Et Si Je Parlais Pour Être Vraiment Compris

Emmanuel Chila
ETSIJE
PARLAiS
POURÊTRE
POUR
Éditions Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75005 Paris
www.editions-eyrolles.com
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 1 28/04/2023 14:53
Lecture/correction : Élise Nicoli et Clotilde de Royer

Création des schémas : Morgane Vanlichtervelde
Mise en pages : Istria
Depuis 1925, les éditions Eyrolles s’engagent en proposant des livres pour comprendre
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© Éditions Eyrolles, 2023

ISBN : 978-2-416-01096-5
Emmanuel Chila
Préface d’Inès Vandamme
COMMENT PARLER LA LANGUE

DE L’AUTRE ET PRENDRE SOIN
DE TOUS NOS ÉCHANGES
AU QUOTIDIEN
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Sommaire
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Prologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Avoir raison ou être compris ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Tu as voix au chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Nous parlons la même langue… en apparence . . . . . . . . . 20
Chapitre 1 Se connaître, connaître l’autre . . . . . . . . . . . . 23
Faire passer un message : des grésillements sur toutes
les lignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
La pensée d’un Émotionnel expliquée
à un Pragmatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
La pensée d’un Pragmatique expliquée à un Émotionnel . 37
Tous biaisés ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Test : Es-tu un Émotionnel ou un Pragmatique ? . . . . . . . . . 46
Chapitre 2 Les cercles de l’échange . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
S’aligner avec soi-même pour se rendre disponible
à l’autre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Premier cercle : la situation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Deuxième cercle : le contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Troisième cercle : l’investissement émotionnel . . . . . . . . . . 60
Quatrième cercle : la conance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Cinquième cercle : l’estime de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Sixième cercle : l’empathie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
5
Chapitre 3 Interagir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Interagir avec un Pragmatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
Interagir avec un Émotionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Et si je n’ai ni l’énergie ni l’envie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Chapitre 4 Les cartes pour mieux se faire comprendre
de l’autre (et peut-être le ou la convaincre) . . . . . . . . . . . 79
Technique et compréhension de l’autre : les deux faces
d’une même pièce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Les techniques pour avoir toutes les chances de
convaincre un Émotionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Les techniques pour mettre un Pragmatique de ton côté . 96
À retenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Un petit cadeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
Lettre ouverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Chapitre 5 Au-delà des mots, le non-verbal . . . . . . . . . . 109
Le troisième interlocuteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Nous communiquons surtout de manière non verbale. . . 112
Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
6 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

À Toufhat, ma magicienne des mots, la magie opère tout le temps

À ma sœur, mon ange de cœur et de raison
À mon beau-frère Medhi, pour son œil pragmatique
À la douceur et la bienveillance incarnées :
Sabine de la Palmeraie, ma grand-mère de cœur
À celle qui se tient dans l’ombre mais sans qui je ne peux
rayonner : Audrey, mon moteur
Et à ceux qui font ce que je suis : mes parents
À Christie et Claire pour vos avis éclairés
À Joanne pour sa confiance
À Morgane, la styliste de mes idées
À Inès, pour son authenticité
Un livre est une aventure qu’on ne peut réussir seul
alors il me tenait à cœur de remercier les personnes
qui y ont participé de près ou de loin.
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« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, 28/04/2023
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ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous

croyez comprendre, ce que vous voulez comprendre et ce que
vous comprenez, il y a au moins dix possibilités de ne pas se
comprendre. Mais essayons quand même… »
Bernard Werber
Préface
d’Inès Vandamme
J’ai toujours préféré l’expression corporelle pour faire passer un

message. J’ai su danser avant de parler, alors cet art du mouvement
s’est imposé à moi, bien plus que l’art des mots.
Aujourd’hui, j’ai encore tendance à préférer l’expression corporelle,
car j’ai l’impression qu’un message est souvent mieux compris sans
parole, par la beauté du geste et la sincérité de l’âme.
Ça m’est tant arrivé de parler sans être comprise, bien que j’essayais
de trouver les bons mots, la bonne formulation construite spéciale-
ment pour la personne face à moi.
On a tous cette envie d’être vraiment compris, vous savez, cette envie
profonde de délivrer un message qui ne sera pas transformé, dété-
rioré, mâché et modifié, mais qui arrivera intact à son destinataire.
Pour cela, il faut prendre soin de nos échanges au quotidien, et en
prendre soin, c’est aussi respecter le destinataire de votre message.
Les relations humaines ont encore tant à nous apprendre. C’est
passionnant. Les relations humaines ont encore tant à nous
apprendre. C’est étonnant.
Le livre que vous vous apprêtez à lire va radicalement bouleverser
vos échanges avec autrui.
Inès Vandamme
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Prologue
Tu t’apprêtes à demander une augmentation à ta hiérarchie. Le

moment venu, devant ton interlocuteur, deux scénarios possibles se
dessinent dans ton esprit : soit il adhère à ce que tu vas lui dire, soit
il n’y adhère pas. En d’autres mots, soit ton message passe, soit il
ne passe pas.
Seulement, « faire passer » un message ne signifie pas la même chose
pour tous(tes). Pour certain(e)s, un message passe lorsque l’inter-
locuteur comprend ce qu’on lui dit, et que toutes les conditions
sont réunies pour que l’on accède à ta demande. C’est une façon de
penser plutôt pragmatique.
Pour d’autres, un message passe lorsque l’interlocuteur se laisse
convaincre, toucher par la teneur du message, lorsqu’il a envie
d’accéder à la demande. Il s’agit d’une manière de réagir plutôt
émotionnelle.
Ces deux modes de fonctionnement sont présents en nous.
Simplement, notre vécu et nos expériences nous amènent à privilé-
gier l’un plutôt que l’autre.
Attention : ce livre n’est pas un énième ouvrage pour t’expliquer
comment tu fonctionnes, et comment utiliser ton « profil ».
C’est encore moins un livre sur la manipulation ; comme l’explique
Clément Viktorovitch, manipuler quelqu’un, c’est lui ôter le choix
de ne pas adhérer à notre idée. C’est endormir ses défenses, parfois
sans qu’il en ait conscience.
13
Ce livre va plutôt t’indiquer comment transmettre ton message en
faisant preuve d’intérêt envers ton interlocuteur et son mode de
fonctionnement.
L’objectif est le même : faire passer ton message. Mais tu l’auras
compris, on ne transmet pas un message avec le même canal. Cela 28/04/2023
exige de se poser une question essentielle : qui ai-je en face de moi ?
Pour faire passer un message, une seule clé : faire passer la personne
avant le message. Tu connais l’expression « Tourner sa langue sept
fois dans sa bouche » ? Je te propose d’aller plus loin, en tournant
les propos de l’autre sept fois dans ta tête avant de parler à ton tour.
Pourquoi un livre sur les interactions ? Lorsque j’ai terminé mon
ouvrage précédent, Et si j’écoutais avant de parler ?1, j’étais partagé
entre la joie d’avoir enfin terminé sa rédaction et un léger sentiment
de frustration. Frustration, parce que je souhaitais approfondir le
sujet de l’écoute en matière de communication, et l’enrichir d’élé-
ments essentiels à mes yeux : se connaître et connaître l’autre. Et
si j’écoutais avant de parler ? n’était que la première étape vers une
interaction consciente.
J’ai pu me rendre compte de par mes activités de coach et de forma-
teur en prise de parole au sein de WAYTA2 que c’était un élément
qui était essentiel, nécessaire et indispensable quant à une bonne
compréhension de ses idées par les autres.
Finalement, cette frustration s’est révélée salutaire, puisqu’elle
a donné lieu à une réflexion sur notre rapport à nous-même et à
l’autre lors de nos interactions quotidiennes.
Admettons donc ceci dès le début : il existe deux profils. Un profil
Émotionnel, centré sur le ressenti, et un profil Pragmatique, centré
1. Eyrolles, 2022.
2. WAYTA, acronyme « What Are You Talking About », est une structure de formation
et d’accompagnement autour de la prise de parole à destination des entreprises.

sur le raisonnement. À présent, comment décrire le fonctionnement
de chacun de ces profils dans le cadre d’une interaction ?
J’ai d’abord pensé établir une définition de ce qu’est un profil
Émotionnel ou Pragmatique, de la manière dont ils réfléchissent,
et de ce qu’ils priorisent dans une interaction. Mais je me suis rapi- 28/04/2023
dement rendu compte que même les mots que j’utiliserais n’avaient
pas la même connotation dans l’un ou l’autre de ces deux profils.
Alors, j’ai établi la liste des cinq critères qui définiraient une bonne
interaction. Cinq critères qui, selon le profil que l’on privilégie, ne
signifient pas du tout la même chose. Des critères qui, pourtant,
comptent autant pour les uns que pour les autres, mais qui revêtent
un sens et une intention complètement différents, selon le mode
de fonctionnement utilisé par notre interlocuteur. Comment est-ce
possible ?
Voici une légende qui explique mieux que n’importe quelle théorie
cette étrange réalité :
La tour de Babel, ou le mythe biblique qui explique pourquoi nous
ne parlons pas la même langue.
On raconte qu’autrefois, tous les humains parlaient la même
langue. Aucun besoin de traduire les propos des autres. La barrière
de la langue, ça n’existait pas. Autant dire que les conditions étaient
réunies pour que toute collaboration soit facile et efficace.
Grisés par leurs multiples succès, les humains en voulurent encore
plus (oui, là non plus, on n’y coupe pas). Leur projet fou était de
construire une tour si haute qu’elle percerait le ciel et atteindrait le
royaume de Dieu. Rien que ça. Tout le monde fut mis à contribu-
tion, et les travaux allaient bon train.
Pourtant, lorsque la tour atteignit les cieux, il se produisit quelque
chose : on ne sait pas si Dieu fut si irrité par leur audace qu’il décida
de détruire la tour, ou si c’est l’arrogance humaine qui finit par faire
Prologue 15
tomber l’édifice. Toujours est-il qu’elle s’effondra, entraînant les
humains et leur assurance.
Tombés du ciel, les humains voulurent discuter, pour savoir qui
était le responsable de la chute ou pour commenter leur accident. Et
là, surprise : impossible de se comprendre ! Plus personne ne parlait 28/04/2023
la même langue que son voisin. On raconte que c’est ainsi que la
plus grande séparation entre les humains eut lieu : la barrière de la
langue.
On raconte aussi que c’était probablement un défi lancé à l’huma-
nité : atteindre les cieux, c’est peut-être parvenir à échanger en
prenant en compte la langue de l’autre, et chercher, plus qu’à le
convaincre, à s’en faire comprendre.
Une métaphore pour nous inciter à mieux réfléchir avant de parler ?
Depuis que je coache des dirigeants et salariés d’entreprise, depuis
que j’ai dédié une grande partie de ma carrière à l’entraînement à
la prise de parole, je fais ce même constat : nous employons les
mêmes mots, mais nous ne parlons pas le même langage. Et la
compréhension mutuelle est toujours un voyage qui nécessite effort
et bienveillance3.
3. Ce qui est exprimé dans ce livre n’est pas une science exacte. Il s’agit de mes obser-
vations, tirées des nombreuses expériences que j’ai pu vivre en entreprise, durant mon
parcours scolaire, et dans la meilleure école de la vie : les amis, la famille, et (oserai-je
le dire ?) le couple.

Introduction
AVOIR RAISON OU ÊTRE COMPRIS?

Italie, 1633. Devant le tribunal de l’Inquisition, un mathématicien,
astronome et géomètre tente de convaincre ses juges que son obser-
vation est juste. Mais son observation est gênante, voire insultante :
Galilée, c’est son nom, tente de les convaincre que la Terre tourne.
Problème : à l’époque, tout le monde pense que c’est le soleil et les
planètes qui tournent autour de la Terre. Dire que la Terre tourne, et
ainsi contredire l’Église, c’est donc commettre un crime, et risquer
l’emprisonnement.
Comment Galilée va-t-il s’y prendre ? De la manière la plus simpliste
qui soit, comme nous tous : en affirmant ses convictions, sans
tenter de persuader son auditoire. Pire : lorsque ce dernier conteste
sa découverte, Galilée en rajoute une couche : « Et pourtant, elle
tourne », dit-il.
Conséquence : il est mis en résidence surveillée et on ne le croira que
de nombreuses années plus tard, après sa mort.
Quand je repense à cette histoire, je ne peux pas m’empêcher de
me demander ce qui se serait passé si Galilée avait d’abord cerné le
mode de pensée de ses juges, puis s’y était adapté un temps, avant
d’énoncer son observation. On ne l’aurait peut-être pas cru pour
autant, mais il aurait peut-être connu un sort différent.
17
Si Galilée pouvait effectuer un saut dans le temps, pour le seul plaisir
de discuter avec moi, je n’aurais qu’une question à lui poser : cher-
chait-il à avoir raison, ou à se faire comprendre dans sa démarche ?
«J’aurais dû le dire autrement»

« Je suis un(e) incompris(e) » : nous sommes plus nombreux que

nous le pensons à nous définir ainsi. Parce qu’il n’est pas évident de
parler avec clarté. Mais aussi parce que nous ne pensons pas tous
et toutes de la même manière. On a tous connu ce sentiment, lors
d’une conversation : il arrive parfois un moment où l’on comprend
enfin que l’on n’a pas totalement l’attention de l’autre, qu’il ou elle
ne comprend pas notre point de vue, voire ne le partage pas du tout.
Ce décalage peut s’exprimer poliment par des « oh » et des « ah »
de circonstance, par une crispation du corps ou du visage, ou alors
par un rejet pur et simple de tout propos de notre part. Quoi qu’il en
soit, nous ressortons de ce type d’échange avec l’impression de ne
pas avoir été compris, et avec une pensée qui fait parfois irruption
en pleine nuit : « J’aurais dû le dire comme ça. »
Oui, on peut être compris par tout le monde…

ou presque
Comment parler avec clarté à quelqu’un qui ne pense pas comme
nous ? Vaste question, me dira-t-on. Ce sujet a été largement
abordé. Les rayonnages des librairies croulent sous les ouvrages
qui partagent des techniques de communication, voire d’influence,
pour convaincre. Des techniques qui peuvent être efficaces, mais
qui comportent un point faible : elles prennent peu en compte l’in-
terlocuteur et ce que nous avons réellement à dire.
Et c’est ainsi que trop d’idées merveilleuses passent à la trappe,
parce qu’elles n’ont pas été formulées en adéquation avec l’état

d’esprit des interlocuteurs. Ou que les personnes qui les portent ne
les expriment pas, par peur du jugement, du regard des autres, de la
manière dont leurs idées seront reçues.
TU AS VOIX AU CHAPITRE
S’effacer au lieu de parler : voilà un état d’esprit que notre histoire

personnelle, parfois, nous impose.
On se tait, même quand on a beaucoup à dire, parce qu’on craint
d’être jugé(e). Aujourd’hui, cet état de fait me révolte. Chacun de
nous a le droit de s’exprimer. Que ce qu’elle a à dire ait du sens ou
pas, chaque personne a le droit de parler, de dire ce qu’elle pense,
de se positionner. Nous avons tous et toutes la chance de connaître
la vie, ses hauts et ses bas, ses victoires et ses remises en cause. Nous
devrions donc tous et toutes avoir la chance de pouvoir nous expri-
mer, émettre notre avis, faire part de nos émotions, expliquer notre
point de vue.
S’y ajoute l’influence des réseaux sociaux, régis par des algorithmes
qui sélectionnent les informations qui se rapprochent le plus de nos
convictions. Cela renforce notre vision du monde, ce qui ne nous
aide pas à penser autrement.
Ainsi, tout devrait reposer sur ce simple principe : tes interlocuteurs
ont le droit de savoir ce que tu penses.
Pourtant, le monde semble se scinder en deux parties : ceux qui
parlent et ceux qui gardent le silence. Certains ont une facilité
déconcertante à donner leur avis, qu’ils y mettent les formes ou non.
Ils ou elles osent. D’autres ne le font pas, même quand leur point
de vue est crucial. Les idées se forment dans leur esprit, mais font
silence au moment où elles doivent être partagées.
Introduction 19
Ce livre est fait pour ces personnes, mais aussi pour ces moments
où, tous et toutes, vous vous trouvez en situation d’autocensure.
Il vise à vous conseiller sur les différentes manières de permettre
aux autres de comprendre ce que vous avez à dire. Car de la même
manière que vous avez voix au chapitre, vos interlocuteurs ont le
droit de connaître vos idées… et de s’en faire leur propre idée.
NOUS PARLONS LA MÊME LANGUE…

EN APPARENCE
Voici une anecdote que tu connais peut-être. Si ce n’est pas le cas,
tu comprendras rapidement à quel point, bien souvent, nous parlons
de la même chose sans le savoir :
Cinq personnes non voyantes arrivent devant un éléphant. Elles connaissent
le nom de l’animal, mais ne l’ont jamais rencontré. La première touche
la patte de l’éléphant, et décrète : « Un éléphant est comme le tronc d’un
arbre. » La deuxième touche les oreilles et affirme : « Non, un éléphant est
aussi large qu’un éventail. » La troisième proteste en brandissant la trompe :
« Vous mentez ! Un éléphant est aussi long qu’un serpent. » La quatrième,
agacée, réplique en parlant de la queue : « L’éléphant est comme un chasse-
mouches. » Enfin, la cinquième hurle, la main posée sur la défense : « Cessez
de vous moquer du monde ! Un éléphant est aussi solide qu’un os ! »
De la même manière, nous parlons parfois de la même chose que nos interlo-
cuteurs, et partageons souvent leurs idées. Alors qu’est-ce qui pose problème ?
Souvent, notre manière de les exprimer ne correspond pas à leur
référentiel.
Chaque fois que je parle à mes parents de mon métier et de mes
projets d’avenir, je me heurte à l’incompréhension. La raison est
simple : pour mes parents et les personnes de leur génération, réussir,
c’est cocher un certain nombre de cases. CDI, achat de logement,

mariage, enfants, épargne-retraite… Mon choix de vie (entrepreneu-
riat, activités multiples, jamais au même endroit) constitue donc à
leurs yeux une menace pour ma réussite, selon leurs propres repères.
Derrière l’opposition se cache souvent la peur.
Pour les premiers d’entre nous à avoir peuplé la Terre, appartenir à 28/04/2023
un groupe était une nécessité. En être rejeté signifiait la condamna-

tion à mort. Nous avons gardé des séquelles de cette peur, transmise
de génération en génération. Nous craignons de remettre en cause
nos croyances, nos références, tout ce qui nous lie au groupe. Nos
idées bousculent parfois celles des autres, et même si c’est pour leur
plus grand bien, la première impression n’est pas toujours rassu-
rante. Exister, c’est prendre le risque de blesser. Or la communica-
tion est l’un des moyens les plus efficaces pour exister en blessant le
moins possible.
D’une personne à l’autre, un mot peut revêtir deux sens différents.
Prenons donc le temps de comprendre ce qui se joue chez l’autre
avant d’exprimer nos idées.
Le but n’est pas de s’exprimer, mais d’être écouté.
Vouloir convaincre, c’est poursuivre un but personnel. Cela génère
un win, pas un win-win. Autrement dit, c’est du gagnant, pas du
gagnant-gagnant. Mais vouloir être compris, c’est chercher le
dialogue. Fais donc le point sur ton intention avant d’exposer ton
idée.
Laisse à l’autre l’occasion de mieux te connaître avant de te
comprendre.
Ne dis plus pour dire. Analyse, ressens avant de parler.
Il est temps de réhabiliter le lien entre-temps et parole. La parole n’a
pas à être un débit rapide ; elle se doit d’être patiemment diffusée,
afin d’enrichir l’autre de ce que tu as à dire, pour qu’il ou elle l’en-
Introduction 21
tende, la comprenne, et soit libre de l’accepter ou pas. On le sent
dans les bons débats, une denrée de plus en plus rare.
À tous ceux qui ont des idées claires dans leur tête,
Mais qui ne parviennent qu’à délivrer un message flou.
À tous ceux qui se sentent incompris,
Ou qui se sont empêchés de parler, de peur de ne pas être compris,

Ainsi qu’à ceux qui parlent quand même, mais qui ne sont pas sûrs
d’être compris.
À tous ceux qui ont une intention bienveillante quand ils parlent à
l’autre,
Qui veulent prendre soin de l’autre, et d’eux-mêmes dans toute
situation de communication.
Ce livre est pour vous, si vous êtes prêts à vous poser, de nouveau,
cette question cruciale : parlez-vous pour avoir raison ou pour être
compris ?
Ici, le seul KPI (Key Indicator Performance, ou indicateur clé de
performance) est le plaisir d’échanger, l’intérêt de l’autre et de
soi dans la conversation. Et puisqu’il faut parler le langage de
l’autre, instaurons un nouvel indicateur : l’ICAS, l’Intérêt de la
Compréhension de l’Autre et de Soi.

Chapitre
1
Se connaître,
connaître l’autre
FAIRE PASSER UN MESSAGE:

DES GRÉSILLEMENTS SUR TOUTES LES LIGNES
Notre cerveau aurait une capacité de concentration limitée sur une
même tâche, ce qui signifie qu’il doit réaliser d’importantes écono-
mies d’énergie afin d’accomplir sa mission : glaner le maximum
d’informations sur son environnement, en utilisant le moins de
ressources possible4.
Pour y parvenir, le supercalculateur qui te permet de réfléchir fait des
choix sur ce qu’il perçoit, ce que tu entends, ce que tu comprends,
dès la naissance. Et au fil du temps, en fonction des expériences,
il affûte ses fonctions de compréhension, son mode d’écoute. Il se
fabrique une grille de lecture du monde, un décodeur en quelque
sorte, censé traduire tout ce que l’on te dit dans un langage qui lui
est propre. On peut donc considérer le vécu ou l’expérience comme
4. Bohler, Sébastien, Le Bug humain, Robert Laffont, 2019.
23
un système d’exploitation que la vie installe dans notre cerveau, et
que nous perfectionnons au fil du temps.
Le problème, c’est que nous ne vivons pas les mêmes expériences.
Et comme tu l’auras sûrement compris, nous n’installons pas le
même système d’exploitation, voire le même appareil. Seulement, 28/04/2023
nous ne le réalisons pas toujours.
Il ne te viendrait pas à l’idée de brancher un chargeur iPhone sur
un smartphone Android, ou de verser le lait avant les céréales. Cela
relèverait de l’absurde.
Pourtant, tous les jours, nous interagissons les uns avec les autres, et
nous tentons de faire comprendre notre point de vue aux autres, en
utilisant notre propre langage, façonné par notre référentiel person-
nel, notre propre chargeur, sans jamais nous demander si l’autre
comprend bien la même chose que nous, s’il utilise un chargeur
différent. Si l’on revient à l’histoire de l’éléphant racontée plus haut,
certains d’entre nous parlent de la trompe alors que d’autres n’ont
vu que les oreilles. Et le dialogue de sourds s’installe.
On ne s’en rend pas compte immédiatement. Généralement, cela
peut prendre quelques minutes avant que l’un des interlocuteurs ne
se rende compte que l’autre ne donne pas le même sens au mot
« épicé » ou « performance ». Dans des cas extrêmes, cela prend
des années : il nous est arrivé, à tous ou presque, de nous réveiller
un jour à côté d’une personne que nous pensions connaître, avec
qui nous pensions partager les mêmes valeurs, et qui se révèle en
fait une parfaite inconnue, parce que les mots « couple », « famille »
ou « ensemble » ne signifient pas la même chose pour elle. Ce qui
explique bien des quiproquos.

Tu vois ce que je vois?
Revenons à nos moutons : la faute est entièrement imputable au
cerveau. C’est lui qui enregistre le film de notre vie, en arrière-plan,
et qui, même quand nous pensons décider en toute conscience, tire
les ficelles 24
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd (de l’inconscient). 28/04/2023 14:53
Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie, a déterminé deux

systèmes de pensée qui, selon lui, définissent notre façon d’interpré-
ter ce que nous percevons et la manière dont nous y réagissons : le
système 1, caractérisé par l’intuition, et le système 2, défini par la
réflexion5.
Penchons-nous tout d’abord un instant sur le système 1 :
Intuitif, donc, le système 1 consiste pour le cerveau à réagir rapi-
dement aux situations auxquelles il est exposé. Il a l’avantage de
consommer très peu d’énergie. Or, nous avons vu plus haut que la
priorité numéro un du cerveau, sursollicité en permanence, était de
réaliser des économies d’énergie.
Lorsqu’il reçoit un message, sa première réaction sera donc dictée
par les expériences qu’il a vécues par le passé, et les leçons qu’il a
retenues.
Exemple : ton manager te fait une critique à propos de ton travail.
• Option 1 : la critique et toi, c’est, comment dire… une longue
histoire, qui peut remonter à l’enfance. Tu la prends très mal, et
ta première réaction est de te défendre à l’aide de plusieurs argu-
ments, même quand tu sens que ton manager a raison : « Je n’avais
pas toutes les infos/Je n’ai pas été bien briefé/J’ai eu très peu de
temps pour le faire. »
5. Kahneman, Daniel, Système 1/Système 2. Les deux vitesses de la pensée, Flammarion,

2016.
Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 25

• Option 2 : tu es certain(e) de ta valeur et de celle de ton travail. Tu
entends la critique, et si elle est fondée, tu rectifies immédiatement
le tir.
Dans les deux options, tu auras fait appel au système 1, celui qui
te permet de réagir dans l’instant. Si tu fais partie de ceux que l’on 28/04/2023
qualifie de « réactifs », c’est en réalité ton usage du système 1 que
l’on complimente.
À présent, passons au système 2 :
Ce dernier implique de réfléchir, d’analyser les éléments à ta dispo-
sition. Il consomme beaucoup plus d’énergie et de temps. Il consiste
à chercher ce qui, dans les mots de l’autre, a pu te heurter, ou ce qui,
dans tes propos, peut être mal reçu par l’autre. Il ne s’agit pas de se
lancer dans de la psychologie du dimanche, mais d’accepter, une
bonne fois pour toutes, que nous ne réfléchissons pas de la même
manière.
Je sais, c’est rageant. D’ailleurs, si ton cerveau te dit que c’est
rageant, c’est parce que admettre cela, c’est prévoir de réfléchir plus
longtemps lors d’une interaction, c’est glaner de l’information en
utilisant plus de ressources que d’habitude, c’est aller à contre-cou-
rant du fonctionnement automatique de nos neurones !
Voilà pourquoi il est important de te poser à nouveau la question sur
laquelle ce livre est fondé : entre parler pour parler et parler pour
être compris, qu’est-ce qui t’importe le plus ?
Le propos de cet ouvrage, c’est de t’aider à prendre le temps pour
être compris, plutôt que parler pour le seul plaisir de s’entendre
parler.

Les neuf éléments qui font que l’on mémorise
tonmessage
J’aime à penser que le message est comme une flèche, et pour qu’elle
puisse atteindre sa cible, il est important que celle-ci soit robuste et
résistante. 26
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 28/04/2023 14:53
Donc, arrêtons-nous sur la composition de cette flèche afin d’en

découvrir ses secrets.
Pour qu’il soit transmis et compris de la manière la plus efficace
possible, un message doit répondre à un certain nombre de critères.
J’en ai défini neuf :
• Le ressenti
Quelle émotion ressentira la personne qui m’écoute face au sujet
que je vais aborder ? Sera-t-elle en accord ? Appréciera-t-elle mes
idées, ou ces dernières risquent-elles au contraire de l’irriter ? Mes
propos risquent-ils de la mettre en colère ?
Le ressenti a bien plus de pouvoir qu’on ne l’imagine : il conditionne
l’écoute et la compréhension que l’autre aura de nos idées.
• Le contexte
Pour t’assurer qu’une personne comprenne aisément ton message,
tu dois à tout prix préciser le contexte, le cadre dans lequel ce
message va s’inscrire. Laisser l’autre faire ce travail seul est le meil-
leur moyen de perdre son attention.
• La vulgarisation
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement » (Nicolas Boileau).

On pourrait même ajouter que ce que l’on conçoit bien se comprend
facilement. Nous faisons souvent l’erreur de penser que ce qui paraît
simple pour nous l’est aussi pour les autres. Rendre notre message
accessible, le vulgariser, est une étape importante !
• La qualité de l’information
Structure, syntaxe, grammaire, figures de style : tu t’es toujours
demandé à quoi pouvaient bien servir les leçons ennuyeuses de fran-
çais au collège ? L’adolescent en toi a sursauté à la mention de ces
mots ? Ils servent à bien communiquer avec les autres ! S’y ajoutent
d’autres éléments comme la tonalité, le débit, le volume… Ce sont
des outils, ni plus ni moins, qui renforcent la qualité du message.
Bien sûr, il vaut d’abord mieux s’assurer que ces outils soient adap-
tés à ton interlocuteur.
• La légitimité de la personne qui porte le message

On imagine mal un mécanicien nous prescrire un médicament. De
la même manière, la légitimité que tu as par rapport à un sujet est un
élément essentiel pour ton interlocuteur. Elle influence sa perception
de ton message. Suis-je la personne la plus à même de transmettre le
message ? Ai-je les compétences, le statut, l’expertise, l’expérience
pour être crédible auprès de ceux à qui je transmets le message ?
• Le sens
Le sens est lié aux valeurs que chaque individu attribue aux choses
et aux idées. Elles sous-tendent, ou dépassent, le propos, car elles en
représentent l’objectif final. Le sens du tri sélectif, par exemple, est
la préservation de l’environnement. Le sens d’un message permet de
fixer un cap aux personnes à qui vous l’adressez.

• Les croyances
Chaque personne, par son éducation, par son cadre familial, sa
culture, ses expériences, a élaboré des croyances qui lui sont propres.
Celles-ci peuvent altérer de manière significative la manière dont
elle va recevoir le message. On peut déceler des signes d’intérêt ou 28/04/2023
de désintérêt, mais on ne peut malheureusement pas connaître avec
certitude les croyances d’une personne.
• La conviction de la personne qui porte le message

Pour que je puisse comprendre, il faut que je comprenne l’idée, et
que je croie en la personne qui m’en parle. La conviction à elle seule
ne suffira pas à faire comprendre un message, mais elle en constitue
un élément essentiel pour que la personne qui t’écoute s’y intéresse.
LES 9 ÉLÉMENTS
DE MÉMORISATION D’UN MESSAGE
La légitimité de la personne
qui porte le message
L’UTILITÉ
Le sens
Le contexte
Les croyances
MESSAGE
La vulgarisation
Le ressenti
La qualité de
l’information
La conviction de la personne
qui porte le message

EXERCICE
Parmi les neuf éléments, quels sont ceux auxquels tu ne prêtes pas
attention lorsque tu transmets un message?
Le ressenti.
Le contexte.
La vulgarisation.
La qualité de l’information.
La légitimité de la personne qui porte le message.
Le sens.
Les croyances.
La conviction de la personne qui porte le message.
L’utilité.
Quels sont ceux qui te paraissent essentiels et que tu souhaites à
présent mettre en place durant tes prochains échanges?
• L’utilité
Tu as peut-être remarqué que j’ai omis un élément : l’utilité.
Pourquoi ? Parce que l’autre va jauger l’intérêt de ton message
par rapport à l’utilité qu’il représente pour lui/elle. L’utilité est un
élément transversal.
« Si ça ne m’intéresse pas, pourquoi est-ce que je t’écouterais, pour-
quoi prêterais-je attention à ce que tu racontes ? En quoi ton message
est-il utile pour moi ? »
Comment l’autre va-t-il juger de l’utilité de ton message ?
Deux critères vont être essentiels à ses yeux :
• Importance du message : à quel point ce message est-il attendu par
la personne qui vous écoute ?
• Gravité du message : à quel point ce message va-t-il m’affecter ? À
quel point me touche-t-il ?
Plus l’importance du message est grande, plus les gens seront
attentifs.

Moins l’importance du message est grande, plus tu devras trouver
une manière de travailler ton message pour l’intéresser.
Attention
maximale
MESSAGE
beaucoup d’impact
Importance à quel point

il est attendu
L’UTILITÉ D’UN
MESSAGE à quel point
Gravité il m’affecte
MESSAGE
peu d’impact
Attention
minimale
Nos modes de fonctionnement:

c’est (presque) pas sorcier
L’anecdote qui suit va nous en dire plus sur les deux modes de fonc-
tionnement que j’ai décidé d’explorer dans ce livre. C’est l’histoire
d’un frère et d’une sœur qui ont été éduqués ensemble, ont reçu les
mêmes valeurs, et à qui l’on a transmis le même héritage intellectuel
et émotionnel.
Un jour, le frère devient papa. Avec enthousiasme, il fait part à sa
sœur de chaque étape du développement de son enfant. Mais l’ac-
cueil réservé à ses emportements par sa sœur ne le satisfait pas. Juge
plutôt :

Le frère (tout excité, accompagnant son SMS de smileys) : Tu ne devineras
jamais : il a fait ses premières dents !
La sœur (d’humeur égale, sans un seul smiley dans sa réponse) : Ah, il a
combien de mois ?
Le frère (un peu moins excité, légèrement impatient, glissant un seul smiley 28/04/2023
entouré de cœurs, l’enthousiasme baisse déjà) : Cinq mois ! Non mais tu

te rends compte ? C’est extraordinaire !!!
La sœur (toujours d’humeur égale, ajoutant un point à son SMS (!)) : Ah
oui, en effet, c’est à peu près la période à laquelle sont estimées les
premières percées. Même si ça arrive plus souvent vers neuf mois.
C’est donc logique que ça pousse à cinq mois.
Le frère (excédé, blasé, vexé) : Vas-y, c’est bon, tu ne comprends rien,
laisse tomber.
Sur ces mots, le frère hésite entre envoyer une réponse incendiaire et
couver son feu dans son coin.
Voici ce qui vient de se passer : le frère (profil Émotionnel) partage
une information qui a une forte portée affective pour lui. Ici, son
objectif est de diffuser sa joie et de recevoir une manifestation de joie
en retour. Logique ou pas, le fait que son enfant fasse ses premières
dents apparaît comme une confirmation de l’existence de cet enfant,
et le conforte dans son rôle de père. Il recherche une confirmation
supplémentaire à sa joie. Quant à la sœur (profil Pragmatique), elle
perçoit simplement l’information : pour elle, son frère la tient au
courant d’une avancée dans la croissance de l’enfant. Tout au plus,
c’est une information qui la rassure sur le bon développement de
l’enfant. L’un ne perçoit pas la normalité de l’information ; l’autre
ne perçoit pas le ressenti de son interlocuteur. Il y a des grésille-
ments sur la ligne.

Si la réaction de la sœur te donne des sueurs froides, alors tu fonc-
tionnes, la plupart du temps, sur le mode Émotionnel : tes émotions
sont le matériau grâce auquel tu te relies à l’autre.
Si, au contraire, c’est la réaction du frère qui t’étonne et te paraît
étrange, tu fonctionnes probablement la plupart du temps sur le 28/04/2023
mode Pragmatique. L’analyse est ton premier mode d’interaction,
bien avant le ressenti.
Sur la base de ces deux profils, nous allons essayer de comprendre
les ressorts de nos interactions, au travail, en famille ou avec nos
amis, et comment mieux appréhender l’autre pour mieux commu-
niquer nos idées.
EXERCICE
Voici un exercice pour établir l’état des lieux d’une situation de com-
munication:
1. Quelles sont les situations dans lesquelles tu as eu l’impression de
vivre cette sensation?
2. N’hésite pas à noter les sujets abordés. Comment as-tu ressenti ou
perçu la situation?
En famille Au boulot En couple Avec tes amis
Ta situation
Les signes
Ton ressenti

LA PENSÉE D’UN ÉMOTIONNEL EXPLIQUÉE
À UN PRAGMATIQUE
« Quoi ? Mais on ne peut pas ressentir tout ça !

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– Si, mais toi tu as la capacité émotionnelle 28/04/2023 14:53
d’une petite cuillère. »
J.K. ROWLING, HARRY POTTER ET L’ORDRE DU PHÉNIX.
Mots fétiches
Intuition, approche globale, sentiment, créatif, artistique, analo-
gique, sensibilité, sensation, émotion, vision.
Verbes favoris
Toucher, ressentir, émouvoir, transporter, engager, créer, aimer,
adorer, apprécier, vibrer, résonner, détester.
Ami(e) Pragmatique, rappelle-toi que ton alter ego Émotionnel n’en-
tend pas la même signification dans les mots que nous employons
au quotidien.
Cet exemple simple peut te faire entrevoir la logique émotion-
nelle : lorsque règne le chaos, le Pragmatique y voit un problème
à résoudre, tandis que l’Émotionnel y voit une source de création.
Le sens
Pour un Émotionnel, le sens, c’est le pourquoi. Ce qui lui importe,
c’est le chemin. La raison pour laquelle tu fais ce que tu fais. Peu
importe la destination : il peut se fixer un objectif, mais si le chemin
est agréable, peu importe que l’objectif soit amené à changer en
cours de route.

Le contexte
Pour un Émotionnel, nul besoin d’aller chercher l’info. C’est l’idée
qui compte. Un Émotionnel va s’arrêter devant une œuvre d’art, et
plutôt que de tenter de savoir, en premier lieu, qui l’a créée, à quelle
période de l’Histoire et à quel courant elle appartient, il ou elle va 28/04/2023
simplement se contenter d’être en admiration devant ce qu’il voit,
de ressentir pleinement ce qui s’y passe.
Devant un spectacle de magie, un Émotionnel va s’arrêter sur ce
qu’il ressent, plutôt que de chercher « le truc ».
La structure
Un Émotionnel va t’expliquer ce qu’il ressent. Il ne va pas structurer
la manière dont il ressent les choses. Pour décrire un événement, il
va mettre en avant les sensations que cet événement a provoquées
en lui. Sa structure est fondée sur ses émotions : il va hiérarchiser
l’information en fonction d’elles, des plus fortes aux moins fortes.
Le ressenti
Tourné vers le souci de l’autre, de ce que partage l’autre en priorité,
l’Émotionnel va accorder son attention à son ressenti et à celui de
son interlocuteur. C’est seulement lorsque ce ressenti est partagé
qu’il se sent en harmonie, en phase avec l’autre.
La qualité de l’information
L’Émotionnel ne va pas aller chercher la source de l’information
d’entrée de jeu. Il accorde du crédit à ce qui lui fait ressentir, vivre
quelque chose.

La légitimité
Alors qu’un Pragmatique va accorder de l’importance à l’expé-
rience et à l’expertise de l’autre, un Émotionnel va lier la crédibilité
de son interlocuteur à la sincérité de l’histoire, et à sa capacité à
prouver que ce qu’il dit est vrai. Dans un entretien, un Émotionnel 28/04/2023
va donner sa chance à quelqu’un qui n’a pas le diplôme requis.
L’apport
L’Émotionnel est porté sur la curiosité de l’autre. Ce que l’autre lui
apporte, c’est une autre manière de vivre les choses.
Les valeurs
L’Émotionnel va vivre des choses de manière clivante : soit ça le
touche, soit ça ne le touche pas. Son système de valeurs est malléable.

LA PENSÉE D’UN PRAGMATIQUE EXPLIQUÉE
À UN ÉMOTIONNEL
«Touts’explique,riennesejustie.»
ALFRED CAPUS
Mots fétiches
Concret, réfléchi, logique, rationnel, analytique, problème, solu-
tion, étapes, objectif, résultat.
Verbes favoris
Clarifier, structurer, organiser, questionner, compter, analyser,
rationaliser, résoudre, répondre, baliser, établir.
Le sens
Construire un puzzle, c’est rassembler des pièces pour essayer de
composer une image. Au départ, c’est compliqué, mais au fil du
temps cela devient plus facile, parce que l’on a acquis une vision
d’ensemble de l’image. Mais s’il manque une pièce, on ne pourra
s’empêcher de ne voir que le vide qu’elle laisse.
C’est exactement comme cela que fonctionne un Pragmatique. Il a
besoin d’avoir à disposition un ensemble de pièces, qui lui permettent
de construire une image complète de la situation qu’il vit. S’il lui
manque ne serait-ce qu’une pièce, il ne pourra voir l’image globale
et s’en satisfaire. Un Pragmatique est un prof de mathématiques en
puissance. Il a besoin de toutes les données nécessaires pour appré-
hender une information.
Tout fonctionne comme dans une équation : il n’est pas accep-
table, pour le Pragmatique, que l’inconnue reste une inconnue.

Alors qu’un Émotionnel préférera la fresque globale au détail, le
Pragmatique prêtera attention à la pièce manquante du puzzle. Si tu
ne lui proposes aucune solution pour combler ce vide, son système
affichera « erreur 404 » et le dialogue sera compromis.
Le Pragmatique a besoin de comprendre la logique de ce que tu lui 28/04/2023
racontes, c’est-à-dire le lien entre tous les éléments d’information
que tu lui fournis. Ce n’est pas avec lui que tu pourras passer du coq
à l’âne, à moins de dénommer ce qu’il y a entre les deux. S’il ne sait
pas où il va, ou s’il ignore les étapes qui y mènent, le Pragmatique
est complètement perdu.
La structure
Un Pragmatique a besoin que l’information soit hiérarchisée de
manière qu’il comprenne son cheminement. C’est la manière d’ame-
ner ta réponse qui compte : situation initiale, progression, situation
finale. Là où l’Émotionnel s’arrête sur l’importance de son intui-
tion, de ses sentiments et de l’aspect créatif, le Pragmatique aura
besoin de faits, de chiffres, d’études, de statistiques, d’informations
qui légitiment l’information que tu lui donnes. Des arguments d’au-
torité, des études, des éléments qui corroborent ce que tu racontes.
Le ressenti
Le Pragmatique peut te paraître froid. En réalité, c’est une personne
qui a besoin de comprendre, d’être rassurée pour pouvoir te donner
le meilleur d’elle-même. Elle n’est pas dénuée d’émotions, mais ces
dernières doivent intervenir en temps voulu, dans un cadre précis.
Si elle comprend ce que tu lui racontes, si elle comprend ce que tu
lui demandes dans tous les détails, elle sera heureuse de t’écouter.
Mais s’il lui manque l’un de ces éléments, elle ne comprendra pas
ce que tu lui racontes, et elle aura la sensation de perdre du temps.

Or le temps est une valeur essentielle pour la personne Pragmatique.
Elle peut t’accorder un temps, mais un temps spécifique, qui a pour
but d’être efficace. Un comptable t’accordera une heure, pas une
de plus : c’est un métier hautement pragmatique. Un médecin peut
t’accorder une heure et demie, si le besoin s’en fait ressentir : c’est
un métier qui laisse place à l’interaction émotionnelle.
La qualité de l’information
L’information est vérifiable, elle est précise, elle est crédible, et
elle s’appuie sur quelque chose de tangible, de concret. Des faits,
des statistiques, des études ! Un coach va te donner des idées, des
concepts qui te permettent de mieux te comprendre. Un docteur en
neurosciences va te parler des expériences qu’il a menées, de ce qu’il
a constaté. Pourtant, les deux étudient de la même façon : en tirant
des conclusions de faits qu’ils obtiennent à force d’observation et de
recherches.
La légitimité
Es-tu qualifié(e) pour lui délivrer ce message ? Si ce n’est pas le cas,
ce que ce que tu proposes est-il assez riche, assez fourni, pour qu’il
t’accorde du crédit ? Si tu parles d’un domaine qui n’a rien à voir
avec l’expertise de ton interlocuteur, tu dois fournir des preuves.
Si tu n’es pas la référence sur ce sujet, le but de ces preuves sera
non seulement de lui démontrer que tu as cherché les informations
susceptibles de le rassurer, mais en plus de souligner le fait que tu
n’es pas expert du sujet, donc honnête, sans pour autant le noyer
d’informations.

L’apport
Qu’est-ce que ça va changer ? Qu’est-ce qu’on va y gagner ? Quelles
sont les données, les datas ? Quel est le bénéfice immédiat ? Le résul-
tat ? Telles sont les questions qu’un Pragmatique va se poser. Aussi,
si tu occupes une fonction aux contours assez difficiles à cerner, 28/04/2023
comme chief happiness officer, tu devras fournir des KPI sur la capa-
cité de travail, la productivité, le taux de démission, la visibilité de
l’entreprise à l’extérieur. Si tu es community manager et que tu parles
d’Instagram comme outil de visibilité, tu auras à prouver l’efficacité
de ce média en termes de performances.
Les valeurs
Le Pragmatique porte des valeurs bien ancrées, il ne tergiverse pas.
Il peut parfois faire preuve de rigidité. Il peut donc être complète-
ment impossible d’échanger sur un sujet qui met en doute son socle
de valeurs.

EXERCICE: CONVERSATION
DU TROISIÈME TYPE
Lorsque je viens vers mon père, tout heureux à l’idée de partager
avec lui l’expérience incroyable que je viens de vivre durant un atelier
en entreprise, cela donne lieu à un échange assez drôle (que j’ob-
serve sur le
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 40 moment, avec plaisir): 28/04/2023 14:53
Moi (surexcité) : Aujourd’hui, j’ai animé un atelier auprès des col-

laborateurs d’une entreprise. L’objectif était de leur faire prendre
conscience du sens de leur culture d’entreprise. J’ai adoré, c’était
intense!
Mon père (curieux): Ah, et en quoi ça consiste, cet atelier? Ça sert à
quoi?
Moi (animé) : Ça leur permet de prendre conscience de leur rôle
dans la vision de l’entreprise. Cela a l’effet d’un électrochoc, car on
ne suit pas un créateur d’entreprise pour ce qu’il fait, mais pour les
raisons qui lui font faire ce qu’il fait. En réalité, on suit le «pourquoi».
Mon père (un peu perdu, cherchant à me retrouver): Mouais, je ne
vois pas très bien où tu veux en venir mais concrètement, c’est quoi
les bénéces?
Moi (passionné, enammé) : Eh bien, ça permet d’avoir plus qu’un
poste, quoi. D’adhérer à une mission, de donner un sens à ce que l’on
fait, d’être er de faire partie d’une grande aventure, de se montrer
plus engagé envers l’entreprise.
Mon père (légèrement agacé): Oui, bon, en même temps, quand je
vais au boulot, c’est pour bosser, non? Je suis payé pour ça, c’est un
peu normal… bon, et tout ça, ça mène à quoi?
Moi (toujours animé): Comme je te l’ai dit papa, un engagement plus
fort de la part des collaborateurs. Ils croient en ce qu’ils font et au
sens de leur métier.
Mon père (impatient, cherchant à conclure): Tu les as motivés, quoi…
c’était une réunion de cohésion d’équipe.
En qui vous reconnaissez-vous le plus dans cet échange ? Qui des
deux interlocuteurs pense plutôt de façon pragmatique, et qui est
plutôt émotionnel?

TOUS BIAISÉS?
Te voilà informé sur les deux modes de pensée. À ce stade, tu entre-
vois peut-être celui que tu privilégies le plus souvent dans tes inte-
ractions. Un test t’attend à la fin de ce chapitre, mais n’allons pas si
vite ! Avant cela, je me suis dit qu’une information supplémentaire 28/04/2023
te serait utile.
En bon(ne) collègue, ami(e) ou proche, tu t’efforces de faire preuve
de clarté, de te faire comprendre des autres. Mais souvent, tu restes
sur ta faim, et les autres en question aussi. Ce n’est pas uniquement
parce que tu les as mal compris, ou que tu ne les as pas assez analy-
sés. Il existe un autre obstacle, plus insidieux, à la bonne compré-
hension de tes propos par tes interlocuteurs. Il est logé à l’intérieur
de ton cerveau, dans sa façon de traiter et de restituer l’information.
Cet obstacle, c’est le biais cognitif : il te fait croire que tu t’exprimes
avec le plus de clarté possible, et que soit l’autre te comprend parfai-
tement, soit il/elle fait semblant de ne rien comprendre.
Voici les biais les plus fréquents et leur manifestation sur les deux
profils que nous avons explorés :
• Le biais de connaissance absolue : le Pragmatique n’envisage

plus toutes les options car il pense les avoir déjà explorées. Il est
convaincu de déjà tout connaître, d’avoir un niveau d’expertise et
de connaissance plus abouti que le tien. Il possède une connais-
sance, certes fondée, mais uniquement liée à son expérience, qu’il
va porter au rang de connaissance absolue.
• Le biais de négativité : le Pragmatique ne voit pas l’image dans

son ensemble, mais dans les détails. Là où l’Émotionnel va plutôt
voir la destination, le Pragmatique voit le chemin, et toutes les
étapes du chemin, y compris les obstacles, surmontables ou non.
Il ne s’agit pas pour lui de s’attendre au pire pour éviter d’être déçu

(il s’en fiche, en général), mais plutôt d’un principe de précau-
tion qui constitue sa principale force : le Pragmatique notera le
manque d’informations, le danger potentiel, ce qui peut donner
une impression de négativité.
• Le biais d’étiquetage : se produit lorsque ton interlocuteur t’a 28/04/2023

associé à une qualité particulière, positive ou négative (« Tu es

un(e) sensible, toi/Tu es très réfléchi(e)/Tu es borné(e), de toute
façon… »), ce qui peut ainsi fausser la réception de ton message.
Ce biais fonctionne très bien avec l’Émotionnel !
• Le biais de confirmation sociale : l’Émotionnel accorde beaucoup

d’importance à ce que les gens pensent et ressentent. Et donc, si
les gens pensent quelque chose sur un sujet ou une personne, il
est possible qu’il soit influencé par leurs propos pour forger son
propre avis.
• Le biais de l’autruche : la personne ne veut pas voir autre chose

que ce qu’elle croit, toute autre idée ne peut être entendue à partir
du moment où cela ne confirme pas son avis. Ce biais est valable
pour les deux profils.
• Le biais de confirmation : l’Émotionnel, tout comme le

Pragmatique, ira chercher tout ce qui va dans son sens, lui fait du
bien, le conforte dans ses propres croyances. Ce qui est familier le
rassure, le groupe le réconforte. Il jugera avant même de connaître.
• Le biais de projection : l’Émotionnel projette son schéma de

croyances, héritées du passé, sur des situations présentes.
• L’effet Ikea : de retour de la fameuse enseigne suédoise, on s’em-

presse de monter le meuble nouvellement acheté. Une fois assem-
blé, on ressent la fierté de la tâche accomplie. Pourtant, combien
de personnes ont acheté et monté ce meuble avant nous ? C’est fou

comme nos réalisations personnelles peuvent apparaître comme
des exploits (à nos yeux), revêtir une valeur exceptionnelle (pour
nous), souvent beaucoup plus importante que dans la réalité.
• Le biais de l’écho : si l’histoire que tu racontes rappelle à l’Émo-

tionnel un
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 43 épisode de sa vie, il va avoir la sensation de comprendre 28/04/2023 14:53
totalement ce que tu dis. L’avantage est que cela lui confère

une empathie hors du commun ; le risque est que l’Émotionnel
comprenne ou interprète mal tes propos.
• Le biais d’ancrage : la première impression est toujours la bonne.

La première expérience conditionne la façon dont seront reçues
toutes les autres.
• L’effet Dunning-Kruger : c’est l’effet de confiance exacerbée,

qui fait croire que la détermination, l’ambition ou l’envie suffisent
à tout. C’est ce qui arrive à cet ami qui a lu Les Quatre Accords
toltèques6 et qui se croit prêt à devenir coach. Pour faire simple :
quelqu’un qui sait peu mais qui pense tout connaître… Ce biais
complète assez bien le biais de confirmation. Côté Pragmatique,
cet effet donne l’impression que parce qu’on a regardé un repor-
tage sur Arte, lu des avis d’expert sur le Covid-19, on est à même
d’émettre un avis éclairé sur cette question.
• L’escalade de l’engagement : elle intervient quand on a tellement

investi dans un projet qu’on ne se voit pas l’abandonner.
• Le biais de diffusion de la responsabilité : il s’agit, pour une

personne, de déplacer la responsabilité d’une action préjudiciable
vers une autre personne ou une autre instance.
6. Ruiz, Don Miguel, Les Quatre Accords toltèques, Éditions Jouvence, 2005.

• Le syndrome du chevalier sauveteur : il s’agit du fait de vouloir à
tout prix aider, sauver quelqu’un. Si la cause que tu plaides touche
un Émotionnel, il ressentira le besoin de t’aider. Se servir de ce
biais, c’est s’adonner à une forme de manipulation. La nature de la
manipulation dépend donc de l’intention qui la nourrit : certaines
personnes n’agissent, à un certain stade de leur vie, que si on les
pousse dans une certaine direction.
EXERCICE:
JE ME SUIS FAIT BIAISER!
Parmi les quatorze biais cités ci-dessus, lesquels te semblent les plus
récurrents dans ta vie (à ton insu)? Essaie de trouver un exemple qui
vient illustrer un biais qui aurait faussé ton raisonnement/ton ressenti.
En famille Au boulot En couple Avec tes amis
Le biais
La situation
à laquelle tu
penses

TEST: ES-TU UN ÉMOTIONNEL
OU UN PRAGMATIQUE?
L’objectif de ce test est de te donner une vision de ton état d’esprit à
un instant T, un mécanisme de pensée que tu privilégies naturelle-
ment, spontanément,
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 45 à une période particulière et dans un contexte 28/04/2023 14:53
donné. Ce mécanisme peut évoluer, voire complètement changer au

fil des années et de tes expériences.
Afin d’évaluer de manière générale ton mode de fonctionnement et
le type d’informations auxquelles tu es sensible, je te propose ce test.
Son objectif : sans t’assigner un mode de fonctionnement défini, il te
servira d’indicateur pour déterminer ta façon de réagir au quotidien.
Il est donc important d’y répondre de manière spontanée.
Question 1 : Lorsque tu écoutes quelqu’un parler de ses vacances,

tu préfères :
A. Qu’il ou elle te donne les détails (destination, activités, choses à
retenir).
B. Qu’il ou elle t’explique comment ces vacances ont été vécues,
ressenties (moments de joie), ce qui l’a émerveillé(e), touché(e), ce
qu’il ou elle a détesté.
Question 2 : Quand tu discutes avec quelqu’un :

A. Tu aimes être précis dans tes propos, et expliquer tes idées de
manière logique.
B. Tu aimes pouvoir raconter ce que tu as vécu, fournir des détails
importants, faire ressentir tes propos à l’autre, lui faire presque vivre
ton expérience.

Question 3 : Si on te dit : « On part en vacances demain », quelle est
ta première réponse ?
A. « Yes, je suis partant(e), ça me tente trop. »
B. « On va où, on fait quoi, on part combien de temps ? »
Question 4 : Qu’est-ce qui te stresse le plus lorsque quelqu’un te

raconte une histoire ?
A. Quand je ne comprends pas où il/elle veut en venir et qu’il/elle
se perd dans les détails.
B. Quand il n’y a pas de vie dans ses propos et que l’histoire ne
suscite aucune émotion.
Question 5 : Quelqu’un te demande son chemin. Comment

l’aides-tu ?
A. Tu donnes des repères : boutique, banque, square, enseigne,
couleurs… Parce qu’on en a besoin pour être sûr(e) de ne pas se
tromper.
B. Tu parles en termes de distance, de feux, de panneaux d’indica-
tion (à cent mètres, tournez à gauche, au feu, prenez sur la droite,
style GPS). Parce qu’on en a besoin pour s’y retrouver facilement.
Question 6 : À l’école, quelles étaient tes matières préférées ?

A. Français-Anglais-Dessin.
B. Mathématiques-Physique-Chimie.
C. Dessin-Sport.

Question 7 : Parmi ces adjectifs, quels sont ceux qui te corres-
pondent le plus ?
B. Sensible.
A. Précis.
B. Intuitif.
A. Réfléchi.
B. Artiste.
A. Logique.
B. Emphatique.
A. Analytique.
Question 8 : Scène de ménage. Après une dispute, vous décidez de

faire le point ensemble. Comment gères-tu la discussion ?
A. Tu rappelles le contexte, identifies la cause du problème,
expliques les conséquences de celui-ci, et proposes une solution (ou
pas).
B. Tu exprimes ce que tu ressens, ce que tu as sur le cœur, en prenant
le temps de bien faire comprendre à quel point cela t’a touché(e), en
utilisant des exemples et en établissant des parallèles avec d’autres
situations vécues.
C. Tu boudes et tu bouges.
Question 9 : C’est le moment de faire tes courses. Tu es plutôt du

genre à :
A. Établir une liste vague dans ta tête, et te laisser la liberté de choi-
sir ou d’être tenté(e) une fois en magasin. La liste se précisera au fil
des rayons.

B. Prioriser : tu as fait ta liste avant de partir, tu sais exactement
ce qui manque et ce dont tu as besoin. Pas question de perdre du
temps !
Question 10 : Je te demande de me prêter de l’argent. C’est pour 28/04/2023

réaliser mon rêve de gosse. Tu me demandes :

B. Combien il te faut ?
A. C’est quoi ton rêve de gosse ?
Question 11 : Un des membres de ta famille a eu un accident (que

je ne lui souhaite pas). Quelle est la première question que tu lui
poses ?
B. Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
A. Comment vas-tu ?
B. Qu’est-ce qui s’est passé ?
B. Est-ce qu’il y a eu d’autres blessés à part toi ?
A. Comment te sens-tu ?
Question 12 : Que penses-tu de ce test ?

A. Ça n’avait ni queue ni tête !
B. C’était marrant !
Question 13 : Tu dois convaincre tes amis d’aller voir un film au

cinéma. Quels sont tes arguments ?
A. Il y a de très bons acteurs.
B. Le suspense, la peur, ou la joie : le film est riche en émotions.
B. Les effets spéciaux sont déments.

B. Le film a un sens, un message.
B. Ce film, tu le sens bien.
A. On t’en a dit beaucoup de bien.
A. Les critiques sont dithyrambiques.
A. Il est bien noté sur AlloCiné.
Question 14 : Qu’est-ce qui te dissuade d’écouter quelqu’un ?

A. C’est long…
A. Ça ne t’intéresse pas.
B. Tu ne ressens rien.
B. Tu ne comprends pas où il/elle veut en venir.
Question 15 : Le racisme, c’est :

A. N’importe quoi.
B. Un problème de société.
A. Honteux. Comment peut-il encore exister de nos jours ?
B. Une idéologie partant du postulat qu’il existe des races différentes.
Question 16 : Tu te sens frustré(e) quand :

A. Tu ne sais pas comment résoudre un problème.
B. Tu fais toujours la même chose.
Question 17 : 1+1=3.
B. Et donc ?
B. Ce n’est pas possible.
A. Pourquoi pas !

Question 18 : Quelle est ta couleur préférée ?
A. Rouge
B. Vert
C. Bleu
D. Orange
E. Noir
Question 19 : Tu vas au restaurant, tu commandes un plat, et dix

minutes plus tard le serveur revient pour te dire que ton plat n’est
plus disponible. Comment réagis-tu ?
A. Tu es perdu : tu n’avais pas prévu de devoir choisir autre chose.
B. Tu reprends la carte et tu analyses les autres possibilités.
A. Tu ne sais pas quoi prendre, parce que le choix du premier avait
déjà été très difficile.
A. Tu prends la même chose que les autres parce qu’ils te disent que
c’est bon.
Question 20 : Quelle est le meilleur dessin animé d’enfance (ou

manga pour les puristes) du monde ? (Je sais, le choix va être diffi-
cile et risque de t’amener à de longues heures de réflexion.)
X. Dragon Ball Z
Y. One Piece
Z. Naruto

Résultats
Si tu as un maximum de A, il est fort probable que tu aies une forte
tendance à réfléchir de façon pragmatique. Cela ne veut pas dire
que tu es totalement dénué d’émotivité, mais selon la situation, le
moment, les personnes en face de toi, tu t’appuies plus naturelle- 28/04/2023
ment sur la réflexion logique.
Si tu as un maximum de B, il est fort probable que tu aies une forte
tendance à réagir de façon émotionnelle. Cela ne veut pas dire que
tu n’es pas capable de réfléchir de manière pragmatique, mais selon
la situation, le moment, les personnes en face de toi, ton premier
réflexe est de t’appuyer sur tes émotions.
Si tu as choisi des réponses C, D, E, X, Y, Z, je suis heureux pour
toi mais cela n’influe pas les résultats du test, elles ont juste pour but
de te laisser plus de choix ou de te divertir !
Mais alors, Émotionnels et Pragmatiques peuvent-ils se comprendre ?
Comment leurs idées peuvent-elles se rejoindre, s’ils ne parlent pas
la même langue et que chacun voit de l’importance là où l’autre ne
la voit pas nécessairement ?

Chapitre
2
Les cercles
de l’échange
S’ALIGNER AVEC SOI-MÊME POUR SE RENDRE

DISPONIBLE À L’AUTRE
Tout est question d’alignement. Avant même de pouvoir transmettre
un message, il est important de savoir si nous sommes alignés avec
ce que nous allons dire. C’est la condition sine qua non pour être
ensuite entièrement tourné vers l’autre. Car rappelons-le : le secret
d’un échange réussi, c’est l’ouverture à l’autre.
Être aligné avec ses propos, c’est être en accord, dès le départ, avec
l’idée que nous allons transmettre. Ce n’est pas toujours le cas : pour
s’en assurer, il suffit de constater comme nous pouvons laisser les
doutes de l’autre nous « contaminer ». Car ces doutes ne font, fina-
lement, que révéler nos propres doutes.
Il faut donc nous assurer d’être convaincus, en accord et en paix
avec nos positions, nos propos. Cela permet d’éviter d’interpréter
les réactions et les propos de l’autre en fonction de nos propres
53
craintes, de nos propres émotions, de nos envies, de nos désirs, de
notre compréhension des choses. Et de s’ouvrir à la manière dont
l’autre peut penser. Tout doit être tourné vers l’autre !
Prends le temps d’observer ton interlocuteur. S’il s’agit d’une
personne que tu as rencontrée récemment, un collègue ou une 28/04/2023
nouvelle amie, avant de lui transmettre un message important,
prends le temps de le/la regarder en action. Est-ce qu’il ou elle
manifeste de l’agacement, fait la moue, fronce les sourcils dès que
tu l’interpelles ?
Faisons une petite mise en application :
Je te propose de parler à un(e) ami(e) de deux sujets. Ton objectif est
de lui faire comprendre en quoi ils consistent.
• Le premier : l’intérêt du théorème de Pythagore dans ta vie.
• Le second : un sujet qui te tient à cœur et dont tu es convaincu(e).
Voici la procédure à suivre ensuite :
• Demande à ton ami(e) quel sujet il/ elle a préféré. Qu’est ce qui lui
a plu dans tes propos ? Comment a-t-elle reçu le message, ressenti
ta conviction/ta voix/tes gestes ?
• Demande-toi dans quel sujet tu t’es senti(e) le/la plus investi(e).
Comment l’as-tu ressenti ? Dans quelle mesure ce sujet a-t-il eu le
plus d’impact sur toi ?
Il y a fort à parier que le théorème n’ait pas fait le poids face à ton
sujet « cœur ». Non pas parce que tes propos sont plus vrais dans un
sujet que dans l’autre, mais parce que ta conviction a plus d’inten-
sité sur un sujet que sur un autre. Parce que ce sujet est en lien avec
tes principes, tes valeurs, ton identité, tes croyances.
En étant aligné, vous augmentez la solidité des propos que vous
allez émettre, ils ne seront pas meilleurs, pas plus détaillés, juste plus

vous et ça, ce n’est peut-être rien pour vous, mais pour moi, ça fait
beaucoup (pensée librement inspirée de France Gall).
VOUS
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Chapitre 2 : Les cercles de l’échange 55

Si tu souhaites creuser davantage ce sujet, je t’invite à découvrir le
modèle des niveaux logiques de Robert Dilts, consultant et cher-
cheur américain7 .
Essayons à présent une seconde mise en application :
Imagine que tu es Robin des bois.
Tu dois décocher une flèche, et cette flèche, c’est ton message. Ta

cible est à plus de cent mètres (sinon, ce serait trop facile). Et pour
corser les choses, plusieurs obstacles se dressent entre ta cible et toi.
• À quoi penseras-tu ?
• Sur quoi vas-tu te concentrer pour toucher ou atteindre ta cible ?
• Si ton interlocuteur est ta cible, que ta flèche est le message, et que
les obstacles se composent de la situation de communication et
des filtres utilisés par l’autre, comment envisages-tu la situation ?
Ton objectif : ne pas seulement toucher la cible, mais viser le centre
pour être certain(e) d’atteindre le niveau de compréhension idéal.
Ton point de départ : ce n’est ni ton arc, ni les obstacles, mais ton
intention, le but de ton message, ce que tu souhaites transmettre.
Tout doit être tourné vers l’autre.
L’intention étant vérifiée, vécue et confirmée, tu bandes ton arc,
tu vises avec précision ta cible, tu souffles et tu décoches ta flèche.
Celle-ci part, portée par toute la force de ton intention tournée vers
l’autre et de ta conviction.
Dès le départ, elle doit traverser le premier obstacle, le premier
cercle.
7. Dilts, Robert, Changer les systèmes de croyances avec la PNL, Paris, InterEditions Dunod,
2006.

PREMIER CERCLE: LA SITUATION
La situation est le lieu où se déroule ton interaction : es-tu au travail,
à la maison, en soirée avec des amis, en dîner de famille ? La situa-
tion nous donne le cadre dans lequel le message est transmis, condi-
tionne déjà en partie la manière dont ton message va être reçu, quel 28/04/2023
degré de puissance il pourrait avoir.

Selon la nature de la situation, ton investissement émotionnel sera
différent. Cela est valable aussi bien en famille, au travail que dans
un cercle d’amis. Voici quelques-uns de ces critères qui peuvent te
permettre d’analyser la situation :
• L’intérêt de l’autre par rapport au sujet : est-ce que c’est un sujet
qui lui plaît, est-ce que l’autre y gagne quelque chose ?
• La nature de votre relation, qui déterminera les filtres avec lesquels
ton interlocuteur décidera de t’écouter ou pas. Par exemple, un
membre de ta famille ou de ton entourage le plus proche usera de
moins de filtres et se permettra d’être plus sincère. En clair, si ce
que tu dis ne l’intéresse pas, il ne se gênera pas pour te le dire.
• Le temps que l’on a à t’accorder.
• La complexité du sujet : suis-je capable de comprendre ce que
l’autre me raconte ?
• Le degré de réticence par rapport au propos : ce dernier est défini
par les valeurs, les croyances, l’expérience que l’autre a pu avoir
de la vie ou de ce sujet en particulier, les connaissances qu’il en a.
Attention : tous les éléments de ce premier cercle auront un impact
sur les cercles suivants.
Par exemple, nous ferons plus d’efforts pour faire comprendre notre
propos et notre univers à nos amis et à nos collègues plutôt qu’à
notre famille, qui en principe nous aime indépendamment de nos
différences, et souhaite seulement passer du temps avec nous.
Le cercle suivant est donc étroitement lié à celui-ci.
DEUXIÈME CERCLE: LE CONTEXTE
Je sais, contexte et situation désignent la même chose. Mais ici,
j’ai choisi de les séparer, parce qu’une même situation (le dîner de
famille, par exemple) peut donner deux contextes différents (les
membres de la famille sont en conflit, ou l’un des membres a un 28/04/2023
problème, ou encore l’atmosphère est plus à la rigolade qu’aux

discussions sérieuses).
J’ai rencontré Ali il y a deux jours, lors d’une conférence sur la
communication. Nous avons tout de suite accroché, et, très vite, j’ai
décidé de le présenter à mon cercle d’amis.
Ali est quelqu’un de très extraverti. Il salue les autres avec une acco-
lade franche, et aime parler avec les autres. Il a un très bon sens de
l’à-propos, ce qui me plaît beaucoup ; mais cette qualité le pousse à
mettre souvent les pieds dans le plat et à allonger la conversation sur
des sujets fâcheux ou gênants afin d’expliquer son point de vue ou
solliciter celui des autres. Bien que cela parte d’une bonne intention,
dès les premières soirées, ce trait de caractère n’a pas plu à mon
cercle d’amis. Nous avons l’habitude de survoler certains sujets, de
ne pas nous y attarder. Alors Ali passe soit pour « l’intello-bobo »,
soit pour le « relou », soit pour « l’intello-bobo-relou » de service, au
choix.
Aussi, lorsque je tente de défendre l’idée qu’Ali a sa place dans
notre groupe, je ne convaincs pas grand monde. Non pas à cause de
la faiblesse de mes arguments, mais parce que l’opinion de départ
est déjà biaisée, le contexte est déjà fixé. Il me faudra une autre
approche.
Le contexte dans lequel se joue la communication est déterminant
pour la compréhension de ton message.
Le contexte, ou le cadre, détermine l’attention que l’autre va
porter à ton propos et sa réceptivité. Quand, voulant aider ma sœur

à développer son activité d’hypnothérapeute indépendante, j’essaie
de lui expliquer en quoi poster de manière régulière sur les réseaux
sociaux peut l’aider à se faire connaître et à attirer plus de clients,
elle se braque, n’étant pas très portée sur les vidéos et les réseaux
sociaux. Plus que cela, elle me rembarre ouvertement. Parce qu’elle
sait que notre relation n’en sera pas impactée.
Le contexte est également lié à l’atmosphère qui règne autour de
l’interaction. Est-ce le bon moment ? Faut-il reporter la discussion à
un autre contexte, plus détendu ? Te trouves-tu en terrain « neutre »
(c’est-à-dire dans un contexte sans enjeu : pas un dîner de famille où
tous les regards seront tournés vers toi, pas une réunion importante
au travail, pas une partie de bowling avec les amis) ? Quelle est
l’humeur de ton interlocuteur ?
Le contexte est défini par ceux qui influencent ton interlocuteur.
Le degré d’écoute dépendra donc de l’entourage avec lequel tu te
trouves, de la communauté, qu’elle soit autour de vous ou que son
aura plane au-dessus de vous, parce que vous faites partie du même
groupe.
Garde donc en tête que même si nous sommes indépendants les
uns des autres, nous faisons partie d’un tout. Là-dessus, cela vaut la
peine de se poser quelques questions :
• Quelle est ta place dans le groupe ? Quel est ton degré d’expertise
sur le sujet par rapport à ton interlocuteur ?
• Êtes-vous seuls, êtes-vous au sein d’un groupe ?
Pour illustrer ces questions, tu peux t’imaginer en face d’une
personne que tu considères comme experte dans votre domaine
commun. Au milieu d’un groupe, cette personne aura tendance à
moins s’affirmer que devant toi. Ces changements sont liés à la posi-
tion que tu tiens dans le groupe. Les enfants connaissent bien cela,
eux qui se classent d’emblée parmi les « grands » ou les « petits »
selon leur rang d’âge ou de classe.

TROISIÈME CERCLE: L’INVESTISSEMENT
ÉMOTIONNEL
L’investissement émotionnel réside dans l’affection que nous éprou-
vons pour la personne à qui nous transmettons le message. Elle
réduit ou amplifie
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 59 la force de notre message, le rendant plus doux 28/04/2023 14:53
ou plus dur selon nos relations. Selon notre vécu, nous sommes plus
directs ou plus tendres avec nos proches, et plus distants ou plus
concrets avec les autres. Il est important d’avoir conscience que le
lien émotionnel a une incidence sur la manière dont tu vas t’adresser
à l’autre. C’est donc un cercle auquel il faut prêter une attention
particulière, car il recèle des pièges émotionnels bien cachés (une
animosité non assumée, une critique ancienne que l’on n’a pas digé-
rée, une affection particulière).
Si ta mère te dit « Tu ferais mieux de t’y mettre », tu ne réagiras pas
de la même manière que si c’est ton manager qui te le dit.
Lorsque ma compagne me fait une remarque sur ma façon de faire
mon travail, j’ai tendance à l’entendre sans y prêter attention, parce
qu’elle ne fait pas figure d’autorité dans mon domaine. Pourtant,
une personne qui fait partie du même domaine d’activité que moi
peut me faire la même remarque et j’y serai plus attentif. Ce qui,
évidemment, crée des tensions.
Il est donc essentiel de prendre en compte le lien entre toi et l’autre.
Non pas pour le changer en considérant ton compagnon ou ta
compagne comme un collègue, mais pour te rendre compte de la
manière dont le lien émotionnel peut modifier ou affecter la trans-
mission de ton message. Une fois que tu en as pris conscience, tu
sauras si cela te convient, ou si tu dois enrober tes propos ou les
encadrer davantage.

Exemple : l’un de tes collègues est aussi ton ami le plus proche. Ton
message devra être introduit de façon à bien séparer les deux sphères
dans lesquelles vous êtes réunis :
« Manu, il va falloir qu’on parle. Mais pas en tant qu’amis, plutôt en tant
que collègues. Est-ce que c’est possible pour toi ? »
L’idée est donc de ne pas se faire avoir par son niveau d’implication
(ou de non-implication) émotionnelle.
QUATRIÈME CERCLE: LA CONFIANCE

Il s’agit de l’obstacle en chef, du point zéro de l’interaction. Voici ce
que j’entends par « confiance » :
1. La confiance que nous avons en notre interlocuteur.
2. La confiance qu’il nous accorde et qu’il accorde à nos propos.
3. La confiance qu’il a en lui-même.
Des deux premiers niveaux de confiance va dépendre la fluidité ou la
résistance face à notre message. Le troisième niveau aura un impact
sur la perception de nos propos et sur leur impact sur la personne.
Je m’explique : si ton interlocuteur a confiance en lui, il saura
prendre en compte le message sans s’y « plonger », sans y inves-
tir son estime personnelle. Ta flèche pourra alors poursuivre son
chemin sans encombre vers le dernier obstacle.
Si, malheureusement, il manque de confiance en lui, ton message,
s’il s’agit d’une critique, risque d’être perçu de façon personnelle. Ta
flèche risque d’être bloquée.
Le danger est réel quant à la compréhension du message car la
personne confondra les propos énoncés et la valeur qu’elle se donne
à elle-même. La flèche ne sera plus perçue comme un message lié à
une situation donnée, mais un jugement.

On ne reçoit pas de la même manière une critique émanant de ses
parents et une remarque de son conjoint, ou de sa manager. Aussi,
la nature de ta relation avec l’autre détermine la confiance, ou
l’absence de confiance, qu’il ou elle peut avoir en soi. Il est donc
nécessaire de t’assurer que le sujet que tu abordes ne soit pas incon-
fortable, ne mette pas ton interlocuteur mal à l’aise. Tu peux poser
la question en toute innocence : « Est-ce que nous pouvons parler de
tel sujet ? » et proposer un moment pour en parler : « Est-ce le bon
moment, ou souhaites-tu attendre une autre fois ? »
Enfin, n’oublie pas de prendre soin de l’autre, en toute bienveil-
lance, si tu sens que tes propos risquent de lui faire perdre confiance
en soi : « Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause tes compé-
tences/ton rôle/ton affection, etc. mais seulement de te faire part de
mon idée/de mon ressenti/d’une observation. »
CINQUIÈME CERCLE: L’ESTIME DE SOI

La confiance est intimement liée à une autre notion : l’estime que
l’on a de soi-même.
Lorsque je cherche une analogie à l’estime de soi, qui soit assez
compréhensible à la fois pour les Pragmatiques et les Émotionnels,
la première image qui me vient en tête est celle d’une maison et
d’une brique.
Imaginons que tu souhaites faire part à ton interlocuteur d’une
remarque sur son travail, et que cette remarque puisse être représen-
tée par une brique que tu lances. Trois possibilités :
1. La brique heurte le mur de l’autre : il/elle perçoit l’information,
et choisit de la prendre ou non en considération. Sa confiance en ses
compétences est intacte et il/elle sait que ses capacités l’aideront à
mettre en pratique tes conseils si nécessaires.

2. La brique heurte le mur près du carreau. Le carreau se fissure un
peu : ta critique a touché une partie de la confiance en soi de l’autre,
sans la remettre totalement en cause. Il/elle mettra en pratique tes
conseils, mais ta remarque demeurera longtemps dans son esprit.
3. La brique casse le carreau. Catastrophe : ta remarque a complè- 28/04/2023
tement brisé la confiance de ton interlocuteur en ses compétences,

voire en sa valeur en tant que personne. Et tu ne peux rien contre
cela, puisque cette fragilité est intérieure à l’autre, elle est constitu-
tive de sa personnalité. Son estime de soi, dès le départ, était faible,
si bien que la moindre critique lui fait remettre tout son être en
question.
Lorsque tu manques d’estime de soi, la moindre contradiction ne
touche pas seulement ton idée. Elle touche trois cibles à la fois : ton
projet/propos, ta personne, et ton identité personnelle. Elle t’amène
à te remettre complètement en question, à avoir des réactions qui
n’ont pas lieu d’être.
Aucune flèche ne devrait atteindre ton estime de soi. Certaines
flèches peuvent atteindre ta confiance en tes compétences, et il
suffira ensuite de les remettre en question et d’être plus vigilant.
Aussi, si tu te sens atteint dans ton estime de soi, dans ton identité,
si une critique touche ta confiance en toi en tant que personne, alors
ce livre n’est que la seconde étape d’un travail de fond que tu devras
effectuer au préalable sur tes fondations.

SIXIÈME CERCLE: L’EMPATHIE
L’empathie est la capacité à se mettre à la place de l’autre. Elle te
permettra de ressentir la façon dont l’autre reçoit ce que tu lui dis,
comment il le perçoit, ce qu’il ressent. Elle fournit des indicateurs
essentiels quant à la manière dont ta flèche (ton message) a été 28/04/2023
reçue, la reconnaissance et la compréhension des sentiments de la

personne à qui tu t’adresses et te permet d’adapter au mieux tes
futures flèches.
Parce que nous sommes des êtres de relation, nous devons tenir
compte de l’impact que nos paroles peuvent avoir sur les autres.
Moduler son propos pour qu’il ne soit ni péremptoire, ni pédant,
ni méprisant, mais également pour qu’il ne nous place pas non plus
en position d’infériorité par rapport à l’autre : c’est une marque de
considération, à la fois pour l’autre et pour toi.
Il s’agit donc, ici, de savoir dire, voir et adapter son discours et
son langage non verbal dans le respect des émotions qu’il pourrait
provoquer chez l’autre (nous parlerons du langage non verbal au
chapitre 5).
Comment pratiquer l’empathie dans nos conversations au
quotidien ?
• J’observe et j’écoute le langage du corps de l’autre : une phrase,
une expression, une onomatopée.
• J’adapte et je reformule mes propos selon ce que j’ai observé.
• J’observe (encore) et j’écoute le langage du corps de l’autre : une
phrase, une expression, une onomatopée.
• Je m’assure que mon interlocuteur a bien compris mon message.
• Je m’intéresse à son ressenti.

Une fois l’ensemble de ces cercles traversés, ta flèche atteindra
la cible, c’est-à-dire le cœur ou le cerveau de la personne à qui tu
souhaites transmettre le message, son « récepteur ». Mais attention,
une nouvelle inconnue entre en jeu : la distorsion de la réalité. Ou,
comme je prends plaisir à l’appeler, la perception et l’interprétation
de ton message par la personne concernée.
Tout ça pour ça ! Je te rassure, tes efforts ont un impact. Mais il y a
un élément qui échappe à ton contrôle.
La perception ne dépend pas de toi, mais de l’autre. Tu as beau sécu-
riser le terrain et le tir, tu ne peux pas savoir comment la personne
a perçu et interprété ton message. Dans ce cas, tu devras juste être
attentif et en empathie face à ses réactions.
Ainsi, trois éléments essentiels sont à retenir :
• N’oublie pas que l’ensemble de ces cercles de l’échange sont
tournés vers l’autre (quel est le contexte avec lui/elle ? Quelle est
l’émotion que je ressens envers lui/elle ? Quel est le niveau de
confiance qu’il a en lui/elle ? Quel est son niveau d’estime de soi ?
Comment développer de l’empathie ?).
• L’être humain a cette spécificité : il est unique, et de ce fait, les
cercles de l’échange ne se présentent pas toujours dans le même
ordre.
• Toutes nos conversations ne sont pas obligatoirement assujetties
aux cercles de l’échange. Quand je souhaite aller au cinéma avec
ma copine, quand je parle de tout et de rien avec un ami, ou quand
j’ai une conversation devant la machine à café, je ne suis pas tenu
de penser systématiquement à utiliser ce schéma et à penser à la
validation de l’ensemble des cercles.
Certains sujets ou conversations ne nécessitent pas obligatoirement
l’effort d’appliquer les cercles de l’échange. On peut le faire si l’on

souhaite s’entraîner, mais tu n’y es pas obligé(e). Ils servent à trans-
mettre des messages sensibles ou jugés importants.
EXERCICE:
À LA RECHERCHE 28/04/2023 14:53
DU CERCLE PERDU
Maintenant que tu as compris le principe des cercles de l’échange, je
te propose deux exercices:
1. Identie, parmi les cercles, celui ou ceux auxquels tu prêtes peu,
voire pas d’attention lorsque tu transmets un message (et n’oublie
pas que l’intention fait aussi partie des cercles de l’échange).
2. Utilise une couleur pour déterminer les cercles qui te paraissent
difciles à prendre en compte lorsque tu souhaites communiquer et
envoyer ta ﬂèche (ton message) à l’autre. (Rouge: difcile, orange:
moyen, vert: facile.)
LES CERCLES DE L’ÉCHANGE

VOTRE MESSAGE SELON LA VISION DE L’AUTRE
OI
FIANCE EN S
I
SITUATION
CONTEXTE
E DE SO
ATHIE
MESSAGE L’AUTRE
ÉMOTION
VOUS
INTENTION
EMP
TIM
ON
ES
C
PERCEPTION
RÉPONSE
R ess
INTERPRÉTATION
e
r t is
e nt
pe
-v
is
al e ex
ur s s-
- cr o y a nc e
INCOMPRÉHENSION OUVERT

Chapitre
3
Interagir
Avant d’interagir, quelques mises au point

Cet ouvrage ne livre pas une science exacte. On peut être Pragmatique
et être tout de même sensible à certaines choses qui, d’ordinaire,
touchent un Émotionnel. On peut être Émotionnel et procéder par
étapes lorsqu’on se lance dans une action essentielle. Ainsi, si tu es
Pragmatique et que tu te trouves avec un Pragmatique, votre « degré
de pragmatisme » peut être différent. Et entre deux Émotionnels, le
niveau d’émotivité peut aussi varier. Ce qu’est ce livre, en revanche,
c’est un guide pour comprendre au mieux comment fonctionnent
les deux profils. Tu sauras ensuite, en fonction de la situation dans
laquelle tu te trouves, quel langage adopter : si, par exemple, ta mana-
ger est une Émotionnelle dans la vraie vie, mais une Pragmatique au
travail, alors tu sais ce qu’il te reste à faire.
Existe-t-il un langage qui parle à la fois aux Pragmatiques et aux

Émotionnels ?
Oui, le langage des avocats. Les avocats sont des exemples de la
fusion entre le Pragmatique et l’Émotionnel. Lorsqu’ils sont liés,
67
que la magie des émotions est mise au service de la raison, on
devient inarrêtable.
Même leurs prises de parole classiques sont teintées de cette magie ;
pour comprendre, je vous invite à découvrir les prises de parole de
l’avocat Bertrand Périer ou encore du ministre Éric Dupont-Moretti. 28/04/2023
Pour parler aux deux profils, il faudrait une histoire documentée. ERE
(Émotion, Raison, Émotion) ou RER (Raison, Émotion, Raison) :
il faut à tout prix mélanger les langages. Avec un Émotionnel, on
enrobera nos propos rationnels dans une histoire qui le passionnera,
ce qui lui fera comprendre instantanément le message que vous
voulez faire passer. À l’inverse, avec un Pragmatique, on enrobera
l’émotion que l’on veut exprimer d’éléments rationnels, ce qui lui
parlera immédiatement.
Comment un Émotionnel et un Pragmatique communiquent-ils ?

Dans le cadre d’une conversation entre un Émotionnel et un
Pragmatique, il s’agit de donner ce que l’autre va comprendre.
Lorsqu’un Pragmatique parle à un Émotionnel, il y a un plan, une
structure, un objectif, des idées appuyées de chiffres (une sorte de
plan millimétré).
À l’inverse, l’Émotionnel lorsqu’il parlera à l’Émotionnel prendra
plaisir à partager ses idées et les émotions qui en découlent. Sa créa-
tivité et son ressenti seront sa structure.
Imaginons que vous regardiez un tableau. Il y a deux manières de
le voir :
• une première où l’on s’arrêtera juste sur les composants du tableau
(toile, couleur, matière), l’image projetée et le message transmis ;

• une seconde où l’on prendra le temps d’exprimer ce que le tableau
nous fait ressentir, ce qu’il crée en nous, ce qu’il nous amène à
penser, à vivre, à imaginer.
Eh bien, dans le premier cas, nous sommes face à un profil plus
pragmatique (raison, structure, concision, objectifs) et dans le 28/04/2023
second face à un profil plus émotionnel (émotions, ressentis, créati-
vité, vision).
Les romanciers et les essayistes les plus doués sont d’ailleurs ceux
qui réussissent à allier le pragmatisme et l’émotionnel.
À lire avant de commencer ce chapitre :

Au travail, à la maison, avec nos amis, notre conjoint, notre famille,
nous n’activons pas le même mécanisme. Nous sommes, potentiel-
lement, tous « émotionnels » et tous « pragmatiques », et plaçons
le curseur plus d’un côté que de l’autre en fonction de notre vécu,
des leçons que nous en avons retenues. Telle est notre condition
humaine, ce qui en fait à la fois la complexité et la beauté. Aussi,
il ne s’agit pas de catégoriser les uns et les autres selon le profil
dominant, qui ne l’est que dans une situation précise à laquelle nous
avons accès. Les explications fournies dans cet ouvrage ont donc
pour but de vous aider à voir dans quel champ de votre vie vous
privilégiez l’un ou l’autre de ces modes de réflexion et d’interaction.
L’abus d’« étiquetage » est mauvais pour la santé !
Chapitre 3 : Interagir 69
INTERAGIR AVEC UN PRAGMATIQUE
Ce qu’il cherche dans une interaction
Pour le Pragmatique, il s’agit de fonctionner en trois temps :
comprendre, analyser, solutionner (si possible). Il a besoin de quan-
tifier, c’est une notion importante. Il y a un côté très « résultat ».
Donner le meilleur de soi-même, ce n’est pas suffisant : ça doit être
expliqué par des changements concrets, des étapes bien définies. Il
y a une finalité, mais il faut savoir poser des jalons pour y parvenir.
Ses mots-clés
Concrètement, résultat, solution, problème, étapes, pourquoi, et
donc, logique, ce qu’on attend de moi, la demande.
Sa maxime
Si tu as vu le film Les Tuche, alors tu peux remixer les mots de Jean-
Paul Rouve (Jeff Tuche) : des faits, des faits, des faits, des faits.
Ses questions récurrentes

Peux-tu m’expliquer plus précisément ? Qu’est-ce que tu attends de moi ? En
quoi cela consiste ? Peux-tu être plus explicite ? Peux-tu préciser ta demande ?
Et concrètement ?
Ce à quoi il est réceptif

Des chiffres, des faits, du concret. Structure, problème auquel on
répond, bénéfices que l’on gagne.

Ce à quoi il est imperméable
Tes émotions. Ton ressenti. Tes petites histoires sur le sens de ce
que tu fais, le pourquoi. À peu près tout ce qui est important pour
un Émotionnel. Si tu lui fais un retour par le biais d’un témoignage,
et que dans le témoignage il n’y a pas de données, ton message ne 28/04/2023
passera pas. Si tu parles d’une mauvaise ambiance dans l’équipe, le
Pragmatique aura besoin que tu lui donnes des éléments factuels. Le
ressenti n’est pas une donnée.
Un Pragmatique est susceptible de changer d’avis du moment qu’on
lui apporte des preuves.
Les signaux d’alarme

• Quand il se met à poser, voire à te bombarder de questions, on
peut être certain que le Pragmatique n’écoute plus.
• Quand il devient pointilleux, s’attarde sur les détails, quitte à inter-
rompre ton propos par des « Je n’ai pas compris ton raisonnement,
reprends ».
• L’agacement : sans informations précises, le Pragmatique ne
comprend rien à ce qui se passe.
Comment le rattraper ?
Imaginons que le raisonnement soit une maison. Le Pragmatique
regarde avant tout la structure de la maison. Va-t-elle tenir ? Combien
d’étages ? Quels sont les matériaux utilisés ? L’Émotionnel voit plutôt
l’intérieur, la déco, l’ambiance qui y règne. Prenons l’exemple d’un
gratte-ciel : si tu te situes au rooftop, tu auras une vue panoramique
sur la ville, tu sentiras le vent dans tes cheveux, etc. Si tu es en bas,
tu ne vois que la porte, les gens qui passent et le bâtiment. C’est une
question de point de vue.
Quelques exemples de personnalités ou de personnages soupçon-
nés de pragmatisme
Mercredi Addams, Jamy Gourmaud, les frères Bogdanoff, Josef
Stiegler, Bruno Lemaire, Sheldon Cooper, Dr House, Le Professeur
dans Casa de Papel, les économistes, les ingénieurs, les comptables, 28/04/2023
les ingénieurs pédagogiques. Et mon père.
À toi de jouer!
As-tu un(e) Pragmatique dans ton entourage?
• Au travail.
• Dans ta famille.
• Dans ton couple.
• Dans tes amis.
Quelle caractéristique te permet de dire qu’il/elle est Pragmatique?
• Ses questions récurrentes.
• Ce qu’il/elle cherche quand vous discutez.
• Ce à quoi il/elle est sensible.
• Ce à quoi il/elle est imperméable.
• Il/elle s’agace quand c’est trop long.
• Ce à quoi il/elle est réceptif(ve).
Si tu es Pragmatique, quels seront les éléments qui vont aider à ta
compréhension lorsque quelqu’un te parle?

INTERAGIR AVEC UN ÉMOTIONNEL
J’ai une petite histoire pour vous :
Ma nièce, ou la nouvelle Steven Spielberg.
Ma nièce est la fille la plus émotionnelle du monde parce que ce qui lui 28/04/2023
arrive, elle ne le dit pas, elle le vit ! Lorsqu’elle me raconte sa journée, ce n’est
pas une journée ordinaire là ou certains verraient une suite d’évènements
assez classiques (se lever, aller à l’école, aller à son entraînement d’athlé-
tisme, et manger), à ses yeux et dans sa manière de me le raconter je suis
plus devant une série Netflix à gros budget où chaque évènement devient un
épisode haletant où tout peut arriver (même aller aux toilettes peut devenir
une aventure).
En lisant cet extrait de vie, j’imagine que vous retrouvez des
personnes de votre entourage, des amis, des collègues, des membres
de votre famille ou peut-être vous-même.
Ce qu’il cherche dans une interaction

L’Émotionnel a besoin d’entendre que son interlocuteur manifeste
de l’intérêt pour les autres, il ou elle y tient plus qu’à l’objectif
du projet. Si l’humain est au cœur du projet, ce projet a un sens.
L’Émotionnel ne peut entendre que s’il y a un bénéfice pour l’autre,
mais un bénéfice humain. Cette personne va être sensible aux senti-
ments, au bien-être de l’individu, à l’apport émotionnel pour les
gens, à la prise en compte des attentes et des besoins de l’autre.
Dans une discussion, un profil type Mère Teresa représente le visage
Humain par excellence. Elle a besoin de ce rapport aux autres. Si elle
sent que dans vos propos, vous ne manifestez pas votre intérêt pour
les autres, elle ne vous entendra pas. Le besoin d’aider, d’apporter,
d’être utile aux autres, de faire en sorte qu’ils se sentent entendus,
compris, acceptés, accompagnés, est ancré en chaque Émotionnel.
Ses mots-clés
L’individu, le bien-être, les sentiments, l’apaisement, le soutien,
l’écoute, la compréhension, la gratitude, l’aide, l’expérience.
Sa maxime
« On croit que l’on donne, mais on reçoit beaucoup en donnant. »
Ses questions récurrentes

Que ressens-tu ? As-tu apprécié ? Ça va, tout va bien ? Comment tu
te sens ? En quoi ça t’a affecté ? Par quoi as-tu été touché ? Qu’est-ce
qui t’a fait mal ?
Ce à quoi il est sensible

À votre rapport à l’autre. Le cadre dans lequel les choses sont faites,
et la manière dont elles sont faites, doit refléter un intérêt profond
pour l’Humain et apporter un bénéfice aux autres. Voici la phrase
qui pourrait se répéter en boucle dans sa tête au moment où vous
échangez : « Je ne peux t’entendre qu’à partir du moment où tu me
parles des autres, où tu prends soin des autres, où tu te soucies des
autres, où l’autre passe avant toi. » C’est ce qui l’anime, lui donne
envie de se mettre en mouvement. Sa langue, c’est l’autre.
Ce à quoi il est allergique

L’Émotionnel porte un discours qui ne manifeste pas d’emblée un
bénéfice autre qu’humain. Il peut l’entendre, le comprendre intellec-
tuellement, mais ce n’est pas ce qui va le convaincre. Un discours sur
la performance économique d’un projet (on va gagner plus d’argent,
de temps, de latitude) ne le persuadera pas. À moins que ce ne soit
un élément qui mène à l’humain, aux valeurs, au bien-être de tous.

Un Émotionnel ne croira pas à un projet qui ne le convainc pas,
même avec la plus solide des estimations chiffrées, tant qu’il n’y a
rien d’inspirant à quoi il puisse s’accrocher.
Les signaux d’alarme

• Il « s’éteint ». Dans son attitude, son langage verbal, il va de moins

en moins interagir. La réduction de la parole chez un Émotionnel
est un réel signal d’alarme, car parler, échanger, est sa plus grande
motivation.
• Il va faire autre chose : allumer son téléphone, allumer son ordina-
teur, parler avec les personnes qui se trouvent à côté.
• Il va se décaler, reculer, se fermer.
• Il va s’évader. Quand on lui pose une question, ses réponses
arrivent floues, vagues, généralistes. Il n’écoute plus, il n’est plus
« dedans ».
• Il va faire la moue. S’il ne peut pas vivre les choses, si ce qu’il vit
est vécu comme « douloureux », il disparaît de l’échange.
Tous ces signes indiquent qu’un Émotionnel décroche et ne t’écoute
plus. Il faut savoir que lorsque tu parles à un Émotionnel, il se
projette déjà dans la suite de ton propos, ce qui peut donner l’im-
pression qu’il n’est plus là. Cette situation est différente, car il est
quand même là, mais ne parvient plus à se projeter dans ton récit.
Quelques exemples de personnalités ou de personnages soupçon-

nés d’être Émotionnelles
Emma Watson, Steve Jobs, Maud Sarda, Greta Thunberg, Fabrice
Luchini, Elon Musk, Ally McBeal, Hulk, les gens qui travaillent
dans la communication, les assistantes sociales, les bénévoles d’as-
sociations humanitaires. Et ma mère.
À toi de jouer!
As-tu un(e) Émotionnel(le) dans ton entourage?
• Au travail.
• Dans ta famille.
• Dans ton couple.
• Dans tes amis.
Quelle caractéristique te permet de dire qu’il/qu’elle est Émotion-
nel(le)?
• Ses questions récurrentes.
• Ce qu’il/elle cherche quand vous discutez.
• Ce à quoi il/elle est sensible.
• Ce à quoi il/elle est imperméable.
• Tu perds son attention.
• Ce à quoi il/elle est réceptif(ve).

ET SI JE N’AI NI L’ÉNERGIE NI L’ENVIE?
Revenons au frère et à la sœur dont nous parlions plus tôt. Il est
Émotionnel, elle est Pragmatique. Arrivés à ce stade du livre,
tous deux sont contents d’en savoir un peu plus l’un sur l’autre.
Contents, et… un peu agacés. Car enfin, ils sont frère et sœur, ils se 28/04/2023
connaissent depuis plusieurs années, ils s’aiment quoi qu’il arrive.

Alors pourquoi diable essayer de parler une autre langue que la
sienne propre à quelqu’un qui fait partie de ses proches ? Après tout,
nous faisons déjà assez d’efforts au travail, avec nos amis, en soirée
mondaine, dans bien d’autres cercles !
C’est ce que pense la sœur : « Si je dois réfléchir à chaque fois que je
te parle… Je suis comme ça, tu m’acceptes comme ça, point barre.
J’ai besoin, moi aussi, que tu fasses l’effort de comprendre que je ne
te veux aucun mal quand je réponds par la logique à tes emporte-
ments émotionnels ! »
Ce n’est pas faux. S’intéresser à l’autre et à son langage, cela
demande de l’énergie. Aussi, trois choix se présentent à toi lors
d’une interaction :
1. Tu as l’énergie et l’envie de faire l’effort de parler le langage de
l’autre. Tu es prêt(e) à t’aligner avec son mode de pensée : tu
vas ainsi pouvoir, peu à peu, sortir l’autre de son monde pour le
faire entrer dans le tien, en douceur, en le rassurant, et lui faire
entendre ton point de vue.
2. Tu as l’énergie, mais pas l’envie : dans ce cas, tu peux prêter
attention au langage de l’autre pour mieux comprendre, et tenter
de te faire comprendre dans les grandes lignes. Si ça marche, tant
mieux. Si ça ne marche pas, tu ne t’en voudras pas.
3. Tu n’as ni l’énergie ni l’envie : accepte l’idée que la communica-
tion ne peut être parfaite tout le temps. Accepte l’idée que l’autre
ne comprenne pas, et que toi tu n’aies pas la force ni l’envie de
faire l’effort. Peut-être qu’à un moment tu auras l’énergie de
le refaire. Bien sûr, il vaut mieux que cela ne soit pas lié à une
information essentielle, utile, nécessaire à tes yeux ou aux yeux
de l’autre. Si ton message répond à ces critères, il te faudra faire
l’effort, ou alors la frustration sera double et la peine sera triple :
tu es mal, l’autre est mal, la relation est mal.
Les relations de couple sont celles où l’on observe le mieux ces trois
états, et où l’on peut causer le plus de dégâts, parce qu’on a souvent
l’impression de connaître l’autre par cœur. Or c’est un leurre : on ne
peut tout savoir sur ce qui se passe dans la tête de l’autre.
Le chapitre suivant va te livrer des clés, que nous appellerons des
« cartes », pour que parler le langage de l’autre relève davantage du
jeu que de l’effort pénible.

Chapitre
4
Les cartes pour mieux

se faire comprendre
de l’autre (et peut-être
le ou la convaincre)
TECHNIQUE ET COMPRÉHENSION DE
L’AUTRE: LES DEUX FACES D’UNE MÊME PIÈCE
On peut maîtriser une technique sans pour autant pouvoir l’appli-
quer. De la même manière, on peut comprendre le principe d’une
action et échouer par manque de connaissances techniques. Je
m’explique :
Exemple 1. J’ai testé un nouveau sport récemment : le padel. Il se

joue avec des raquettes et une balle. Aussi, lorsque mes amis m’ont
proposé d’essayer, j’ai rapidement fait le lien : raquettes, balle, c’est
forcément proche du tennis. « Je connais », me suis-je dit.
79
Je me trompais. Dès les premières minutes, je me suis pris la raclée
de ma vie, parce que je pensais connaître, je le « sentais » bien.
On peut se sentir capable d’une action et échouer par manque de
connaissances techniques.
Exemple 2. L’un de mes amis a voulu me montrer les techniques

qu’il avait apprises en natation. Il connaissait tous les mouvements
et leur décomposition par cœur. Seulement, une fois dans la piscine,
il ressemblait plus à un poisson qui se noyait qu’à un nageur profes-
sionnel (ce que je lui ai dit). Sans appréhension de la situation à
laquelle on est confronté, les connaissances techniques ne servent
à rien.
Nous voici donc arrivés à un tournant. À ce stade du livre, nous
avons évoqué les deux profils, l’Émotionnel et le Pragmatique. Pour
rappel, il ne s’agit pas d’un classement comme on peut en voir dans
ces films qui mettent en scène une classification des gens selon qu’ils
sont altruistes, érudits ou divergents. Nous avons tous, en nous, un
Émotionnel et un Pragmatique. L’un des deux prend simplement
le contrôle lorsque nous entrons en interaction, et selon les enjeux
auxquels nous faisons face, ce n’est pas toujours le même qui se
présente sous les projecteurs.
Aussi, tu peux voir les cartes qui vont suivre comme des cartes…
Pokémon (si, si). Exactement comme les enfants dans la cour de
récréation, dont les jeux ne sont pas si anodins qu’on peut le croire.
Avec ces cartes, les enfants déploient de véritables talents de stra-
tèges. Chaque carte représente une créature dotée de pouvoirs spéci-
fiques. Lors d’un « combat », le premier enfant à jouer choisit le
pouvoir à déclencher. Le second peut ainsi sélectionner le pouvoir
qui va le mieux annihiler ou diminuer celui de son adversaire.
Le même principe s’applique aux cartes que je te propose dans cet
ouvrage. Tu as à ta disposition de véritables clés que tu pourras acti-

ver en fonction du profil que l’autre te présente. Cela te permettra
de te concentrer sur l’interaction et sur le message que tu cherches
à faire passer. Que tu convainques ton interlocuteur ou pas, tu
sortiras de l’échange avec la satisfaction de t’être fait comprendre.
De quoi t’éviter les fulgurances tardives et les éclairs de lucidité à
deux heures du matin. Et faciliter tes interactions. Cela vaut l’effort,
n’est-ce pas ?
Avant de découvrir les cartes, rappelons quelques règles de « bonne
conduite relationnelle » :
1. Annoncer que l’on va parler d’un sujet, préciser que ce n’est pas
un reproche, et préciser que libre à lui ou à elle de décider que
c’est intéressant.
2. Recadrer le propos : ce que tu t’apprêtes à dire ne constitue pas
une attaque personnelle.
3. Énoncer le propos, en se focalisant sur le propre ressenti ou point
de vue de celui ou celle qui écoute.
4. Demander l’autorisation de dire ce que tu as à dire, en prévenant
qu’il s’agit uniquement de ton avis.
5. Préciser que chacun est libre d’écouter l’avis, le propos, le
conseil… ou pas.
Chapitre 4 : Les cartes pour mieux se faire comprendre de l’autre (et peut-être le ou la convaincre) 81
LES TECHNIQUES POUR AVOIR TOUTES LES
CHANCES DE CONVAINCRE UN ÉMOTIONNEL
Ami(e) Pragmatique, si ton objectif est de capter l’attention de
l’Émotionnel, qu’il t’écoute et que tu puisses à ton tour comprendre
ses propos,81il est vital que tu obtiennes son attention. Et que tu mettes 28/04/2023
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 14:53
tout en œuvre pour cela. Tu auras besoin des cartes qui suivent pour
vérifier l’intérêt qu’il porte à ton propos, sa compréhension de tes
objectifs, son ressenti (garant de son adhésion ou de son attention).
Les questions que l’Émotionnel se pose au moment

de l’interaction
• Qu’est-ce que je ressens ?
• Qu’est-ce que ça m’inspire ?
• Par quoi suis-je touché ?
• En quoi ça fait du bien aux autres ?
• Qu’est-ce qui fait écho chez moi ? Quel plaisir ai-je à entendre ou
à faire ce que dit cette personne ?
• Quelle est l’émotion provoquée ?
Si l’un de ces éléments est absent, l’Émotionnel va s’éteindre, étant
donné qu’il vit ce qu’il ressent. Il va aller vers autre chose, il ne sera
pas présent à l’interaction, puisqu’il n’en comprendra pas le sens.
Pire encore, il cessera d’exister dans l’échange, et essaiera de couper
court. Il y a un côté répulsif à sa réaction. Tu perdras son attention,
son intérêt, et pour finir, son adhésion à ton projet.
L’Émotionnel est étroitement relié à la phrase : « Le cœur a ses
raisons que la raison ignore. » On pourrait la traduire par : « l’Émo-
tionnel a ses raisons que le cartésien ne comprend pas. »

Le cadre
Un Émotionnel a besoin d’une expérience, d’une histoire, de
personnages. Il a besoin de vivre quelque chose, de péripéties, quel
que soit le contenu.
Son leitmotiv : « Je veux sentir battre mon cœur. »
Pour que la discussion fasse sens pour un Émotionnel , que les
propos lui parlent, il faut que les mots touchent son cœur avant
son esprit (qu’ils l’attristent, le choquent, l’interpellent, l’émeuvent,
le touchent…). Il aime ressentir ce qui se dit et que les propos lui
fassent faire le grand huit des sensations ou, du moins, la roue
des émotions ; cette dernière est extrêmement importante pour les
Émotionnels, il faut parvenir à toucher chaque couleur.
C’est la personne qui va utiliser des souvenirs. Les Émotionnels sont
des spécialistes de l’anecdote, avec des détails, comme si tu y étais.
Ton propos doit donc être enrobé d’histoire, d’un langage faisant
appel aux sensations. Le dessin, pour l’Émotionnel, l’amènera à
imaginer.
Ce qu’un Émotionnel a l’impression de « perdre » quand ton propos
ne l’intéresse plus, c’est la passion, la possibilité de se projeter, l’ima-
gination, l’engagement. Les cartes qui vont suivre te permettront de
rattraper l’attention de l’Émotionnel.
Les leviers à activer

Créer du lien, inspirer, surprendre, interpeller en illustrant, en
facilitant l’identification, en permettant la projection, en suscitant
sa curiosité. L’Émotionnel n’a pas besoin de tout comprendre ; il
préfère ressentir. Il a besoin de vivre une ou plusieurs émotions
grâce à ton propos.
Les cartes
L’anecdote
Utilise une histoire tirée de l’actualité ou de ton histoire personnelle.
L’anecdote a pour but de créer un lien, de convoquer des sensa-
tions, ce qui facilite l’identification. L’anecdote crée de la proxi-
mité en s’appuyant sur des lieux communs : valeurs, souvenirs,
repères, situations et sensations de la vie quotidienne. Les analogies
ainsi créées serviront de passerelle pour permettre à ton interlocu-
teur de mieux comprendre ton propos. L’anecdote est d’ailleurs
souvent utilisée par les parents lorsqu’ils souhaitent faire prendre
conscience de certaines choses à leurs enfants ou leur transmettre
un enseignement.
Comment utiliser l’anecdote ?

Prenons l’exemple de Fabien qui est designer de produit dans une
entreprise spécialisée dans les kits DIY destinés aux enfants. Il a un
mal fou à expliquer l’utilité de chacun de ses kits, chaque mois, à
son équipe.
Voici comment il peut utiliser l’anecdote :
Quand j’étais petit, j’avais du mal à construire des cabanes moi-même. Mais
j’avais souvent le même problème : je ne savais pas comment construire une
cabane, je ne savais pas avec quels outils le faire – et si je prenais un balai,
un drap, une boîte à chaussures ou un siège, ma mère se mettait en colère –,
et je n’avais personne pour m’aider.
Aujourd’hui, je suis toujours aussi nul pour construire des cabanes, mais
je me suis donné pour mission de faciliter la démarche de ceux qui veulent
construire, créer, qui ont un projet créatif qu’ils souhaitent réaliser de leurs
propres mains.

Cette technique permet dans un premier temps de créer une connexion
avec l’auditoire, grâce au partage d’une expérience (ne pas savoir
construire une cabane) en faisant appel à une situation porteuse
d’émotion. C’est une situation vécue par tous. On fait ensuite le
parallèle avec la résolution de la problématique (« Aujourd’hui, je
suis toujours nul, mais… ») et le sens de la démarche actuelle.
La citation
Sers-toi d’une histoire ou d’une citation tirée du parcours d’une
personnalité connue, pour donner corps à tes propos.
La citation permet de planter le contexte dans lequel se situent
tes propos. Elle a le pouvoir d’appuyer tes propos, de les rendre
plus crédibles, et de laisser à l’Émotionnel le loisir de l’interpré-
ter à sa guise. La citation te permet d’obtenir toute son attention.
Plus la personnalité fait partie des références inspirantes pour un
Émotionnel, plus une citation ou une histoire la concernant donnera
de l’importance à tes propos. Attention, cependant : la personnalité
en question n’est pas forcément une célébrité. Pour un Émotionnel,
le lien que tu as avec cette personnalité peut crédibiliser ton propos.
Ta grand-mère, tes parents, un professeur particulièrement bienveil-
lant peuvent être considérés comme source d’inspiration.
La citation possède deux avantages lorsqu’on cherche à convaincre
l’Émotionnel :
• L’aura, le potentiel de la personnalité citée à inspirer. « Apprendre
à bien parler, c’est apprendre à bien vivre » (Isocrate).
• Le pouvoir évocateur de la citation, son sens, sa puissance.
Comment utiliser la citation ?

Tu peux l’utiliser au début (en ouverture) ou à la fin (en conclusion)
du propos. Au début, elle inspire, ouvre le champ des possibles, et
laisse libre cours à l’interprétation pour chacun. À la fin, elle vient
conclure, appuyer le développement de tes idées.
Exemple
Nos grands-parents ou nos parents sont les experts de la citation, 28/04/2023
tout comme certains enseignants. Petit florilège :

« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. »
« L’argent ne fait pas le bonheur. »
« Tomber sept fois, se relever huit. »
« Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. »
« Ce n’est pas en restant longtemps dans l’eau que le tronc d’arbre
devient un caïman. »
Le sujet d’actualité
Mets tes propos en contexte en faisant appel à un sujet d’actualité,
pour captiver et attirer l’intérêt.
Comment utiliser le sujet d’actualité ?

Partir d’un exemple, afin de provoquer un effet miroir.
Pourquoi ?
Une passerelle entre ce que les personnes connaissent, ce qu’elles
ont vu dans l’actualité, et le sujet. L’idée est de faire un pas de côté
en parlant de l’actualité plutôt que du sujet qui vous préoccupe, puis
d’y revenir peu à peu et d’en tirer une leçon.
Le but est que les Émotionnels puissent mettre en avant leurs
connaissances, afin de créer un lien. Libérer la parole et sortir de
l’invective et du sentiment d’être visé.

Exemple
Une marque a fermé dans notre secteur, parce qu’elle n’était pas
adaptée aux usages du moment. Preuve que lorsqu’on ne s’adapte
pas, on se met en danger.
Le mea culpa
Il s’agit, avant de commencer, de reconnaître une erreur que l’on a pu
faire, ou d’exposer une situation problématique pour la désamorcer.
Lorsqu’un projet a occasionné des problématiques, en tant que
Pragmatique, tu perçois les difficultés et les obstacles qui empêchent
l’entreprise d’atteindre l’objectif. Ton interlocuteur Émotionnel, en
revanche, ressent la situation. Même s’il comprend le raisonnement,
il a besoin que sa gêne ou son irritation soit reconnue. La non-prise
en compte de son état émotionnel peut précisément être la cause
d’un blocage dans la bonne conduite du projet.
La non-reconnaissance des émotions est au profil Émotionnel ce
qu’une pièce manquante du puzzle est au Pragmatique.
Exemple
En entreprise, lorsqu’une équipe travaille sur un projet, il peut arri-
ver que des tensions naissent. La technique du mea culpa consiste à
reconnaître les frustrations :
« Je sais que durant le dernier projet, certaines choses se sont mal
passées, il y a eu des frictions, mais cette fois-ci ce sera différent. »
Voici un autre exemple que je pioche dans mon propre cercle : dans
ma famille, nous organisons Noël à tour de rôle. Lorsqu’est venu
le tour de ma mère, qui est un profil plutôt Émotionnel, elle a eu
droit à des remarques liées à son organisation, de notre part. Des
remarques bienveillantes, mais qui l’ont heurtée au point que l’an-
née suivante, elle s’est montrée plutôt froide durant la préparation
de la fête de Noël.
La bonne démarche : prévoir un moment pour reconnaître son
ressenti.
L’avantage
• Reconnaître ce que ressent l’Émotionnel : pour lui/elle, il est
essentiel que ses émotions soient reconnues.
• Ouvrir le champ des possibles pour un nouveau départ.
Attention cependant à ne pas s’enliser dans le piège du procès : il
s’agit de reconnaître qu’il a pu y avoir des frictions, mais pas de
s’attarder sur les raisons qui ont amené ces frictions. Il vaut mieux
réserver la résolution détaillée des problèmes pour un autre moment.
La technique du mea culpa consiste à reconnaître que l’on a traversé
un terrain miné, une situation difficile, le fait que cela ait pu créer
des griefs vis-à-vis d’une personne ou de l’entreprise.
La projection
Il s’agit de créer dans l’esprit de ton interlocuteur une envie, un
engagement, un ressenti à propos d’une situation non vécue. Dans
le cadre du travail, il s’agira de donner un aperçu de la finalité du
projet, et du résultat auquel ce dernier va conduire.
Exemple
Une directrice des ressources humaines est en charge de digitaliser
les démarches des collaborateurs. Comment leur présenter ce chan-
gement qui suscite parfois des craintes ?
« Je sais que vous avez peur de changer de logiciel de paie. Certains
d’entre vous n’en voient peut-être pas l’intérêt. Je vous propose de

vous projeter dans ce que ça va donner. Imaginez qu’en un clic, vous
puissiez demander vos congés, et que cela prenne deux minutes à
votre manager pour les valider. Imaginez le temps que vous gagnez
en faisant cela, et la chance de pouvoir utiliser ce temps pour faire ce
que vous aimez le plus. Aujourd’hui, c’est possible. »
La projection, c’est la passerelle qui permet de passer de l’inaction à
l’action. Le plus grand frein à l’action, c’est la peur.
Attention cependant à ne pas créer une dissonance cognitive en
proposant une projection trop ambitieuse. Ta projection doit être
réaliste, et s’éloigner d’une forme de « sur-promesse ». Cela peut être
contre-productif et te faire perdre ta crédibilité. L’Émotionnel aime
rêver, mais il ne croit pas pour autant en l’existence des licornes.
Ta projection doit être la plus proche possible de la situation, des
bienfaits et des contraintes que vivent les gens au quotidien. Un
exemple générique ne captera pas l’attention.
Le scénario catastrophe : qu’est-ce que j’y gagne,

qu’est-ce que j’y perds ?
Toute notre vie est régie par deux principes : la perte et le gain.
Toutes les actions que nous entamons sont motivées par la perspec-
tive du gain, et freinées par celle de la perte.
L’un des deux a un pouvoir déclencheur beaucoup plus fort que
l’autre. Je te laisse deviner lequel.
Pourquoi la perte a-t-elle plus d’influence ? Parce qu’elle peut surve-
nir plus rapidement que le gain, qui, lui, demande plus de patience.
En clair, nous craignons beaucoup plus de perdre plus que nous
n’aimons gagner. C’est exactement l’objectif du scénario catas-
trophe. Il vise à provoquer un électrochoc chez l’autre afin de le
pousser à réagir.
Exemple
« Demain, on sera la risée de notre communauté, parce qu’on aura
failli à notre mission. »
« Demain, il se pourrait que notre marque disparaisse complètement. »
« T’auras pas de dessert si tu ne manges pas. »
Attention !
Le scénario catastrophe doit être assez puissant pour provoquer une
réaction, assez précis pour que tes interlocuteurs puissent prendre
conscience du risque, mais il doit rester assez plausible pour être
envisageable (nous ne sommes pas dans un film).
Avec l’Émotionnel, il faut faire appel à la part enfantine. Ce sont des
gens qui, bien qu’ils ne puissent pas être Peter Pan dans la société, le
sont restés intérieurement. Tu dois à tout prix le faire entrer dans ton
histoire, lui poser des questions, lui demander son avis, t’intéresser à
son ressenti, lui faire vivre ton récit. Il faut aussi qu’il voie l’avenir,
qu’il sache où il va.
D’autres éléments à prendre en compte

Demander de l’aide
Insiste sur le fait que le projet n’est possible qu’à condition que
chacun s’y engage. Ici, il s’agit d’avoir recours à deux techniques :
• La métaphore, pour expliquer l’importance de l’implication de
ton interlocuteur (« Je suis le cœur du projet, vous en êtes la tête,
vous pouvez me montrer la direction »).
• La vulnérabilité, pour souligner ton besoin de l’aide des autres
(« Je ne peux pas y arriver sans vous »).

Comment demander de l’aide ?
Un Émotionnel a besoin de savoir qu’il est utile, qu’il est important,
qu’il est nécessaire, que sa présence a du sens, qu’il est essentiel à
la réussite d’un projet. Un Émotionnel a besoin de sentir que sa
contribution compte.
Exemples
1. Imaginons que tu entames une reconversion professionnelle. Tu
décides d’en parler à ton conjoint, qui est de type Émotionnel.
Voici comment tu peux introduire le sujet :
« Je vais me lancer dans une nouvelle aventure professionnelle.
Je ne sais pas si je vais y arriver. Mais ce qui me rassurera et me
donnera de la force, c’est de savoir que tu seras à mes côtés, que tu
me soutiens. »
2. Tu es créateur d’une entreprise et ton équipe comporte des
personnes de type Émotionnel. Tu as une vision, mais tu as du
mal à convaincre et à fédérer les membres de l’équipe.
« J’ai une vision, j’ai un cap à atteindre, mais je ne peux pas l’at-
teindre sans toi. Tu es une pièce maîtresse de ce projet, parce que
ton expertise compte, et ta façon de faire complète la mienne. »
L’analogie
Elle ressemble à l’anecdote.
Souvent, à force de travailler dans le même secteur, nous avons
tendance à perdre de vue l’existence d’autres univers.
L’analogie ou la métaphore consiste à choisir une image commune
à tous, afin de permettre aux interlocuteurs de s’ancrer dans leur
univers afin de comprendre ce dont tu parles.
Cette image évitera à ton auditoire de tomber dans ses croyances,
et créera un terrain commun à partir duquel ton discours pourra se
construire.
Comment trouver des analogies ?

Utilise des métaphores, la métaphore étant une analogie. C’est ce

que nos parents utilisent lorsqu’ils nous racontent des histoires, c’est
ce que font nos professeurs de mathématiques quand ils expliquent
un problème en le plaçant dans le quotidien, c’est ce que font les
grands-parents quand ils nous enseignent un proverbe. La méta-
phore est la meilleure manière de simplifier nos propos.
Demande aux gens qui t’entourent, prête attention à la culture
populaire (films, séries, etc.), lis l’actualité pour nourrir ta « banque
d’analogies ».
Inspire-toi des pros de la métaphore : Fabrice Luchini, Jamy
Gourmaud.
Exemple
« Nous sommes en guerre », disait le président Emmanuel Macron
pour parler de la crise du Covid-19.
L’analogie est, après l’anecdote, la technique la plus importante et
la plus accessible à tous. Elle est le meilleur moyen de proposer à
l’autre de faire un pas de côté, de sortir de son cadre de croyances et
de préjugés sur le sujet abordé.
Attention, cependant, à ne pas tomber dans l’analogie générique
et dans la répétition. Certaines marques, par exemple, usent abon-
damment du vocabulaire lié à leur secteur, ce qui à la longue peut
fatiguer leur public.

La représentation
Si ton idée ne passe pas lorsque tu l’expliques oralement, tu peux
avoir recours au dessin ou à l’écriture animée et interactive pour
permettre à ton interlocuteur/à ton auditoire de suivre ton idée.
On utilisera le dessin sous la forme la plus logique qui soit. Les 28/04/2023
Émotionnels aiment la créativité.

Pour expliquer la grève des raffineries à un Émotionnel, tu feras un
dessin d’un baril, d’une voiture.
Comment expliquer la situation ?

En s’aidant des schémas pour accentuer la compréhension.
Deux choses :
1. Comprendre le sujet dont tu vas parler, donc avoir une connais-
sance de ce que tu vas faire.
2. Dessiner de façon que les gens comprennent, donc utiliser un
dessin peu technique.
L’avantage est que le dessin crée une proximité.
Point de vigilance : attention à ne pas être trop didactique, trop porté
sur le détail, afin que tes interlocuteurs ne se sentent pas infantilisés.
Concentre-toi sur l’idée, la problématique principale.
• Imaginer.
• Faire sortir du problème pour associer à une émotion.
Exemple
Lorsqu’il est question de management au travail, il est important
de bien faire comprendre à une équipe ce que l’on attend d’elle. Or,
quand le brief n’est pas bien fait, on est amené à faire travailler les
équipes pour rien, on perd de l’argent, et le client est mécontent.
La question orientée
Amener les gens à prendre conscience du problème que l’on vit.
Comment poser une question orientée ?
En créant le problème dans l’esprit de l’interlocuteur, grâce à la
question ouverte, afin de lui donner l’occasion de s’exprimer.
Exemple 1
– On est d’accord sur le fait qu’il est compliqué de trouver du travail,
de contacter des dirigeants ?
– Comment vous pensez qu’il faut faire ?
– Je ne sais pas.
– Eh bien il existe un moyen de se rapprocher, etc.
On peut aussi avoir recours à la question fermée : une question
ouverte est une question qui laisse la possibilité de développer
une idée autour de la question, une question fermée, quant à elle,
amène à un oui ou un non et laisse peu de place au débat et à
l’argumentation.
Exemple 2
On utilise souvent la question ouverte en couple ou avec les enfants.
– Est-ce que tu aimes quand tu ne trouves rien dans la cuisine ?
Quand maman elle change tout dans la cuisine ?
– Non.
– Eh bien c’est pareil pour ta chambre, j’aimerais que tout soit au
bon endroit et que tu ne t’y perdes pas.
– Est-ce que maman elle fait venir l’argent tout seul ?
– Non.

– Et toi, est-ce que tu aimerais avoir de bonnes notes ?
– Oui.
– Et que dois-tu faire pour en avoir ?
– Travailler.
À toi de jouer !
Quelle technique serait la plus adaptée pour communiquer efcace-
ment avec l’autre?
• Au travail.
• En famille.
• En couple.
• Entre amis.
Parmi ces techniques, laquelle serait la plus simple à mettre en place
au quotidien?
• L’anecdote.
• La citation.
• Le sujet d’actualité.
• Le mea culpa.
• La projection.
• Le scénario catastrophe.
• Demander de l’aide.
• L’analogie.
• La représentation.
• La question orientée.
LES TECHNIQUES POUR METTRE
UNPRAGMATIQUE DE TON CÔTÉ
Ami(e) Émotionnel(le), si tu souhaites capter l’attention et engager
ton interlocuteur Pragmatique dans une conversation ou dans une
démarche, 95tu dois lui dire quelle destination tu vises, puis semer des 28/04/2023
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cailloux comme le ferait le Petit Poucet, pour lui baliser la route. Ces
cailloux le/la rassureront : il/elle se sentira encadré(e), guidé(e), et
surtout il/elle aura l’assurance que la situation est sous contrôle. Le
contrôle des événements, les données, les faits : tels sont les ingré-
dients pour obtenir la pleine attention du Pragmatique.
Les questions que le Pragmatique se pose

au moment de l’interaction
• Où est-ce qu’on va ?
• À quoi ça sert ?
• Comment on fait ?
• En quoi ça nous est utile ?
• Combien ça nous coûte ?
Le Pragmatique a besoin d’un cadre, de sentir l’objectif de la conver-
sation, les points à aborder et l’utilité de la discussion, car pour lui
il n’y a pas pire perte de temps que de ne pas connaître exactement
l’intérêt de la discussion. Le déversement d’émotions est un élément
qui l’agace si cela ne sert pas à la compréhension et à la résolution
de la situation. Il ne voit pas son apport dans quelque chose qui
est flou ; il a besoin, pour se rassurer et pour avancer de manière
véritable, d’éléments concrets et précis.

Le cadre
« Je ne peux aider que quelqu’un capable de m’expliquer concrète-
ment ce qu’il veut. »
Un Pragmatique va vouloir une demande précise, documentée :
• De l’expertise ;
• Du concret ;
• De l’assurance, ou de la réassurance ;
• Des preuves, de la fiabilité ;
• De la précision, de la clarté ;
• De l’utilité concrète ;
• Des étapes.
Si l’un de ces éléments est absent, le Pragmatique jugera que c’est du
vent. Avec lui, pas d’arrondis : les angles sont carrés, ce doit être un
90 degrés précis, pas un 89,9.
Avec un Pragmatique, tu démontres ton point de vue, avec des faits.
Les leviers à activer

Comprendre, avoir de la visibilité, savoir où l’on va : le Pragmatique
a besoin de connaître à la fois le cap et les étapes qui y mènent.
La vision globale, la big picture, le cheminement : tout cela ne lui
fait presque absolument aucun effet. Pour pouvoir s’engager, le
Pragmatique a besoin de savoir ce qu’il a à faire, l’action qu’il doit
enclencher, son résultat en chiffres sonnants et trébuchants. Et le
temps que ça lui prendra.
Les cartes
Les chiffres
Pourquoi ?
Ce n’est pas pour rien que les données sont la matière précieuse de 28/04/2023
notre temps. Le chiffre rassure. Il donne un cap fiable. Il est tangible,
il ne laisse pas la place au doute. Pour toutes ces raisons, un chiffre
est essentiel lorsqu’il s’agit de convaincre un Pragmatique : il lui
donne un appui, lui permet de savoir où il doit aller.
La finalité/Le KPI (Key Indicator Performance, ou indicateur clé

de performance)
Le chiffre a le pouvoir de choquer, d’émouvoir, de faire prendre
conscience. Il fixe un objectif, un idéal à atteindre, ou indique une
direction à ne surtout pas prendre si l’on veut réussir. Son utilité est
de donner envie et de faire peur. Le Pragmatique, aussi étrange que
cela puisse paraître, peut ressentir du stress ou de l’excitation, et
c’est le chiffre qui tient lieu de carotte.
Exemple
Les discours actuels sur la bienveillance ou la transparence en entre-
prise, valeurs qui sont chères à des profils Émotionnels, s’accom-
pagnent désormais de chiffres : « Les entreprises ayant adopté des
pratiques de bienveillance et de transparence ont tendance à réaliser
50 % de chiffre d’affaires en plus. »
La gure d’autorité
Pourquoi ?
Une citation d’une personne qui fait référence dans le domaine
permet de s’appuyer sur son propos pour donner de la crédibilité à

ton argument. Si tu parles de l’inflation, tu peux dire que la France
n’est pas en récession, mais qu’étant donné les informations qui
découlent des études du ministère des Finances et la déclaration du
président, on peut imaginer que la situation ne va pas s’améliorer.
La finalité/Le KPI
Il faut au Pragmatique un indicateur d’efficacité qui l’amène à
comprendre la finalité de ton propos. La figure d’autorité rend notre
propos plausible. Il s’agit d’appuyer nos propos pour renforcer la
légitimité de ce que nous allons dire.
Pour le Pragmatique, tout propos doit être fiable et vérifiable. On
doit aller droit au but, éviter les longues introductions, et passer
concrètement au sujet. Tu ne peux enrober ton sujet que s’il existe
des données qui renforceront ton propos et en donneront le contexte.
Évite de faire des enchaînements de figures d’autorité. Un argument
bien utilisé, provenant de la bonne personne, suffira amplement, la
liste à la Prévert ne fera que noyer ton argument. Précise bien quelle
est ta source, dans quel cadre la personne a livré son propos, à quel
moment elle l’a fait.
Les personnes d’autorité peuvent être des experts, des statisticiens,
des pairs aux yeux de ton interlocuteur.
Exemple 1
On parle aujourd’hui d’urgence climatique. Pour en parler à un
Pragmatique, on citera le rapport du GIEC sur l’évolution du climat,
composé d’informations techniques, scientifiques et socio-écono-
miques relatives au réchauffement climatique réalisé par un groupe
d’experts intergouvernemental.
Dans la sphère personnelle : les enfants sont les porteurs les plus
efficaces de l’argument d’autorité, puisqu’ils ont constamment
affaire à une figure plus puissante qu’eux. Par conséquent, un enfant
usera davantage de cet argument : la maîtresse a dit qu’il fallait
trier les déchets, j’ai vu une émission qui parlait de l’importance de
raconter des histoires le soir, etc. Dès l’enfance, nous utilisons cette
technique de la façon la plus naturelle qui soit. Il s’agit d’y revenir.
Exemple 2
Le cas de la digitalisation des entreprises. Le PDG de Carrefour
a expliqué que s’il n’avait pas opéré le virage numérique, il aurait
perdu un certain pourcentage de son chiffre d’affaires. On peut
donc soit passer à côté, soit faire comme Carrefour et amorcer notre
virage.
On peut envisager l’impact du chiffre comme une courbe.
La question fermée
Pose des questions qui ne proposent que deux possibilités : oui et
non. Ainsi, tu élimineras progressivement les éléments qui discré-
ditent ton discours et tu pourras te concentrer sur ce qui intéresse
vraiment ton interlocuteur.
L’urgence
Montre qu’il est vital, pour le projet, que ton interlocuteur réagisse
vite.
Amène ton interlocuteur à prendre conscience du caractère urgent
de la situation et de l’obligation d’agir rapidement (voire dès main-
tenant). C’est le procédé que les marques, les sites et les boutiques
utilisent avec les soldes en mettant en avant l’offre exceptionnelle
disponible juste quelques jours pour nous inciter à acheter.

Si vous cherchez une personne qui l’utilise avec brio, regardez les
premiers discours de Greta Thunberg sur l’urgence à agir pour notre
planète.
Le bénéce direct
Un(e) Pragmatique aime savoir la finalité, donc dis-lui dès le départ
ce qu’il y aura à gagner de manière concrète, spécifique et mesu-
rable. Donne-lui directement le bénéfice pour susciter son intérêt
face à tes propos.
Lever les peurs

La plus grande peur du profil Pragmatique est que rien ne se passe
comme prévu. Un grain de sable dans la machine suffit soit à le faire
renoncer à un projet ou à t’écouter, soit à disqualifier ta crédibilité.
Lève les blocages en abordant directement le problème, pour crever
l’abcès et restaurer la confiance.
D’autres éléments à prendre en compte

Les stéréotypes et les clichés
Arrête-toi sur une idée préconçue qui sert de croyance à ton interlo-
cuteur Pragmatique. Puis applique-toi à démontrer à quel point elle
est fausse, étape par étape.
Un Pragmatique veut savoir, concrètement, ce qu’on va faire, les
étapes et la finalité. Quand tu amènes un stéréotype, tu prends un
postulat d’une situation particulière et tu la généralises. Cela a le
don de l’énerver.
Un stéréotype, amené à un Pragmatique, doit être immédiatement
démonté.
Lorsqu’on parle d’entreprise libérée à un Pragmatique, cela peut
profondément l’agacer. Il s’agit de dire que le stéréotype dont on
parle est faux, afin ensuite de placer un argument appuyé par un
fait, des chiffres.
C’est une technique risquée, elle ne doit pas impliquer un cliché trop
important, et ne doit pas durer longtemps.
Mais elle peut servir à renforcer son point de vue et donc à gagner 28/04/2023
sa confiance.
Exemple
L’égalité homme-femme dans les entreprises. Elle existe, de
nombreuses initiatives ont été mises en place pour que ce soit
possible. Mais on sait que c’est complètement faux.
On peut également citer l’inclusion, qui aujourd’hui, est devenue
on ne peut plus naturelle. Elle n’a plus lieu d’être un sujet. Ça, c’est
le discours ambiant. Mais on sait que c’est faux. Parce que selon
l’étude de telle association, 50 % des personnes ayant un nom à
consonance maghrébine ont moins de chance d’obtenir un emploi.
Attention : il est important de chercher un stéréotype qui parle à
tous, et non pas qui parle à un groupe déterminé de personnes.
Le mea culpa
Il est difficile pour quelqu’un de nous écouter s’il a des griefs envers
nous par rapport à une situation antérieure, une non-prise en compte
de ses remarques. Pour avancer, il faut accepter de reconnaître les
problèmes ou tensions qu’il y a pu avoir. Les occulter amènerait à
fermer la capacité d’écoute des personnes à qui tu souhaites trans-
mettre ton message.
La répétition
Elle est à utiliser avec finesse lorsqu’on s’adresse à un(e)
Pragmatique. Elle n’a pas pour but de reproduire une émotion,

mais de marteler, d’insister sur un problème important, nécessaire,
utile, pour permettre à un profil Pragmatique de mieux saisir notre
propos et notre objectif. Il ne s’agit pas d’un effet de style. Son but
est d’appuyer, de mettre le doigt sur quelque chose qui a de l’impor-
tance pour le Pragmatique et qui le fera réagir. À utiliser avec une
extrême modération, cependant : l’abus de répétition est dangereux
pour l’interaction avec un(e) Pragmatique. La répétition ne peut être
utilisée que sur un aspect de notre texte, de notre idée ; évite donc
de répéter plein de mots, et choisis soigneusement l’idée sur laquelle
tu souhaites insister.
Le dessin
Je ne parle ni du dessin créatif ni de l’œuvre d’art. Ce n’est pas de
l’art abstrait. Ne laisse donc pas trop se déployer ton côté créatif, qui
gagnera à s’exprimer ailleurs. Ici, on se rapproche du mindmapping,
de l’organigramme, du schéma logique. Son objectif : permettre
au Pragmatique de connaître les différentes données à prendre en
compte sur le chemin. Pour le Pragmatique, le schéma est la repré-
sentation visuelle d’un raisonnement logique. Il peut donc être un
défi lorsqu’il sort de la tête d’un(e) Émotionnel(le) car il doit ne
s’attarder que sur les éléments qui permettent de comprendre les
éléments de la résolution d’un problème. En une image, on doit
pouvoir comprendre le problème, ses tenants, ses aboutissants, son
environnement.
À toi de jouer!
Quelle technique serait la plus adaptée pour communiquer efcace-
ment avec l’autre?
• Au travail.
• En famille.
• En couple.
• Entre amis.
Parmi ces techniques, laquelle te sens-tu en mesure de mettre en
place au quotidien?
• Les chiffres.
• La gure d’autorité.
• La question fermée.
• L’urgence.
• Le bénéce direct.
• Lever les peurs.
• Les stéréotypes et les clichés.
• Le mea culpa.
• La répétition.
• Le dessin.

À RETENIR
• Tu vas croire que nous sommes plusieurs dans ma tête, mais les
cartes peuvent être combinées : tu peux utiliser plusieurs techniques
si cela s’avère nécessaire. Cela permet de mieux comprendre et de
se faire comprendre de l’autre.
• On peut utiliser les cartes et y ajouter ses propres arguments, pour

faciliter l’exercice et ne pas se sentir dépossédé de ce que l’on est.
• Les cartes peuvent ne pas marcher.
• Il peut falloir du temps pour apprendre à les utiliser.
• Même si tu parles dans le langage de l’autre, il peut ne pas être
sensible à ton argument. Garde à l’esprit qu’il s’agit avant tout
d’augmenter tes chances d’être compris.
UN PETIT CADEAU
Je sais que même avec toute la bonne volonté du monde, retenir
l’ensemble des techniques peut être compliqué ; voici pourquoi j’ai
décidé de te mettre les six points principaux de chaque profil en
version détachable à la fin de ce livre. Tu pourras les avoir avec
toi tout le temps, dans ton portefeuille, dans ton agenda ou dans ta
pochette d’ordi et t’essayer à les utiliser dans ton quotidien.
N’hésite pas à commencer avec celle qui te parle le plus, et essaie au
fil du temps de tester les autres.
À toi de jouer !
LETTRE OUVERTE
À toi, M. ou Mme Pragmatique, maître du temps, grand adepte du contrôle
(non pas pour le pouvoir, mais pour la sécurité).
Je sais que pour toi, la performance, l’objectif, et la finalité sont les
notions au cœur de ta vie, de ton métier, de tout ce que tu fais.
Pourtant, si tu souhaites y arriver, si tu souhaites atteindre tes objec-
tifs, il va falloir apprendre à ajuster ton comportement et modifier ta
perception sur ta façon de donner et de recevoir l’information.
Je sais que pour toi, c’est compliqué de comprendre quelqu’un qui
est « flou ». Quelqu’un qui te parle de ses états d’âme alors que tu
as besoin de réflexion et d’analyse. Quelqu’un qui te parle de vision
alors que tu veux parler d’objectifs.
Je sais que pour toi, les sentiments n’ont pas leur place dans l’avan-
cée d’un projet. Et que ce n’est pas avec le cœur que l’on atteint son
but.
Je le sais, je le conçois, je le comprends. Mais comme dans toute
équation, il peut y avoir des inconnues. Et ces inconnues, pour toi,
ce sont les Émotionnel(le)s.
Tu ne les comprends pas, et pourtant, ces inconnues ont un inté-
rêt. Elles sont compliquées, difficiles à déchiffrer, mais sont des
éléments essentiels pour l’obtention de tes résultats. Alors, un peu
comme pour une opération mathématique, avec ces inconnues, tu
devras prendre le temps. Le temps de réfléchir différemment. Tu
devras désapprendre ce que tu sais, ce que tu penses connaître, te
défaire de ce que tu es, pour mieux comprendre ce que tu n’es pas,
ce que tu ne sais pas.
Alors oui, parfois, ce que tu entendras n’aura ni queue ni tête. Tu ne
saisiras pas immédiatement l’intention de ton interlocuteur, hormis
celle de te donner mal à tête.

Mais prends le temps, sois patient, oublie un instant ton cerveau
et réfléchis avec ton cœur. Même s’il reste rationnel, évidemment.
Et fais l’effort de parler le langage de l’autre : si la science ne peut
concevoir le monde en noir et blanc, aucun humain ne peut le faire.
Aussi, même si tu voudrais que tout soit bien défini, tu dois accepter
les nuances.
Oui, ça t’énerve, ça t’agace, ça t’irrite, ça te frustre et ça te prend du
temps. Mais c’est nécessaire et obligatoire pour parvenir à la bonne
réalisation de tes objectifs ou de ton projet.
On dit souvent que du chaos naît l’ordre. Je n’ai aucun souci pour
toi en ce qui concerne l’ordre, mais je te demande de faire un pas
vers le chaos. Un nouvel ordre pourra peut-être en émerger.
Je sais que ta détermination, ta rigueur et ta capacité à garder le
cap sur tes objectifs t’amèneront, avec force et précision, à trouver
la meilleure méthode, le meilleur processus, pour faire de ton inte-
raction avec les inconnues que sont les Émotionnel(le)s ta plus belle
démonstration.
À toi, ami(e) Émotionnel(le), gardien de la sensibilité, maître des sentiments.

On ne peut vivre si on ne ressent pas. Je sais que pour toi, cette
phrase est plus qu’une pensée : elle est un mantra. Parce que tu ne
peux te sentir exister que lorsque tu ressens et que tu t’exprimes.
Lorsque tes pensées s’entrechoquent, et que tes émotions décousues
s’affirment.
Ta vie n’est faite que d’émotions, de sentiments, et d’expériences.
Tu vis ce que tu dis, et tu dis ce que tu vis. Comme s’il n’y avait
aucune frontière entre ton cœur et tes paroles : les deux s’enlacent
et ne font qu’un.
Je sais ce que t’évoquent l’ordre et la rigueur : deux adversaires. Toi,
pacifiste qui aimes partager, imaginer, échanger, sur tout sauf sur ce
qui se veut précis.
Car ne parler que d’un aspect des choses, c’est réduire l’expérience
globale que l’on a vécue, et sa richesse.
Alors ça ne m’étonne pas que lorsque tu te heurtes au mur de la

rationalité, tu décroches. Autant ne rien dire, plutôt que de ne pas
pouvoir vivre ce que l’on raconte.
Et pourtant, et pourtant. Ce qui rend les émotions magnifiques,
c’est leur diversité : elles peuvent nous attrister ou nous réjouir, nous
faire pleurer ou sourire. La richesse de ces émotions provient de
leur variété. Et si cela marche avec les émotions, cela devrait aussi
marcher avec les personnes qui nous entourent. Elles nous offrent la
richesse de leur différence.
Il faut du temps. Pour aimer, pour comprendre. Parce qu’aimer,
c’est prendre le temps de comprendre, parce qu’aimer, c’est prendre
le temps d’accepter l’autre tel qu’il est et non tel que l’on souhaite-
rait qu’il soit.
Tu auras l’impression d’aller à l’encontre de ce que tu es. Le langage
te paraîtra froid. La pensée te semblera vide de sens, dépourvue
d’émotion. Comme si la raison s’invitait dans le territoire du cœur,
dont elle ne comprend pourtant pas les raisons. Et cependant,
résiste. Prouve que tu existes. Mais laisse aussi à l’autre la place
d’exister. Il/elle n’est pas méchant(e), il/elle ne te veut pas de mal.
Il/elle n’est pas contre toi. C’est juste que, comme une émotion,
l’autre vit ce qu’il/elle dit, à sa propre manière. Maladroite, certes,
mais souvent pleine de bonnes intentions.
Je ne te demande pas de tomber amoureux de l’autre, ou de sa
logique. Mais si tu es une personne de cœur, tu sauras faire le
premier pas. Et essayer.

Chapitre
5
Au-delà des mots,

le non-verbal
« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. »

VICTOR HUGO
LE TROISIÈME INTERLOCUTEUR
Parler la même langue que l’autre. Comprendre les conditions de
l’échange à travers les six cercles (situation, contexte…). Ces étapes
que nous venons de franchir ensemble permettent de cerner l’envi-
ronnement dans lequel se déroulent nos échanges.
Plus armé(e) à présent, tu es en mesure de détecter la prédominance
d’un profil chez l’autre. Tu as peut-être déjà commencé à t’exercer
auprès de tes proches, ou en écoutant une conversation. Tu décèles
les attentes de chacun des profils que tu rencontres au quotidien, et
tu as, oserais-je le dire, les cartes en main pour réussir tes échanges
au mieux, en tenant compte du point de vue, des codes, de l’état
d’esprit des autres.
109
À ce moment précis, tu te dis probablement qu’il ne reste plus qu’à
tester les techniques, à affiner ta pratique, et tu seras sûr(e) d’empor-
ter l’adhésion de l’autre.
Oui… mais en fait, non. Pas encore, du moins. Il te manque un
élément essentiel. Récapitulons : l’autre comprend notre message à 28/04/2023
condition que ces trois aspects soient pris en compte :
1. Le message (jusque-là, on est bon) ;
2. La manière de le dire (sur ce point, nous avons bien progressé
tout au long du livre) ;
3. Et… le comportement de l’autre et du tien durant la transmission
du message (aïe).
Ce troisième aspect, est-il vraiment si important ?
Il est plus qu’important : il est tout aussi déterminant que les autres.
Je l’ai appris à mes dépens. Voici comment :
Je donnais une formation en entreprise, sur le thème de l’écoute.
Lors du moment dédié à l’échange entre les participants, l’un d’eux
a émis un avis, a priori utile et bienveillant, mais qui, par la suite,
s’est révélé plutôt cynique. Je te laisse en juger :
Participant 1 (calme et posé) : Je pense que le fait d’écouter offre un
véritable soutien et est utile pour accompagner nos collaborateurs,
même si parfois cette démarche est chronophage et que l’on souhai-
terait donner les solutions, ou leur dire directement quoi faire pour
aller plus vite. Écouter permet de créer de la confiance sur le long
terme.
Participant 2 (calme) : J’entends ce que tu dis, mais prendre le temps
d’écouter, c’est aussi ouvrir la porte aux longues discussions inter-
minables (lève les yeux au ciel, l’intonation se renforce sur « longues et inter-
minables »), dont la finalité n’apporte aucune solution (regard en coin),
hormis le fait d’avoir perdu une heure… (lève de nouveau les yeux au
ciel, sourire en coin). Après, tout est question de priorité (mouvement de

recul et regard vers le côté). Je peux soit écouter, soit faire tourner mon
service et atteindre mes objectifs avec détermination (l’intonation
monte de nouveau sur « atteindre mes objectifs avec détermination »). Et
confiance, bien sûr (sourire, yeux levés, puis silence).
Sans surprise, cette sortie du second participant a jeté un froid entre 28/04/2023
lui et le premier. Lequel a vécu la remarque comme une attaque
directe envers ses idées, sa vision, voire sa personne.
Était-ce le but ? Peut-être… ou peut-être pas. Mais ce qui nous inté-
resse ici, ce sont les signaux paraverbaux, et le langage non verbal.
Un langage venu appuyer les propos du second participant, au point
d’influer sur la perception qu’en a eue le premier participant.
Que s’est-il passé ?
Chapitre 5 : Au-delà des mots, le non-verbal 111

NOUS COMMUNIQUONS SURTOUT DE
MANIÈRE NON VERBALE
Selon deux études réalisées en 1976 par le psychologue et professeur
de psychologie Albert Mehrabian, lorsque nous échangeons les uns
avec les autres,
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 111 nous utilisons trois moyens de communication : 28/04/2023 14:53
• Le verbal (signification et sens donné aux mots), à hauteur de 7 % ;

• Le vocal, ou paraverbal (intonation et son de la voix), à 38 % ;
• Le non-verbal (attitudes et expressions du visage), qui constitue
55 % de notre arsenal de communication.
Si l’on additionne les deux derniers moyens de communication
cités, on obtient le résultat suivant : 93 % de notre communication
serait non verbale.
Évidemment, cette étude a été réalisée dans un contexte précis, à un
moment spécifique. Ses résultats sont donc à prendre avec prudence.
Cela dit, ces études révèlent tout de même à quel point le non-ver-
bal et le paraverbal sont des composantes essentielles de toute
interaction. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les échanges
entre Pragmatiques et Émotionnels. De quoi rendre encore plus
passionnante l’observation de ce qui se passe entre ces deux profils
si contraires et si complémentaires !
Nous avons déjà exploré les secrets du langage verbal. Passons à
présent en revue chacun des deux autres composantes du discours
citées plus haut.
La voix
Nul besoin d’être un ténor ou une cantatrice pour avoir une voix qui
porte. Et par « porter », j’entends « porter ton message » : commu-
niquer ton énergie, ta détermination, la force de tes propos à ton
interlocuteur.

Ta voix mettra tes propos en musique, afin qu’ils s’impriment et
soient ressentis par les personnes avec qui tu échanges. Si tu ne l’as
pas déjà fait, je t’invite à écouter les lectures de Fabrice Luchini, un
des monuments du cinéma français. Au théâtre comme dans ses
capsules vidéo où il lisait des contes pour petits et grands durant
la crise du Covid-19, il a marqué et marque encore les esprits par
la manière dont il pose les mots, joue avec la vitesse et le volume,
prend plaisir à moduler sa voix, donne du relief à son texte. Tout
cela participe à l’énergie qu’il donne au texte, au plaisir qu’il ressent
à nous transmettre, plus que des mots, de véritables émotions.
À l’inverse, la voix peut aussi devenir notre pire ennemi. Il suffit
qu’on en perde le contrôle et elle se chargera de trahir, en ton nom,
ton manque d’intérêt, tes doutes, ton dédain, tes peurs, ta colère,
ton agacement. Ainsi, c’est de la colère que l’on a pu observer lors
du débat présidentiel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron en
2018, et du mépris durant la confrontation entre Gérald Darmanin
et Apolline de Malherbe qui a donné lieu au désormais fameux
« Calmez-vous Madame, ça va bien se passer. » C’est de la réserve
et de la timidité que l’on a entendues dans la voix fébrile d’une élue
du Rassemblement National, lorsqu’elle s’est trouvée en incapacité
de répondre à une question sur son programme.
Les exemples politiques sont toujours les plus évocateurs, c’est
pourquoi j’en ai usé ici ; mais ces problématiques se retrouvent tout
aussi bien dans le contexte professionnel ou familial.
Voici les deux caractéristiques de la voix auxquelles il est essentiel
de porter attention.
Le débit
Deux cent vingt-neuf mots en trente secondes : c’est le record du
rappeur Eminem sur le morceau Majesty. Ce qui correspond à
11,3 syllabes, c’est-à-dire à peu près cinq à dix mots, par seconde.

Impressionnant ? Incompréhensible ? Sûrement. Car à cette vitesse,
il y a peu de chance que les personnes qui l’écoutent aient eu le
temps de retenir quoi que ce soit, hormis le rythme effréné de ses
propos.
Pourtant, lorsqu’on ne s’appelle pas Eminem, le débit n’est pas ce 28/04/2023
que nous maîtrisons le mieux.
Pourquoi ? Parce que celui-ci n’est pas vécu, mais subi.
Pour nombre d’entre nous, le débit est lié à notre personne, mais
aussi à notre niveau de stress. Et comme on peut l’observer bien
souvent, lorsque notre stress augmente, notre débit s’accélère. Tout
se passe comme si le fait de parler plus vite nous permettait de se
libérer d’un message, de s’en débarrasser presque, afin de se libérer
le plus rapidement possible.
Or, le débit est notre meilleur allié. Il permet de donner du rythme à
nos propos. En apprenant à le maîtriser, en faisant volontairement
varier la vitesse de tes phrases, tu vas pouvoir appuyer sur certains
mots pour souligner leur importance, tout en laissant le temps aux
gens d’écouter avec attention et de prendre conscience de chaque
idée.
C’est ce que faisait ton professeur au collège, lorsqu’il insistait sur
certains mots durant les cours. C’est ce que nous faisons, de temps
à autre, durant ces réunions où nous prenons le temps de ralentir le
débit pour nous attarder sur un point essentiel. C’est ce que faisaient
tes parents lorsqu’ils te sermonnaient ou te faisaient part de leur
fierté devant un de tes accomplissements.
Faut-il donc parler doucement pour être mieux compris ?
Au contraire, faut-il parler comme au théâtre ? Pour être compris,
parlons lentement ? Eh bien, pas vraiment. Pas seulement. L’idéal
serait d’arriver à alterner, lorsque nous parlons, entre Wilma
Rudolph et Usain Bolt. Entre une coureuse d’un semi-marathon et

un sprinter. Entre l’endurance et la rapidité. La force de ton message
réside aussi dans cette dynamique :
• Accélérer sur les détails. C’est-à-dire lorsqu’on arrive à une partie
du message qui n’est pas nécessaire à la compréhension globale
de nos propos. Les informations secondaires, qui ajoutent du 28/04/2023
contexte mais qui ne font pas partie des idées essentielles que l’on
veut que l’autre retienne, peuvent être dites « plus vite ». Il s’agit
des explications, des descriptions, un peu comme ces phrases que
l’on lit en diagonale dans un livre pour arriver plus rapidement
aux parties les plus intéressantes.
• Garder un débit habituel lorsqu’on raconte. Ton débit habituel
peut « habiller » les éléments de contexte, par exemple, qui servent
le propos.
• Ralentir pour appuyer. Lorsqu’on arrive sur des informations
sensibles, importantes, c’est le moment de freiner, de s’attarder
sur certains mots.
Pour savoir si ton débit est le bon, rien de mieux que de t’appuyer
sur ton auditoire. Pose-lui directement la question : réussit-il à saisir
tes propos ? Parles-tu trop vite, trop lentement ?
Tout l’intérêt du débit réside dans la capacité à jouer avec les vitesses
au fil du discours. Prends ton temps : cela s’apprend.
Le ton
Je prends souvent plaisir à proposer à mes étudiants l’exercice
suivant : peuvent-ils dire bonjour en modifiant à chaque fois le ton ?
Immanquablement, ils sont surpris par les expressions de leurs
visages, qui se transforment à chaque essai. Leur corps mime les
émotions, leur voix en devient le corps.

Le ton façonne tes propos. Il leur donne de la vie, de la matière,
et contribue à susciter l’intérêt de ton interlocuteur. Sans ton, le
propos se meurt, même si les idées sont étincelantes.
Il existe autant de tons que de ressentis : ému, résolu, tranchant,
convaincu, sournois, effrayé, boudeur, affectueux, peureux, mena- 28/04/2023
çant, sévère, convaincu, déterminé, autoritaire, froid, haineux, en
colère, inquiet, fébrile, joyeux, grave, dédaigneux, condescendant,
surpris, naïf, flatteur, séducteur… Le but est de trouver le bon ton
pour le bon message, et d’être conscient(e) que l’on peut, selon les
propos énoncés, changer de ton (dans la limite du raisonnable pour
ne pas glisser vers la pièce de théâtre).
EXERCICE
Prends le temps de regarder ta série préférée. Essaie de déterminer
quel ton prend ton personnage favori tout au long de l’épisode. Y en
a-t-il un seul, ou en as-tu perçu d’autres?
Ta voix véhicule la puissance de tes idées. Mais comme tout vecteur

de puissance, pour qu’elle soit performante, elle a besoin que tu
saches comment elle fonctionne et que tu saches la gérer. Au même
titre qu’un marathonien, il nous faut travailler la posture, le rythme,
se nourrir et s’hydrater durant l’épreuve, préparer notre mental à
affronter la douleur et l’envie d’abandonner. Ce n’est qu’après une
préparation que l’on peut prétendre transmettre la puissance d’un
propos. Sans maîtrise, la puissance n’est rien, disait cette publicité
pour des pneumatiques.
Aussi, comme un sportif, préparons la voix.

Le non-verbal
La puissance insoupçonnée du regard
« Les yeux sont le miroir de l’âme », disait Cicéron. « Regarde-moi
quand je te parle », disait ma mère quand je me faisais sermon-
ner. Cette phrase revient souvent dans les situations conflictuelles
en famille, entre amis ou dans la sphère professionnelle. Nous
ne supportons pas que l’on néglige de nous regarder quand nous
parlons. Tout se passe comme si ne pas regarder l’autre, c’était lui
manquer de respect.
Le regard est la passerelle entre nous et l’autre, entre nos propos et la
parole de l’autre. Les anthropologues anglophones, comme Helen
Fischer, parlent du anchoring gaze (regard d’ancrage) pour décrire le
moyen par lequel les femmes se « connectent » l’une à l’autre avant
d’entamer une conversation.
Le regard apparaît comme le premier lien de confiance entre les
individus lors d’une communication. Il amène l’autre à se sentir
concerné par les propos, reconnu par le regard porté sur sa personne.
C’est souvent le premier pas vers l’autre, et l’on a tendance à sous-es-
timer ou à oublier l’importance de ce pas lors de nos échanges, tant
nous sommes absorbés par le message que nous souhaitons abso-
lument transmettre et par notre argumentation. Or sans toucher le
cœur et l’esprit, un message ne peut atteindre le cerveau.
« T’as d’beaux yeux, tu sais… », disait sans aucune hésitation Jean
Gabin en ancrant son regard dans celui de Michèle Morgan dans
le film Le Quai des Brumes. Pourtant, certains vous diront qu’il est
difficile de poser le regard sur quelqu’un de manière continue, tout
en énonçant ses idées. Cela peut gêner, troubler, créer un malaise
lorsque le regard est trop soutenu, trop intrusif, trop appuyé. C’est
un peu comme si on jouait à être George Clooney alors qu’on n’est
pas George Clooney, à Julia Roberts sans son sourire légendaire, à

Leonardo DiCaprio alors qu’on n’est pas sur le Titanic, à… bref,
vous avez compris l’idée.
À mes yeux (j’ai le sens de l’à-propos), le regard est similaire à la
manière dont on appuie sur la pédale d’accélérateur sur une voiture.
Il y a toujours une pression sur la pédale mais celle-ci varie selon la 28/04/2023
puissance que l’on veut obtenir.
Le regard que l’on pose lors de nos propos doit l’être non pas de
manière continue et soutenue, mais de façon choisie. On insiste
avec le regard lorsque l’on souhaite :
• Créer un lien avec la personne avec qui l’on parle ;
• Appuyer une idée importante ;
• Chercher à obtenir ou à récupérer l’attention de l’autre.
Astuce : si vous n’êtes pas à l’aise lorsque vous regardez quelqu’un,
ne vous obligez pas à le regarder. À la place, trichez un tout petit
peu en regardant entre ses sourcils. Il faut savoir que la personne
que vous regardez ne verra pas la différence, et aura l’impression
que vous la regardez véritablement dans les yeux !
Les mains
Les mains sont un fabuleux indicateur de notre état émotionnel.
Elles regorgent de signaux qui décrivent l’impact de nos propos
sur l’autre. Elles peuvent te permettre d’identifier plusieurs états
émotionnels auxquels tu dois prêter attention lorsque tu énonces
tes propos.
• Inconfort : ton interlocuteur se frotte les mains, joue avec ses
bagues, ou avec un crayon.
• Agacement : ton interlocuteur pianote avec ses doigts sur la table,
ou se tapote le bout des doigts.

• Ouverture : ses mains se portent dans ta direction, paumes diri-
gées vers le ciel.
• Affirmation : lorsqu’il te parle, il pointe son index vers toi ou ses
poings se serrent, comme s’il partait au combat.
Ces indications ont pour but de te donner une première lecture, 28/04/2023
assez simple, des signes que tu pourrais voir lorsque tu échanges

avec quelqu’un. Mais ce n’est que la pointe visible de l’iceberg. Le
langage non verbal est un monde beaucoup plus complexe qu’il n’y
paraît. Son interprétation demande de la prudence, l’être humain
n’étant pas une machine. Un signe peut avoir des significations
différentes selon le contexte, le moment et la personne.
Pour aller plus loin sur ce domaine et comprendre l’ensemble des
micro-expressions de notre corps, je t’invite à plonger dans Le Grand
Livre de la synergologie de Philippe Turchet8. À ce jour, il offre la
compréhension la plus complète du langage non verbal.
8. Turchet, Philippe, Le Grand Livre de la synergologie. Décoder le langage corporel pour mieux
comprendre l’autre, Éditions de l’Homme, 2022.

EXERCICES
Ces exercices prennent en compte des gestes qui peuvent indiquer
du stress, du désintérêt, ou simplement des postures de confort. Il
ne s’agit pas d’une science exacte, à prendre pour argent comptant.
L’observation de ces gestes permet seulement de «prendre la tem-
pérature»119
MEP_ParlerPourEtreCompris.indd de l’échange, de savoir quand demander à l’autre s’il nous 28/04/2023 14:53
suit, s’il comprend ce que nous disons, si nos propos le gênent. Il
s’agit de baliser le terrain pour s’assurer de l’attention de l’autre.
1. DÉTECTER LE NON-VERBAL
Les gestes
La personne te pointe-t-elle du doigt?
Est-ce qu’elle joue avec ses mains, de façon frénétique, comme si
elle était stressée?
Est-ce que ses mains jouent avec un objet?
Est-ce qu’elle a un mouvement de recul, ou croise les bras? (Atten-
tion : parfois, le croisement des bras peut aussi être une posture
de confort).
Est-ce qu’elle «s’oppose à nous» à l’aide de son corps, en croisant
les jambes ou en te tournant légèrement le dos?
Les pieds sont notre boussole naturelle: leur position indique notre
ouverture à une idée. Est-ce que les pieds sont ouverts, fermés,
dirigés vers toi, ou tournés vers l’extérieur?
Est-ce que la personne se voûte, se recroqueville sur elle-même,
comme si tes propos étaient pesants pour elle?
Est-ce qu’elle bombe légèrement le torse (pour se donner de la
contenance)?
Le regard
Est-il fuyant? Dirigé vers le vide?
Est-ce que la personne te regarde dans les yeux?
Est-ce qu’elle lève les yeux au ciel?
Comment les sourcils s’expriment-ils? Sont-ils froncés, arqués?
Durant tes prochains échanges, essaie d’être attentif à l’ensemble
de ces points: regard, mains, position des pieds, position des bras.
Qu’as-tu remarqué?

ÉVALUATEUR
DE STRESS
NON-VERBAL VERBAL
Est-ce que la personne Est-ce qu’elle me
me regarde dans les yeux ? parle rapidement ?
Est-ce que la personne Est-ce que le volume
a le regard dans le vide ? de sa voix est élevé ?
Est-ce que la personne
détourne le regard ? Est-ce que le volume
de sa voix est bas ?
respire normalement ? Est-ce que sa
voix tremble ?
se frotte les mains ?
Est-ce que je ressens
Est-ce que ses mains de la colère dans sa voix ?
jouent avec un objet ?
Est-ce que je ressens
Est-ce qu’elle joue du désintérêt dans sa voix ?
avec ses bagues ?
Est-ce qu’elle tapote
sur la table ?
La personne
pointe-t-elle du doigt ?
A-t-elle les mains
ouvertes vers moi ?
La personne est-elle en recul
lors de notre discussion ?
Est-ce qu’elle s’oppose
à moi à l’aide de son corps ?
Est-ce qu’elle bouge
fortement ses jambes ?
Est-ce qu’elle tapote
ses pieds sur le sol ?
Est-ce que ses pieds
sont vers moi ?
NIVEAU DE NIVEAU DE
STRESS STRESS
Chapitre 5 : Au-delà des mots, le non-verbal

121
28/04/2023 14:53
2. SE FAIRE COMPRENDRE, ENFIN!
Être sûr que les mots utilisés et la manière de dire les choses corres-
pondent à ce que comprennent les autres. Une fois que tu as décelé
les signes non verbaux dans les exercices précédents, ces questions
te permettront de t’assurer si ces signes correspondent véritable-
ment à une gêne, à une inquiétude ou à une opposition face à tes
propos, ou s’il s’agit seulement d’une posture de confort.
Ј Demande à ton auditoire de reformuler ce que tu viens de dire, de
le transformer en image ou en une phrase.
Ј Demande à donner les grandes idées de tes propos en dix
secondes.
Propose à ton auditoire de résumer ce que tu viens de dire en trois
à cinq mots.
Pose la question suivante: «Si vous deviez retenir une seule chose
dans ce que j’ai dit, qu’est-ce que ce serait, et pourquoi?»
3. RÉFLÉCHIR
Demande-toi les choses suivantes: est-ce que ce sont les faits (chiffres)
ou les exemples (témoignages, histoire) qui vont convaincre?
Une fois que tu as posé les questions de l’exercice précédent, tu
auras assez d’éléments pour dénir la proportion d’émotion et de
pragmatisme dans ton auditoire, et ainsi, savoir comment équilibrer
le dosage de tes arguments selon leur nature.
La combinaison des deux te permettra de résoudre l’énigme que
constitue l’interaction avec les autres.

Conclusion
On nous apprend souvent que la franchise est le meilleur des

arguments. Lorsque nous répliquons que trop de franchise peut
parfois blesser, on nous rétorque qu’il n’y a que la vérité qui blesse.
Revenons donc à notre intention première. Voulons-nous avoir
raison, convaincre, séduire ou nous faire comprendre ? Si tu as lu
ce livre, c’est que tu souhaites te faire comprendre des autres. Et
pour cela, il faut admettre qu’un argument n’est recevable que s’il
est présenté dans la langue de l’autre.
Tout au long de mon parcours de coach et de formateur en prise
de parole, j’ai pu souvent voir que convaincre et être compris ne
reviennent pas au même. Vouloir convaincre est une intention
personnelle. Fais le point sur ton intention. Si tu souhaites avant
tout être compris, alors tu as intérêt à adapter ton message en t’ali-
gnant avec la pensée de l’autre.
Imagine que tu parles à une personne qui ne connaît pas ta langue.
Si tu parles exclusivement dans ta langue personnelle, l’autre ne
comprendra pas. Mais si avant de parler tu prends en compte la
langue que parle la personne, tu pourras retranscrire ton message.
• Écouter ;
• Prendre en compte son besoin ;
• Réinterpréter ses propos.
Dans une conversation, ces trois piliers forment une sorte de langage
en filigrane.
Nous disons les mêmes mots, mais ne parlons pas la même langue.
123
Pas besoin d’aller loin pour voyager et découvrir la richesse des autres.
Prends le temps d’être curieux de l’autre, de son « pays » personnel.
Explore ses traditions, sa culture, prends le temps d’écouter et de
vivre ce qu’il/elle te raconte. Prends ce temps ; c’est le temps qui te
permettra de découvrir la richesse de son univers. Si nous sommes
capables de « consommer » les échanges aujourd’hui, rapidement,
instantanément, cela ne nous apporte rien, en revanche, d’enrichis-
sant. Le plaisir d’un échange ne réside pas dans le fait d’absorber
les propos de l’autre, mais dans le temps que l’on prend pour appré-
cier l’interaction et découvrir de nouvelles saveurs. J’adore aller au
McDo, mais un burger n’égalera jamais les plats de ma mère.
La conversation, c’est de la gastronomie.
Il faut prendre le temps de ressentir ses mots, les mots de l’autre,
les interactions qu’ils induisent, les émotions qu’ils provoquent, les
réactions qui s’ensuivent, le lien qui se crée. C’est l’inverse d’un
tweet, qui ne présente que l’essence de l’idée, son résumé, ou une
partie incomplète des propos.
Il est temps de réhabiliter la parole. Souvent, nous craignons telle-
ment de ne pas être écoutés que nous nous empressons de placer
nos idées. Et comme nous nous doutons, au fond de nous, que
l’autre aussi a quelque chose à dire, ou qu’il n’a pas le temps ou
l’envie de tout écouter, nous parlons vite, et nous finissons par dire
autre chose que ce que nous voulions. Tu sais, comme dans ces
scènes de cinéma où deux personnages qui se retrouvent après une
longue période de séparation commencent à parler en même temps,
à plusieurs reprises, avant de comprendre qu’il faut laisser le temps
de la parole à l’autre.
Réfléchissons avant de parler.
Essayons de comprendre ce que l’autre ressent, pressent.
Réfléchissons à comment mieux parler pour être compris.

Dans tous les contextes, faire l’effort de la parole.
Au travail, nous faisons attention constamment. Nous marchons
parfois sur des œufs. Mais dans la sphère privée, nous avons plus de
mal à filtrer nos propos.
J’ai beau avoir coaché des entrepreneurs, des dirigeants de grandes 28/04/2023
entreprises, proposer des formations à la prise de parole, créé des

jeux pour aider les gens à prendre la parole comme Talk, des plates-
formes d’apprentissages numériques comme la methodeapitcher.
com (c’était l’instant promo !), j’ai toujours autant de mal à commu-
niquer avec les gens que j’aime. Mes parents, ma copine, ma sœur,
mes amis, mes proches. Non pas parce que je ne le veux pas, ou que
je veux leur faire du mal. Mais parce que je ne prends pas le temps.
Comme nos liens sont naturels, je présuppose que notre interaction
sera tout aussi naturelle.
Seulement, me faire comprendre de mes proches implique de
prendre soin de mes propos, de prêter attention à l’impact que j’ai
sur eux, de la réaction que peuvent provoquer mes propos, de ne pas
prendre pour acquis que mon message sera compris.
Ma mère, ma sœur et ma compagne sont les femmes qui font de moi
l’homme que je suis aujourd’hui, et celui que je deviendrai demain.
Je les aime, et pour cela, je me dois de prendre soin de la manière
dont je communique avec elles. Alors, oui, ce n’est pas simple.
Parce que ma copine m’énerve, ma sœur me saoule, et ma mère, eh
bien, disons que parfois je ne suis pas toujours d’accord avec elle.
Mais pour le bien de notre relation, et parce que je les aime, je dois
surveiller mes propos, prêter attention aux leurs, à leurs réactions,
et parler leur langue. Si je le fais avec les personnes que j’aime, je
dois aussi le faire avec les personnes que je rencontre. Je ne le ferai
peut-être pas au même niveau, mais si ça marche avec elles, ça peut
marcher avec d’autres.
Chapitre 5 : Conclusion 125

Parce que finalement, ce qui compte, ce n’est pas le résultat, c’est
l’intention que l’on nourrit envers l’autre.
Maintenant, c’est à toi de jouer.
À toi de parler.
À toi de comprendre l’autre.
À toi de prendre le temps de détecter, d’analyser, et de traduire.

À toi de parler sa langue, pour être compris. Et avoir une chance
que l’autre ait envie de parler la tienne. Tout cela pour le plaisir de
l’échange.

Bibliographie
Clément Viktorovitch, Le Pouvoir rhétorique, Seuil, 2021.

Gilbert Collard, L’Art de s’exprimer en toutes circonstances, Presses de
la Renaissance, 2015.
Bertrand Périer, La parole est un sport de combat, JC Lattès, 2017.
Mathilde Levesque, Dictionnaire amoureux de l’éloquence, Plon, 2022.
Albert Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours, J’ai Lu, 2020.
Olivier Sibony, Vous allez commettre une terrible erreur !, Flammarion,
2020.
Stephen M. R. Covey, Rebecca Merrill, La Vitesse de la confiance,
Mango Media, 2019.
Daniel Kahneman, Système 1/Système 2 : Les deux vitesses de la
pensée, Flammarion, 2016.
Pamela Fuller, Le Guide du dirigeant : Nos biais inconscients, Franklin
Covey, 2021.
Cicéron, L’Orateur idéal, réédition par Rivages, 2009.
Aristote, Rhétorique, réédition par LGF, 1991.
Quintilien, Institution oratoire, réédition Belles Lettres, 1975.
Chip Heath et Dan Heath, Ces idées qui collent, Pearson, 2016.
Philippe Turchet, Le Grand Livre de la synergologie : Décoder le langage
corporel pour mieux comprendre l’autre, Éditions de l’Homme, 2022.
Frédéric Falisse, Questionnez mieux et gagnez en leadership,
Nextcellences, 2019.
127
m
co
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o ks
bo
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É M OT I O N N E L É M OT I O N N E L
La c itatio n L’anecdote
“
DÉFINITION DÉFINITION
Utilise une citation d’une Utilise une histoire de ta vie quotidienne
“
personne connue, pour donner
corps à tes propos.
qui illustrera le problème ou le sujet
dont tu vas parler.
EXEMPLE EXEMPLE
Ce matin, j’ai su que ma journée avait mal
On verra bien si j’ai réussi cet
examen, «Alea jacta est.» commencé quand j’ai pris le bus et que je
me suis rendu compte que j’avais oublié
le chargeur de mon téléphone. Alors, vous
vous demandez sûrement quel est le lien
entre mon câble et le projet que je vais vous
énoncer? Eh bien c’est souvent de petites
choses qui peuvent bloquer nos projets.
28/04/2023 14:53
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Le me a c ul pa Le sujet d’actualité
MEP_ParlerPourEtreComprisCARTES.indd 130
Il s’agit, avant de commencer, de reconnaître Appuie-toi sur un sujet d’actualité, pour
une erreur que l’on a pu faire, ou d’exposer capter l’intérêt et faire le lien avec ton sujet.
une situation problématique pour la
désamorcer.
EXEMPLE EXEMPLE
Alors, avant de commencer à vous présenter Plus d’un million de personnes dans la rue
ce nouveau projet, je tiens à m’excuser car contre la réforme des retraites, voilà un
je sais que la dernière année que nous avons
bel exemple de la force du collectif, de
passée n’a pas été facile, et que chacun
a pu être éprouvé par la charge de travail la détermination et de l’impact qu’il peut
et le rythme plus que soutenu que nous engendrer… une situation qui rappelle à
avons pu vivre. Merci d’avoir su tenir le coup, quel point la cohésion est un des piliers
et pardonnez-moi de n’avoir pas été assez de l’avancée et un facteur du changement.
présent pour vous accompagner lors Alors prenons exemple, et gardons en tête
de ce moment. cet état d’esprit pour avancer ensemble.
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Le scénario La projection
catastrophe
Créer dans l’esprit de ton interlocuteur
Provoquer chez l’autre un électrochoc une envie, un engagement, un ressenti
afin de le pousser à réagir.
à propos d’une situation non vécue.
EXEMPLE EXEMPLE
Imagine-toi demain, en train de réaliser
Suite au rapport du GIEC, nous avons
ton premier marathon, te surpasser en
deux choix pour notre planète, soit la allant chercher l’énergie au plus profond
détruire, soit agir tout de suite afin de ne
pas arriver au point de non-retour. de toi-même, passer la ligne d’arrivée
avec la joie et la fierté d’avoir réussi
ce défi sportif.
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PRAGMATIQUE PRAGMATIQUE
La figure d’autorité Les chiffres
Utilise les propos d’une personne qui fait Utilise un chiffre, une statistique venant
référence dans le domaine et appuie-toi appuyer, démontrer tes propos. N’oublie
dessus pour donner de la crédibilité à ton pas de préciser la source de ton chiffre
argument. car sans ça il n’a aucun poids.
EXEMPLE EXEMPLE
Ce dentifrice est la marque la plus Quatre-vingt-dix… Quatre-vingt-dix est le
utilisée par les dentistes eux-mêmes. pourcentage d’informations que les gens
oublieront après avoir écouté
ma présentation.
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L’urgence Lever les peurs
DÉFINITION
DÉFINITION
Démontre et prouve! Lève les
Amène ton interlocuteur à prendre blocages en abordant directement
conscience du caractère urgent de le problème, pour crever l’abcès et
la situation et de l’obligation d’agir restaurer la confiance en tes propos.
rapidement (voire dès maintenant).
EXEMPLE
Alors oui, je sais que ce nouvel outil
EXEMPLE informatique peut faire peur, oui il est
Ma proposition d’emploi ne tient que difficile à prendre en main, oui il vous fait
jusqu’à demain matin huitheures, si perdre du temps, et oui pour le moment
jamais je n’ai pas de réponse positive vous n’en voyez pas l’intérêt, mais comme
avant ce délai, la proposition sera tout changement il faut du temps pour
caduque. La décision est entre s’adapter et voir les bénéfices que celui-ci
tes mains. peut nous apporter.
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Le bénéfice direct La question fermée
DÉFINITION
DÉFINITION Pose des questions qui ne proposent
que deux possibilités : oui et non.
Va directement au but et explique Ainsi, tu élimineras progressivement les
clairement ce qu’il y a à gagner par éléments qui discréditent ton discours
rapport à ce que tu vas dire de manière et tu pourras te concentrer sur ce qui
spécifique, durable et atteignable. intéresse vraiment ton interlocuteur.
EXEMPLES
EXEMPLE Es-tu prêt à oublier le mot « vacances » ?
Dans les cinq prochaines minutes, je vais Es-tu prêt à te lever tôt cinqjours sur sept ?
vous expliquer comment nous pouvons Es-tu prêt à t’investir sans relâche? As-tu les
passer d’un modèle économique nerfs assez solides pour résister à la pression
déficitaire à un bénéfice de plus de dix ? Est-ce que sauver la planète a du sens
mille euros grâce à une action simple. pour toi? Si à toutes ses réponses, tu as dit
oui, le poste est pour toi.
03/05/2023 11:34

Et Si Je Parlais Pour Être Vraiment Compris

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Emmanuel Chila

MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 1 28/04/2023 14:53

Lecture/correction : Élise Nicoli et Clotilde de Royer

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou

© Éditions Eyrolles, 2023

MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 2 28/04/2023 14:53

COMMENT PARLER LA LANGUE

6 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

À Toufhat, ma magicienne des mots, la magie opère tout le temps

ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous

J’ai toujours préféré l’expression corporelle pour faire passer un

Tu t’apprêtes à demander une augmentation à ta hiérarchie. Le

14 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

16 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

AVOIR RAISON OU ÊTRE COMPRIS?

«J’aurais dû le dire autrement»

« Je suis un(e) incompris(e) » : nous sommes plus nombreux que

Oui, on peut être compris par tout le monde…

18 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

S’effacer au lieu de parler : voilà un état d’esprit que notre histoire

NOUS PARLONS LA MÊME LANGUE…

20 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

un groupe était une nécessité. En être rejeté signifiait la condamna-

Ou qui se sont empêchés de parler, de peur de ne pas être compris,

22 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

FAIRE PASSER UN MESSAGE:

4. Bohler, Sébastien, Le Bug humain, Robert Laffont, 2019.

24 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie, a déterminé deux

5. Kahneman, Daniel, Système 1/Système 2. Les deux vitesses de la pensée, Flammarion,

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 25

26 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

Donc, arrêtons-nous sur la composition de cette flèche afin d’en

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 27

MEP_ParlerPourEtreCompris.indd 27 28/04/2023 14:53

• La légitimité de la personne qui porte le message

28 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

• La conviction de la personne qui porte le message

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 29

30 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

Importance à quel point

Nos modes de fonctionnement:

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 31

entouré de cœurs, l’enthousiasme baisse déjà) : Cinq mois ! Non mais tu

32 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

En famille Au boulot En couple Avec tes amis

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 33

« Quoi ? Mais on ne peut pas ressentir tout ça !

34 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 35

36 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 37

38 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 39

40 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

Moi (surexcité) : Aujourd’hui, j’ai animé un atelier auprès des col-

Chapitre 1 : Se connaître, connaître l’autre 41

• Le biais de connaissance absolue : le Pragmatique n’envisage

• Le biais de négativité : le Pragmatique ne voit pas l’image dans

42 Et si je parlais pour être vraiment compris ?

• Le biais d’étiquetage : se produit lorsque ton interlocuteur t’a 28/04/2023

associé à une qualité particulière, positive ou négative (« Tu es

• Le biais de confirmation sociale : l’Émotionnel accorde beaucoup

• Le biais de l’autruche : la personne ne veut pas voir autre chose