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Relecture : Jean-Michel Dramard, Julien Garric, Jean Maurette, Sylvain Reyt - Photographies : Emmanuel Demoulin (Vautour en vol), Gregory Odemer (curée) - Illustrations et conception graphique Julien Vergne - Ana 2014
leur attribuer un comportement de chasse et donc de
prédateur, sinon ce genre de fait serait beaucoup plus On ne peut donc pas parler de changement
fréquent. de pratiques alimentaire et encore moins de
De même, le comportement « familier » de certains mutation.
vautours vient du fait qu’il est possible pour eux de
trouver de la nourriture sur certaines exploitations où le
bétail mort n’est pas toujours emporté immédiatement Et les éleveurs ?
par l’équarrisseur. Des vautours peuvent ainsi s’habituer
à prospecter régulièrement ces zones car ils savent que Il est évident que pour les éleveurs qui ont assisté à ces
c’est une source d’alimentation régulière, particulièrement curées inhabituelles, cela constitue un choc. Choc qui est
au printemps (période de mise-bas). d’autant plus important que les conditions d’élevage sont
souvent difficiles et la précarité croissante dans l’élevage
Mais il s’agit toujours de cas isolés, ponctuels, extensif. La détresse de ces agriculteurs est réelle et
localisés dans la saison et sur des zones précises. légitime et n’est donc pas à remettre en question. En
Il s’agit, de plus, de comportements liés à quelques revanche, la nature des témoignages récoltés doit être
rares individus. Les vautours sont des oiseaux grégaires. analysée avec la plus grande rigueur, notamment la
Que l’un d’entre eux découvre de la nourriture et la manière dont leurs observations sont interprétées.
consomme sans trop de problèmes et les autres suivront
d’autant plus et d’autant plus vite qu’ils n’ont pas mangé C’est pour éviter les mauvaises interprétations et les
depuis longtemps.... C’est leur mode de fonctionnement conclusions hâtives que nous continuons de dire qu’il faut
normal. Ce sont souvent les plus affamés qui osent se que des expertises ou contre-expertises indépendantes
poser en premier, qui prennent le plus de risques ou puissent être réalisées de façon rapide et efficace afin de
sont les plus agressifs dans la curée. Ce n’est d’ailleurs trouver des solutions adaptées permettant de protéger le
pas forcément toujours le même individu qui est le plus bétail comme les vautours.
téméraire, c’est juste le plus affamé. La mise en place de plates-formes d’équarrissage
évitant des contraintes coûteuses pour les éleveurs et
Sans étude précise de comportement, on ne peut concentrant les vautours sur des zones éloignées des
qu’émettre des hypothèses à partir d’observations exploitations est une solution qui a fait ses preuves.
parcellaires ne permettant pas de conclure sur un D’autres sont à trouver ensemble en fonction du contexte.
changement de comportement et encore moins
d’en tirer des généralités.
En comparaison, ce serait aussi absurde que de voir Pour aller plus loin
un musicien virtuose et d’en conclure que tous les êtres
humains sont des musiciens virtuoses. Nous vous conseillons la lecture d’un article complet
de Jean-Pierre Choisy qui se penche sur la question des
vautours depuis de nombreuses années et qui apporte
Vautours mutants ? une analyse scientifique très intéressante sur le sujet :
Vautour fauve et bétail : éco-éthologie alimentaire,
Peut-on parler de mutation des vautours charognards évolution, controverse (http ://bdm.typepad.com/files/
en prédateurs ou même de changement de mœurs ? Si choisy-2013-no.pdf)
l’évolution des mœurs et des pratiques alimentaires peut
effectivement évoluer au sein d’une espèce cela prend Le Vautour fauve, de Bertrand Eliotout et paru chez
de nombreuses générations et il faut pour cela que Delachaux et Niestlé est également une référence sur
les conditions globales du milieu (habitat, ressources cette espèce.
alimentaires…) soient profondément chamboulées,
Julien Vergne, Coordinateur suivis rapaces