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Commentaire d’arrêt

CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 18/06/2020, 18VE03429-18VE03430, Inédit au recueil


Lebon

CAA de VERSAILLES - 6ème chambre

• N° 18VE03429-18VE03430
• Inédit au recueil Lebon

Lecture du jeudi 18 juin 2020

Président

Mme BESSON-LEDEY

Rapporteur

M. Fabrice MET

Rapporteur public

M. ERRERA

Avocat(s)

SELARL D'AVOCATS CM-TAX ; SELARL D'AVOCATS CM-TAX ; SELARL


D'AVOCATS CM-TAX

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

I) Mme C... G..., épouse E..., a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de la décharger, en
droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales
auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013, pour un montant de 206 272 euros.

Par un jugement n° 1703433 du 26 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette
demande.

II) M. F... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de le décharger, en droits et pénalités,
des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été
assujetti au titre de l'année 2013, pour un montant de 1 068 146 euros.

Par un jugement n° 1703431 du 26 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette
demande.

Procédures devant la Cour :


I) Par une requête, enregistrée sous le n° 18VE03429 le 15 octobre 2018, Mme G...l, épouse E...,
représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu, de taxe de l'article 1609
nonies G du code général des impôts et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre
de l'année 2013 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative.

Elle soutient que :


- la convention fiscale franco-belge ne vise que les biens immobiliers et ne contient aucune stipulation
visant à étendre le droit de la France d'imposer la plus-value de la cession de parts d'une société à
prépondérance immobilière ;
- le caractère mobilier des parts d'une société civile immobilière ne permet pas à ces parts d'être
considérées comme des immeubles ;
- le paragraphe 2 du protocole annexé étend la notion de bien immobilier aux seules sociétés visées à
l'article 1655 ter du code général des impôts, ce que n'est pas la SC Villa les Cigales 2 ;
- en l'absence de stipulations particulières, la plus-value réalisée est imposable en Belgique, en
application de l'article 18 de la convention.

..................................................................................................

II) Par une requête, enregistrée sous le n° 18VE03430 le 15 octobre 2018, M. E..., représenté par Me
D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;
2° de le décharger, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu, de taxe de l'article 1609
nonies G du code général des impôts et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de
l'année 2013 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative.

Il soutient que :
- la convention fiscale franco-belge ne vise que les biens immobiliers et ne contient aucune stipulation
visant à étendre le droit de la France d'imposer la plus-value de la cession de parts d'une société à
prépondérance immobilière ;
- le caractère mobilier des parts d'une société civile immobilière ne permet pas à ces parts d'être
considérées comme des immeubles ;
- le paragraphe 2 du protocole annexé étend la notion de bien immobilier aux seules sociétés visées à
l'article 1655 ter du code général des impôts, ce que n'est pas la SC Villa les Cigales 2 ;
- en l'absence de stipulations particulières, la plus-value réalisée est imposable en Belgique, en
application de l'article 18 de la convention.
..................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles
impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière
d'impôts sur le revenu, modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :


- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me D..., pour Mme G..., épouse E..., et M. E....

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 novembre 2013, Mme G..., épouse E..., et M. E..., résidents fiscaux belges, ont cédé les droits
qu'ils détenaient au sein de la société civile (SC) Villa les Cigales 2, elle-même propriétaire d'un
immeuble à Saint-Raphaël (Var). En l'absence de déclaration des plus-values dégagées par cette
cession, l'administration fiscale a taxé d'office, entre leurs mains, les gains en cause au prélèvement
prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts, à la taxe prévue à l'article 1609 nonies G du
même code et au prélèvement de solidarité. Les époux E... ont demandé au Tribunal administratif de
Montreuil de les décharger, en droits et pénalités, chacun en ce qui le concerne, de l'imposition mise
en conséquence à leur charge. Ils relèvent appel des jugements du 26 juin 2018 par lesquels cette
juridiction a rejeté leurs demandes.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées nos 18VE03429 et 18VE03430 présentent à juger les mêmes questions et ont
fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. En application du paragraphe I de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction
applicable aux impositions en litige, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées
en France au sens de l'article 4 B du même code, sont soumises, sous réserve des conventions
internationales, à un prélèvement spécifique sur les plus-values résultant, notamment, de la cession de
droits portant sur des biens immobiliers, selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219.
Aux termes du paragraphe I de l'article 150 UB du code général des impôts : " Les gains nets retirés de
cessions à titre onéreux de droits sociaux de sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter,
dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens, sont soumis
exclusivement au régime d'imposition prévu au I et au 1° du II de l'article 150 U. Pour l'application de
cette disposition, sont considérées comme sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont
l'actif est, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, constitué pour plus de 50 % de sa
valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés par ces sociétés
à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non
commerciale. (...) ". En l'espèce, il n'est contesté ni que les requérants sont des résidents fiscaux
belges, ni que la SC Villa les Cigales 2 revêt la nature d'une société à prépondérance immobilière. Dès
lors, au regard de la loi fiscale, l'administration a pu valablement soumettre au prélèvement de l'article
244 bis A du code général des impôts les gains de cession des droits détenus par les intéressés au sein
de cette société.
En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-belge :
4. Aux termes de l'article 3 de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 susvisée : " 1. Les
revenus provenant des biens immobiliers, y compris les accessoires, ainsi que le cheptel mort ou vif
des entreprises agricoles et forestières ne sont imposables que dans l'Etat contractant où ces biens sont
situés. / 2. La notion de bien immobilier se détermine d'après les lois de l'Etat contractant où est situé
le bien considéré. (...) / 4. Les dispositions des paragraphes 1 à 3 (...) s'appliquent également aux
bénéfices résultant de l'aliénation de biens immobiliers ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 15
de cette convention : " Les dividendes ayant leur source dans un Etat contractant qui sont payés à un
résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat ". Selon l'article 18 de cette
convention : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente Convention n'en disposent pas
autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat
". Et aux termes de l'article 22 de cette convention : " Tout terme non spécialement défini dans la
présente Convention aura, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que
lui attribue la législation régissant, dans chaque Etat contractant, les impôts faisant l'objet de la
Convention ".
5. Le paragraphe 2 du protocole final de cette convention stipule : " L'article 15, paragraphe 1, ne
s'oppose pas à ce que la France, conformément aux dispositions de sa loi interne, considère comme des
biens immobiliers, au sens de l'article 3 de la Convention, les droits sociaux possédés par les associés
ou actionnaires des sociétés qui ont, en fait, pour unique objet, soit la construction ou l'acquisition
d'immeubles ou de groupes d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être
attribuées à leurs membres en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes
d'immeubles ainsi divisés. La Belgique pourra toutefois imposer, dans les limites fixées aux articles
15, paragraphes 1 et 2, et 19-A, paragraphe 1, les revenus tirés par des résidents de la Belgique de
droits sociaux représentés par des actions ou parts dans lesdites sociétés résidentes de la France ".
6. Pour déterminer la notion de bien immobilier au sens et pour l'application de la dernière phrase du
paragraphe 4 de l'article 3 de la convention du 10 mars 1964, il convient, conformément aux
stipulations de cet article, de se référer aux lois de l'Etat contractant où est situé le bien considéré et,
ainsi qu'il est prévu à l'article 22, de retenir, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la
signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque Etat contractant, les impôts faisant
l'objet de la convention. Sont dépourvues d'incidence à cet égard, les stipulations du paragraphe 2 du
protocole final de cette convention, qui ont pour unique objet de qualifier de biens immobiliers, au
sens de la convention, les parts de sociétés relevant de l'article 1655 ter du code général des impôts.
L'article 244 bis A cité au point 3 assimile à des biens immobiliers, notamment, les parts des sociétés
civiles à prépondérance immobilière, lors de leur aliénation par une personne qui n'est pas fiscalement
domiciliée en France. Dès lors, la plus-value de cession des parts de la SC Villa les Cigales 2 était
imposable en France, en vertu du paragraphe 4 de l'article 3 de la convention fiscale franco-belge. Par
conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'imposition de cette plus-value relevait de
l'article 18 de la même convention.

7. Il résulte de ce qui précède que les époux E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par
les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes. Par voie de
conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes nos 18VE03429 et 18VE03430 de Mme G..., épouse E..., et de M. E... sont
rejetées.
2
Nos 18VE03429....

Analyse

• Abstrats

CETAT19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles


générales. Impôt sur le revenu.
Plus-values immobilières des résidents belges : le Conseil d’Etat valide l’imposition en France des
cessions de parts de SCI
On se souvient que le tribunal administratif de Melun avait rendu l’an dernier plusieurs décisions que
nous avions trouvées très critiquables ( https://blog.bornhauser-avocats.fr/index.php/2020/01/15/plus-
values-immobilieres-des-residents-belges-deux-jugements-inquietants-du-tribunal-administratif-de-
montreuil/).

L’avocat en charge de ces litiges a eu l’idée astucieuse d’accélérer ses contentieux en attaquant
directement devant le Conseil d’Etat, par la voie d’un Recours pour Excès de Pouvoir, l’instruction
administrative ayant considéré que les plus-values de cession de titres des sociétés à prépondérance
immobilières non transparentes étaient imposables en France. Plus précisément, il demandait
l’annulation des mots « ainsi qu’aux droits détenus dans des sociétés civiles immobilières de toute
nature non régies par l’article 1655 ter du CGI et dont le patrimoine est composé essentiellement par
des immeubles autres que des terrains à usage agricole ou forestier ».

Par une décision n° 436392 du 24 février 2020 rendue aux conclusions de Karin Ciavaldini, les 8ème
et 3ème chambres du Conseil d’Etat lui donnent tort et valident l’instruction.

Pour parvenir à cette décision surprenante, les Hauts Magistrats commencent par rappeler que « pour
déterminer la notion de bien immobilier au sens (…) de la convention du 10 mars 1964, il
convient(…) de se référer aux lois de l’Etat contractant où le bien est situé et, ainsi qu’il est prévu à
l’article 22, de retenir, à moins que le contexte n’exige une autre l’interprétation, la signification que
lui attribue la législation régissant, dans chaque Etat contractant, les impôts faisant l’objet de la
convention ».

Or, l’article 244 bis A du CGI s’applique aux plus-values que les non-résidents réalisent lorsqu’ils
cèdent des parts « dans des sociétés ou organismes, quelle qu’en soit la forme, dont l’actif est
principalement constitué, directement ou indirectement, de biens et droits immobiliers. La loi fiscale
assimile ainsi à des biens immobiliers, notamment, les parts des sociétés civiles à prépondérance
immobilière ».

La conclusion tombe, implacable : l’instruction administrative « n’a pas retenu une inexacte
interprétation » de la Convention.

Dire que nous trouvons cette décision décevante relève de la litote. De notre point de vue, cet arrêt
constitue une véritable révolution dans la manière d’interpréter et d’appliquer les accords
internationaux et il y a peu de chances que les Etats étrangers avec lesquels la France est liée par des
traités la jugent positive.

En premier lieu, le Conseil d’Etat qualifie une notion juridique en fonction de son régime fiscal. Or,
lorsque la Convention renvoie au droit, c’est au droit civil, car c’est ce droit qui définit les concepts
utilisés. Ce n’est qu’à titre subsidiaire que la signification de la notion doit être comprise en utilisant
les concepts du droit fiscal.

L’exemple typique de cet exercice nous est donné par les sociétés transparentes de l’article 1655 ter du
CGI, qui sont d’ailleurs visées expressément, mais de manière surabondante selon le Conseil d’Etat –
que nous approuvons sur ce point – par le Protocole à la Convention. Ce sont des sociétés au sens du
droit civil mais le droit fiscal les répute inexistantes. Partant, elles constituent des immeubles pour
l’application de la Convention.

Mais tel n’est pas le cas des sociétés relevant de l’article 8 du CGI, qui ne sont pas transparentes mais
simplement translucides : elles ont une personnalité fiscale, même si elles transmettent leur résultat à
leurs associés aux fins d’imposition. Les cessions de leurs parts relèvent bien de l’article 244 bis A du
CGI, mais parce que ce texte les visent en tant que telles, pas parce qu’il les répute inexistantes.

Il y donc là une position parfaitement contradictoire avec la jurisprudence antérieure du Conseil, en


particulier la décision « Banque Française de l’Orient » cité dans notre précédente chronique, qui a
jugé que lorsque la définition des dividendes est stricte, elle n’englobe pas les revenus réputés
distribués, alors même que ces derniers sont soumis au même régime. Le Conseil d’Etat a-t-il
réellement pensé opérer un revirement de jurisprudence ? C’est peu probable puisque la décision ne
sera même pas mentionnée aux tables du Lebon. Pourtant, les deux décisions nous paraissent
difficilement compatibles.

En second lieu, cette décision valide la pratique consistant à modifier les règles de la Convention en
changeant le droit interne. En germe depuis la décision « Schneider Electric » du 28 juin 2002
(Assemblée, n° 232276), elle reçoit ici une consécration éclatante. Nous ne sommes pas sûrs que les
Etats étrangers avec lesquels notre pays conclut des traités fiscaux apprécient l’art et la manière de
récupérer de la matière imposable à leur détriment. Il est probable que l’Etat belge ne se plaindra pas
puisqu’il ne taxe pas les plus-values de cession de droits sociaux. Mais ce n’est même pas certain car
si elle est encore marginale, la taxation est possible en Belgique et connaît même une certaine
accélération sous la pression du fisc belge, qui interprète de manière de plus en plus étroite la notion
de « gestion d’un patrimoine privé en bon père de famille », qui fonde l’exonération des cessions de
titres.

En troisième lieu, elle crée une nouvelle divergence avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui,
pour l’application de la Convention franco-monégasque en matière de droits de succession, a adopté
en 2015 la position inverse (Cass. Plén, 2 octobre 2015, n° 14-14.256). Il est d’ailleurs perturbant de
relever que c’est le même Rapporteur public, Madame Ciavaldini, qui citait cette décision dans ses
conclusions sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 10 juillet 2019 (n° 425148 ; Droit Fiscal 50/19, comm.
483) pour illustrer la méthode d’interprétation des Conventions fiscales qu’elle recommandait de
suivre. A-t-elle radicalement changé d’avis en 7 mois ?
En dernier lieu, le champ d’application de cette décision reste flou.
S’applique-t-elle à toutes les sociétés civiles immobilières quel que soit leur régime fiscal ou
seulement à celles qui relèvent de l’impôt sur le revenu ? Lu littéralement, c’est une application large
qui semble prévaloir mais la question n’était pas non plus posée clairement. Toutefois, si l’on poursuit
le raisonnement adopté, il faut tout de même continuer appliquer le droit interne au-delà de l’article
244 bis A qui ne constitue qu’un texte d’aiguillage et si l’assimilation des titres des sociétés à
prépondérance immobilière fiscalement translucides aux immeubles est effectivement prévue par
l’article 150 A bis du CGI, elle est en revanche écartée par celles qui sont assujetties à l’impôt sur les
sociétés. La jurisprudence et, en premier lieu, la Cour Administrative d’Appel de Versailles qui se
prononcera sur les affaires jugées à Melun, aura à se prononcer sur ce point.

Finalement, le tribunal administratif de Melun aurait-il correctement anticipé l’évolution de la


jurisprudence ? Si cela se confirmait, nous aurions droit à un « Pan sur le bec » !
Résidence fiscale,
Plus-values immobilières des résidents belges : Deux jugements inquiétants du tribunal administratif
de Montreuil
On sait que conformément à l’article 244 bis A du CGI, les non-résidents qui cèdent un bien
immobilier situé en France, qu’il soit détenu directement ou par l’intermédiaire d’une société à
prépondérance immobilière et quel que soit le régime fiscal de cette dernière, sont redevables d’un
prélèvement égal à 19 % de la plus-value majoré des prélèvements sociaux au taux de 17,2 % (ou 7,5
% pour les résidents européens assujettis à un régime social non-français : UE, EEE et Suisse).

On sait aussi que ce prélèvement peut être écarté en présence d’une convention fiscale conclue en vue
d’éviter les doubles impositions. Cependant, le seul cas de figure en pratique est celui des vieilles
conventions fiscales qui ne visent pas les titres de sociétés à prépondérance immobilières.

Par deux décisions dont nous n’avons pris connaissance que très récemment, le TA de Montreuil (17
avril 2017, n° 1701414 et 26 juin 2018, n° 1703431) a considéré que la convention franco-belge, qui
ne contient pas de clause spécifique aux gains en capital, attribuait le droit d’imposer les plus-values
de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière à la France, validant ainsi la doctrine
administrative (BOI-INT-CVB-BEL-10-10, n° 100).

Pour arriver à cette conclusion pour le moins surprenante, le tribunal considère que la convention
fiscale doit être interprétée par référence au droit fiscal français et comme celui-ci assimile, pour
l’application de l’impôt sur les plus-values, les titres de sociétés à prépondérance immobilière aux
immeubles, le droit d’imposer est attribué à la France par l’article 3 relatif aux revenus immobiliers.
Notons au passage qu’à l’appui de son raisonnement mais sans que l’on sache exactement quelle était
exactement sa place dans celui-ci, le tribunal cite le protocole final annexé à la convention qui prévoit
effectivement expressément (mais de manière restrictive) que la France se réserve le droit de taxer les
plus-values sur les parts de sociétés transparentes (les sociétés visées à l’article 1655 ter du CGI).

Cette décision prend clairement à contrepied le raisonnement que tient en matière de conventions
internationales le Conseil d’Etat, qui considère que la référence au droit d’un Etat contractant renvoie
aux concepts du droit civil. c’est ainsi qu’il a jugé qu’une convention traitant des dividendes sans viser
expressément les revenus distribués ne permet pas à la France d’appliquer sa retenue à la source sur les
revenus réputés distribués (CE 13 octobre 1999, n° 190083, Banque Française de l’Orient). Or, en
droit civil, des parts d’une société, fût-elle à prépondérance immobilière, sont des biens de nature
mobilière et non des immeubles.

Certes, il n’existe à ce jour et à notre connaissance aucune jurisprudence du Conseil d’Etat confirmant
notre interprétation. Toutefois, la Cour de cassation, sur l’application de la convention franco-
monégasque en matière de droits de succession du 1er avril 1950, a refusé d’assimiler les parts d’une
société à prépondérance immobilière en France à un immeuble français et a donc annulé l’imposition
de l’héritier aux droits de succession français sur la valeur de ces parts (Cass. Plén, 2 octobre 2015, n°
14-14.256).
Il est intéressant de noter que cette jurisprudence judiciaire est citée par Madame Karin Ciavaldini,
Rapporteur Public au Conseil d’Etat, dans ses conclusions rendues sous une décision très récente du
Conseil d’Etat concernant précisément la convention franco-belge où était en cause la qualification au
regard du droit civil français des produits de rachat d’un contrat d’assurance-vie pour l’application de
cette convention fiscale (CE 10 juillet 2019, n° 425148 ; Droit Fiscal 50/19, comm. 483).
Pour illustrer la méthode d’interprétation de la convention dans son cas particulier, le Rapporteur
Public rappelle qu’il convient de… « retenir une qualification unique pour les contrats d’assurance-vie
(…) sans s’intéresser aux actifs sous-jacents au contrat, qui peuvent relever de différents articles de la
convention (dividendes, revenus de créances…), le contrat fonctionnant comme un écran ». Et
Madame Ciavaldini de citer en exemple la jurisprudence de la cour de cassation susmentionnée de la
manière suivante : « V. par analogie, la jurisprudence selon laquelle des parts ou actions de société ont
une nature mobilière et non immobilière, quand bien même la société serait à prépondérance
immobilière ».

Pour être tout à fait complet, on doit également citer une décision plus récente du TA Montreuil (7 juin
2019, n° 1705505) qui a jugé que comme le droit fiscal français traite les plus-values de cession de
titres de sociétés à prépondérance immobilière soumises à l’impôt sur les sociétés comme des plus-
values mobilières, la convention fiscale franco-belge attribue le droit d’imposer ces titres
exclusivement à la Belgique en application de son article 18 (la clause « balais »).

Si nous nous réjouissons pour les résidents belges qui cèdent des titres de sociétés à prépondérance
immobilière soumises à l’impôt sur les sociétés dès lors que la Belgique ne taxe en principe pas ce
type de plus-value, nous constatons que c’est le même raisonnement erroné – le renvoi au droit fiscal
français – qui motive cette décision.

Nous attendons donc avec impatience les décisions que rendra prochainement la Cour Administrative
d’Appel de Versailles sur cette question, en espérant que cette dernière saura retrouver la voie de
l’orthodoxie juridique.

Le sujet de la détention de biens immobiliers via une société civile immobilière (SCI)
française par des résidents belges fait décidément couler beaucoup d’encre ces
dernières années. Après la double imposition sur les revenus effectivement
distribués (1), c’est désormais au tour de la plus-value réalisée lors de la cession de parts
de SCI de faire parler d’elle.

L’Administration fiscale française avait en effet publié en 2012 un commentaire dans


lequel était précisé que les parts de SCI de toute nature doivent être considérées
comme des biens immeubles et qu’ainsi le pouvoir d’imposition de la plus-value
constatée sur ces parts par des résidents belges revient à la France (2). Or, une décision
publiée le 24 février 2020 (3) suite à un recours contre le Conseil d’État a validé cette
interprétation comme étant conforme à la convention préventive de double imposition
conclue entre la France et la Belgique.

Les questions que nous pouvons alors nous poser sont les suivantes :

• Dans quelle mesure les SCI françaises constituent-elles des biens immeubles au
sens de l’application de la convention signée entre la France et la Belgique ?
• Est-ce que la vente de parts d’une SCI française par un résident belge implique
désormais automatiquement une imposition en France ?

Définition d’un bien immobilier au sens


de la convention franco-belge
La convention préventive de double imposition conclue entre la France et la Belgique
prévoit en son article 3 que pour tout revenu tiré d’un bien immobilier (en ce compris
la plus-value réalisée lors de la vente de celui-ci), le pouvoir d’imposition est attribué au
pays dans lequel le bien est situé.

Dès lors, est-ce qu’une société française composée majoritairement de biens


immobiliers est assimilée à un bien immobilier au sens de la convention ? Cette question
est en effet essentielle car si le pouvoir d’imposition devait être attribué à la Belgique,
le contribuable résident belge pourrait bénéficier du régime d’exonération des plus-
values sur actions.

D’après la convention, la notion de bien immobilier s’apprécie au regard du droit de


l’État où est situé le bien en question. Ainsi, la SCI étant une structure juridique
française, son caractère immobilier doit donc s’apprécier au regard du droit français.

Or, dans un commentaire administratif publié le 12 septembre 2012, l’Administration


fiscale française a retenu une interprétation extensive de la convention en admettant
que les SCI, en tant que sociétés à prépondérance immobilière, doivent être
appréhendées en tant que biens immobiliers visés à l’article 3 de la convention.

Recours contre le Conseil d’État


Suite à la publication de ce commentaire, de nombreux contribuables non-résidents ont
vu leur plus-value de cession de parts de SCI imposée en France. Plusieurs recours ont
ainsi été introduits, le Tribunal Administratif de Montreuil ayant récemment rendu
plusieurs décisions.

Parallèlement, cette interprétation extensive a été contestée devant le Conseil d’État


français le 2 décembre 2019, dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir, cette
technique judiciaire française permettant d’accélérer la procédure sur les faits contre la
norme prise par l’exécutif. L’objet de cette demande consistait en l’annulation d’un
paragraphe controversé des commentaires administratifs.

Cependant, dans une décision publiée le 24 février 2020, le Conseil d’État a rejeté cette
demande en annulation et a considéré que ce même paragraphe ne retient pas une
inexacte interprétation de la convention. Autrement dit, en validant la doctrine
administrative, la plus-value de cession de parts de SCI reste imposable en France à titre
de revenu immobilier.

Négociation d’une nouvelle


convention en cours
Même si cette décision nous semble surprenante à plusieurs niveaux, le débat pourrait
être définitivement clos dans un futur proche, la France et la Belgique étant en cours
de négociation en vue de la rédaction d’une nouvelle convention préventive de double
imposition. Rappelons que la convention actuelle avait été signée par les deux pays il y
a plus de 50 ans (4). Il est ainsi dommageable que le Conseil d’État ait validé cette
interprétation extensive de l’administration fiscale dans ce contexte, d’autant que la
prépondérance immobilière est vraisemblablement l’un des sujets majeurs qui sera
analysé.

Espérons donc que la nouvelle version clarifiera toutes les problématiques de


traitement fiscal que rencontrent actuellement les résidents belges qui détiennent des
biens immobiliers au travers d’une SCI française.

Dans cette attente, n’hésitez pas à nous contacter pour obtenir plus d’informations.

(1) D’après des arrêts rendus par la Cour de Cassation belge les 29 septembre 2016 et 21
septembre 2017, les distributions effectuées par une SCI française sont qualifiées en tant
que dividende, imposable en Belgique au précompte mobilier au taux de 30%, en plus de la
fiscalité française déjà subie sur les revenus fonciers perçus.

(2) BOI-INT-CVB-BEL-10-10

(3) Conseil d’État, Chambres réunies, décision n° 436392 du 24 février 2020

(4) La convention a été signée le 10 mars 1964 et est en vigueur depuis le 17 juin 1965

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