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Traditionnellement, le soprano y incarne l’amour, la félicité et la confiance, et l’alto, la peine, l’âme endolorie, meurtrie. Le ténor, lui, chante
l’espérance, mais il y apparaît aussi comme l’homme souffrant de ses fautes. Or, malgré les apparences, il n’y a pas contradiction entre ces deux
« rôles ». Parce qu’il est chrétien, cet homme se sait pécheur et souffre de ses fautes ; mais toujours parce qu’il est chrétien, il lui est donné
d’espérer dans le pardon. Une seule et même voix doit donc faire comprendre cette ambivalence. Quant à la basse, tout le monde le sait alors,
c’est principalement vox Christi, la voix du Christ. Du Christ, et par extension de Dieu ou des prophètes.
La polyphonie de l’ars perfecta exemplifié par Josquin Desprez repose sur la logique du contrepoint faite, d’une part, de la superposition de plusieurs
voix équivalentes et, d’autre part, de la correspondance entre les consonances des différentes notes ou des différents points (punctum contra
punctum) des mélodies verticalement agencées et emmêlées. On retrouve cette logique proprement architecturale, structurale ou compositionnelle
dans la musique d’un Palestrina puis d’un Gabrieli. Pour ces derniers, il y a une objectivité ́ et une normativité ́ du contrepoint pensé comme l’archè au
sens grec – au sens de commencement non historique mais logique, c’est-à -dire de commandement – d’une musique naturelle non soucieuse
immédiatement d’effet affectif sur l’auditeur, laissant plutôt aux nombres faits sons le rôle de pénétrer l’âme et de la faire résonner au contact de
l’harmonia 4. Cette objectivité́ et cette normativité́ reposent sur une exigence d’unité́ , d’harmonie et d’équilibre qui permet de relier les dimensions
cosmologique, anthropologique et spirituelle de la musique. Comprendre l’univers, comprendre la place de l’homme dans cet univers, comprendre la
destination religieuse de l’homme qui doit saisir et interpréter le sens anagogique des choses comme des textes, telles sont les finalités
complètement enchâssées de la composition harmonique. Celle-ci permet en effet d’entendre la structure symbolique, analogique, ontologiquement
hiérarchisée – et pourtant une – de tout ce qui existe 5.
Une musique naturelle non soucieuse immédiatement d’effet affectif sur l’auditeur, laissant plutôt aux nombres faits sons le rôle de pénétrer l’âme et
de la faire résonner au contact de l’harmonia. Cette objectivité́ et cette normativité́ reposent sur une exigence d’unité́ , d’harmonie et d’équilibre qui
permet de relier les dimensions cosmologique, anthropologique et spirituelle de la musique. Comprendre l’univers, comprendre la place de l’homme
dans cet univers, comprendre la destination religieuse de l’homme qui doit saisir et interpréter le sens anagogique des choses comme des textes,
telles sont les finalités complètement enchâssées de la composition harmonique.