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Babacar : Pour ce dernier colloque de l’année, nos experts ont choisi d’aborder le
thème de la qualification des revenus en matière de convention fiscale
internationale .Cet exercice de qualification, quoique fascinant, peut poser des
problèmes. Pour vous en donner un exemple, nos experts seront amenés à vous
présenter et commenter une décision du Conseil d’Etat rendue le 24 février 2020
portant sur la qualification des parts de SCI.
Je vous présente, Maître Tiani, associée dans le cabinet VOL’HEUR, Maître
Aquereburu, avocate dans le cabinet PICSOU et Conseiller d’Etat Boussouf. Ils
interviendront chacun pour analyser cette jurisprudence. (slide)
Johanna : Bonjour.
Babacar : Merci Chers fiscalistes de nous honorer de votre présence. Nos étudiants
sont ravis de rencontrer d'éminents spécialistes comme vous.
Johanna : Les faits sont assez classiques. En l’espèce, un résident fiscal belge
avait cédé en 2013 les parts qu’il détenait dans une SCI de droit français. Cette
même SCI était propriétaire d’un immeuble unique situé en FR.
A la suite de cette cession, le contribuable n’avait pas déclaré la PV que l’opération
lui a permis de dégager. Pour ce dernier, les parts de la SCI était des biens
mobiliers, ainsi la PV de cession aurait dû être imposée dans l’Etat de résidence, soit
en Belgique par application de l’article 18 de la CF dans la ctg des revenus innomés.
L’administration fiscale avait un avis contraire. Elle a donc procédé à une taxation
d’office à raison de la PV de cession sur le fondement de l’article 244 bis A CGI.
Ce texte permet à la France d’imposer au taux forfaitaire de 19%, les PV réalisés par
les personnes non domiciliées fiscalement en FR. Les cessionnaires visés par ce
texte peuvent être des particuliers comme dans le cas d’espèce.
Hélène : Le résident fiscal belge a saisi le T.A de Montreuil pour le décharger des
droits et pénalités auxquels il a été assujetti à la suite de la taxation d’office. La
juridiction a rejeté sa demande et a considéré que la convention FR-BEL attribue le
droit d’imposer les plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance
immobilière à la France.
Il a donc interjeté appel du jugement et en parallèle a saisi le C.E d’une demande en
annulation pour excès de pouvoir du paragraphe 130 des commentaires administratifs publiés
au Bulletin officiel des finances publiques, par lequel l'administration a fait connaître son
interprétation des stipulations précitées de l'article 3 de la convention du 10 mars 1964 .
citation du paragraphe présent sur PPT référence BOI-INT-CVB-BEL-10-10, publiés
le 12 septembre 2012). Cet article étend à toutes les sociétés à prépondérance
immobilière en France le protocole additionnel à la Convention, lequel qualifie de
biens immobiliers les parts de sociétés immobilières transparentes. slide
Citation du n°130 que « Le paragraphe 2 du protocole susvisé n'ayant pas un
caractère limitatif, il convient de considérer que le même caractère doit être reconnu
aux droits détenus dans des sociétés dont l'actif est constitué principalement par des
terrains à bâtir ou des biens assimilés, ainsi qu'aux droits détenus dans des sociétés
civiles immobilières de toute nature non régies par l'article 1655 ter du CGI et dont le
patrimoine est composé essentiellement par des immeubles autres que des terrains
à usage agricole ou forestier ).
Johanna : La question de droit soulevée par ces faits : les parts d’une société à
prépondérance immobilière sont-ils des biens mobiliers ou immobiliers. Puis
d’identifier l’État de rattachement des PV de cession de ces parts de SCI de
droit fr détenues par un résident belge.
Babacar : Mr Boussouf, j’ai ouï dire que vous avez participé à la prise de cette
décision. Pourriez-vous nous présenter la solution du Conseil d’Etat.
Redoine : Oui, vous avez tout à fait raison. Il ne s’agit pas d’une fake news ! C’était
une décision compliquée à motiver mais intéressante en pratique. Pour répondre à la
question de droit, le Conseil d’Etat a raisonné en 2 temps.
Dans un premier temps, la Haute juridiction indique se référer aux lois de l’Etat
contractant où le bien immobilier est situé et retenir la qualification que lui attribue la
législation régissant dans chaque Etat contractant, les impôts faisant l’objet de la
convention. Le Juge administratif précise que sont donc dépourvues d’incidence, les
stipulations du paragraphe 2 du protocole final de la convention qui ont pour unique
objet de qualifier de biens immobiliers, au sens de la convention, les parts de
sociétés relevant de l’article 1655 ter du Code général des impôts.
Dans un second temps, pour qualifier les parts sociales de biens immobiliers, le C.E
se réfère à l’article 244 bis A du CGI, applicable aux PV réalisées par les personnes
physiques non fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du même
Code. Il s’agit de PV résultant de la cession de parts que ces personnes détiennent
dans les sociétés ou organismes dont l'actif est principalement constitué, directement
ou indirectement, de biens ou droits immobiliers.
Le Conseil d'Etat juge que " la loi fiscale assimile ainsi à des biens immobiliers,
notamment, les parts des sociétés civiles à prépondérance immobilière, lors de leur
aliénation par une personne qui n'est pas fiscalement domiciliée en France.” Par
conséquent, il soutient que le paragraphe 130 des commentaires administratifs n’a
pas retenu une interprétation inexacte des stipulations de la dernière phrase du
paragraphe 4 de l’article 3 de la convention du 10 mars 1964.
Citation sur le diapo : “ L'article 244 bis A du code général des impôts, applicable aux
plus-values immobilières réalisées par les personnes physiques qui ne sont pas
fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, soumet à ce régime les
plus-values que ces personnes réalisent lors de la cession de parts qu'elles
détiennent dans les sociétés ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont l'actif
est principalement constitué, directement ou indirectement, de biens ou droits
immobiliers. “ “ La loi fiscale assimile ainsi à des biens immobiliers, notamment, les
parts des sociétés civiles à prépondérance immobilière, lors de leur aliénation par
une personne qui n'est pas fiscalement domiciliée en France. Dès lors, le
paragraphe 130 des commentaires en litige n'a pas retenu une inexacte
interprétation des stipulations de la dernière phrase du paragraphe 4 de l'article 3 de
la convention du 10 mars 1964.”
Hélène : Merci Monsieur. De cette décision nous pouvons retenir au moins deux
enseignements. D’une part l’exclusion des parts de sociétés semi-transparentes du
champ du protocole additionnelle et d’autre part l'extension de la qualification de
biens immobiliers aux titres de sociétés à prépondérance immobilière semi-
transparentes à travers une méthode de qualification du revenu assez particulière.
Hélène : Je vous en prie. Pour revenir à mes propos , le Conseil d'État rappelle que
ce protocole additionnel ne peut être interprété de manière extensive,tout comme le
soutenait l'administration fiscale. En d’autres termes , nous ne pouvons pas faire des
interprétation à contrario du texte . Son champ d'application ne peut ainsi être étendu
aux parts de sociétés semi-transparentes pour qualifier celles-ci d'immeubles au
sens conventionnel. Il a donc un unique objectif : qualifier les SCI semi transparente.
Il convient en effet de rappeler que la loi fiscale est d'interprétation stricte.
Rédoine : Je vous remercie Madame. Il serait bien de rappeler que les plus-values
de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière relèvent de
dispositions différentes selon que le cédant est résident de France ou non-résident.
Le juge est donc face à deux méthodes.
Une première méthode consiste à se référer d'abord aux dispositions prévues pour
les résidents pour déterminer la nature mobilière ou immobilière de ces actifs.Les
plus values de la cession selon alors qualifié compte tenu des dispositions
applicables aux résidents français. Cette méthode a été appliquée par le tribunal
administratif de Montreuil dans un jugement du 7 juin 2019 (TA Montreuil, 7 juin
2019, n° 1705505 : JurisData n° 2019-024865 ; RJF 1/20, n° 57, concl. G. Thobaty)
impliquant une société belge (relevant du régime de l'impôt sur les sociétés), laquelle
avait procédé à la cession de parts d'une société civile immobilière soumise à l'impôt
sur les sociétés.
Babacar : Merci très cher intervenant. Au regard de vos différents passages nous
constatons que vous avez exposé, expliqué la décision du juge. Mais nous voudrions
connaitre vos différentes positions et vos critiques face à cette décision du juge.
Redoine : Je suis désolée de vous interrompre , mais je précise que depuis 1995, le
modèle de convention fiscale OCDE en matière d'impôt sur le revenu a été revu pour
prévoir que lorsque la convention renvoie au droit interne, cette qualification doit
s'entendre au sens de la législation fiscale. (slide : applicable aux impôts visés par la
convention, « le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet État
prévalant sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet État »).
Donc je suis navrée pour vous mais la qualification mobilière ou immobilière des
titres de société à prépondérance immobilière pour ces conventions intégrant cette
modification, ne relève donc plus du droit civil mais du droit fiscal. Certes, La
convention fiscale franco-belge en matière d'impôt sur le revenu a été négociée
avant cette modification du modèle OCDE, mais elle contient cependant une
disposition similaire en son article 22 (slide “: l'article 22 de cette convention stipule
en effet que « tout terme non spécialement défini [...] aura, à moins que le contexte
n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation
régissant, dans chaque État contractant, les impôts faisant l'objet de la convention ».)
Hélène : je vous précise aussi monsieur, que selon l'administration fiscale (BOI-INT-
CVB-BEL-10-10- 20120912, § 110 et s.), et je cite « par biens immobiliers entrant
dans le champ d'application de l'article 3, il faut entendre d'une manière générale,
ainsi que le précise le paragraphe 2 de cet article, tous les biens auxquels ce
caractère est reconnu par « les lois de l'État contractant ». Eu égard à sa généralité,
cette expression doit être interprétée comme comprenant aussi bien le droit fiscal
que le droit civil ».
Nous savons vous comme moi , que le droit français a toujours regardé les parts
sociales comme un biens mobiliers, (slide sur le plan civil, les titres de société
(même à prépondérance immobilière) constituent des actifs mobiliers (V. sur la
qualification mobilière des parts de sociétés au sens civil, Cass. 3e civ., 9 avr. 1970,
n° 68-13.956 : JurisData n° 1970-098234) ) on pouvait penser que les gains de cette
cessions de part de sociétés réalisé par ce résident belges relevait, comme tout
autre revenus « innomés » du pouvoir exclusif de l’Etat de la résidence , la
Belgique.Et vu que la Belgique ne reconnait pas l’existence de société semi-transparente il ne
sera pas imposé.
De plus, cette décision contredit frontalement un arrêt rendu par la formation la plus
élevée de la Cour de cassation (Cass. ass. plén., 2 oct. 2015, n° 14-14.256, préc.).
Dans cet arret , la haute juridiction judiciaire avait affirmé que les part de sociétés à
prépondérance immobilière sont des meubles en matière de droit de succession
avec Monaco. (faire un powerpoint sur les grands point de l'arrêt c’est l’arret le plus
important marqué les grandes ligne) ;
Redoine : Pour ma part, la décision que nous avons prise moi et mes collègues est
tout à fait logique c’est normal qu’il contredit celle de la cour de cassation. En effet,
La notion de société à prépondérance immobilière est purement fiscale et dispose
d'une définition autonome de la prépondérance immobilière pour chaque impôt. Pour
l'imposition en matière de plus-value de cession, aux sens des articles 244 bis A et
164 B du CGI, la prépondérance immobilière peut viser indifféremment les sociétés
cotées ou non cotées. Pour apprécier la prépondérance immobilière, il convient de
comparer la valeur vénale des immeubles situés en France Par contre pour
l'imposition aux droits de donation ou succession : l'article 750 ter, 2°, alinéa 4, du
CGI n'intègre dans la notion de société à prépondérance immobilière que les titres de
personnes morales étrangères non cotées. La société est à prépondérance
immobilière, si la valeur de ces immeubles et droits immobiliers situés en France
représente plus de 50 % de la valeur de l'actif social situé en France. ( slide si
possible pour faire des distinction)
Pour ma part, je salue l’attitude de l’avocat qui a été en charge de ce litige et qui a
eu l’idée astucieuse d’accélérer le contentieux en attaquant directement devant le
Conseil d’Etat, par la voie de recours pour excès d’un Recours pour excès de
Pouvoir, l’instruction administrative. Nul aurait été le refus du Conseil d’Etat d’annuler
cette instruction, son client aurait pu être déchargé des suppléments d’impositions du
fait de l’effet rétroactif de l’annulation. Mais bon, nous risquons plutôt des mises en
demeure par l’administration fiscale à raison des cessions de parts de SCI opérées
par le passé et non prescrites.
( C’est assez désolant aussi , de voir l’attitude du juge qui change la législation
interne pour modifier le jeu d’imposition. ce comportement , pourrait fragiliser les
relations entres les Etats et éveiller la méfiance des autres Etats au niveau de
l’application de la convention= redit dans un autre langage)
Pour infos, La France et la Belgique ont signé le 9 novembre 2021 à Bruxelles une
nouvelle convention en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion
fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune. Pour l’heure la convention
n’est pas encore entrée en vigueur. L’article 6 relatif au revenu immobilier ne parait
pas trancher la notion de mobilier ou immobilier les parts de sociétés civiles
immobilières.