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Mener vos
conversations
difficiles
en 50 règles d’or
Comment prévenir le conflit
et renforcer la coopération
V ous ne vous entendez pas avec votre nouvelle recrue et voulez lui demander
de partir. L’augmentation de votre meilleur vendeur a été refusée, vous
devez lui annoncer sans le démotiver. Vous aviez une relation fusionnelle avec
votre associée, mais aujourd’hui vous vous déchirez. Vous vivez mal les gestes
déplacés de votre collègue avec qui, par ailleurs, vous avez d’excellentes
relations…
Comment réagissez-vous dans ces cas-là ? Est-ce facile pour vous d’avoir une
conversation difcile? Comment faire lorsque les enjeux, les désaccords et les
émotions atteignent une telle intensité que le dialogue semble impossible ?
À travers un partage d’expériences, d’idées et d’outils concrets, l’auteur
propose une méthode pour aborder différemment ce sujet crucial. Le but de ce
livre est de vous aider à comprendre qu’il est possible de sortir de l’impasse
classique des conversations difciles – se disputer ou se taire –, permettant
ainsi de prévenir les conits, mais surtout de renforcer la coopération.
61, bd Saint-Germain
www.editions-eyrolles.com
Depuis 1925, les Éditions Eyrolles s’engagent en proposant des livres pour
comprendre le monde, transmettre les savoirs et cultiver ses passions !
ISBN : 978-2-416-00968-6
Eric Daubricourt
Préface de Stephen Bensimon
Postface d’Olivier Meier
Mener
vos conversations
difciles en
50 règles d’or
Comment prévenir le conit
et renforcer la coopération
Sommaire
Préface .................................................................................................... 11
Avant-propos ........................................................................................ 15
Introduction .......................................................................................... 21
5
Toutes les conversations difciles sont-elles
bonnes à avoir ? ................................................................................. 55
6 Sommaire
PARTIE3. Comment ? ................................................................ 119
Sommaire 7
4. Apprendre à faire un pas de côté ............................................ 208
5. Préparer vos plans A, B et Z ...................................................... 209
8 Sommaire
Conclusion ........................................................................................... 297
Sommaire 9
Préface
11
Chaque lecteur peut aller chercher aisément ce qui lui convient, ce
dont il a besoin… Ainsi, pour ma part, après avoir parcouru tout
l’ouvrage, j’ai eu envie de relire les trois premiers chapitres, puis j’ai
été attiré par les chapitres13 et14 avant de me plonger dans les 8
et9… À vous de jouer pour cueillir les idées, les techniques, voire les
recettes vivantes que ce livre vous ore.
Un livre d’expérience partagée, je devrais dire de centaines d’expé-
riences partagées, qui vous invite à un buet riche, divers et savou-
reux, qui vous propose une boite à outils aux usages testés et validés.
À vous de proter de sa structure claire et méthodique pour choisir
ce qui vous touche et vous convient.
12 Préface
Quand j’ai un problème avec l’autre, c’est l’autre qui risque très vite de
devenir le problème. Apprendre à accepter la confrontation pour ne pas
se condamner à l’arontement binaire, donc primaire: j’ai raison, donc
l’autre a tort. Je suis rationnel et raisonnable, donc l’autre ne l’est pas.
Se poser la question: que lui dire et comment pour avoir une chance
qu’il ou elle ne me dise pas non ? Le genre de questions dont nous
savons qu’elles sont précieuses. Le genre de questions pour lesquelles
nous avons tous besoin d’un tuteurmentorcoach pour penser à y
penser ! Ce livre sera votre tuteurmentorcoach aujourd’hui où vous
le découvrez, et chaque fois que les circonstances vous demanderont
d’y retrouver l’esprit de conversation.
Préface 13
Il fallait un écrit, un livre, ce livre d’Eric Daubricourt pour réap-
prendre à mieux se parler. Pour retrouver en nous la compétence
d’aller vers l’autre avec toute notre personnalité, enrichie d’une vraie
mise en œuvre intelligente du dialogue dont nous avons tant besoin
dans nos relations –forcément diciles un jour ou l’autre– avec ceux
qui partagent bon gré mal gré notre vie personnelle et professionnelle.
« La diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus
raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons
nos pensées par diverses voies et ne considérons pas les mêmes choses.»
Telle est la deuxième phrase de la première page du Discours de la méthode
d’un certain René Descartes… Des parallèles qui ne se rencontrent
jamais… un dialogue de sourds… Chacun sa vérité et ses priorités…
Comme médiateur, il m’arrive fréquemment d’accueillir les personnes
en conit en leur laissant lire ce texte sur un tableau, et en leur disant:
« Mesdames, Messieurs, la diversité de vos opinions ne vient pas de ce
que les uns seraient plus raisonnables que les autres, mais seulement
1) de ce vous conduisez vos pensées par des voies diérentes et 2) ne
considérez pas les mêmes choses: si vous êtes là, face à face, séparés
et réunis dans cette pièce, c’est parce que vous ne vous entendez
pas, mais aussi parce vous savez que vous auriez tout intérêt à vous
entendre.»
Comment donc à la fois respecter cette libre diversité de nos opinions
et réussir une écoute mutuelle véritable et fructueuse ?
Le livre d’Eric Daubricourt nous apporte bien des clés pour y par-
venir dans le contexte de notre temps.
Stephen Bensimon
Philosophe, Médiateur, Consultant,
Directeur fondateur de l’Institut de Formation à la Médiation
et à la négociation, Ifomene ICP
Professeur affilié Sciences Po Paris, Executive Education
Ethos et Formation, SARL
14
Avant-propos
J’ai écrit ce livre avec une seule idée en tête: partager.
Partager avec ceux que cela peut intéresser des idées, des outils et des
expériences issus de ma pratique de médiateur et de formateur, an
de contribuer à développer l’idée que le vivre-ensemble est possible
et que la capacité à aborder les conversations diciles y joue un rôle
essentiel.
Car, nalement, ce livre parle des liens. Des liens que nous tissons
tout au long de notre vie, qu’il s’agisse des liens amicaux, profession-
nels, associatifs ou familiaux. Tout d’abord les liens doivent se créer
exnihilo: je parle d’une amitié qui démarre, d’une rencontre dans un
bar, d’un collaborateur qui rejoint l’entreprise, d’un nouveau client,
etc. Puis, une fois ces liens créés, on s’eorce de les nourrir, de les faire
grandir, on en prend soin. Parfois, les liens se tendent ou s’abîment,
alors le conit doit se gérer. Enn, malheureusement, de temps en
temps, les liens sont amenés à se terminer, se cassent ou se déchirent
et il faut en faire le deuil.
J’ai eu envie d’écrire ce livre, car je suis convaincu que la capacité à
aborder des conversations diciles joue un rôle prépondérant dans
ces quatre étapes du cycle de la vie du lien: cette compétence permet
clairement de démarrer des relations sur des bases saines, puis de
les renforcer, d’anticiper des conits et, le cas échéant, de les couper
proprement plutôt que de les déchirer.
15
Partager quoi ?
Des idées avant tout !
Dans ce livre, j’ai fait la synthèse de toutes les idées intéressantes,
voire inspirantes, que j’ai eu la chance d’apprendre et de comprendre,
que ce soit lors de ma formation de médiateur à l’Ifomene de Paris
puis au CEDR (Center for Eective Dispute Resolution) de Londres
ou lors de mes études de psychologie à l’Université de Lorraine. Je
me suis également basé sur mes lectures sur le sujet, mais, surtout,
sur ma pratique: des dizaines de médiations que j’ai eues à gérer,
des centaines de conversations diciles que j’ai accompagnées et des
milliers de personnes que j’ai formées.
J’ai regroupé ces idées en 50 « règles d’or ». Certaines vous par-
leront, d’autres pas. Certaines tomberont dans l’oubli, d’autres
vous accompagneront. Certaines germeront tout de suite, d’autres
prendront plus de temps. Certaines vous sembleront intéressantes,
d’autres farfelues. Je n’ai pas la prétention de dire qu’elles sont
vraies –nous sommes dans le domaine de l’humain ; il est donc
impossible de parler de vérité incontestable–, juste que je les ai
appliquées dans la « vraie vie » et qu’elles peuvent fonctionner ou
tout au moins aider.
En même temps, une idée n’est rien si elle n’est pas éprouvée, si elle
n’est pas confrontée au réel et si elle n’est pas pratiquée encore et
encore avec constance et pugnacité. Éprouver vient du latin « pro-
bare » qui signie « constater, vérier ». Éprouver une idée évoque ce
moment où l’idée passe de notre cerveau à nos tripes: je l’ai intégrée,
je la fais mienne, je l’incarne.
Mais qu’est-ce qui fait la diérence alors entre une idée théorique et
une idée éprouvée ? Qu’est-ce qui permet d’éprouver une idée ? De se
l’approprier réellement ? De faire en sorte qu’elle fonctionne dans la
réalité ?
16 Avant-propos
Sans les idées, rien n’est possible, mais cela n’est pas susant. La
théorie est une condition nécessaire mais pas susante. À mon avis,
il faut ajouter deux éléments:
• premièrement qu’il faut se confronter au réel pour vraiment
savoir si les idées fonctionnent ;
• deuxièmement, qu’il faut s’entraîner, il faut pratiquer encore et
encore.
En ce sens, l’art de la communication (pour prendre un terme géné-
rique qui englobe les conversations diciles, mais aussi l’écoute
active, le feedback, la Communication Non Violente ou l’assertivité)
ressemble aux arts martiaux : l’entraînement et la pratique doivent
prolonger la théorie pour vraiment créer un changement réel.
Je m’en rends compte avec les ateliers et les formations que j’or-
ganise : les participants comprennent vite tous les idées, qui,
nalement, sont simples. Mais dès qu’il s’agit de les mettre en
situation lors de jeux de rôles, cela devient plus compliqué. Alors,
imaginez en situation réelle… En même temps, les multiples
témoignages que je reçois me montrent que ces formations pro-
duisent des prises de conscience, des changements de paradigme,
in fine desrésultats.
Avant-propos 17
Finalement, quand je me lève le matin, je fais le même métier
qu’en vendant du vin: prendre soin des liens qui nous unissent.
• Pour éviter le gâchis du conflit. Je sais l’énergie qu’il faut pour
réaliser un projet, pour créer une entreprise, pour organiser un
événement ; bref, pour entreprendre. Et je trouve qu’il est fort
dommage que le conflit affecte, voire détruise, cette valeur ajoutée.
Que des équipes ou des associés se séparent, personne ne pourra
l’empêcher. Mais qu’ils le fassent pour de bonnes raisons ! Qu’ils le
fassent proprement: en se mettant d’accord sur le désaccord et en
se donnant les chances de bien se comprendre. Parfois, oui, il faut
se disputer ou se séparer. Mais je souhaite éviter les cas où cela se
fait pour de mauvaises raisons. Et le fait de ne pas oser avoir une
conversation difficile me semble une très mauvaise raison.
• Pour aider tous ceux qui se sentent impuissants face à une
conversation difficile qu’ils évitent ou qu’ils redoutent. Je leur
envoie un messageclair: c’est possible. Oui, il est possible de
dépasser sa peur d’avoir mal ou sa peur de faire du mal. Oui, il
est possible de sortir du côté binaire généralement associé aux
conversations difficiles (j’ai raison et tu as tort ; c’est vrai ou c’est
faux ; je suis une victime, tu es coupable, etc.). Oui, tout cela est
possible, mais ce n’est jamais ni certain ni facile. Mon entreprise
s’appelle Possibilis pour cette raison.
18 Avant-propos
personnes me conant qu’elles ont appliqué les idées et les outils dans
leur vie personnelle: avec leur conjoint, avec leurs enfants ou avec
leurs parents. Ainsi, les idées exposées ici peuvent trouver écho dans
les deux sphères, personnelle et professionnelle.
Petit message à destination des médiateurs: si ce livre reprend cer-
tains outils de notre art que j’aime tellement, il ne s’agit pas pour
autant d’un livre sur la médiation, pour la bonne et simple raison que
nous allons parler des conversations diciles entre deux personnes,
sans tiers. Ce livre a pour but d’aider une personne à avoir elle-même
une conversation dicile avec quelqu’un d’autre.
J’en prote pour préciser que tous les noms de personnes, d’en-
treprises, les industries, les titres des cas cités dans ce livre ont été
inventés pour empêcher que quiconque ne se reconnaisse.
Partager comment ?
Là encore, j’assume un parti pris clair: celui de la simplicité. Je ne suis
ni philosophe ni psychologue, je suis entrepreneur et médiateur. Je ne
partirai donc pas dans des digressions intellectuelles compliquées. Je
partage des idées simples et concrètes, applicables immédiatement
dans vos interactions professionnelles.
J’ai longtemps écrit sur le vin, au sein de l’association Happy Terroir
que j’ai créée, qui favorise le circuit court par le biais d’achats groupés.
J’avais délibérément choisi deparler du vin simplement, sans « wine
bla-bla », comme disent les Américains, et un peu aux antipodes de la
sophistication œnologique ambiante. Avec une idée toute simple en
tête: ceux qui lisent mon édito sur un vigneron doivent être capables
d’en parler en quelques phrases à leur voisin lors d’un dîner. Ni plus
ni moins.
Je cherche la même chose dans cet ouvrage: que tout soit applicable
facilement et immédiatement, tout en essayant d’éviter les pièges de
la simplication à outrance ou de la supercialité.
Avant-propos 19
L’autre particularité de mon livre réside dans ma volonté farouche
de créer des liens (vous avez vu le lien avec le lien ?). Des liens avec
d’autres disciplines que celle de la gestion de conit (nous parlerons
d’œnologie, de jiu-jitsu brésilien ou de permaculture). Des liens
avec d’autres professionnels, coachs, médiateurs, juges, philosophes,
entrepreneurs qui ont eu la gentillesse de partager leurs idées, leurs
expériences ou leurs témoignages.
Si vous pouviez glaner au l des pages ne serait-ce qu’une idée, une
histoire ou une expérience qui vous inspire, alors ce travail n’aura pas
été en vain.
Bonne lecture.
20 Avant-propos
Introduction
Il y a trois mois, Amélie a tout quitté pour rejoindre votre entre-
prise, une jeune start-up prometteuse. Elle a démissionné de son
job et déménagé de Montréal à Paris. Bref, c’est un saut dans le
vide, un acte de conance. Mais voilà, cela ne marche pas. Vous ne
vous entendez pas. Elle ne s’entend avec personne, d’ailleurs. Vous
regrettez amèrement votre choix: c’est une personnalité dicile,
comment ne l’avez-vous pas vu avant ? Votre décision est prise, il faut
lui demander de partir. Mais vous appréhendez: l’enjeu est important,
vous allez probablement être en désaccord avec elle et, qui plus est,
vous pressentez qu’elle va se mettre en colère, ce que vous redoutez.
Cette conversation va être dicile pour vous, et pour elle.
Refuser une augmentation de salaire à votre meilleur vendeur sans
le démotiver, dire à un collègue que ses gestes, quand il a un peu bu,
sont déplacés, expliquer à votre manager que vous n’en pouvez plus
qu’elle accapare les victoires et vous accuse des échecs.
Autant de conversations diciles qui se présentent à vous.
Et là, je ne parle que de la vie de l’entreprise, mais si l’on élargit
le champ à la vie personnelle, les sujets peuvent être nombreux:
exprimer votre indignation à vos frères et sœurs sur la manière dont
ils abordent le sujet de l’héritage de vos parents qui viennent de
décéder ; partager avec votre conjoint que la relation tendue avec votre
belle-mère commence à aecter votre couple ; annoncer à vos parents
que vos enfants ne veulent plus aller chez eux pendant les vacances,
car ils se sentent jugés en permanence ; aborder le sujet de la sexualité
21
ou du désir dans le couple ; demander à votre voisin de respecter votre
intimité ; avertir un ami que vous n’en pouvez plus de ses sarcasmes
et de son cynisme perpétuels… Je m’arrête là, car la liste est innie.
Qui êtes-vous dans ces cas-là ? Est-ce facile pour vous d’avoir une
conversation dicile ? Est-ce facile d’avoir une conversation dicile
avec vous ?
Mais la première question que vous pourriez vous poser est celle
de savoir s’il faut avoir ces conversations diciles ? Étant donné le
risque, n’est-ce pas plus prudent de les éviter ?
Non. Je pense que les conversations diciles évitées s’accumulent
et nissent un jour par aecter profondément les individus et leurs
relations. Un peu comme un caillou dans la chaussure lors d’une
randonnée qu’on a la emme d’enlever pour ne pas ralentir le groupe
et qui, au début, donne seulement l’impression d’un léger inconfort.
Avec le temps, le caillou s’enfonce dans la chair et génère une vraie
plaie qui peut s’infecter et nous empêcher de marcher. Alors, assis au
bord de la route, incapable de continuer, on maudit ce petit caillou
en souhaitant pouvoir refaire l’histoire et s’en débarrasser au début
de la promenade…
Au même titre que d’autres sujets de communication –comme
donner du feedback, oser dire non, savoir demander de l’aide ou
avouer une erreur–, la capacité à mener des conversations diciles
contribue à renforcer les relations que nous tissons. Je vois donc un
lien puissant entre les conversations diciles et le vivre-ensemble.
Ou tout au moins le travailler-ensemble puisque ce livre s’adresse
surtout au monde de l’entreprise. Les conversations diciles réussies
permettent non seulement d’anticiper les conits, mais aussi de ren-
forcer la solidité des relations, de les enrichir, de les nourrir.
D’ailleurs, là réside la raison pour laquelle je me suis intéressé au
sujet. En tant que médiateur en entreprise, je gère de nombreux
conits (entre associés, entre collègues, entre membres d’un Comex,
avec son manager, avec des clients, avec des investisseurs, etc.). J’ai
22 Introduction
observé que, très souvent, lorsque je cherchais à comprendre la
genèse du conit, à un moment donné, il y avait une conversation
dicile qui aurait dû avoir lieu et qui avait été évitée, ou bien qui
s’est passée… mais qui s’est mal passée. La proportion de conversa-
tions évitées est, au doigt mouillé, bien plus importante que celle de
conversations loupées.
Par conséquent, je me suis posé la question de savoir si, en dévelop-
pant la capacité à avoir des conversations diciles, on arriverait à
réduire le nombre de conits. Je me suis penché sur le sujet de l’entre-
prise, mais je suis convaincu que cela marche dans toute communauté
ou groupe de personnes.
Je me suis donc intéressé à ce sujet, d’abord avec de la théorie, en me
tournant notamment vers les travaux du Program On Negotiation
d’Harvard. Ce projet a vu le jour en 1983 sous forme de consortium
universitaire entre Harvard, le MIT et l’université de Tufts avec l’idée
de développer l’art de la négociation et de la résolution de conit. Au
l des années, ils ont développé un certain nombre de théories, de
recherches et d’outils repris dans le monde entier dans les domaines
de la négociation et de la gestion de conit.
Après la théorie, je me suis lancé dans l’expérimentation pratique à
travers la formation et la médiation. Depuis maintenant plusieurs
années, je forme des groupes à ce sujet, aussi bien des entreprises
multinationales que des TPE-PME, des start-up mais aussi des
associations, des ONG et des collectivités locales. Au total, ce sont
maintenant des milliers de personnes qui sont reparties dans leur
organisation appliquer ce que nous avions partagé ensemble. Et j’ai
la chance d’avoir reçu un nombre important de feedbacks sur ce qui
marchait ou pas.
J’en ai tiré des conclusions, des idées, des outils et une méthode que je
souhaite partager avec vous ici. Ce qui me motive est très simple: je
trouve qu’il est fort dommage que des porteurs de projet se disputent
pour de mauvaises raisons. C’est du gâchis ! Je voudrais contribuer,
humblement, à ce que les liens viennent enrichir ou accélérer vos
Introduction 23
projets et non pas les menacer ou les freiner. Et pour ce faire, je n’ai
rien trouvé de mieux que la communication, au sens littéral du terme:
« mettre en commun ». Cependant, parfois, il s’avère que cela relève de
l’exploit tant les enjeux, les désaccords et les émotions sont importants
et empêchent un dialogue constructif. On n’est plus dans le duo, mais
dans le duel. Ce livre propose des idées pour sortir de cette impasse
et renouer avec une conversation constructive.
J’ai choisi comme porte d’entrée de ce livre d’utiliser un outil émanant
de l’univers de la médiation: la roue de Fiutak.
Universitaire et médiateur, omas Fiutak a créé le Centre de ges-
tion des conflits et de médiation à l’université de Minnesota, à
Minneapolis, aux États-Unis. Mais il a surtout formalisé un concept
que tous de nombreux médiateurs utilisent: la fameuse roue de
Fiutak.
24 Introduction
Cette roue symbolise les quatre phases et le point de bascule d’une
médiation réussie telle que omas Fiutak la dénit dans son livre
Le Médiateur dans l’arène:
• la phase1, celle du QUOI, permet de définir et clarifier ce dont
on va parler, de lister les problèmes. Il s’agit de la réalité telle que
les parties la voient ;
• la phase 2, le POURQUOI pousse à analyser les « vraies » raisons
du conflit, les intérêts sous-jacents, les motivations profondes
et les besoins fondamentaux. L’enjeu ici consiste à générer une
compréhension mutuelle des intérêts réels ;
• la phase3 est celle où l’on aborde le COMMENT on va pro-
céder pour faire cohabiter ces besoins. C’est la réalité telle qu’on
la souhaiterait ;
• la phase4 conclut ce cycle avec le COMMENT VRAIMENT,
c’est-à-dire le « Qui fait Quoi Quand Où et Comment » qui
décrit la réalité telle qu’elle va être.
Philosophiquement, la roue décrit un cycle qui part du réel (quels
sont les faits ?), puis s’en écarte pour aller vers le ressenti (qu’est-ce
que cela vous a fait ?) et la compréhension mutuelle (est-ce que
chacun a pu exprimer et comprendre ses besoins ?), ouvre le champ
des possibles (que peut-on imaginer pour satisfaire ces besoins ?) pour
ensuite revenir au réel (que fait-on de cela concrètement ?). On part
du réel et on nit par le réel. Mais entre les deux il s’est passé quelque
chose, on a parlé de vérité, de culpabilité, d’intention, de ressenti,
d’identité, d’émotion et de relations.
Je partage cet outil avec vous, car il va me guider dans ma manière
de traiter ce sujet des conversations diciles. En eet, il va servir de
colonne vertébrale au plan du livre.
Dans la première partie, nous définirons de QUOI nous allons
parler : qu’est-ce qu’une conversation dicile ? Quelle est la dié-
rence avec un feedback ou avec une négociation ou encore avec une
annonce dicile ? Toutes les conversations diciles se ressemblent-
elles ? Sont-elles toutes bonnes à avoir ?
Introduction 25
Ensuite, nous nous poserons la question de POURQUOI est-ce si
important ? En quoi ce sujet vient-il toucher ma représentation de
moi-même (qu’est-ce que les conversations diciles disent de moi ?)
et de mes croyances ou valeurs sur les liens que je veux tisser avec
ceux qui m’entourent (qu’est-ce que les conversations diciles disent
de nous ?). Puis nous jouerons avec le pourquoi pour le transformer
en POUR QUOI (en deux mots): dans quel but voulez-vous réussir
ces conversations diciles ? Qu’est-ce qui vous motive vraiment ?
La troisième partie aborde la théorie en se posant la question de
COMMENT faire pour changer de paradigme sur les conversations
diciles ? Comment faire pour qu’elles deviennent des conversations
didactiques (où l’on s’écoute et se comprend) alors que les émotions
nous donneraient plutôt envie de convaincre ou combattre ? Nous
montrerons que les conversations diciles se composent presque
toutes de quatre dimensions entremêlées:
26 Introduction
• une dimension factuelle qui regroupe les trois sujets que sont la
vérité, l’intention et la culpabilité ;
• une dimension émotionnelle ;
• une dimension identitaire ;
• une dimension relationnelle.
C’est en analysant ces quatre aspects que vous pourrez vous donner
une chance d’aborder les conversations du bon pied.
Dans la quatrième partie, nous répondrons à la question de
COMMENT faire pour que cela marche VRAIMENT ? Et nous
proposerons une méthode en cinq étapes, qui met en application les
outils théoriques vus précédemment. Le l directeur étant de tout
faire pour créer de la sécurité an que chacun puisse à la fois exposer
son récit et explorer le récit de l’autre, et ainsi de bien comprendre ce
qui est important pour les deux et de décider en conscience.
Nous l’avons nommée « la méthode TMN » pour « Toi – Moi–
Nous » à des ns mnémotechniques uniquement.
À la n de chaque chapitre, vous trouverez les idées clés abordées.
Je les partage avec bonheur en souhaitant que certaines vous
aident.
Le livre est parsemé d’encarts qui sont autant de liens créés avec
d’autres auteurs, d’autres idées, d’autres outils. Je ne me vois non
pas comme un sachant, mais comme un porte-voix. Je n’ai pas la
prétention d’avoir inventé les idées exposées dans ce livre et je rends
systématiquement hommage à ceux qui en sont à l’origine. Je propose
ainsi une synthèse théorique et pratique de ce que j’ai compris sur le
sujet, avec une seule ambition: contribuer à développer ce « travailler-
ensemble » nécessaire à la réussite des projets collectifs.
Introduction 27
PARTIE1
Quoi ?
CHAPITRE 1
Qu’est-ce
qu’uneconversation
difcile ?
À travers mes médiations, j’ai observé que très souvent, pour ne
pas dire tout le temps, derrière un conit se cache une conversation
dicile qui n’a pas eu lieu ou qui s’est mal passée.
Disons-le autrement: je pense que bien des conits pourraient être
évités si, à un moment donné, les parties étaient capables de mener
une conversation dicile réussie.
Je me souviens de cet exemple étudié à l’Ifomene lors de mon diplôme
universitaire de médiation: il s’agissait d’Estelle, cette manager qui
demandait systématiquement à Marc, son « n-1 » d’aller lui chercher
un café avant de démarrer la réunion. Elle le faisait innocemment,
sans aucune malveillance. Mais de son côté, le collaborateur le vivait
mal: il y voyait une volonté de sa supérieure de le rabaisser pour
asseoir son autorité. Anodin, me direz-vous. Oui, mais, au bout de
quelques mois, Marc a ni par déposer plainte pour harcèlement.
L’impact s’est révélé délétère, avec une équipe divisée (les « pro-Marc »
contre les « pro-Estelle »), des tensions croissantes, une perte de moti-
vation et, in fine, des départs de collaborateurs. Sans compter le coût
de la gestion de la plainte au tribunal, les heures passées à discuter de
31
ce problème de manière formelle (lors de réunions organisées sur ce
sujet) et de manière informelle (autour de la machine à café), ainsi
que la sourance psychologique. Le coût du conit est immense.
« Tout cela à cause d’un café ? » seriez-vous en droit de me demander,
légèrement perplexe. Eectivement, le problème réel semble déri-
soire. Comme nous le verrons plus tard, dans les conits, peu importe
le réel, ce qui compte, c’est le ressenti. En l’occurrence, le ressenti de
Marc, un savant mélange de colère et de frustration, s’est consolidé
avec le temps. À l’histoire du café se sont ajoutés des commen-
taires désobligeants en réunion, une mission passionnante conée de
manière arbitraire au collègue de Marc, etc. Petit à petit, la croyance
selon laquelle « Estelle n’a aucun respect pour moi, elle ne cesse de
m’humilier » s’est installée, consolidée et étayée jusqu’à devenir non
plus une croyance, mais une certitude puis une conviction. La frus-
tration est devenue sourance puis colère jusqu’à exploser en plainte
pour harcèlement.
Lorsque Marc a finalement pu verbaliser l’origine du problème
(attention, cela ne se fait pas en une fois, ce serait trop simple !),
Estelle n’en revenait pas. Sa réaction a été: « Mais moi, je voyais cela
comme un petit clin d’œil complice entre nous, du style on se prenait
notre café ensemble pendant la réunion. Pourquoi ne m’en as-tu pas
parlé ? Je ne me suis pas rendu compte que cela te dérangeait ! » Et
Marc de rétorquer: « Je n’ai pas osé, cela me semblait une broutille et
j’avais peur qu’on se moque de moi.»
Traduction: il s’agissait pour Marc, partagé entre un réel sentiment
de dévalorisation et la peur de paraître ridicule, d’une conversation
dicile.
Que ce se serait-il passé si Marc, dès les premiers jours dans l’entre-
prise, avait osé en parler ?
Combien de divorces pourraient être évités si les époux avaient pu
se coner sur des sujets aussi diciles que la baisse du désir pour
leur partenaire, le besoin de se sentir écouté, la peur de l’ennui ou le
sentiment d’être malheureux ?
32 Quoi ?
Combien de plaintes pour harcèlement auraient pu être évitées ?
Combien de procès entre associés auraient pu ne pas avoir lieu ?
Dans leur article « Silence kills 1 » (Le silence tue), David Maxeld,
Joseph Grenny, Ron McMillan, Kerry Patterson, Al Switzler esti-
ment qu’en moyenne aux États-Unis 195 000personnes meurent
chaque année suite à des erreurs commises lors de leur séjour à
l’hôpital. Selon les auteurs, plus de 60 % de ces décès pourraient être
évités si le personnel soignant osait s’exprimer.
La question que j’utilise afin de faire ressortir l’importance des
conversations diciles lorsque quelqu’un se plaint de l’attitude: «Lui
en avez-vous parlé ? » La réponse est souvent négative. Ce sur quoi
je rebondis: « Qu’est-ce qui fait que vous ne lui en avez pas parlé ? »
Les réponses vont de: « Je n’ai pas osé » à « Cela n’aurait servi à rien »
en passant par « Je l’ai fait mais cela n’a rien changé » ou encore le
très classique « Oh pas besoin, il le sait très bien.» Quelle que soit la
réponse, on comprend bien qu’il y a eu quelque chose de dicile qui
a bloqué.
Je vois les conversations diciles dans l’entreprise comme des bar-
rages dans des cours d’eau. Parfois, une pierre tombe (et c’est la vie !)
dans la rivière et empêche l’eau de s’écouler. Au début, cela semble
anodin et on pense qu’on peut faire avec: nalement, l’eau continue à
couler. Mais avec le temps, la petite pierre génère un vrai barrage qui
va générer une inondation et avoir un impact fort sur l’écosystème.
Essayons de comprendre plus en détail ce que sont exactement ces
« petitespierres ».
Et ce qu’ont en commun des situations aussi diverses que celles-ci:
• un manager doit reprendre un collaborateur au demeurant très
sympathique, pour ses blagues sexistes qui gênent une partie de
l’équipe ;
1. Ixelles, 2009.
34 Quoi ?
Ce qui pourrait donner la dénition suivante: une conversation est
dicile lorsqu’elle traite d’un sujet important, sur lequel je suis en
désaccord avec l’autre partie, et qui génère des émotions fortes.
Mais j’ajoute un quatrième paramètre à leur dénition: le lien. Les
personnes peuvent encore se parler, le lien entre elles n’est pas rompu.
Il est peut-être tendu, il commence peut-être à s’eriter, il menace de
se rompre, il est en train de s’abîmer, mais il n’est pas coupé. On peut
encore se parler. À mon sens, cela diérencie la conversation dicile
du conit, où littéralement on ne s’entend plus.
Analysons ces facteurs plus en détail un par un.
36 Quoi ?
Oui, mais face à ces problèmes, parfois on ne se comprend pas.
Incompréhension, malentendus, manque d’information, non-dits,
ragots peuvent envenimer un simple problème.
Et parfois on se comprend très bien, mais on n’est pas d’accord ! Là
encore, nous sommes d’accord que gérer des désaccords fait partie
de la vie.
Seulement voilà, dans certains cas, le désaccord se transforme en
conit qui se caractérise par la polarisation des positions et l’appari-
tion de la violence.
38 Quoi ?
Tout se passe comme s’il existait une frontière invisible, une ne
séparation entre le conit, caractérisé essentiellement par l’apparition
de la violence, et les conversations diciles.
40 Quoi ?
Cette matrice met en perspective le degré de gravité de la
conversation, allant d’une conversation simplement pénible à des
conversations cruciales. Ce qui ressort en général de ce travail
préalable, c’est le côté extrêmement subjectif et personnel de l’éva-
luation de l’enjeu.
Prenons, par exemple, un cas de licenciement d’un collaborateur. Vous
devez vous séparer de Samia, votre chee de produit. S’agit-il d’une
discussion cruciale ? A priori non, car la décision est entérinée, donc
il n’y a pas d’enjeu de négociation. Même s’il ne s’agit jamais d’un
moment très agréable…
Mais tout dépend de la situation. Étudions plusieurs possibilités.
Premier scénario : il se trouve que Samia est particulièrement
appréciée par ses collègues et qu’un climat de tension règne en ce
moment entre la direction et les équipes. Vous craignez que son
départ ne génère non seulement une mauvaise ambiance, car elle
ne va pas manquer de casser du sucre sur le dos de l’entreprise (et
peut-être sur vous), mais aussi que cela ne provoque des démissions
en cascade. Le résultat peut être crucial pour vos chires de cette
année, vous ne pouvez pas vous permettre de perdre vos vendeurs.
Dans ce scénario, la conversation vient de passer de pénible à
importante.
42 Quoi ?
d’entreprise, d’hommes politiques ou de professeurs d’université.
Peu importe le niveau d’intelligence ou la classe sociale, lorsque
nous sommes menacés (ou plus précisément lorsque nous pensons
être menacés), alors nous redevenons des animaux à qui l’évolution
a appris à gérer la menace de trois manières: fight (le combat), flight
(la fuite) ou freeze (la stupéfaction).
Le responsable de ce mécanisme de défense est notre cerveau rep-
tilien. Qu’est-ce que le cerveau reptilien ? Pour faire simple, c’est la
partie du cerveau en charge de notre survie.
Tout se passe comme si, face à une menace, notre cerveau reptilien
reprenait le dessus et oblitérait complètement le néocortex, donc
notre capacité à raisonner. Et je peux vous assurer que ce ne sont pas
que des mots, je le constate tous les jours !
La théorie de la réponse combat-fuite nous vient d’un physiologiste
américain du nom de Walter Bradford Cannon dans son livre Bodily
Changes in Pain, Hunger, Fear and Rage publié en 1915.
Résumons ce qu’il dit en un schéma simple:
44 Quoi ?
psychologiques fondamentaux est menacé, notre cerveau reptilien
prend les commandes exactement comme nos ancêtres quand ils
étaient coursés par un lion dans la jungle.
46 Quoi ?
La règle que je propose s’énonce ainsi: si j’ai un problème avec
quelqu’un et que je n’ose pas lui en parler, mais que j’en fais état à
d’autres, alors il y a une conversation dicile que j’é vite.
Comment faire pour sortir de ce schéma animal du fight, flight, freeze
et aronter (« to face » en anglais) la conversation dicile ?
48 Quoi ?
CHAPITRE 2
Comment catégoriser
lesconversations
difciles ?
Toutes les conversations diciles se ressemblent-elles ? Pour répondre
à cette interrogation, j’ai recueilli sur ce sujet de nombreux témoi-
gnages ces dernières années. Il en ressort quelques questions impor-
tantes à se poser an d’y voir plus clair.
49
souligne au contraire l’importance de les pratiquer le plus possible
quand on a le choix, an que les réexes soient le plus entraînés en
cas de surprise.
À ce propos, reprenons la comparaison avec les arts martiaux. Nous
avons souligné au début de ce livre la diérence entre la théorie
et la pratique. Eh bien, ce rapprochement prend là tout son sens:
plus un pratiquant d’art martial s’entraîne « sans danger », plus
il se donne de chances de ne pas perdre ses moyens en situation
réelle. L’analogie avec la communication fait sens: plus on s’en-
traîne à comprendre au lieu de convaincre, plus cela devient un
réexe. Même chose pour l’écoute active ou la Communication
Non Violente. Chez certains, ces techniques deviennent petit à
petit une deuxième peau et, même sous pression, ils gardent ces
automatismes.
Prenez toutes les conversations diciles « prévisibles » comme des
opportunités de vous préparer et de travailler sur vous. Et allez, un
autre conseil, dès que c’est possible et si la surprise vous met en ten-
sion, essayez de reprogrammer la conversation dicile pour plus tard,
le temps pour vous de vous y préparer.
50 Quoi ?
l’imposteur1. Globalement, lorsque c’est possible, essayez de vous
isoler seul avec l’autre partie pour mener la conversation dicile. En
eet, du fait des aspects identitaires et émotionnels, les conversa-
tions diciles prennent parfois une tournure intime ou touchante.
À noter que certaines personnes sont, au contraire, très à l’aise avec
le fait de laver leur linge sale en public, et qu’elles n’hésiteront pas à
vous alpaguer devant tout le monde pour aborder une conversation
dicile, souvent sans prévenir. Si cela vous met en tension, alors
apprenez à vous protéger en reportant cette discussion. Prenez date
tout de suite pour ne pas donner l’impression de fuir, mais décalez la
confrontation, protégez-vous, mettez toutes les chances de votre côté.
52 Quoi ?
vous êtes partie prenante, engagé. La seconde posture, celle de tiers,
ne sera pas abordée.
Nous avons tous déjà rencontré une personne avec qui avoir
un vrai dialogue semble relever de l’infaisable, comme si son
comportement générait des problèmes de façon cyclique.
Elle n’en semble pas consciente, et pourtant l’entourage le dit
souvent: « Il/Elle est vraiment impossible », « Ça ne sert à rien
de lui parler »…
Le risque avec ces « personnalités difficiles » est que vos efforts
pour préparer et mener votre conversation soient inutiles, voire
contre-productifs. Il est rare qu’elles acceptent de s’exposer à un
54 Quoi ?
dialogue sincère, justement parce que leur comportement les a
inconsciemment menées à ne jamais rien concéder, au risque
d’avoir à s’approcher du terrible constat que leur comportement
pose problème.
Que faire ? On pourrait être tenté de poser une étiquette et
d’abandonner la relation ou toute idée de résoudre le problème.
Cependant cette stratégie d’évitement a ses limites, car si l’on doit
continuer à côtoyer cette personne, les difficultés reviendront.
Dans ma pratique de médiateur, et dans la mesure de ce qui est
possible et raisonnable, je m’emploie à entrer en dialogue avec ces
personnes dont le mode de pensée, d’expression et de réaction
semble si différent du sens commun.
Engager directement une conversation avec une personnalité
difficile n’est pas impossible. Il faudra sans doute s’adapter
davantage, accepter qu’une certaine vision du monde ne puisse
être remise en cause, garder à l’esprit que les changements seront
probablement temporaires, le temps de passer la crise.
Mais après tout, comment être sûr que le problème est la personne
et non la situation ? Qui sommes-nous nous-mêmes face à
l’adversité ? Quelqu’un sur la défensive, qui refuse de se mettre à
la place de l’autre ?
Ces attitudes déstabilisantes sont aussi l’occasion de mettre à
l’épreuve notre capacité d’altérité et d’adaptation.
56 Quoi ?
Que faire ? Faut-il, nalement, oser avoir cette conversation dicile
ou pas ?
Je n’ai pas trouvé à ce stade de règle claire pour arriver à décider sans
se tromper. Libre à vous de faire le tri entre les bonnes et les mau-
vaises raisons qui peuvent vous amener à botter en touche.
Cependant, je peux partager un point commun que j’observe chez
ceux qui repoussent ces conversations pour de mauvaises raisons: ils
ruminent. J’entends par « ruminer » ces moments où les problèmes
tournent en boucle dans notre esprit, sans penser aux solutions. Un
peu comme une voiture où l’on accélère, mais sans enclencher de
vitesse: le moteur vrombit, mais la voiture fait du surplace. Ceux qui
décident en conscience de ne pas aborder une conversation dicile
ne ruminent pas. Ils assument leur choix et souvent sont tournés vers
l’action et la recherche de solution.
Et je peux aussi lister quelques cas où éviter, ou tout au moins décaler,
la conversation peut sembler une bonne idée:
1. Vous savez que le problème vient vraiment de vous. Reprenons
le cas d’Isabelle. Imaginons qu’après réexion elle s’aperçoive
que ce qu’elle reproche à Jeanne elle le reproche aussi à ses amis,
à ses parents, à ses enfants, à son mari, etc. Et si le problème…
c’était elle ? Peut-être peut-elle, avant de confronter Jeanne,
démarrer un travail sur elle-même ?
2. Votre objectif est de changer l’autre. Souvent l’objectif annoncé
tourne autour de « Je voudrais qu’elle arrête de m’agresser »
ou « Il faut absolument qu’il change decomportement avec
l’équipe ». Inutile. On ne change pas les gens. Lâchez prise
sur ce sujet, acceptez-le, cela vous aidera à voir les choses
diéremment. Focalisez-vous ce sur quoi vous pouvez avoir
un impact: vous-même ou la relation avec l’autre. Mais pas
l’autre.
3. Vous savez ce qu’il faut faire pour résoudre le problème. Par
exemple, imaginons que la source du problème entre Isabelle
et Jeanne vienne tout simplement du fait qu’elles ne passent
58 Quoi ?
La règle d’or de ce chapitre
61
Représenté graphiquement, cela donne une matrice avec cinq styles
de résolution des conits:
La réaction du combattant
Le combattant ou compétitif arme ses besoins clairement et va tout
mettre en œuvre pour les satisfaire. Il pense en termes de résultat. Il
cherchera à atteindre son objectif quitte à aecter ou à couper les liens
avec ceux qui l’entourent si jamais ils entravent la satisfaction de ses
besoins. À court terme, il sort souvent vainqueur des arontements,
mais au détriment des relations à long terme. Le combattant court
deux risques: l’isolement et l’ultra-compétitivité (à force, il considère
potentiellement tout le monde comme un concurrent incluant son
chef, son client, ses amis, voire ses enfants).
Cette posture prend tout son sens dans deux cas de gure: première-
ment si l’enjeu est vital et deuxièmement si la relation importe peu. En
général, ces prols excellent dans des industries ultra-compétitives ou
des postes drivés par des résultats (commercial, entrepreneur, trader, etc.).
Dans une conversation dicile, le combattant présente l’avantage
d’annoncer naturellement ses besoins, ses intérêts et ses motivations.
62 Quoi ?
Ce prol sera, par exemple, très à l’aise au moment de négocier son
salaire ou son bonus. En revanche, il lui sera plus dicile d’accorder
de l’importance aux besoins des autres.
La réaction de l’accommodant
À l’opposé du spectre se trouve l’accommodant ou l’empathique. Il a
une tendance naturelle à comprendre ce que veut l’autre et à tout faire
pour le satisfaire. Il fait passer les besoins des autres avant les siens.
Par exemple, il aura du mal à négocier son propre salaire, mais il se
battra bec et ongles pour négocier ceux de son équipe.
L’accommodant investit en permanence dans la relation, ce qui le
rend précieux dès qu’il faut gérer de l’humain.
Comme il n’hésite pas à ne pas satisfaire ses besoins, il court deux
risques: premièrement l’échec (il n’obtient pas ce qu’il veut et « perd »
face aux autres postures plus combatives) et, deuxièmement à la
longue, la frustration.
La réaction de l’évitant
L’é vitant évite le conit quitte à ne satisfaire ni ses besoins ni ceux
des autres. À première vue, cette posture paraît dicile à com-
prendre intellectuellement: elle ne permet ni de gagner ni d’être en
lien. Pourtant, elle peut présenter un intérêt: celui de calmer le jeu.
Certains conits se calment par eux-mêmes. D’où l’adage « La nuit
porte conseil ».Tout l’enjeu pour l’é vitant est de ne pas fuir le conit.
S’il décide d’éviter le conit, il faut que ce soit pour de bonnes
raisons, pas par peur. Sinon c’est de la fuite. Or Sénèque nous dit:
« Fuir ne sert à rien, car on fuit avec ses problèmes.»
64 Quoi ?
La réaction du compromettant
Le compromettant cherche une solution équilibrée. Souvent, il veut
éviter la dimension émotionnelle du conit sans pour autant perdre
de vue son objectif. Il va chercher à prendre tout ce qu’il peut, mais
s’arrêtera au moment où il sent qu’il met en péril sa relation avec
l’autre partie. Il préfère une solution rapide et équitable au conit
même si elle n’est pas complètement satisfaisante.
Le compromettant court deux risques: générer de l’insatisfaction
permanente et louper des solutions plus créatrices de valeur que le
compromis.
Sur le sujet du compromis, je vous recommande le livre de Chris
Voss Ne coupez jamais la poire en deux1 qui explique pourquoi la
recherche du compromis, pourtant très répandue, car très instinctive,
ne représente jamais la meilleure option, voire empêche de trouver
la solution la plus intelligente. L’autre exemple qui me vient en tête
est le dilemme du roi Salomon lorsque deux femmes réclament la
maternité d’un enfant. Eectivement, l’idée de ne pas couper la poire
en deux semble une bonne idée…
Mais alors, comment faire ? Cela nous amène à la dernière posture,
celle du coopérant.
La réaction du coopérant
Le coopérant remet en question l’idée binaire que les besoins des
autres et les siens s’opposent de manière radicale. Pourquoi opposer
la quête du résultat et la quête du lien, nalement ? Pourquoi ne pas
penser qu’on peut en même temps satisfaire ses besoins et ceux des
autres ?
1. Belfond, 2018.
66 Quoi ?
2. j’ai peur que le besoin de l’autre ne soit pas satisfait, que le lien
avec lui soit aecté, et que je sois abandonné. Appelons cela
l’enjeu du lien.
Par conséquent, cela pourrait donner la matrice suivante:
68 Quoi ?
PARTIE2
Pourquoi
etpour quoi ?
CHAPITRE 4
Pourquoi le thème
desconversations difciles
nous touche-t-il autant ?
Il y a dix ans, Anne et Marie ont créé ensemble une entre-
prise actuellement florissante. Au début, elles partageaient
tout à parts égales : la gestion de l’entreprise, les respon-
sabilités, le capital de l’entreprise, etc. Et puis, petit à petit,
Marie a pris l’ascendant. Plus charismatique mais surtout
plus directe. Une vraie combattante. Pour elle, il n’y a pas
réellement de conversation difficile : « Quand j’ai quelque
chose à dire, je le dis un point, c’est tout. Après, ça plaît ou
ça ne plaît pas, ce n’est pas mon problème. » Mais Anne,
elle, ne voyait pas les choses de la même manière : elle se
sent mal à l’aise avec la manière de résoudre les désaccords
de son associée : « Quand elle vient me parler, il n’y a aucun
espace pour le débat, elle vient m’asséner sa vérité, elle
décide et elle repart. En fait, pour la stopper, il faudrait que
j’aille au clash en permanence, mais ce n’est pas qui je suis,
d’une part, et, d’une autre, c’est épuisant, alors je la laisse
faire. »
Anne s’est mise en retrait, laissant progressivement à Marie
la gestion de l’entreprise, mais sans que cela soit ni verbalisé
71
ni décidé d’un commun accord. Résultat, Marie s’est sentie
abandonnée : « Tu me laisses porter toute seule l’entreprise,
c’est honteux. Reprends ta place, c’est un ordre, tu es asso-
ciée quand même ! » Et Anne, se sentant victime d’une injus-
tice : « Elle sait très bien que je lui laisse tout l’espace pour
sauver l’entreprise parce que sinon cela va mal se passer !
Non seulement je me sacrifie et en plus elle m’accuse… »
Mais sans jamais oser avoir cette conversation. Anne ne
voulait pas. Marie ne pouvait pas.
Au bout d’un moment, ce qui devait arriver arriva, à savoir
que Marie a estimé que la coupe était pleine et a exigé de
racheter les actions d’Anne. Cette dernière ayant farouche-
ment refusé, la situation s’est envenimée pour finalement
dégénérer en procès.
La moitié de leur équipe a quitté l’entreprise pour ne pas
avoir à choisir de camp. Les clients s’inquiètent de cette
situation qui affecte la qualité de leur service. Et l’entreprise
passe par un moment très compliqué financièrement. Rien
ne dit qu’elle survivra à cette crise.
Elles ont toutes les deux reconnu plus tard que si elles
avaient pu avoir cette conversation au moment où les choses
se sont cristallisées, elles auraient probablement pu éviter ce
risque de naufrage.
1. Paul Ekman et Wallace V. Friesen, « Constants across cultures in the face and
emotion », Journal of Personality and Social Psychology, 17(2), 1971, p.124-129.
1. Op. cit.
2. Pearson, 2022.
89
Le vendredi, il envoie les présentations à son assistant pour
qu’il les mette sur une clé USB.
Après un week-end studieux, Jacques démarre la semaine
par son plus gros client : le groupe Maximarché. Celui-ci le
reçoit dans la salle avec toute son équipe, Jacques ouvre
son ordinateur, le branche au rétroprojecteur et insère la clé
USB. Tout est prêt, il est un peu stressé, mais il a envie de
démarrer. C’est parti, il ouvre la clé USB, clique rapidement
sur la présentation qui s’ouvre… et là, stupeur… le logo
Altro apparaît, concurrent de Maximarché. Ce n’est pas la
bonne présentation.
L’acheteur n’apprécie pas et lui fait savoir sous forme de
moqueries en appelant Jacques du nom de son concur-
rent. Son équipe rigole. Jacques cherche la « bonne » pré-
sentation, il panique, les quolibets continuent, la situation
s’aggrave quand l’acheteur menace d’ajourner la réunion,
Jacques transpire. Ça y est, il ouvre la présentation adé-
quate et la déroule. Mais il n’arrive pas à retrouver son calme
et le rendez-vous est une catastrophe.
Tout d’abord, observons que nous sommes bien dans ce que nous
avons déni comme une conversation dicile:
• il y a un désaccord: Jacques est convaincu qu’une erreur a été
commise alors que Jonathan semble ne pas la reconnaître ;
1. Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), La Découverte, 2016.
1. HumenSciences, 2022.
Remplacer la volonté
deconvaincre par
lavolonté de comprendre
Souvenez-vous de Jacques et Jonathanet de la liste probable de
leurs objectifs respectifs au moment d’aborder leur conversation
dicile. Jacques, furieux, voulait fustiger son jeune assistant. Quant
à Jonathan, nous supputons qu’il voulait se justier ou se défendre.
Résumons tous ces objectifs autour de l’idée de « convaincre ». Jacques
veut convaincre Jonathan qu’il a fait quelque chose de mal, qu’il n’y a
aucun doute là-dessus, et que cela ne doit pas se reproduire. De son
côté, Jonathan veut probablement convaincre son chef qu’il ne l’a pas
fait exprès ou qu’il a des excuses.
Aucun des objectifs listés dans le chapitre précédent ne fonctionne,
pour une simple raison: ils partent de trois postulats qui appa-
raissent presque systématiquement lorsque surgit un désaccord à
enjeu fort:
1. « J’ai raison »: la vérité ;
2. « Tu l’as fait exprès »: l’intention ;
3. « Tu es coupable »: la culpabilité.
Or, l’autre pense exactement la même chose ! Donc, très vite, la
conversation tourne à la confrontation et le duo au duel.
107
Imaginons le coup de l de Jacques, furieux, une fois dans sa voiture:
1. Seuil, 2008.
Comment ?
CHAPITRE 7
La conversation
circonstancielle –la vérité
La première des quatre discussions concerne les circonstances
de ce qui s’est passé. Généralement, les conversations diciles
commencent par une tentative de description du problème. Un peu
comme un point de départ: « On va résumer ce qui s’est réellement
passé » ; « On est bien d’accord que…» ; « Donc, si on part des faits,
cela donne… »
Mais en général, la conversation tourne tout de suite au désaccord:
« Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé » ; « Absolument pas ! » ; « Tu
présentes une vision partiale de la réalité », etc.
Le désaccord sur les faits peut alors générer des agressions sous forme
de reproche: « Tu maquilles encore la vérité, c’est pénible » ; d’accu-
sation: « Tu mens pour me faire passer pour un incapable, tu crois
que je ne t’ai pas vu venir ? » ; ou de menace: « Écoute, tant que tu ne
reconnaîtras pas que ton attitude est impardonnable, je refuse que tu
travailles dans notre équipe.»
Tout cela vient toucher notre identité: « Si je le laisse déblatérer ces
mensonges, je ne pourrai pas me regarder en face » ; et générer des
émotions négatives « Je me sens profondément trahi, c’est injuste, tout
cela est faux et pourtant j’ai le sentiment qu’on refuse de me croire, je
suis furieux.» Finalement, la situation tourne au conit: « Ça sut,
121
sors de mon bureau, je ne veux plus te parler » ; puis à la violence « Tu
es un menteur, personne ne peut avoir conance en toi, on se voit aux
prud’hommes. »
On retrouve l’escalade du conit vue au premier chapitre.
Trois convictions reviennent toujours, consciemment ou inconsciem-
ment, au sujet des circonstances de ce qui s’est passé:
1. « J’ai raison », ou le sujet de la vérité ;
2. « L’autre l’a fait exprès », ou le sujet de l’intention ;
3. « L’autre est coupable, il faut le punir », ou le sujet de la
responsabilité.
Si vous vous reconnaissez là-dedans ne culpabilisez pas, c’est normal.
Prenons ces points un par un. Chaque sujet faisant l’objet d’un
chapitre séparé.
122 Comment ?
commun, deux personnes peuvent sincèrement se raconter des his-
toires opposées.
Cela me rappelle mon sujet de khôlle en prépa HEC: « Sincérité
et vérité ». Je pense profondément qu’on peut être sincère et mentir.
Par exemple, lorsque, transi d’amour le jour du mariage, je réponds
un « oui » à la question: « Lui jurez-vous délité, etc.», je suis très
vraisemblablement sincère. Mais est-ce vrai ? Suis-je en capacité
de deviner ce que me réserve la vie et ce qu’il adviendra de mon
mariage ? Si ça se trouve, ce « oui » est un mensonge au sens où il
se révélera faux, bien qu’il soit vrai au sens où il est éminemment
sincère.
Et l’inverse est également possible: dire la vérité, mais ne pas être
sincère. Par exemple, lorsqu’un ami vous demande « J’ai quand
même le droit d’exiger du respect de la part de mon associé, non ? »
et que vous répondez « oui », mais que vous pensez au fond de vous
« Si tu savais comme parfois, c’est toi qui manques de respect aux
gens »… Vous dites quelque chose de vrai: « Tu as le droit d’exiger
du respect », mais pas sincère car vous aimeriez dire « Le problème
est ailleurs ».
Revenons à nos moutons.
124 Comment ?
uniquement nos conclusions, sans prendre le soin d’expliquer com-
ment nous y sommes arrivés.
Première nuance possible: vous n’avez peut-être
pas vu tout le réel
Pour observer le réel, nous nous basons sur un ensemble d’informa-
tions que nos sens perçoivent. C’est le point de départ.
Qu’est-ce qui nous dit que nous avons perçu toutes les informations ?
En eet, prenons l’exemple d’un accident de voiture qui vient de se
dérouler sous vos yeux. « J’étais là, j’ai tout vu », direz-vous probable-
ment à la police. Mais de là où vous étiez, peut-être n’avez-vous pas vu
le passant qui traversait dans votre dos ou le feu qui venait de changer
de couleur car il est masqué par un arbre…
J’irai même plus loin, nous n’avons jamais toutes les informations.
J’irai même plus loin, nous pouvons à la limite savoir ce que nous ne
savons pas. Par exemple, je suis conscient que je ne peux pas savoir
ce qui se passe dans la tête de mon voisin. Et puis, il y a ce que je ne
sais pas que je ne sais pas ! C’est encore autre chose ! Ce qui a donné
la théorie du Cygne Noir.
Elle vient du fait que pendant des siècles les Européens ont pensé que
tous les cygnes étaient blancs. Jusqu’en 1697, lorsque des explorateurs
néerlandais menés par Willem de Vlamingh aperçurent des cygnes
noirs en Australie-Occidentale. Depuis, l’expression a été reprise par
le statisticien Nassim Taleb dans son livre Le Cygne noir –La puissance
de l’imprévisible1.
J’ai moi-même vécu une illustration de cette idée lors d’une
négociation.
126 Comment ?
Lorsque je parle avec le directeur commercial en aparté (seul
à seul) et que j’essaie de comprendre ce qui se passe, j’ap-
prends que, dans son job précédent, il avait été confronté
au même cas, avait annoncé sans ménagement à son inter-
locuteur la perte de la franchise et celui-ci s’était suicidé. La
perspective de revivre cela le paralysait littéralement. Non
seulement il ressentait de la honte, mais en outre il n’avait pas
assez confiance en son directeur général pour lui en parler.
128 Comment ?
plutôt positif et factuel, en tout cas pas agressif et en avait déduit une
vraie volonté de conciliation…
Troisième nuance: vous n’avez pas ressenti
la même chose
Nous savons ce que nous ressentons, évidemment, mais nous ne
savons pas ce que ressent l’autre. Or, la manière dont nous ressentons
le réel va inuer sur l’histoire qu’on va se raconter.
Reprenons l’histoire du candidat à la franchise en Afrique (voir plus
haut). Lui seul sait ce qu’il ressent en ne recevant pas le contratet en
voyant ses ressources nancières s’amenuiser: sa peur de s’être engagé
dans un local un peu trop rapidement. Sa colère contre lui-même liée
au fait que son associé l’avait prévenu… Ce réel pourtant très factuel:
« Je n’ai pas encore reçu la lettre me conrmant ociellement comme
nouveau franchisé » devient très vite un réel ressenti « J’ai peur qu’ils
n’envoient pas la lettre, ce qui serait nancièrement dramatique pour
moi » et génère des interprétations négatives « S’ils traînent pour
m’envoyer ce courrier, c’est pour une bonne raison, ils vont me la faire
à l’envers et vont continuer avec l’ancien franchisé. Si ça se trouve, ils
m’ont utilisé comme levier de négociation…»
Mais, ça, le directeur général ne peut pas le savoir lorsqu’il reçoit le
coup de l.
Pour résumer, non seulement nous n’avons jamais toutes les informa-
tions en termes de réel, mais non plus en termes de ressenti. En soi,
ce n’est pas un problème si tant est que nous en sommes conscients et
que nous démarrons toute conversation en essayant de savoir ce qui
nous manque pour assembler tous les morceaux du puzzle.
130 Comment ?
que vous êtes confronté à ces mots, je vous encourage à systématique-
ment vous poser la question de ce qu’ils représentent concrètement
pour vous et pour l’autre. Quelles sont vos croyances sur le sujet ?
En soi, avoir des croyances ne pose pas de problème, c’est le fait d’en
faire des règles de vie immuables et indiscutables qui génère le conit.
Nos croyances deviennent délétères quand elles se muent en convic-
tions, en certitudes, voire en dogmes, sans que nous ayons conscience
du fait que rien de « scientique » ne les étaye. Une dénition simple
des croyances pourrait être: « Ce qu’on ne peut pas prouver.»
Pour illustrer ce qu’est une croyance, je laisse la parole à mon ami
Olivier Mekdjian, auteur de toute une collection de mini-histoires
comme celle présentée dans l’encadré ci-dessous. Sous forme de
podcast, elles permettent en quelques minutes de faire comprendre
un concept ou passer un message, parfois de manière bien plus impac-
tante qu’une longue formation.
132 Comment ?
En conclusion
Comprendre l’origine d’un comportement va beaucoup nous aider.
Et nous, quels sont nos comportements à comprendre pour mieux
les remplacer ?
Au fait, c’est quand même dommage de continuer à couper ses
spaghettis !? Ils sont tellement magnifiques !
134 Comment ?
Ce à quoi mon client rétorque : « Oui, j’avais bien noté ce
point-là, mais il se trouve que je connais personnellement
ce client et je sais qu’il a gagné son procès. Donc nous allons
garder son chiffre d’affaires. »
Peu importe qui a raison ou qui a tort, ce qui compte ici est l’idée
qu’aucun des deux n’a expliqué ce qui l’amenait à sa conclusion. Et
que chacun a alimenté sa propre histoire.
Plus nous avançons dans le conit, moins nous sommes nuancés et
plus nous voyons uniquement ce qui renforce nos conclusions et nos
intérêts.
Le moindre mot, le moindre geste peut devenir dans notre esprit
une preuve irréfutable. Surtout lorsqu’on rentre dans la phase où on
cherche à rassembler des pièces pour constituer un dossier (ctif ou
juridique) et prouver notre version des faits.
1. Op. cit.
136 Comment ?
La seconde raison pour laquelle discuter ne sert à rien est que
nous justifions en permanence notre version des faits. Cela
rejoint le point précédent, où j’expliquais que l’être humain va
inconsciemment ou consciemment piocher dans le réel ce qui étaye
sa conclusion.
Le problème ne vient pas de là, il semble naturel de vouloir justier
sa position, mais du fait qu’on ne prend pas en compte que l’autre
aussi justie sa position.
• L’équipe de Catherine va justifier sa version en prenant comme
preuve qu’elle enchaîne les arrêts maladie. Quant à elle, Catherine
va retrouver des textos où elle demandait à sa collègue comment
elle allait à un moment où elle traversait une période difficile, et
constater qu’elle n’en a reçu aucun.
• Élisabeth se rassure en remarquant que son manager l’a mise en
copie du dernier e-mail au big boss, ce qui prouve bien qu’il ne
la floue pas. Mais son collègue va remarquer exactement l’inverse
sur un autre e-mail où Élisabeth n’est pas en copie.
• Le fournisseur constate que le producteur n’a pas répondu à
son e-mail, ce qui prouve bien le manque de respect, alors que
le producteur estime que son client sait pertinemment qu’il ne
peut pas accepter une telle remise et donc que cela ne sert à rien
de répondre à cet e-mail qui est pure rhétorique. C’est d’ailleurs
bien une preuve que le client complote contre lui: il gardera cet
e-mail en guise de preuve…
Tout ce que nous venons de voir dans les deux paragraphes précé-
dents amène à une seule conclusion: cela nous empêche d’écouter la
version de l’autre.
Or, personne ne change s’il ne se sent pas écouté et compris. Personne.
Au contraire, les conseils, les menaces, les reproches ne feront que
renforcer les positions. Ou alors si la personne obtempère, cela risque
d’être contraint et forcé. Ce qui peut générer ensuite: soit de la mau-
vaise volonté, soit une fuite, soit une contre-attaque si la personne est
passive-agressive.
Cela m’est arrivé une fois avec une amie, Amélie, dans une
association sportive où je suis bénévole. Le président lui
reprochait de ne pas assez assister aux comités. Agacée,
elle sortit de la pièce en criant : « C’est faux : je suis tout le
temps-là, sauf quand je ne suis pas là ! »
Restés seuls dans le bureau, les membres du comité se sont
regardés mi-agacés, mi-interloqués en concluant que défi-
nitivement Amélie n’était pas fiable, voire un peu à l’ouest
pour être capable de dire de telles incohérences. « Elle sait
qu’elle est en tort et n’a pas d’autre moyen de s’en sortir. »
138 Comment ?
J’ai rejoint Amélie sur le trottoir et je lui ai demandé :
« Écoute Amélie, je sens que tu es agacée et j’en suis désolé.
Je voulais juste être certain d’avoir bien compris ta position.
Tu as dit la phrase, et je reprends tes mots : “Je suis tout le
temps là, sauf quand je ne suis pas là.” Je t’avoue que je
suis perplexe devant ce paradoxe. Aide-moi à comprendre,
s’il te plaît !
– Ah, j’ai dit ça ? Oui, c’est vrai que ça peut sembler bizarre,
mais ne t’inquiète pas, ils ont bien compris, eux, ils vou-
laient juste m’agresser parce que je suis la seule femme du
comité…
– Peux-tu m’expliquer ce que tu voulais dire, car moi je n’ai
pas compris et c’est important pour moi.
– Oui, bien sûr, ce que je voulais dire, c’est que comme je
travaille comme directrice export, je voyage beaucoup à
l’étranger. Lorsque je suis à l’étranger, effectivement, je ne
peux pas assister aux comités. Par contre, dès que je suis
en France, je mets un point d’honneur à venir. Et je n’en ai
jamais loupé un. »
140 Comment ?
CHAPITRE 8
La conversation
circonstancielle
–l’intention
« L’autre l’a fait exprès » ou le sujet
del’intention
Après la vérité vient le délicat sujet de l’intention.
141
de sa pièce. Elle ajoute qu’elle s’en souviendra lorsqu’elle
devra choisir les prochains investissements commerciaux.
Face à ce refus, Valérie associe ici l’impact qu’il a sur elle :
« Cela me met dans une situation difficile » et l’intention « il
a refusé parce qu’il m’en veut ».
Lorsque quelqu’un nous fait mal, notre cerveau fait une association
directe avec l’idée qu’on a voulu nous faire du mal. Nous associons un
impact douloureux à une intention malveillante:
On m’a fait du mal →On a voulu me faire du mal
Bien sûr, nous ne faisons pas cela sciemment, c’est un réexe. Quand
on y rééchit, il en va là de notre survie. En eet, penser que la per-
sonne qui vient de me faire du mal avait l’intention de me faire du mal
génère l’idée qu’elle peut potentiellement essayer de recommencer et
donc m’encourage à me protéger.
Prenons un exemple tout bête: vous marchez dans la rue quand
soudain un passant vous rentre dedans et vous fait mal à l’épaule.
Votre premier réexe n’est-il pas d’en vouloir à la personne ? Voire
de l’agresser: « Non mais, ça va pas ! » Vous ne pensez pas spontané-
ment: « Il ne l’a pas fait exprès.»
Nous allons même parfois plus loin dans la succession d’association
d’idées:
On m’a fait mal →On a voulu me faire du mal →L’autre est une
mauvaise personne
Ce qui peut donner en bout de chaîne…
On m’a fait mal →On a voulu me faire du mal →L’autre est une
mauvaise personne →Donc je dois/peux le détruire
Je note cela, d’ailleurs, dans de nombreux conits, lorsque les parties
se préparent à attaquer en justice. Ils diabolisent l’autre en lui prêtant
des intentions malveillantes. Ce processus permet de légitimer la
violence. Ils se préparent à préparer la guerre.
142 Comment ?
Penser que l’autre a de mauvaises intentions
bloque la conversation didactique
Le corollaire de prêter des intentions malveillantes à autrui n’est autre
que la légitimation de la violence à son égard. Dans ce contexte, vous
comprenez à quel point ce sujet est crucial lorsqu’on se prépare à une
conversation dicile.
En eet, il est presque inimaginable de penser comprendre l’autre
si l’on part du postulat qu’il cherche à nous nuire. Impossible. Au
contraire, cela va renforcer notre attitude de défense, voire générer
ce que nous redoutons: autrui va nalement agir conformément aux
intentions que je lui prête. On appelle ce phénomène la « prophétie
autoréalisatrice ». À force de penser que lorsque ma femme va boire
un verre avec ses collègues de travail après le boulot, c’est parce qu’elle
cherche à me faire comprendre qu’elle n’a pas envie d’être avec moi, je
vais devenir désagréable et suspicieux, à tel point qu’elle va réellement
commencer à fuir ma compagnie.
Pour ces raisons, il faut absolument neutraliser ce mécanisme
psychologique délétère pour toute conversation, dicile ou pas.
Je ne dis pas que les mauvaises intentions n’existent pas, malheu-
reusement. Mais j’arme qu’elles représentent une inme partie
des situations. En tout cas, beaucoup moins que ce que pensent des
parties sur le point de démarrer une conversation dicile.
144 Comment ?
de sa part, je l’appellerai demain pour lui dire que je n’ai pas
apprécié » alors que je pourrai aussi dire « J’espère qu’il ne lui est
rien arrivé ».
Il est amusant de constater que si nous avons tendance à juger dure-
ment les intentions des autres, nous sommes au contraire assez indul-
gents avec nous-mêmes.
Quand un client vous met la pression, c’est un psychopathe. Mais
quand c’est vous qui mettez la pression à vos fournisseurs, vous êtes
exigeant… Quand on ne répond pas assez vite à votre e-mail, c’est un
manque de respect. Mais quand c’est vous qui tardez à répondre, c’est
normal car vous êtes débordé. Injuste, mais normal. Car nous, nous
savons ce qui se passe dans nos têtes, donc nous savons qu’il n’y a pas
de mauvaises intentions. Mais dès qu’il s’agit d’autrui, alors l’opacité
crée une croyance de malveillance.
146 Comment ?
• Des frais à payer, un retard dans la création de la holding et un
e-mail désagréable à lire.
148 Comment ?
Les règles d’or de ce chapitre
La conversation
circonstancielle –
laresponsabilité
« L’autre est coupable » ou le sujet
de la responsabilité
En réalité, penser en termes de culpabilité lance un processus délétère
composé de trois questions toutes toxiques et inutiles: la recherche
du responsable, le jugement et la punition.
• Qui est à l’origine de l’erreur ?
• Est-il jugé coupable ?
• S’il est coupable, comment faut-il le punir ?
Comme pour l’intention, ce processus se fait de manière automatique,
presque inconsciente. Spontanément, lorsqu’il y a un problème ou
une erreur, nous cherchons un coupable et quand nous le tenons, nous
voulons le punir.
151
Là réside d’ailleurs l’une des caractéristiques principales de l’escalade
du conit: petit à petit, l’autre devient le problème. On assiste à une
objectivisation de la personne qui cesse d’être un sujet et devient un
objet. De là à la violence, il n’y a qu’un pas puisque l’étape d’après
consiste à penser que si l’on supprime la personne, alors on supprime
le problème ! Ou, autre manière de le dire, tout aussi mortifère: « Je
ne suis pas en train de détruire une personne, je suis en train de sup-
primer le problème, donc mon action est légitime.»
Alors qu’en réalité, la personne est très rarement le problème, ou, plus
précisément, elle est très rarement tout le problème. Certes, elle a pu
y contribuer, elle a pu l’exacerber, mais, en général, le problème ne
sera pas résolu quand bien même la personne aurait été supprimée.
Quelques exemples fréquents:
• l’entreprise ne va pas bien →le problème, c’est que le nouveau
directeur général n’est pas un leader ;
• les ventes sont mauvaises →il faut changer la force de vente ;
• le projet ne sera pas prêt à temps →le fournisseur est incompé-
tent.
Alors que, très probablement, la réalité s’avère plus complexe:
• l’entreprise ne va pas bien car la digitalisation de l’industrie a
changé les règles du jeu ;
• les ventes sont mauvaises car les produits sont mal positionnés
en termes de prix ;
• le projet ne sera pas prêt à temps car le cahier des charges a
évolué sans en avertir le fournisseur…
Ensuite, l’autre inconvénient de la logique de culpabilité est qu’elle
freine le processus de résolution du problème.
Imaginez que vous êtes sur un bateau qui vient de percuter un iceberg.
La coque, trouée de part en part, provoque un lent naufrage. Qui est
responsable de cet accident ? Le capitaine qui a décidé de l’itiné-
raire ? La vigie qui n’a pas vu l’iceberg à temps ? Le constructeur du
bateaupas assez résistant ? Pendant ce temps-là, le bateau coule et le
152 Comment ?
problème réel (l’iceberg) est toujours là… La volonté de chercher le
coupable augmente les chances de naufrage.
Nous en revenons à l’objectif encore et encore. Si l’objectif est de
sauver le bateau, alors il faut trouver l’origine du problème et le
résoudre. Mais trop souvent, inconsciemment, nous changeons d’ob-
jectif, comme une montgolère qui change de cap sous l’eet d’une
tempête émotionnelle, et nous voulons trouver le responsable an de
le punir.
154 Comment ?
1. Vous avez évité le problème, vous l’avez laissé pourrir. Votre
patron vous sollicite de plus en plus les week-ends et vous
n’arrivez pas à lui dire non. Jusqu’à ce qu’il vous demande
d’annuler votre voyage en amoureux pour votre anniversaire de
mariage. Du coup, lorsque la dispute éclate au grand jour, vous
êtes en partie responsable.
2. Se rendre inaccessible : vous avez reconnu le problème,
donc techniquement vous n’êtes pas dans la fuite, mais vous
retardez votre intervention en prétextant un manque de
temps ou vous gardez une forme de distance par rapport à
la situation.
3. Penser de manière binaire: le fait de penser en termes de
vrai/faux, bien/mal, juste/injuste, acceptable/inacceptable sans
essayer de comprendre la situation a une part de responsabilité…
4. Mettre les gens dans des cases: estimer qu’on a cerné notre
interlocuteur, qu’on sait ce qu’il pense, que l’on connaît ses
intentions sans l’écouter, sans lui donner une chance de
s’expliquer participe du problème
Mais de toutes ces formes d’évitement, c’est le silence qui me semble
le plus fréquent. Lorsqu’on me raconte un conit, j’assiste très souvent
à une longue litanie de plaintes sur ce qui a été fait, dit, sous-entendu,
etc. Et souvent une personne en particulier semble être le problème.
Après avoir écouté, reformulé et reconnu que cela devait être très
dicile à vivre, je pose systématiquement la question: « Lui en
avez-vous parlé ? »
Parfois la réponse est: « Oui bien sûr, il/elle le saitbien.» Mais je me
mée. En général, le « il/elle le sait » signie plutôt « je pense qu’il/elle
le sait » ou « j’ai le sentiment que je lui ai dit ». J’enchaîne donc avec
une autre question: « Qu’est-ce qui vous fait penser qu’il/elle vous a
compris ? » Plus délicat.
Mais parfois la réponse est un vrai « non ». « Non, je ne lui ai pas dit,
cela ne sert à rien » ou « Non, ça le/la mettrait en colère » ou « Non, je
ne veux pas m’abaisser à cela »…
156 Comment ?
CHAPITRE 10
La conversation
émotionnelle
Le sujet des émotions a été abordé dans le chapitre4, nous allons
voir ici comment les gérer dans le cadre d’une conversation dicile.
Le plan de ce chapitre pourrait se résumer ainsi: « Impossible de faire
sans, dicile de faire avec, comment s’en sortir ? »
157
qui produit des céréales bio. La fratrie compte deux autres
sœurs qui ne travaillent pas dans l’entreprise. Leur papa
décède. Jean et Pauline ne s’apprécient guère et ne se
parlent presque plus. Afin d’éviter le conflit, le père a
confié à chacun la responsabilité d’une des deux affaires
de la famille. Jean, l’aîné, gère la production et la vente des
légumes. Pauline s’occupe de la distribution.
Quelques jours après l’enterrement, Jean et Pauline se
voient pour parler de la suite. La tension est palpable. La
conversation s’annonce extrêmement difficile. Pauline, la
cadette, lance les hostilités :
« J’ai reçu l’estimation de l’expert et au total le patrimoine
de la famille représente 2 millions d’euros, à peu près un
tiers pour la ferme et deux tiers pour la distribution. Or,
nous sommes propriétaires à 50 % chacun maintenant. Je te
propose qu’on se sépare, que je garde la distribution et que
tu gardes la ferme, et je te compense pour la différence en
te la versant, moi ça me va.
– Évidemment que ça te va, lui répond son frère, tu gardes la
meilleure partie du business et tu me laisses la ferme sachant
très bien qu’elle ne va pas bien du tout financièrement. En
gros, tu me voles !
– Tu t’es toujours moqué de moi au sujet de la distribution.
Je te rappelle que vous m’aviez confié ce projet papa et toi
car soi-disant tu étais meilleur que moi pour gérer la pré-
cieuse ferme. C’est pas ma faute si tu n’as pas été capable
de bien t’en occuper, alors que j’ai réussi à monter toute la
distribution toute seule dans mon coin.
– Je n’en crois pas mes oreilles. Tu sembles oublier que
tu as monté ton projet à la base avec l’argent de la ferme.
Avec l’argent que je générais. Je n’y peux rien si les fermes
se portent mal en France en ce moment. Je vais te dire ce
158 Comment ?
qu’on va faire, on va faire comme papa aurait voulu qu’on
fasse, on va vendre la ferme et je vais venir t’aider à gérer la
distribution. Un point, c’est tout. »
Le visage de Pauline s’empourpre immédiatement, elle
lui répond les larmes aux yeux : « Moi vivante, cela n’arri-
vera jamais, tu m’entends. Ce serait le comble, tiens, après
m’être laissée ridiculiser pendant quarante ans alors que je
travaillais dur dans mon coin et que je roulais en Kangoo
pour faire des économies alors que tu pavanais en BMW…
En plus, tu utilises papa comme prétexte, tu devrais avoir
honte ! »
Le sang de Jean ne fait qu’un tour, il se raidit de colère et
hurle sur sa sœur : « Tu veux donc tout simplement voler
l’héritage familial, je ne te laisserai pas faire, tu n’as toujours
été qu’une sale ingrate, on se retrouve devant le juge. »
160 Comment ?
cynisme ou silence). Vous savez ces petites phrases dites à
demi-mot comme si elles n’avaient pas été prononcées: « Ben
voyons », « Il ne manquait plus que ça » ; « C’est un comble » ;
« Tu m’étonnes…» ; « Il est où le respect, là ? », « On fait comme
tu veux alors, comme d’habitude »… Elles vont polluer la
communication, voire l’empêcher. Car l’autre perçoit bien,
ne serait-ce qu’inconsciemment, cette tension émotionnelle
et cela va le tendre aussi. On peut alors oublier le climat
de sécurité incontournable pour passer à la conversation
didactique.
3. Les émotions peuvent exploser. Surtout la colère. Je ne dis
pas que ce n’est pas récupérable, mais disons que ce qui est dit
sous le joug de la colère peut laisser des traces. Un proverbe
africain compare la colère au sel: quand on en met trop dans
un plat, il sera impossible de l’enlever après. En réalité, ce
n’est pas tant la colère qui pose problème que l’expression de
la colère, et de la violence qui l’accompagne souvent. C’est
d’ailleurs bien là le souci: plus on tente de contenir sa colère,
plus elle risque de s’exprimer de manière incontrôlée, violente et
dévastatrice. Alors qu’exprimer calmement l’indignation sous-
jacente derrière la colère et le besoin de respect et de dignité
qu’elle signie n’aura que des avantages.
4. Vous perdez une occasion de vous révéler, vous enlevez une
opportunité à l’autre de vous connaître, donc vous réduisez vos
chances d’enrichir la relation.
Je reconnais que coner ses émotions fait peur et comporte des
risques. Mais le coût de se rendre vulnérable peut être contenu et
rattrapé, alors que le coût du silence, lui, est exorbitant et dénitif.
1. Marabout, 2019.
162 Comment ?
croyance est ce que je pense qu’est le réel. Le tempérament est ce
que je pense être. Dans les deux cas, ils peuvent évoluer.
Enn, car nous avons des croyances par rapport aux émotions. Notre
histoire, nos expériences, notre éducation, nos rencontres, nos milieux
sociaux font que nous nous forgeons des convictions sur les émo-
tions. Par exemple, certains craignent la colère, souvent car ils en ont
eux-mêmes souert à un moment de leur vie, et vont l’associer à la
méchanceté. Dans d’autres milieux, au contraire, la colère sera valorisée
comme symbole d’estime de soi et de puissance. Combien de lms
américains, les Marvel en premier, véhiculent l’idée de la saine colère,
celle qui permet au héros de rétablir la justice ? Sans parler de Hulk…
Nous avons tous une empreinte émotionnelle unique. Charge à nous
d’en prendre conscience.
164 Comment ?
L’idée n’est pas de travailler sur son sentiment de trahison, mais sur
les raisons qui le font penser qu’il a été trahi. Autrement dit, quelle
est l’histoire qu’il se raconte pour en arriver là: de quelle information
part-il ? Quelle hypothèse fait-il ? Comment en arrive-t-il à cette
conclusion ?
Peut-être qu’Éric en se posant ces questions va se rendre compte qu’il
part d’une information dont il n’est pas tout à fait certain, qui lui a été
rapportée et qui, nalement, demande à être vériée.
Ou alors il comprend qu’il a interprété le réel (par exemple, il a
entraperçu hier son manager sortir furtivement du bureau de son
chef, juste après qu’il lui a parlé, ce qui a renforcé sa conviction), mais
qu’il y a peut-être d’autres interprétations (ils sont en couple ?). Enn,
il peut arriver que les conclusions se fassent sur la base d’une croyance
personnelle. Par exemple, supposons qu’Éric a déjà vécu une situation
similaire et vit avec l’idée que, de toute façon, à un certain niveau les
chefs se partagent tout: tout se sait !
Peut-être qu’Éric a été trahi ou peut-être qu’il s’est trompé, ou
peut-être que ce n’est pas son chef, mais une oreille indiscrète qui a
répété l’information. En fait, peu importe. Ce qui compte, c’est de se
poser toutes ces questions car, ce faisant, cela active le cortex (le siège
de la raison) qui reprend le dessus sur le cerveau reptilien (le siège
de la survie). Ainsi, je prends conscience de l’histoire que je me suis
racontée jusque-là, je la challenge, je la confronte au réel et je peux
soit la changer, soit la nuancer.
Je me construis alors un autre récit, plus en demi-teinte, qui fait que
je me sens moins menacé, et qui, en conséquence, ne déclenche pas
mon cerveau reptilien.
1. Op. cit.
2. Les Éditions de l’Homme, 2014.
166 Comment ?
nous renseigne sur nous-mêmes en nous invitant à identier nos
besoins. »
Derrière nos émotions se cachent nos besoins. Le mot « besoin » est
parfois mal compris, parfois confondu avec des caprices ou des pul-
sions. Il n’en est rien. J’entends ici le mot « besoin » au sens beaucoup
plus large: ce sans quoi je ne peux vivre, ceux que je dois satisfaire
pour trouver un équilibre de vie, ceux qui sont connectés à mes valeurs
les plus profondes.
Reprenons la théorie de Lise Bourbeau, l’auteur du livre Les cinq
blessures qui empêchent d’être soi-même1 et essayons de voir quels sont
les besoins derrière les émotions:
• sentiment de trahison →besoin de loyauté, de fidélité ;
• sentiment de rejet →besoin d’acceptation, d’amour ;
• sentiment d’abandon →besoin de sécurité, d’appartenance ;
• sentiment d’humiliation →besoin de respect, de sécurité ;
• sentiment d’injustice →besoin de justice.
Par exemple, dans l’histoire de l’héritage vu plus haut, Pauline aurait
pu direà son frère: « Quand tu proposes de me rejoindre dans la
gestion du réseau de distribution sans me demander mon avis, je me
sens en colère car j’ai besoin que mon travail de ces quarante dernières
années dans l’ombre soit reconnu.»
L’idée principale de ce chapitre peut se résumer par la phrase: « Il faut
comprendre les émotions au lieu de les combattre.»
Comprendre vient du latin « cum » qui signie « avec » et « prehen-
dere » qui veut dire « prendre, saisir ». D’où la traduction en français:
« prendre avec soi, saisir par l’intelligence, embrasser par la pensée ».
« Combattre » tire son sens du latin « combattere », qui signie « s’op-
poser à », « lutter contre ».
Donc, n’oubliez pas de terminer la conversation émotionnelle
en exprimant vos besoins. Non seulement vous en avez le droit,
1. Pocket, 2013.
168 Comment ?
CHAPITRE 11
La conversation identitaire
La dimension identitaire se réfère à ce que la conversation dit de moi.
En quoi ce qui va se passer va venir questionner l’image que j’ai de
moi-même ? En quoi cette conversation va-t-elle me confronter à
moi-même, à ce que je pense être, où à ce que je souhaite être ?
169
Cette conversation, apparemment anodine, avec sa
manager le perturbe, car elle vient remettre en question ce
qu’il pense de lui. Suis-je si loyal que cela, finalement ? Je
proclame être quelqu’un de fidèle, mais au premier doute
je déserte, qui suis-je vraiment ?
En même temps, il a envie de partir et, rationnellement, il
dit être droit dans ses bottes au sens où il a plusieurs fois
averti qu’il désirait des projets plus excitants, qu’il se consi-
dérait sous-payé par rapport au marché et qu’il partirait si
l’entreprise ne lui proposait pas des opportunités de grandir.
170 Comment ?
Ces moments-là peuvent nous ébranler profondément, inconsciem-
ment et de manière très soudaine. On ne sait plus exactement pour-
quoi, mais tout à coup dans la discussion on perd pied, on bafouille,
on se sent mal et on n’a qu’une envie: que ça s’arrête !
Dans leur livre Comment mener les discussions difficiles1 , Sheila Heen
et ses coauteurs expliquent que plus une personne a une identité
fragile, plus elle est menacée par le séisme identitaire que peut
représenter une conversation dicile. Ils appellent cela le « syn-
drome du tout-ou-rien ».
Plus j’ai une vision binaire du monde et de moi-même –je suis
compétent ou incompétent, juste ou injuste, bon ou mauvais–, plus
je suis vulnérable.
Ce syndrome du tout-ou-rien peut prendre deux visages: soit le déni,
soit l’autoagellation.
Le déni
Si j’entretiens une vision binaire de ma personnalité, que je réfute
l’idée d’être imparfait, alors la moindre critique vient forcément
menacer toute mon identité. Donc, pour me protéger, je la nie en
bloc.
Souvent, non seulement je refuse la véracité de la critique, mais
jeprête des intentions malveillantes au porteur du message, donc je
l’attaque.
1. Op. cit.
L’autoagellation
Le point de départ reste le même: une vision monolithique de mon
identité ; mais le principe est à l’opposé du déni: accepter la moindre
critique vient complètement menacer toute mon identité.
172 Comment ?
L’autoagellation retourne la critique contre soi: si on critique ma
compétence, comme d’après moi je ne peux être que compétent ou
incompétent et qu’il n’existe pas d’intermédiaire, cela signie que je
suis totalement incompétent.
Plus vous vous connaissez, plus vous serez capable de gérer la dimen-
sion identitaire de l’altérité.
174 Comment ?
Maîtrisez votre héros intérieur
Dans son livre Désarmez la violence –Manuel de défense à l’usage des
antihéros 1, Benjamin Giraudon, instructeur de self-défense, explique
que lors d’une agression physique, l’un des principaux facteurs de
stupéfaction est ce qu’il appelle le « héros intérieur ».
Il s’agit d’une version fantasmée de nous-mêmes empreinte de notre
volonté de justice, de notre envie d’être courageux et de notre aspira-
tion à être puissant.
Cela donne des phrases comme: « Moi, perso, le mec s’il me parle
comme ça, je lui rentre dans le lard » ou « Pourquoi tu lui as pas fermé
sa gueule à cet abruti ? »
Ce héros intérieur nous pousse à devenir une meilleure personne,
donc il faut le chouchouter. Mais il pose problème lorsque le décalage
entre ce héros que je rêve d’être et la personne que je suis réellement
est trop grand.
Se penser en justicier des réunions d’équipe, en défenseur de vos col-
laborateurs timides, en protecteur des méfaits d’un manager toxique
n’aide pas à se mettre en posture de comprendre.
Accepter que la réalité va forcément s’avérer plus compliquée à gérer
que ce que notre vision fantasmée de nous-mêmes imagine, nous aide
à garder notre calme lorsque l’incident éclate.
1. Solar, 2022.
176 Comment ?
quête de respect ou de peur du mépris. Jocelyne est venue toucher ce
conit, mais c’est de ma faute, c’est mon conit.
Pour illustrer cette idée, je reprends une anecdote racontée, lors de sa
conférence à l’Institut catholique de Paris, par Henri Cohen Solal,
psychanalyste et docteur en psychologie franco-israélien, fondateur
de l’association Beit Ham spécialisée dans l’accompagnement des
adolescents en diculté dans des quartiers défavorisés:
Que s’est-il passé ? Jérôme est partagé entre son amour de la bonne
gastronomie, la promesse faite à sa femme et sa peur de devenir
diabétique comme son père. Il pense être quelqu’un de volontaire et
raisonnable, mais avec la nourriture il a du mal. Il n’aime pas cette
image de lui-même incapable de résister à de la nourriture. Il se
déteste quand il craque. Est-ce qu’Anne est responsable du conit
intérieur de Jérôme ? Absolument pas.
178 Comment ?
CHAPITRE 12
La conversation
relationnelle
Les conversations diciles mettent en exergue plusieurs peurs pour la
relation: la peur du rejet, la peur de la rupture, la peur de la vengeance
et la peur d’abîmer le lien pour l’avenir. Sans aucun doute, la première
apparaît comme la plus courante.
La peur du rejet
L’une des deux peurs les plus fréquentes dans une conversation
dicile est celle d’abîmer ou de couper le lien avec la personne
concernée, comme nous l’avons vu au premier chapitre. La peur que
l’autre coupe les ponts, nous rejette, nous quitte.
Cela n’a rien d’étonnant. En premier lieu, la peur de l’exclusion
constitue l’un des principaux moteurs du comportement humain
car elle est originellement liée à notre survie. En eet, dans la race
humaine, le bébé ne survit pas sans aide externe (de ses parents ou
de sa tribu). Pour un nourrisson, l’abandon ou l’exclusion signie
la mort. Cela explique l’ancrage profond des besoins d’apparte-
nance et d’amour dans notre cerveau reptilien. Il n’est donc pas
étonnant que nous dédiions une part importante de nos ressources
psychologiques à observer et interpréter la manière dont les autres
179
interagissent avec nous. Pourquoi ne m’a-t-il pas dit bonjour ?
Qu’est-ce qui fait que je suis encore assis en bout de table comme
d’habitude ? Pourquoi sont-ils allés boire un verre sans me prévenir ?
Qu’ont-ils pensé de moi ?
En second lieu, les études qui établissent une corrélation entre les
relations de qualité et la santé, l’espérance de vie et le bonheur ne
manquent plus. Je vous suggère de regarder le TEDx de Robert
Waldinger: « What makes a good life ? Lessons from the longest
study on happiness1.» Les conclusions de l’étude scientique réalisée
sur plus de 700hommes originaires de Boston pendant soixante-
1. www.ted.com/talks/robert_waldinger_what_makes_a_good_life_lessons_from_
the_longest_study_on_happiness
180 Comment ?
quinze ans mettent en avant cette idée que la qualité des relations
détermine l’espérance de vie et le niveau de bonheur d’un individu
bien plus que tout autre indicateur.
L’émotion de la peur du rejet souligne notre besoin d’apparte-
nance et d’amour et nous permet de réajuster notre comporte-
ment lorsque nos relations battent de l’aile. Elle est comme un
thermostat qui nous alarme quand notre besoin de ne pas être seul
est menacé.
En ce sens, d’ailleurs, les conversations diciles sont précieuses car
elles aident à réaliser que la relation traverse une période de tur-
bulence et qu’il faut s’en occuper. Elles sont au lien ce que la èvre
est à la santé: le message que quelque chose ne va pas.
Cette peur profondément ancrée en nous est omniprésente dans les
conversations diciles. Que nous en ayons conscience ou pas, elle
tourne en back-oce comme un antivirus sur un ordinateur. On ne
le voit pas, mais en cas d’alerte il apparaît.
Nous avons tous une sensibilité diérente à cette peur du rejet.
Cela fonctionne de la même manière que la sensibilité à la lumière
ou au bruit. Dans les mêmes circonstances, certains ne ressentiront
rien de désagréable alors que d’autres trouveront le bruit assour-
dissant ou la lumière aveuglante. Il en va de même pour la peur
de l’exclusion.
182 Comment ?
Reformulé autrement, cela pourrait donner: le refus d’être avec les
autres ou le refus d’être seul.
La recherche d’indépendance
Certains aborderont la conversation avec l’objectif de ne pas dépendre
de l’autre ou de réduire leur dépendance. Ils se battront bec et ongles
pour obtenir le maximum, pour avoir raison, pour négocier plus.
Par exemple, lors d’une conversation délicate sur la mésentente entre
associés, la personne indépendante verra dans le lien une menace et
tentera à tout prix de s’en aranchir. Elle pourra notamment vou-
loir acheter des parts pour devenir majoritaire. La perspective de
dépendre de ses associés lui est insupportable.
La dépendance
D’autres auront tendance à tout faire pour ne pas perdre le lien et se
mettront au contraire en situation de dépendance. Ils chercheront à
faire plaisir à l’autre au détriment de leurs propres besoins.
Ce qui donne, dans l’exemple de la mésentente entre associés,
quelqu’un qui accepte de vendre ses parts pour éviter la dispute et
rester en bons termes avec ses associés. La perspective de les perdre
lui est insupportable.
Dans les deux cas, ces peurs entravent le passage d’une conversation
dicile à une conversation didactique. Elles freinent la curiosité et
empêchent l’envie de comprendre.
L’idée de ce chapitre est de choisir la troisième voie: celle de l’inter-
dépendance positive. Penser le lien à autrui à la fois comme une
nécessité contre laquelle on ne peut rien et pourtant compatible avec
son besoin d’autonomie. Une autre manière de l’expliquer serait de
dire que l’on est dépendant des autres et qu’il faut accepter ce cadre.
Mais qu’à l’intérieur de ce cadre, je suis libre de gérer mes relations
comme je l’entends.
Qui sommes-nous ?
Tout d’abord dans la question: « Qu’est-ce que cette conversation dit
de nous ? », posez-vous la question de quel « nous » parlons-nous ? Qui
es-tu pour moi ? Qui suis-je pour toi ? Qui sommes-nous ensemble ?
Sommes-nous des collègues, des amis, des partenaires, des asso-
ciés ? Es-tu mon mentor, mon chef, mon coach, mon manager ?
Avons-nous une relation purement professionnelle ? Ou, au contraire,
sommes-nous avant tout des amis ?
Parfois, les réponses coulent de source. Parfois, elles obligent déjà à
rééchir: par exemple, quand des amis s’associent ou quand les deux
membres d’un couple créent une entreprise ensemble, ou quand un
manager et son collaborateur deviennent amis. Sans parler de toutes
les synergies qui mélangent la famille et le business.
Ensuite, mettez des mots derrière les concepts, an de confronter vos
croyances. Qu’est-ce qu’un bon manager pour toi ? Que signie être
entrepreneur pour toi ? Qu’attends-tu de moi comme associé ?
En début de formation, je demande aux participants qu’ils notent
par écrit ce qu’est un vrai ami pour eux. Voici quelques réponses
classiques:
• Quelqu’un qu’on peut réveiller la nuit si on a un problème ;
• Quelqu’un qui n’oublie pas notre date d’anniversaire ;
• Quelqu’un en qui on a confiance ;
• Quelqu’un qui nous soutiendra quoi qu’il arrive ;
• Quelqu’un qu’on peut ne pas voir pendant longtemps et qu’on
retrouvera avec le même plaisir ;
• Quelqu’un qui nous écoute.
184 Comment ?
Que des bonnes réponses, mais toutes diérentes. Qu’arrive-t-il si
deux amis ne partagent pas la même dénition ?
186 Comment ?
1. d’une certaine manière, la séparation évoque le deuil. Or, c’est
un sujet tabou et très intime dans notre société ;
2. dans l’imaginaire collectif, qui dit rupture dit sourance.
Le sujet du deuil dans l’entreprise nécessiterait un livre entier. Mais
disons seulement qu’un lien qui se rompt n’est pas forcément un lien
qui meurt: il peut se recréer de manière diérente !
Si, vraiment, l’issue de la conversation dicile aboutit à une sépa-
ration pure et dure sans lendemain, cela oblige à penser la place de
l’autre personne dans ma vie. Puis-je m’en passer ou pas ? Puis-je
vivre sans elle ?
Mais comment faire lorsque le lien est celui du sang ? Quand la per-
sonne dont je voudrais me séparer est de ma famille ? Suis-je dans une
impasse ? La médiation familiale, autre branche de notre discipline,
illustre l’idée que le lien peut ne pas se penser de manière binaire
–« être en lien » ou « être séparé »–, mais peut s’ajuster en fonction
de notre histoire, de nos émotions, de nos besoins.
188 Comment ?
Les règles d’or de ce chapitre
Comment
vraiment ?
CHAPITRE 13
Avant la discussion:
préparez-vous
Entrons maintenant dans le vif du sujet du « comment vraiment », à
savoir la méthode que nous avons élaborée au l des années, synthèse
des diérentes méthodes existantes.
Elle se constitue de 5 étapes: démarrer, explorer le récit de l’autre,
raconter son récit, décider ensemble et conclure.
193
Une autre manière de se souvenir facilement de la démarche que je
propose est de la résumer dans l’acronyme TMN : « Toi », « Moi »
et « Nous ». D’abord, je t ’écoute, ensuite je m’exprime, puis nous
décidons. Ces trois phases étant encadrées par une introduction et
une conclusion.
Un objectif honnête
Reprenons l’idée principale de ce livre: remplacer la volonté de
convaincre par la volonté de comprendre.
Mais, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, en réalité,
l’objectif « comprendre », si on ne fait pas un travail préalable, arrive
en général loin derrière une kyrielle d’autres verbes comme protester,
punir, rompre, etc.
Dans cette phase de préparation, souvent nos bonnes intentions nous
poussent à acher un objectif bienveillant comme « recréer du lien »
ou « réussir notre projet », alors que, au fond de nous, gronde une
Quoi qu’il en soit, si votre objectif n’est pas sincère, vous partez du
mauvais pied car vous courez trois risques. D’abord, cela se verra.
L’autre percevra votre manque d’authenticité. Ensuite, vous ôtez
aux autres la possibilité de vous comprendre. Or, comme nous
Un objectif fort
Appliquez-vous ce que vous allez essayer de faire avec l’autre partie:
passez du quoi au pourquoi an de trouver un objectif qui vous
touche profondément, qui représente exactement ce dont vous avez
besoin.
Le « quoi » montre ce que je désire. Le « pourquoi » indique ce dont
j’ai besoin vraiment.
Le « quoi » désigne ce que je veux, le « pourquoi » questionne la raison
pour laquelle je le veux.
Le « quoi » donne ma position, le « pourquoi » ma motivation.
Les objectifs les plus puissants partent non pas de ce que vous voulez,
mais de pourquoi vous le voulez.
Un objectif positif
Souvenez-vous des conseils de Marshall Rosenberg: toute communi-
cation saine se termine par une demande positive. Nous l’avons déjà
vu, mais je le redis: dire ce que vous ne voulez pas ne renseigne pas
l’autre sur ce que vous voulez.
Un objectif commun
Si possible, trouvez un objectif commun. Je dis « si possible » car ce
n’est pas toujours le cas. Parfois, cela peut même sembler incongru.
Trouver un objectif commun rassure l’interlocuteur. Nous avons
abordé ce point dans le chapitre12 sur la discussion relationnelle:
quel est notre projet commun, notre but commun, notre motivation
commune, nos intérêts communs ?
Parfois, certains se sentent gênés car leur objectif leur semble dicile
à entendre ou susceptible de faire du mal. Par exemple, s’il s’agit de
licencier quelqu’un. Ou d’expliquer à un collaborateur que son équipe
le juge incompétent… Et en même temps, il est impossible de faire
l’économie de ce feedback désagréable…
Une idée aidante dans ce cas-là est de dissocier le fond de la forme
en considérant qu’on doit absolument dire ce qu’on a à dire même si
c’est dicile à entendre, sans l’édulcorer ni l’adoucir, mais qu’on fera
tout sur la forme pour que la personne le comprenne sans se sentir
agressée. En anglais, on dit: « Hard on goals, smooth on people », ce qui
pourrait se traduire par « Restez ferme sur vos objectifs et bienveil-
lants avec les gens.»
La métaphore du galet illustre à merveille cette idée: le galet a la
particularité d’être à la fois doux et dur. Doux au sens poli, lisse,
agréable au toucher. Mais d’une grande dureté au sens très solide et
tranchant. J’en ai retenu qu’on peut trouver une posture conciliante,
bienveillante, empathique, bref humaine, sans être mièvre ni mielleux.
Trouver un objectif commun peut rester possible même en cas de
dispute ou de séparation. Par exemple, protéger les enfants dans un
divorce. Ou préserver l’équipe dans un conit d’associés. Ou ne pas
mettre en péril le projet dans une dispute d’équipe.
« Oui, c’est super tout ça, mais le vrai sujet, ce n’est pas mon
nouveau job, c’est que tu n’as pas eu le courage de me dire
en face que tu as promu Michèle au poste de directrice
commerciale que je voulais. Et ce n’est pas la première fois.
Je commence à en avoir marre de ton manque de courage
managérial. »
Passer au plan B
C’est là que réside l’intérêt majeur de la démarchede préparation.
Étape1: démarrez !
Le moment fatidique est arrivé, la personne est en face de vous, le
cadre est posé, tout le monde a accepté les règles du jeu. Maintenant,
il faut se lancer.
Les conversations diciles ressemblent en plusieurs points aux vols
en avion, notamment parce que c’est au décollage et à l’atterrissage
que la probabilité de crash est la plus importante.
Il se joue quelque chose de fondamental lors des premières secondes
de la conversation dicile. Donc, pas de pression, mais ne vous
loupez pas.
Voici quelques conseils pour démarrer sur de bonnes bases:
1. Annoncez l’objectif dès le début ;
2. Créez de la sécurité ;
3. Commencez par le troisième récit et soyez factuels ;
4. Invitez à parler.
215
vas-tu ? » ou évasives « Comment te sens-tu dans l’équipe en ce
moment ? »…
Invariablement, les personnes en face se crispent, voire se méfient.
Consciemment ou inconsciemment, elles attendent le coup fati-
dique, le lancement des hostilités. De surcroît, elles se disent que
si l’autre prend autant de pincettes, c’est que cela doit être très
grave !
Autant annoncer l’objectif dès le début. Étant entendu que vous avez
travaillé sur un objectif positif, commun et sincère, comme nous
l’avons vu au chapitre13.
Je reviens sur l’enjeu du « Comment ça va ? » au démarrage. Il comporte
deux risques: le premier est d’ouvrir les vannes d’une grande litanie
de plaintes, et le second est, au contraire, de se faire agresser:
Risque1:
« Comment vas-tu ?
– Oh, écoute, très mal, tu n’imagines pas ce qui m’est
arrivé ce week-end, non seulement mon fils a terminé aux
urgences, mais en plus… »
« Comment vas-tu ?
– Mal évidemment, tu le sais très bien, comment veux-tu
que ça aille bien avec ce que tu m’as fait ! »
Il me semble que ces phrases positives ont été tellement mal utilisées,
sans authenticité et de manière systématique qu’elles ont été dévoyées
et en deviennent presque contre-productives.
Or, je conrme qu’il n’y a pas plus puissant que des compliments, des
excuses, des remerciements lorsqu’ils sont authentiques et sincères.
Partez du principe que l’autre sentira si vous êtes sincère. Donc trouvez
quelque chose de positif à dire que vous pourrez défendre en cas de cri-
tique. Vous savez quand vous êtes droit dans vos bottes. Si vous n’aimez
pas la personne, ne dites pas: « Je t’apprécie.» Si elle pose problème
dans l’équipe, ne la rassurez pas en armant: « Tout le monde t’aime.»
Creusez-vous les méninges et trouvez quelque chose de positif et sincère.
2. Créez de la sécurité
Cette étape suscite beaucoup de débats lors des formations, et pour-
tant je n’en démords pas, elle me semble cruciale même si je reconnais
qu’elle est éminemment délicate.
Étape2:
explorez le récit de l’autre
Vous avez invité l’autre à parler, sincèrement et explicitement. Il
s’agit maintenant d’écouter. Non seulement d’écouter, mais d’écouter
activement.
227
Pour autant, je ne peux que constater que ces outils constituent
la base de toute conversation réussie. Surtout quand elle se gâte.
Aborder une conversation dicile sans la capacité d’écouter active-
ment, sans savoir s’exprimer de manière assertive mais pas agressive
et sans savoir quoi faire des émotions, revient à conduire une voiture
en étant aveugle, sourd et muet… Il est fort probable que le trajet se
termine vite et mal.
Aussi, je vous demande de me faire conance sur deux points: non
seulement le sujet vaut (encore) le détour et je vais tenter de l’aborder
d’une manière très concrète.
L’encouragement
Cette étape n’a l’air de rien, mais elle s’avère toujours un challenge. Je
vous propose trois manières d’encourager l’autre à parler: le silence,
la reformulation perroquet et les incitations verbales.
Le silence
Pendant plus de trois ans, j’ai été bénévole à l’association Empreintes
Accompagner le Deuil où j’étais chargé de recevoir des appels télé-
phoniques de personnes en deuil. J’ai appris beaucoup en termes
d’écoute et surtout sur le silence.
Au début, je ne pouvais pas en croire mes yeux (ou plutôt mes oreilles).
La personne qui m’a formé n’hésitait pas à laisser des silences de
plusieurs dizaines de secondes. D’une part, je trouvais cela gênant.
D’autre part, je m’attendais à entendre un inexorable « Allo, vous êtes
là ? Il y a quelqu’un ? » Eh bien non, ou très rarement. Presque jamais
en fait. Dans ce contexte très chargé en émotion, le silence laissait
de l’espace à l’endeuillé pour rééchir, ou simplement pour pleurer.
J’ai gardé dans ma pratique le rôle du silence. Certes, dans l’entreprise,
il s’insère plus dicilement. C’est d’ailleurs lors de cette expérience
que j’ai réalisé que le tempo du monde de l’entreprise était extrê-
mement rapide. Lorsque je quittais mon bureau survolté et que je
m’installais chez Empreintes, il me fallait du temps pour changer de
temporalité et revenir à un rythme lent. Parler plus lentement. Laisser
du silence. Laisser de l’espace.
Bref, pour revenir au silence, je vous encourage à le tester. Vous serez
surpris. Si jamais cela vous met mal à l’aise, vous pouvez l’accompa-
gner d’un hochement de la tête pour souligner que vous proposez à
l’autre de continuer.
Cette étape, qui peut aussi s’appeler « paraphrase » dans certains livres,
est fondamentale. Elle ore l’avantage principal que l’autre partie se
sente écoutée. Rien de plus puissant pour libérer la parole. Rien de
plus nécessaire aussi.
1. Op. cit.
Étape 3:
racontez votre récit
Donc nous sommes « en plein vol » pour reprendre la métaphore de
l’avion: nous avons préparé notre vol (chapitre13), nous avons décollé
sans nous crasher (chapitre14) et nous avons écouté l’autre partie
pour le comprendre (chapitre15). Maintenant, il va falloir parler.
Pourquoi parler ?
À votre tour de prendre la parole. Mais pourquoi, me direz-vous ? Car,
nalement, si vous avez bien écouté l’autre: premièrement, ses émo-
tions se sont calmées et, deuxièmement, vous avez pu comprendre sa
manière de voir ce dont il avait réellement besoin. En quelque sorte,
vous avez tous les ingrédients pour conclure d’une manière qui vous
permette d’atteindre votre objectif. Pourquoi prendre la peine de
prendre la parole ? Ça peut être risqué, et pour certains cela représente
un eort ou une menace. Alors pourquoi ?
En réalité, c’est tout simplement vital.
Prenons un exemple:
247
l’entreprise s’il n’avait pas un plus gros bonus. Sur le prin-
cipe, vous n’êtes pas d’accord, mais, surtout, vous vous êtes
senti trahi. Vous l’appréciez énormément, peut-être même
ressentez-vous de l’amitié pour lui. Et vous réalisez que ce n’est
pas réciproque. Apparemment, pour lui, il s’agit avant tout de
business et d’argent. Soit, vous irez sur ce terrain, mais au fond
de vous, quelque chose est cassé. Le problème est que l’en-
treprise, pourtant en forte croissance, passe par une période
difficile, que vous êtes en train de lever des capitaux, et que
ce serait le pire moment pour augmenter la masse salariale.
Et en même temps vous ne pouvez pas vous permettre de
démotiver votre directeur financier.
Imaginons que la conversation se passe bien, que vous
l’écoutez et que vous comprenez le « vrai » sujet : il traverse
une crise personnelle qui l’amène à repenser sa vie pro-
fessionnelle. Il a toujours voulu créer sa propre entreprise,
pour avoir quelque chose qui lui appartienne. Son père avait
été licencié avec perte et fracas sans indemnité à quelques
années de la retraite. Cela avait généré un vrai séisme fami-
lial. Votre directeur se confie à vous pour dire que, avec
l’âge, cette peur remonte chez lui et qu’il ressent le besoin
d’avoir sa propre entreprise pour cela. Comme il ne se sent
pas l’âme d’un créateur d’entreprise, son plan est donc de
racheter une petite entreprise dans les années à venir. Pour
cela, il aura besoin de liquidités. D’où sa demande d’un
bonus supérieur.
Vous avez une idée : l’associer à votre entreprise.
Effectivement, cela semble résoudre le besoin fondamental
de votre directeur, tout en préservant vos intérêts.
Oui mais voilà, si vous arrivez à la solution sans être passé
par la case discussion, alors vous prenez le risque que
la frustration que vous avez ressentie ressorte plus tard
Parce que, sans cette partie où vous racontez votre histoire, où vous
vous exprimez, où vous armez ce dont vous avez vraiment besoin,
il manque 50 % du travail. Vous vous souvenez de « Tout ce qui ne
Pourquoi se taire ?
La question que je me pose lorsqu’on me fait cette objection
« Pourquoi parler » est, à l’inverse, quelles pourraient être les raisons
de ne pas parler ?
1. Op. cit.
Comment parler ?
Nous avons déjà parlé de la Communication Non Violente. Elle
prend tout son sens à ce moment-là de la conversation dicile.
Avec sa théorie, Marshall Rosenberg n’a pas seulement mis en place
une méthode d’assertivité, il a aussi bouleversé la manière de négocier,
de se disputer et de communiquer de manière générale.
Étape 4:
réglez leproblème
Si tout s’est bien passé, à ce stade-là de la discussion, vous avez pu
comprendre les besoins de l’autre et exprimer les vôtres.
Vous êtes passé de la position (ce qu’on veut) à la motivation (pour-
quoi on le veut), c’est-à-dire que vous avez identié les vraies moti-
vations, les besoins réels et les intérêts profonds de chaque partie.
À partir de là, trois scénarios diérents peuvent se présenter:
1. Vos intérêts et ceux de l’autre sont alignés.
2. Vos intérêts et ceux de l’autre sont divergents mais compatibles.
3. Vos intérêts et ceux de l’autre sont divergents et incompatibles.
259
Figurez-vous que c’est le cas le plus fréquent ! Comment est-ce
possible ?
• Les deux parties n’avaient pas la même information.
• Elles avaient la même information, mais ne voyaient pas la
même chose.
• Elles ne comprenaient pas que l’autre avait un cadre de référence
différent.
• Chacune élaborait des hypothèses et des conclusions sans les
expliquer.
• Elles pensaient que, parce qu’il y avait impact, il y avait intention.
• Chacune refusait de voir sa part de responsabilité.
Parfois, le désaccord sert de prétexte pour exprimer quelque chose de
plus profond ou de plus ancien, comme le montre l’histoire de Vijay
et Sarah:
Étape5: concluez
Nous voilà dans la dernière ligne droite de la conversation dicile, la
conclusion ; ou la dernière partie de la roue de Fiutak, le « comment
vraiment ».
Dans le chapitre précédent, vous avez trouvé une solution au pro-
blème ou plutôt vous l’avez créée. Maintenant, il faut l’appliquer.
Autant l’étape4 donnait la part belle à la créativité aux cerveaux
gauches, autant l’étape5 a besoin de la rationalité des cerveaux droits.
Dionysos laisse la place à Apollon qui reprend le manche de l’avion.
Après l’imagination et la créativité, l’ordre et la raison. Vous avez
même le droit de sortir des phrases du type « Le diable se cache dans
les détails ».
Si la conversation dicile a été réussie, alors les parties ne sont plus
opposées l’une à l’autre, mais sont l’une et l’autre face au problème.
Et souvent, les parties réutilisent le « nous », après avoir utilisé le « je »
et le « tu ».
277
chose ne se passe pas bien et empêche la solution d’être appliquée, on
peut revenir aux principes mêmes de la solution.
Imaginez le pire
J’ai appris cette leçon sur une médiation entre deux associés qui
avaient décidé de se séparer. L’un propose de vendre ses parts à l’autre.
Ils se mettent d’accord sur un prix et se serrent la main. Dans le deal,
il est dit que l’associé sortant doit d’abord faire une période de tran-
sition et ne partira qu’en n d’année.
Cependant, entre-temps, l’entreprise a connu une grave crise qui a
fait chuter sa valeur. Résultat, les deux associés se sont à nouveau
disputés. Le premier expliquant qu’ils s’étaient mis d’accord sur
une formule (un multiple de l’EBITDA) et que, par conséquent, la
valeur des parts en question avait chuté. L’autre arguant du fait qu’ils
Pendant: recadrez
Évidemment, rien ne se passera comme prévu. En tout cas, c’est ce
à quoi il faut se préparer. Pour reprendre la métaphore du vol en
avion, il faut penser que le vol va connaître des turbulences et s’y
préparer. Surtout, si vous avez été formé aux conversations diciles
et pas l’autre. Il est fort probable que vous démarriez sur de bonnes
bases, mais que très vite vous soyez attaqué, jugé, critiqué. Muni des
idées de ce livre, vous allez résister une première fois en vous accro-
chant fermement à l’idée principale qui est de comprendre au lieu
de combattre, peut-être une seconde fois. Mais combien d’assauts
allez-vous pouvoir repousser avant que votre garde ne tombe et que
le fameux fight/flight/freeze ne reprenne le dessus ?
285
Les cas les plus fréquents de ceux qui abandonnent en cours de
conversation tournent souvent autour de:
• « Non mais là il ment, très clairement, je suis désolé, mais je ne
peux pas laisser dire cela.»
• « On est d’accord il vient de m’accuser là, non ? »
• « Donc, en gros, tout est de ma faute et lui ne reconnaît rien ? »
• « Ça va trop loin, c’est une question de principe…»
• « C’est inadmissible, c’est injuste, c’est faux, c’est toxique…»
• « Écoute, tu viens de dire clairement que tu ne veux plus de moi,
donc les choses sont claires…»
• « Je ne vais quand même pas me laisser agresser comme cela alors
qu’à la base je suis la victime dans cette histoire, c’est un comble.»
Quels peuvent être les scénarios possibles d’une conversation dicile
qui s’envenime ? Je constate quatre scénarios fréquents, mais la liste
n’est pas exhaustive:
1. Mes émotions me submergent ;
2. Les émotions de l’autre le submergent ;
3. La conversation s’envenime petit à petit vers le conit ;
4. La conversation ne s’envenime pas mais s’embourbe ;
5. La conversation a complètement dérivé du sujet initial ;
6. La conversation est stérile et les vrais sujets ne sont pas abordés.
1. Gallimard, 1943.
297
circonstancielle (la vérité, l’intention, la culpabilité), la dimen-
sion émotionnelle, la dimension identitaire ou la dimension
relationnelle ;
• le fait de réfléchir à ces quatrediscussions permet de nuancer sa
vision du problème et donne envie de comprendre l’autre ;
• concrètement, les prérequis pour que la conversation se déroule
correctement se résument en: créer de la sécurité, explorer
le récit de l’autre, raconter son récit, trouver une solution et
conclure. Sachant que, parfois, il faudra savoir aussi recadrer la
conversation quand elle dérape ;
• à partir du moment où on a compris les besoins de l’autre et que
nos besoins ont été compris, on peut décider de l’avenir de la
relation: se réaligner, se réajuster ou se séparer ?
Tout cela pour arriver à une idée: les conversations diciles nous
aident à travailler ensemble, et même à vivre ensemble, car elles
participent à créer de la sécurité psychologique. Qu’il s’agisse d’une
entreprise, d’une famille, d’un couple ou d’un pays, sans sécurité
psychologique, nous avons peur de tout ce qui pourrait avoir des
conséquences physiques ou psychologiques sur soi: savoir dire non,
oser donner un feedback négatif, demander de l’aide, avouer un échec,
annoncer une mauvaise nouvelle, être en désaccord et mener une
conversation dicile.
Je voudrais terminer par une idée simple: celle qu’il faudrait faire
cet exercice en permanence, ne pas attendre que la conversation soit
dicile pour s’écouter et se comprendre. Dans la vraie vie, c’est assez
rare. Imaginez quelqu’un qui emmène sa voiture chez le garagiste en
disant: « Elle roule bien, mais je voudrais que vous la révisiez pour
anticiper des problèmes le cas échéant.» Pourtant, c’est exactement ce
que nous devrions faire avec les liens qui comptent pour nous.
Le mot « juste » a donné « justice » en français. Mais qu’est-ce qu’une
relation juste nalement ? Est-ce juste ou injuste que des associés se
séparent après vingt ans de vie ensemble ? La vie aura passé par là,
avec ses crises et ses surprises. Est-ce bien ou mal de se mettre en
298 Conclusion
colère, d’avoir peur ? Est-ce acceptable ou inacceptable de douter, de
se tromper, d’échouer ? Vaut-il mieux donner que recevoir ? Existe-t-il
un seul moyen de se sentir aimé ?
J’ai tenté de prouver qu’une vision binaire des relations humaines
porte en elle les germes de la violence. Certes, les contrastes existent
dans la nature, la lumière et la nuit, l’homme et la femme, et il ne
s’agit pas de dessiner un monde sans limites, sans contours. Je ne crois
pas dans un monde en noir et blanc. Mais je ne me fais pas non plus
l’apôtre d’un monde entièrement gris. Je vois plutôt un monde où le
gris se compose lui-même de points blancs et noirs.
Comment penser ces moments en termes de juste ou d’injuste ? Est-il
injuste à 50 ans, après vingt-cinqans de mariage, que l’un des deux
conjoints dise sa peine et son envie de se réinventer, sa peur d’un
amour qui s’est étri ? Quel contrat de mariage peut prévoir cela ?
Aucun. Quelle personne, prêtre ou maire ou ami, peut demander
vingt-cinq ans auparavant de s’engager sur ce qu’on ressentira à ce
moment-là ? Personne. Dans le couple, comme dans toutes les rela-
tions, ce n’est nalement pas le contrat qui protège le lien, mais le lien
qui protège le contrat. Cela prévaut également pour des associés ou
des clients ou des fournisseurs.
Mais le mot « juste » a aussi donné le mot « justesse ». Et là, en
revanche, cela me semble non seulement possible mais souhaitable:
une relation juste est une relation ajustée. Une relation où l’on s’ajuste
en permanence l’un à l’autre. On s’écoute. On se parle. On commu-
nique au sens littéral du terme: on met en commun nos visions du
monde, nos croyances, nos rêves, nos peurs.
Je trouve que les conversations diciles constituent une opportunité
formidable de nous obliger à nous réajuster. Comme une alarme qui
sonne et qui dit: « Attention, là, il y a quelque chose qui s’est bloqué,
il est urgent de vous parler.» On peut dire la même chose du conit,
mais c’est un cran plus dicile car le lien s’est coupé ou abîmé.
Conclusion 299
Si l’on compare le lien à une forêt, alors le conit c’est la forêt qui prend
feu. Il va falloir mobiliser de l’énergie et des ressources importantes
pour l’éteindre, et quand bien même, une partie des arbres aura
disparu. Il y aura eu des dégâts… Quel gâchis.
La question que je me pose est celle de savoir ce que l’on peut faire
pour éviter que la forêt ne s’embrase ? Il faut en prendre soin: élaguer
les arbres, être vigilant à la sécheresse ; mettre des panneaux inter-
disant les feux de forêts, éduquer les touristes etc.
Il en va de même pour nos liens: prenons-en soin ! Apprenons à
écouter, à communiquer, à nous comprendre, à nous connaître.
Et réajustons tous nos liensen permanence: familiaux, professionnels,
amoureux, amicaux… J’y vois une condition de ce vivre-ensemble qui
est si important à mes yeux.
Et il me semble qu’il y a un lien urgent à réajuster: celui que nous
entretenons avec la planète… Et là, ce n’est plus vivre-ensemble qu’il
s’agit mais du survivre-ensemble.
300 Conclusion
Postface
Dans le monde complexe et interconnecté d’aujourd’hui, la capacité à
gérer des conversations diciles est devenue une compétence essen-
tielle pour les acteurs au sein des organisations, qu’elles soient profes-
sionnelles, associatives ou familiales. Eric Daubricourt, médiateur et
formateur chevronné, nous ore un précieux guide dans son livre inti-
tulé Mener vos conversations difficiles en 50règles d’or. Ce livre est bien
plus qu’un simple manuel, il représente une source de connaissances
précieuses pour quiconque cherche à améliorer ses compétences en
communication et à développer des relations saines et harmonieuses.
Dès les premières lignes, Eric Daubricourt partage avec nous sa
vision du « vivre-ensemble », une vision fondée sur le principe que
la capacité à aborder les conversations diciles est cruciale pour
tisser et entretenir les liens qui unissent les individus. Que ce soit
dans le cadre professionnel, familial, amical ou associatif, les rela-
tions humaines sont au cœur de notre existence, et les conversations
diciles sont souvent inévitables. Ce livre nous enseigne que non
seulement il est possible d’aborder ces conversations avec succès, mais
qu’elles peuvent également renforcer nos liens et prévenir des conits
plus graves.
L’approche d’Eric Daubricourt repose sur une solide base de connais-
sances issues de sa pratique de médiateur, de sa formation à l’Ifomene
de Paris et au CEDR de Londres, ainsi que de ses études en psycho-
logie à l’Université de Lorraine. De plus, il puise abondamment dans
ses nombreuses expériences en tant que médiateur, formateur et
praticien. Cette richesse de connaissances, combinée à sa profondeur
301
d’analyse et à sa vision éclairée des relations humaines, fait de ce livre
une ressource précieuse pour ceux qui cherchent à comprendre et à
maîtriser l’art de la communication.
Le cœur de cet ouvrage réside dans les 50« règles d’or » que l’auteur a
élaborées à partir de son expérience. Ces règles sont le fruit d’années
de pratique et de réexion, et elles orent des conseils pratiques et
concrets pour naviguer avec succès dans les eaux tumultueuses des
conversations diciles. Certaines de ces règles résonneront parti-
culièrement en vous, tandis que d’autres demanderont peut-être un
peu plus de temps pour germer. Quoi qu’il en soit, elles sont toutes
précieuses, car elles ont été testées et éprouvées dans la vie réelle.
Ce livre ne se contente pas de proposer des conseils pratiques, il nous
incite également à rééchir profondément sur notre propre compor-
tement et notre manière de percevoir les autres. Eric Daubricourt
nous invite à abandonner la volonté de convaincre au prot de la
volonté de comprendre, une approche qui favorise la coopération
plutôt que le conit. Il nous pousse à rééchir aux peurs sous-jacentes
qui alimentent nos conversations diciles et à les aborder avec bien-
veillance et curiosité plutôt qu’avec méance et confrontation.
En parcourant les pages de ce livre, vous découvrirez une méthodo-
logie complète pour aborder les conversations diciles de manière
constructive, depuis la création d’un cadre sécurisé jusqu’à la conclu-
sion et la mise en œuvre des décisions prises. Vous apprendrez à
explorer les récits des autres, à exprimer vos propres besoins de
manière assertive et à chercher des solutions créatives pour résoudre
les conits.
Mais au-delà de ces outils pratiques, Eric Daubricourt nous ore
une vision inspirante d’un monde où la communication authen-
tique et la compréhension mutuelle sont les fondations du « vivre-
ensemble ». Il nous rappelle que les conversations diciles sont
l’occasion de travailler ensemble, de vivre ensemble et de créer une
sécurité psychologique qui permet à chacun de s’exprimer librement
sans crainte.
302 Postface
En conclusion, Mener vos conversations difficiles en 50règles d’or d’Eric
Daubricourt est un livre d’une grande pertinence et d’une utilité
indéniable pour les acteurs dans les organisations, quel que soit leur
domaine d’activité. Il nous rappelle que la communication est au
cœur de nos interactions humaines et que la capacité à aborder les
conversations diciles est une compétence précieuse à cultiver. Avec
ce livre comme guide, vous serez mieux équipé pour naviguer avec
succès dans les eaux parfois tumultueuses des relations humaines. Je
vous invite à plonger dans ces pages riches en enseignements et à les
mettre en pratique pour améliorer vos compétences en communica-
tion et construire des relations plus harmonieuses.
Olivier Meier
Professeur des Universités
Directeur de l’Observatoire ASAP
Laboratoire LIPHA Paris Est
303
Remerciements
Ce livre n’existerait pas sans le soutien inconditionnel de mon épouse
Leila et de mes enfants Naël et Sirine. Ils m’ont accompagné dans
ce chemin de vie, ils ont passé des heures à m’écouter, ils ont été les
premiers témoins de mon apprentissage et ils ont été à la source
de nombreuses conversations passionnantes (faciles ou pas). Je les
remercie du fond du cœur pour m’avoir supporté, au sens anglais du
terme (« soutenu ») mais aussi français (« toléré ») !
Ce livre n’existerait pas non plus sans mon ami Florent Rey, entre-
preneur talentueux, ami d’enfance des Maristes à Lyon et compagnon
de vie. Un jour, j’ai eu besoin d’aide et Florent est venu à mon secours,
sans conversation dicile, naturellement, spontanément. Je lui dois
aujourd’hui d’avoir réussi ma reconversion. À un moment donné, il
a plus cru en moi que moi en moi-même. Je ressens une immense
gratitude à son égard.
Merci aussi à Michel Frieh, avocat brillant mais surtout ami lui
aussi, qui a su m’accompagner dans des situations où j’étais en
danger. Sa force et son courage, associés à sa grande bienveillance,
m’ont permis de me frayer un chemin dans ce monde pas toujours
adapté aux empathiques comme moi. Je me sens chanceux d’avoir
croisé sa route.
Merci aussi à mon associé de toujours, Philippe Le Dorze avec lequel
j’ai coopéré pendant plus de quinze ans à promouvoir avec beaucoup
de joie et de passion le terroir français en Amérique du Sud et aux
États-Unis. Quelle aventure ! Il a toléré ma constante inconstance
305
et m’a encouragé dans ma reconversion quand beaucoup d’autres
m’auraient envoyé balader. Ce faisant, il m’a aidé trouver ma voie.
Nous avons eu des conversations diciles lui et moi, mais nous les
avons réussies.
Enn, je remercie mes parents et mes frères et sœurs qui m’accom-
pagnent dans tous mes choix.
D’un point de vue académique et professionnel, je voudrais remer-
cier:
• L’Ifomene de l’Institut catholique de Paris où de grands média-
teurs et de grandes médiatrices viennent partager avec intelli-
gence et professionnalisme leur savoir afin de propager l’esprit
de la médiation. Merci à Stephen Bensimon de diriger ce
projet avec brio. Plusieurs des idées de ce livre viennent de
ses cours de philosophie de la médiation. Je n’oublierai jamais
ce sentiment de m’ouvrir à un nouveau monde que j’ai res-
senti lors de sa conférence d’introduction. Merci à Raynald de
Choiseul de m’avoirmis sur la bonne voie. Merci à Hirbod
Dehghani-Azar de m’avoir mis le pied à l’étrier en m’offrant
ma première comédiation. Merci à Marthe Marandola pour sa
supervision extrêmement précieuse. Merci à Léonore Cousin
pour nos comédiations passionnantes et notamment toutes nos
discussions sur les personnalités difficiles. Et merci à Hugues
deRoquette pour ses conseils et notamment pour m’avoir
encouragé à passer le diplôme du CEDR de Londres.
• Les intervenants du diplôme universitaire de psychologie positive
de l’Université de Lorraine. La rencontre avec cette discipline a
été un tournant dans ma vie. Merci à Charles Martin-Krumm
et Ilona Boniwell pour leur générosité intellectuelleet leur
travail de précurseur en France. Merci à Nicolas Burel pour ses
cours sur la motivation, dont vous trouverez des traces dans le
livre. Merci à Marie-Jo Brennstuhl d’avoir réfléchi avec moi au
projet de thèse sur la résilience.
306 Remerciements
• L’équipe de Maria School, école disruptive et innovante, portée
par les sémillantes Agnès Alazard et Annabelle Bignon. Ce
sont elles qui m’ont non seulement mis sur la piste du thème
des conversations difficiles, mais aussi donné une tribune. Elles
m’ont encouragé à creuser mes sujets, mais surtout à savoir les
transmettre concrètement.
• Je n’oublie pas l’armée de coachs et de psychologues qu’il aura
fallu pour m’aider à trouver ma voie malgré mes différences
et mes blessures. Je pense à Catherine Muller et Monika
Miravet qui m’ont aidé à cicatriser. Comment oublier qu’il
y a encore quelques années, j’avais la phobie de parler en
public… et qu’aujourd’hui mon métier consiste essentiellement
à donner des conférences et à faire des formations… C’est la
preuve qu’un travail sur soi peut changer les choses. Merci
à mes trois coachs (oui, quand même, j’ai eu besoin d’aide)
Norbert Mallet, Jean-Paul Millon et Olivier Mekdjian.
• Une pensée pour l’équipe de l’association Empreintes
Accompagner le deuil, notamment Marie Tournigand et
Isabelle de Marcellus. Les trois années que j’ai passées
comme bénévole ont été d’une grande richesse humaine, mais
aussi professionnelle puisque, comme dit dans cet ouvrage,
je pense que le deuil est (ou devrait être) un vrai sujet dans
l’entreprise.
• Trois entrepreneurs m’ont fait confiance alors que je démarrais
tout juste, je n’oublierai jamais le rôle qu’ils ont joué: Erwan
L’Helguen, Baptiste Lauby et Bruno Callus. Je suis heureux
que nous soyons restés amis.
• Enfin, une pensée pour mes associés de VD Médiation Pierre
Lacagne, Philippe Brossier et Muriel Benarroche sans qui
cette formidable aventure n’aurait pas vu le jour. Je suis tellement
heureux que notre cabinet, jour après jour, aide des entreprises à
éviter le gâchis du conflit.
Remerciements 307
• Je termine par remercier mon éditrice Chloé Schiltz, je n’aime-
rais pas être à sa place, travailler avec moi a dû être compliqué !
Mais elle n’a rien lâché, tout en douceur. Bravo.
Mais, surtout, je remercie les centaines de personnes qui m’ont fait
du feedback. Je ne peux (et ne veux) pas tous vous citer, mais merci
pour les nombreux témoignages de l’impact positif des conversations
diciles sur votre vie professionnelle ou personnelle. Je suis touché
lorsque j’entends qu’une des idées que je partage a provoqué un déclic
ou a débloqué une conversation. C’est vous qui m’avez donné l’envie
d’écrire ce livre.
308 Remerciements
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Dépôt légal : février 2024
Achevé d’imprimer en février 2024 par GraphyCems
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