais des incompréhensions importantes peuvent également subsister
entre le groupe de praticiens le plus proches des représentations des soignés – les
généralistes et les psychologues – et les individus concernés. Le manque de thérapies
efficaces, la complexité de la corpulence et l’influence des croyances péjoratives
associées à l’obésité peuvent expliquer ces désaccords. La formation et la pratique
professionnelles influencent également durablement et différemment les
représentations du surpoids et de l’obésité et ses conséquences en termes d’étiologies et
de solutions envisageables.
54 Ces incompréhensions et décalages ont de nombreuses conséquences négatives, tant
du côté des praticiens que des patients. Si les premiers évoquent leur insatisfaction
professionnelle, leur manque de formation sur une problématique aussi complexe et le
désir d’être socialement plus reconnu (symboliquement, mais aussi financièrement
pour les diététiciens et les psychologues), les seconds évoquent, quant à eux, de
nombreuses situations qu’ils ont vécues comme stigmatisantes ou discriminantes. Dans
les cas les plus radicaux, certains praticiens refusent ainsi de s’occuper de leurs patients
en surcharge pondérale quand certains d’entre eux fuient les cabinets médicaux. De
manière plus fréquente, l’utilisation d’un langage que les soignés jugent peu adapté ou
le nomadisme médical des patients accentuent l’incompréhension et les reproches
mutuels. Dans les deux cas, ces comportements ont pour conséquence une prise en
charge jugée inefficace par les soignants comme par les personnes concernées.

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Notes
1 L’IMC est calculé par le poids (en kilos) divisé par la taille (en mètre) au carré. Plusieurs
catégories de poids sont actuellement utilisées par l’OMS : Moins de 18,4 kg/m2 : Maigreur ; 18,5-
24,9kg/m2 : Normo-pondéral ; 25-29,9kg/m2 : Surpoids ; 30-34,9kg/m2 : Obésité modérée ; 35-
39,9kg/m2 : Obésité sévère ; Plus de 40kg/m2 : Obésité morbide. Cette catégorisation est
controversée parce que l’IMC ne prend en compte ni le sexe ni l’âge ni la génération ni la
répartition gynoïde ou androïde des tissus adipeux ni la masse musculaire ni l’origine ethnique
des individus. En outre, les catégories de surpoids et d’obésité modérée ne sont pas toujours
considérées comme dangereuses pour la santé, ce qui conduit à de nombreuses controverses dans
le champ médical (Saint Pol, 2008 ; Poulain, 2009 ; Saguy, 2013 ; Carof, 2015a).
2 Parmi les médecins, trois sont en secteur 1, trois en secteur 2 et trois non conventionnés. Dans
le système de sécurité sociale français, si un médecin est conventionné en secteur 1, il doit
respecter les tarifs fixés par la sécurité sociale, sans dépassement d’honoraire. Il peut les
dépasser, mais dans une certaine limite en secteur 2, ses patients n’étant toujours remboursés
que sur la base du secteur 1. S’il est non-conventionné, ses patients seront remboursés sur la base
d’un tarif d’autorité, la majorité des frais étant à la charge des patients.
3 Un impédancemètre est une balance qui permet de calculer la proportion de masse grasse et de
masse maigre (dont les muscles) dans le corps, ce qui est important sachant que les muscles
pèsent plus lourd que les tissus adipeux.
4 Les enquêtés seront présentés systématiquement par leur âge, leur corpulence et leur
profession. Pour éviter de reprendre les catégories médicales et garder des termes plus adaptés
aux représentations des enquêtés, la corpulence est désignée par les termes : ls : léger surpoids,
fs : fort surpoids et tfs : très forte surcharge pondérale.
5 Propos exprimé notamment par un médecin dans le journal 20minutes :
http://www.20minutes.fr/sante/601968-20100927-sante-jean-lalau-keraly-il-obeses-camps-
concentration (page consultée le 25 mai 2014). L’association de défense des personnes en
surcharge pondérale, Allegro Fortissimo, a écrit une lettre ouverte contre ces propos.
6 La chirurgie bariatrique cherche soit à réduire le volume de l’estomac (anneau gastrique), soit à
relier directement l’estomac à l’intestin (by-pass), soit encore à amputer une partie de l’estomac
(sleeve). L’objectif de ces opérations est de réduire la consommation calorique ou l’absorption des
aliments et ainsi de faire perdre du poids aux patients.
7 La « restriction cognitive » est un terme utilisé par les psychologues, les psychiatres et les
spécialistes des troubles alimentaires pour désigner un contrôle très strict des apports caloriques
dans l’objectif de perdre du poids ou de ne pas en prendre. La restriction cognitive a pour
conséquence de déséquilibrer les apports nutritionnels, mais aussi d’accentuer les risques
d’anorexie ou de boulimie.
8 Article dans le quotidien Libération le 8 janvier 2016 :
http://www.liberation.fr/france/2016/01/08/grossophobie-medicale-c-est-une-angoisse-a-
chaque-fois-que-je-dois-consulter_1424927 (page consultée le 9 janvier 2016).
9 Le by-pass gastrique est une opération chirurgicale qui réduit la taille de l’estomac et modifie
le passage des aliments. Ces derniers ne passent plus par l’estomac, mais vont directement dans
l’intestin grêle. Les aliments sont ainsi moins bien absorbés par l’organisme.

Pour citer cet article


Référence électronique
Solenne Carof, « Les représentations sociales du corps « gros » », Anthropologie & Santé [En
ligne], 14 | 2017, mis en ligne le 01 avril 2017, consulté le 13 octobre 2023. URL :
http://journals.openedition.org/anthropologiesante/2396 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/anthropologiesante.2396

Cet article est cité par


Carof, Solenne. (2021) Grossophobie. DOI: 10.4000/books.editionsmsh.30848
https://journals.openedition.org/anthropologiesante/2396#article-2396 18/19
13/10/2023 12:35 Les représentations sociales du corps « gros »

Martins, Tais. Polli, Gislei Mocelin. Justo, Ana Maria. (2022) Obesity and social
representations among patients subjected to argon plasma coagulation (APC).
Psico, 53. DOI: 10.15448/1980-8623.2022.1.37279

Auteur
Solenne Carof
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Droits d’auteur

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